La startup à but non lucratif est-elle un oxymore ?

Un court et récent billet de Tristan Nitot intitulé Serve your users well: be a non-profit a récemment retenu mon attention.

L’auteur, Paul Graham (qui n’est pas un inconnu sur le Framablog), constate, avec une sorte de fausse candeur, que faire le bien comme pourrait le faire une association à but non lucratif apporte de nombreux avantages à une startup, comme par exemple celui de devenir à terme rentable.

Je ne suis pas forcément en phase avec l’auteur mais je pense que de nombreux arguments sont matière à débat, surtout si on garde à l’esprit la spécificité de l‘écosystème des logiciels libres dont de nombreux (gros) projets sont à mi-chemin entre le monde de l’entreprise (telle qu’il est décrit ici) et l’association à but non lucratif.

Remarques : Nous avons ajouté des liens vers les sites référencés car ils ne parlent pas forcément à un public francophone. Nous avons également choisi de traduire[1] littéralement le titre en Soyez bon même si cela a parfois une petite connotation péjorative chez nous. Titres alternatifs : Soyez charitable, Soyez généreux, Soyez altruiste, Faites le bien

Copie d'écran - Paul Graham - Be Good

Soyez Bon

Be Good

Paul Graham – Avril 2008

(Cet article est issu d’une présentation à la conférence Startup School 2008)

Environ un mois après avoir lancé notre société Y Combinator, nous avons trouvé la formule qui est devenue notre slogan : « Faites quelque chose que les gens veulent. » Nous avons depuis beaucoup appris, mais si je devais de nouveau en choisir un, je garderai le même.

Un autre conseil que nous donnons aux créateurs d’entreprise est de ne pas trop se préoccuper du business model, en tout cas pas au début. Non pas parce que gagner de l’argent n’est pas important, mais parce que c’est beaucoup plus facile que de bâtir un projet ambitieux.

Il y a quelques semaines, je me suis rendu compte que si l’on assemble les deux idées, on obtient un résultat surprenant. Faites quelque chose que les gens désirent. Ne vous préoccupez pas trop de faire de l’argent. Ce qu’on obtient alors correspond à la description d’une œuvre de bienfaisance.

Lorsqu’on obtient un résultat inattendu comme celui-ci, il s’agit soit d’un bug, soit d’une nouvelle découverte. Aucune entreprise commerciale n’est censée agir comme une œuvre de bienfaisance, et nous avons prouvé grâce à un raisonnement par l’absurde que l’un des énoncés desquels nous sommes partis – ou les deux – est faux. Ou alors nous tenons une nouvelle idée.

Il s’agit à mon sens de la deuxième solution, car dès que ces pensées me sont apparues, tout un tas d’autres choses s’est mis en place.

Quelques exemples

Prenons par exemple Craigslist. Il ne s’agit pas d’une œuvre de bienfaisance, mais le site fonctionne comme s’il en s’agissait d’une. Et ses dirigeants réussissent étonnamment bien. Lorsque vous parcourez la liste des sites Web les plus populaires, il semble y avoir une erreur d’impression dans le nombre d’employés à Craigslist. Leurs revenus ne sont pas aussi élevés que ce qu’ils pourraient être, mais beaucoup de startups seraient heureuses d’échanger leur place avec eux.

Dans les romans de Patrick O’Brian, ses capitaines essaient toujours d’être sous le vent de leurs adversaires. Si vous êtes sous le vent, c’est vous qui décidez quand attaquer l’autre navire. Craigslist est réellement sous le vent de revenus énormes. Ils feraient face à un certain nombre de défis s’ils voulaient en engranger davantage, mais pas ceux que l’on affronte lorsqu’on louvoie sous le vent, en essayant d’obliger des utilisateurs hésitants à utiliser un mauvais produit, en dépensant dix fois plus dans le marketing que dans le développement.[2]

Mon propos n’est pas que les startups doivent toutes viser à finir comme Craigslist, qui est le produit de circonstances inhabituelles. Mais ce site est un bon modèle pour les premières étapes.

À ses débuts, Google ressemblait fort à une œuvre de bienfaisance. Ils n’ont pas affiché de pubs pendant plus d’un an. À l’an 1, on ne pouvait différencier Google d’un organisme à but non lucratif. Si un tel organisme ou une organisation gouvernementale avait commencé un projet pour indexer le Web, Google à l’an 1 constituerait la limite de ce qu’ils auraient produit.

À l’époque où je travaillais sur les filtres anti-spam, je trouvais bonne l’idée de proposer un client e-mail en ligne pourvu d’un filtrage des spams efficace. Je ne le concevais pas comme une entreprise à part entière. Je voulais protéger les internautes du spam. Mais à mesure que je réfléchissais à ce projet, je me suis rendu compte qu’il faudrait probablement que ce soit une entreprise. Un tel projet coûterait de l’argent, et il aurait été difficile de le financer avec des subventions et des dons.

Ce fut une prise de conscience surprenante. Les entreprises affirment souvent œuvrer pour le bien commun, mais je m’étonnai de constater que certains projets visant uniquement à ce bien commun devaient pour fonctionner se présenter sous la forme d’une entreprise.

Ne voulant pas monter une nouvelle entreprise, je ne l’ai pas fait. Mais si quelqu’un l’avait fait, il serait sans doute assez riche, à l’heure qu’il est. Pendant une période d’environ deux ans, le spam a augmenté rapidement alors que tous les grands services de mail n’offraient que des filtres de piètre efficacité. Si quelqu’un avait lancé un nouveau service de mail sans spam, les utilisateurs se seraient rués dessus.

Voyez-vous le schéma qui se profile ici ? Quelle que soit la direction d’où l’on vient, on arrive au même point. Si l’on part de startups qui ont du succès, on se rend compte qu’elles agissent souvent comme des associations à but non lucratif. Et si l’on part d’idées pour des associations à but non lucratif, on constate qu’elles font souvent de bonnes startups.

Le pouvoir

Quel est la taille de ce domaine ? Toutes les associations à but non lucratif feraient-elles de bonnes entreprises ? Pas forcément. Ce qui rend Google si précieux, c’est que ses utilisateurs ont de l’argent. Si l’on se fait apprécier de ceux qui ont de l’argent, on pourra probablement en récolter un peu. Mais une startup peut-elle réussir en se basant sur le principe d’agir comme une association à but non lucratif, pour des personnes qui n’ont pas d’argent ? Peut-on par exemple développer une startup à partir d’un remède contre une maladie qui ne fait pas les gros titres mais qui reste mortelle, comme la malaria ?

Je n’en suis pas sûr, mais à mon sens, si l’on creuse cette idée, il est surprenant de constater jusqu’où l’on peut pousser le raisonnement. Par exemple, ceux qui postulent auprès de Y Combinator n’ont généralement pas beaucoup d’argent, et pourtant l’on peut tirer bénéfice à les aider, parce qu’avec de l’aide, elles pourront peut-être gagner de l’argent. La situation est peut-être similaire dans le cas de la malaria. Une organisation qui aiderait un pays à se débarrasser de ce fardeau pourrait bénéficier de la croissance qui en résulterait.

Il ne s’agit pas là d’une suggestion sérieuse. Je ne connais rien à la malaria, mais je manipule les idées depuis assez longtemps pour savoir reconnaître celles qui ont un puissant potentiel.

Une bonne façon de découvrir jusqu’où peut aller une idée est de se demander à partir de quelle cote parieriez-vous contre. Envisager de parier contre la bienveillance est effarant de la même façon qu’affirmer qu’un projet est techniquement impossible. Cela revient à chercher à se couvrir de ridicule, car nous sommes en présence de forces d’une puissance exceptionnelle.[3]

Par exemple, je pensais au départ que ce principe ne s’appliquait peut-être qu’aux startups Internet. À l’évidence, cela a fonctionné pour Google, mais qu’en est-il de Microsoft ? Microsoft n’est certainement pas dans une démarche bienveillante. Mais à leurs débuts, c’était le cas. Comparé à IBM, ils ressemblaient à Robin des Bois. Lorsque IBM a lancé le PC, ils pensaient qu’ils allaient gagner de l’argent en vendant du matériel à prix élevé. Mais en obtenant le contrôle du standard PC, Microsoft a ouvert le marché à n’importe quel fabricant. Les prix du matériel se sont effondrés, et beaucoup de personnes qui sans cela n’auraient pu s’en offrir, ont voulu acquérir un ordinateur. Voilà le genre de changements que l’on attend de Google.

Microsoft n’est plus dans une telle démarche. À présent, lorsque l’on pense à la façon dont Microsoft traite ses utilisateurs, seules viennent à l’esprit des verbes d’un registre assez vulgaire. [4] Et cela ne semble plus payer. Le prix de leurs actions stagnent depuis des années. Lorsqu’ils étaient encore des Robin des Bois, le prix de leurs actions montait en flèche comme celles de Google. Pourrait-il y avoir un lien ?

Il est aisé d’en voir un. Lorsqu’on est une petite startup, on ne peut brutaliser ses clients, et il faut donc les séduire. Mais quand on est une grosse entreprise, on peut les maltraiter à volonté, et l’on ne s’en prive pas, car c’est plus facile que de les satisfaire. On se développe en étant bon, mais pour rester gros il ne faut pas être tendre.

On s’en tire à bon compte jusqu’à ce que l’environnement change, et alors toutes les victimes s’échappent. Donc, inventer le précepte "Ne fais pas le mal" (NdT : Don’t be evil) est la meilleure chose que Paul Buchheit ait accompli pour Google, car il pourrait se révéler un élixir de jouvence pour l’entreprise. Je suis sûr qu’il s’agit pour eux d’une contrainte, mais cela pourrait leur sauver la mise en leur évitant de sombrer dans la paresse fatale qui a affligé Microsoft et IBM.

Ce qui est curieux, c’est que cet élixir est disponible gratuitement pour n’importe quelle autre entreprise. N’importe qui peut adopter "Ne fais pas le mal." Le problème, c’est qu’il faut s’y tenir. Alors ce n’est pas demain la veille qu’on verra les maisons de disques ou les fabricants de tabac souscrire à ce nouveau précepte.

Le Moral

Il y a beaucoup de preuves extérieures que la bienveillance fonctionne. Mais comme cela fonctionne-t-il ? Un des avantages d’investir dans de nombreuses startups est le fait que vous obtenez beaucoup de données sur la façon dont elles fonctionnent. De ce que nous avons vu, être bon semble aider les startups de trois façons : cela améliore leur moral, cela donne envie à d’autres personnes de les aider, et avant tout, cela les aide à prendre des décisions.

Le moral est extrêmement important pour une startup, si important que le moral seul est presque suffisant pour déterminer le succès. Les startups sont souvent décrites comme des montagnes russes émotionnelles. Une minute, vous êtes sur le point de dominer le monde, l’instant suivant vous êtes condamné. Le problème avec le sentiment d’être condamné n’est pas uniquement que cela vous rend malheureux, cela vous amène aussi à arrêter de travailler. Les descentes de la montagne russe sont donc davantage une prophétie auto-réalisatrice que les montées. Si sentir que vous allez réussir vous fait travailler davantage, cela augmente probablement vos chances de réussir, mais si sentir que vous allez échouer vous fait arrêter de travailler, cela vous garantit quasiment d’échouer.

C’est ici que la bienveillance entre en scène. Si vous sentez que vous aidez réellement les gens, vous allez continuer de travailler, même s’il semble que votre startup soit condamnée. La plupart d’entre nous avons une certaine quantité de bienveillance naturelle. Le simple fait que des personnes aient besoin de vous, vous donne envie de les aider. Donc, si vous démarrez le type de startup où les utilisateurs reviennent chaque jour, vous vous êtes en gros construit un tamagotchi géant. Vous avez créé quelque chose dont vous devez prendre soin.

Blogger est un exemple célèbre de startup qui a traversé des bas vraiment bas et qui a survécu. A un moment, ils sont tombés à court d’argent,et tout le monde est parti. Evan Williams est revenu travailler le lendemain, et il n’y avait plus personne sauf lui. Qu’est-ce qui l’a fait continué ? En partie le fait que les utilisateurs avaient besoin de lui. Il hébergeait les blogs de milliers de personnes. Il ne pouvait tout simplement pas laisser le site mourir.

Il y a beaucoup d’avantages à démarrer rapidement, mais le plus important est peut-être que lorsque vous avez des utilisateurs, l’effet tamagotchi fait son effet. Une fois que vous avez des utilisateurs dont vous devez en prendre soin, vous êtes obligé de découvrir ce qui pourrait les rendre heureux, ce sont vraiment des informations très précieuses.

La confiance supplémentaire qui vient du fait d’essayer d’aider les gens peut également vous aider avec les investisseurs. L’un des fondateurs de Chatterous m’a dit récemment que lui et son co-fondateur avaient décidé que ce service était quelque chose dont le monde avait besoin, ils continueraient donc à travailler dessus peu importe les problèmes, même s’ils devaient retourner au Canada et vivre dans le sous-sol de leurs parents.

Une fois qu’ils eurent réalisé cela, ils ont arrêté de trop s’inquiéter de ce que les investisseurs pensaient d’eux. Ils continuèrent à les rencontrer, mais ils n’allaient pas mourir s’ils n’obtenaient pas leur argent. Et vous savez quoi ? Les investisseurs sont devenus beaucoup plus intéressés. Ils pouvaient sentir que les Chatterous allaient faire cette startup, avec ou sans eux.

Si vous êtes réellement motivé et que votre startup ne coûte pas cher à faire tourner, vous serez très difficile à tuer. Et pratiquement toutes les startups, même celles qui ont le mieux réussi, se sont approchées de la mort à un moment. Donc, si faire le bien fait de vous un missionnaire, cela vous rendra plus difficile à tuer, cela seul fera plus que compenser tout ce que vous pourriez avoir perdu en ne choisissant pas un projet plus égoïste.

L’aide

Une autre avantage de faire le bien est que cela donne envie aux gens de vous aider. Cela aussi semble être un trait inné des êtres humains.

L’une des startups que nous avons financées, Octopart, est en ce moment bloquée dans une bataille classique du bien contre le mal. Il s’agit d’un site pour rechercher des composants industriels. Beaucoup de personnes ont besoin de chercher des composants, et avant Octopart, il n’existait pas de bon moyen pour faire cela. Il s’est avéré que ce n’était pas une coïncidence.

Octopart a créé la bonne façon de chercher des composants. Les utilisateurs aiment cela, et ils ont augmenté rapidement. Et pourtant, durant la plus grande partie de la vie de Octopart, le plus gros distributeur, Digi-Key, a essayé de les forcer à retirer les prix de leur site. Octopart leur envoie des clients gratuitement, et pourtant Digi-Key essaie d’arrêter cette venue. Pourquoi ? Parce que leur business model actuel se base sur le fait de faire sur-payer les gens qui ont des informations incomplètes sur les prix. Ils ne veulent pas que les recherches fonctionnent.

Les gens d’Octopart sont les gars les plus sympas du monde. Ils ont laissé tomber leur doctorat en physique à Berkeley pour faire cela. Ils voulaient juste régler un problème qu’ils ont rencontré durant leurs recherches. Imaginez le temps que vous pourriez faire gagner aux ingénieurs du monde entier s’ils pouvaient faire des recherche en ligne. C’est pourquoi lorsque j’ai entendu qu’une grande méchante entreprise essayait de les arrêter pour pouvoir continuer à ne pas avoir ce genre de recherches, cela m’a réellement donné envie de les aider. Cela m’a fait investir plus de temps dans Octopart que dans la plupart des startups que nous avons financées. Cela m’a justement poussé à vous parler d’eux pendant plusieurs minutes pour vous dire à quel point ils sont biens. Pourquoi ? Parce que ce sont des gars biens, et qu’ils essaient d’aider le monde.

Si vous êtes bienveillant, les gens se rallieront à vous: des investisseurs, des clients, d’autres entreprises, et des employés potentiels. Sur le long terme, les employés potentiels sont peut-être le plus important. Je pense que tout le monde sait que les bons hackers sont bien meilleurs que ceux qui sont moyens. Si vous arrivez à attirer les meilleurs hackers et à les faire travailler pour vous, vous avez un avantage important. Et les hackers les plus brillants ont tendance à être idéaliste. Ils ne recherchent pas un travail à n’importe quel prix. Ils peuvent travailler où ils veulent. La plupart veulent donc travailler sur des choses qui rendent le monde meilleur.

La boussole

Mais l’avantage le plus important à être bon est que cela agit comme une boussole. Un des aspects les plus difficiles lorsque l’on démarre une startup est que vous devez faire beaucoup de choix. Vous devez n’en choisir que deux ou trois, alors qu’il y a des milliers de choses que vous pourriez faire. Comment pouvez vous trancher ?

Voici la réponse: faites ce qui est le mieux pour vos utilisateurs. Vous pouvez vous y accrocher comme à une corde dans un ouragan, et si quelque chose peut vous sauver, ce sera cela. Suivez ce principe, et il vous permettra de traverser tout ce à quoi vous aurez à faire face.

C’est même la réponse à des questions qui semblent sans lien, comme la façon de convaincre des investisseurs de vous donner de l’argent. Si vous êtes un bon vendeur, vous pouvez simplement essayer de les baratiner. Mais la route la plus sûre est de les convaincre grâce à vos utilisateurs: si vous faites quelque chose que les utilisateurs aiment suffisamment pour en parler à leurs amis, vous grandirez de façon exponentielle, et cela convaincra n’importe quel investisseur.

Etre bon est une stratégie particulièrement utile pour prendre des décisions dans des situations complexes, parce qu’elle ne défend aucune chapelle. C’est comme dire la vérité. Le problème avec le mensonge est que vous devez vous rappeler tout ce que vous avez dit dans le passé pour être sûr de ne pas vous contredire. Si vous dites la vérité, vous n’avez pas à tout vous rappeler, et c’est un aspect vraiment utile dans des domaines où les choses arrivent très rapidement.

Par exemple, Y Combinator a investi à l’heure actuelle dans 80 startups, 57 sont encore en vie. (Les autres sont mortes, ou ont fusionné, ou ont été rachetées.) Lorsque vous essayez de conseiller 57 startups, il s’avère que vous devez avoir un algorithme sans esprit partisan. Vous ne pouvez pas avoir de motifs cachés lorsque vous avez 57 choses qui avancent en même temps, car vous ne pouvez pas vous souvenir de toutes. Notre règle est donc de faire ce qui est le mieux pour les créateurs des startups. Non parce que nous sommes spécialement bienveillants, mais parce que c’est le seul algorithme qui fonctionne à cette échelle.

Lorsque vous écrivez quelque chose préconisant aux gens d’être bon, vous donnez l’impression de prétendre que vous êtes bons vous-mêmes. Je veux donc dire explicitement que je ne suis pas spécialement une bonne personne. Quand j’étais enfant, j’étais clairement du côté des méchants. A la façon dont les adultes utilisaient le mot ‘bon’, cela me semblait synonyme de calme, j’ai donc grandi en étant très méfiant vis-à-vis de la bonté.

Vous savez qu’il y a certaines personnes dont le nom apparaît dans une conversation et tout le monde dit "C’est vraiment un gars épatant" ? Les gens ne disent jamais cela de moi. Le mieux que j’ai eu a été "Il a de bonnes intentions". Je n’affirme pas que je suis bon. Au mieux, être bon est pour moins une seconde langue.

Je ne vous conseille donc pas d’être bon dans le sens moralisateur habituel. Je vous suggère cela parce que cela fonctionne. Cela ne fonctionnera pas uniquement comme une déclaration de valeurs, mais également comme un fil directeur pour la stratégie, et même pour définir les spécifications pour un logiciel. Ne vous contentez pas de ne pas faire le mal. Soyez bon.

Notes

[1] Traduction : Penguin – Relecture : Daria – Validation : Don Rico.

[2] Il y a 50 ans, il aurait semblé choquant pour une entreprise publique de ne pas payer de dividendes. A l’heure actuelle, beaucoup de compagnies de technologie ne le font pas. Les marchés semblent avoir compris comment valoriser des dividendes potentiels. Peut-être qu’il s’agit de la dernière étape dans cette évolution. Peut-être que les marchés vont finalement être à l’aise avec les gains potentiels. (le capital-risque l’a déjà compris, au moins certains gagnent systématiquement de l’argent.). Je me rends compte que cela ressemble aux trucs qu’on avait l’habitude d’entendre à propos de la nouvelle économie durant la bulle Internet. Croyez-moi, je n’ai jamais vraiment adhéré à ces idées à cette époque. Mais je suis convaincu qu’il y avait quelques bonnes idées enterrées dans les raisonnements de l’époque de la bulle Internet. Par exemple, il est correct de se concentrer sur la croissance plutôt que sur les profits, mais uniquement si la croissance est véritable.Vous ne pouvez pas acheter les utilisateurs; cela ressemble à de la vente pyramidale. Mais une entreprise avec une croissance rapide et véritable a de la valeur, et au bout du compte, les marchés apprennent à apprécier les choses qui ont de la valeur.

[3] L’idée de démarrer une entreprise avec des buts bienveillants est actuellement sous-évaluée, parce que à l’heure actuelle le type de personnes qui font cela de manière explicite ne font en général pas un bon boulot.C’est l’une des carrières classiques des trustafarians que de démarrer une affaire vaguement bienveillante. (NdT : tel un rebelle du dimanche, un trustafarian est un terme péjoratif pour les jeunes gens de la classe supérieure adoptant un pseudo-mode de vie hippie) Le problème avec la plupart d’entre eux est que soit ils ont une mauvaise feuille de route, soit ils sont mal réalisés. Les ancêtres des trustafarians ne sont pas devenus riche en préservant leur culture traditionnelle; peut-être que les gens en Bolivie ne le veulent pas non plus. Et démarrer une ferme bio, même si cela est véridiquement bienveillant, cela n’aide pas les gens à la même échelle que ce que fait Google. La plupart des projets explicitement bienveillants ne sont pas suffisamment responsables. Ils agissent comme si le fait d’avoir de bonnes intentions suffisait à garantir de bons résultats.

[4] Les utilisateurs détestent tellement leur nouveau système d’exploitation qu’ils ont lancé des pétitions pour sauver l’ancien système. Et l’ancien n’avait rien de spécial. Les hackers travaillant chez Microsoft doivent savoir au fond de leur cœur que si l’entreprise se préoccupait réellement des utilisateurs, ils leur auraient conseiller de passer à OSX.




MUTO a wall-painted animation by BLU

Il fallait que je vous fasse partager ça !

URL d’origine
Licence : Creative Commons By-Nc-Nd




Dossier OLPC : 2 La dépêche AP (qui a déclenché la polémique)

Dossier One Laptop Per Child (un portable par enfant)

Fin de la série de traductions sur le projet OLPC afin de constituer un petit dossier cohérent même pour un public non averti. Parce que nous pensons que le sujet le mérite (et que les grands médias s’en désintéressent).

C’est ici qu’est parti la récente polémique avec la communauté Open Source qui s’est vue traiter de fondamentaliste par un Nicholas Negroponte prêt désormais à accueillir Windows dans son ordinateur.

Une dépêche AP traduite par Yonnel.

Copie d'écran - Associated Press (Google News)

Démission d’un des principaux leaders du programme de portables à bas coût

Low-cost laptop program sees a key leadership defection

Brian Bergstein – 22 avril 2008 – Associated Press

BOSTON (AP) — Un des personnages clés du projet de portable à 100 $ pour les enfants, a démissionné, alors que l’organisation se prépare à faire évoluer son approche open-source en intégrant Windows, le système d’exploitation de Microsoft Corp.

Alors que la paternité de la fondation One Laptop Per Child est attribuée à Nicholas Negroponte, du Massachusetts Institute of Technology, son collègue de longue date Walter Bender était son bras droit. Bender gérait la partie logicielle et le contenu pour les portables “XO” vert-et-blanc, dont l’interface utilisateur a été spécialement conçue comme un outil éducatif.

Mais en mars, après que les premières livraisons de portables à 188 $ aient atteint moins d’enfants qu’il était prévu à l’origine, Bender est devenu responsable du “déploiement”.

Officiellement, OLPC a déclaré que la restructuration de l’organisation était due au fait que la technologie du portable était pour ainsi dire aboutie. Un point de vue différent est exprimé par l’ancien responsable sécurité du XO, Ivan Krstic, qui a écrit sur son blog que Bender avait été dégradé. Selon Krstic, OLPC est en pleine “restructuration interne drastique”, et qu’elle “change radicalement d’objectifs et de vision”.

Puis, la semaine dernière, Bender a complètement quitté le groupe. Cela fait le troisième départ majeur pour OLPC. En plus de Krstic, Mary Lou Jepsen, qui en était directeur technique, est partie au mois de décembre.

Negroponte a déclaré que Bender était à bout de souffle, après avoir aidé à façonner OLPC depuis deux ans, pendant lesquels plus de 500 000 portables ont été vendus dans des pays tels que Haïti, l’Afghanistan, le Rwanda, le Pérou, l’Uruguay ou la Mongolie.

Bender a déjà un nouveau projet : le lancement d’une structure indépendante pour s’occuper du développement du logiciel spécifique au XO, que l’on connaît sous le nom de Sugar, dans le but de l’adapter à des ordinateurs sous Linux autres que les XO. “Sugar est à l’étroit, il est temps de lui donner de l’air”, a-t-il lancé dans un échange d’e-mails.

Sugar repose beaucoup sur les icônes et d’autres fonctionnalités graphiques, et évite le format de fichiers et dossiers propre à Windows. Le but était d’être intuitif pour les enfants des pays en voie de développement qui n’ont jamais croisé un PC, mais certains gouvernements ont hésité à investir dans des portables sans Windows. Certains portables concurrents, présentés comme des outils éducatifs, comme le Classmate PC développé par Intel Corp., sont bien sous Windows.

Depuis environ un an, pourtant, Microsoft travaille sur une version allégée de Windows pour fonctionner sur les portables XO. Conséquence : Négroponte a estimé mardi dernier qu’il s’attend à ce que les XO aient bientôt une option “dual-boot”, ce qui signifie que les utilisateurs pourraient choisir entre Windows et Sugar.

Un des points actuellement en suspens est le coût du matériel nécessaire à Windows, ce qui ajouterait 7 à 12 $ au prix du XO, et l’emmènerait encore plus loin du but ultime de produire les machines pour moins de 100 $. Finalement, a ajouté Negroponte, Windows pourrait être le seul système d’exploitation, et Sugar le logiciel éducatif qui s’exécuterait par-dessus.

Cela pourrait décevoir les promoteurs de l’open source, qui ont aidé à financer OLPC et qui encourageaient le défi que cela représentait face à la domination de Microsoft. A la différence de logiciels propriétaires comme Windows, les applications open source sont développées par une communauté de programmeurs, et le code sous-jacent est partagé en toute liberté.

Wayan Vota, dont le blog OLPC News a annoncé le départ de Bender lundi dernier, a avoué sa peur de voir Sugar perdre de l’attention sur les XO utilisant Windows. “Derrière quoi pensez-vous que Microsoft mettra sa puissance marketing ?” a-t-il demandé.

Le principal souci de Negroponte, selon ses propres termes, est de placer autant de portables que possible dans les mains des enfants.

Il s’est plaint qu’une insistance trop importante sur l’open source avait handicapé l’XO, et que Sugar “était devenu amorphe” et “n’avait pas d’architecte logiciel qui soit ferme”. Par exemple, les portables ne supportent pas les animations Flash, très répandues sur le web.

“Il y a plusieurs exemples comme celui-là, que nous devons régler sans nous soucier du fondamentalisme d’une partie de la communauté open source”, a-t-il déclaré. “On peut promouvoir l’open source sans être un fondamentaliste de l’open source.”

Au-delà d’une nouvelle conception de la technologie du portable, Negroponte veut qu’OLPC soit plus efficace. Depuis plus d’un an, un cabinet de chasseur de têtes est à la recherche d’un directeur pour le groupe.




Les deux oublis malheureux du Parti socialiste

Ségolène Royal - Manuel MC - CC-By-Sa

Le Parti socialiste vient d’élaborer un projet de « déclaration de principe » pour 2008, la cinquième seulement en un siècle.[1]

Loin de moi l’idée de m’embarquer dans un billet politique mais j’ai trouvé intéressante l’intervention de Maurice Ronai sur son blog à Mediapart.

Extrait :

Deux oublis malheureux : la société de la connaissance et les nouveaux biens communs

L’aggiornamento s’avère malheureusement incomplet dans la prise en compte d’un aspect essentiel de la modernité : l’essor des technologies numériques
– les possibilité que ces technologies ouvrent en matière d’accès à la culture et de circulation des savoirs
– les capacités que ces technologies confèrent aux collectifs et aux personnes pour agir sur leur vie et sur la société

La Déclaration de principes 2008 passe à côté de la nouveauté radicale que constitue l’émergence de biens communs informationnels : la production coopérative de connaissances, de logiciels et de biens culturels fondée sur la libre collaboration, la production par les pairs et le partage peut s’avérer aussi efficace que les modèles de production marchand (entreprises) ou publics (services publics).

La Déclaration de principe reste enfermée dans une dialectique marché vs secteur public (rebaptisé Etat social). Les projets coopératifs de type Wikipedia, les logiciels libres, les publications scientifiques ouvertes échappent pourtant à cette dialectique marché vs service public.

Je suis de ceux qui considèrent en effet qu’il en va aujourd’hui de la responsabilité des partis politiques de ne plus passer à côté de la nouveauté radicale que constitue l’émergence de biens communs informationnels.

Quant au Parti socialiste, c’est d’autant plus dommage que le rapport Rocard pré-présidentiel semblait ouvrir la voie…

Notes

[1] Crédit Photo : Ségolène Royal par manuel | MC sous licence Creative Commons By-Sa.




Education – Pourquoi la Finlande ?

Finnish Flag - Wstryder - CC-By-Sa

Le Framablog étant tenu par un enseignant, il se permet de temps en temps des petites digressions comme celle d’aujourd’hui sur la réussite du système scolaire finlandais.[1]

En effet, en décembre dernier paraissait le nouveau rapport du programme PISA qui vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs de la plupart des pays. Pour cette session l’accent était mis sur les sciences. Comme par le passé la Finlande a trusté les premières places tandis que la France ou les USA sont demeurés dans le ventre mou du classement (avec même une légère baisse pour la France).

Contrairement aux enquêtes précédentes, les réactions nationales furent cette fois-ci nombreuses et variés. On peut bien entendu interroger les conditions de l’évaluation PISA mais on peut aussi étudier la spécificité finlandaise pour finir par se demander pourquoi eux et pas nous ?

Pour ce qui nous concerne nous avons choisi de traduire[2] un article du Wall Street Journal qui présente la particularité pour un francophone d’étudier le cas finlandais au travers du filtre du système éducatif américain (vous trouverez également en annexe un extrait vidéo Dailymotion d’un petit reportage de France 3 dans une école finlandaise où l’on y évoque le Mind Mapping).

Quant au rapport avec le logiciels libre, a priori il n’y en a pas, si ce n’est l’anecdote historique qui a vu ce système enfanter de Linus Torvalds le papa de Linux. Et pourtant voici mon hasardeuse hypothèse (qu’il conviendrait de développer, peut-être dans un prochain billet) : Les caractéristiques du système scolaire finlandais sont bien plus susceptibles de favoriser l’émergence d’une culture libre que celles du système scolaire français.

Copie d'écran The Wall Street Journal

Qu’est ce qui rend les enfants finlandais si intelligents ?

What Makes Finnish Kids So Smart?

Ellen Gameran – 29 février – The Wall Street Journal

Les adolescents finlandais obtiennent des notes remarquables à un test international. Des professeurs américains tentent de déterminer pourquoi.

Les lycéens ici reçoivent rarement plus d’une demi-heure de devoir à faire le soir. Ils ne portent pas d’uniformes, il n’y a pas sociétés honoraires, pas de major de classe, pas de bonnet d’âne et pas de classes réservées aux meilleurs. Il y a peu de tests standardisés, les parents ne se saignent pas aux quatre veines pour payer l’université à leurs enfants et les élèves ne commencent pas l’école avant l’âge de 7 ans.

Et pourtant d’après un test international, les adolescents finlandais sont parmi les meilleurs dans le monde. Ils obtiennent certaines des meilleurs notes dans la catégorie des 15 ans qui ont passé le test dans 57 pays. Les adolescents américains ont obtenu la note moyenne de C (sur une échelle de A à F, A étant la meilleure note) alors même que les professeurs américains matraquent leurs élèves avec encore plus de devoirs, de standards et de règles. La jeunesse finlandaise, comme son alter-ego américaine, passe également beaucoup d’heures connectée. Ils se teignent les cheveux, aiment les sarcasmes et écoutent du rap et du heavy metal. Mais arrivés en 3ème ils sont bien en avance en math, en sciences et en lecture, et bien partis pour permettre aux Finlandais de conserver leur titre de travailleurs les plus productifs au monde.

Les Finlandais ont attiré l’attention grâce à leurs résultats lors des tests triennaux sponsorisés par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, un groupe financé par 30 pays qui suit les tendances sociales et économiques. Dans le test le plus récent, qui était axé sur les sciences, les élèves finlandais se sont classés premiers en sciences et n’étaient pas loin des meilleurs en mathématiques et en lecture d’après les résultats publiés en fin d’année dernière. Un décompte officieux des notes combinées obtenues par les Finlandais les classe premiers au général, d’après Andreas Schleider, qui dirige les tests de l’OCDE, connus également sous le nom de Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves ou PISA. Les Etats-Unis se positionnent en milieu de classement en mathématiques et en sciences, leurs scores de lecture ne sont pas pris en compte à cause d’une erreur. Environ 400 000 élèves de par le monde ont répondu à des questionnaires à choix multiples et ont rédigés des dissertations qui évaluaient leur sens critique et la mise en pratique de leurs connaissances. Un exemple de sujet : Discutez de la valeur artistique des graffitis.

Les prouesses académiques des étudiants finlandais ont attiré beaucoup la curiosité et ce sont des professeurs de plus de 50 pays qui au cours de ces dernières années ont tenté de percer le secret du pays, parmi eux : un membre du Ministère de l’éducation américain. Ce qu’ils découvrent est simple mais pas facile : des professeurs bien formés et des enfants responsables. Très tôt les enfants se débrouillent sans l’intervention des adultes et les professeurs adaptent leurs cours à leurs élèves. "Nous ne possédons pas de pétrole ou d’autres richesses. Le savoir est ce que nous les Finlandais avons." dit Hannele Frantsi, Diréctrice d’école.

Les visiteurs et les professeurs en formation peuvent avoir un aperçu de cette formule magique depuis un balcon surplombant une salle de classe à l’école Norssi à Jyväskylä, une ville dans le centre de la Finlande. Ils y observent une approche détendue, un retour au source. L’école, qui est un campus modèle, n’a pas d’équipe de sport, pas d’orchestre ou de bal de fin d’année.

Suivre Fanny Salo, une jeune fille de 15 ans de Norssi, nous donne un aperçu de ce cursus sans fioritures. Fanny est une élève de collège pétillante qui adore lire "Gossip Girl", regarder la série télévisée "Desperate Housewives" et qui adore fouiller dans les rayons des magasins H&M avec ses amies.

Fanny n’obtient que des A et comme il n’y a pas de classe spéciale pour les meilleurs, elle griffonne parfois dans son journal en attendant que les autres terminent. Elle aide aussi souvent ses camarades en difficulté. "C’est sympa d’avoir un peu de temps pour se décontracter en plein cours" dit-elle. Les professeurs finlandais pensent qu’ils obtiennent de meilleurs résultats globalement en concentrant leurs efforts sur les étudiants plus faibles plutôt que de pousser les bons élèves, ce qui tendrait à accroître les différences. L’idée est que les bons élèves peuvent aider leurs camarades moyens sans que cela ne nuise à leurs progrès.

A l’heure du déjeuner, Fanny et ses amis quittent l’établissement pour acheter du salmiakki, de la réglisse salée. Ils reviennent pour le cours de physique qui commence quand tout le monde s’est calmé. Les professeurs et les élèves s’appellent par leurs prénoms. Les seuls règles qui s’appliquent en classe sont : pas de portable, pas d’iPod et pas de chapeau.

Les amies de Fanny les plus rebelles se teignent leurs cheveux blonds en noir ou portent des dreadlocks roses. D’autres portent des débardeurs ou des talons aiguilles pour se la jouer dur dans le climat froid. L’auto-bronzant est populaire dans un groupe. Les groupes d’adolescents se distinguent par leur style, on y retrouve les "fruittari" ou BCBG, les "hoppari" ou hip-hop, ou encore, plus déroutant, les "fruittari-hoppari" qui mélangent les deux genres. Si vous posez une question évidente on vous répondra "KVG", une abréviation qui signifie "Utilise Google idiot". Les fans de heavy-metal écoutent Nightwish, un groupe finlandais et les adolescents se rencontrent sur internet sur irc-galleria.net.

L’école de Norssi est dirigée comme un hôpital universitaire avec environ 800 professeurs formés chaque année. Les étudiants de troisième cycle travaillent avec les enfants et leurs instructeurs les évaluent. Les professeurs doivent détenir un diplôme de Master et une forte compétition existe : il arrive que plus de 40 personnes postulent pour un même poste. Les salaires sont équivalents à ceux des professeurs aux Etats-Unis, mais ils bénéficient en général de plus de libertés.

Les professeurs finlandais choisissent les livres et adaptent leurs leçons mêmes s’ils visent tous les mêmes standards nationaux. "Dans la plupart des pays, l’éducation ressemble à une usine de fabrication de voitures. En Finlande, les professeurs sont les entrepreneurs" confie M. Schleicher de l’OCDE Paris, l’organisme qui a lancé le test international des élèves en 2000.

L’une des explications au succès finlandais est leur amour pour la lecture. Les parents de nouveaux-nés reçoivent un cadeau de l’Etat, on y trouve en particulier un livre d’images. Certaines bibliothèques sont construites à côté des centres commerciaux et des bibliobus sillonnent le pays pour atteindre les quartiers reculés.

Le finnois n’est parlé que dans ce pays et les livres étrangers ne sont traduits que longtemps après leur parution, même pour les plus populaires en anglais. Beaucoup d’enfants se sont donné le mal de lire le dernier Harry Potter en anglais par crainte d’entendre la fin avant qu’il ne soit disponible en finnois. Les films et programmes TV sont sous-titrés en finnois et non pas doublés. Une étudiante de l’université dit qu’elle a appris à lire rapidement quand elle était enfant parce qu’elle était accro à la série des années 90 "Beverly Hills, 90210".

En novembre, une délégation américaine s’est rendue en Finlande en espérant découvrir l’usage que font les professeurs finlandais des nouvelles technologies. Les membres du Ministère de l’Education, de la National Education Association et de l’American Association of School Librarians se sont retrouvés devant des professeurs utilisant des craies et un tableau noir plutôt que des feutres et un tableau blanc et affichant le cours grâce à un rétro-projecteur plutôt que grâce à Powerpoint. Keith Krueger a été moins impressionné par la technologie que par les bonnes méthodes d’enseignement dont il a été témoin. "On se demande comment on pourrait accomplir la même chose chez nous." s’interroge M. Krueger, PDG du Consortium for School Networking, une association de responsables des TIC dans les écoles qui a organisé le voyage.

Elina Lamponen, élève de terminale, peut parfaitement témoigner de ces différences puiqu’elle a passé un an au lycée de Colon, Michigan. Là-bas des règles plus strictes ne se traduisaient pas en leçons plus dures ou en élèves plus dévoués, dit-elle. Lorsqu’elle demandait à ses camarades s’ils avaient fait leurs devoirs ils répondaient : "Nan. Et toi, t’as fait quoi hier soir ?" se rappelle-t-elle. Les tests d’histoire étaient souvent des questionnaires à choix multiples. Les questions de dissertation, dit-elle, ne laissaient pas beaucoup de place pour s’exprimer. Les projets en cours se résumaient surtout à "colle ça sur ce poster pendant 1 heure". Son lycée finlandais a forcé Mlle Lamponen, jeune fille de 19 ans aux cheveux coiffés en pointes, a refaire son année quand elle est revenue.

Lloyd Kirby, administrateur des écoles de Colon dans le sud du Michigan, dit que l’on propose aux étudiants étrangers de demander du travail supplémentaire s’ils trouvent l’enseignement trop simple. Il révèle qu’il tente de rendre ses écoles plus rigoureuses en demandant aux parents d’être plus exigeants avec leurs enfants.

Malgré l’apparente simplicité de l’éducation finlandaise il serait difficile de la reproduire aux Etats-Unis. Avec une population très homogène, les professeurs ont peu d’élèves qui ne parlent pas finnois. Aux Etats-Unis, ce sont environ 8% des élèves qui apprennent l’anglais d’après le Ministère de l’éducation. Il y a moins de disparités dans l’éducation et moins d’écarts de revenus chez les Finlandais. La Finlande fait une sélection pour l’entrée au lycée, cette sélection se base sur les notes et 53% des élèves vont au lycée et le reste intègre le lycée technique. (Tous les élèves de 15 ans ont passé le test PISA). Dans les lycées finlandais le taux d’échec est de 4%, et de 10% dans les lycées techniques, comparé à environ 25% aux Etats-Unis, d’après les ministères de l’éducation des deux pays.

Une autre différence est économique. Chaque année scolaire, les Etats-Unis dépensent une moyenne de $8700 par étudiant alors que les Finlandais dépensent $7500. Le système de taxes élevées en Finlande assure aux élèves un financement à peu près équitable, à l’opposé des disparités entre les écoles publiques de Beverly Hills par exemple et les écoles dans des districts plus pauvres. L’écart entre l’école la meilleure et la plus mauvaise en Finlande était le plus faible de tous les pays au test PISA. Les Etats-Unis se situent dans le milieu du classement.

Les étudiants finlandais connaissent peu l’angstata ou l’angoisse de l’adolescent au sujet de l’entrée dans les meilleures universités et ils n’ont pas d’inquiétude pour le financement de leurs études. L’université est gratuite. Il existe une compétition entre les universités, mais elle se joue entre les spécialités offertes, comme l’école de médecine par exemple. Mais même les meilleures universités n’ont pas un statut élitiste comme Harvard.

Sans la compétition pour entrer dans "les bonnes écoles", les enfants finlandais peuvent profiter d’une jeunesse où ils subissent moins de pression. Alors que beaucoup de parents américains se tracassent pour faire entrer leurs bambins dans des écoles maternelles orientées sur la réussite, les Finlandais ne commencent pas l’école avant 7 ans, un an plus tard que la plupart des élèves de classe préparatoire aux Etats-Unis.

Une fois qu’ils commencent l’école les Finlandais sont plus indépendants. Alors que certains parents aux Etats-Unis pestent lorsqu’ils doivent accompagner ou aller chercher leurs enfants à l’école et préparent toutes les excursions et sorties, les jeunes Finlandais se débrouillent beaucoup plus par eux-mêmes. A l’école de Ymmersta dans une banlieue proche de Helsinki, quelques élèves de CP se trainent sous les arbres au feuillage persistant dans l’obscurité presque totale. Quand vient l’heure du repas de midi ils choisissent leurs plats, que toutes les écoles proposent gratuitement, et portent leur plateau jusqu’à leur table. L’accès à Internet n’est pas filtré dans la bibliothèque de l’école. Ils peuvent se promener en chaussettes pendant les cours, mais, à la maison, même les plus jeunes sont censés savoir lacer leurs chaussures ou chausser leurs skis seuls.

Les Finlandais bénéficient d’un niveau de vie parmi les plus élevés au monde, mais eux aussi ont peur d’être pris de vitesse par les changements liés à la mondialisation de l’économie. Leurs emplois dépendent de leurs entreprises d’électronique et de télécommunications, comme le géant finlandais du téléphone portable Nokia, ainsi que de l’exploitation forestière et minière. Certains professeurs seraient d’avis de favoriser leurs plus brillants élèves, comme le font les Etats-Unis, avec des programmes plus poussés afin de produire plus de battants. Les parents commencent également à faire pression pour que leurs enfants reçoivent une attention particulière, admet Tapio Erma, principal de l’école de Olari. "Nous sommes de plus en plus conscients du développement des idées américaines chez les parents" dit-il.

L’école de M. Erma est un établissement témoin. L’été dernier, pendant une conférence au Pérou, il a évoqué l’idée de l’adoption des méthodes d’enseignement finlandaises. Récemment, pendant un de ces cours de mathématiques avancés de l’après-midi, un lycéen s’est endormi sur sa table. Le professeur ne l’a pas dérangé et s’est plutôt concentré sur les autres élèves. Même si faire une sieste pendant les cours n’est pas excusé, M. Erma pense que "Nous devons simplement accepter le fait que ce ne sont que des enfants et qu’ils apprennent à vivre."

Annexe

Extrait vidéo du JT de France 3 (daté du 6 novembre 2004) : Reportage dans une école finlandaise (où il est notamment question de Mind Mapping ou Carte heuristique.

Notes

[1] Crédit photo : Finnish Flag par Wstryder sous licence Creative Commons By-Sa

[2] Une traduction Framalang by Olivier supervisée par Daria et GaeliX.




Dossier OLPC : 1 Présentation du projet One Laptop Per Child

Dossier One Laptop Per Child (un portable par enfant)

Nos récents articles sur l’OLPC nous ont donné envie d’une nouvelle traduction / introduction en direction d’un public plus large qui, au delà de la polémique, présente bien selon nous le projet et ses enjeux.

Merci à Yonnel pour tout le travail de traduction.

Copie d'écran - Free Software Magazine

La liberté pour tous avec le projet One Laptop Per Child

Impossible thing #6: Freedom for all with the One Laptop Per Child project

Terry Hancock – Avril 2008 – FreeSoftware Magazine

Plus les années passent et plus on s’inquiète de l’émergence d’une « fracture numérique » entre les riches et les pauvres. L’idée, c’est que ceux qui n’atteignent pas un certain seuil de revenu ne pourront pas se permettre d’investir dans des ordinateurs et une connexion internet qui rendent possible une éducation et un développement avancés. Ils seront pris au piège de leurs contingences. Avec les systèmes d’exploitation propriétaires et payants, qui imposent une sorte de plancher sur le prix des systèmes, cela pourrait bien être le cas. Mais GNU/Linux, le matériel en constante amélioration et une implication de tous pour réduire les coûts plutôt que d’améliorer le matériel, ont amené une nouvelle vague d’ordinateurs à très bas prix, à commencer par le XO d’OLPC. Ces ordinateurs à base de logiciels libres seront le premier contact à l’informatique pour des millions de nouveaux utilisateurs, et ceci annonce un avenir plus libre.

One Laptop Per Child, un portable par enfant

Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies, fut à l’origine de l’idée il y a quelques années : un projet pour changer les méthodes d’apprentissage des enfants partout dans le monde. Nicholas Negroponte, professeur au MIT, a décidé de s’occuper du problème, et avec le temps, après un long examen des options possibles, une solution d’apprentissage constructiviste a été choisie : fournir aux enfants un outil pour « apprendre à apprendre » (selon les termes de l’expert de l’éducation Seymour Papert). Le type d’ordinateur sélectionné est un « portable », même si le terme doit être compris dans un sens plutôt large, car l’OLPC XO 1, étant conçu pour une mission totalement différente de celle du portable typique de l’homme d’affaires en voyage, ne ressemble à aucun design antérieur.[1]

OLPC - 1

Un des principaux critères pour le design est que le XO doit être très très peu coûteux. L’objectif était d’arriver à 100$ US. Les premiers exemplaires devraient plutôt s’approcher de 200$, même si on espère que cela baissera suivant les prix des composants et la stabilisation du design. Le projet s’est engagé à baisser les coûts plutôt que d’améliorer les performances, puisque tout l’intérêt du portable OLPC est de créer un produit que les ministères de l’éducation des pays du Tiers-Monde auront les moyens d’acquérir pour les enfants de leur pays.

« Absolument tous les composants logiciels de la machine seront sous licence libre – même jusqu’au BIOS, qui sera LinuxBIOS, écrit en langage Forth. »

Vous ne pouvez vraiment pas faire un ordinateur comme celui-ci avec des logiciels propriétaires pour plusieurs raisons. D’abord, évidemment, vous ne pouvez pas vous permettre d’acheter les licences pour 100 millions de copies de Windows – ce qui coûterait plus que le matériel ! Deuxièmement, même si des rabais importants étaient accordés pour le rendre abordable, ce choix de système serait une énorme contrainte pour le design, à cause du manque de flexibilité des logiciels basés uniquement sur des binaires. Troisièmement, puisque tout l’intérêt est d’aider les gamins dans leur apprentissage-exploration, il est contre-productif de cacher les mécanismes – l’open source pour le système d’exploitation est vraiment un élément de l’expérience d’apprentissage.

Ce ne devrait donc pas être une surprise de voir le portable OLPC tourner sous Linux. En fait, absolument tous les composants logiciels de la machine seront sous licence libre – même jusqu’au BIOS, qui sera LinuxBIOS, écrit en langage Forth. A cause de la complexité liée à la présence du code source pour tous les logiciels sur des ordinateurs si minuscules, avec de telles contraintes de stockage, l’équipe a également décidé d’écrire une énorme partie du système en Python, un langage de programmation interprété qui simplifie grandement cette exigence. En Python, la source est le programme fonctionnel, donc il n’y a en fait qu’une seule chose à distribuer ; la source est particulièrement facile à lire, même pour des élèves de secondaire ; de plus, aucun compilateur ou système pour le build n’est requis pour qu’ils utilisent ou modifient le logiciel sur l’ordinateur. Les changements se voient immédiatement, dans l’environnement d’exécution. [2]

OLPC - 2

En fait, les portables OLPC sont conçus pour faciliter autant que possible ce genre d’exploration. Le développement de logiciels est une des nombreuses « activités » qu’un enfant est invité à explorer dans Sugar, l’interface utilisateur de la machine. Chaque programme est conçu pour permettre à l’enfant d’appuyer sur une simple touche « View source » pour voir le code Python qui se cache derrière l’application (vous avez peut-être remarqué que la plupart des navigateurs web disposent d’une telle fonctionnalité, ce qui rend le HTML hautement accessible, même aux « non-programmeurs » partout dans le monde).

« Le développement de logiciels est une des nombreuses activités qu’un enfant est invité à explorer dans l’interface utilisateur de la machine Sugar. »

Les conséquences de cette décision donnent le vertige et font et rêver. Autour du monde, peut-être avant 2010 ou 2012, il pourrait y avoir jusqu’à cent millions d’enfants, de six à dix ans, qui utiliseraient un environnement de programmation Python complet et facile d’accès, ainsi qu’un système d’exploitation rempli de programmes amusants à bidouiller. Il est difficile d’imaginer un enfant qui ne serait pas attiré. [3]

OLPC - 3

Juste pour dire, imaginez qu’en fait seul un enfant sur mille soit réellement impliqué, et atteigne le point où l’on puisse légitimement l’appeler un « développeur open source ». Cela ferait cent mille personnes. Rappel : Debian GNU/Linux, dont nous avons déjà vu que la valeur peut être évaluée à dix milliards de dollars ou plus, a été produit par bien moins de développeurs.

Toujours est-il que le projet OLPC lui-même a été cité dans la presse pour des raisons moins positives. Il y eut des accusations de mauvaise gestion, et des conflits de personnalité sont apparus. Il y eut une brouille avec Intel, et une réorganisation de certains aspects de la gestion du projet est actuellement étudiée. Certains craignent que les grandioses objectifs ne soient pas atteints. Mais sur le long terme ce ne sont pas des considérations très importantes, parce que même si OLPC en lui-même échoue, le concept de la mission est déjà validé, et c’est la mission qui importe. Si ce n’est pas XO, alors une autre machine à très bas coût sera déployée de par le monde pour occuper la même niche. Certains concurrents ont déjà fait leur apparition sur ce marché.

Un marché totalement nouveau pour les ordinateurs

Assez de gens dans les pays développés ont été impressionnés par le design du XO, pour que les grands fabricants et concepteurs s’y intéressent. Clairement, il y a une demande pour un ordinateur entre 200 et 400 dollars qui fasse ce que le XO fait. Et comme les chaînes de production et de distribution pour OLPC sont en quelque sorte handicapées par les spécificités de sa mission, les développeurs commerciaux apparaissent pour occuper l’espace vide de ce marché.

Une nouvelle gamme de portables à bas coût, basés sur de la mémoire flash, des processeurs faibles, un design extrêmement rustique, et des systèmes d’exploitation GNU/Linux sont en cours de conception et de fabrication pour répondre à la demande. [4]

OLPC - 4

Par chance, ces ordinateurs auront au moins le même impact dans les pays riches que le XO en aura dans les pays pauvres : des millions et des millions de personnes seront exposées à une expérience immédiate, grâce à GNU/Linux et aux logiciels libres. De tels utilisateurs ne demanderont pas « pourquoi devrais-je passer au logiciel libre ? », mais « pourquoi est-ce que je voudrais un jour passer à quoi que ce soit d’autre ? ». La motivation du garde-ce-que-tu-connais est puissante, et cet avantage s’appliquera alors au logiciel libre.

« Des millions et des millions de personnes seront exposées à une expérience immédiate, grâce à GNU/Linux et aux logiciels libres. »

Pourtant, le plus intéressant est que, avec une telle exposition supplémentaire (et tellement de publics différents), le potentiel pour de nouvelles implications, de nouvelles idées, et de nouveaux développements de logiciels augmente également. Et bien sûr, chaque morceau grignoté entraîne dix fois plus de gens, ce qui signifie qu’il y a aussi un plus vaste bassin de ressources pour la croissance des infrastructures (plus souvent dans le cas de systèmes déployés dans des pays riches, évidemment).

Les pionniers et la nouvelle vague

Ce qui en découlera, bien sûr, est que la « culture libre » actuelle n’est vraiment que le « projet pilote ». Le vrai phénomène social est encore à venir. Et si les développeurs de logiciels libres, les hackers de matériel ouvert, et les créateurs de culture libre peuvent faire bouger le monde autant que nous l’avons déjà vu, alors il est clair que cette nouvelle vague d’un toute autre ampleur réinventera tout simplement le monde.

Notes

[1] Figure 1 : Les ordinateurs One Laptop Per Child « XO » sortant de la chaîne d’assemblage, pour leur première utilisation. Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis le coin en bas à gauche : les tout premiers portables qui sortent de la chaîne d’assemblage ; des enseignants lors d’un séminaire OLPC ; des enseignants à Oulan-Bator, en Mongolie ; une représentante du ministère de l’éducation mongol, lors de la cérémonie de remise des premiers exemplaires (Images : OLPC Project / CC-By 2.5).

[2] Figure 2 : les portables OLPC sont déjà déployés dans beaucoup d’endroits du monde technologiquement sous-équipés (les données de participation sont basées sur la fin de l’année 2007, depuis des informations présentes sur le site http://www.laptop.org).

[3] Figure 3 : Des enfants à la découverte de la technologie. L’OLPC, à cause de sa conception à base de logiciels libres, offre des possibilités sans précédent pour ses nouveaux utilisateurs partout dans le monde (Images : OLPC Project / CC-By 2.5).

[4] Figure 4 : Bien que OLPC vise les pays en développement, il oriente le marché et des concurrents commerciaux viennent rapidement occuper le vide dans le marché (Crédits: OLPC Project / CC-By-2.5 (XO), S2RD2@Flickr/CC-By-2.0 (Classmate), Red@Wikipedia/CC-By-3.0 (Eee), Sinomanic et ONE sont des photos provenant de communiqués de presse des entreprises respectives).




Largage de liens en vrac #4

Peasap - CC byEt c’est reparti pour un bordélique petit tour du web section actualités logicielles (subjectif et personnel). C’est pas pour dire mais dans l’tas, 41 liens mine de rien, y’a pas mal de trucs intéressants… [1]

Et pour tous les épisodes précédents et à venir c’est ici.

  • BitRock InstallBuilder : Un installateur de logiciels multi-OS qui semble d’après la très probante démo vraiment bien réalisé.
  • BitRock Custom Stacks : Des mêmes auteurs, un installateur de plateformes web pour version locale avec un serveur LAMP intégré. Pour voir ce que cela donne avec des solutions éprouvées comme Drupal, Mediawiki, WordPress…, rien de tel que de tester le service Bitnami. Comme tout est autonome et indépendant, peut sous Windows se mettre sur une clé USB.
  • Luminotes : Luminotes est une sorte de wiki WYSIWYG à la sauce Ajax pour organiser ses notes et ses idées (quand on en a). La présentation fait très web 2.0 mais contrairement à l’habitude (et c’est heureux) il y a une version serveur personnel sous licence GPL à télécharger pour l’installer où l’on veut et conserver ses données en lieu sûr.
  • Instantbird : Un client de messagerie instantanée multi-protocoles (et multiOS) qui réalise une sorte de mix entre Pidgin et les technologies Mozilla.
  • Insoshi : Même idée que le logiciel précédent (et toujours sous Ruby on Rails). Les options libres pour réaliser son petit réseau social commencent donc à fleurir (si quelque visiteur pouvait les comparer et laisser son avis dans les commentaires, ce serait enrichissant pour tout le monde).
  • Zotero : Une extension pour Firefox permettant de collecter efficacement des documents du web. C’est une sorte de Scrapbook en plus puissant (parait-il). Lire ce tutoriel pour mieux comprendre de quoi il s’agit.
  • SocialProfile : Une extension pour Mediawiki (le wiki de Wikipédia) qui nous vient de Wikia et qui apporte a priori un petit aspect réseau social à votre wiki.
  • Getboo : Pour faire votre propre petit site del.icio.us (c’est-à-dire un annuaire de liens partagés).
  • myToDoListPHP : Comme son nom l’indique. Simple et fluide grâce à un peu d’Ajax.
  • Pencil : Pas mal de récentes améliorations pour ce logiciel d’animation 2D qui s’accouple parfaitement avec une tablette graphique.
  • Strip-It : Logiciel (web) permettant de créer dynamiquement une galerie (web) pour comic-strips (web) dessinés en SVG (web, donc). Petit clin d’œil à notre ami Nojhan, émérite dessinateur de Geekscottes 😉
  • ZScreen : Petit mais costaud captureur d’écran (sic !) pour Windows avec une fonction pratique d’upload FTP à la volée.
  • WordIt : Uniquement Windows, un tout petit traitement de texte en version alpha qui semble assez prometteur (utile par exemple pour sa fonction export en PDF).
  • Sakura : Tant qu’on y est je signale aussi cet petit éditeur texte spécialisé dans le japonais.
  • StorYBook : Un utilitaire qui permet aux écrivains (ceux qui se décident à écrire quelque chose qui ressemble à un livre) de mieux gérer la masse d’information en particulier pour ce qui concerne les personnages, les lieux, etc.
  • OpenLayers : Une bibliothèque en JavaScript qui permet de faire afficher des cartes sur votre sit web un peu comme avec Google Maps.
  • Hartija : Un framework d’impression pour votre site web ou, si vous préférez, une sorte de CSS universel pour l’impression de vos pages (dont finalement assez peu de webmasteurs se soucient réellement).
  • Magical Jelly Bean Keyfinder : Un utilitaire portable permettant de retrouver vos clés et autres numéros de série égarés (comme celle de votre OS Windows mais également de pas mal d’autres programmes). Uniquement Windows.
  • RarCrack : Dans le même ordre d’idée, signalons ce petit script qui permet, sous Linux, de retrouver un mot de passe oublié dans un fichier compressé de type .rar, .zip ou .7z.
  • OpenKM : Gestionnaire de documents à orientation professionnelle avec interface web.
  • Tracks : Si vous souffrez (comme moi) de procrastination et que vous vous intéressez (comme moi… bientôt) à la méthode GDT (Getting Things Done) pour améliorer les choses, alors cette application web pourra vous être utile.
  • ThinkingRock : Même idée que le logiciel précédent. Comme il est dit en accueil du site « Si vous n’avez pas le temps pour télécharger et utiliser ThinkingRock alors ce logiciel est vraiment fait pour vous ! »
  • Spaz : Le client Windows/Mac/Linux que tout adorateur de Twitter (et du libre) attendait ? (utilise le framework AIR d’Adobe)
  • Freeway : Ce ne sont pas les plateformes d’eCommerce Open Source qui manquent actuellement. Mais si celui-ci vient s’ajouter aux autres, il y a peut-être une raison.
  • Vidnik : Seulement si vous avez un Mac et un compte YouTube !
  • Jsvi : Le célèbre éditeur Vi en Javascript !
  • Screenlets : Comme il est dit sur Ubuntu-fr, Screenlets est un programme qui permet de gérer les widgets. C’est à dire de mini programmes présents sur le bureau qui permettent par exemple de voir la météo, écrire des notes…
  • Ubuntu Brainstorm : Ubuntu Brainstorm permet aux utilisateurs de soumettre aux votes de la communauté de nouvelles idées pour améliorer la célèbre distribution GNU/Linux. Devant le succès rencontré, les développeurs ont décidé d’ouvrir le code de la plate-forme (qui repose sur Drupal) pour permettre à d’autres projets d’en faire de même.
  • Subtitle Editor : Ils en ont de la chance ceux qui sont sous GNU/Linux de posséder ce bel outil pour éditer des sous-titres à leurs vidéos.
  • Linux Wallpapers : Juste une page hébergeant des fonds d’écran aux couleurs d’une bonne vingtaine de distributions Linux (j’aime bien celui de Suse personnellement).
  • HandBrake : Ce performant rippeur de DVD en MPEG-4 (pour une sortie qui accepte les formats libres MKV et OGM) est désormais aussi disponible sous Linux et Windows.
  • Wireshark : Ethereal est mort, vive Wireshark ! Nouveau nom mais pas seulement pour ce très bon analyseur de protocole de réseau utile aux admin-sys. Signalons également dans la même catégorie Angry IP Scanner.
  • MikeOS : Un système d’exploitation qui ne dépasse pas les 400 ko et que l’on peut booter depuis nos bonnes vieilles disquettes ! Une gageure mais aussi une source d’étude pour les étudiants puisque la source d’étude propose ses sources !
  • Biniax : Encore un jeu addictif (d’après les adeptes, ce qui est logique !). Jeu de réflexion proche du concept des dominos.
  • Chumby : Ce n’est pas un logiciel mais un truc non identifié entre le robot et le radio réveil avec du Linux embarqué dedans. Permet de faire afficher plein de choses qui frisent parfois l’inutile.
  • Kysoh : Même principe que Chumby mais cette fois-ci le robot ressemble fort à un pingouin connu !
  • Open Pandora : Tant qu’on est dans le dur, un peu de buzz avec l’annonce de la sortie prochaine de l’UMPC libre Pandora qui pourrait bien être à la console de jeu (de type Nintendo DS ou PSP) ce que l’Asus Eee Pc fut pour les ordinateurs portables. Sous Linux et avec wi-fi et écran tactile siouplait !
  • Cubit and TouchKit : Et pour finir en beauté, toujours du hardware avec ce projet d’ecran tactile. Un peu comme le iPhone mais sur un gros cube, le bien-nommé Cubit ! Prometteur et potentiellement très créatif. Repose sur le TouchKit dont les sources sous licence libre seront bientôt disponibles pour la grandes joies des bidouilleurs en herbe.

Notes

[1] Crédit photo : Peasap (Creative Commons By)




Un logiciel du « domaine public » est-il un logiciel libre ?

Utilisé par Firefox, Google Gears ou Adobe, le moteur de base de données SQLite rencontre un grand succès actuellement notamment pour ses capacités à travailler hors connexion.

Or il se trouve que SQLite est dans le « domaine public ». Alors question : un logiciel du « domaine public » peut-il être considéré comme un « logiciel libre » ?

Une traduction Olivier / relecture Daria pour Framalang.

No Copyright

Le domaine public est-il open source ?

Is public domain software open-source?

Stephen Shankland – 28 février 2008 – News.com

Alors que j’écrivais un article cette semaine sur le parrainage du projet SQLite par Adobe je me suis retrouvé face à un problème complexe : les logiciels publiés dans le domaine public sont-ils également des logiciels libres ?

Mon éditeur déteste les introductions sous forme d’interrogations mais je crois bien que cette fois c’est justifié car même les experts n’arrivent pas à se mettre d’accord.

Pour rappel : si un logiciel ou tout autre œuvre de l’esprit est dans le domaine public, cela signifie qu’aucun droit d’auteur ne s’applique. Les conditions pour coller à la définition officielle de l’Open Source sont décrites par l’Open Source Initiative. Deux programmeurs, Eric Raymond et Bruce Perens, ont fondé l’OSI il y a 10 ans pour formaliser et codifier le concept de l’open source qui dérive du mouvement des logiciels libres initié par Richard Stallman dans les années 80. L’OSI compte 68 licences compatibles.

Richard Hipp, qui a créé le projet de base de données SQLite en 2000 et qui l’a placé dans le domaine public, pense qu’il peut également être considéré comme un logiciel open-source.

« J’ai tenu beaucoup de discussions à ce sujet avec des avocats d’affaire des entreprises qui utilisent beaucoup SQLite. L’idée qui s’en dégage est que le domaine public est valide et est un sous-ensemble de l‘open-source, excepté en France et en Allemagne où le concept de domaine public n’est pas reconnu » m’a-t-il dit dans une discussion par e-mail commencée avec l’histoire sur Adobe.

Mais ne sautons pas aux conclusions. Voyons l’opinion de Mark Radcliffe, avocat spécialisé en propriété intellectuelle qui est le conseiller général de l’Open Source Initiative.

Lorsque j’ai demandé à Radcliffe si le domaine public est open-source, sa réponse a été claire : « Non. Les logiciels qui appartiennent vraiment au domaine public ne sont plus protégés par le droit d’auteur et par conséquent on ne peut plus leur appliquer les conditions nécessaires pour qu’ils soient conformes à n’importe quelle licence open source. »

Louis Rosen est du même avis, il est avocat au cabinet Rosenlaw and Einschlag qui s’occupait précédemment de l’aspect légal pour l’OSI et qui y est toujours impliqué. Il m’a indiqué un document qu’il a écrit, vieux mais toujours d’actualité, sur les raisons pour lesquelles le domaine public n’est pas une licence.

« Le domaine public ne sera jamais une licence. Sa vraie signification est Pas de licence requise » affirme Rosen. « Les logiciels qui sont offerts au public ou au domaine public sont plutôt sûrs. Ce qui m’inquiète plus ce sont les gens ou les entreprises qui libèrent leurs logiciels de manière si naïve sans comprendre que les licences ou des closes légales sont bien plus efficaces et rentables. »

Même si le domaine public n’est pas une licence faisant partie de la liste officielle des licences open-source de l’OSI, Perens dit qu’il n’en est pas loin : « Les logiciels qui ont été formellement dédiés au domaine public par une déclaration écrite collent aux conditions de la définition Open Source seulement si le code source est disponible. Etonnamment on peut trouver des programmes sous forme binaire appartenant au domaine public dans certains coins reculés du Net. »

Et Raymond ajoute : « Les logiciels dans le domaine public se caractérisent par… Les utilisateurs sont assurés d’avoir tous les droits de distribution et de réutilisation que la définition de l’Open Source cherche à assurer parce qu’il n’y a pas de propriétaire pour appliquer de restrictions.»

Entre la théorie et la pratique pourtant, le projet SQLite semble plus open-source qu’autre chose. Le code source du projet est disponible sans restriction et les programmeurs qui contribuent au code doivent déclarer explicitement que leur contribution est placée dans le domaine public à jamais, ce qui semble coller au point de vue de Perens.