La route est longue mais la voie est libre

Framasoft - LL de Mars - Art Libre

J’ose espérer que notre lectorat dépasse l’Hexagone pour rencontrer de temps en temps la francophonie mais ce soir, difficile d’échapper à l’actualité, la France a donc un nouveau président.

Les électeurs, et c’est heureux, ne se sont pas déterminés en fonction des seules positions des candidats sur le logiciel libre et les libertés numériques, quand bien même nous savons que cela ait pu avoir une influence chez certains d’entre nous.

Il n’empêche que si l’on passe outre nos propres (et respectueuses) opinions pour se réfèrer uniquement à l’objectif principal de Framasoft qui est de faire connaître et diffuser la culture libre en général et le logiciel libre en particulier au plus large public alors force est de constater que ce n’était pas forcément a priori le meilleur des choix.

Ce n’est pas un procès d’intention. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir et comparer les réponses des uns et des autres au questionnaire de Candidats.fr ou pour aller plus vite d’en lire la remarquable synthèse de Thomas Petazzoni sur son blog.

Pour moi cela signifie ni plus ni moins que le mouvement national de défense, reconnaissance et impulsion institutionnelles du logiciel libre et son état d’esprit va s’en trouver si ce n’est freiné du moins ralenti.

Cela signifie également que des réseaux associatifs comme le nôtre, qui n’ont pas attendu un quelconque soutien de l’Etat pour démarrer et agir, ont encore toute leur raison d’être.

La route est (peut-être un peu plus) longue, mais la voie est (plus que jamais) libre…




Microsoft ou les vertus de la monoculture

Zach Klein - CC byPensez-vous par exemple que la pléthore de distributions GNU/Linux soit une qualité de l’OS et le témoignage de la vivacité de sa communauté ou bien au contraire qu’on aboutit à une situation confuse où trop de choix tue le choix ?

Sur cette thématique assez classique de la pertinence de la pluralité du choix, voici la traduction d’un article (un peu technique mais fort intéressant) d’un développeur américain James Turner sur le site d’O’Reilly.

Extrait :

Alors, quels sont les avantages d’une monoculture et pourquoi Microsoft gagne-t-il si souvent quand les gens doivent choisir une plateforme ? C’est en grande partie à cause de ce que la communauté open source voit comme une force mais que ceux qui essaient de faire leur boulot dans le monde réel voient comme une faiblesse. Nous célébrons la diversité de choix disponibles pour résoudre un problème et nous appelons cela la liberté. Les directeurs informatiques et les patrons de la branche informatique (IT managers et CIOs en anglais) y voient du chaos, de la confusion et des doutes.

Pour ceux qui comme nous sont attachés à la liberté, avoir le choix est bien entendu une valeur fondamentale. Mais il peut en aller autrement dans le monde pragmatique de l’informatique professionnelle où c’est souvent l’efficacité qui est privilégié. Et alors dans ce contexte Microsoft conserve de sérieux atouts avec ses offres monoculturelles sécures et rassurantes[1].

Les vertus de la monoculture

The Virtues of Monoculture

James Turner – 24 avril 2007 – Opinion
(Traduction Framalang : Don Rico et Yostral)

Je ne dis certainement rien de nouveau ici, mais j’ai pensé que je pourrai partager quelques réflexions sur les raisons qui poussent les gens à suivre la voie Microsoft. J’ai récemment fait quelque chose dans mon travail de tous les jours auquel je pensais depuis longtemps, mais pour lequel je n’ai jamais vraiment pris la peine d’aller jusqu’au bout, je me suis inscrit pour participer à un projet Microsoft-centrique et pour apprendre le .NET.

J’avais fait des tentatives avortées par le passé pour apprendre à coder dans l’Univers Microsoft. J’avais fait un essai à la sale époque des COM, mais le nombre de numéros qu’on me demandait d’exécuter me demandait trop d’effort par rapport à ce que j’étais alors prêt à consentir. Depuis j’ai gardé ce mauvais goût au fond de la bouche et j’ai refusé d’ajouter une seul compétence Microsoft à mon répertoire, même si cela représentait parfois un vide dans mon curriculum vitæ.

J’ai souvent travaillé dans des environnements où il y avait ce Monsieur Microsoft, l’évangéliste qui vous répète sans cesse à quel point ça aurait été plus facile en .NET. Je les ai classés dans la catégorie adorateurs de Gates buveurs de Tang*. Mais, à la fin de la journée, je me suis dit que si je devais les critiquer je devais vraiment comprendre leur monde. Connais ton ennemi et tout ça.

J’ai passé la semaine dernière à apprendre dans l’ordre C#, .NET et VSTO (c’est Visual Studio Toolkit for Office, si les abréviations de Microsoft ne sont pas votre tasse de thé). J’ai utilisé le livre Learning C# de chez O’Reilly et j’ai fait quelque chose qui m’arrive rarement : je m’y suis mis de manière très méthodique (du moins pour la première moitié).

Et devinez quoi? Microsoft possède dans ses mains une suite de développement plutôt bonne. Pour être honnête, C# est vraiment ce que je ferai si je pouvais complètement ré-écrire Java sans me soucier de la compatibilité descendante. Il y a quelques fonctionnalités vraiment sympas, comme les mots-clés virtual, override, et new qui vous permettent de spécifier ce qu’il se passe lorsque vous transtypez une classe dans sa classe de base et que vous appelez une méthode qui est définie dans les deux.

Visual Studio est un outil habile qui vous permet vraiment de créer des applications (et avec VSTO des ajouts pour Office) en deux temps trois mouvements. ADO.NET n’est pas pire que JDBC et s’intègre de manière transparente dans Visual Studio. J’ai été capable, arrivé à la fin de la semaine, de développer des applications autonomes et des ajouts pour Office qui étaient capable de dialoguer avec les bases de données en n’ayant écrit que peu de code. D’après ce que j’en ai vu, ASP.NET réalise la même chose pour les applications web MVC (NdT : Model View Controller).

Alors, quels sont les avantages d’une monoculture et pourquoi Microsoft gagne-t-il si souvent quand les gens doivent choisir une plateforme ? C’est en grande partie à cause de ce que la communauté open source voit comme une force mais que ceux qui essaient de faire leur boulot dans le monde réel voient comme une faiblesse. Nous célébrons la diversité de choix disponibles pour résoudre un problème et nous appelons cela la liberté. Les directeurs informatiques et les patrons de la branche informatique (IT managers et CIOs en anglais) y voient du chaos, de la confusion et des doutes.

Est-ce que je devrais utiliser iBatis ou Hibernate? XFire ou AXIS? Perl, PHP ou Ruby? Debian, Fedora, Ubuntu ou Suse? Si vous prenez la mauvaise décision vous pouvez perdre énormément de temps, comme nous l’avons découvert sur un projet récent où nous avons gâché une semaine à essayer de faire marcher AXIS2 pour un projet de service web pour finalement nous rendre compte que XFire était ce qu’il nous fallait.

Pour Monsieur Microsoft cette confusion n’existe pas. Vous utilisez ADO.NET, ASP.NET, C# et Windows. Ils fonctionnent tous, ils sont tous bien documentés du point de vue des besoins des développeurs, sans un seul regarde le code source désobligeant. A chaque fois que je pensais que j’allais être bloqué il y avait une douzaine d’articles expliquant comment faire exactement ce que je voulais faire, avec un exemple de code qui était à jour avec les versions du logiciel que j’utilisais et qui répondait vraiment au problème que je cherchais à résoudre.

Microsoft apporte le confort de ne pas avoir à choisir. Avoir le choix n’est pas toujours bon et la communauté open source offre parfois bien trop de manières différentes de plumer un canard, des choix qui sont pris plus par fierté, ego ou entêtement que par une authentique nécessité d’avoir deux alternatives différentes. Je ne montrerai personne du doigt, tout le monde connaît des exemples.

En fait, à moins que vous ne pensiez que je me sois tourné vers le Côté Obscur, le GROS problème avec une monoculture, c’est que vous vendez plus ou moins votre âme pour la stabilité d’un ensemble de choix défriché pour vous. En empruntant le chemin .NET, en gros, vous vous y perdez à tout jamais, et ce malgré Mono. Vous travaillerez toujours sur une plateforme Windows. Vous avez le joli anneau en or, mais Sauron tire les ficelles et vous fait danser. Pour beaucoup d’entreprises, celles qui n’ont pas besoin de se soucier du déploiement dans un environnement hétérogène, c’est un pacte qu’elles sont plus que prêtes à conclure.

Voici ce que je retiens de toute cette réflexion : en quelque sorte, nous devons commencer à faire le tri. La massue de 350kg pour faire entrer certaines idées dans les têtes devrait être mise à disposition pour marteler les têtes de ceux qui fourchent (NdT : qui créent un fork une déviation indépendante d’un projet) pour la seule et unique raison qu’ils ne sont pas en accord avec la licence, ou de ceux qui prennent les décisions. Quand on entend parler de deux (ou plus) projets qui répondent à la même problématique, on devrait se demander « Pourquoi ne mettent-ils pas en commun leurs efforts pour fournir une très bonne solution? » plutôt que de célébrer la diversité uniquement pour l’amour de la diversité.

A-ton vraiment besoin de Ruby on Rails ET de Groovy on Grails? Quand ils ont annoncé le poisson d’avril de Python on Planes j’ai mis quelques secondes pour réaliser que c’était un canular, parce que c’est exactement le genre d’effort faire quelque chose pour l’amour de le faire qui fractionne la communauté des logiciels open source. Il n’y a aucun moyen d’empêcher les gens de commencer des projets en double, et nous ne le voudrions pas, mais bon sang, doit-on l’encourager activement ?

On passe beaucoup de temps à se plaindre des moyens démoniaques qu’emploie Microsoft pour s’imposer partout. En faisant cela, nous nous lavons automatiquement de toute responsabilité que nous pourrions nous-même porter pour leur succès ou nos échecs. Le fait est qu’il existe d’excellentes raisons pratiques qui poussent les gens dans les bras de la boîte à outil de Redmond et nous devons accepter ceci comme un fait et en tirer des leçons plutôt que d’agiter nos poings en blamant l’obscurantisme. Car nous avons trouvé notre ennemi et c’est nous, pas Microsoft, du moins pas tout le temps…

Notes

[1] Crédit photo : Zach Klein (Creative Commons By)




Ne signez pas chez une grande maison de disque !

Much Music - RossinaBossioB - Creative Commons BY

Traduction[1] d’un article issu du blog des Cobra Punchers. Je suis loin d’adhérer à tout ce qui est dit mais je crois qu’aucun musicien aujourd’hui ne peut faire l’économie de s’interroger sur les évolutions liées à internet et aux nouvelles technologies. Quid des licences aposées à ma musique ? Quid de sa diffusion ? Quid des contrats avec les sociétés de gestion des droits d’auteur.(type SACEM) ? Quid des contrats avec les maisons de disques (type Majors) ?

Pour ce groupe très rock’n roll ça donne un témoignage que d’aucuns trouveront peut-être excessif voire naïf mais qui a cependant le mérite de poser de bonnes questions en proposant une alternative qui pourrait bien à l’avenir être de plus en plus crédible.[2]

The Cobra Punchers - Blog - screenshot

La nouvelle industrie musicale

The New Music Industry

Ce n’est plus un secret, l’industrie musicale va mal. Ils ont changé leur modèle économique, leur principale source de revenus n’est plus la vente de musique mais les procès intentés à leurs clients. Chacun peut voir que c’est un modèle économique ridicule. Pourtant, ceux qui devraient être les mieux informés à propos du bateau en perdition qu’est l’industrie musicale aujourd’hui ignorent complètement tous les signes et grimpent à bord du Titanic avec un abandon désespéré.

Je parle des groupes, ces pauvres groupes naïfs qui pensent toujours que signer d’un contrat est comme passer la ligne d’arrivée en tête et se voir offrir tous ses rêves sur un plateau d’argent. Ces pauvres groupes naïfs qui ne lisent pas les petits caractères et qui ne parviennent pas à comprendre la partie commerciale de l’industrie dont ils désirent tant faire partie. Ces groupes qui vendent deux millions d’albums et qui se retrouvent avec une dette de centaines de milliers de dollars envers leur maison de disque qui devait rendre tous leurs rêves les plus fous réalité.

Ce sont ces gens qui devraient apprendre la nouvelle première règle de l’industrie musicale. Ne signez pas chez une grande maison de disque. J’irai même jusqu’à conseiller de ne signer avec aucune maison de disque. Je ne pense pas en avoir besoin, mais je vois très bien en quoi de nombreux groupes tireraient profit d’un contrat avec un label indépendant plus petit. Tout musicien n’a pas forcément le sens des affaires et vice versa, mais je pense que nous entrons dans une ère de la musique où le pouvoir reposera uniquement dans les mains des musiciens qui peuvent voir leur musique différemment et voir comment gagner de l’argent en faisant ce qu’ils aiment.

Voilà quelques concepts que tous les musiciens aujourd’hui devraient comprendre

1. Les gens vont partager votre musique entre eux – Ne voyez pas le partage de fichiers comme du vol. La plupart de ceux qui téléchargent de la musique ne se voient pas comme des voleurs, ils ne se voient pas comme des pirates, ils veulent juste écouter votre musique. Le but final de l’industrie de la musique est que le plus de gens possible écoutent votre musique. Quand les gens échangent de la musique entre eux, ils rendent service à ce musicien en augmentant le nombre de personnes qui l’écoutent. C’est difficile de voir le partage de fichier comme un bienfait pour les musiciens puisque la plupart des musiciens voient leur musique comme un produit à vendre sous la forme d’un album. Si les gens partagent votre musique entre eux gratuitement, comment un musicien peut-il gagner sa vie ?

2. La musique n’est plus un produit, c’est un contenu – Lorsque la musique était liée au support qui la jouait, c’était un produit de la même manière qu’un lave vaisselle ou un aspirateur est un produit. Vous achetez un aspirateur parce que c’est un produit qui nettoie votre sol. Vous achetiez un CD parce que c’est un produit qui fait des sons plaisants.

Maintenant le contenu est séparé du produit. Vous n’avez désormais plus besoin du CD pour entendre les beaux sons. Maintenant que la musique est retirée du produit, la musique existe seulement en tant que contenu. Le dilemme de comment faire de l’argent à partir de la musique devient bien plus simple à résoudre une fois que vous voyez la musique comme un contenu et pas comme un produit. Beaucoup de médias différents ont utilisé du contenu pour faire de l’argent. Le meilleur exemple est l’industrie de la télévision qui a utilisé des contenus gratuits de qualité pour faire de l’argent pendant des années.

3. Soyez le fournisseur de votre propre contenu – Il y a des centaines de sites de torrent qui amassent des fortunes en fournissant du contenu gratuit. Ils passent de la pub aux milliers de gens qui visitent leurs site. Ils attirent des milliers de visiteurs en offrant du contenu gratuit. Du contenu créé par d’autres personnes.

C’est cet argent qui devrait arriver directement dans les poches des musiciens. Les musiciens devraient être moins énervés par le fait que les gens écoutent leurs chansons gratuitement que par le fait que le trafic se dirige vers les sites de torrent plutôt que vers leur propre site web.

Le meilleur moyen de récupérer l’argent de la publicité est d’entrer directement en compétition en proposant votre propre contenu gratuitement. Placé devant deux choix, celui de naviguer dans les eaux troubles des sites de torrent peu scrupuleux à la recherche de votre dernier single ou celui de le télécharger directement depuis le site de l’artiste gratuitement, le client téléchargera le contenu depuis votre site web de manière certaine.

4. Le contenu n’est plus limité par le produit lui-même – Un CD contient 70 minutes de musique. La plupart des CD sortis par les musiciens font environ 45 minutes et contiennent entre 10 et 15 chansons. Chaque CD est vendu avec une jolie couverture, une liste des chansons, des photos du groupe et les paroles. C’est le format que presque tous les groupes ont suivi depuis que je pouvais atteindre le bouton “Play” sur la chaine HiFi de mon père.

Puisque le contenu du CD n’est plus lié à ce disque brillant de 70 minutes, la façon dont la musique est commercialisée et vendue est maintenant libérée de ce vieux format usé. Je pense qu’iTunes a commencé à paver la route pour le retour des singles. Les groupes sortent leurs chansons à un rythme plus soutenu et constant, ils pondent une chanson tous les deux mois depuis l’intimité de leur maison.

L’artiste n’aura plus besoin de faire du “remplissage” pour allonger artificiellement la durée de leur album. Les fans n’auront plus à acheter 9 chansons qu’ils n’aiment pas afin d’en avoir 3 qu’ils adorent. Les fans n’auront plus à attendre des années entre deux albums. Les fans auront une nouvelle dose du groupe qu’ils aiment à chaque fois qu’il écrit une nouvelle chanson.

Ceux qui adopteront cette idée rapidement bénéficieront grandement du fait que leur groupe sera dans les médias plus souvent. Les groupes auront plus souvent l’occasion de faire leur promotion s’ils sortent une chanson tous les mois. Les singles profiteront aussi aux musiciens qui génèrent leurs revenus par les bénéfices de la publicité. S’ils sortent plus de chansons dans l’année, leur site web aura un trafic plus constant.

Beaucoup de musiciens et de maisons de disques grinceront des dents à l’idée de distribuer la musique gratuitement, mais cela ne peut pas être évité. Grâce à Internet, partager la musique que vous aimez est devenu plus simple que d’aller au magasin l’acheter. La prochaine étape pour les groupes est de rendre le téléchargement de leur musique encore plus aisé aux fans pour qu’ils puissent contrôler le contenu qu’ils créent et gagner de l’argent par la même occasion.

Notes

[1] Merci à Olivier, Daria et Yostral pour la traduction made by Framalang.

[2] L’illustration est une photographie de RossinaBossioB intitulée Much Music issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Trois petits tours et puis s’en va, SACEM je ne t’aime pas !

Naïfs que nous sommes…

Dans un récent billet j’annonçais un peu hâtivement le projet de faire un album sous licence Art Libre avec les fonds de tiroir d’une chanteuse que j’apprécie tout particulièrement et que je présentais dans un petit clip diaporama en guise de découverte.

Cela risque d’être un peu plus compliqué que prévu pour cause d’affiliation de la dite chanteuse à la SACEM (je subodorais cependant qu’il pouvait y avoir potentiellement un problème en me gardant bien de citer son nom). En fait cela risque même d’être tout simplement impossible à réaliser puisque le contrat SACEM est une cession de droits exclusifs pour le passé, le présent et le futur.

Et déjà rien que la mise en ligne du clip est illégale.

C’est d’autant plus dommage que ces fonds de tiroirs ne sont pas des morceaux au rabais. Ce sont des créations antérieures au groupe actuelle de la chanteuse (et antérieures à son inscription à la SACEM qui plus est). Elle ne comptait tout simplement plus les exploiter, les jouer et/ou les réenregistrer avec sa nouvelle formation et du coup elle m’avait contacté pour savoir si ça m’interessait de les verser dans le pot commun de la culture libre via Framasoft.

Vous m’en voyez contrarié (pour ne pas dire plus) parce que cela signifie que les morceaux vont rester définitivement dans les tiroirs contre la réelle volonté de leur auteur. Je veux bien que, comme ils disent, la SACEM protège les artistes et la création mais en ce moment, je ne sais pas si vous avez remarqué, plus on parle de nous protéger et plus on finit par nous vérouiller.

Allez, un dernier petit clip (toujours aussi illégal) en guise d’au revoir pour vous faire partager ma frustration.

Il s’agit d’une chanson traditionnelle irlandaise In search of a rose reprise notamment par The Waterboys. Les photos sont sous licence Creative Commons BY et ont toutes été faites dimanche dernier dans un parc à Rome.




FramArtLibre

Notre ami Ploum participant à la sortie prochaine d’un magazine sur Ubuntu s’est vu également offrir un encart publicitaire de son choix et il a gentiment pensé à nous.

Ni une, ni deux, un post sur Framagora et voici les trois sympathiques réalisations proposées par la communauté. Grand merci à eux !

Ces trois illustrations sont sous licence Art Libre. Vous trouverez des versions originales de plus grande taille en suivant le fil du forum.

Informatif by Restouble

Pub Framasoft - Art Libre - Restouble

Clairvoyant by Harrypopof

Pub Framasoft - Art Libre - Harrypopof

Grandiloquent by Pfelelep

Pub Framasoft - Art Libre - Pfelelep

J’en profite pour remercier Pfelelep pour le joli bandeau de ce blog. Même si j’ai un doute, mes proches le trouvent assez ressemblant !




Libérons aussi le matériel informatique !

Freedom Tunnel 10 - by Pro-Zak - CC-BY

Cet article propose la traduction[1] non officielle d’un article important de la Free Software Foundation (FSF). J’en reprends ici la limpide présentation de Thomas Petazzoni dans sa news LinuxFr du 5 mars dernier.

La Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) a publié, ce premier mars, un document intitulé The road to hardware free from restrictions: how the hardware vendors can help the free software community, dans lequel elle invite les constructeurs de matériel à travailler avec la communauté du Logiciel Libre pour établir une relation mutuellement bénéficiaire.

La fondation propose aux constructeurs d’agir dans cinq domaines :

– Développement de pilotes libres pour le matériel, en diffusant la documentation de leurs matériels, voire en aidant la communauté du Logiciel Libre à développer les pilotes, ou en les développant en interne
– Non-verrouillage au niveau des BIOS de certaines fonctionnalités (comme les marques de cartes mini-PCI acceptées, ou les fonctionnalités de virtualisation du processeur)
– Aider au développement d’un BIOS libre, en diffusant la documentation bas-niveau du matériel voire en distribuant du matériel utilisant un BIOS libre
– Vendre des ordinateurs sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation libre
– Résister à la pression des industries de la culture souhaitant mettre en place des mesures techniques de protection au niveau matériel

Pour chaque point, la Fondation pour le Logiciel Libre liste des moyens d’actions précis pour aider la communauté du Logiciel Libre, et donne les intérêts qu’auraient les constructeurs à agir dans ce sens.

L’occasion de rappeller l’action du site detaxe.org contre la vente liée qui continue à attendre vos signatures. Et d’évoquer la toute récente et salutaire décision de Dell d’inclure très prochainement des ordinateurs sous Ubuntu dans leur offre grand public, évènement majeur en phase avec les souhaits exprimés par cet article[2].

FSF screenshot - The road to hardware

Vers du matériel sans restrictions : comment les constructeurs peuvent aider la communauté du logiciel libre

The road to hardware free from restrictions: How hardware vendors can help the free software community

par Justin Baugh et Ward Vandewege
Senior systems administrators
Free Software Foundation

Février 2007

Introduction

Le marché du matériel informatique évolue résolument vers un écosystème standardisé basé sur du matériel sans restrictions. On voit déjà des petits fournisseurs augmenter leurs ventes en s’assurant que leur matériel fonctionne de manière optimale avec les logiciels libres et que leurs pilotes sont faciles à développer et entretenir. Les géants de l’industrie ont déjà mis à profit cette recette sur le marché des serveurs mais doivent encore prendre les mêmes engagements dans le domaine du matériel grand public.

Les vendeurs qui ont compris cette évolution sauront tirer profit de l’avantage stratégique que leur donnera la communauté du logiciel libre. Les vendeurs qui ne parviennent pas à réaliser ceci seront dépassés par des concurrents plus agiles.

Les pilotes libres

L’un des plus gros problèmes auquel doit faire face la communauté du logiciel libre aujourd’hui est le manque de pilotes libres pour le matériel courant. Des avancées significatives ont été faites dans ce domaine pour les systèmes GNU/Linux, soit par le support tacite des fabriquants soit par un laborieux processus de rétro-ingéniérie. Deux bastions des pilotes propriétaires restent toujours à conquérir: les interfaces de réseaux sans fils et les cartes graphiques. La communauté s’est largement mobilisée pour obtenir des pilotes libres pour tout le matériel. (La pétition Free Drivers Petition envoyée aux fabriquants de matériel a recueilli à ce jour plus de 5000 signatures.)

Presque toutes les cartes sans fils ainsi que les dispositifs USB nécessitent soit le chargement d’un firmware par un pilote libre soit l’utilisation des pilotes Windows grâce à un programme d’émulation libre (Ndiswrapper). Ndiswrapper entraîne une utilisation supplémentaire non nécessaire du processeur. Les pilotes propriétaires qu’il utilise sont souvent de mauvaise qualité, ce qui peut conduire à des problèmes de stabilité et de grandes difficultés pour fournir de l’aide aux utilisateurs. La plupart des cartes graphiques ne fonctionneront pas à 100% de leur potentiel sans des pilotes propriétaires, particulièrement dans les applications 3D.

On retrouve là les problèmes habituels du logiciel propriétaire. Des bugs dans les pilotes propriétaires peuvent aboutir à des failles de sécurité au cœur du système qui ne peuvent être corrigées sans l’intervention du vendeur. Cela peut prendre des mois pour corriger des bugs signalés par la communauté, si toutefois un correctif arrive un jour. Souvent les vendeurs prêtent peu attention aux problèmes des utilisateurs qui ont déjà acheté leurs produits. Par exemple, dans le cas particulier des pilotes binaires NVidia, quelques failles de sécurité de la plus haute importance sont restées sans correctif pendant bien trop longtemps. Le matériel qui requiert un firmware propriétaires, utilisable grâce à un logiciel libre, évite le problème en enfermant tous les renseignements dans un boîte noire que l’utilisateur ne peut ouvrir. C’est simplement de la poudre aux yeux, cela donne l’impression que le vendeur de matériel respecte le principe du libre alors que les problèmes de la communauté restent marginalisés.

Comment les vendeurs de matériel peuvent apporter leur soutien
  • Les vendeurs de matériel pourraient imposer que la documentation technique de base complète soit rendue disponible pour le matériel utilisé dans leurs produits. Cette documentation devrait être mise à la disposition des clients sans restriction, comme c’était le cas avant.
  • Les vendeurs pourraient encourager le développement de pilotes libres pour leur matériel soit en écrivant les pilotes eux même ou en aidant l’effort de développement de la communauté.
  • Les vendeurs pourraient travailler avec la communauté pour faire inclure les pilotes directement dans la version de base du noyau, Linux. Ceci rendrait la maintenance et la mise à jour des pilotes beaucoup plus simple aussi bien pour les développeurs que pour les utilisateurs.
Qu’est ce que cela apporterait au vendeur?

Un matériel bien documenté et supporté par des pilotes libres sera significativement plus utile aux membres de la communauté du logiciel libre ainsi qu’au grand public. Une image de matériel libre amène des critiques positives, une image de marque plus forte et des ventes en augmentation. (“Dans un sondage de 1800 jeunes, publié par Cone Inc. et AMP Insights, deux compagnies de marketing de Boston, 89% des sondés disent qu’ils seraient prêts à passer d’une marque à une autre si la seconde est associée à une bonne cause.” Chronicle of Philanthropy, 2006.11.09, Peter Panepento.) Le respect de la liberté de l’utilisateur est un signe distinctif d’une compagnie qui a une certaine éthique.

Le logiciel libre est une question de liberté: les gens devraient être libre d’utiliser les logiciels de toutes les manières qui soient socialement utiles. Voir http://www.gnu.org/philosophy/

Les verrous liés aux BIOS propriétaires

Il y a un certain nombre de problèmes sérieux avec les BIOS propriétaires livrés en général avec les systèmes vendus aux particuliers par les grands vendeurs. Deux problèmes particulièrement flagrants sont:

  • Le verrou qui empêche l’utilisation de cartes au format minipci dans les ordinateurs portables.

Plusieurs vendeurs emploient des codes dans le BIOS pour restreindre l’utilisation des emplacements minipci, qui sont pourtant complètement standardisées, afin qu’elles n’acceptent que des cartes d’extension pré-approuvées. C’est un problème majeur, en particulier car les cartes pré-approuvées sont souvent conçues par des vendeurs hostiles au logiciel libre, comme Broadcom.

  • La désactivation des fonctions de virtualisation matérielle des processeurs modernes.

Il a été signalé que certaines machines se sont vues amputées des fonctions de virtualisation matérielle du processeur par le BIOS d’usine. Les raisons invoquées par un vendeur sont que la virtualisation n’a pas été testée sur ses produits, c’est pourquoi cette fonction a été désactivée. (Voir Business support forums – nw8440 – VT disabled in bios.)
Il n’y a aucun intérêt à ce que les fabriquants de carte mère OEM appliquent des restrictions similaires.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs ne devraient pas délibérément amputer leur matériel de certaines fonctions par le biais de cadenas ou de DRM dans le BIOS.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En retirant ces restrictions artificielles, les utilisateurs seront libre d’utiliser leur matériel au maximum de ses capacités, ceci incluant la liberté de combiner les composants comme bon leur semble. Pour une grande communauté informée telle que la communauté du logiciel libre, cette liberté fait ou défait les décisions d’achat.

Le soutien des BIOS libres

Un mouvement entrain de se développer vise à remplacer les BIOS propriétaires par un BIOS libre. Le gros de l’effort fournit soutient LinuxBIOS. (Voir http://linuxbios.org/.)

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient apporter leur soutien à la communauté en donnant accès, sous une licence permissive, à toute la documentation matériel de base nécessaire pour développer un BIOS libre pour leur système et idéalement en apportant une aide sur le plan de l’ingénierie.

Les vendeurs de matériel pourraient vendre leurs produits avec un BIOS libre plutôt qu’un BIOS propriétaire. La communauté du logiciel libre apprécie le matériel qui peut être utilisé entièrement grâce à des logiciels libres, depuis le BIOS, et est prête à payer pour cela.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

C’est dans l’intérêt du vendeur de matériel de supporter un BIOS libre car il offre certains avantages par rapport aux BIOS propriétaires:

  • La majeure partie du code est écrite en C, qui est beaucoup plus simple à entretenir qu’un code d’assembleur.
  • Il travaille presque entièrement en mode 32-bits protégé.
  • Plutôt que de perpétuer des décisions faites dans les années 1970 il est basé sur une architecture moderne.
  • De nouvelles possibilités révolutionnaires sont possibles, comme implanter un noyau complet dans une puce ROM.
  • Le démarrage ne prend que quelques secondes, ce qui est seulement un faible pourcentage du temps qu’un BIOS propriétaire moyen met à démarrer.
  • Le vendeur ne dépend pas uniquement d’un fournisseur de BIOS propriétaire pour les modifications et corrections à apporter au code.
  • Comme il est sous licence GPL il n’y a pas de brevet, de redevance ou de taxe de licence à payer.

La “Taxe Microsoft”

Il est quasiment impossible d’acheter du matériel sans un système d’exploitation Microsoft pré-installé. Les vendeurs qui proposent ce genre de systèmes n’encouragent pas leur achat en les cachant. Les vendeurs qui pré-installent GNU/Linux se contentent souvent de n’offrir qu’une liste de systèmes sélectionnés. En aucun cas les vendeurs n’offrent un rabais, bien qu’ils économisent de l’argent en n’incluant pas de licence OEM de Microsoft.

Comment les vendeurs peuvent aider
  • Les vendeurs pourraient proposer des machines avec l’option “sans système d’exploitation” pour chacun de leurs produits, machines pour le grand public comprises, les ordinateurs portables en particulier.
  • Quand l’option “pas de système d’exploitation” est choisie, les vendeurs devraient baisser le prix de l’ordinateur du coût de la licence OEM de Microsoft.
  • Les vendeurs pourraient proposer de pré-installer certaines distributions GNU/Linux de manière optionnelle, également pour les machines grand public et en particulier pour les ordinateurs portables. Les fonctionnalités du sous-système comme ACPI devraient être testées sur ces machines.
Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En vendant et en faisant de la publicité pour du matériel sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation GNU/Linux, les vendeurs deviendraient moins dépendant de Microsoft. Des millions de personnes utilisent déjà des systèmes GNU/Linux. La communauté du logiciel libre assistera sans aucun doute les vendeurs qui proposent du matériel sans assujettir leurs clients à la “Taxe Microsoft”. Un coût réduit pour le vendeur signifie des prix réduits et de meilleures ventes.

Digital Restrictions Management

La communauté du logiciel libre s’oppose à l’astreinte des Digital Restrictions Management (DRM) (Mesures Techniques de Protection (MTP) en français). L’implémentation logicielle actuelle des DRM s’est montrée non sécurisée, ardue et ingérable, cette technologie anti-consommateur se déplace de plus en plus du logiciel vers le matériel. D’habitude les vendeurs de matériel encouragent l’utilisation innovante des nouvelles technologies et des nouveaux médias plutôt que de la restreindre. Cette culture de l’innovation est la base de toute l’industrie du matériel informatique.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient résister à la pression que leur imposent les industries du divertissement pour étouffer cette culture de l’innovation et faire pression pour obtenir des lois qui protègent les droits des consommateurs.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

La communauté du logiciel libre affluera vers les vendeurs qui protègent les droits des consommateurs en fournissant “du matériel libre de restrictions.” Les vendeurs qui vendent du matériel défectueux de par sa conception verront leurs ventes et le support de la communauté diminuer. En prenant la direction opposée aux DRM matériels les vendeurs resteraient également libres d’innover plutôt que de devoir attendre l’approbation des grands médias pour chaque nouveau produit.

Conclusion

En effectuant les changements recommandés dans une ou chacune de ces cinq directions (Les pilotes libres, les verrous liés aux BIOS propriétaires, le soutien des BIOS libres, la “Taxe Microsoft”, Digital Restrictions Management) les vendeurs de matériel aideront à établir une relation mutuellement bénéfique avec la communauté du logiciel libre. Les vendeurs augmenteront leurs ventes et la communauté du logiciel libre trouvera du matériel qui est conforme à ses aspirations éthiques. La Free Software Foundation est impatiente d’aider les vendeurs de matériel intéressés par les changements recommandés dans cette lettre. Les vendeurs ne devraient pas hésiter à tirer profit de cette opportunité encore très peu explorée.

Copyright © 2007 Free Software Foundation, Inc., 51 Franklin Street, Fifth Floor, Boston, MA 02110-1301, USA

La copie mot pour mot et la distribution de cet article sont permises dans le monde entier, sans redevance, sous n’importe quelle forme, à condition de préserver cette note.

Notes

[1] Merci à Olivier et GaeliX pour la traduction 🙂

[2] L’illustration est une photographie de Pro-Zak intitulée Freedom_Tunnel_10 issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Richard Stallman, le philosophe de notre génération ?

Une traduction d’un article de Richard Hillesley paru récemment sur Tux Deluxe et qui fait écho à la récente conférence de Stallman mis en ligne sur ce blog.

Le titre interrogatif de ce billet est directement inspiré d’une citation de Larry Lessig extraite de la traduction :

Chaque génération a son philosophe – un écrivain ou un artiste qui saisit l’imaginaire du moment. Parfois, ces philosophes sont reconnus en tant que tel ; souvent, il faut des générations pour faire le rapprochement. Mais reconnu ou non, une époque est marquée par les gens qui expriment leurs idéaux, que ce soit dans les murmures d’un poème, ou dans le grondement d’un mouvement politique. Notre génération a un philosophe. Ce n’est pas un artiste, ou un écrivrain professionnel. C’est un programmeur.

J’en profite pour signaler que nous avons entamé un projet ambitieux, celui de traduire collectivement via Wikisource la biographie de Stallman par Sam Williams Free as in Freedom. Avis donc à tout traducteur qui souhaiterait participer[1].

Soyez réaliste. Demandez l’impossible

Be Realistic. Demand the Impossible

Richard Hillesley – 18 mars 2007
(Traduction Framalang : Penguin, Daria et Olivier)

Chrys - CC byUn des slogans favoris des Situationnistes, pendant les agitations sociales de Mai 68 en Europe, était « Soyez réaliste. Demandez l’impossible ». Vivez votre vie à fond, osez rêver, nagez à contre-courant, et vos rêves deviendront réalité. Ce slogan aurait pu être écrit pour décrire la mission de Richard Stallman, le père de GNU, de la licence GPL et du mouvement du logiciel libre, qui a consacré sa vie à réaliser le rêve d’un système d’exploitation qui soit écrit de A à Z et qui soit totalement libre.

Stallman est un esprit implacable, et a souvent été comparé à un prophète de l’Ancien Testament – « une sorte de Moïse geek portant les commandements GNU GPL, et essayant d’amener la tribu hacker à la terre promise de la liberté, qu’ils veuillent y aller ou non. Ses longs cheveux, tombant abondamment sur ses épaules, sa grosse barbe, et un regard intense contribuent évidemment à cet effet. » (Glyn Moody – Le Code du Rebelle p29)

Comme cela est suggéré, Stallman est un ascète qui ne tolère aucun compromis, et qui a consacré sa vie et sa fortune, notamment les 240.000 $ de la « bourse du génie » (« genius grant ») offert par la fondation MacArthur en 1990, pour parcourir le monde avec son portable exsangue, évangélisant et prêchant à qui veut l’entendre la nécessité du logiciel libre. « La seule raison pour laquelle nous avons un système d’exploitation totalement libre », a-t-il confié à Moody, « c’est grâce au mouvement qui a dit que nous voulions un système d’exploitation totalement libre, et pas libre seulement à 90%. Si vous n’avez pas la liberté pour principe, vous trouverez toujours une bonne raison de faire une exception. Il y aura toujours des moments où, pour une raison ou pour une autre, il y a un avantage pratique à faire une exception. »

Stallman clame que le plus grand effet de la bourse MacArthur a eu sur son style de vie, c’est qu’il lui a été plus facile de s’inscrire pour voter. Stallman vivait dans son bureau. Les autorités refusaient de croire que son bureau était aussi son lieu de résidence, jusqu’à ce qu’un article de journal concernant la bourse MacArthur confirma ses affirmations.

« Je vis vraiment à peu de frais. Je vis encore en gros comme un étudiant, car je n’ai jamais eu envie d’arrêter », déclara-t-il à Michael Gross en 1999[2]. « Les voitures, les grandes maisons ne m’attirent pas. Pas du tout. Je n’étais pas un esclave de la soif de l’argent, et cela m’a permis de faire quelque chose qui en valait la peine. C’est pourquoi, lorsque j’ai commencé le projet GNU, j’ai aussi commencé à faire pousser mes cheveux. J’ai fait cela parce que je voulais dire : Je suis d’accord avec un aspect du mouvement hippie : ne faites pas de la réussite matérielle un but dans la vie. »

La vision ascétique et sans compromis de Stallman n’est pas universellement populaire, même parmi les hackers qui ont bénéficié de son dévouement. Car l’objectif du logiciel libre ne commence ou ne finit pas avec GNU/Linux, GNU Hurd, ou n’importe quel autre système d’exploitation, langage ou application qui a été, ou qui pourra être, développé sur le modèle ouvert que la GPL favorise. Stallman accorde moins d’importance au fait qu’un logiciel libre fonctionne mieux et soit plus efficace qu’à son caractère libre.

« Cela ne concerne pas l’argent », dit-il, « cela concerne la liberté. Si vous pensez que cela concerne l’argent, vous n’avez rien compris. Je veux utiliser un ordinateur librement, pour coopérer, pas pour restreindre ou interdire de partager. Le système GNU/Linux a obtenu du succès avec plus que cela. Le système est devenu populaire pour des raisons pratiques. C’est un bon système. Le danger réside dans le fait que les gens vont l’aimer parce qu’il est pratique et qu’il va devenir populaire sans que personne n’ait la plus vague idée des idéaux qui sont derrière, ce qui serait une manière ironique d’échouer. »

Stallman relate que lorsqu’il a fondé le projet GNU en septembre 1983, les gens disait, « Oh, c’est un boulot infiniment difficile; tu ne pourras tout simplement pas écrire un système comme Unix. Comment serait-il possible de faire tout cela ? Ce serait bien, mais c’est tout simplement sans espoir. »

La réponse de Stallman était qu’il allait le faire quand même. « C’est ici que je suis doué. Je suis doué à être très, très têtu et à ignorer toutes les raisons qui pourraient me faire changer de but, raisons qui pousseraient beaucoup d’autres personnes à le faire. Beaucoup de gens veulent être du côté gagnant. Je n’en avais rien à cirer. Je voulais juste être du côté de ce qui était bien, même si je ne gagnais pas, au moins, j’allais vraiment essayer. »

Neuf ans plus tard, Linus Torvalds annonçait sur comp.os.minix : « Je suis en train de faire un système (libre) d’exploitation (il s’agit juste d’un hobby, ce ne sera pas ambitieux ni professionnel comme GNU) pour les clones AT 386(486). » Du point de vue de Stallman, le noyau Linux est juste une partie du système d’exploitation. « Il n’existe pas de système d’exploitation appelé Linux. Le système d’exploitation appelé Linux est GNU. Linux est un programme – un noyau. Un noyau est une partie du système d’exploitation, le programme de niveau le plus bas du système qui surveille l’exécution des autres programmes et partage la mémoire et le temps de calcul du processeur entre eux. »

L’affirmation controversée de Stallman que Linux devrait correctement être connu sous le nom de GNU/Linux est motivé par son désir que « les gens comprennent que le système existe grâce une philosophie idéaliste. Si vous l’appelez Linux, vous allez à l’encontre de la philosophie. C’est un problème très grave. Linux n’est pas le système. Linux n’en est qu’une partie. (…) La vision idéaliste du projet GNU est la raison pour laquelle nous avons le système. »

La contribution particulière de Stallman au mouvement du logiciel libre a été de mettre en lumière les obstacles légaux et propriétaires de la libre distribution des logiciels et des idées. Le langage universel des contributeurs des projets open source (et de l’industrie du logiciel en général) a été influencé par les fondements philosophiques et politiques fournis par les écrits de Stallman, spécialement sa vision perspicace de la nature des lois concernant les copyrights et les brevets logiciels.

En introduction de Free Software, Free Society, une collection d’essais et de conférences de Richard Stallman, publiée par GNU press, Lawrence Lessig, professeur de droit à l’université de Stanford, déclare que « Chaque génération a son philosophe – un écrivain ou un artiste qui saisit l’imaginaire du moment. Parfois, ces philosophes sont reconnus en tant que tel ; souvent, il faut des générations pour faire le rapprochement. Mais reconnu ou non, une époque est marquée par les gens qui expriment leurs idéaux, que ce soit dans les murmures d’un poème, ou dans le grondement d’un mouvement politique. Notre génération a un philosophe. Ce n’est pas un artiste, ou un écrivrain professionnel. C’est un programmeur. »

Stallman n’est pas seulement le philosophe et la conscience (peut-être accidentels) du mouvement du logiciel libre, mais il est aussi considéré comme le hacker ultime, ayant contribué à de nombreux outils de base sans lesquels Linux n’aurait pu exister. Le code de Stallman réprésente l’une des contributions individuelles les plus importantes des distributions Linux classiques. Beaucoup de développeurs considèrent Emacs, le premier grand logiciel créé par Stallman, comme le système d’exploitation ultime au sein d’un système d’exploitation. Les outils GNU écrits par Stallman et la FSF (en particulier le compilateur GNU gcc) étaient les pré-requis pour construire le noyau qui deviendra Linux.

La plus grande réalisation de Stallman, la licence publique générale GNU (GPL), a amené beaucoup de bénéfices tout autant aux utilisateurs qu’aux développeurs, certains n’ayant même pas été nécessairement prévus au moment de sa création. La licence et son préambule sont une présentation en profondeur du but poursuivi par Stallman, de libérer le logiciel de chaînes propriétaires qui l’entravent, et de permettre aux hackers (dans le sens premier du mot, « un programmeur enthousiaste qui partage son travail avec les autres ») d’avoir la liberté de développer, d’améliorer et de partager leur code.

L’ingrédient essentiel de la GPL est le concept de Copyleft, qui utilise la puissance du copyright pour garantir qu’un logiciel libre restera libre. Le Copyleft inverse la loi du copyright en déclarant qu’un logiciel adapté d’un logiciel GPL et distribué au public doit rester aussi libre que la version du logiciel dont il est l’adaptation. La beauté de la GPL, comme tout développeur logiciel chevronné le reconnaîtra, c’est que, comme un morceau de code élégamment écrit, elle possède une simplicité et une transparence intrinsèques. La licence remplit ses objectifs, de protéger et de promouvoir les principes du logiciel libre, sans ambiguïté ni compromis, et reflète en cela la détermination et la personnalité de Stallman, qui par sa volonte a crée GNU, la GPL et le mouvement du logiciel libre.

Pour mesurer la réussite de Stallman, il suffit de voir comment la GPL a fait évoluer les mentalités dans l’industrie du logiciel. A l’origine le logiciel libre, extension des idéaux de Stallman appris au laboratoire d’I.A. du MIT au début des années 70, a été rejeté comme étant improbable et impraticable – une aire de jeu pour hackers, hippies et geeks – mais contre toute attente, le logiciel libre est devenu un paradigme acceptable pour le développement de logiciel, et la communauté perdue et tourmentée des hackers a enfin trouvé une maison.

« Vous ne changez pas les choses en vous battant contre la réalité. Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rend l’ancien modèle obsolète » – R. Buckminster Fuller

Richard Hillesley

Notes

[1] Crédit photo : Chrys (Creative Commons By)

[2] Richard Stallman: High School Misfit, Symbol of Free Software, MacArthur-Certified Genius (Richard Stallman  : l’excentrique du lycée, Symbole du logiciel libre, Génie certifié par Mac-Arthur)