Une vidéo de 3 minutes pour entrer dans l’univers des Creative Commons

Pour faire référence à un récent (et édifiant) billet, si j’avais été à la place du conférencier de Calysto, j’aurais peut-être commencé pour montrer aux élèves la ressource ci-dessous que nous venons de sous-titrer.

Il s’agit d’une vidéo de présentation des Creative Commons. Et nous ne sommes plus alors dans un « Internet de tous les dangers » mais dans un « Internet de tous les possibles ». Pas de risque alors que les élèves en concluent qu’il faille « arrêter de vivre et interdire Internet ». Ce sera alors plutôt l’envie de participer qui prédominera.

On n’apprendra rien ici aux lecteurs familiers du Framablog mais n’hésitez pas à relayer l’information à tous ceux qui ne connaissent pas ou peu les Creative Commons.

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La page d’origine de la vidéo comprenant toutes les sources des médias utilisés.




Vidéo : un wikipédien en résidence au Château de Versailles

Vous ne pouvez l’ignorer : « Le Château de Versailles et Wikimédia France, association pour le libre partage de la connaissance, ont signé un partenariat pour permettre une plus large diffusion des richesses historiques, architecturales et artistiques du château et du domaine de Versailles. Pour la première fois en France, un « wikipédien en résidence », Benoît Evellin (Trizek sur Wikipédia), séjourne pendant six mois au château de Versailles. Ce membre de Wikimédia France a notamment pour mission de faciliter les échanges entre les contributeurs de Wikipédia et les équipes du château de Versailles. » (source ChateauVersailles.fr)

Pour de plus amples informations nous vous renvoyons à l’impressionnante revue de presse ainsi qu’à l’extrait vidéo ci-dessous issu du 12/13 de France 3 Île-de-France (25 février 2011).

—> La vidéo au format webm




Quand Calysto passe au lycée, les élèves se demandent s’il ne faut pas arrêter Internet !

Prakhar Amba - CC byIl est des billets que l’on n’aime pas avoir à publier. Celui-ci en fait clairement partie tant il m’irrite au plus haut point !

Il illustre malheureusement une nouvelle fois l’incapacité chronique de l’école à comprendre et former aux nouvelles technologies et aux enjeux de demain.

C’est donc l’histoire d’un lycée qui souhaite organiser une journée de sensibilisation sur le thème « Réseaux sociaux, gérer son identité numérique ». Louable intention s’il en est. Et l’on imagine fort bien que derrière ce titre se cache l’ombre de Facebook, devenu effectivement omniprésent chez les ados avec toutes les questions et conséquences que cela implique[1].

Soit, les enseignants ne sont pas tous des spécialistes du numérique, mais il doit bien y avoir dans une équipe pédagogique quelques compétences en la matière. Donc logiquement cela devrait pouvoir se préparer en interne. Mais non, on fait appel à une société privée.

Calysto se définit comme « une agence qui concentre son activité dans la maîtrise des enjeux liés aux usages de l’Internet et aux Technologies de l’Information et de la Communication ». Et, via son site TousConnectes.fr, elle propose aux établissements scolaires des journées d’information « dans le cadre de son partenariat avec le ministère de l’Education nationale ».

Voici la page de présentation de l’offre pour le lycée, sachant qu’il en coûtera à l’établissement (et donc au contribuable) 376 euros par jour. Elle commence ainsi : « Les lycéens se sont largement appropriés l’univers de l’Internet et du téléphone mobile dont les usages sont en constante évolution. S’ils en sont très souvent les prescripteurs, certaines notions leur échappent et nécessitent d’être approfondies. »

Calysto propose également de conférences pour les parents et se targue d’avoir déjà organisé plus de 230 conférences ayant touché plus de 22 000 adultes.

J’ai fait une rapide recherche Web et il semblerait que beaucoup établissements scolaires aient déjà fait appel aux services de Calysto, qui, il y a à peine une semaine, a même eu l’honneur d’un article dans le journal Sud Ouest. Extrait : « De nombreux contenus multimédias sont soumis à des droits d’auteur, la récente loi Hadopi a été mise en place pour les protéger (…) On peut retrouver n’importe quel internaute par son adresse IP ».

Cet extrait anxiogène n’est qu’un avant-goût de ce qui va suivre.

Calysto est passée tout dernièrement dans un lycée dont nous tairons le nom. C’est le témoignage édifiant d’un enseignant présent ce jour-là que nous vous proposons ci-dessous.

Parents vous pouvez dormir tranquille, la police de la pensée veille sur vos enfants ! Sauf que les enfants ne sont pas dupes, et leurs réactions radicales au sortir de la journée donnent paradoxalement espoir : « On fait quoi ? Il faut tout arrêter ? On ne va pas arrêter de vivre quand-même. Dans ce cas il faut interdire Internet ».

Quant à nous (nous Framasoft, mais aussi April, Quadrature, Wikipédia, etc.), il faut absolument que l’on s’organise pour proposer des journées alternatives, bénévoles et gratuites, afin d’opposer à un tel discours notre propre approche et culture du Net.

La plus belle c’est Calysto !

Par un enseignant, quelque part en France

À l’initiative des documentalistes et des CPE dans mon lycée se sont tenus des débats-conférences autour des dangers de l’internet et des réseaux sociaux. Ils ont fait appel à la société privée Calysto qui propose des solutions « clé en main ».

J’y ai assisté avec mes élèves de Seconde, et là je dois dire que j’ai été atterré.Le débat n’avait rien de participatif, l’intervenant faisait réagir les élèves avec des images chocs mais ne poussait pas la réflexion. Nous avons eu droit à une succession à un rythme effréné de faits divers et d’anecdotes. Le discours était très culpabilisant, ce qui est contre-productif avec les ados, « C’est interdit, c’est pas bien, vous n’avez pas lu les conditions d’utilisations, et oui, faut lire ».

Voici mon témoignage mais je dois préalablement dire que parmi mes collègues certains trouvaient d’une part que ça avait le mérite de lancer le débat et qu’il fallait donner une suite avec les profs, et que d’autre part tout le monde n’est pas spécialiste du sujet et qu’il faut passer par des simplifications et des abus de langage. Et qu’un discours policé de spécialiste n’aurait pas eu d’effet sur le public ado.

Lors de la conférence il y a  des oppositions franches sur des faits précis. L’intervenant soutenait certains propos que je lui disais être faux. Il a insisté et à aucun moment n’a montré le moindre doute du genre « je ne suis plus sûr du chiffre exact, il faudrait vérifier ». J’ai du prouver mon point de vue sourcé  a posteriori à mes collègues pour démontrer qu’il s’était manifestement trompé et qu’il a soutenu le contraire, quitte à me faire passer pour un incompétent.

Exemple 1 : Les conditions d’utilisation

Lui – Vous avez un compte Facebook par exemple ? Mains levées. Avez-vous lu les conditions d’utilisation ? Mains baissées. Eh oui faut lire !

Moi, me mettant dans la peau d’un élève – Mais encore ? Une fois qu’on l’a lu, on fait quoi s’il y a un truc qui nous gène ? On n’a pas le choix ?

Lui, véhément – Je ne peux vous laisser dire ça, on a toujours le choix, il faut lire les clauses c’est votre responsabilité, blabla…

C’était ma première intervention je ne pensais vraiment pas à mal, au contraire c’était pour lancer le débat.

Moi, dans mon idée faire émerger l’e-citoyen – Bien sûr mais ce que je veux dire, c’est s’il y a parfois des clauses abusives on fait quoi, les CLUF sont rédigés par des armées d’avocats qui se sont blindés ! N’est-ce pas à la loi, à nos députés, aux associations de consommateurs de nous protéger ?

(Et je ne parle même pas de class-action qu’on n’a pas en France.)

Lui, impatient ne voulant pas aller dans cette direction et voulant reprendre le fil de son intervention formatée et bien rodée – Non vous avez accepté c’est trop tard.

À partir de là il me suggère franchement de me taire, je lui réponds que j’ai été invité avec mes élèves et l’intitulé de l’invitation était Conférence, débat et échanges, là-dessus, il me mouche en me disant « oui, mais avec les élèves. » Je suis passablement énervé. J’ironise en disant que j’avais bien lu les CLUF pourtant.

Exemple 2 : L’HADOPI

Lui – L’Hadopi a faim, ils veulent rentrer dans leurs frais ça coûte cher, elle a condamné 75 000 internautes depuis le mois d’août.

Moi – Personne n’a été condamné, des mails d’avertissements ont été envoyés mais à ce jour aucun accès internet n’a été coupé !

Lui – Si il y a eu 75 000 condamnations et pas plus tard que …. il y a avait un jeune de 19 ans qui s’est fait coupé son accès.

Moi – Il y a eu 75 000 mails envoyés je vous l’accorde mais aucune coupure.

Lui – Nous avons les chiffres, mon collègue de Calysto va à l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) tout le temps alors…

Grosso-modo on sait mieux que vous.

À ce moment là j’abandonne vu la réaction d’un de mes collègues (mais c’est du détail les batailles de chiffres), au même moment un autre collègue avec son iPhone se connecte sur le site de l’Hadopi et me dit qu’il doit confondre condamnations et recommandations ! Effarant.

Là en se moquant de moi il me demande si je n’ai pas une pause à aller prendre.

On passe à des copies d’écrans de sites pro-ana, les images choquent et font réagir les élèves. Il demande le silence, les menace de ne plus laisser parler si ils sont aussi bruyants.

Exemple 3 : La LOPPSI

Un autre prof pose la question suite aux diapos concernant le streaming et le direct download, peut-on (les autorités) aller voir dans mon disque dur ?

Lui – Oui bien sûr !

Moi, me sentant obligé de réagir alors que je ne voulais plus – Non c’est faux, il faut l’avis d’un juge, la police ou la gendarmerie doit avoir une commision rogatoire pour examiner le contenu de votre ordinateur.

Lui – Et non monsieur c’est LOPPSI 2, vous n’avez pas lu dans le journal : Les dictateurs en rêvaient Sarkozy l’a fait ! ?

Moi, j’ai un doute j’avoue que je n’avais pas potassé la loi LOPPSI2 – La LOPPSI2 n’est pas encore entrée en vigueur, elle vient juste d’être votée, aucun décret d’application n’a été publié.

Lui poursuit sans tenir compte de ma réponse, alors dans la tête des élèves ça donne ceci : « la police, les gendarmes peuvent se connecter même de l’extérieur comme ils veulent à notre ordinateur et accéder à son contenu ».

Après avoir fait quelques recherches ils se trouve que la LOPPSI 2 est actuellement visée par le Conseil constitutionnel et sur Wikipédia (à vérifier) j’ai pu lire que : « La police, sur autorisation du juge des libertés, pourrait utiliser tout moyen (physiquement ou à distance) pour s’introduire dans des ordinateurs et en extraire des données dans diverses affaires, allant de crimes graves (pédophilie, meurtre, etc.) au trafic d’armes, de stupéfiants, au blanchiment d’argent, mais aussi au délit « d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée », sans le consentement des propriétaires des ordinateurs. »

Nos ados téléchargeurs illégaux seraient-ils des terroristes trafiquants de stupéfiants ?

Après ça, c’en était trop je suis sorti une dizaine de minutes de la salle, puis je suis revenu m’installer tout au fond pour ne plus rien dire jusqu’à la fin. Pendant ce temps on assistait à d’autre passes d’armes moins intenses avec un autre collègue.

Et le libre dans tout ça ?

Et bien surprise il y en avait un peu. C’était pas le top mais quand même. On a eu droit à une diapo sur les contenus Creative Commons, mais sans rentrer dans les détails. « Il existe des contenus libres de droits comme le portail Jamendo pour la musique. »

Lui – Jamendo où ce sont des artistes pas connus qui partagent le contenu, c’est financé par la pub.

Moi – On peut aussi donner pour soutenir un artiste qu’on aime… aller à ses concerts.

Lui – Oui c’est comme Grégoire, vous misez sur un artiste en espérant que…

j’ai voulu dire que MyMajorCompany et Jamendo ce n’était pas la même chose, mais je n’ai pu le confier qu’à mon voisin car il était déjà reparti sur un autre sujet.

On a vu aussi un slide sur le P2P avec trois contenus Batman_origin.avi, Firefox, Adobe Reader et il a demandé si c’était du piratage ? Oui pour Batman mais non pour Firefox et Acrobat Reader qui sont gratuits mais nous ne sommes pas rentrés dans les différences entre ces deux contenus « gratuits ».

Lui qui disait qu’il fallait absolument lire les CLUF pour savoir à quoi s’en tenir apparemment ne le savait pas. Et préalablement il a bien dit que l’outil P2P avait été conçu pour partager des fichiers et que ce sont certains utilisateurs qui s’en servent pour partager des contenus qui ne respectent pas le droit d’auteur.

Pour conclure

Je pense  vraiment que l’intervenant était un animateur commercial formé sur le sujet à la va-vite, utilisant des techniques de communication éprouvées : frapper les esprits, faire réagir (rires) puis engueuler méchamment, culpabiliser, provoquer un sentiment de honte (en invoquant par exemple la sexualité hésitante des ados), affirmer sa connaissance sans faille en invoquant des sources bétons mais invérifiables, et abuser des arguments d’autorité sans justifier leur raison d’être.

Le thème que nous voulions traiter était « Réseaux sociaux, gérer son identité numérique ». J’ai eu l’occasion de parler avec quelques élèves par la suite, ils sont sortis de là en se disant « On fait quoi ? Il faut tout arrêter ? On ne va pas arrêter de vivre quand-même. Dans ce cas il faut interdire Internet ».

Peut-être que c’est ce qui nous attend si ce genre d’idées simplistes continue à se diffuser.

Bientôt on aura le droit un avertissement du type : « Internet tue, provoque la dépendance, l’isolement ».

Et nous rajouterons : « et libère des peuples ».

Notes

[1] Crédit photo : Prakhar Amba (Creative Commons By)




Geektionnerd : Google Suggestions

Le célèbre moteur de recherche intègre depuis quelques semaines une nouvelle fonctionnalité, Google Instant. Celle-ci permet de suggérer des résultats à l’internaute lors d’une requête. Or, certains termes sont manifestement filtrés par le service, comme BitTorrent, RapidShare et MegaUpload. Une décision prise suite à la pression des ayants droit ? (source Numerama)

Comme souvent on confond contenant et contenu (qui peut éventuellement être illégal). Mais bon, Google est une société commerciale qui fait ce qu’elle veut après tout.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Nous sommes prêts à participer nous aussi à la reconstruction du monde

Jane Murple - CC by-saIl n’était pas possible d’envisager un système d’exploitation ou une encyclopédie universelle libres. Et pourtant GNU/Linux et Wikipédia l’ont fait.

Il n’était pas possible d’envisager la chute de tyrans installés depuis plusieurs décennies dans des pays sous contrôle. Et pourtant les Tunisiens, les Égyptiens et les Libyens l’ont fait.

Il n’est pas possible de voir à son tour le monde occidental s’écrouler parce que contrairement aux pays arabes il y règne la démocratie. Et pourtant, si l’on continue comme ça, on y va tout droit. Parce que le problème n’est plus politique, il est désormais avant tout économique.

Et lorsque ceci adviendra, nous, les utopistes de la culture libre, les idéalistes des biens communs, nous serons prêts à participer avec d’autres à la nécessaire reconstruction. Parce que nous avons des modèles, des savoirs et des savoir-faire, des exemples qui marchent, de l’énergie, de la motivation, de l’enthousiasme et cela fait un petit bout de temps déjà que nous explorons les alternatives.

Il n’est guère dans les habitudes du Framablog de s’aventurer dans de telles prophéties. C’est pourtant, à la lecture de la vidéo ci-dessous, la réflexion « brève de comptoir » qui m’est venue ce matin et que je vous livre donc telle quelle à brûle-pourpoint.

Il s’agit d’une vidéo que vous avez peut-être déjà vue car elle a fait le buzz, comme on dit, l’hiver dernier. Sauf que dans « le monde selon Twitter », rien ne remplace plus vite un buzz qu’un autre buzz (parfois aussi futile qu’un lipdub UMP). Elle mérite cependant qu’on s’y attarde un tout petit peu, au moins le temps de sa lecture qui dure une dizaines de minutes.

Nous ne sommes pas à la cellule du Parti communiste de Clichy-sous-Bois mais à la Chambre du Sénat américain, le 10 décembre 2010, et le sénateur du Vermont Bernie Sanders est bien décidé à prendre la parole contre la décision de Barack Obama de reconduire les exemptions d’impôts décidées par George Bush. Une parole qu’il ne lâchera que huit heures et demi plus tard en tentant de faire obstruction par la technique parlementaire dite de la « flibuste » (on se croirait en plein épisode d’À la Maison Blanche sauf que c’est la réalité).

Et son discours débute ainsi : « M. le Président, il y a une guerre en cours dans ce pays… »

Une guerre que mènent les ultra-riches contre une classe moyenne qui doit par conséquent lutter pour sa survie[1]. L’exposé est édifiant et il est étayé par de nombreuses références chiffrées qui font froid dans le dos (1% des américains possèdent aujourd’hui un quart de la richesse du pays, 0,1 % en possèdent même un huitième).

Tout est effectivement en place pour que cela explose le jour où nous arrêterons de nous gaver de pubs, de foot, de téléréalité, d’iTruc et même de Facebook, le jour où nous arrêterons de regarder de travers celui qui pense-t-on ne nous ressemble pas, le jour où nous arrêterons également de croire avec nos médias et nos sondages que voter centre droit ou centre gauche pour élire un homme sans pouvoir pourra changer la donne.

Et n’allez pas me dire que ceci ne concerne que les USA, puisque tout ce qui a été fait en Europe ces dernières années consistait peu ou prou à leur emboîter le pas.

On notera par ailleurs que même certains ultra-riches commencent à comprendre que cela ne tourne pas rond. C’est ainsi qu’on a vu récemment les repentis milliardaires Bill Gates et Warren Buffet proposer aux autres milliardaires de donner un bonne part de leur colossale fortune à des bonnes œuvres. C’est touchant. Il n’est jamais trop tard pour se découvrir philanthrope et obtenir l’absolution mais cela n’y changera rien car le problème est structurel.

Oui la classe moyenne des pays occidentaux se meurt. Or c’est précisément elle qui fournit le gros des troupes du logiciel libre et sa culture (on pensera notamment à tous ces jeunes intellectuels précaires et déclassés). Viendra le jour où elle n’aura plus rien à perdre. Et elle descendra elle aussi dans la rue non seulement pour voir des têtes tomber mais pour proposer et mettre en place un autre monde possible…

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Notes

[1] Crédit photo : Jane Murple (Creative Cmmons By-Sa)




Quand Max, 11 ans, met Inkscape dans sa liste au Père Noël

Inkscape à l'écoleVous voyez les petits personnages sur le dessin ci-contre ? Ils ont tous été réalisés par des enfants d’une dizaine d’années à partir du logiciel libre Inkscape.

C’est l’histoire simple et belle de ces dessins que nous raconte ici le blogueur Phil Shapiro, qui n’oublie pas de remercier au passage le principal développeur d’Inkscape.

En espérant que nombreux seront les enseignants francophones à s’inspirer du projet de Sheena Vaidyanathan.

Je ne sais pas vous, mais moi je trouve cela réconfortant qu’un enfant de 11 ans préfère recevoir Inkscape plutôt qu’une horrible Zhu Zhu Pets comme cadeau de Noël 😉

Les étudiants de Los Altos apprécient le logiciel de dessin Inkscape

Students in Los Altos delight in using Inkscape drawing program

Phil Shapiro – 23 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Penguin et Naar)

L’un des aspects les plus amusants de mon blog à PCWorld.com est de lire les réactions envoyées par email en provenance du monde entier. Vous ne savez jamais qui va consulter ce que vous écrivez. Parfois, ils vont repérer un billet du blog sur la page d’accueil de PCWorld.com, ou dans le lien d’un message envoyé via Twitter, voire même dans un résultat de recherche sur Google plusieurs mois après que le billet ait été publié.

J’ai ainsi écrit un jour un billet sur Inkscape, l’éditeur de graphisme vectoriel libre pour Linux, Macintosh et Windows, et j’ai été alors ravi de recevoir un email de Sheena Vaidyanathan, qui enseigne l’utilisation d’Inkscape à ses élèves du primaire de Los Altos en Californie, au cœur de la Silicon Valley.

Voici comment Sheena m’a expliqué sa façon d’enseigner : « J’ai commencé à utiliser Inkscape en tant qu’outil de base pour le travail artistique, puis comme logiciel à utiliser après l’école et il est devenu si populaire que l’académie m’a demandé de l’associer à un programme appelé Digital Design pour les 7 écoles élémentaires. J’enseigne à 20 classes chaque semaine allant du CM1 à la 6e et chaque classe compte en moyenne 25 élèves. Après un trimestre, j’ai eu un nouveau groupe d’étudiants, et en un an, j’ai enseigné à tous les élèves de CM1 a la 6e, soit au bas mot 1500 étudiants ! C’est beaucoup de travail, mais j’adore enseigner et partager mon goût pour l’art et la technologie avec les enfants. J’adore utiliser Inkscape et d’autres logiciels libres (j’utilise aussi SketchUp et Scratch) parce que les enfants peuvent tout à fait les installer chez eux et les utiliser en dehors des heures de cours. Je ne suis pas sûre qu’il y ait d’autres écoles publiques qui aient un enseignement comme celui-ci, mais c’est un levier formidable pour motiver les enfants à la technologie et leur apprendre à utiliser les ordinateurs pour exprimer leur créativité. »

L’email de Sheena décrit un scénario qui est le rêve de tout éducateur : libérer les apprentissages par la créativité et les arts. J’ai demandé à Sheena si elle pouvait rédiger une note plus détaillée sur son projet, chose qu’elle a tenu à faire avec beaucoup de gentillesse et que l’on peut voir dans le contenu de ce billet qui comprend des liens vers les dessins de ses élèves réalisés sous Inkscape.

La cerise sur le gâteau dans cette histoire était dans le mail suivant que j’ai reçu de Sheena. Un de ses élèves de 6e, Max Jarrel, a dit à ses parents que ce qu’il souhaitait vraiment pour Noël était le logiciel Inkscape ! Voici le témoignage de son père : « Mon fils, Max, était fasciné par Inkscape et il a dit que c’était ça qu’il voulait pour Noël. J’ai ensuite découvert que le téléchargement du logiciel était facile et gratuit. Et il n’a pas arrrêté de jouer avec. » J’imagine Max sur son Inkscape, essayant chaque jour de créer des œuvres artistiques de plus en plus intéressantes.

Je fais partie de ceux qui croient que l’université ne commence pas une fois que vous avez achevé vos études secondaires. L’université débute au collège, quand vous commencez à prendre conscience de vos talents naturels et de vos sources d’intérêt. Le lycée permet de développer ces talents et ces centres d’intérêts. L’université est la strcuture qui permet de finaliser cela. Les étudiants développent rarement de nouveaux intérêts après avoir quitté le lycée. C’est formidable quand cela arrive, mais c’est l’exception plutôt que la règle.

Ainsi, ce que font Sheena Vaidyanathan et l’académie de Los Altos, c’est d’offrir des possibilités de conception graphique à un grand nombre d’étudiants. En combinaison avec les formations qu’elle dispense dans Google SketchUp et le langage de programmation Scratch, du MIT, ces étudiants font très tôt l’acquisition de solides compétences numériques qui leur rendront d’excellents services plus tard, quelle que soit la carrière qu’ils pourront choisir. De plus tous les logiciels mentionnés ci-dessus sont libres ou gratuits, ce qui signifie que cette académie lutte également contre la fracture numérique.

Quand j’ai lu le best-seller de Daniel Pink, A Whole New Mind (NdT : L’homme aux deux cerveaux), j’ai imaginé à quoi pourrait ressembler l’école du futur avec des élèves occupés à exploiter leurs créations sous la bienveillante direction d’un enseignant sage et attentionné. Sheena Vaidyanathan et ses étudiants sont une preuve vivante que ce futur est déjà là. Teresa Amabile, psychosociologue spécialiste de la créativité et de l’innovation, avait déjà clairement entrevu cela il y a 20 ans dans son livre Growing Up Creative: Nurturing a Lifetime of Creativity (NdT : Grandir créatif ou comment éduquer sa vie à la créativité). Tous les élèves et enseignants ont quelques part une dette envers Daniel Pink et Teresa Amabile. Leurs réflexions nous ont emmenés très loin dans la conception humaine et enrichissante d’une éducation pour nos enfants.

Ce billet ne saurait être complet sans mentionner l’incroyable dévotion et le talent des développeurs bénévoles qui ont conçu Inkscape. Je suis particulièrement impressionné par Jon A. Cruz, qui n’est pas seulement un artiste et un programmeur d’Inkscape, mais qui prend aussi beaucoup de son temps à répondre patiemment aux demandes des utilisateurs sur Twitter. Dans mon esprit, Jon Cruz ressemble un peu à un agriculteur qui dispose de son propre restaurant. Il ne fait pas simplement que produire de la nourriture et la cuisiner, il vient jusqu’à votre table et vous demande si vous l’appréciez. Tel est l’esprit du logiciel libre et du mouvement open source (NdT : FOSS en anglais, pour Free Open Source Software). Si vous n’y avez pas encore goûté, asseyez-vous. Vous êtes ici pour faire un festin !

Par ailleurs, vous pourrez rencontrer et discuter avec Jon Cruz en personne lors du prochain salon Linux (également dénommé SCALE 9x), qui aura lieu fin février 2011 à Los Angeles, en Californie du sud. Il sera présent sur le stand Inkscape. Voici une courte vidéo de Jon Cruz parlant de Inkscape en Australie, au début du mois. Si vous assistez au congrès SCALE 9x, arrêtez-vous également pour dire bonjour à Jonathan Thomas, le programmeur au talent immense d’OpenShot, l’excellent éditeur libre de vidéos pour Linux. Devinez ce qu’OpenShot utilise comme technologie avancée pour ses titres vidéos ? Vous l’avez deviné : Inkscape.




Coupé au montage ou mon trop court passage sur les ondes de France Culture

Brian Fitzgerald - CC by« Apple c’est un peu le Disneyland des nouvelles technologies… »

Aussi étrange que cela puisse sembler j’ai fait une très brève apparition ce matin sur les ondes de France Culture pour évoquer non pas le logiciel libre mais… Apple !

Le journaliste avait à peine trois minutes pour réaliser un sujet d’actualité sur la première Assemblée générale de la société sans Steve Jobs. Et il m’a contacté car il avait visiblement besoin d’un regard critique au milieu d’autres interventions plus laudatives.

Pourquoi moi ?

Je ne le lui ai pas directement demandé mais l’explication la plus plausible est à chercher dans la série d’articles (cf ci-dessous) que nous avons récemment publiés sur ce blog et qui sont assez bien placés dans le référencement des moteurs de recherche (ce qui en creux en dit long sur la présence d’une véritable critique d’Apple[1] dans le Web francophone).

Sachant que ces articles sont eux-mêmes des traductions collectives issues du travail de Framalang, je n’avais aucune légitimité pour m’exprimer. Mais peu importe, me suis-je dit, profitons-en pour tenter de faire passer quelques idées.

Et bien je suis désolé de vous décevoir mais c’est raté 🙁

On ne peut pas trop en vouloir au journaliste qui avait un temps limité (ainsi qu’un sujet qui n’avait rien à voir avec le logiciel libre) et qui a extrait ce qu’il jugeait pertinent de notre entretien téléphonique. Mais ce pertinent pour lui est malheureusement un insignifiant pour moi.

C’est le risque et c’est la loi du genre lorsque l’on n’est pas en direct, mais je me sens solidaire de tous les interviewés qui sont restés frustrés des coupes au montage effectués lors d’un passage radiophonique.

Le reportage tel qu’entendu par les auditeurs de France Culture (3 min – 2 Mo – lien direct au format ogg) :

L’entretien téléphonique presque au complet que le journaliste a eu la gentillesse de mettre en ligne sur le site de la radio (5 min – 6 Mo – lien direct au format ogg) :

Quelques articles du Framablog sur Apple mentionnés plus haut :

Notez que je ne suis pas forcément non plus très satisfait de ma prestation globale lors de l’interview. Vous auriez dit quoi, vous, à ma place ?

J’en conclue donc naïvement que pour réussir ce genre d’exercice, il faut d’abord être bon lors de l’entretien et ensuite prier pour qu’on en tire la substantifique moelle au montage.

Je vous laisse, je vais quand même prévenir ma maman que son fils est passé à France Culture dans le cadre de son quart d’heure warholien de célébrité 😉

Notes

[1] Crédit photo : Brian Fitzgerald (Creative Commons By)




Combien de grands écrivains bloqués à la frontière par le droit d’auteur ?

Shandi-Lee Cox - CC byPourquoi certains livres ne sont-ils pas traduits alors que tout porte à croire qu’ils le méritent ?

A contrario pourquoi d’autres livres connaissent de nombreuses traductions malgré le caractère très confidentiel de leur sujet et donc de leur audience potentielle ?

Pour les uns comme pour les autres à cause du droit d’auteur.

Un droit d’auteur qui selon le cas (et le choix) peut décourager ou encourager, nous dit ici Karl Fogel, qui est bien placé pour en parler car ses deux livres, le premier sous licence GNU General Public License et le second sous licence Creative Commons By, ont connu spontanément de nombreuses traductions[1].

Et nous aussi à Framasoft, nous sommes bien placés pour en parler, car lorsque nous décidons d’entamer un long projet de traduction via notre groupe de travail Framalang, la condition sine qua non est que la licence de l’ouvrage original nous y autorise explicitement. Un long projet comme notre dernier framabook Produire du logiciel libre de… Karl Fogel justement !

Le conte des deux auteurs : pourquoi l’un est traduit et l’autre pas

A Tale of Two Authors: Why Translations Happen, or Don’t.

Karl Fogel – 21 février 2011 – QuestionCopyright.org
(Traduction Framalang : Brandelune, Goofy et Penguin)

Pourquoi certains livres ne sont-ils pas traduits ?

Vous penserez peut-être qu’il est difficile de trouver des traducteurs disposés, ou que les compétences nécessaires sont rares, mais je vous propose deux études qui fournissent une autre explication.

La raison principale d’un texte non traduit vient tout simplement du fait qu’on nous interdit de le traduire. Lorsque les restrictions dues aux droits d’auteur ne les entravent pas, les traductions fleurissent.

Si vous êtes sceptique, lisez plutôt la suite. Voici l’histoire de deux auteurs, l’un dont les livres peuvent être traduits librement par n’importe qui, l’autre qu’on ne peut pas traduire. Nous allons même tricher un peu en disant que celui dont les livres sont ouverts à la traduction est un auteur mineur (un de ceux dont les œuvres, pour être parfaitement honnête, ne vont pas changer la face du monde). Tandis que certains des ouvrages de l’autre sont considérés comme des chefs-d’œuvre dans leur langue d’origine, au point que l’on peut trouver des citations d’éminents universitaires mentionnant l’absence de traduction comme « un des plus grands scandales de notre époque ».

Le premier auteur, c’est moi. J’ai écrit deux livres, tous deux sous licence libre, aucun n’a la moindre importance historique même si j’en suis fier et ai été content de les écrire. Le premier, publié en 1999, était un manuel semi-technique expliquant comment utiliser certains logiciels de collaboration. Bien que son public soit limité et que j’aie mis en ligne une version dans un format un peu lourd, des traductions bénévoles ont très vite été proposées, et l’une d’elles au moins (en allemand) a été achevée. D’autres traductions ont peut-être abouti, je ne sais pas (le livre étant déjà ancien et les traductions m’étant incompréhensibles, je n’ai pas fait l’effort d’en savoir plus).

Remarquez que je ne parle ici que de traductions faites par des bénévoles, celles qu’ils entreprennent juste parce qu’ils en ont envie, sans demander au préalable de permission à quiconque (il y avait aussi une traduction en chinois achevée et dont j’ai une version papier publiée, mais je ne la considère pas dans ma démonstration car elle est passée par les canaux de publication contrôlés par l’éditeur).

Mon livre suivant, publié à l’origine en 2005, ne visait également qu’un lectorat potentiel limité : il traite de la gestion de projets collaboratifs open source — il n’était pas exactement destiné à devenir un best-seller. Mais avec le soutien de mon aimable éditeur, O’Reilly Media, je l’ai mis en ligne sous une licence libre, cette fois sous un format plus agréable, et des projets de traductions bénévoles sont aussitôt apparus. Plusieurs ont maintenant porté fruit : le titre existe en japonais, en galicien, en allemand, en néerlandais et en français. La traduction espagnole est presque terminée, et d’autres encore sont en cours dont je vous épargne la liste.

(Ah oui, au fait, plusieurs de ces traductions sont disponibles en format papier de qualité commerciale, j’en ai chez moi des exemplaires. L’activité lucrative est parfaitement compatible avec les modèles de distribution non restrictifs, comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises)

Alors… tout ça pour un livre traitant de collaboration au sein des projets open source ? Vraiment ? Que peut-on en déduire ?

Eh bien, voyons un contre-exemple.

Hans Günther Adler (« HG Adler » de son nom de plume) est un auteur mort en 1988 dont l’œuvre est désormais largement reconnu comme majeure dans la littérature allemande sur l’Holocauste. Très peu de ses œuvres ont été traduites en anglais, sauf tout récemment le roman Panorama, publié en Angleterre et dont la critique a longuement parlé.

Deux de ces critiques nous permettent de bien comprendre pourquoi ici, sur QuestionCopyright.org, nous considérons que notre mission essentielle est de recadrer le débat public sur le droit d’auteur. Les deux critiques littéraires — manifestement intelligents, manifestement d’accord sur l’importance d’Adler, et écrivant tous deux pour les plus influentes revues littéraires de langue anglaise — commentent l’absence scandaleuse de traductions d’Adler en anglais tout en se recroquevillant dans une attitude passive quand il s’agit d’expliciter les raisons de cette absence.

D’abord, Judith Shulevitz dans le New York Times :

De temps en temps, un livre vous fait prendre brutalement conscience de la somme d’efforts et de chance qui ont été nécessaires pour le faire arriver entre vos mains. « Panorama » est le premier roman écrit par H. G. Adler, un intellectuel juif et germanophone vivant à Prague qui a survécu à un camp de travail en Bohème, Theresienstadt, Auschwitz, ainsi qu’à un autre camp de travail forcé particulièrement horrible car souterrain, appelé Langenstein près de Buchenwald. Adler écrit la première ébauche en moins de deux semaines, en 1948 il arrive enfin en Angleterre mais ne trouve personne pour publier son livre avant 1968. 20 ans et deux manuscrits plus tard le livre est enfin publié en anglais aujourd’hui, pour la première fois.

Il est difficile de concevoir la raison pour laquelle nous avons dû attendre si longtemps. Il en résulte que Adler est un presque parfait inconnu dans le monde anglophone. Seuls trois de ses livres ont été traduits : un travail historique intitulé « Jews in Germany », un roman appelé « The Journey » et, maintenant, « Panorama ». Le fait que les lecteurs anglais et américains aient eu un accès aussi limité à l’œuvre et à la pensée d’Adler pendant si longtemps est, comme l’écrit ce spécialiste éminent de la litérature allemande moderne qu’est Peter Demetz, « l’un des grands scandales de notre époque ».

Ensuite, voici ce qu’écrit Ruth Franklin dans le New Yorker :

Hermann Broch a écrit que le livre Theresienstadt 1941–1945 deviendrait un classique sur la question, et que la méthode d’Adler « clinique et précise, non seulement saisit les détails essentiels mais parvient à montrer en plus l’étendue de l’horreur des camps d’une manière particulièrement pénétrante ». (Le livre a été publié en Allemagne en 1955 et il est devenu très vite un ouvrage de référence pour les études allemandes sur l’Holocauste mais n’a jamais été traduit en anglais.)

Soit, Shulevitz et Franklin écrivaient des critiques du travail même d’Adler, pas des analyses sur les raisons pour lesquelles ces ouvrages avaient été si peu traduits en anglais. Il est pourtant frappant qu’ils aient choisi tous deux de commenter le manque de traduction, plus ou moins longuement, et pourtant ils n’offrent aucune hypothèse sur les raisons de cette absence. Ils décrivent simplement la situation et expriment leurs regrets, comme s’ils parlaient simplement du mauvais temps ; il n’y aucune indignation ni frustration sur le fait que l’absence de traduction est tout simplement due au fait qu’elles ont été interdites avant même qu’on puisse les commencer.

Je ne vais même pas utiliser « probablement » ou « sans doute » dans cette déclaration. À ce point, il faut considérer qu’il s’agit de faits établis. Si mes livres – mes petits ouvrages qui ne visent qu’une population limitée dans le monde du développement logiciel – sont traduits depuis l’anglais dans d’autres langues au lectorat plus faible, il est tout simplement impossible que les livres bien plus importants de H.G. Adler, sur des sujets beaucoup plus importants, n’aient pas été traduits de l’allemand vers l’anglais, si même une seule personne (ou, plus important encore, un seul groupe) qui aurait eu l’ambition de les traduire avait été libre de le faire.

Il existe un grand nombre de personnes qui parlent couramment à la fois l’anglais et l’allemand ; les études sur l’Holocauste intéressent de très nombreux locuteurs de ces deux langues et il existe des sources de financement, tant gouvernementales que provenant d’organismes à but non lucratif, qui auraient volontiers soutenu ce travail (certaines traductions de mon deuxième livre ont reçu ce genre de financement, il serait incompréhensible que ces financements puissent exister pour cela et pas pour les traductions du travail de Adler).

Le fait que l’absence de traductions d’Adler, ou d’autres œuvres importants, ne soit pas directement compris comme étant dû aux restrictions issues du droit d’auteur souligne la dramatique faiblesse du débat public autour du droit d’auteur. A l’heure actuelle, les traducteurs ne peuvent pas traduire s’ils ne sont pas assurés en premier lieu d’en avoir le droit, et puisque la position par défaut du droit d’auteur est que vous n’avez pas le droit de traduire à moins que quelqu’un ne vous en donne explicitement le droit, la plupart des traducteurs potentiels abandonnent sans avoir même essayé. Ou, plus probablement, ils ne pensent même pas à essayer, car ils ont été habitués à cette culture basée sur la permission. La simple recherche de la personne à qui demander la permission est un processus suffisamment décourageant, sans même compter le temps passé dans les incertaines négociations qui s’ensuivent lorsque vous avez trouvé la bonne personne.

Il n’est pas étonnant que de nombreux ouvrages de valeur restent sans traduction, étant donné les obstacles. Mais il est étonnant que nous continuions à nous voiler la face sur les raisons de cette situation, alors même lorsqu’elles nous crèvent les yeux.

Notes

[1] Crédit photo : Shandi-Lee Cox (Creative Commons By)