Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ? par Glyn Moody

« Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » disaient nos tontons.

Je ne connaissais pas l’Interactive Advertising Bureau, organisation regroupant des acteurs de la publicité sur Internet, mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne gagne rien à se ridiculiser en attaquant ainsi Mozilla (qui nous protège justement de la prolifération actuelle des cookies intrusifs).

Qu’en pensent Google, Microsoft, Orange, TF1, etc., tous membres de la branche française de l’Interactive Advertising Bureau ?

Commentaire : L’image ci-dessous est extraite de l’article de l’Interactive Advertising Bureau qui a fait bondir Glyn Moody. Ce serait donc Mozilla qui enferme ses utilisateurs, vraiment trop forts nos publicitaires !

Interactive Advertising Bureau vs Mozilla

Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ?

Did You Know that Mozilla is Hijacking the Internet?

Glyn Moody – 12 août 2013 – ComputerWorld (Open Entreprise)
(Traduction Framalang : ane o’nyme, Sky, LordPhoenix, bruno, Cryptie, anneau2fer, simplementNat, Zii, greygjhart + anonymes)

Il y a quelques semaines j’ai relaté l’attaque à peine croyable de la branche européenne du « Interactive Advertising Bureau (IAB) » envers Mozilla au motif que cette dernière aurait « renoncé à ses valeurs » car elle persisterait à défendre les droits des utilisateurs à contrôler comment les cookies sont utilisés sur leur système.

Vu l’avalanche de moqueries venues de toutes part que cette énorme idiotie tactique a provoquée, on pouvait s’attendre à ce que des conseillers plus sages l’emportent et à ce que l’IAB se replie dans un petit coin tranquille, dans l’espoir que les gens arrêtent de se moquer et oublient simplement et complètement ce déplorable incident.

Mais non. au lieu de cela, l’IAB revient à la charge avec une nouvelle attaque sous la forme d’une pleine page achetée dans le magazine Advertising Age, encore plus énorme, plus forte et plus dingue (aussi disponible en ligne pour votre plus grand plaisir).

Sous le sobre titre : « Empêchez Mozilla de détourner l’internet », on peut lire :

De nos jours, il est facile de trouver le contenu qui vous intéresse sur Internet. Cela est dû au fait que les publicitaires peuvent adapter les annonces aux intérêts précis des utilisateurs grâce à l’usage responsable et transparent de cookies.

Je dois dire que je suis vraiment reconnaissant envers l’IAB de m’avoir ouvert les yeux en mettant ceci à jour parce que jusqu’à ce que je lise ce paragraphe, je nageais dans l’ignorance la plus totale et croyais naïvement que c’était les moteurs de recherches que j’utilisais, d’abord Lycos, puis Altavista, suivi de Google et désormais Startpage, qui me permettaient de trouver les choses qui m’intéressaient. Mais je réalise maintenant mon erreur : j’apprends qu’en fait c’est grâce à tous ces petits cookies si bien disséminés à mon insu dans mon système que j’ai trouvé tout ces trucs. Qui l’eût cru ?

Ces mêmes personnes de l’IAB qui ont eu l’obligeance de mentionner cela ont aussi de mauvaises nouvelles pour moi :

Mais Mozilla veux éliminer ces mêmes cookies qui permettent aux publicitaires de toucher le public, avec la bonne publicité, au bon moment.

Méchant Mozilla. Oh, mais attendez, en fait ce n’est pas ce que Mozilla fait. Il veut au contraire juste contrôler le flot de cookies qui proviennent de sites que vous n’avez pas visités et qui sont envoyés sur votre système, aussi appelés les cookies tiers. Voici une bonne explication de ce qui se passe ici :

Tous les acteurs tiers sont en marge de la transaction et peuvent ajouter de la valeur mais leur but premier diffère du bien ou du service recherché. Ces tierces parties sont plutôt comme le type qui fait le tour du parking avec ses prospectus pendant que vous faites vos courses et met des bons de réduction sur le pare-brise de tout le monde (Oh ! Jamais en panne, 169€ par mois ?). Il ne remplit pas les rayons, ni n’emballe vos courses, mais il fait quand même partie (indirectement ou marginalement) de l’opération « aller faire ses courses ».

Il ne s’agit donc pas d’une volonté de Mozilla d’éliminer les cookies en général mais simplement de donner à l’utilisateur le pouvoir de contrôler ces publicités ennuyeuses glissées sous vos essuie-glaces numériques quand vous visitez un supermarché virtuel.

Mais revenons à la fine analyse de l’IAB :

Mozilla prétend que c’est dans l’intérêt de la vie privée. En vérité nous pensons qu’il s’agit d’aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence.

Heu, parlons-nous du même Mozilla ? Vous savez le projet open source qui a certainement fait plus pour défendre les utilisateurs et le Web ouvert que personne ? Ce projet-là ? Car j’ai bien peur d’avoir du mal à imaginer ces codeurs altruistes « aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence ».

Je veux dire, Firefox a justement été spécifiquement créé pour accroître la concurrence ; le credo de Mozilla est que chacun devrait être libre d’utiliser le Web comme il l’entend, ce qui inclut toutes sortes de modèles économiques. Penser sérieusement que donner aux utilisateurs le contrôle de leur navigateur Firefox n’est pas défendre la vie privée mais une sorte complot maléfique destiné à miner l’ensemble de l’écosystème est, pour le formuler simplement, totalement cinglé. Peut être l’IAB vit-il dans univers parallèle ?

Les consommateurs ont déjà le contrôle sur les publicités ciblées qu’ils reçoivent via le programme d’auto-régulation de la Digital Advertising Alliance.

Pas de doute, l’IAB vit bien dans un univers parallèle, un univers dans lequel les gens ont réellement rencontré ce programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance. Parce que je peux honnêtement dire qu’en 20 ans de promenades sur le Web, et bien trop d’heures passées en ligne chaque jour (comme mes abonnés sur Twitter, identi.ca et G+ le savent trop bien), je ne suis jamais tombé sur ce légendaire programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance, et je sais encore moins comment l’utiliser pour contrôler les publicités que je reçois. Et je me retrouve, dans ce lamentable état d’ignorance, qui suggère plutôt que peu d’autres personnes utilisant l’Internet sont tombés sur le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance ou l’ont utilisé (est-ce qu’un lecteur ici est déjà tombé dessus, je me le demande).

En fait, je pense que l’IAB a commis ici un autre faux pas. En mentionnant le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance comme une « solution » existante qui rend caduques les projets de Mozilla pour maîtriser les cookies tiers, un programme qui, autant que je puisse en juger, est utilisé par très peu de gens, l’IAB a ainsi mis en évidence le fait qu’il n’y a pas vraiment d’alternative viable à Mozilla.

Je dois également souligner le fait que l’image (voir plus haut) utilisée dans l’article en question, un ordinateur portable enchainé, relève au mieux de l’ignorance, au pire constitue une insulte pour les centaines de milliers de personnes qui ont contribué au projet Mozilla au cours de ces 15 dernières années. Mozilla s’est voué à libérer le Web et ses utilisateurs d’un monopole qui menaçait de le détruire : il est difficile de penser à une image moins appropriée !

Et si l’IAB se préoccupe vraiment de qui peut faire pression sur nos ordinateurs et nous ôter notre liberté avec des centaines de fichiers minuscules qui nous épient où que l’on aille sur Internet, et s’inquiète de qui est vraiment en train de prendre en otage les incroyables ressources du Net, que Mozilla a beaucoup contribué à développer, il ferait bien de se regarder dans une glace…