PMB, Gepi, Prométhée… et Framakey en service recommandé pour l’école

Shermeee - CC byNous vous avons déjà parlé des WebApps, ces nouvelles applications portables proposées par notre projet Framakey, qui permettent, sous Windows[1], de découvrir, tester et utiliser facilement des applications libres orientées web (CMS, wikis, blogs, forums…).

Ici quelques clics suffisent après téléchargement, et vous voici illico opérationnel. Sans cela, il faut soit disposer de go d’un espace internet (bien configuré), soit installer votre serveur en local avant d’installer l’application elle-même (parfois un peu complexe pour le non initié). L’idée de ce service est donc d’abaisser le niveau d’entrée d’accès à ces outils en permettant à un plus grand nombre de personnes de les évaluer, même si bien sûr l’espace internet demeure indispensable si vous souhaitez par la suite utiliser l’application en production (si ça n’est pas très clair, on pourra se rendre sur la FAQ dédiée).

Depuis notre annonce, de nouvelles applications sont venues enrichir le catalogue. On y trouve désormais DokuWiki, Drupal, Spip, WordPress, Claroline, Posh, Joomla, eyeOS, Piwigo, Itseasy et Mediawiki.

Mais on y trouve également depuis peu (merci JosephK) des logiciels libres métiers spécialement dédiés au monde éducatif (encore en bêta, donc ne pas hésiter à intervenir sur nos forums). Il ne s’agit pas de logiciels directement pédagogiques, comme par exemple GeoGebra (qui fait trembler Cabri). Il s’agit d’outils informatiques intervenant dans la vie scolaire de l’élève[2], en l’occurrence ici la gestion et recherche documentaire (PMB), le carnet de notes et de texte électronique (Gepi), et l’espace numérique de travail, plus connu sous le nom d’ENT (Prométhée).

Présentations synthétiques :

Nous le savons, il est plus difficile de faire « entrer du libre » dans l’univers restreint de ces applications métiers, de par la chasse-gardée séculaire du propriétaire (et son corollaire le poids des habitudes), la spécificité du développement, et le faible nombre de personnes intéressées a priori, impactant alors sur la constitution d’une solide communauté autour du logiciel. Et c’est encore plus difficile à l’Éducation nationale française dont ce blog pointe souvent la « frilosité » (quelque peu suspecte sur la durée) vis-à-vis du logiciel libre et sa culture.

C’est pourquoi on a récemment décidé d’encapsuler ces trois applications libres dont la qualité est parfois inversement proportionnelle à l’intérêt et au soutien qu’on leur manifeste en haut lieu (comme dirait Wikipédia références souhaitées). Et c’est bien dommage parce que rien de plus pertinent que de placer ce type de logiciels sous licence libre, histoire de ne pas réinventer la roue, de mutualiser la demande, de ne payer qu’une seule fois avec de l’argent public, de pouvoir choisir la roadmap, les formats et de garantir le respect des données personnelles… Enfin on connait les arguments, pas la peine de les exposer à nouveau ici (François Elie explique cela fort bien dans son livre Économie du logiciel libre).

Que les spécialistes me corrigent, mais ces trois applications sont, me semble-t-il, des « leaders libres » de leur domaine respectif. Nous sommes pour la pluralité mais on aurait quand même intérêt ici à mettre nos œufs dans le même panier en soutenant activement leur développement. Sinon la situation actuelle risque de prédominer encore longtemps : des établissement qui individuellement font l’achat de licences propriétaires (à l’échelle nationale, ça fait une sacrée somme) et des académies qui développent des outils chacune dans leur coin, fussent-ils libres.

Vous êtes un acteur du monde éducatif intervenant de près ou de loin dans les décisions TICE des établissements scolaires ? N’oubliez pas d’évaluer ces applications lorsque se pose la question de l’acquisition, du renouvellement ou des mises à jour de ces logiciels métiers. Ce ne seront pas forcément ces trois applications libres qui s’imposeront, mais c’est forcément la licence libre qui s’imposera tôt ou tard, ici comme ailleurs. Autant prendre tout de suite bon wagon, sachant que la Framakey ne risque pas d’occuper trop de place dans vos bagages 😉

Notes

[1] Pour rappel on travaille à ce que la Framakey ne reste plus exclusivement ancrée sous Windows.

[2] Crédit photo : Shermeee (Creative Commons By)




Petit passage télé pour Framasoft, Creative Commons et Jamendo

Le mardi 26 mai, on a parlé de culture libre[1] au cours de l’émission C’est mieux le matin de France 3 Rhône-Alpes Auvergne, en citant donc les Creative Commons, Jamendo et Framasoft.

Je vous laisse apprécier la pertinence (ou non) du propos !

Mais l’angle de tir est intéressant : Hadopi a stigmatisé le téléchargement illégal, qu’à cela ne tienne, parlons du téléchargement légal en associant trois exemples issus de la culture libre.

Bonne idée également de rappeler la possibilité de faire un don lorsque l’on insiste de trop sur la gratuité (cf mon billet précédent).

Le tout se terminant dans le joyeux délire d’une sélection musicale prise sur Jamendo[2] (pour l’anecdote on entend trois notes de ce que je suis justement en train d’écouter en moment, la chanson Do it over par le groupe Amélie, sous CC By-Nc-Sa).

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Mouvante, voire fuyante, la « culture libre » est un concept difficile à définir. Il n’empêche que l’article Wikipédia dédié mériterait selon moi une sérieuse mise à jour. Des volontaires pour tenter d’améliorer ensemble la chose ? (me contacter)

[2] Félicitations au passage à Jamendo pour ses vingt milles albums atteints récemment.




Internet n’est pas un droit fondamental, Internet est fondamental en soi !

Dalbera - CC byAprès des mois de contestation, des jours de joutes verbales à l’Assemblée nationale, la loi dite « Internet et Création » qui doit instaurer l’HADOPI a été votée.

Le problèmes et les questions que soulèvent cette loi vont rester au cœur de l’actualité pendant quelque temps encore, d’une part parce que la lutte anti-HADOPI est loin d’être terminée (et que cette loi n’est pas près d’être applicable), et d’autre part parce que la LOPPSI 2, qui prévoit une surveillance constante des échanges sur le Web sous des prétextes sécuritaires[1], va bientôt être au centre d’une nouvelle lutte qui promet d’être elle aussi acharnée.

Une des pommes de discorde, qui oppose actuellement certains membres du gouvernement et les opposants à ces lois, est le statut que l’on doit accorder à l’Internet, que l’on peut résumer d’une simple question : l’accès à l’Internet constitue-t-il un « droit fondamental » ?

Non, répondent en chœur Christine Albanel et Jean-François Coppé, quitte à se déclarer ainsi ouvertement contre l’avis du Parlement européen.

Dana Blakenhorn, chroniqueur Open Source chez ZDNet, a pour sa part un avis original sur la question. Il nous explique, arguments économiques à l’appui qui ne devraient pas être étranger à nos dirigeants actuels, que l’Internet n’est pas à ses yeux un droit fondamental mais que l’Internet est fondamental.

Une traduction Framalang of course…

De l’aspect fondamental de l’accès à Internet

The fundamental value of Internet access

Dana Blakenhorn – 8 mars 2009 – ZDNet
(Traduction Framalang : Don Rico et Tyah)

Doit-on considérer l’accès à Internet plus important que la télévision par câble ou le téléphone ?

En d’autres termes, s’agit-il d’un luxe ou devrait-il être un droit ?

Matt Asay est du premier avis. Il ne souhaite pas que l’on définisse Internet comme un droit fondamental.

Je suis d’accord avec lui, mais pour une tout autre raison.

Les droits fondamentaux, on peut vous en déposséder. Quiconque aura subi la torture et se sera vu privé de sa liberté d’expression, sait que nos droits n’ont de vraiment fondamental que notre volonté commune de les respecter.

Mon représentant au Congrès est John Lewis. Lorsqu’il était enfant, en Alabama, alors que sévissait encore la ségrégation dans les États du Sud, il ne jouissait d’aucun droit. Il a dû les réclamer, manifester, et se faire battre jusqu’au sang pour les obtenir.

La Constitution, ce ne sont que des mots, tout comme le Bill of Rights (NdT : Déclaration des droits américaine). Un simple mémo suffit pour passer outre ou les restreindre.

L’accès à Internet est donc plus fondamental que nos droits. C’est une nécessité économique.

Au XXIème siècle, ceux qui n’ont pas d’accès à Internet ont moins de poids économique que les autres. Ils ont moins accès à la formation, n’ont aucun moyen de découvrir d’autres horizons (ce pourquoi la télévision est dépourvue d’intérêt). Leur rapport au monde n’est que local, sauf pour les rares personnes qui gardent encore le contact avec leurs proches par téléphone ou par courrier.

Je suis assez âgé pour me souvenir d’un monde avant que la Toile ait été tissée, lorsque aller sur Internet était réservé à certains privilégiés. Je vais renouer avec mes souvenirs de ce monde grisant le mois prochain, quand je rendrai visite à des amis japonais.

Mon dernier séjour là-bas remonte à 1989. Je m’y étais rendu pour suivre une conférence organisée par l’Electronic Networking Association, un des tout premiers groupes promouvant le réseau.
Là-bas, j’ai écrit quelques articles pour Newsbytes, le service d’informations en ligne pour qui je travaillais à l’époque. Après avoir trouvé une prise de téléphone, j’y connectais le modem de mon portable et envoyais mes articles à un rédacteur en chef à Londres, qui transmettait au directeur de la publication à San Francisco.

Toute technologie suffisamment avancée confine à la magie, et il y a vingt ans encore ce genre d’accès limité à des ressources en ligne avait quelque chose de magique.
De nos jours, mes enfants prennent tout cela pour acquis. Ni l’un ni l’autre n’a de souvenir d’un temps où l’Internet n’existait pas. Ma fille trouve normal de pouvoir télécharger un itinéraire détaillé pour se rendre à une université susceptible de l’accueillir. Mon fils trouve normal de pouvoir discuter de jeux vidéos et d’informatique avec des copains du monde entier.

L’accès à Internet est donc fondamental pour l’interaction de mes enfants avec le reste du monde. Il est la condition à leur utilité économique, à leur capacité à apprendre, et même à bon nombre de leurs relations amicales.
Rendre cela possible, ou pas, n’est pas une question de « droits », mais c’est fondamental.

Il est fondamental pour notre avenir en tant que nation que chacun dispose du meilleur accès possible à cette ressource. Tout comme il est fondamental que nous puissions tous profiter de notre réseau routier.
Conduire n’est pas un « droit », mais chacun sait que ne pas savoir conduire représente un handicap. Ceux qui n’ont pas le permis et ne disposent pas de transports publics à proximité de chez eux sont isolés économiquement parlant, ne peuvent se rendre à leur travail, à l’école ou dans les magasins.

À moins, bien sûr, qu’ils disposent d’un accès à Internet, grâce auquel ils peuvent pallier ce manque. Plus l’accès sera de qualité, mieux nous nous en porterons.
Ainsi, c’est donc Internet, la véritable passerelle vers le XXIème siècle, et ceux qui en seront dépourvus ne pourront effectuer la traversée.

Internet n’est pas un droit fondamental, Internet est fondamental en soi.

Notes

[1] Crédit photo : Dalbera (Creative Commons By)




Le vain Don de la farce ou comment être très motivé pour soutenir le Libre

Mikebaird - CC by« Si tu avais un bouton pour envoyer un euro très facilement à l’artiste, tu le ferais », disait récemment Richard Stallman, sur 01net, en pleine tourmente Hadopi.

Il était ici question de musique, mais cette phrase pourrait facilement s’étendre à toute la création, à commencer par notre sujet de prédilection : le logiciel libre et sa culture.

Vous avez déjà vu ces claviers munis de cet horrible touche Windows qu’on utilise jamais. Imaginez alors un autre touche spéciale, mais dédiée au don cette fois-ci.

Vous vous promenez sur un site, par exemple celui d’un logiciel libre qui vous tient à cœur et qui vous invite à donner pour le soutenir. Vous pressez alors le-dit bouton de votre clavier. Une petite fenêtre s’ouvre pour indiquer la somme envisagée, vous validez et… c’est fait ! Vous pouvez passer au site suivant.

Pas d’intermédiaires, pas de surtaxes, pas de numéro de carte bleue à entrer… l’argent sortirait de votre compte pour aller directement dans celui du destinataire, sans passer par je ne sais quelle « case backchich ». Le rêve quoi !

Créateurs, développeurs, communautés, fondations, associations… dix euros par-ci, cinq euros par là (voire même moins). Le don entrerait alors véritablement dans nos mœurs, habitudes et (bonnes) pratiques. Nul doute que cela profiterait à beaucoup, je pense notamment à certaines petites fourmis du logiciel libre dont on moque souvent l’absence de « modèles économiques ».

Cela profiterait d’ailleurs également à tout plein d’autres domaines, comme la grande presse par exemple, qui n’en finit plus de constater sa propre chute. Cela ne me pose en effet aucun problème, bien au contraire, de presser notre « bouton don » et verser ainsi instantanément quelques dizaines de centimes d’euros après lecture d’un article intéressant. À l’échelle des millions de visiteurs mensuels de son site Internet, c’est alors Le Monde que l’on sauve (NDLR : le journal Le Monde).

Pour ne rien vous cacher cette petite réflexion m’est venue lorsque l’on a décidé de monter le site Framasoft adossé à notre campagne de soutien.

Impossible d’échapper à Paypal, ses lents et pénibles formulaires, son gros pourboire et sa situation de monopole (que l’on soit affilié ou qu’il faille sortir la CB). Reste après bien sûr la solution du virement bancaire ou du bon vieux chèque à poster, mais faut quand même alors être motivé de chez motivé. Les cartes prépayées ? personnellement j’y crois pas trop pour le moment. Quant aux systèmes de type AlloPass et autres SMS, c’est pas la peine d’y penser, les taxes (du service et de l’opérateur) sont démesurées.

Dans ces conditions, ne plus être très loin des 10 000 euros de dons (quatre mois après le lancement de l’opération et… en temps de crise), c’est déjà pas si mal, et nous remercions une nouvelle fois chaleureusement les quelques 300 personnes qui ont su passer outre l’absence de « bouton don » pour s’engager dans la lourde[1] et complexe procédure que nous propose aujourd’hui le micropaiement.

C’est déjà pas si mal mais c’est malheureusement loin d’être suffisant par rapport à notre premier objectif (le triple de la somme récoltée aujourd’hui). Quelques centaines de dons pour un trafic lui aussi proche du million de visiteurs mensuel, on pourrait en tirer des conclusions hâtives sur l’attachement réel que nous portent nos visiteurs si justement il n’y avait pas entre eux et nous ce micropaiement non optimisé (litote) qui fausse quelque peu le donne.

Ah si nous avions tous un « bouton don » qui offrirait d’aussi faciles transactions ! Nombreux seraient alors à mon avis les projets œuvrant pour le bien commun qui seraient remis à flot et qui pourraient plus sereinement se développer et s’épanouir.

Plutôt que de délirer sur un utopique « bouton don » (proche de l’autre délire sur l’open money), ce billet aurait certainement mérité une plus sérieuse recherche en alternatives réelles, crédibles et déjà opérationnelles. Mais vous avez l’occasion de corriger le tir dans les commentaires 😉

Notes

[1] Crédit photo : Mikebaird (Creative Commons By)




Sarkozy a un plan selon Guillaume Champeau

Judepics - CC bySi vous comptiez vous reposer un peu après l’éreintant épisode Hadopi, c’est raté.

En effet, un article important est apparu la semaine dernière dans le flux continu de mes fils RSS, Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net de Guillaume Champeau du site Numerama.

C’est un peu long (liens hypertextes inclus), mais si l’on souhaite réellement se donner les moyens de comprendre certaines choses dans le détail, il va bien falloir accepter de temps en temps d’aller plus loin que les 140 caractères des messages Twitter ! C’est également assez courageux, parce que c’est typiquement le genre d’articles qui ne vous fait pas que des amis, sauf à considérer que les RG peuvent devenir de nouveaux amis.

Guillaume Champeau en a d’ailleurs remis une couche ce week-end, chez la petite webradio associative qui monte OxyRadio, au cours de l’émission Les enfants du Web animé de sa voix suave et viril par notre ami Mathieu Pasquini (licence Creative Commons By-Sa).

À podcadster, à écouter, à faire écouter :


Télécharger : mp3 ou ogg

J’aurais aimé ne pas l’écrire mais ça ressemble beaucoup à du « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas »[1].

Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net

URL d’origine du document

Guillaume Champeau – 20 mai 2009 – Numerama
Licence Creative Commons By-Nc-Nd

« Le président de la République actuel a un plan ». C’est la première phrase du livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir, et l’on peut la vérifier au moins en ce qui concerne le contrôle du net. Depuis la loi DADVSI où il était président de l’UMP et ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a déployé son plan pour contrôler le net. Il a commencé à l’appliquer avant-même la loi Hadopi, et prévoit de le parachever avec la Loppsi. Dans cet article exceptionnellement long, Numerama tente un décryptage du net selon Sarkozy.

Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent et l’image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n’a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s’apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet… et les internautes.

Lundi, Le Monde a publié un excellent article sur la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi, ou Lopsi 2), qui montre ce que prévoit le nouveau texte commandé par Nicolas Sarkozy : installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l’Etat, légalisation des chevaux de Troie comme mode d’écoute à distance, création d’un super-fichier « Périclès » regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures…), création d’un délit d’usurpation d’identité, pouvoir de géolocaliser les internautes, …

Sans cesse repoussée, la loi est attendue de pieds fermes par Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs en partie elle qui a justifié l’obsession du Président à maintenir contre vents et marée la loi Hadopi. Car « le président de la République actuel a un plan ». Pour le comprendre, il nous faut accumuler les pièces à conviction. Certaines relèvent très certainement de la paranoïa, d’autres sont véritablement réfléchies par le Président.

Mises bout à bout, elles laissent peu de doute sur la volonté de Nicolas Sarkozy de contrôler le net, aussi bien dans son contenu que dans son infrastructure.

Au commencement, Nicolas Sarkozy voulu devenir Président

Très tôt dans sa carrière politique, Nicolas Sarkozy n’a eu qu’une obsession : devenir président de la République. Et une vision : pour y parvenir, il fallait contrôler les médias. Maire de Neuilly-Sur-Seine, il s’efforce de faire entrer rapidement dans son cercle d’amis proches les Martin Bouygues, Lagardère (père et fils) et autres Dassault qui le conduiront par leur amitié complice au sommet du pouvoir. C’est d’autant plus facile que ces capitaines d’industrie, propriétaires de médias, dépendent pour l’essentiel de leurs revenus des commandes de l’État. Entre amis, on sait se rendre des services…

Toute cette énergie de réseautage a été mise au service de son ambition présidentielle. En 2007, c’était la bonne. Première tentative, première victoire. Mais Nicolas Sarkozy a eu chaud. Il avait négligé Internet. A quelques points près, François Bayrou – qui a au contraire beaucoup misé sur Internet pendant la campagne – passait devant Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, et c’est le leader du MoDem qui se serait retrouvé à l’Elysée.

Il serait faux toutefois de prétendre que Nicolas Sarkozy, qui s’était assuré le soutien du blogueur Loïc Le Meur (à l’époque le plus influent), s’est aperçu trop tard du pouvoir du net. Fraîchement élu, le président Sarkozy n’avait pas tardé à demander « l’avènement d’un internet civilisé », prônant une « campagne de civilisation des nouveaux réseaux ». Le coup de Trafalgar du refus de la Constitution européenne par les Français avait montré pour la première fois au monde politique les limites des médias traditionnels face à Internet, où l’opposition au texte européen fut virulente. Les amis de Nicolas Sarkozy dans les grands médias et l’industrie culturelle l’ont très vite convaincu qu’il fallait faire quelque chose. Lui pour conserver le pouvoir, eux pour limiter cette concurrence gênante. C’est Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) qui s’est chargé des basses oeuvres, sous l’oeil attentif de son président de l’UMP et ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy.

DADVSI et HADOPI : les premières pierres vers le filtrage

Derrière les apparences d’une première loi contre le piratage sur Internet, comme l’avait prédit le journaliste américain Dan Gillmor, c’est une alliance à trois qui s’est formée entre le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et l’industrie culturelle. A peine la riposte graduée (déjà) adoptée, RDDV avait prévenu que la loi DADVSI « n’est que le premier d’une longue série d’adaptations de notre droit à l’ère numérique », et qu’il comptait bien s’attaquer « un jour au problème de la presse et de l’Internet ». C’était en 2006.

Affaibli par la débâcle de DADVSI, le ministre de la Culture n’a pas eu le temps de mettre son projet en application. Mais l’idée d’accorder un label à la presse professionnelle en ligne et de doter les sites de presse d’un statut particulier opposé aux blogs était née. Nicolas Sarkozy l’a mise en application cette année. Le tout en permettant à la vieille presse papier de bénéficier par ailleurs de substantielles aides de l’État, contraires à la libre concurrence, pour investir le net.

Avec la loi Hadopi, qu’il a maintenu jusqu’à mettre en péril la cohésion du groupe UMP, le chef de l’État a réussi à imposer à tous les foyers français l’installation d’un « logiciel de sécurisation », qui, sous la forme d’un mouchard, aura pour but de filtrer les sites internet et certains logiciels. Soit de manière franche, en bloquant l’accès à des contenus ou des protocoles. Soit de manière plus sournoise, en mettant en place un système qui met en avant les sites labellisés par l’Hadopi ou par les ministères compétents, pour mieux discréditer les autres. Les sites de presse professionnels feront bien sûr partis un jour des sites labellisés, tandis que la multitude de blogs ou de sites édités par des journalistes non professionnels verront leur crédibilité mise en doute. Pour le moment on ne sait rien du périmètre des caractéristiques imposées par l’Etat aux logiciels de sécurisation, et c’est bien là sujet d’inquiétudes. Il suffira d’étendre par décret la liste des fonctionnalités exigées pour que la censure se fasse de plus en plus large et précise, hors du contrôle du législateur ou du juge.

LOPPSI : le filtrage imposé aux FAI

Si elle prévoit la création de ce logiciel de sécurisation, et suggère fortement son installation, la loi Hadopi ne fait cependant pas de son installation une obligation. Le risque d’inconstitutionnalité serait trop fort. Il faut donc compléter le tableau, en organisant un filtrage au niveau de l’infrastructure du réseau. C’est le rôle de la loi Loppsi, chapeautée par Michèle Alliot-Marie.

Entre autres choses, la Loppsi va imposer aux FAI une obligation de filtrage de résultat. Ils auront le devoir de bloquer l’accès à des sites dont la liste sera déterminée par l’administration, sous le secret. Ce qui n’est pas sans poser d’énormes problèmes dans les quelques pays qui ont déjà mis en place cette idée. Là aussi, une fois mis le pied dans la porte, sous prétexte de lutter contre la pédophilie (une tentation du pathos contre laquelle il faut résister), il suffira d’étendre la liste des exceptions qui donnent droit au filtrage. Ici pour les maisons de disques victimes de piratage, là pour les sites de presse suspectés de diffamation, ou pour les sites de jeux d’argent qui ne payent pas leurs impôts en France. La liste n’aura de limites que l’imagination et l’audace des gouvernants.

Encore faut-il que ces idées de contrôle du net puissent se mettre en place sur le terrain, ce qui nécessite des hommes et des femmes peu regardants. C’est dans cet art que Nicolas Sarkozy excelle le plus.

Le choix des hommes, le triomphe des idées

Dès 2006, Nicolas Sarkozy a compris qu’il aura besoin de verrouiller son gouvernement et les télécoms pour mettre en place son plan de contrôle d’internet. Christine Boutin, qui avait été une farouche et convaincante opposante à la loi DADVSI fin 2005 (au point de faire basculer le vote de certains députés UMP pour la licence globale), et qui avait défendu l’idée d’un internet libre, s’est ensuite mue dans un silence confondant à la reprise des débats en mars 2006. En échange, et entre temps, elle a reçu la promesse de Nicolas Sarkozy d’entrer au gouvernement après les élections présidentielles si elle mettait sa langue dans sa poche. Les deux ont tenu parole.

Président de la République, Nicolas Sarkozy a ainsi composé son gouvernement de manière à accomplir son oeuvre sans opposition interne. Nadine Morano à la Famille, et Michèle Alliot-Marie à l’Intérieur, n’ont pas eu besoin de forcer leur nature pour prêcher la censure de certains sites Internet ou le filtrage des sites pédophiles ou terroristes. Porte-parole de l’UMP, pilotée par l’Elysée, le lobbyiste Frédéric Lefebvre ne passe plus une semaine sans se confondre en invectives contre Internet, et réclamer le filtrage. En plaçant l’ex-socialiste Eric Besson au numérique, Sarkozy pensait peut-être aussi paralyser les critiques à la fois de son propre camp et de l’opposition, tout en s’assurant le soutien d’un homme qui a troqué ses convictions pour son ambition. En le remplaçant par Nathalie Kosciusko-Morizet, plus rebelle, Sarkozy a pris un risque. Mais il fait aussi un pari. Celui que son frère Pierre Kosciusko-Morizet, président des deux plus gros lobbys français du numérique hostiles au filtrage, serait moins audible dans son opposition si sa soeur est systématiquement suspectée de collusion lorsqu’elle défend le même point de vue. Ce qui n’a pas manqué lorsque PKM a prêché, dans le vide, un moratoire sur la loi Hadopi.

Il a fallu aussi convaincre dans les télécoms. Free, à la nature frondeuse, reste le plus difficile à manipuler pour Nicolas Sarkozy. Il a toutefois trouvé une arme : la quatrième licence 3G. L’opérateur sait qu’elle va être rapidement indispensable pour continuer à concurrencer Bouygues, SFR et Orange, qui peuvent tous proposer des offres regroupant ADSL et mobile. Mais elle est dépendante de la volonté du gouvernement. Très rapidement, Christine Albanel a fait comprendre à Free qu’il devrait être obéissant pour espérer accéder à la fameuse licence. Depuis, le dossier ne cesse d’être repoussé sous des prétextes fumeux, et Free a mis de l’eau dans son vin contre Hadopi et contre le filtrage, dans l’espoir de ne pas hypothéquer ses chances d’avoir accès à la téléphonie mobile.

Pis, Nicolas Sarkozy a fait nommer numéro deux de France Telecom Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui ne compte « que des amis » dans la commission qui déterminera le prix de la quatrième licence 3G. L’homme aura également pour mission de mettre en oeuvre le filtrage chez Orange, qu’il dirigera d’ici deux ans.

Le contrôle des institutions ayant leur mot à dire sur le filtrage

Enfin, Nicolas Sarkozy s’est également assuré de contrôler les institutions qui pourraient lui faire de l’ombre. La CNIL, qui s’est opposée à l’Hadopi, n’aura pas le droit de siéger au sein de la haute autorité. Les amendements le proposant ont été refusés. Elle n’a pas non plus eu le droit de publier son avis contre la loi Hadopi, et les deux députés commissaires de la CNIL, tous les deux membres de l’UMP, ont voté pour la loi. L’un des deux, Philippe Gosselin, a même été un farouche défenseur de la loi à l’Assemblée, et sans doute au sein de l’institution. Dans son dernier rapport annuel, la CNIL a dénoncé l’omerta imposée par le gouvernement, et son manque d’indépendance, notamment financière.

Plus directement, Nicolas Sarkozy a également évincé l’autorité de régulation des télécommunications (Arcep) des études sur le filtrage, auquel elle était hostile. Redoutant que l’autorité ne reste trop à l’écoute des professionnels des télécoms et des internautes, le président de la République a récemment mis à la tête de l’Arcep Jean-Ludovic Silicani, l’ancien président du Conseil de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Un homme notoirement favorable au filtrage et à la lutte contre le P2P. Le CSPLA, rattaché au ministère de la Culture, compte par ailleurs parmi ses membres le Professeur Sirenelli, à qui le gouvernement confie quasiment toutes les missions juridiques liées au filtrage depuis quatre ans, avec un résultat certain.

Finalement, c’est au niveau européen que Nicolas Sarkozy compte ses plus forts adversaires. Il a entamé un bras de fer avec le Parlement Européen sur l’amendement Bono, et exerce un lobbying intense sur les États membres pour qu’ils refusent de marquer dans le marbre le principe du respect de la neutralité du net, contraire au filtrage. Il peut compter sur le soutien de Silvio Berlusconi, propriétaire de médias, qui met en place exactement le même plan en Italie. Mais il redoute l’opposition des députés européens.

D’où l’importance des élections européennes du 7 juin prochain. De leur résultat dépendra peut-être la réussite ou l’échec du plan mis en place par Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] Crédit photo : Judepics (Creative Commons By)




Stallman, il y a… 23 ans !

Sysfrog - CC by« Nous sommes actuellement dans une période où la situation qui a rendu le copyright inoffensif et acceptable est en train de se changer en situation où le copyright deviendra destructif et intolérable. Alors, ceux que l’on traite de « pirates » sont en fait des gens qui essayent de faire quelque chose d’utile, quelque chose dont ils n’avaient pas le droit. Les lois sur le copyright sont entièrement destinées à favoriser les gens à prendre un contrôle total sur l’utilisation d’une information pour leur propre bénéfice. Elles ne sont pas faites, au contraire, pour aider les gens désirant s’assurer que l’information est accessible au public ni empêcher que d’autres l’en dépossèdent. »

De qui est cette citation qui ouvre mon billet ? D’un commentateur critique de l’Hadopi ? Vous n’y êtes pas. Il s’agit de Richard Stallman en… 1986 !

En effet, en me promenant récemment sur le site GNU.org je suis tombé sur une très ancienne, pour ne pas dire antique, interview de Richard Stallman[1], donnée donc en juillet 1986 au magazine informatique américain Byte (qui d’ailleurs n’existe plus depuis). Elle a été traduite en français (merci Pierre-Yves Enderlin) mais n’a semble-t-il pas fait l’objet d’un grand intérêt sur la Toile, alors qu’elle le mérite assurément.

Pour tout vous dire, on a un peu l’impression de parcourir l’Histoire, en assistant quasiment en direct à la naissance de quelque chose dont on sait aujourd’hui ce qu’il en est advenu, j’ai nommé… le logiciel libre (pour demain, par contre, on ne sait pas encore très bien, si ce n’est que l’aventure est loin d’être terminée).

Or si le logiciel libre a bien eu lieu, il est également question d’une autre naissance qui elle n’aura jamais vu le jour, celle du fameux projet de système d’exploitation GNU. Ainsi quand les journalistes de Byte (David Betz et Jon Edwards) demandent :

Pourriez-vous prédire quand, vraisemblablement, vous seriez à même de distribuer un environnement fonctionnel qui, si nous l’installions dans nos ordinateurs ou stations de travail, effectuerait vraiment un travail correct, et cela sans utiliser autre chose que le code que vous distribuez ?

Stallman répond :

C’est vraiment difficile à dire. Cela pourrait arriver dans un an, mais bien entendu, cela pourrait prendre plus de temps. Ou moins, mais ce n’est pas probable non plus. Je pense finir le compilateur dans un mois ou deux. La seule grosse tâche à laquelle il faut que je m’attelle est le noyau.

On connait la suite… Cela a tant et si bien tardé qu’en 1991 est arrivé Linux, ou plutôt… GNU/Linux 😉

Cet entretien contient bien sûr quelques passages techniques difficiles, enfin pour le béotien que je suis, qu’il convient de replacer dans leur contexte (la puissance des machines, ces logiciels tellement gourmands qu’ils demandent plus de 1 Mo de mémoire disponible !). Mais GNU Emacs, le célèbre éditeur de texte créé par Stallman, lui est toujours là.

Et puis surtout il y a donc tout ce qui concerne le logiciel libre, cet objet nouveau non identifié qui intrigue les journalistes.

En voici quelques (larges) extraits.

Byte : Parlez-nous de votre schéma de distribution.

Stallman : Je ne mets pas les logiciels ou les manuels dans le domaine public ; la raison en est que je veux m’assurer que tous les utilisateurs aient la liberté de partager. Je ne veux pas que n’importe qui améliore un programme que j’aurais écrit et qu’il le distribue sous un format propriétaire. Je ne veux même pas qu’il soit possible que cela arrive. Je veux encourager les libres améliorations de ces programmes et le meilleur moyen d’y parvenir est de bannir toute tentation d’amélioration qui ne soit pas libre.

Byte : Et comment allez-vous faire pour le garantir ?

Stallman : Je le garantis en mettant un copyright sur ces programmes et en communiquant une notice donnant aux gens la permission explicite decopier le programme et de le modifier, mais seulement à la condition qu’il soit distribué sous les mêmes termes que ceux que j’utilise. Vous n’êtes pas obligé de distribuer les changements effectués sur un de mes programmes ; vous pouvez très bien les faire pour vous seul, sans avoir à les donner ou en parler à qui que ce soit. Mais effectivement si vous les donnez à quelqu’un d’autre, vous devez le faire sous les mêmes conditions que celles que j’utilise.

Puis, un peu plus loin :

Byte : Dans un sens, vous attirez les gens dans cette façon de penser en distribuant tous ces outils très intéressants qu’ils peuvent utiliser, mais seulement s’ils adhèrent à votre philosophie.

Stallman : Oui. Vous pouvez aussi le voir comme l’utilisation du système légal que les thésauriseurs de logiciels ont érigé contre eux. Je l’utilise pour protéger le public contre eux.

Byte : Étant donné que les constructeurs n’ont pas voulu financer le projet, à votre avis qui utilisera le système GNU quand il sera terminé ?

Stallman : Je n’en ai aucune idée, mais ce n’est pas une question importante. Mon but est de le rendre possible pour les gens, pour qu’ils rejettent les boulets traînés par les logiciels propriétaires. Je sais qu’il y a des gens qui veulent faire cela. Maintenant, il peut y en avoir qui ne s’en soucient guère, mais je ne m’en préoccupe pas. Je me sens un peu triste pour eux et pour les personnes qu’ils influencent. De nos jours, la personne qui perçoit le caractère déplaisant des conditions des logiciels propriétaires se sent pieds et poings liés et n’a d’autres alternatives que de ne pas utiliser d’ordinateur. Eh bien, à cette personne, je vais donner une alternative confortable. (…) C’est ce qui me pousse à croire que beaucoup de gens utiliseront le reste du système GNU à cause de ses avantages techniques. Mais je ferais un système GNU même si je ne savais pas comment le faire techniquement meilleur, parce que je le veux socialement meilleur. Le projet GNU est vraiment un projet social. Il utilise des aspects techniques pour opérer des changements dans la société.

Byte : Pour vous, c’est bel et bien important que les gens adoptent GNU. Il ne s’agit pas uniquement d’un exercice de style, produire des logiciels qu’on cède ensuite aux gens. Vous espérez que cela changera la façon de faire dans l’industrie du logiciel.

Stallman : Oui. Certains disent que personne ne l’utilisera jamais sous prétexte qu’il n’y a pas le logo d’une société séduisante dessus et d’autres pensent que c’est terriblement important et que tout le monde voudra l’utiliser. Je n’ai pas les moyens de savoir ce qui va vraiment arriver. Je ne connais pas d’autres moyens pour essayer de changer la laideur du milieu dans lequel je me trouve, alors c’est ce que j’ai à faire.

Et enfin :

Byte : Pouvez-vous en donner les implications ? Manifestement, vous pensez qu’il s’agit là de bases importantes, politiquement et socialement.

Stallman : C’est un changement. J’essaye de modifier l’approche qu’ont les gens de la connaissance et de l’information en général. Je pense qu’essayer de s’approprier le savoir, d’en contrôler son utilisation ou d’essayer d’en empêcher le partage est un sabotage. C’est une activité qui bénéficie à la personne qui le fait, au prix de l’appauvrissement de toute la société. Une personne gagne un dollar en en détruisant deux. Je pense qu’une personne ayant une conscience ne ferait pas ce genre de chose, à moins de vouloir mourir. Et bien entendu, ceux qui le font sont passablement riches ; ma seule conclusion est leur manque total de scrupules. J’aimerais voir des gens récompensés d’écrire des logiciels libres et d’en encourager d’autres à les utiliser. Je ne veux pas voir des gens être récompensés pour avoir écrit des logiciels propriétaires, parce que ce n’est vraiment pas une contribution à la société. Le principe du capitalisme réside dans l’idée que les gens peuvent faire de l’argent en produisant des choses et de fait, ils sont encouragés à faire ce qui est utile, automatiquement, si on peut dire. Mais ça ne marche pas quand il s’agit de posséder la connaissance. Ils sont encouragés à ne pas vraiment faire ce qui est utile et ce qui est réellement utile n’est pas encouragé. Je pense qu’il est important de dire que l’information diffère des objets matériels, comme une voiture ou une baguette de pain, car on peut la copier, la partager de son propre chef et si personne ne cherche à nous en empêcher, on peut la changer et la rendre meilleure pour nous-même. (…) Nous sommes actuellement dans une période où la situation qui a rendu le copyright inoffensif et acceptable est en train de se changer en situation où le copyright deviendra destructif et intolérable. Alors, ceux que l’on traite de « pirates » sont en fait des gens qui essayent de faire quelque chose d’utile, quelque chose dont ils n’avaient pas le droit. Les lois sur le copyright sont entièrement destinées à favoriser les gens à prendre un contrôle total sur l’utilisation d’une information pour leur propre bénéfice. Elles ne sont pas faites, au contraire, pour aider les gens désirant s’assurer que l’information est accessible au public ni empêcher que d’autres l’en dépossèdent.

La graine du logiciel libre était plantée.
La suite n’était plus qu’une question d’arrosage 😉

Pour lire l’interview dans son intégralité, rendez-vous sur GNU.org.

Notes

[1] Crédit photo : Sysfrog (Creative Commons By-Sa)




S’il te plaît… dessine-moi une ville libre

Sophiea - CC byUne « ville libre » vous en rêviez ? Vancouver tente dès aujourd’hui de le réaliser.

Il convient bien entendu de s’entendre sur ce qu’est, ou plutôt pourrait, être une « ville libre ». Mais la motion, présentée il y a peu au conseil municipal de la plus grande cité de Colombie-Britannique (Canada), dessine les contours d’un séduisant possible « vivre ensemble urbain » du futur[1].

Au menu, entre autres choses : interopérabilité, standards ouverts, logiciels libres, mises à disposition des données, et incitation citoyenne à s’approprier ces outils et informations pour créer de nouveaux services.

Libres enfants de Vancouver, vous en avez de la chance. Parce que si ce texte se trouvait adopté vous grandiriez alors dans un monde plus ouvert et plus juste, que vos parents n’auraient pas même pu imaginer il y a à peine dix ans de cela.

PS1 : Pour aller plus loin, on pourra parcourir l’excellent article de Fabrice Epelboin (ReadWriteWeb) Qui écrira la démocratie électronique de demain ? qui relate les avancées américaines tout en se désolant à juste titre de la situation française.

PS2 :Vidéo YouTube de la lecture publique de la motion à la mairie.

Vancouver ouvre l’âge de la ville Open Source

Vancouver enters the age of the open city

David Eaves – 14 mai 2009 – Blog
(Traduction Framalang : Claude et Don Rico)

La municipalité de Vancouver a planifié une réunion du conseil au cours de laquelle a été lue la motion suivante :

Déclaration de motion

Open Data, Standards Ouverts et Open Source
Auteur : Mme la conseillère municipale Andrea Reimer
Intercesseur: Mme la conseillère

Attendu que la Ville de Vancouver légifère loyalement au sein du City Hall (NdT : la mairie) à l’écoute des citoyens et des sollicitations relatives à leurs idées, propositions et énergie créatrice ;

Attendu que les municipalités du Canada ont l’opportunité de réduire fortement leurs dépenses en partageant et soutenant les logiciels qu’elles utilisent ou créent ;

Attendu que la valeur absolue des données publiques est maximisée lorsqu’elle est fournie gratuitement ou, si nécessaire, pour un coût minimal ;

Attendu que lorsque les données sont partagées librement, les citoyens ont la possibilité de les utiliser et de les transformer, favorisant ainsi la création d’une cité plus dynamique économiquement et plus respectueuse de l’environnement ;

Attendu que Vancouver a besoin de chercher des opportunités de création d’activité économique et de partenariat avec les secteurs technologiques innovants ;

Attendu que l’adoption des standards ouverts facilite la transparence, l’accès aux informations de la ville par les citoyens,(attendu) qu’ils améliorent la coordination et l’efficacité des relations municipales avec leurs partenaires fédéraux et provinciaux ;

Attendu que l’ICIS (NdT : Integrated Cadastral Information Society pour Système d’information cadastral) est une organisation à but non lucratif créé en partenariat avec les gouvernements locaux, les gouvernements provinciaux et les principaux services publics de Colombie Britannique afin de partager et intégrer les informations géographiques, à laquelle adhèrent 94 % des gouvernements locaux de Colombie Britannique, mais pas Vancouver ;

Attendu que l’innovation informatique peut améliorer les communications entre citoyens, renforcer l’image d’une ville créatrice et innovante, améliorer la fourniture des services, aider les citoyens à s’autogérer et résoudre leurs problèmes, mais aussi créer un sentiment plus fort d’engagement civique, de communauté et de fierté ;

Attendu que la ville de Vancouver possède d’incroyables ressources de données et d’informations, et qu’elle a récemment reçu le prix Best City Archive of the World (meilleures archives municipales du monde).

En conséquence, qu’il soit assuré que la ville de Vancouver approuve les principes suivants :

– Données accessibles et ouvertes : la ville de Vancouver partagera librement avec les citoyens, les entreprises et les autres juridictions la plus grande quantité de données possible en respectant la vie privée et la sécurité.
– Standards Ouverts : La ville de Vancouver adoptera le plus rapidement possible les standards ouverts en vigueur pour les données, documents, cartes et autres formats de diffusion.
– Logiciels Open Source : la ville de Vancouver, au moment du remplacement des logiciels existants ou de l’étude de nouvelles applications, mettra les logiciels Open Source à pied d’égalité avec les systèmes commerciaux au cours de la passation de marché.

En conséquence, dans cette volonté de favoriser les données ouvertes, la ville de Vancouver :

– Identifiera les opportunités immédiates permettant une plus grande distribution de ses données.
– Indexera, publiera et syndiquera ses données sur l’Internet au moyen des standards, interfaces et formats ouverts en vigueur.
– Mettra en place les accords appropriés en vue du partage de ses données avec l’ICIS (Integrated Cadastral Information Society) et encouragera l’ICIS à partager ses données avec le grand public.
– Développera un plan de numérisation et distribuera librement les archives disponibles au public.
– S’assurera que les données fournies à la ville par des tierces parties (développeurs, prestataires, consultants) sont libres, dans un format ouvert en vigueur, et non soumises à des droits d’auteurs ou aux lois du copyright, exception faite d’empêchement pour considérations légales.
– Mettra sous licence toutes les applications logicielles développées par la ville de Vancouver de sorte qu’elles pourront être utilisées par les autres municipalités, les entreprises et le public sans restriction.

En conséquence, le City Manager (NdT : le gérant municipal) aura pour tâche de développer un plan d’action en vue de la mise en application du texte ci-dessus.

Nous sommes nombreux à avoir travaillé d’arrache-pied pour mettre en place cette motion. Même si plusieurs villes comme Portland, Washington DC ou Toronto, ont mis en œuvre certaines des idées défendues dans cette motion, aucune ne l’avait codifié ou n’avait été aussi claire et explicite dans ses intentions.

Je vois certainement cette motion comme la pierre angulaire d’une transformation de Vancouver en ville ouverte (NdT : Open City), ou comme le formule mon ami Surman, en ville qui pense comme le Web.

À plus haut niveau, l’objectif qui anime cette motion est de permettre aux citoyens de créer, concevoir et contrôler l’expression virtuelle de leur ville afin qu’ils puissent en retour influer sur la ville réelle et physique.

Dans la pratique, je crois que cette motion va accentuer plusieurs résultats :

  • De nouveaux services et programmes : les données étant ouvertes, partagées et possédant des APIs (interfaces utilisateurs) dédiées, nos concitoyens codeurs vont créer des applications Web qui faciliteront leur vie (et celle des autres), les rendront plus efficaces et plus plaisantes.
  • La possibilité de piocher dans la longue traîne de l’analyse politique publique : plus les habitants de Vvancouver consulteront les données, les cartes et les autres informations de la municipalité, plus ils remarqueront les lacunes, les problèmes et autres difficultés, d’où un potentiel d’économie d’argent, d’amélioration des services et, de manière plus générale, d’édification d’une ville plus puissante.
  • La création de nouvelles entreprises, rendre la ville plus attractive pour les compétences : comme la ville partage plus de données et utilise plus de logiciels Open Source, les nouvelles entreprises créant du service autour de ces données vont éclore. De manière plus générale, je pense que cette motion, au fil du temps, va attirer le talent à Vancouver. Selon Paul Graham, les grands programmeurs veulent de bon outils et des défis intéressants. Nous leur offrons les deux: le défi d’améliorer la ville où ils vivent ainsi que les outils et données pour les assister.

Ceux qui souhaiteraient assister au conseil municipal afin de soutenir cette motion trouveront les détails ici. La réunion du conseil est Mardi 19 Mai à 14 heures. Vous pouvez aussi voir la séance en direct.

Ceux qui veulent écrire une lettre pour soutenir la motion peuvent l’envoyer à cette adresse.

Notes

[1] Crédit photo : Sophiea (Creative Commons By)




Manifeste pour la récupération des biens communs

Alex Barth - CC byCela peut sembler parfois un peu naïf, utopique, ou ne dépassant pas, comme ici, le stade de la déclaration d’intention (le cul posé sur sa chaise). Mais il est indéniable que quelque chose se met doucement mais sûrement en place autour de la défense des biens communs (les commons en anglais). La crise, si il fallait lui trouver du positif, ayant contribué à favoriser les prises de conscience en accélérant le mouvement.

Comme pour l’édifiant reportage de Carole Poliquin, il y a une certaine cohérence à regrouper ainsi des éléments éparses à préserver et développer, dont on ne s’étonnera guère d’y trouver également le logiciel libre[1].

Manifeste

URL d’origine du document

La privatisation et la marchandisation des éléments vitaux pour l’humanité et pour la planète, sont plus fortes que jamais. Après l’exploitation des ressources naturelles et du travail humain, ce processus s’accélère et s’étend aux connaissances, aux cultures, à la santé, à l’éducation, aux communications, au patrimoine génétique, au vivant et à ses modifications. Le bien-être de tous et la préservation de la Terre sont sacrifiés au profit financier à court terme de quelques-uns.

Les conséquences de ce processus sont néfastes. Elles sont visibles et connues de tous : souffrance et mort de ceux qui ne peuvent accéder aux traitements brevetés et que la recherche orientée vers un profit commercial néglige, destruction de l’environnement et de la biodiversité, réchauffement climatique, dépendance alimentaire des habitants des pays pauvres, appauvrissement de la diversité culturelle, réduction de l’accès à la connaissance et à l’éducation par l’établissement du système de propriété intellectuelle sur la connaissance, impact néfaste de la culture consumériste.

Le Forum Social Mondial de 2009, à Belem, Pará, au Brésil, se déroule au moment particulier où la globalisation néo-libérale, dominée par des marchés financiers hors de tout contrôle public, échoue spectaculairement. Il se produit aussi au moment où émerge une prise de conscience qu’il y a des biens d’usage commun à tous les êtres humains, et à la nature elle-même, lesquels ne peuvent en aucun cas être privatisés ou considérés comme des marchandises.

Cette prise de conscience s’appuie sur une vision de la société qui place le respect des droits humains, la participation démocratique et la coopération au coeur de ses valeurs. Les initiatives alternatives se développent dans de nombreux domaines pour la défense de l’eau et des fleuves, de la terre, des semences, de la connaissance, de la science, des forêts, des mers, du vent, des monnaies, de la communication et des intercommunications, de la culture, de la musique et des autres arts, des technologies ouvertes et du logiciel libre, des services publics d’éducation, de santé, assainissement, de la biodiversité et des connaissances ancestrales.

Les signataires du présent Manifeste, lancé au Forum Social Mondial de 2009, appellent tous les citoyens du monde et leurs organisations à s’engager dans l’action pour la récupération et la mise en commun des biens de l’humanité et de la planète, présents et à venir, afin que leur gestion soit assumée dans une démarche participative et collaborative par les personnes et les communautés concernées et à l’échelle de l’humanité dans la perspective d’un monde soutenable.

Les signataires appellent tous les citoyens du monde et leurs organisations à approfondir la notion de biens communs, à partager leurs approches et leurs expériences pour la dé-privatisation et la dé-marchandisation des biens communs de l’humanité et de la planète, à articuler les luttes de leurs propres organisations, en renforçant mutuellement leurs campagnes et leurs initiatives.

Notes

[1] Crédit photo : Alex Barth (Creative Commons By)