Prix Nobel de la paix : libre détournement du discours d’Obama

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ChrisAC - CC by-saNul ne l’ignore, Barack Obama a reçu récemment le prix Nobel de la paix 2009, déclenchant au passage une petite polémique quant à la légitimité d’un choix représentant alors bien plus un encouragement à poursuivre une action qu’une récompense couronnant l’ensemble d’une longue et fructueuse carrière.

Certains, parmi les plus critiques, sont même allés jusqu’à affirmer que Barack Obama méritait bien plus le «  prix Nobel des discours  » que celui de la paix  ! Loin de moi l’idée de participer au débat, mais force est de reconnaitre qu’effectivement côté discours, Barack Obama est souvent au dessus de la mêlée. Je garde ainsi encore en mémoire l’exceptionnel discours de Philadelphie (vidéo 1 et 2) sur la question raciale le 18 mars 2008, lorsqu’en pleine campagne il était contesté par la découverte des propos radicaux de son ancien pasteur Jeremiah Wright.

Le discours de remerciement du président américain apprenant qu’on lui avait fait l’honneur du prix Nobel de la paix n’a pas fait exception  : sobre, humble et rassembleur.

Soit, mais où veut-il en venir à nous parler d’Obama sur un blog censé nous parler de logiciel libre  ?

Point d’impatience, nous y voilà. Il se trouve que le célèbre informaticien Jon «  maddog  » Hall[1] s’est amusé, ci-dessous, à transposer ce dernier discours au logiciel libre. Et vous constaterez peut-être avec moi que loin d’être anachronique, cette émouvante substitution est porteuse de sens…

Je n’ai jamais gagné le Prix Nobel de la Paix

I never won a Nobel Peace Prize

Jon maddog Hall – 11 octobre 2009 – Linux-Magazine.com
(Traduction Framalang  : Olivier Rosseler)

C’est à mon réveil, le 9 octobre que j’ai appris que le président Obama avait gagné le Prix Nobel de la Paix.

Les discussions allaient bon train quant au «  mérite  » du président Obama, on argumentait beaucoup sur le fait que le Prix Nobel de la Paix n’est pas nécessairement décerné comme une récompense pour un accomplissement passé, mais plutôt comme un encouragement à poursuivre les efforts déjà entrepris.

En lisant son discours de remerciement, j’ai joué à un petit jeu en le transposant à mon sujet de prédilection  : les logiciels libres et open source.

«  Soyons clair, ce prix n’est pas pour moi la reconnaissance de mes mérites propres.  »

Beaucoup de personnes m’ont déjà dit «  merci pour tout ce que vous faites pour le logiciel libre  ». Je leur réponds que je suis juste la bonne personne au bon endroit, au bon moment. J’ai simplement fait fait ce que je pensais qu’il fallait faire, ce pour quoi j’avais les compétences.

Et s’ils veulent voir la personne la plus importante du monde des logiciels libres, je leur dis qu’ils n’ont qu’à regarder dans le miroir… le logiciel libre a besoin de tout le monde… chacun peut apporter sa contribution.

«  Des hommes et des femmes qui m’ont inspirés, moi comme le reste du monde.  »

Moi aussi j’ai été inspiré par certains des meilleurs ingénieurs informatiques de tous les temps, j’ai même eu la chance de pouvoir rencontrer et discuter avec la plupart d’entre eux. Le contre-amiral Grace Murray Hopper, Maurice Wilkes, Douglas McIlroy, Ken Thompson, Dennis Ritchie… et la liste ne s’arrête pas là.

Ce sont, eux aussi, des héros contemporains… tout comme chaque programmeur sacrifiant sa nuit pour corriger ce vilain bogue dans un logiciel libre. Celui qui traduit la documentation pour permettre à d’autres d’utiliser le programme est un héros. Tout comme celui qui organise une démonstration pour faire découvrir les logiciels libres aux autres et qu’ils puissent eux aussi les partager. Ce sont tous des «  héros  » pour moi.

«  Ce prix reflète le monde que ces hommes et ces femmes, ainsi que tous les américains, veulent bâtir.  »

Un monde de collaboration, où les gens bâtissent, en s’appuyant sur les travaux de leurs prédécesseurs… où ils ne «  réinventent pas la roue  » et où ils ne perdent pas leur temps à contourner les brevets logiciels. La Liberté d’étudier le fonctionnement des programmes et d’essayer de les améliorer.

«  Il a aussi servi à donner une nouvelle dynamique à des causes déjà existantes.  »

Le président Obama énumère alors une liste de causes, que nous connaissons tous, mais certaines d’entre-elles sont pour moi plus marquantes  :

  • accepter nos responsabilités et modifier notre manière de consommer l’énergie
  • le droit à l’éducation et à une vie honorable
  • la crise économique mondiale

Je pense que les logiciels libres peuvent jouer un rôle dans ces domaines et je vais m’employer à les traiter grâce aux logiciels libres.

«  Je sais que nous pouvons vaincre ces difficultés, du moment que nous reconnaissons qu’elles ne pourront être vaincues par une seule personne ou par un seul pays. Cette récompense ne couronne pas simplement les efforts de mon administration, elle couronne les efforts courageux de gens partout dans le monde. C’est pourquoi cette récompense revient également à chaque personne œuvrant pour la justice et la dignité.  »

Nous ne pourrons affronter les difficultés actuelles sans l’effort de toute la communauté du logiciel libre. Nous ne pouvons évidemment pas régler les problèmes du monde tous seuls, mais le principe de collaboration régissant le logiciel libre se diffuse et sera l’une des clés de ces problèmes.

Peut-être un jour y aura-t-il un «  Prix Logiciel Libre de la Paix  ».

Carpe Diem  !

Notes

[1] Crédit photo  : ChrisAC (Creative Commons By-Sa)

3 Responses

  1. Apitux

    Invité par l’association Linux-Alpes à l’occasion du Libre en fête 2009, Jean-Louis Bianco, président du Conseil Général des Alpes de Haute Provence déclarait : « Il y a beaucoup de combats que l’on n’ose même pas mener. Il y a des combats que l’on perd. Le logiciel libre, j’en suis sûr, c’est un combat que l’on est est train de gagner. Yes we can ! ».

  2. Olivier

    Sympa cet article. Sa force vient surtout du fait que Jon "maddog" Hall est une sorte de mythe dans la communauté. Lui peut se permettre d’écrire cela, pas forcément les autres, qu’ils soient ou non des "héros" de tous les jours.

  3. Hub

    Un autre personnage très célèbre à fait un discours
    En voici le détournement :

    ————————————————————————————-

    J’ai fait un rêve…

    …qu’un jour, sur les collines de terre rouge de la Silicon Valley, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

    J’ai fait un rêve…

    …qu’un jour même Les états du Nord, un désert étouffant d’injustice et d’oppression, seront transformés en une oasis de liberté et de justice.

    J’ai fait un rêve…

    …que mes quatre enfants habiteront un jour une nation où ils seront jugés non pas sur leurs choix de logiciels, mais sur le contenu de leurs créations.

    J’ai fait un rêve aujourd’hui.

    J’ai fait un rêve…

    …qu’un jour les continents du Nord, dont les gouvernements actuels parlent de brevetabilité des logiciels et de DRM, seront transformés en un endroit où des petits-enfants ‘Gnu/Linux’ pourront prendre la main des petits-enfants ‘Mac" et "Windows’ et marcher ensemble avec les continents du Sud comme frères et sœurs.

    J’ai fait un rêve aujourd’hui.

    J’ai fait un rêve…

    …qu’un jour, chaque source sera délivrée, chaque format et brevets seront nivelés, les endroits rugueux seront lissés et les endroits tortueux seront faits droits, et la gloire de la liberté sera révélée, et tous les hommes la verront ensemble.

    Ceci est notre espoir.

    C’est avec cet espoir que j’entre en "monde libre". Avec cette foi, nous pourrons transformer les discordances de notre nation en une belle symphonie de fraternité. Avec cette foi, nous pourrons travailler ensemble, coder ensemble, lutter ensemble, être emprisonnés ensemble, nous révolter pour la liberté ensemble, en sachant qu’un jour nous serons libres.

    Quand ce jour arrivera, tous les enfants pourront chanter avec un sens nouveau cette chanson patriotique :

    Refrain :
    Rejoins-nous, partage le logiciel ;
    Libère-toi, hacker, libère-toi.
    bis

    Les avares amassent beaucoup d’argent ;
    C’est exact, hacker, c’est exact.
    Mais ils n’aident pas leur prochain ;
    C’est très mal, hacker, c’est très mal.
    Refrain x2

    Quand nous aurons assez de programmes
    Libres pour nous, hacker, libres pour nous.
    Ces licenses néfastes, nous les jetterons
    Pour toujours, hacker, pour toujours.

    Refrain x2
    que la liberté retentisse…

    Auteurs :
    Texte original, Martin Luther King
    Chanson, Richard Stallmann
    Arangements, maitre.pan@free.fr