Ces logicels qui ont les tripes à l’air…

Superbomba - CC by-saDonnons un peu la parole à nos contradicteurs ou tout du moins à ceux qui regardent nos gesticulations avec cynisme et ironie.

François-Xavier Ajavon nous propose en effet dans le Causeur.fr un article débridé et frondeur qui a retenu ce matin mon attention. Il y a à boire et à manger mais certains passages valent stylistiquement le détour.

Le titre annonce la couleur : « Libérons-nous du libre – Le logiciel libre, nouvel opium du peuple 2.0 ? »

Après une courte introduction rappelant que l’informatique aime la mythologie (et dire qu’il a commencé dans son garage) et les grandes messes occultes des gourous (Steve Jobs à l’Apple Expo), on entre dans le vif du sujet. Morceaux choisis et annotés[1].

Il convient d’examiner l’une des dernières expressions de cette religiosité : la mythologie libertaire et « morale » qui entoure les logiciels libres.

Soit. Allons-y…

Selon l’encyclopédie « collaborative » Wikipédia : « Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite libre donne à chacun le droit d’utiliser, d’étudier, de modifier, de dupliquer, de donner et de vendre ledit logiciel sans contrepartie. » Ces logiciels « libres » et gratuits s’opposent aux logiciels dits « propriétaires » ou « privateurs » (dans le jargon de cette mouvance). Non seulement ces applications « libres » sont la plupart du temps absolument gratuites, mais elles ont littéralement les tripes à l’air : n’importe qui peut prendre connaissance de leur structure, de leur fonctionnement, et peut les modifier à loisir…

Ces logiciels qui ont littéralement les tripes à l’air… Excellente formule pour caractériser le code source ouvert des logiciels libres, j’en fais mon titre, tiens !

On notera par ailleurs la présence continue des « guillemets » qui distillent le doute.

On dirait ces définitions forgées pour notre modernité, dont l’un des moteurs est la perpétuelle apologie de la « liberté », de la « transparence », de « l’interaction », du « collectif », de la « gratuité », etc.

Il faudrait préciser car pour le coup cela mériterait un vrai débat. Mais passons aux intall-party…

J’apprends dans la presse que de mystérieuses « Install Party » sont presque sur le point de se substituer aux offices catholiques dominicaux (…) Qu’est-ce qu’une « Install Party » ? Un événement festif, se déroulant souvent dans une « salle polyvalente » municipale, durant lequel des militants associatifs du « libre” sont à la disposition des quidams voulant transformer leurs ordinateurs « infidèles » et asservis aux logiciels commerciaux, en ordinateurs « libérés » et modernes (…) Ce genre de réunions Tuperware du « logiciel libre » a lieu un peu partout en France, pour “convertir » vertueusement nos vieux PC poussifs, victimes d’une triste addiction aux logiciels commerciaux, en bêtes de course, équipés de pied en cap en applications libres, détachées de tout « marché »… le tout sous le patronage symbolique d’un nom emprunté à une culture sub-saharienne du tiers-monde. C’est dire…

Le nom emprunté à la culture sub-saharienne du tiers-monde, vous aurez reconnu… Ubuntu ! Quant aux install-party, réunions Tuperware du logiciel libre, y’a pas à dire il a le sens de la formule ! Et Stallman alors il n’en prend pas pour son grade ? Patience, nous y sommes…

Bref, le « logiciel libre », c’est l’attirail de camping complet : valeurs, philosophie, convictions politiques, fatras new-âge… Stallman, en visite à Montbéliard : « Un programme libre est démocratique. C’est la somme des contributions individuelles de ceux qui l’ont utilisé et transformé. Par contre, un programme privateur de liberté est la dictature de celui qui l’a développé. Un instrument pour imposer son pouvoir aux utilisateurs. » Démocratie versus dictature, rien que ça… fantasme d’un univers « non marchand » – à venir – contre l’atroce marché libéral des flux économiques et des échanges commerciaux , no logo et tutti quanti. Il n’y va pas avec le dos de la cuiller, le gourou open space.

Le gourou open space… Et pourquoi pas le gourou d’secours d’un monde en péril tant qu’on y est 😉

C’est que, pour ce militant des droits de l’Homme, la question dépasse largement le cadre de l’informatique. Elle soulève aussi des questions éthiques et politiques. On imagine que les dirigeants mondiaux ainsi taclés ne s’en sont pas remis. « Le logiciel propriétaire est immoral et ne doit pas exister… », dit-il encore, pas à court d’une sottise. Le monde tremble sur ses bases.

Je ne sais pas si le monde tremble sur ses bases mais l’industrie informatique et culturelle commence à se poser des questions oui (cf loi DADVSI, Hadopi, Paquet Télécoms, etc.).

Bref, le « logiciel libre » est en pointe dans le combat contre le grand méchant loup libéral, symbolisé par l’infâme Bill Gates qui se nourrit chaque matin de dix enfants innocents, et de deux vierges cuites à l’étouffée.

Sans oublier quatre chatons écrasés. Et pour conclure…

Combat pour la morale comme l’expliquait le 1er décembre Le Monde de l’Education : « Au delà de la question économique, les motivations sont aussi d’ordre philosophique ou éthique : selon Jean-Pierre Archambault, chargé de mission au CNDP : « les valeurs de partage et d’indépendance véhiculées par le logiciel libre sont fondamentalement en phase avec les missions de l’école et la culture enseignante ». » On frissonne en imaginant cette « culture enseignante » qui s’oppose à l’Ancien régime de la France moisie… du « privé », des pratiques de consommation individualistes (aller à la Fnac et acheter un logiciel aliéné, créé par des ingénieurs esclaves de leur entreprise…), du repli sur soi, de l’indifférence à autrui, du cynisme, et même d’une forme de proto-fascisme doux… le monde de ceux qui se plient à la vie telle qu’elle est, et non telle qu’elle « devrait » être.

Au final une drôle d’impression parce qu’il y a caricature et douce moquerie sans criantes contre-vérités. Je ne suis même pas sûr que cet article fasse réellement du tort au logiciel libre.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Superbomba (Creative Commons By-Sa)