Linux : toujours libre mais moins « bénévole » ?

Classé dans : Logiciel libre | 15

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GNU/Linux - ContributeursUn bon gros troll bien poilu  ? Non plutôt une interrogation furtive sur le caractère réel ou mythique du logiciel libre qui serait, dit-on, principalement développé par des bénévoles passionnés[1] sur leur temps libre.

Après une étude assez poussée des principaux contributeurs de la dernière version du noyau Linux, la 2.6.20, un récent article de LWN.net intitulé Who wrote 2.6.20 ? affirme  :

at least 65 % of the code which went into 2.6.20 was created by people working for companies

Au moins 65 % du code inclu dans le noyau 2.6.20 a été créé par des personnes travaillant pour des sociétés.

C’est plus une conjecture qu’une réelle affirmation parce qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer l’origine des contributeurs, ni de savoir si ils ont participé sur leur temps de travail ou non. La méthode de l’auteur est avant tout de prendre la terminaison de l’adresse mail des contributeurs. Si elle se termine par ibm.com alors il le fait entrer dans la catégorie "IBM". Si une telle adresse fait défaut mais qu’il est de notoriété publique qu’un tel travaille pour un tel alors il est mis lui aussi dans une case. Il va même jusqu’à envoyer directement un mail à certains contributeurs pour en savoir plus sur leur appartenance.

Cette hypothèse de travail vaut ce qu’elle vaut mais du coup l’article exhibe des tableaux avec une minorité de bénévoles (le champ None) et une majorité d’employés (pour des sociétés telles qu’IBM, Red Hat, Novell, Google, Intel, Nokia, Oracle, HP, etc..). Ce qui sous-entend que ces personnes ont développé sur leur temps de travail et donc ont été payées pour cela par leur employeur.

Il me semble évident que la majorité des logiciels libres sont encore le fruit du travail bénévole de développeurs sur leur temps libre (comme il semble tout aussi évident qu’on ne sait plus très bien ce qu’est un bénévole et son temps libre à l’ère de la société de l’information où heures de bureau et heures de travail ne coïncident plus vraiment).

Mais est-ce encore le le cas pour les gros gros projets comme le sont devenus Linux, Mozilla ou OpenOffice.org  ? Et comme ce sont justement ces exemples-là qui sont le plus souvent cités pour expliquer et illustrer le logiciel libre au néophyte, ne devrions-nous pas nuancer cette image un peu romantique des développeurs bénévoles connectés les uns les autres via le réseau pour produire seuls un logiciel libre de haute qualité  ?

Ne serait-il pas plus conforme à la réalité d’évoquer désormais pour eux une sorte de coopération ou convergence d’intérêts entre une communauté de bénévoles et des sociétés commerciales classiques pour produire de toutes les façons quelque chose d’ouvert qui reste dans le pot commun  ?

Finalement le seul gros projet libre qui reste majoritairement bénévole ne serait-il pas… Wikipédia  ? !

Notes

[1] On pourra lire à ce sujet L’Éthique hacker de Pekka Himanen.

15 Responses

  1. Sv1 le pingouin

    Je n’irai pas par quatre chemins, des projets qui mêlent les geeks (au sens noble du terme) et des sociétés, rien de tel pour que les entreprises (qui pensent qu’un bénévole ne peut rien faire de potable à mettre en production) et les geeks (qui pensent qu’un truc stable, c’est un truc à la traîne).

    Et puis, je n’aurais rien contre être payé pour développer/produire du libre.

  2. Bogoris

    À la limite on s’en fou qui c’est qui le fait, le logiciel, du moment que ce soit libre.

    Et puis Wikipédia, le plus gros du travail a peut-être été fait par le utilisateurs, mais à la base, l’idée partait d’un mec qui travaillait sur une encyclopédie commerciale et qui trouvait que c’était bien trop long d’attendre que les "spécialistes" écrivent les articles.

  3. lepingouindulac

    Il est où Microsoft là dedans?

    Enfin on pouvait s’en douter que OpenOffice et Mozilla sont des projet fait par des sociétés, mais pour Linux? Seulement le noyau est dévellopé en masse par les sociétés si on compare avec les autres projet GNU. KDE, qu’elle société y travaille?

    Donc comme dis dans l’article, un gros troll bien poilu.

  4. yves

    > Non plutôt une interrogation furtive sur le caractère réel ou mythique du logiciel libre qui serait, dit-on, principalement développé par des bénévoles passionnés[1] sur leur temps libre.

    Bof bof.

    La FSF a toujours financé les développements. Avant le web c’était en vendant (cher) emacs et consorts.

    Ceux qui confondent libre et gratuit ne peuvent pas comprendre la complexité du monde des logiciels libres.

    C’est une non question. Le mythe n’est qu’un mythe, et Il y a très longtemps que cela fonctionne comme ça, On peut ajouter que Linus lui-même est désormais salarié pour bosser sur Linux. Cela prouve juste que libre et commercial ne sont pas des mondes antynomiques. Il y a d’autres d’exemples: ghostscript de mémoire, mais aussi Mono qui est financé par Novell. Et Qt qui est entièrement développé par Trolltech.

  5. André Cotte

    Je ne vois pas le problème tant que les projets restent libres. Ce que la GPL et d’autres licences protègent.

    Une société qui désire une amélioration pour une application qu’elle utilise ou que ses clients utilisent y trouve son compte en payant pour faire réaliser l’amélioration. Tout le monde y gagne en bout de ligne.

  6. Fil

    Les commentaires sont étonnants. Comme si remarquer un fait _intéressant_ devait nécessairement s’accompagner d’un _problème_.

    La problématique de fond, de savoir qui produit du libre et dans quelles conditions (de travail, de revenu, de liberté individuelle) reste une question _intéressante_, et cet article a le mérite de donner un bout d’éclairage non idéologique sur la question.

    Cela dit l’autre jour on m’a dit "maintenant que Linux et Microsoft ont signé un accord…", donc l’information, hein, vaut ce qu’elle vaut. 🙂

  7. Frrrr

    Au fur et à mesure que la quantité de boulets simplex à trainer augmente, leurs exigences et notamment le degré de finition à apporter aux logiciels avant leur release augmente.
    Donc, malheureusement, la quantité de travail à fournir croit au fur et à mesure de l’ingratitude du public. Le support de professionnels est donc bienvenu, notamment pour faire le travail considérable à fournir entre kla livraison d’un code fonctionnel et la livraison d’un produit bouletproof.

  8. Noryungi

    Le problème, ça n’est pas que les programmeurs soient bénévoles ou payés pour leur travail sur Linux : le véritable problème est de savoir si Linux est un système "libre", dont le code source est accessible à tous.

    Tout le reste n’est que pure coupage de cheveux en 4 dans le sens de la longueur. Au début de Linux, personne n’y croyait, donc les programmeurs travaillaient dessus en tant que "bénévole".

    Une fois les entreprises intéressées par Linux (par ex., comme IBM pour vendre des ordinateurs et des services), elles ont embauché à tour de bras les anciens bénévoles… en les payant à faire ce qu’ils auraient fait de toute manière. Où est le problème ?

    À partir du moment où le code est libre, la situation professionnelle de tel ou tel programmeur n’a aucun impact sur Linux.

  9. nicolas

    "Ne serait-il pas plus conforme à la réalité d’évoquer désormais pour eux une sorte de coopération ou convergence d’intérêts entre une communauté de bénévoles et des sociétés commerciales _classiques_ pour produire de toutes les façons quelque chose d’ouvert qui reste dans le pot commun ?"

    Tu trouves que c’est _classique_ pour une entreprises de produire quelque chose qui est ensuite librement utilisable/distribuable/modifiable ?

    Il n’est pas nécessaire d’en passer par ces courbettes (un peu bien-pensantes) à l’industrie du logiciel propriétaire – qui reste le modèle "classique" de l’entreprise – pour dire que non tout le travail n’est pas fait sans rémunération. Il suffit de rappeler l’exemple de stallman qui a développé emacs à une époque où il était salarié du MIT. En qu’ensuite même il le vendait.

  10. nicolas

    @Noryungi :
    "À partir du moment où le code est libre, la situation professionnelle de tel ou tel programmeur n’a aucun impact sur Linux."

    Ce n’est pas tout à fait juste : si un trop grand nombre de personnes sont salariées d’une seule entreprise ou de plusieurs entreprises qui ont des intérêts communs à privilégier telle ou telle voie dans le développement de linux, on peut avoir la certitude que ces intérêts auront la priorité sur ceux des autres personnes utilisant linux.

    Un autre exemple concrêt du domaine du logiciel libre : Debian peut assurer la diffusion de ses paquets par internet uniquement parce que des entreprises ou des institutions lui font des dons colossaux de bande-passante. Il est essentiel pour Debian de ne pas se retrouver un jour dépendante d’une seule source pour être certaine de ne pas pouvoir être influencée.

    L’origine des ressources des personnes développant linux n’a donc pas d’importance tant qu’elle est diversifiée.

  11. Frrrr

    nicolas: Si les boulets d’yusers cessaient d’acheter des PCs embarquant des composants propriétaires et non-documentés, developper Linux serait infiniment plus simple.

    Au jour d’aujourd’hui, effectivement, les constructeurs de matériel ne souhaitant pas rendre leurs spécifictions publiques ET répondre aux questions des developpeurs bénévoles sont priés de se démerder pour que les pilotes de leurs matériels soient developpés par des programmeurs qu’ils contractualisent.

    Mais au final, c’est l’achteur de ces matériels, le client de ces entreprises, qui est à l’origine du problème.

    Alors avant d’aller cracher sur ceux qui font le boulot, mieux vaudrait pour ces grands hypocrites et donneurs de leçons que sont les "innocents utilisateurs" d’aller balayer devant leur porte. La tolérance de tout un chacun au syndrome de Stockholm ayant, effectivement, ses limites.

  12. Enjeux du logiciel libre, standards ouverts et

    Thierry NOISETTE : une alliance entre une économie

    C?est la caractéristique du logiciel libre, une alliance entre une économie coopérative et bénévole, l?apport des Etats et des collectivités locales avec des chercheurs, et des entreprises, sans lesquelles cela n?existerait pas……

  13. Jean-Pierre

    Le libre est défini par une licence, c’est à dire par un contrat, ouvert et souple, qui facilite les contributions de chacun quel que soit le contexte de la contribution (bénévole, salariée, etc….). La force du libre est là : réunir une communauté d’intérêts, qui n’aurait pas pu se rassembler spontanément dans un environnement propriétaire. C’est avant tout un modèle d’efficacité dans la production et la distribution des produits en limitant considérablement toute la paperasse et frais administratifs inhérents.
    Reste la question, qui intéresse contributeurs et utilisateurs, de savoir qui pilote chaque projet, dans quelle direction et dans quel but.

  14. Frrrr

    "Reste la question, qui intéresse contributeurs et utilisateurs, de savoir qui pilote chaque projet, dans quelle direction et dans quel but."

    La question se pose pareillement dans le monde propriétaire… et même dans le service public, d’ailleurs. Pour qui donc roule vos profs ? vos flics ? vos administrateurs ? vos juges ? le journaliste du 20h de France 2 ? France Inter ?

  15. zaaa

    pour qui roulent "vos profs ? vos flics ? vos administrateurs ? vos juges ? le journaliste du 20h de France 2 ? France Inter ?"

    c’est simple : pour l’argent (et donc pour le type qui leur donne)

    qiui leur fait une confiance aveugle ?

    c’est simple : les idiots

    d’ou quand même l’importance de savoir si un job a été fait d’initative personnelle du dev ou si il a été téléguidé par son compte banquaire … lui même piloté par des intérets de pouvoir et du capital …..