Rebootons la civilisation avec Marcin Jakubowski d’Open Source Ecology

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Temps de lecture 17 min

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Marcin Jakubowski est le fondateur d’Open Source Ecology (évoqué la première fois ici sur notre blog)

C’est l’un des projets les plus enthousiasmants qui soit  : disposer d’un kit de machines pour bâtir en toute autonomie les bases d’un village, d’une communauté ou d’une… civilisation  ! Et là où tout ceci devient passionnant c’est que ces machines sont libres, permettant à tout un chacun de reprendre les plans pour s’en aller poser la première pierre de sa propre future communauté.

Si vous ne connaissez pas bien, nous vous suggérons de commencer par cette conférence TED de Marcin sous-titrée en français. Et pour aller plus loin, nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un récent entretien donné par Marcin Jakubowski au blog du site TED.

Remarque  : il y a également ces autres très instructives vidéos qui donnent plus de détails sur les différentes machines.

Marcin Jakubowksi - TED

Le rédémarrage de la civilisation – Entretien avec Marcin Jakubowski

Civilization reboot : Fellows Friday with Marcin Jakubowski

Karen Eng – 27 juillet 2012 – TED’s Blog
(Traduction  : boubou, kamui57, steeve bois, xtof, maxlath, Lou, Slystone, KarmaSama, lorenzo11)

Le fondateur du mouvement Open Source Ecology, Marcin Jakubowski, est en train de jeter les bases libres d’une future civilisation, en commençant avec le Kit de Construction du Village Mondial (Global Village Construction Set). Ce kit de 50 machines à bas coût permettra à quiconque de bâtir toute l’infrastructure dont une communauté a besoin (Factor e Farm).

Le Kit de Construction du Village Mondial est une idée extrêmement ambitieuse. Quelle a été votre approche  ?

Depuis mon enfance je suis passionné par la technologie. Mon père est un scientifique et ma mère est une enseignante, et très tôt j’ai pressenti que la science était une invention humaine incroyable qui pouvait nous permettre de rendre la vie meilleure. C’est ce qui explique pourquoi j’ai toujours voulu faire quelque chose d’extraordinaire avec la technologie.

Mais plus j’ai progressé dans le système éducatif, moins je me suis senti utile. Pendant ma deuxième année de préparation à mon doctorat sur l’énergie de fusion nucléaire, je ne me suis plus senti en phase avec le travail que je faisais  : je pensais toujours que la fusion nucléaire était l’une des solutions aux problèmes énergétiques humains, mais plus je m’y intéressais, plus je réalisais que ce n’était pas la réponse. Cette technologie a beaucoup de problèmes, dont la radioactivité et le fait qu’il s’agisse d’une autre technologie de centralisation. Je sentais que cela ne contribuerait pas à une solution honnête pour une base technologique saine pour les Hommes. Donc j’ai commencé à réfléchir. «  Et bien, alors, qu’est-ce qu’une base technologique saine  ? Et comment peut-on se développer avec les technologies extraordinaires que nous possédons actuellement  ?  »

C’est comme cela que le Kit de Construction du Village Mondial a commencé. Et si on recommençait à partir de zéro  ? Est-ce que l’on peut créer des communautés qui soient vraiment des témoins du développement humain et qui ne finissent pas empêtrées dans des problèmes géopolitiques et de mauvais compromis que l’on connaît dans les sociétés d’aujourd’hui  ?

Comment et pourquoi avez-vous décidé de rendre le projet open source  ?

Pendant que je travaillais sur mon doctorat, j’ai remarqué que je ne pouvais pas parler librement à d’autres groupes car nous avions des éléments sensibles et confidentiels. Donc je me suis dit  : «  Bigre  ! Je suis à l’université et je ne peux pas travailler en collaboration de manière transparente  !  » J’ai senti que ces limites étaient simplement un frein pour ma capacité à apprendre – quelle opportunité manquée  ! Le concept d’Ecologie Open Source est issu de la tentative de répondre à la simple question suivante  : «  Qu’est-ce qui se passe lorsque l’on décide de travailler véritablement ensemble avec les autres  ?  » Ce principe s’applique à tous les secteurs de la société, de l’économie, à tout le reste. Pour le moment, la plupart des personnes ne travaillent pas ensemble. Chaque entreprise a son propre service d’ingénierie propriétaire. Il y a beaucoup de personnes qui réinventent la roue. Je pense que si on collaborait simplement, on pourrait accélérer le progrès par un facteur dix ou cent.

C’est cela l’essence de l’open source  : nous essayons de bâtir sur ce qui existe déjà, et après on contribue en retour et on laisse tout le monde en profiter, en opposition au profit de quelques-uns seulement. C’est donc un changement complet d’état d’esprit, on passe d’un jeu à somme nulle à une société de post-pénurie.

Quelles sont les machines produites et envisagées, et pourquoi sont-elles les éléments clés d’une civilisation  ?

L’ensemble de machines que je conçois englobe l’agriculture, l’énergie, les transports, la production… En gros tous les éléments d’infrastructure humaine sur lesquels on se repose pour fournir un standard de vie moderne. Est-ce que vous mangez  ? Oui vous mangez. Donc vous avez besoin d’équipements agricoles pour nourrir les gens de manière optimale, depuis le tracteur jusqu’au four à pain. De quels outils pourriez-vous avoir besoin  ? Une machine pour faire des circuits, des robots industriels, des équipements pour les énergies renouvelables, des machines pour construire, des machines pour fabriquer. Pour les transports, une voiture qui consomme 2 litres au 100 et qui fonctionne grâce à de l’énergie renouvelable avec un moteur moderne à vapeur, de la biomasse en granules pour le carburant. Les algues pourraient potentiellement marcher aussi. Pour l’énergie renouvelable, nous travaillons sur un concentrateur solaire à plusieurs miroirs, mais sur une échelle de 5 à 50 kilowatts. Ils sont réglables et modulables, donc nous pouvons en fabriquer plusieurs pour produire beaucoup d’énergie.

Toutes nos conceptions sont modulables. Par exemple, vous pouvez enlever les roues d’un tracteur en actionnant un levier, en retirant un boulon, pour l’utiliser sur une autre machine comme un mini tracteur ou un bulldozer, en maximisant la flexibilité de l’ensemble.

Avec la fabrication assistée par ordinateur comme les table de découpe contrôlées par ordinateur, les machines de précisions, les perceuses de circuits et les imprimantes 3D, les produits peuvent être conçus comme des Legos. Nous nous concentrons sur des designs modulaires, à assembler ensemble. En principe, c’est ce que nous visons. Une fois que nous auront optimisé la conception, je dirais qu’en un mois et avec, disons, quatre personnes, vous pourrez tout produire en utilisant des machines de fabrication avancée  : tracteurs, voitures, bulldozers, pelleteuse, moissonneuse-batteuses, bétonnières, machines des puits de forages – à peu près 30 appareils mécaniques différents, en un mois, avec une production hyper-efficace. Nous insistons sur le fait que nous n’en sommes pas encore là – mais les témoignages que nous avons recueuillis jusqu’à maintenant indiquent la réalité future d’une production efficiente, distribuée et open source.

Où trouvez-vous les matières premières pour toutes ces machines  ?

Pour le moment, nous achetons les matériaux en magasin. Mais dans le Kit de Construction il y a un four à induction et les procédures de roulage à chaud du métal. Donc vous pouvez prendre de l’acier de récupération, le fondre et en sortir de l’acier neuf. Ce qui fait que chaque décharge de métal est par essence un endroit où l’on peut reconstruire une civilisation.

Wow  ! C’est en gros un kit pour l’Apocalypse.

C’est ce que disent certaines personnes. Je le vois plutôt comme un moyen de faciliter la mise en production. Je voudrais qu’on l’utilise pour construire une véritable communauté. C’est pourquoi la Factor e Farm existe. Nous avons 12 hectares dans le Missouri, et nous avons réuni une équipe solide où nous avons simultanément développé et utilisé des outils pour construire une communauté. À l’heure actuelle nous avons 14 personnes vivant à la ferme. D’ici à la fin de l’année nous voulons pousser ce groupe à 24. Le challenge étant de trouver les bonnes personnes.

Vous avez aussi besoin d’autres ressources pour commencer, comme des graines.

Oui, nous avons besoin de quelques graines. Si vous voulez une agriculture pérenne, vous devez générer tout votre stock génétique et le propager en utilisant une nurserie. Si vous avez besoin de verre, vous avez du sable. Si vous avez du sable, vous avez de la silice, ce qu’est l’âge digital. Si vous avez de l’argile, vous avez des aluminosilicates, ou aluminium, ce qui est une part de la civilisation moderne, les métaux. Pour le moment, l’extracteur d’aluminium est l’un des outils les plus avancé du kit.

Est-ce que la Factor e Farm vise l’auto-suffisance  ?

C’est l’autonomie. Nous la cherchons comme but de notre entreprise sociale. Nous créons des outils qui permettent aux gens de produire à peu près n’importe quoi. Pour le moment, nous développons les outils, mais notre but ultime est de former les gens à être des entrepreneurs sociaux qui soient capables de tout créer, d’un Fab Lab open source à une ferme bio en passant par un centre de recherche.

Combien de machines avez-vous déjà finies  ?

Nous avons sorti quatre machines en version bêta – un tracteur, une presse à brique, un pulvérisateur agricole et une pompe hydraulique. Le tout cumulé, nous avons un peu moins de 15 prototypes dont la fraiseuse commandée par ordinateur, la torche de découpe commandée par ordinateur, le mini-tracteur, la bétonnière, le tour en 3 dimensions, le marteau-pilon, l’échangeur de chaleur. Nous travaillons actuellement sur une machine à vapeur moderne.

Toutes nos machines sont open source (tout le monde peut télécharger les plans et les budgets). Mais nous vendons aussi nos machines prêtes à l’emloi. Nous travaillons à l’optimisation de la production avec l’objectif de vendre des presses à briques en terre et engranger 20 000$ par mois, ce qui nous permettrait de financer notre projet. Nous rationalisons la production de telle sorte que 8 personnes puissent produire une presse en un jour de travail collaboratif. Cela nous coûte 4 000$ de matériaux et nous vendons les presses 9 000$, soit une marge de presque 5000$ par machine. Nous prévoyons de lancer 4 cycles de production par mois, et le reste du temps nous le passons à developper le Kit et la communauté. Les gens n’arrêtent pas de me contacter pour obtenir des presses, nous avons un marché. La plupart du temps je suis obligé de leur dire «  Hey, téléchargez les plans, récupérez votre chaîne de production, nous sommes débordés pour le moment  !  ».

Qu’en est-il de la communauté de la Factor e Farm  ?

Nous cherchons de gens qui souhaitent nous rejoindre. Notre but est d’arriver à 24 membres avant la fin 2013. Nous avons maintenant un responsable agricole sur site, nous commençons à pouvoir produire de notre sol toute notre nourriture. Nous visons à construire des habitations en blocs compressés (de 28 m²) en une semaine, presse et pose comprises. Nous venons de construire une unité de vie pour 10 personnes de 370 m² (double mur de brique séparés par une isolation à la paille). Nous ne sommes pas raccordés mais nous avons des toilettes à chasse d’eau et l’électricité. Nous avons aussi des toilettes à compost, soit différentes options pour différentes personnes.

Il y a un léger manque de parité. Nous avons une seule femme sur le site  ! Nous encourageons donc les femmes à nous rejoindre. Et nous construisons la communauté. Et c’est là où nous en sommes pour le moment. Plus tard, nous déciderons d’une stratégie et d’un business plan, parce qu’il existe de nombreuses directions où l’on pourrait aller.

Quel type de personnes cherchez-vous  ?

Nous cherchons des personnes qui sont par nature motivées, qui veulent lancer des opérations similaires et qui soient partie prenante du projet. La personne qui dirige la ferme voudrait à terme devenir agricultrice, et elle apprend en ce moment les techniques et l’utilisation des outils nécessaires. Notre directeur de production veut installer un nouveau centre une fois que le premier sera opérationnel. Nous cherchons donc des personnes qui soient réellement prêtes à utiliser les outils par eux-mêmes. Nous rémunérons les participants en fournissant un accès aux connaissances et aux technologies qui nécessiterait sinon d’être payé. C’est le modèle de ceux qui font de l’investissement personnel un mode de vie, avec des gens qui sont vraiment intéressés, qui ont donc la motivation et la bonne volonté de travailler dur pour faire de ce but une réalité. Nous pouvons aussi rémunérer directement les personnes pour le talent qu’ils ont et que nous ne pourrions pas obtenir autrement.

Psychologiquement parlant, c’est une expérience intéressante.

C’est la partie la plus intéressante. Ceci est, en fait, en train de devenir le plus gros challenge. La technologie est simple. Cela n’a pas une âme en soi. Mais avec les autres, nous remarquons que lorsque nous avançons dans l’expérience, nous devons aussi former les participants à une bonne santé psychique et mentale. Vous devenez une personne plus mature. Votre esprit doit évoluer d’un jeu à somme nulle vers l’après-rareté. C’est vraiment un développement personnel. C’est énorme, c’est tout simplement arriver à l’évolution d’une personne en tant qu’être humain.

Je pense beaucoup en termes d’équilibre de vie et en particulier d’équilibre travail/détente. Pourquoi les gens ne travaillent pas vraiment ou ne font pas de leur vie leur passion et leur travail  ? Nous, ce que nous faisons, c’est notre passion. Ce niveau d’équilibre est le réel bénéfice de l’opération. C’est presque philosophique, et cela se vérifie très bien sur moi. Je vis cela en ce moment et je poursuis ma passion. Et j’ai environnement à bas-prix qui rend cela possible de façon responsable.

Jusqu’à quel point pouvez-vous allez  ? En regardant plus loin dans le temps vous allez avoir besoin d’un système de santé, d’éducation…

Absolument. Pour le moment nous commençons simplement avec des infrastructures simples. Viendra ensuite l’éducation, la santé, un système financier, une gouvernance. Le matériel médical sera probablement le plus dur à obtenir. Viendront ensuite des choses comme la fabrication de semi-conduteurs. Notre but est de montrer qu’avec 12 hectares et 30 personnes, on peut créer ou recréer un standard de vie moderne saine, jusqu’à avoir des semi-conducteurs et du métal, le tout à partir des ressources du site. Jusqu’où un petit groupe de gens peuvent aller pour créer ensemble une référence de prospérité.

Comment la communauté TED a changé votre manière de travailler  ?

Avant le TED 2011, nous disposions d’un budget mensuel de dons de près de 1 500 $. Du coup je suis assez vite arrivé à court d’argent. Depuis que nous avons rejoint la communauté, nous avons eu près d’un million de visites sur le site de la vidéo de ma conférence TED et 500 000 $ de financement. Tout cet argent et la plupart de l’équipe sur site est arrivé essentiellement après avoir vu cette conférence.

Donc en gros, depuis 2011, on a explosé et on essaye en ce moment même de gérer ces problèmes de croissance. C’est assez génial ce qui se passe en fait actuellement  !

Comment les gens accueillent-ils l’idée  ?

Il y a essentiellement deux camps. Les uns disent «  Waou, l’idée va se répandre partout et cela vaut le coup de la soutenir  ». Beaucoup sont intéressés par le principe.

Puis il y a ceux qui disent, «  Si vous êtes open source, vous ne pourrez pas passer à grande échelle. Quel est votre business model  ? Comment allez-vous vous développer et diffuser  ?  » Et c’est une question difficile. Pour moi la réponse est claire, il faut que nous reproduisions des objets très courants que tout le monde utilise. Si nous pouvons les produire à un coût plus bas – disons 5 à 10 fois moins cher – alors nous pouvons être dans le coup. Nous sommes en train d’optimiser le design de nos produits vers la simplicité, la durée de vie, la modularité, l’interchangeabilité des pièces. Nous essayons d’apprivoiser la technologie. Je pense que c’est une base solide.

Et alors les gens disent, «  Bon, et comment vous générez votre revenu  ?   » Nous cherchons à montrer qu’une installation de 400 m², une installation flexible et informatisée qui fait partie de notre boîte à outils – peut générer 80 000 $ par mois. Notre but est de faire la démonstration d’une production rentable et efficace, qui servira à amorcer notre trésorerie puis enseigner aux autres comment devenir une entreprise. Donc c’est un modèle entre production et formation que nous répliquerons en partageant les connaissances acquises avec d’autres personnes. Ils pourront alors soit commencer une installation du même type, soit mettre en place un centre de recherche, ou n’importe quelle sorte d’installation agricole. Ces outils peuvent avoir des usages allant de la reconstruction de villages, au lancement d’écoles, de fermes bio, d’unités de production, toutes sortes de choses. Il y a donc un grand potentiel en nous positionnant en tant que pépinière distributive de telles entreprises. Nous apporterons simplement des produits efficaces, bon marché et qui donnent envie partout dans le monde.

Cela passe à côté de l’objectif, non  ? Parce que le but n’est pas de générer des revenus massifs, le but est de créer un monde auto-suffisant. Le but est de pouvoir vivre comme on le souhaite.

Absolument, c’est exactement ça. Une de nos critiques économiques courantes est que le marché devient efficace avant de faire faillite. Nous pouvons profiter de notre avantage concurrentiel seulement pour un laps de temps court pour un projet open source, avant que d’autres n’entrent dans la compétition et ne fassent baisser les prix. Mais c’est en fait un indicateur de notre succès  : les gens adoptent une production à faible coût, distribuée de telle sorte que le monde en général atteint un état de post-pénurie matérielle (un stade dans lequel la pénurie matérielle devient impossible).

Alors, comment survivre à long terme  ? En tant que pionniers, nous jouissons d’une primauté économique et d’un capital social initial – jusqu’à ce que nous soyons en mesure de financer un développement futur. Nous passons ensuite au développement de nouvelles machines. Notre modèle est effectivement fragile parce que nous sommes open source. Mais si c’est effectivement le cas (et si nous réussissons à faire cela pour un ensemble d’outils qui peuvent engendrer une économie complète) alors nous avons effectivement réussi à inventer un modèle évolutif pour créer des communautés économiquement autonomes. Pour moi, cela implique un monde meilleur où la pénurie matérielle ne serait plus une force motrice sous-jacente de la plupart des dynamiques de la civilisation. Ainsi, les gens pourront poursuivre de plus grands objectifs, une intégration entre la vie et le travail, et un standard de vie moderne qui ne nous ramène pas à l’âge de pierre.

Personnellement, je pense que c’est possible avec une infrastructure technologique vraiment appropriée à la civilisation. Nous pouvons créer un standard de vie moderne avec moins de deux heures de travail par jour, en utilisant d’abondantes ressources locales. Après cela, que faisons-nous de notre temps libre  ? Nous nous concentrons sur des choses qui sont vraiment importantes pour nous. Cela nécessite un retournement complet de la façon de penser. J’ai l’espoir que nous allons évoluer à ce niveau en tant qu’être humain en moins d’une génération.

28 Responses

  1. David

    Et la consommation énergétique ? Un monde de post-pénurie matériel c’est pas mal, surtout pour les pas du sud. Mais tout ça consomme beaucoup d’énergie. Est-ce qu’on ne va pas gaspiller des ressources rares, si chacun fait sa production dans son coin ?

  2. ttoine

    @David: si chacun fait sa production d’énergie dans son coin, on économise tous les matériaux nécessaires à la distribution (cables électriques, pipelines, etc…) et les pertes de rendements qui vont avec. Si en plus on utilise des solutions intelligentes et peu énergivores, et qu’on se passe de l’inutile, il est très crédible qu’être autonome facilement soit possible sans pour autan gaspiller.

  3. tala

    @ttoine :
    L’initiative open source ecology semble avoir une attirance vers les solutions de « haute-technologie » et souvent de forte consommation d’énergie.
    Cette attirance ne tient pas seulement à des arguments rationnels.
    J’ai vu sur leurs vidéos un extracteur à miel rudimentaire tourber sur un tracteur, dans leur wiki un projet de réalisation massive de ruches en plastique, via des imprimantes 3d pour augmenter la production apicole des pays pauvres.
    http://opensourceecology.org/wiki/3
    Enfin, dans leurs forums, plusieurs inscrits demandaient : pourquoi si compliqué ? Pourquoi ne pas libérer des systèmes robustes, bien pensés, sobres et plus immédiatement utiles à tous plutôt que des équipements industriels difficiles à entretenir et à approvisionner ?
    http://forum.opensourceecology.org/
    http://forum.opensourceecology.org/
    http://forum.opensourceecology.org/
    http://opensourceecology.org/wiki/T
    http://forum.opensourceecology.org/
    Au final, je n’ai pas trouvé leurs réponses convaincantes sur ces points et je crois que, sans nier l’avancée qu’il représente, ce projet risque de passer à côté de certains problèmes s’il se limite par principe aux « grosses machines » spectaculaires.

  4. Galuel

    Le mur de l’expérience est clair. Il est cité dans l’article même…

    De l’Open-Source Ecology financé par … de l’argent privateur…

    Le pêcheur ramasse le filet et les poissons frétillent…

  5. Jef

    Et les ordinateurs ? J’ai l’impression que leur système est complètement dépendant des ordinateurs. Or dans société en pénurie, ce sont les machines sophistiquées (dont font partie les ordinateurs) qui risquent de lâcher en premier.

    Quant aux ruches en plastique, c’est clair que c’est débile.

  6. tala

    Avant tout, je remercie l’équipe de framasoft pour son travail, que j’apprécie en général beaucoup et qui m’a permis de découvrir ce projet ainsi que les fab-lab, les imprimantes 3D, … et avant tout, tout plein de logiciels libres.
    Par contre, je remarque que c’est au moins le troisième article du framablog au sujet de Open source Ecology (de mémoire).
    L’énergie de chacun est limité. Le temps nécessaire à la construction d’un article plus analytique ou critique est sans doute très important.
    Mais pourquoi revenir une fois de plus sur le sujet si c’est pour traduire une nouvelle présentation générale de l’initiative ?
    Quel est le point nouveau depuis « Open Source Ecology ou la communauté Amish 2.0 » ou « un kit libre pour démarrer une civilisation » ?
    Bonne soirée.

  7. Sébastien C.

    Bonsoir à tous,

    C’est amusant comme tous ces « meneurs » s’attachent à s’aveugler eux-même pour ne pas défaillir de leur angoisses existentielles…

    Car excepté la manifeste détestation de l’obsolescence programmée (ce qui s’entend fort bien comme un bon point non négligeable), on ne sent vraiment que très-très-peu de réflexion qui aille au-delà de la jouissance technologique, là, maintenant, tout de suite et au plus « vite ».

    Quid de l’idée décroissante, de la Vie entre les personnes, de l’Éducation ou de la Santé dont la moindre des évidences humaine les ferait passer AVANT la technologie ? Ces garçons, avec leurs gros kikis très freudiens, sont sans doute très jolis à contempler (et, c’est sûr, je serai le premier…), mais ils le reconnaissent eux-même : il manque une composante féminine qui les feraient réfléchir certainement à autre chose qu’à LEURS choses.

    On note le « presque philosophique » parce que c’est « presque complètement » décevant… C’est une vision très américaine dans le productivisme qu’elle projette ; sans parler des systèmes hiérarchique ou monétaire qu’elle ne remet même pas en question. Ce garçon ne me semble évidemment pas stupide au point de ne pas comprendre que quelque chose ne fonctionne pas dans son discours ; juste fait-il passer la charrue avant les bœufs de son désir et patauge assez lamentablement dans la choucroute dans sa démonstration boiteuse. En soi, ça me semble quand même hachement manquer d’originalité…

    Et c’est là que les multiples bâts blessent : la « richesse » n’est pas autrement envisagée que dans « l’Avoir », si possible beaucoup, alors qu’on oublie encore une fois qu’elle commence par l’« Être » (dans la mesure entendue de la satisfaction stomacale, s’entend). Il n’y a aucun reboot la dedans, pas même l’esquisse d’une recompilation de noyau à chaud ou, plus simplement encore, de changement de logiciel ! « Ouvert », sans doute, et il faut donc en conséquence s’en réjouir et leur piquer toutes les idées intéressantes dans la joie et la bonne humeur. « Nouveau », certainement pas, puisqu’avant d’être « amish 2.0 », on me permettra de souligner à quel point il m’apparait nécessaire de croire en un Dieu (quel qu’il soit, on s’en secoue le Sigmund), et que celui-ci dépasse largement le cercle de la satisfaction égotique pour se risquer à une altérité autrement plus décevante (car un poil plus complexe) que toutes les technologies jamais produites par ces messieurs. Ça n’est pas exactement le genre de chose qui se budgète ou se chiffre en journées de production ; c’est même très difficilement quantifiable puisque, précisément, cela s’exclue toute privation. Celle des sources bien sûr, mais aussi, et sans doute surtout, celle qui libère l’évaluation, comparative, systématique et référentielle, vous savez, le prix des choses, là, parce que je suis assez dominant pour vous l’imposer comme tel !

    Et que c’est une fois de plus agaçant de voir tant d’énergie dépensée à passer à côté de ce que je crois être l’Essentiel, alors que ces gens là sont quand même loin d’être idiots !

    Grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr !

  8. tala

    @Sébastien : Je ne vois pas en quoi la « présence » divine serait un progrès.
    Est-il vraiment nécessaire de remplacer une fascination par une autre pour devenir simplement raisonnables ?

  9. Sébastien C.

    @tala
    Ne peut-être pas prendre cette façon que j’ai eu de m’exprimer au premier degré… Je voulais mon post un poil pseudo-philosophico-psy, juste pour rigoler. Ce que je veux dire, c’est qu’on s’attache beaucoup trop à la production, à la matière, alors que le but premier qu’il me semble être nécessaire d’atteindre, c’est l’Homme, avec ce qu’il a de particulier : son esprit. Parler uniquement technologie comme si c’était un terrain neutre « presque » philosophique, ça me fait bondir puisque c’est, pour moi, se mettre le doigt dans l’œil. En cela, Linus, me semble être battu à plates coutures par Richard. « Dieu », ici, n’est pas dans ma bouche une « présence » ; c’est juste une raison d’être, une signifiance. Faire de la technologie pour de la technologie comme cela transpire à l’excès dans ce texte (sans parler du site qui va avec), ça me semble passer à côté de l’essentiel. Les amishs ne sont pas décroissants par un désir esthétique mais bien par la volonté de leur foi, donc de l’idée qu’ils se font de leur identité et leur place dans le monde. En cela, ils magnifient beaucoup plus leur relation à l’Autre que le délire technologique (et finalement consumériste) qui ne satisfait, ici, que l’ego, comme si, de surcroît, son expression pouvait se faire l’économie de conséquences. Ce « Dieu » est donc un moteur philosophique qui n’a rien de secondaire ; il est même primaire parce qu’il est « sens ».

    Donc pour répondre à votre question, oui, je crois « raisonnable » le fait de mettre du signifiant conscient à tout acte ; c’est même incroyablement — et délicieusement — humain. C’est une composante qui me semble manquer cruellement à la lecture de ce texte. Et notez bien, pour vous rassurer, que j’entends tout aussi bien l’inquiétude qui transpire dans la formulation de votre question qui me rappelle l’Histoire à mon bon souvenir. Mais rassurez-vous encore : je ne crois pas être vraiment du genre à l’éluder d’un revers de main… Donc, encore une fois, je ne parlais pas de Dieu dans le sens où vous me le suggérez pour « remplacer une fascination par une autre ». Plus encore, et pour aller dans votre direction, je soulignerai même qu’il est terriblement important de se garder de faire de la technologie une « fascination », précisément dans le sens où vous le proposez ! Les mots sont extrêmement limitatifs dans les idées qu’ils peuvent drainer et c’est pour cela qu’il n’est pas aisé de les combiner pour se faire comprendre.

    Je comprends bien que ce que je dis ne soit pas forcément d’une clarté limpide… Mais c’est un sentiment suffisamment fondamental à mes yeux pour, quand même, essayer d’en exprimer ici la forme.

    Me fais-je entendre ?

  10. Antonin

    @Sébastien C. : je désespérais de voir une réflexion sortant un minimum de l’aspect technico-geek ! Ça fait du bien ! 😀

    Je suis d’accord pour dire que c’est loin d’être un « reboot » de la civilisation. Ca n’a même rien à voir.
    Je ne vais pas détailler tous les problèmes techniques créés… (encore plus de déchets ? D’ou vient l’énergie ? On garde pétrole, plastic, alluminium ?)

    Le fait que quelque chose soit Open Source (ce qui est très bien !) ne devrait pas enlever la réflexion critique qui va avec. C’est une composante importante, certes, mais qui ne peut pas seule construire une « nouvelle civilisation »…

    Tous les problèmes de ce siècle ne sont pas techniques. Le plus gros est même cette adoration religieuse que les gens ont dans la Technique, le Progrès, la Science et ses engences (nouvelles technologies diverses, biotechnologies, etc.)…

    Évidement, il ne faut pas entendre ici un refus total de la Science, de la Technique ou du Progrès (ca n’a pas de sens). Mais tant qu’on aura pas conscience qu’au mieux personne ne tient le gouvernail, et qu’au pire il est vaguement tenu par une poignée irresponsable, égoistes et individualistes au possible (ce qui se rapproche le plus de la réalité…), on ne pourra avancer…

    Et évidement, c’est bien sur l’aspect Humain, Social et Politique (dans le sens noble du terme) qu’il faut travailler.

  11. Ginko

    @Sébastien C., Antonin,

    Si j’entends et j’adhère à votre idée générale : que politique, société, technique, technologie, science et religion sont profondément intriquées et ne sauraient être réfléchies, à un niveau global, séparément. Je me dois, en tant qu’athée authentique (et non agnostique), de réfuter que cette réflexion doive tendre vers un Dieu, quelqu’il soit (y compris un simple « sens »).

    Si le vulgus pecus tend naturellement vers l’idée de Dieu (notamment en tant que sens ultime), ma propre existence démontre que ce n’est pas une exigence pour la condition humaine et qu’il n’est pas forcément nécessaire d’en faire quelque chose d’  » Essentiel  » pour la vie.

    Mais je le rappelle, j’adhère à cette exigence de penser la technologie en prenant compte des autres composantes humaines !

  12. Sébastien C.

    @ Antonin,
    C’est mon anniversaire aujourd’hui ; et votre commentaire est un cadeau qui va éclairer ma journée ; MER-CI ! Je souligne votre expression d’« adoration religieuse » pour laquelle je plussoie d’un facteur mille tant je ne crois pas être mal placé pour savoir à quel point il n’y a là aucun changement de paradigme, excepté dans la forme dont on se secoue mollement le Verbe, ce qui n’est même pas drôle (alors, hein, le « signifiant », y rigole même pas).

    Parce que quand même, avoir besoin d’une imprimante 3D pour pondre des ruches et se poser très sérieusement la question « There is a small chance that bees won’t like the plastics used. This is an open question that can only be settled by experiment. », ça me semble quand même relever de questions « hors sol ». Ça me donne envie de leur conseiller de venir dans des régions désertiques pour leur suggérer de retrouver des outils anciens locaux (rabots, scies, ciseaux à bois), les remettre en fonction (affûtage) pour, vas-y mémère, forme-toi les mains, c’est trop bon pour la profondeur de ton expérience !

    Non mais c’est vrai, fÔ pas dékonner, sans blaaaaaaaague !

    Non, je plaisante Antonin, vous êtes beaucoup plus sage dans votre rappel que la « Technique » (mot nettement moins « n’importe quoi » que « Technologie » qui n’est qu’un anglicisme sans couleur distinctive) n’est évidemment pas à jeter aux orties puisque qu’on ne fait pas plus table rase du passé qu’il n’est possible de le faire du présent.

    N’empêche, y’a des fois, s’avez c’que c’est, ça énerve ; grave.

    😉

  13. Antonin

    @Ginko: J’approuvais le recul de Sébastien C. sur la technique en elle-même, pour privilégier le côté Humain.

    En tant qu’athée convaincu, je pense également inutile (pour ne pas dire néfaste sur certains points) tout rapport avec « Dieu » pour un problème de Société.

    Cependant (mais je ne veux pas m’avancer sur les propos de Sébastien), je pense qu’il entendait plus par Dieu le mot Spiritualité (au sens philosophique, pas religieux). C’est en tout cas ce que j’ai interprété de ses propos, et ce sur quoi je suis d’accord.
    Dans ce cas effectivement, le mot Dieu ne serait pas significatif.

    Mais j’ai peut-être tendance à interpréter l’ensemble d’un discours quand il va dans le même sens que le mien, je le reconnais volontier… 😀

    @Sébastien : Pour rester dans les congratulations, c’est votre commentaire qui m’a ma remonté le moral ! Plus ça va et plus je deviens pessimiste… L’idée de décroissance (je préfère « abondance frugale ») n’est pas encore bien cernée par tout le monde, et c’est bien dommage…

    Pour ce qui est de la Technique, je n’invente rien mais tente modestement -et grossièrement du coup- de distiller les idées de Jacques Ellul, pourtant pas toutes jeunes (sa première oeuvre majeure dédiée a la Technique date de 1954 environ !), mais encore incroyablement justes et plus d’actualité que jamais !

    Il a dédié sa vie à une analyse de la Technique, et je ne saurais que trop vous conseiller la présentation très instructive de son oeuvre par Jean-Luc Porquet, « Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu » (édition Le Cherche Midi).

    Ce sont des idées dont on devrait tous au moins connaitre l’existence, particulièrement pour les nombreuses personnes qui travaillent dans un domaine technique, comme c’est mon cas.

  14. Sébastien C.

    Bonjour à tous,

    J’insiste encore une fois sur le fait que je n’ai cité le nom de Dieu qu’en regard de celui des amishs pour qui il me semble indissociable. On ne peut pas, selon moi, parler d’un groupe social sur le seul fait de son apparence. J’avais d’ailleurs fait suivre cela d’une blague psycho-salace pour faire comprendre le relatif de mon point de vue et, manifestement, je ne suis pas forcément toujours très clair dans mon expression…

    Donc j’irai peut-être encore plus loin que vous, Antonin, sur ma propre définition du mot « spirituel » ; elle est incroyablement basique, donc étymologique. Pour moi, le spirituel, cela relève de l’esprit ; point barre. Donc, pour moi, votre athéisme est « spirituel » dans le sens où, par lui, vous vous projetez en conscience (vous sortez de la caverne platonicienne) avec cet outil que l’on nomme esprit.

    Évidemment, ce point de vue présente le gros inconvénient d’élargir sans doute un peu trop le champ sémantique… N’empêche, parce qu’indissociable du langage, c’est propre à notre néo-cortex et donc évidemment relatif à notre espèce. Que ce soit une conséquence de combinaisons purement chimiques d’un prout qu’on nomme actuellement big-bang ou de la volonté d’un vieux monsieur barbu souvent placé au haut des retables du XVIIe siècle m’importe finalement peu. M’intéresse nettement plus le fonctionnement du bouzin et de ce qui est possible de faire avec, à y être dans un sens qui dépasse l’Histoire (qu’on peut je crois sans peine juger quelque peu laborieuse…), même si j’ai bien conscience qu’on ne peut faire autrement que de s’appuyer dessus.

    Je lie énormément le concept de « spirituel » à la phénoménologie de la « conscience ». Et je crois que malgré l’omniprésence des dominances présente dans TOUTES les religions, il se trouve, par le fait même de cette abondance du néo-cortex, une attirance/répulsion de l’Altérité. Ça me semble très bien illustré par le texte présent : on fait de l’Open-Source parce qu’on désire l’Autre ; naturellement, je trouve cela très positif et je saute aussitôt à pied joints dans la marre pour y patauger gaiement. Mais on ne pousse pas la réflexion trop loin parce qu’on est aussi dans la « toute puissance », ici technologique, ailleurs de dominance, ce qui, pour moi, se résume à un mot : l’ego. Or, C’EST cette économie-même de réflexion de l’esprit qui détruit l’Autre (donc soi-même, pulsion de vie/mort illustrée par ce brave Sigmund) et il me semble que c’est sur ce point précis que l’on peut parler de « paradoxe spirituel » dans lequel tombent toutes les religions, y compris la technologique déjà évoquée plus haut… Le fait que vous citiez Ellul m’a fait revenir sur sa page Wikipédia qui rappelle que son œuvre fait aussi fruit de ce paradoxe (« une tension inexplicable mais porteuse de sens ») entre son adhésion au christianisme primitif et sa dette intellectuelle envers Marx : « deux parties, à la fois distinctes et se répondant dialectiquement ». Comme vous, je crois qu’il faut lire et relire Ellul en commençant par exemple par le site principal (très riche) qui lui est consacré :
    http://www.jacques-ellul.org/
    étant bien entendu que ce n’est pas le seul auteur parlant de Liberté mais qu’il fait partie d’un ensemble auquel nous collaborons, en fait, tous autant que nous sommes, ici et maintenant. Cela me fait vous souligner que je n’adhère pas à votre pessimisme ; au contraire, si on étudie l’Histoire, on se rend compte que toute crise est fruit d’un mal-être. Dans cette optique, les crises ne sont pas mauvais signe ; au contraire, elles annoncent des catharsis qui, parce qu’humaines, prennent énormément de temps. Or, nos comportements humains, par la prédominance de l’égo qui nous assure aussi (Dieu merci ? 🙂 ) notre nécessaire subsistance immédiate, ont largement tendance à nous occulter le fait qui nous faut dépasser le temps de nos petites générations dans nos perceptions des choses… Aussi, avant que les distinguos entre « décroissance » et « abondance frugale » soient intégrés par des enfants de dix ans, il se passera le même type de temps que celui qui fut où seuls les érudits savaient faire les quatre opérations fondamentales et aujourd’hui.

    Notre évolution humaine me semble donc avoir un peu de pain sur la planche spirituelle ou, si le mot vous gène car trop chargé d’Histoire, cérébrale. Ça ne veut pas pour autant dire que je prends ces braves gens pour des cons ; c’est juste que j’aime à rappeler que toutes nos actions deviennent extrêmement compliquées dans la simplification qu’elles demandent pour être vraiment reçues. C’est aussi dû à la conscience de l’Histoire qui prend de l’ampleur (et dont, croyez-le bien, je ne peux que me réjouir) et qui, partant, éclaire ces paradoxes dont il nous faudra un jour nous détacher en nous servant de notre conscience comme outil.

    Ce « travail » à faire, mis sur l’établis de nos vies respectives me semble tuer dans l’œuf tout pessimisme dépressif tant il est passionnant ; je ne dis pas que cela soit une perspective facile au point de s’en mettre les doigts dans le nez. Au contraire, c’est si ça l’était que ce serait carrément chiant… Il nous faut donc envisager une « simplicité consciente » ; pas faire dans le simplisme égotique et je reconnais que c’est, là aussi, quelque chose d’extrêmement compliqué. Paradoxe, quand tu nous tiens… on ne peut que t’embrasser !

  15. Ginko

    @Sébastien C.,

    Après une dizaine de minutes de réflexion au calme, je crois avoir saisi votre idée et même peut-être votre « blague psycho-salace » (mais pour ça, je ne suis pas si sur !).

    De plus, bien que le mot « spiritualité » et son adjectif « spirituel » semblent peu à peu se décharger de cet aspect « relation à Dieu et salut de l’âme » (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Spirit… ), nombreux sont ceux qui ne sont pas à jour là-dessus (dont moi 🙂 ).

    Au final, bien que je manque sans doute de recul Historique, mon sentiment est plutôt que les sociétés actuelles tendent plutôt vers la perte de spiritualité, de morale et d’éthique, sous les coups de boutoir de l’économie toute puissante.
    Est-ce bien ou mal ? Je l’ignore. Après tout, les Églises n’ont jamais été innocentes ; les États n’ont jamais été égalitaires et « La » vérité philosophique n’est qu’un concept abstrait.
    Mais je sens que remplacer toutes les valeurs par la valeur économique (et son dogme, la société de consommation) n’est pas la bonne voie.

  16. Sébastien C.

    @Ginco :
    Dites vous bien que dix minutes au calme sont bien peu de chose au regard de sujets comme ceux abordés ici qui peuvent remplir une vie… C’est même très flatteur de votre part que de me confier m’avoir perçu tant je sais bien à quel point je m’égare, croyant être suivi alors qu’il n’en ait rien ! Merci de cet effort ! Et je dois vous confier encore (mais ne le répétez pas, c’est tout ce qu’il y a de plus confidentiel) que je sais bien avoir la chance de jongler sans peine avec ce genre de concepts puisqu’ils me pétrissent depuis l’enfance (contexte familial quelque peu favorable)…

    C’est « psycho » parce que ce cher Freud était un peu (trop) obsédé par la chose à mon goût. Donc, c’est aussi « salace » parce que la « nouille » aurait dépassé mes possibilités de vulgarité, pourtant fort étendues dans ces domaines qui demandent de la distance pour pouvoir être suivi sans ce sentiment lassant d’avoir l’impression que tout le monde vous fait la gueule parce que vous choisissez d’emprunter des chemins un tant soit peu inhabituels.

    Il faudra pourtant à mon avis en passer par là pour se sortir du petit bout de la lorgnette économique qui, elle aussi, n’a jamais fait que magnifier l’ego (encore lui, le bougre). Difficile ce chemin-là ? Allons donc, ne nous prenons pas nous-même pour des abrutis ; quand nous le voulons, nous pouvons faire des merveilles.

  17. Xapon

    Perso, je trouve ça génial.
    De mon coté, j’avais déjà pensé à un livre ou un manuel qui expliquerai comment reconstruire progressivement une civilisation à partir de rien. dans le cas présent, Marcin Jakubowski nous évite de tomber aussi bas.
    Son projet fourmille de bonnes idées :
    Définir le nombre d’outils minimal pour tout faire dans une situation donnée. Cela peut même s’appliquer à une future base lunaire ou martienne.
    Concevoir et fabriquer des machines open source. Plus de royalties à payer pour les pays du tiers monde.
    Simplifier les machines. Possibilité de réparer et de fabriquer sur place les pièces de rechange.
    Rationaliser la conception. Moins de pièces différentes. Il est plus facile de disposer des pièces de rechange. Elle coûtent moins cher à fabriquer.
    Pour ma part, j’ai toujours rêvé de rouler dans une voiture Open-source.

  18. Sébastien C.

    @Xapon
    Ai-je un jour prétendu le contraire de ce que vous affirmez ? Notez bien que je ne trouve personnellement AUCUNE « utopie » dans cette démarche ; seulement elle me paraît « courte » dans le sens où elle ne s’étaye que de très peu de raisons d’être philosophiques, ce qui la fragilise considérablement dans le contexte économico-totalitaire actuel.

    Parce que, quand même, simplifier les machines ou donner aux gens la possibilité de réparer et de fabriquer sur place les pièces de rechange EST PARFAITEMENT FAISABLE à l’échelle d’une société, ceci depuis le début du XXe siècle !

    http://www.youtube.com/watch?v=J-XG
    http://www.youtube.com/watch?v=f3a4

    Mais la pression est telle qu’il est quasiment impossible de progresser pour aller dans le sens que vous proposez, non pas parce que c’est pratiquement infaisable, mais parce que l’on remet alors en cause tout le système économique, lui-même entièrement basé sur un principe très archaïque (reptilien, c’est vous dire…) de dominances ! C’est la lobotomie d’une très large majorité des composants de la société par une toute petite minorité qui permet cela, et rien d’autre.

    Pour dé-lobotomiser, il faut éduquer ; pour éduquer il faut s’appuyer sur du « sens » et que celui-ci soit, de surcroît, accessible très simplement (ce qui est très compliqué…), parce que sans lui, il n’y a pas de « désir », moteur d’une société et n’en déplaise à « Ginko ». Le seul désir actuel se trouve dans « l’Avoir » ; l’Histoire nous apprend qu’il y a eu des temps où elle était dans l’« Être ». Par exemple, entre le XIe et le XIIIe siècle, toute l’Europe — et particulièrement la France — se met à construire des églises et des cathédrales pour un « Être », en l’occurrence supposé futur (après la mort). Notez bien que je suis parfaitement conscient qu’en aucun cas, il n’y est, à cette époque comme dans les autres, envisagé une autre relationnelle humaine que celle basée sur le principe de dominés majoritaires et dominants extrêmement minoritaires ; en mille ans, l’humanité n’a pas évolué d’un iota sur ce point précis. Mais le désir sur lequel s’appuient les dominances, lui, a changé, parfois très rapidement (moins d’un siècle). La conscience aussi ; ou plus exactement un peu, même si on peut espérer qu’elle aille croissante : les deux liens « Youtube » donné plus haut en témoignent.

    Mais encore une fois : prétendre faire de l’Open-Source sans en souligner le pourquoi philosophique et humain, c’est vraiment pisser dans un violon ou faire des ronds dans l’eau. Pire : cela satisfait pleinement le camp d’en face (typiquement : Google avec Androïd) qui s’en repaît pour étayer son propre système économique, gentiment totalitaire. Notez encore qu’entre l’« Avoir » et l’« Être », même s’il m’est personnellement donné de préférer le second, je ne réduis pas la vie à ces deux seuls principes ! On peut tout à fait imaginer une société qui allie les deux ou qui invente d’autres points focaux sur lesquels elle axe son ciment (propre d’une société). Ce qui m’effraie, ce sont les dominances et les asservissements (lobotomie). Donc quand je vois un site qui ne fait QUE l’apologie de la puissance, de la rentabilité ou de l’évaluation quantitative, je me dis que quelque chose cloche ou, plus certainement, manque ; furieusement.

    Tant que l’Open-Source n’aura pas acquis pleinement cette conscience de manière automatique, elle ne progressera pas ; le système d’en face est trop fort. Même s’il donne de très larges signes de fissures, l’Histoire, encore elle, nous témoigne qu’il sait parfaitement renaître de ses cendres. S’il y a une « utopie » qui ne puisse s’atteindre, elle ne se trouve pas dans le changement de « désir » mais bien dans l’idée que l’on imagine pouvoir se passer de moyens pour les assouvir. La philosophie ou la spiritualité (dans le sens évoqué plus haut et pour ne citer qu’eux) sont LES moyens que l’homme utilise depuis qu’il est homme pour être encore plus « Homme », c’est-à-dire, lui-même. C’est un combat entre le néo-cortex et le cerveau reptilien. Passer à côté de cette évidence c’est revenir au stade de la pulsion, donc régresser.

    Croyez bien que je souhaite que l’Open-Source dépasse ce stade de « pulsion » pour, justement, lui donner les moyens de se transmuter en « Désir ».

  19. Andréas

    Bonjour à tous,

    J’aimerai rebondir sur ce débat hautement intéressant car le sujet me passionne et je crois avoir quelque chose à y apporter.
    Bien que je n’ai pas la prose de Sébastien, je vais tenter d’avoir un discours argumenté et intelligible :).

    Tout d’abord, j’aimerai dire que je suis tout à fait d’accord sur le fait que la solution n’est pas dans la technologie mais dans l’homme et qu’une approche spirituelle (ou sacrée comme aime le dire Pierre Rabhi) est vitale si on veut redonner du sens à ce que l’on fait. Je suis personnellement très proche intellectuellement de la décroissance (ou sobriété heureuse si vous préférez), j’ai même aidé Clément Wittmann (http://www.dailymotion.com/video/xj…), pour ce qui connaissent, pendant sa campagne présidentielle.

    Néanmoins, je suis fasciné par le projet Open Source Ecology et contrairement à vous, je trouve que c’est une réelle remise en question du système et une alternative viable au modèle actuel.

    Cela fait pas mal de temps que je m’intéresse aux différentes initiatives pour changer le monde (oui je suis un grand rêveur), voici celles qui me paraissent les plus pertinentes :
    * Les initiatives de transition (http://www.transitionnetwork.org) (ou ville en transition) : mouvement initié par Rob Hobkins (UK) qui vise à rendre des communautés résilientes au différentes crises à venir. C’est du concret, du positif, de la permaculture, bref, que du bon !
    * Pierre Rabhi et ses amis (Terre & Humanisme – http://www.terre-humanisme.org/, Le mouvement des colibris – http://www.colibris-lemouvement.org… Les amanins – http://www.lesamanins.com/, Le hameau des buis http://www.hameaudesbuis.com/ etc.) : cet homme à ouvert la voie à une agriculture où le sacré à toute sa place, où le paysan est un homme instruit, qui prend son temps et respecte la nature. Il a aussi proposé des solutions techniques qu’on regroupe aujourd’hui sous le terme « agro-écologie » qui aide les pays du sud (surtout en Afrique) à redévelopper une agriculture vivrière non dépendante des semenciers et autres vendeurs de pesticides. Son approche de l' »aide humanitaire » est à mon avis ce qui aurait toujours dût être fait.
    * Le projet ZeitGeist – http://www.zeitgeistmovie.com/ (pas le projet Gnome hein 🙂 pour son analyse approfondie de la psychologie humaine et des « maux » de notre société. En revanche, leur « solution » est une sorte d’utopie scientiste tout à fait improbable et selon moi non souhaitable. C’est d’ailleurs etonnant de voir qu’autant de personnes brillantes ont travaillées sur ce projet pour finalement proposer cette solution si « extrême ».
    * Et enfin le projet Open Source Ecology.

    Il y a tellement à dire sur tous ces sujets… mais bon ceci est un commentaire de blog alors je vais tâcher d’être succint.
    Ces solutions s’axent autour de plusieurs thèmes :
    * La relocalisation de l’activité : que ce soit l’agriculture ou la production artisanale ou industrielle, produire local c’est moins polluer (réduction voir suppression des déplacements, volonté de préserver les espaces naturels près de chez soit etc.), préserver l’activité de sa région, cultiver le caractère unique de chaque lieux.
    * Le retour à une agriculture saine et respectueuse de la bio diversité : c’est sans doute la solution à beaucoup de problèmes de santé (obésité, certains cancers, allergies…), environnementaux (pollution des court d’eaux, disparition des abeilles…) et sociaux (le paysan n’a plus sa place aujourd’hui et très peu de personnes exercent cette activité en France).
    * Une réduction drastique de la consommation : faut pas se leurrer, c’est pas en remplaçant nos centrales électrique par des éoliennes qu’on va régler le problème environnemental. Nous consommons beaucoup trop d’énergie (fossile, humaine ou animal) et de matières premières et ce de manière très peu efficace (énormément de transport, choses non réparable ou non recyclable etc.).
    * Une autre façon d’éduquer ses enfants en suivant les principes de Communication Non Violente et de coopération au lieu de compétition. J’aime beaucoup la phrase : « Quels enfants laisserons-nous à notre planète »

    Pour moi, si l’on arrivait à réaliser ces objectifs, ce serait déjà l’utopie et ce peu importe notre vision du système, du capitalisme et du sacré. Je crois beaucoup à l’effet « Bottom-Up » (pour reprendre une expression chère aux sciences cognitives), ce qu’on pourrait traduire dans ce cas « par la actes forment la pensée ».

    C’est en ce sens que Open Source Ecology est selon moi une remise en question du système car il apporte une solution, certes essentiellement technique et économique, qui comble les 3 premiers thèmes cités plus haut. De plus quand ils parlent d’économie de collaboration et non plus de compétition ou du fait de ne plus travailler que 2 heures par jour pour avoir du temps pour se construire soit même, n’est-ce pas une remise en question du système productiviste actuel ?

    D’accord, j’ai parfois aussi l’impression qu’ils se perdent dans leur délire technologique et de rationalisation, l’exemple des ruches en plastique l’illustre bien mais je crois que ce qui nous choque le plus, c’est leur extrême pragmatisme. Ces gens là sont dans le concret, ils proposent des solutions viables économiquement, c’est à dire qui peuvent fonctionner dans ce monde et ça nous fait bizarre, nous doux rêveurs, de voir des personnes ouvertement utopistes parler de chiffres, de rentabilité et de productivité.

    J’aimerai rappeler qu’aujourd’hui, sans argent on ne fait rien et que même si l’on veut remettre en question le système et vivre autrement, il en faut un minimum, au moins au début. Par exemple, le magnifique projet qu’est le hameau des buis à coûté la bagatelle de 4,5 millions d’euros !!! Et pourtant c’était un chantier quasiment entièrement bénévole et dont les matériaux utilisés dans la construction étaient locaux et en partie gratuits ! Je peux vous dire que pour gérer un projet de cette taille, il ne faut pas avoir peur des chiffres !

    Pour finir cette longue argumentation, je tenais à revenir sur le rôle de la technique et son importance dans notre société. Je n’ai pas lu Jacques Ellul mais j’adore Masanobu Fukuoka (http://fr.wikipedia.org/wiki/Masano…) qui propose dans son livre « La révolution d’un seul brin de paille » un mode de vie beaucoup plus simple, sans fioritures qui j’en suis sûr me conviendrai à merveille. Mais il faut aussi être réaliste : regardez ce que nous faisons, nous écrivons des commentaires sur un blog lié au mouvement du logiciel libre. Cela signifie très certainement que chacun d’entre nous possède un ordinateur, passe plusieurs heures par jours dessus, se passionne d’une manière ou d’une autre pour la technologie et vie dans un environnement sécurisé sur le plan matériel (habitat, nourriture, argent). Sommes nous vraiment prêt à quitter tout cela ?
    Open Source Ecology est pour moi le chaînon manquant entre un développement durable foireux et un retour en arrière sans doute impossible ou en tout cas non souhaité.

    Merci de m’avoir lu jusqu’au bout et merci pour vos commentaires éclairés qui m’ont bien fait réfléchir, moi qui aimerait reproduire, ce moins en partie, ce magnifique projet.

    Andréas

  20. Sébastien C.

    @neveroddoreven
    > …
    Et votre façon de poster partout de manière systématique sans apporter plus de profondeur ou de répondant à la discussion en cours nous laisse songeur au regard de votre désir « commercial »…

    @Andréas,
    Bigre comme vos liens font du bien dans un sujet comme celui-ci et apportent de l’oxygène à nous faire dépasser la technique… MER-CI !!! Pierre Rabhi est incontestablement un des plus grands pédagogue de ce siècle, donc il fait partie de ceux qui éduquent ; c’est un passeur et non des moindres. S’il en est un qui n’hésite pas à parler de « sacré » sans être effrayé par l’Histoire (donc il en possède la maîtrise), c’est bien lui !

    Comme vous (et sans doute beaucoup de ceux qui lisent nos lignes), je ne crois pas à ce « développement durable foireux » caractérisé par l’imposture politicienne (la seule qui reste à employer le mot « politique » chaque jour plus traîné dans la fange). Par contre, notre attitude humaine qui pousse la planète dans ses extrémités me semble tout à fait à même d’IMPOSER un « retour en arrière » si nous continuons gaîment comme c’est le cas. Intéressé par ces choses, vous n’ignorez pas que la planète fonctionne par « paliers de tolérances », à la manière d’un élastique qu’on tend et qui finit par céder d’un coup, alors que nous ignorons complètement quels sont ceux qui créent des non-retours, pas plus que leurs fonctionnements exacts. C’est aussi pour ces raisons qu’il me semble, à moi aussi, capital de se poser, quand même et fissa, des questions sur la DIMINUTION de notre consommation. Votre commentaire le souligne très bien ; ça me semble nettement moins évident dans les discours d’Open Source Ecology.

    Je bémoliserai aussi la nécessité « absolue » de l’argent ; il en faut certes un peu, je ne dis pas le contraire, mais en aucun cas, cela ne me semble être le moteur de quelque aventure de cet ordre. Je vis sur le Plateau de Millevaches où des expériences multiples se vivent, souvent passionnantes, toujours très variées, et croyez-moi, ce n’est pas l’argent qui abonde mais bien le signifiant. Donc pour reprendre vos mots de fin d’intervention précédente (« moi qui aimerai[s] reproduire, [du] moins en partie, ce magnifique projet »), je me permettrais encore de vous rabâcher celui de « désir », qui VOUS (nous) incombe de manière primordiale. Quand vous posez la question « Sommes nous vraiment prêt à quitter tout cela ? » ; je réponds aujourd’hui : « oui » ; sans difficulté, pourvu que le signifiant et le désir soient au rendez-vous. Et si je dis cela, c’est parce que je témoigne d’une expérience personnelle qui me permet, certes, d’avoir un toit, de l’électricité (qui ne sera pas toujours nucléaire) et du réseau, mais franchement pas beaucoup plus. Sans cette pratique effective de délestages personnels, les mots ne sont rien.

    De même, — mais j’ai bien conscience que ça reste un point de vue très personnel — le « pragmatisme » qui semble vous fasciner me paraît plus effrayant qu’autre chose. Plus cela va, c’est-à-dire plus je vieillis, plus je constate que la Vie naît et se préserve beaucoup plus du chaos que de l’inverse ; autrement dit : ne pas se défaire de l’idée qui « sait en conscience » à quel point le bordel (l’entropie), fut-il intégral (mais joyeux, hein!), a du bon…

    Merci encore et dans tous les cas de votre point de vue et de vos liens ; ils précisent, rappellent soulignent et éclairent des choses que nous sommes beaucoup à partager ici.

  21. Andréas

    Merci pour votre commentaire Sébastien, j’apprécie grandement votre écriture et votre vision des choses :).

    Ce que vous dites me fait beaucoup réfléchir, c’est sans doute un peu trop personnel pour un commentaire sur un blog public mais peu importe. J’ai appris récemment une « bonne » nouvelle : en Février je serai au chômage (si bien sûr je ne retrouve pas du travail tout de suite après). Je le prend comme une opportunité pour me permettre de vivre autrement, dans mon cas arrêter de bosser 8 heures par jour devant un écran à régler des problèmes conceptuelles et totalement décorélé de la vie.

    Je cherche à faire autre chose, plus en accord avec mes valeurs et mes aspirations, ce sera donc forcément en lien avec l’agriculture, l’artisanat, la transition et/ou la culture libre. Cela laisse la voie à bien des possibles et j’avoue être un peu perdu face à ces multiples « choix ».

    Open Source Ecology me paraît être un projet viable, sur lequel on peut se baser pour soit-même monter une structure similaire dans le fonctionnement, c’est à mon avis une aubaine pour beaucoup de personne. Maintenant, je partage comme vous cette réticence à l’égard du tout technologique et je me demande sans cesse si l’on a vraiment besoin d’un tracteur, fut-il open source ? Je suis persuadé de l’utilité en absolue de certaines de ces machines comme, par exemple, l’extracteur d’aluminium car il est fort probable que l’on ai encore besoin de métaux, peu importe le monde dans lequel nous nous trouverons demain. Mais ai-je besoin de participer à la fabrication de ce genre de machines ? Tout d’abord, je ne m’y connais rien en metallurgie ou conception industrielle, mais tout s’apprend… ensuite, est-ce que cette démarche participera à mon épanouissement personnel ? Est-ce que cela me rapprochera du signifiant, comme vous le dites si bien, du sacré ? Je n’en suis pas sûr.

    Alors que faire pour se mettre en marche vers cette civilisation émergeante ? Plus le temps passe, je suis encore très jeune mais les choses vont vite, et plus je me dis que l’important c’est de vivre l’instant présent, ici et maintenant.
    C’est un vision que j’ai intégrer intellectuellement, il me reste à l’expérimenter…

    Cela rejoint cette notion d’entropie que vous évoquiez, car qu’est-ce que le présent sinon l’instant de tous les possibles ?

  22. Ginko

    @Andréas,

    avez-vous jamais travaillé à la ferme ? Ne pas avoir besoin d’un tracteur ??? S’il est une seule machine à avoir à la ferme, c’est bien celle-ci ! Quelque soit la nature de sa production (animale, céréalière, fruitière, etc), une ferme a un tracteur. Et le nombre d’outils montables sur un tracteur est comparable au nombre de périphériques branchables sur une prise USB… c’est la base, s’il en est une !

    @Sébastien C.,

    >De même, — mais j’ai bien conscience que ça reste un point de vue très personnel — le « pragmatisme » qui semble vous fasciner me paraît plus effrayant qu’autre chose. Plus cela va, c’est-à-dire plus je vieillis, plus je constate que la Vie naît et se préserve beaucoup plus du chaos que de l’inverse ; autrement dit : ne pas se défaire de l’idée qui « sait en conscience » à quel point le bordel (l’entropie), fut-il intégral (mais joyeux, hein!), a du bon…

    Je ne saisis pas le lien entre pragmatisme et ordre. Le pragmatisme ne s’oppose en rien au chaos (si ce n’est au chaos qui habite certains esprits dérangés…).

    Sans compter que la notion d’ordre est tout à fait relative. (Rien que de penser à la vie : un ordre local compensé par une augmentation de l’entropie de l’environnement (sans quoi la vie irait à l’encontre de la thermodynamique !)).

    AMHA, le pragmatisme est une qualité essentielle de tout projet qui veut vraiment réussir. Le manque de pragmatisme menant inévitablement à la faillite par mauvais design.

    Par exemple, le succès d’un idéaliste tel que rms tient amha notamment à un pragmatisme sans faille.

  23. Théo

    Pour info, Marcin sera à Genève le 17 avril 2013 (conférence-débat où y’aura probablement aussi un-e délégué-e de Framsoft, peut-être aKa), c’est le 11e forum eCulture, cf http://www.forumeculture.net/

    Et le 18 et 19 avril 2013 on organise un workshop pour l’appuyer sur le dév de la gouvernance d’OSE à Grandvaux (proche de Lausanne), puis à Lausanne pour un spectacle assez innovant sur le projethttp:// http://www.ecopol.net (qui complète OSE).

    Objectif de son séjour en Europe: donner une conférence et rencontrer les gens intéressés à soutenir OSE en Europe. Y’aura aussi d’autrees pionniers d’OSE Europe. Y’a déjà quelques mini-usines OSE en construction en Europe, notamment Italie et Espagne.

    Avec Marcin et les pionniers européens, l’équipe d’Ecopol bosse sur la connexion entre OSE et les écovillages.
    On va aussi sortir un sous-titrage en français des principaux films d’OSE.
    D’autre part, un consortium d’ONG et d’institut universitaires coordonné par l’institut Ynternet.org projette de répondre au call 5.5 du FP7, avis aux connaisseurs ou intéressé du FP7 qui souhaitent y participer, va y avoir du boulot d’ici Noel 2012…
    Référence http://ec.europa.eu/information_soc

    On va aussi y impliquer probablement l’équipe d’ADABIO, un projet proche en France :
    http://www.adabio-autoconstruction….

    RDV notamment le 16 octobre 2012 à Paris à la journée de présentation du 5.5. pour en parler, voir l’opportunité ici :
    http://bit.ly/P0kVkc

    Je suis conscient que j’utilise quelques concepts peu développés sur Framasoft (FP7, 5.5….), donc je suis à disposition pour tout complément d’info. Les FP7, c’est des millions chaque années pour de la recherche appliquée en ICT au service de l’innovation, et là le 5.5. c’est un des rares qui traite des enjeux fondamentaux de société eu Europe, d’innovation sociale.

    Ce serait génial si y’avait des contributeurs de Framasoft sur cette rédaction de projet FP7, contactez-moi on en cause…

    Théo

  24. Sébastien C.

    Bonjour à tous,

    @Ginko
    Je ne nie pas la nécessité d’un certain « pragmatisme » : là encore, c’est de « mesure » dont nous devons nous prémunir, pas d’adhérence absolue au mot dont le champ sémantique est lui aussi trop large pour ne pas s’affranchir de relatif. Je préfère l’expression de « joyeux bordel » ou « d’idéalisme entropique », d’abord parce que ça me fait sourire, ensuite parce que ça me permet de prendre du recul, même avec ma propre démonstration… Stallman lui-même, dans ses facéties, ne s’en fait pas l’économie, trop conscient qu’il est je pense du fait qu’éliminer une certaine dose de « joyeux bordel », c’est éliminer toute possibilité de poésie, d’inattendu, donc, une fois de plus : d’humain. À votre contraire semble-t-il, je ne pense pas que Linus ait vraiment, AU DÉPART de son projet, fait tant preuve de pragmatisme ; cela n’empêche évidemment pas que cela soit nécessaire à un moment donné, mais c’est comme de tout : quand, dans un plat, un composant prend le dessus, on en constate aussitôt le manque d’équilibre pour le préférer à ce que l’on connaît de plus élargi dans la gamme des saveurs.

    Et ceci me fait vous reprendre votre remarque à Andréas : si, comme vous, j’applaudis des quatre fers à votre comparaison du tracteur et de la prise USB, il faudra aussi, je pense, que nous sachions revenir à la traction animale. Je vous dis cela parce que c’est une chose que j’ai l’occasion de vivre personnellement avec des personnes qui me sont très proches. Et ce n’est pas pour le décor touristique (le truc le plus exaspérant qui soit) mais bien par la volonté de certains d’entre nous d’avoir une « conscience élargie » à autre chose que ce qui consomme du pétrole ou du nucléaire dont on sait parfaitement que notre génération — ou les suivantes — finira par manquer. Ça ne veut pas dire que l’on fasse TOUT en traction animale ; ça veut juste dire que nous « prenons conscience » d’une possibilité autre que celle que nous offre la prétendue modernité, fut-elle repensée par de l’Open-Source écologique. On m’économisera, je pense en ce lieu, le fait d’avoir à argumenter que ce n’est pas, non plus de ma part (ou celle de mes petits copains/copines), le désir d’un retour réactionnaire à l’ancien, « parce que c’était mieux avant », ou, ce qui revient sans doute au même, une démarche à vocation purement marginale « parce que c’est tous des cons » (je schématise mais on comprend, non ?).

    Je ne suis, pour ma part, pas agriculteur mais mon métier m’amène à faire quotidiennement de la menuiserie et de l’ébénisterie. Je sais parfaitement débiter une branche d’arbre à la main (longueur ; largeur et épaisseur) pour en sortir une pièce aux cotes précises déterminées à l’avance. Ça n’est pas non plus pour la galerie ; cet apprentissage-là s’est fait (et croyez moi, c’est gratiné) parce que j’ai dû produire un jour des choses SANS machine, juste avec des outils anciens. Cela a eu pour effet de me faire prendre conscience que l’utilisation des machines, si elles ne manquaient, justement, d’aucun pragmatisme, ne m’apportaient pas ce que je cherche profondément et qui les dépasse ; très largement… D’ailleurs, une fois beaucoup plus intégré le travail à la main qu’on ne le fait habituellement dans n’importe quel apprentissage aujourd’hui, je suis retourné aux machines avec une toute autre approche. Même en donnant des exemples concrets, j’aurai énormément de mal à expliquer le « pourquoi du comment » de ceci ; il n’empêche que c’est un fait : parce que j’ai passé énormément de temps à apprendre avec très peu de moyens, mon rapport à la matière n’a plus rien à voir avec cette « dominance » que l’on sent affleurer à chaque ligne du texte que nous commentons ici.

    Agrandir le domaine des possibles, pour moi, ce n’est pas systématiquement faire plier la matière mais, parfois, se plier à elle, et surtout, le faire « en conscience ». Cela, ça me semble d’une incroyable modernité, parce que la « conscience », autant chez les anciens que chez les contemporains, n’a jamais vraiment eu l’occasion de faire éclore sa fleur de signifiance, et pour cause : elle est l’antidote à toute lobotomie… En cela, je crois que le « Je pense, donc je suis » pascalien est infiniment plus moderne que le « Je FAIS, donc je consomme » dont on nous assomme le pragmatisme comme une nécessité alors qu’il me semble, aujourd’hui, plus relever d’un asservissement.

  25. Aladin02DZ

    Salut à tous,
    je trouve que le débat lancé par notre cher @Sébastien C est fort intéressant et profond mais sort tout de même du sujet,
    les questions liées à ce sujet n’est pas d’ordre philosophiques ou dogmatiques en premier ordre mais plutot pratiques (ce qui distingue l’esprit du nouveau monde en général et ses universitaires en particulier) et concrètes,
    la révolution n’est pas peut être dans la technique mais dans cette nouvelle forme de réorganiser le travail, sortir de l’état d’esprit du consommateur, et le partage du savoir technique si cher, et le fait que le profit ne soit pas l’unique force motrice,
    mais toujours sur le volet pratique je me pose la question que l’execution des différentes tâches sur une échelle plus grande demande un minimum de qualification pour la main d’oeuvre qui exige de l’entrainement,
    que seul le partage de l’information ne suffit pas en sois mais une pédagogie d’entrainement,
    une autre question c’est que les professionnelle du domaine technique fournissent des efforts considérables dans la recherche et la conception, et il ne faudras jamais s’attendre à qu’il cèdent le fruit de leurs efforts gratuitement,
    pour le reste « entreprenariat social », l’incitation à la reflexion technique et à l’autonomie, à améliorer le quotidien des gens, et à réorienter l’essentiel de la science et de l’éducation vers la pratique et vers sa vocation principale qu’est l’amélioration de la qualité de la vie et la préparation aux défis quotidiens de notre vie,…tout ça c’est simplement magistral, divin,…c’est comme une réecriture du traité de l’utopie,…

  26. Sébastien C.

    @Aladin02DZ
    Étymologie de l’« Utopie » (Le Robert) :

    Forgé sur le grec OU «non», et TOPOS «lieu», c’est-à-dire «en aucun lieu».

    De là à justifier mes hors-sujets, il y a un pas que je franchis gaîment et avec une malice dont vous saurez, j’en suis sûr, me pardonner la facilité !

    😉