Librologies : une nouvelle chronique hebdomadaire sur le Framablog

Classé dans : Mouvement libriste | 26

Temps de lecture 14 min

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Valentin VillenaveBonjour à tous, amis lecteurs du Framablog  !

À l’invitation d’aKa (qu’il en soit remercié jusqu’à la septième génération — je vous rappelle que Framasoft accepte aussi les dons), je me permets de vous proposer aujourd’hui, et pour les semaines à venir, une chronique hautement bavarde et intellectuelle (voire #lmi), en forme d’auto-critique du mouvement Libre et de ses alentours. C’est une démarche nécessairement subjective, mais j’espère pouvoir aller au-delà de mon point de vue personnel pour pouvoir isoler, analyser et conceptualiser nos petites manies d’internautes et de Libristes.

Ces chroniques se réfèrent abondamment aux Mythologies[1] que publiait Roland Barthes voilà presque 60 ans, à la frontière entre sémiologie, idéologie et politique  : bref, c’est ici qu’on déballe les grands mots  ! Je ne parle ici qu’en mon seul nom de Libriste de base, musicien, contributeur GNU, sympathisant de plusieurs associations et chercheur-de-petite-bête spécialisé  ; cependant je suis extrêmement flatté que cette idée ait pu intéresser le Framablog, dont j’admire depuis longtemps la qualité et la sincérité. Framasoft m’a permis de découvrir le logiciel Libre et sa philosophie depuis près de 10 ans, autant dire que c’est pour moi tout un symbole — ou peut-être un mythe  ? À suivre…

Une dernière chose  : les commentaires sont là pour troller engager des débats intéressants et rigoureux  ; je serai ravi d’y prolonger ces chroniques si nous veillons, par exemple, à choisir et définir soigneusement les termes que nous employons. N’hésitez pas, par ailleurs, à signaler des sèmes ou des motifs qui vous paraitraient dignes d’intérêt  ; enfin (je dis ça je dis rien) un formulaire de contact plus confidentiel est disponible sur mon site personnel. Ensemble, traquons le détail qui tue  !

Valentin Villenave

Librologie 0  : mythologie des Mythologies

Certains collectionnent les timbres, d’autres codent en Python  ; pour ma part, mon loisir préféré se nomme sémiologie. Souvenir de mes études littéraires, signe de mon goût pour le découpage-de-cheveux en quatre, ou simple jeu d’esprit  ; ou encore, plus probablement, l’espoir d’apprendre à enfin raisonner correctement.

Nous vivons, de fait, dans un monde où le pouvoir s’exerce principalement par la communication  ; l’information n’est pas inaccessible, mais au contraire, multiple et orientée  ; les messages innombrables que nous rencontrons chaque jour peuvent s’articuler ensemble pour fabriquer notre consentement.

Au cœur de ce processus, dont il est à la fois le moteur et l’enjeu, se trouve le langage — qu’il soit verbal, visuel ou autre  : des mots sont vidés de leur sens, des images nous convainquent ou nous séduisent, des idées nous sont présentées comme des évidences… Or l’appauvrissement d’un langage ne peut aboutir qu’à un épuisement de la pensée  : comment prendre le temps de réfléchir, s’interroger ou critiquer lorsque tout invite à se satisfaire d’une pensée toute-prête  ?

Ces remarques n’ont rien de nouveau, je m’empresse de l’admettre. La rhétorique et la sophistique existent depuis des millénaires, l’imprimerie depuis six siècles, les médias de masse depuis deux siècles, et leur étude critique s’est considérablement affinée au XXe siècle avec les travaux d’intellectuels tels que George Orwell, Pierre Bourdieu ou Noam Chomsky  ; elle continue aujourd’hui avec des publications comme Acrimed ou le Monde diplomatique, et plus généralement, toute une frange de la gauche occidentale éduquée, et dont l’identité s’est précisément construite par une critique des classes dominantes (ce qui n’empêche pas d’en faire partie, comme en témoigne le phénomène dit bourgeois-bohème).

JohnRobertShepherd - CC byL’un des textes fondateurs de cette étude critique de la culture dite «  de masse  », est aussi l’un des plus accessibles  : il s’agit des Mythologies de Roland Barthes, rédigées au cours des années 1950 sous forme de chronique presque anecdotique. Outre l’avènement de cette analyse critique et raisonnée, on peut y lire l’émergence non seulement de Barthes lui-même, qui restera l’un des linguistes les plus importants du siècle, mais aussi de la sémiologie (discipline alors toute récente), de la pensée structuraliste (terme que Barthes récusera volontiers par la suite), et de la sociologie en tant que «  sport de combat  », pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu.

L’attrait (et l’immense succès) de Mythologies, je le disais à l’instant, semble anecdotique  : à travers une cinquantaine de textes courts, l’auteur examine des objets de la vie courante (la dernière Citroën, le steak-frites, le Tour de France,…) avec un regard analytique nouveau (surtout pour l’époque), inhabituel, en un mot  : exotique. On conçoit dès lors, de surcroît à l’aune de la célébrité ultérieure de Roland Barthes, auteur `culte´ du monde intellectuel parisien, combien ses Mythologies sont devenues à leur tour… un objet mythologique. Tentons donc ici de dépasser cet aspect «  carte postale sémiotique  », si charmant soit-il, pas davantage que nous ne nous arrêterons sur ce qu’il révèle de la société d’avant 1968.

Dès son avant-propos, Barthes présente sa démarche comme «  une critique idéologique portant sur le langage de la culture dite de masse, et un démontage sémiologique de ce langage  », née d’«  un sentiment d’impatience devant le `naturel´ dont la presse, l’art, le sens commun affublent une réalité qui, pour être celle dans laquelle nous vivons, n’en est pas moins parfaitement historique  ». La nature contre l’Histoire, tel sera l’un des axes principaux qui se dégageront peu à peu au fil des Mythologies (publiées dans leur ordre d’écriture). Barthes le résumera ainsi quelques années plus tard dans Le Mythe aujourd’hui  : «  la fin même des mythes, c’est d’immobiliser le monde  » sous le poids des évidences «  naturelles  », des tautologies ou des fausses concessions  ; immobiliser le monde et désamorcer toute dissension, comme si les choses avaient toujours été telles qu’elles sont, et ne pourraient être autrement.

Le mythe est donc message de résignation et de dé-responsabilisation. Il se distingue également par sa capacité d’absorption, de récupération et d’identification  : «  un trait constant de toute mythologie petit-bourgeoise est l’impuissance à imaginer l’Autre. L’altérité est le concept le plus antipathique au `bon sens´  ». Autre point récurrent, la propension à réduire le monde à des données quantifiables (et sur lesquelles on peut donc mettre un prix)  : «  nous savons maintenant ce qu’est le réel petit-bourgeois  : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte  ».

Le «  mythologue  » est notamment amené à considérer la place de la culture dans une telle société  : elle y est vivement appréciée… tant qu’elle sait rester à sa place et ne pas s’encombrer d’un discours politique. «  La culture est un bien noble, universel, situé hors des partis-pris sociaux  : la culture ne pèse pas. Les idéologies, elles sont des inventions partisanes  : donc (…) on les renvoie dos-à-dos, sous l’œil sévère de la culture (sans s’imaginer que la culture est tout de même, en fin de compte, une idéologie).  »

Pour intellectuelle qu’il soit, l’analyse de Roland Barthes n’est pas purement abstraite, mais pleinement politique  : «  statistiquement, écrit-il, le mythe est à droite. Là, il est essentiel  : bien nourri, luisant, expansif, bavard.  » (Le mythe existe également «  à gauche  » (c’est-à-dire dans la gauche non-révolutionnaire), mais il y est «  inessentiel  ».) Non point que le mythe soit ouvertement politique, propagandiste ou idéologiquement orienté, bien au contraire  : «  le mythe est une parole dépolitisée, nous dit Barthes, il abolit la complexité des actes humains, (…) il organise un monde sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse  : les choses ont l’air de signifier toutes seules.  »

Naturellement, ce terme de «  bourgeois  » qui apparaît peu à peu dans Mythologies et contamine bientôt son analyse tout entière, doit aujourd’hui être questionné d’un point de vue historique. La pensée de Barthes, comme sa terminologie, suit l’histoire de la gauche française  : marquée par le Parti Communiste à la Libération, par les révoltes étudiantes en 1968, et ainsi de suite. Ainsi, les «  petit-bourgeois  » de Barthes sont les mêmes que ceux de Brecht, à qui l’auteur de Mythologies se réfère d’ailleurs plus d’une fois  ; autre exemple, dans l’introduction ajoutée en 1970, nous le voyions plus haut, le lexique se fait guerrier et la Norme bourgeoise devient «  ennemi capital  ».

Si le mot de «  bourgeois  » est aujourd’hui passé de mode — dans notre société où la notion même de «  classe sociale  » semble un concept poussiéreux et folklorique — il est particulièrement intéressant de voir que Roland Barthes lui-même, avait prévu dès les années 1950 sa future disparition «  la bourgeoisie, écrit-il dans Le Mythe aujourd’hui, se définit comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée  » (c’est lui qui souligne).

Et de fait, quel que soit le nom qu’on leur donne, les mécanismes rhétoriques et médiatiques démontés par Roland Barthes semblent toujours d’actualité. La pauvreté intellectuelle et le parti-pris idéologique du discours médiatique dominant n’ont jamais plus été dénoncés qu’aujourd’hui, nous l’évoquions plus haut  ; les mots creux, les formules spécieuses et les détournements linguistiques (même officiellement sanctionnés) ne cessent de contaminer le langage et parasiter les raisonnements.

Le procédé rhétorique du «  constat  », que décrivait Barthes en son temps, ne s’est jamais mieux porté en ces temps de décapillotade du système financier, où, d’austérité «  inévitable  » en rigueur «  nécessaire  », la quasi-totalité des gouvernements fait sien le There Is No Alternative du Thatchérisme. En France, dans les grands partis de gauche et (plus encore) de droite, l’on se doit désormais d’être réactionnaire décomplexé — j’entends moins par là les saillies racistes, sexistes ou homophobes quasi-permanentes, que la résurgence ahurissante d’un fonds idéologique qui est celui de la Restauration — tout y est  : populisme, sécuritarisme, divisions du corps social, retour du catholicisme d’État, et jusqu’aux mots d’ordre tels que «  enrichissez-vous  » ou «  le travail rend libre  »  ! Quant à la «  privation d’Histoire  » que dénonçait Barthes voilà plus de cinquante ans, les gouvernements de la dernière décennie nous en donnent une illustration criante par leurs atteintes répétées portées à l’Histoire et son enseignement, notamment concernant l’époque coloniale et la seconde guerre mondiale.

J’évoquais plus haut l’affaiblissement et la «  folklorisation  » des Mythologies de Barthes, y compris — et surtout — auprès d’un certain public plus ou moins intellectuel. C’est que les sciences humaines sont elles-même devenues l’enjeu d’un processus de récupération  : les sciences humaines un tant soit peu subversives, dans les sphères académiques, se voient peu à peu déshéritées au profit de l’enseignement de l’économie, exclusivement sous sa forme la plus orthodoxe  ; la sociologie elle-même, sous une forme travestie et dégradée, est devenue marketing  ; signe s’il en est, le terme même de «  concept  » se confond aujourd’hui peu ou prou avec un gizmo publicitaire.

Dans un tel contexte, la situation actuelle des citoyens les plus actifs sur Internet (milieux communautaires, activistes, artistiques, coopératifs, illégitimes,…) pose plus d’un problème épistémologique. À commencer par leur volonté d’échapper à la confidentialité de leur audience, à l’effet d’entonnoir produit par tout message un tant soit peu idéologique  : comment, par exemple, s’adresser à des non-initiés lorsque l’on est soi-même geek  ? De telles questions sont particulièrement récurrentes dans le mouvement Libre, dont une finalité fondamentale est justement d’atteindre à un degré d’intelligibilité, d’accessibilité et de lien social universel. Et là encore, le langage est à la fois un enjeu et un outil primordial  : accéder à une discussion et une réflexion de qualité, encore aujourd’hui, requiert au préalable d’en maîtriser les outils (techniques), les modalités (conceptuelles),… voire de posséder un capital social ou symbolique suffisant pour avoir voix au chapitre.

Autre point qui mérite d’être mis en question, l’attitude volontiers critique des citoyens-internautes, Libristes ou non, vis-à-vis du mainstream — ou du moins de ce qu’ils considèrent comme tel, et qui se résume en général aux médias «  traditionnels  » et à la classe politique. Cette posture se nourrit, sous une forme plus ou moins dégradée, de la critique des médias de ces soixante dernières années, que nous évoquions plus haut — éventuellement sous-tendue, soit d’une culture politique qui peut aller de la gauche radicale à l’anarchisme ou au libertarianisme, soit d’un esprit «  potache  » (memes, lulz) issu d’un sentiment d’illégitimité.

Quels que soient ses présupposés, cette forme de critique (qui peut aller du simple mouvement d’humeur à une analyse fine et remarquablement étayée) comporte parfois des «  taches aveugles  » pas toujours assumées ni cohérentes  : telle grande entreprise, tel gouvernant, bénéficiera de l’ignorance, l’indulgence ou même la sympathie d’un public pourtant exigeant — particulièrement dans le milieu lié aux licences Libres. Retournement plus intéressant  : à partir d’un certain stade, cette attitude originellement critique donne à son tour naissance à une nouvelle culture, de nouvelles chapelles, une nouvelle doxa et les mêmes risques qui l’accompagnent. Dépolitisation du discours, appauvrissement de la réfléxion, recherche du consensus  : en fin de compte, le geek n’est que le mainstream de demain.

Signe (et acteur) de ce glissement, l’avénement d’une génération de commerciaux qui investit les lieux de débat public et de coopération communautaire. Marketing dit «  viral  », chasse au «  buzz  », data-harvesting, profiling, j’en passe  : les échanges sociaux sont contaminés par une démarche de séduction et de vente — d’autant que, nous l’avons vu, les sciences humaines sont passées par là et le publicitaire moderne se doit de faire appel à la connivence du chaland. Il faut être «  open  », être «  in  », être «  cool  », être «  pro  », être «  fun  »  : les échanges humains semblent tendre vers une moyenne de trois lettres. Dans un mouvement qui n’est pas sans rappeler la conquête des radios commerciales sur la bande FM dans les années 1980 (laquelle s’auto-célébrait alors, non moins que le Web d’aujourd’hui, comme royaume de la diversité et du choix), l’attention des geeks est polarisée autour de quelques sites à la mode et d’une poignée d’«  entreprenautes pognophiles  » dont il conviendrait d’examiner attentivement les idéologèmes — ne serait-ce que pour s’assurer qu’ils ne sont pas simplement les faux-nez branchés d’une industrie médiatique toute traditionnelle.

De tout cela, je retire à mon tour un «  sentiment d’impatience  » et l’envie de prendre le temps d’examiner ce monde dont je fais moi-même partie, ce langage dans lequel je baigne, et mes propres manies d’internaute Libriste. Une lecture de Barthes aujourd’hui, n’invite pas à autre chose  : questionner nos propres certitudes, notre propre langage, nos propres préconceptions — ou pour paraphraser Descartes, notre propre «  bon sens  ». Et c’est ce que je voudrais dresser ici  : l’ébauche d’une critique idéologique des avant-gardes de la citoyenneté sur Internet, et notamment du milieu des logiciels et pratiques culturelles Libres dont je suis proche. Mes prétentions ne sont pas scientifiques (d’autres l’ont déjà tenté avec perspicacité), mais reposent sur le rapprochement empirique de quelques images, figures, réseaux de signes qui façonnent ce milieu, en dessinent les tensions et les lignes de force, les fragilités et les incohérences, les motivations et les grandeurs.

En d’autres termes plus geek  : time to go meta !

Notes

[1] Crédit photo  : JohnRobertShepherd (Creative Commons By)

26 Responses

  1. Goofy

    Pas lu jusqu’au bout ? — je vous le fais en une phrase :
    Valentin va se payer la tronche des libristes, mais avec élégance et des arguments euh…pénétrants.
    Vous pouvez disposer.

  2. Christophe

    Avant de finir la lecture de cette chronique 0, j’ai eu envie de relire des bouts du livre de Barthes que tu donnes pour fondateur: Mythologies. Il est disponible en ligne dans un format lisible sur les livrels pour ceux que ça intéresse et qui, comme moi, non pas de bibliothèques « papier » facilement accessibles : http://avaxhome.ws/ebooks/science_b

  3. Christophe

    @vvillenave

    Pour reprendre l’expression de RMS, dans sa bio [merci Framasoft] que je conseille vivement à tous ceux qui ont du mal à passer outre les baskets Jérusalem et la barbe du bonhomme, [une myhologie, n’est-ce pas qui mériterait bien une chronique] : « Stallman insiste sur le fait que, quelle que soit la catégorie de l’œuvre, la liberté de copier et de redistribuer de manière non commerciale devrait s’appliquer intégralement et en tout temps. Si cela signifie de laisser les internautes imprimer une centaine de copies d’un article, d’une image, d’une chanson ou d’un livre et ensuite d’en distribuer par courriel les copies à une centaine d’étrangers, alors qu’il en soit ainsi.

    ‘Il est évident que la redistribution privée occasionnelle doit être permise, parce que seul un état policier peut arrêter cela, dit-il. Il est antisocial de s’immiscer dans les relations entre les
    personnes et leurs amis. […] Nous devons permettre — même la redistribution non commerciale au grand public pour l’unique plaisir de la chose’ »

    Cette chronique 0 est une bien belle présentation… j’attends la chronique 1 avec impatience !

  4. vvillenave

    @Christophe: La prochaine chronique se consacre justement au premier d’entre nous (j’entends par là rms)…
    Cependant ce que tu évoques n’est, malheureusement, qu’un souhait à l’heure actuelle — et étant donné l’hystérie et l’incohérence de « nos » systèmes législatifs et judiciaires dès qu’il s’agit de partage et de propagation des richesses immatérielles, il existe une probabilité non négligeable pour que celui qui reproduit un ouvrage comme celui de Barthes (ou celui qui se contente, même, de poster un /lien/ vers un tel ouvrage — ou celui, encore, qui n’a rien posté du tout mais qui a laissé passer un tel lien potentiellement problématique sans rien dire ni rien faire) s’en prenne, pour employer la terminologie légale appropriée, plein la gueule. Je ne parle pas ici de morale ou de justification : il vaut mieux être lucide sur le monde dans lequel on se trouve.

  5. Albert

    Les libristes sont aujourd’hui comme le reste de la société, sectaires, regardez les combats fraticides que se livrent les linuxiens entre eux (debian/ubuntu addicts et consorts)
    ou encore un peu plus loin et moins libristes les nerds IOS/Android (au travers de forums de sites spécialisés).

    La tolérence n’est plus de ce monde, mon bon Monsieur, non, plus de ce monde…

  6. vvillenave

    @Albert: Je récuse totalement votre accusation de lutte fratricide entre linuxiens.

    En tant que GNU/Linux-iste, ces chiens galeux qui se nomment Linuxiens ne sont en aucun cas mes « frères » ; ils méritent donc de disparaître jusqu’au dernier !

  7. Bluetak

    « En France, dans les grands partis de gauche et (plus encore) de droite, l’on se doit désormais d’être réactionnaire décomplexé »
    Je te trouve un peu catégorique. Je dirais plutôt : « Dans les partis de droite, et quelquefois même dans certains grands partis de gauche… »

  8. vvillenave

    @Bluetak: Pourquoi pas effectivement (cette phrase a subi plusieurs reformulations successives, et elle ne veut plus dire grand chose en l’état). Ce n’était pas le propos de cette chronique, mais il me semble acquis que la Réaction dépasse aujourd’hui très nettement la traditionnelle séparation gauche-droite ; c’est peut-être plus frappant à « gauche » qu’à droite car moins justifiable historiquement. Quant à l’aspect « décomplexé », il mériterait à lui seul un livre entier…

  9. Bejazzy

    Sujet intéressant. Merci.
    À la lecture de cet article et sans connaître au préalable l’oeuvre de R.Barthes, la notion de Mythes chez cet auteur me fait penser (peut-être à tort) à ce que Guy Debord nommait « le spectacle » dans son oeuvre — http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Soc

  10. Christophe

    @Valentin
    >La prochaine chronique se consacre justement au premier d’entre nous (j’entends par là >rms)…

    Excellent !

    Comme je l’ai dit plus haut, je suis en train de relire les Mythologies de Barthes — c’est bien pour lire les vols « long courrier » nord/sud ! Et la translation en lecture sur e-reader (fait pour ça) est beaucoup plus douce… on s’en prend moins dans la gueule en laissant filer le temps au rythme des mots ( et là où le droit d’auteur ne s’exerce pas !).

    En repensant à ton avant-propos, ta chronique 0, je me suis fait cette réflexion qui rejoint celle de Barthes : dans le fond, le « démontage » (par le détail) des « représentations collectives » se risque (toujours) à un obstacle (épistémologique) : ce qui peut (t’) apparaître comme une mystification, très certainement du fait de sa tendance universalisante, peut bien être perçu comme un allant de soi pour un autre, voire n’être pas du tout. Je force un peu le trait. Autrement dit, de ce qu’il te semblera être ainsi, à toi ou à quiconque d’ailleurs, il ne suit pas qu’il en est ainsi. CQFD.

    Livraison après livraison, chacune de tes chroniques devra répondre à la question suivante : est-il sensé de douter qu’il en est ainsi, de douter que cela va de soi, qu’il s’agit bien d’un fait historique, pour reprendre le mot de Barthes, et non d’une évidence ou un fait normalisé. Comme Barthes l’écrivait lui-même : la dénonciation seule ne suffit pas…

  11. Christophe

    @vvillenave: voilà, avec le commentaire de @bonobOh, un bel exemplaire d’une autre « mythologie » : « sans chichi … ni blabla », une représentation du langage qui oppose philosophie/informatique. Une vision technicienne et performative. Comme c’est trop souvent le cas dans le libre en général — beaucoup de technique et peu, trop peu, de rationalité… il manque je-ne-sais-quoi qui nous ferait sortir de l’ordre des affects actifs qui diminue, comme le pensait Spinoza, notre puissance d’agir.

  12. Christophe

    On peut ajouter : « Et on se bouge les fesses svp 😉 » la très classique opposition langage/action, parler/agir… D’une confondante banalité.

  13. bfb

    Je suis impatient d’en lire plus !

    Seule petite remarque, je ne suis peut-être pas le seul à ne pas connaître le sens de certains mots utilisés. Par exemple « épistémologie ». Il serait bon d’avoir un lien vers une définition vers ce genre de mots.

  14. vvillenave

    Alors, on va essayer de faire ça dans l’ordre :

    @Bejazzy: Pourquoi pas en effet, j’aimerais beaucoup en parler dans une prochaine chronique mais je vais d’ebord (non, pitié, c’est trop mauvais) essayer de me documenter davantage car GD est un auteur aujourd’hui controversé, à tort ou à raison — je sais que par exemple Antoine Moreau (autre penseur Libriste à qui une chronique sera dédiée d’ici deux mois) le conchie cordialement.

    @Christophe: Il est certain que lire Barthes est une saine lecture. J’ai été exposé aux aspects les plus, hum, littéraires de son œuvre pendant mes études, où il apparaissait surtout comme une de ces références convenues et incontournables qu’on se devait de caser à tous les coups ; en relisant Mythologies aujourd’hui (15 ans après les avoir découvertes et 10 ans après mes études), cependant, je suis frappé de découvrir le talent, la subversivité et la modernité du propos.
    Pour ce qui est de ton écueil épistémologique supposé : à mon sens, toute « évidence » est bonne à combattre. Ce n’est pas dénoncer une « mystification » (volontaire) que d’essayer de chercher les présupposés idéologiques derrière des constructions présentées comme « naturelles » et « allant de soi » ; en d’autres termes, mon propos n’est pas de m’interroger sur une éventuelle intentionnalité ou un Plan Secret De Domination Du Monde®.

    @bonob0h: Lorsque l’on prétend poster un commentaire sous un article, il est d’usage de lire ledit article (ou au moins de faire semblant). Je dis ça comme ça. Votre exemple de « ni chichis ni blabla » (on vous a déjà dit que vous auriez un avenir dans la pub ?) me paraît assez peu probant — ni particulièrement flatteur pour M. Scoffoni, au demeurant. D’ailleurs j’ai justement tenté à l’instant de montrer à Philippe que ses choix terminologiques étaient moins neutres qu’il ne le voudrait… http://is.gd/jaasb0

    @Christophe again: Le technicisme (c’est-à-dire le rejet de ce qui n’est pas, comme tu dis, performatif) est **aussi** une idéologie. J’y reviendrai d’ailleurs dans une quinzaine de jours.

    @bfb: Ah bin, où allons-nous si on ne peut plus se la péter avec des mots longs et compliqués ? 🙂 Vous noterez que j’ai mis un lien sur le mot « sème » dans l’introduction… Quant à épistémologie, je vous avouerai qu’en lisant la définition sur Wikipédia ( http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89… ) je me rends compte à l’instant que je l’emploie de façon bien plus ciblée… Il s’agit pour moi de décrire la façon dont j’acquiers la connaissance, en tant qu’individu (et donc, confiné à moi-même) : cette connaissance est donc nécessairement teintée par ma propre finitude, l’imperfection de ma perception et de ma compréhension, voire mon propre passé avec ce qu’il comporte de préconceptions. Ça porte peut-être un autre nom dans le grand monde, mais faute de mieux je dis épistémologie.
    … Et si j’ajoute que je parle ici de façon idiosyncrasique ça risque de ne pas aider 🙂

  15. iGor

    Les mythes sont-ils vraiment de droite?
    Une référence intéressante sur le sujet :
    Citton, Yves. Mythocratie: “storytelling” Et Imaginaire De Gauche. [Paris]: Ed. Amsterdam, 2010.
    http://www.fabula.org/actualites/y-
    un interview de l’auteur http://www.dailymotion.com/video/xc
    quelques notes de lecture : http://id-libre.org/file/HEG-ID/S4/
    (en fouillant dans le même répertoire il doit être possible de trouver de larges parties de l’ouvrage scanné…)

    Brièvement, l’auteur remarque la déroute des idées de gauche face à l’efficacité du « storytelling » de droite. Pour faire agir, les mythes sont peut-être nécessaire. Non pas dans le but de s’illusionner, se raconter des histoires, de manipuler, mais pour organiser son imaginaire, pour réduire, en effet, la complexité du réel, mais dans le but d’en améliorer la compréhension (c’est pas forcément, pas toujours contradictoire).
    D’ailleurs, si le logiciel libre arrive à mobiliser tant d’énergie, c’est aussi parce qu’il repose sur des mythes, des histoires, comme celle de l’imprimante VS RMS.
    Il fait référence à pas mal de monde, un modèle du pouvoir assez neuf, Foucault, Spinoza, mais aussi Jacques le fataliste de Diderot ou un Sun Ra, qui proposait d’essayer la mythocratie et prétendait venir de Saturne…
    La lecture de ce billet très intéressant m’a fait penser à cette histoire… Intéressant en tout cas!

  16. vvillenave

    @iGor: Très, très intéressant. J’avoue ne m’être jamais penché sur les travaux de Citton, mais cela semble un éclairage effectivement bienvenu. Sans avoir vraiment pris le temps de considérer cette nouvelle optique, ma première réaction serait de dire que le mythe importe moins en lui-même que son édification : ce que dénonce et combat Barthes (et, jusque de nos jours, les courants de pensées que j’évoque ci-dessus, et qui pourraient sans trop de mal s’étendre à l’ouvrage Storytelling de Christian Salmon), c’est la démarche qui consiste à fournir au « peuple » une (non-)pensée toute-prête, démarche que nous autres Libristes qualifierions de verticale ou centralisée. Ce n’est peut-être que le début de la chaîne, car les « mythes » de la culture de masse peuvent ensuite faire l’objet d’une réappropriation (parfois critique ou facétieuse), comme en témoigne le phénomène des « mèmes » : le mythe peut contribuer à construire un imaginaire et une pensée — du moins pendant son édification, si celle-ci n’est pas imposée toute-prête avec une forme de violence acculturatrice.
    Peut-être le modèle Libriste se prête-t-il à inventer des formes « adoucies » de pouvoir et d’échanges sociaux ; cependant je pense que vous serez d’accord avec moi pour considérer que ce ne serait qu’une demi-victoire si lesdits échanges se limitaient à recycler, avec de nouveaux habits, les mythologies chargées de l’idéologie traditionnelle.

  17. Tangi Colin

    Une vision technicienne et performative. Comme c’est trop souvent le cas dans le libre en général — beaucoup de technique et peu, trop peu, de rationalité… par Christophe

    Les techniciens ne sont pas rationnel ?
    … Mauvais techniciens, changer de techniciens

    Plus sérieusement, je trouve d’expérience que les techniciens sont plutôt rationnel, le problème est qu’ils ont rarement suffisamment de marge pour agir, on arrive souvent a de belle usine à gaz en informatique mais ça fait plaisir aux commerciaux et aux chargés de projets, plus de termes technique ça rend bien sur le papier (souvent beaucoup moins en pratique).

  18. Réchèr

    Ah oui, les mots creux. C’est amusant d’essayer de les repérer et de voir la façon dont il se répande, puis meurt pour laisser place à d’autres mots creux. Par exemple, le « vigipirate » dont parlait Gad Elmaleh dans l’un de ses sketchs commence à se démoder.

    Il y aussi les mots paresseux (Fumer, c’est « mal ». Il « faut » lire mon commentaire). Ils peuvent également porter un fort préjudice au cerveau des gens, et à la façon dont les échanges se font entre eux.

    Petite définition rapide ici : http://2dboy.com/2010/08/17/too-sho… (Même si le sujet principal de l’article est tout autre).

  19. Christophe

    @vvillenave

    « mon propos n’est pas de m’interroger sur une éventuelle intentionnalité ou un Plan Secret De Domination Du Monde®. »

    Je ne comprends pas cette remarque. Et puis, de fait, « chercher les présupposés idéologiques derrière des constructions présentées comme « naturelles » et « allant de soi » », c’est le démonter et nécessairement mettre à nu une forme de « supercherie » ou d’abus… dénoncer donc.

  20. vvillenave

    @aKa: Merci mais tu peux mieux faire. Je t’offrirai le best-of d’Éric Zemmour pour ton petit Noël…

    @Christophe: je répondais à ton terme « mystification » (sous-entendu: intentionnelle). Chercher des présupposés idéologiques, c’est montrer qu’une construction que son auteur même croit neutre et « évidente », peut être en fait orientée et pas si naturelle que cela. La qualifier de « supercherie », ce serait supposer qu’il y a tromperie intentionnelle (ou tout au moins, consciente), et c’est un pas que je préfèrerais éviter de franchir. Qu’en dis-tu ?

    @Réchèr: Très bien vu, le coup des mots paresseux. (« Fumer c’est mal » n’est pas paresseux d’ailleurs, il y a une forte composante morale et infantilisante.) Pour faire mon hors-sujet perso, un ami à moi a récemment fait un stage d’improvisation avec un grand clown (au sens premier du terme), qui lui interdisait d’employer des mots tels que « Alors », ou « Bon », ce genre de petits mots qu’on emploie si souvent dans le langage courant et qui ne veulent rien dire par eux-même mais sont pourtant si expressifs par tout ce dont on les investit (un soupir, un haussement d’épaules, un regard)…

    @Tangi: À mon sens, parler « des » techniciens en général conduit droit à la généralisation abusive. Quant à être « rationnel », je ne sais pas si c’est le cœur du débat, j’aurais plutôt dit qu’il s’agirait de _conscience_ : pour être pleinement Libre (avec ou sans majuscule), la première étape est de prendre conscience de ses propres chaînes — préjugés, contraintes, perception etc.

  21. Christophe

    @vvillenave : Il est certain que « mystification » ou « supercherie » présupposent une forme d’intentionalité (emploi lucide ou conscient). À moins d’affirmer, comme le faisait Louis Althusser, que toute idéologie est nécessairement inconsciente, je ne vois aucune raison d’exclure toute intention, tout présupposé idéologique, a priori, dans l’emploi d’un mythe. La neutralité dont tu parles ou la force de l’évidence, c’est comme le bon sens, elle est nécessairement orientée… elle est aussi une position.

  22. Ginko

    @vvillenave,

    M’intéressant (autant que le peut mon petit cerveau saturé) à la sémantique, la sémiotique, l’épistémologie et ces autres sciences barbares autour de la connaissance et donc de la parole ; et de surcroit étant libriste convaincu, je me réjouis de cette nouvelle chronique. (Le premier épisode ne m’a pas déçu!)

    Merci!