Framasoft en 5 minutes vidéo aux RMLL 2009

Pour nos archives, pour ceux qui sont curieux de voir nos binettes, pour une courte présentation de la FUR, alias la Framakey Ubuntu-fr Remix, et pour… entretenir le mythe d’une communauté pleine de poils !

—> La vidéo au format webm




George Clooney a une sale gueule ou la question des images dans Wikipédia

George Clooney - Bad Dog - Public DomainÀ moins d’être aussi bien le photographe que le sujet photographié (et encore il faut faire attention au décor environnant), impliquant alors soit d’avoir le don d’ubiquité soit d’avoir un pied ou le bras assez long, c’est en théorie un pur casse-tête que de mettre en ligne des photographies sur Internet.

Il y a donc pour commencer le droit de l’auteur, le photographe. Mais quand bien même il aurait fait le choix de l’ouverture pour ses images, avec par exemple une licence Creative Commons, il reste la question épineuse du droit du sujet photographié (qui peut être une personne, un monument architectural…). Et pour corser le tout, n’oublions pas le fait que la législation est différente selon les pays.

Et c’est ainsi que le Framablog se met quasi systématiquement dans l’illégalité lorsqu’il illustre ses billets par une photographie où apparaissent des gens certes photogéniques mais non identifiés. Parce que si il prend bien le soin d’aller puiser ses photos parmi le stock d’images sous Creative Commons d’un site comme Flickr, il ne respecte que le droit du photographe et non celui du ou des photographié(s), dont il n’a jamais eu la moindre autorisation.

C’est peut-être moins grave (avec un bon avocat) que ces millions de photos que l’écrasante majorité de la jeune génération partage et échange sans aucune précaution d’usage sur les blogs, MySpace ou Facebook, mais nous ne sommes clairement qu’à la moitié du chemin.

Le chemin complet du respect des licences et du droit à l’image, c’est ce que tente d’observer au quotidien l’encyclopédie libre Wikipédia. Et c’est un véritable… sacerdoce !

Vous voulez mettre en ligne une photo sur Wikipédia ? Bon courage ! L’avantage c’est que vous allez gagner rapidement et gratuitement une formation accélérée en droit à l’image 😉

Pour l’anecdote on cherche toujours à illustrer le paragraphe Framakey de notre article Framasoft de l’encyclopédie et on n’y arrive pas. Une fois c’est le logo de Firefox (apparaissant au microscope sur une copie d’écran de l’interface de la Framakey) qui ne convient pas, parce que la marque Firefox est propriété exclusive de Mozilla. Une fois c’est notre propre logo (la grenouille Framanouille réalisée par Ayo) qui est refusé parce qu’on ne peut justifier en bonne et due forme que sa licence est l’Art Libre.

Toujours est-il donc que si vous souhaitez déposer une image dans la médiathèque de Wikipédia (Wikimédia Commons) alors le parcours est semé d’embûches. L’enseignant que je suis est plutôt content parce que l’encyclopédie participe ainsi à éduquer et sensibiliser les utilisateurs à toutes ces questions de droit d’auteurs, de propriété intellectuelle… avec moultes explications sur l’intérêt d’opter (et de respecter) les licences libres. Mais il n’empêche que l’une des conséquences de ces drastiques conditions d’entrée, c’est que pour le moment Wikipédia manque globalement de photographies de qualité (comparativement à son contenu textuel).

C’est particulièrement criant lorsqu’il s’agit d’illustrer les articles sur des personnalités contemporaines[1] (les plus anciennes échappant a priori au problème avec le domaine public, sauf quand ces personnalités ont vécu avant… l’invention de la photographie !). Et c’est cette carence iconographique que le New York Times a récemment prise pour cible dans une chronique acide dont le traduction ci-dessous nous a servi de prétexte pour aborder cette problématique (chronique qui aborde au passage la question complexe du photographe professionnel qui, craignant pour son gagne-pain, peut hésiter à participer).

La situation est-elle réellement aussi noire que veut bien nous le dire le vénérable journal ?

Peut-être pas. Il y a ainsi de plus en plus de photographes de qualité, tel Luc Viatour, qui participent au projet . Il y a de plus en plus d’institutions qui, contrairement au National Portrait Gallery, collaborent avec Wikipédia en ouvrant leurs fonds et archives, comme en témoigne l‘exemple allemand. Même le Forum économique mondial de Davos s’y met (dépôt dans Flickr, utilisation dans Wikipédia). Sans oublier les promenades locales et festives où, appareil photo en bandoulière, on se donne pour objectif d’enrichir ensemble l’encyclopédie.

Du coup mon jugement péremptoire précédent, à propos de la prétendue absence globale de qualité des images de Wikipédia, est à nuancer. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les pages « images de qualité » ou l’« image du jour ».

L’encyclopédie est en constante évolution, pour ne pas dire en constante amélioration, et bien heureusement la photographie n’échappe pas à la règle. Même si il est vrai que le processus est plus lent parce qu’on lui demande de s’adapter à Wikipédia et non l’inverse.

Wikipédia, terre fertile pour les articles, mais désert aride pour les photos

Wikipedia May Be a Font of Facts, but It’s a Desert for Photos

Noam Cohen – 19 juillet 2009 – New York Times
(Traduction Framalang : Olivier et Goofy)

Une question de la plus haute importance : existe-t-il de mauvaises photos de Halle Berry ou de George Clooney ?

Halle Berry - Nancy Smelser - Public DomainFacile, allez sur Wikipédia ! Vous y trouverez une photo floue de Mlle Berry, datant du milieu des années quatre-vingt, lors de la tournée U.S.O. avec d’autres candidates au titre de miss USA. La mise au point est mauvaise, elle porte une casquette rouge et blanche, un short, c’est à peine si on la reconnait. L’article de Wikipédia sur M. Clooney est, quant à lui, illustré par une photo le montrant au Tchad, portant une veste kaki est une casquette des Nations Unies. Avec son grand sourire et ses traits anguleux il est toujours aussi beau, en compagnie de deux femmes travaillant pour les Nations Unies, mais on est loin d’un portait glamour.

Certains personnages éminemment célèbres, comme Howard Stern ou Julius Erving, n’ont même pas la chance d’avoir leur photo sur Wikipédia.

George Clooney - Nando65 - Public DomainAlors que de nos jours les célébrités s’offrent couramment les services d’une équipe de professionnels pour contrôler leur image, sur Wikipédia c’est la loi du chaos. Très peu de photographies de bonne qualité, particulièrement de célébrités, viennent enrichir ce site. Tout cela tient au fait que le site n’accepte que les images protégées par la plus permissive des licences Creative Commons, afin qu’elles puissent être ré-utilisées par n’importe qui, pour en tirer profit ou pas, tant que l’auteur de la photo est cité.

« Des représentants ou des agents publicitaires nous contactent, horrifiés par les photos qu’on trouve sur le site », confie Jay Walsh, porte-parole de la Wikimedia Foundation, l’organisme qui gère Wikipédia, l’encyclopédie en plus de 200 langues. « Ils nous disent : J’ai cette image, je voudrais l’utiliser. Mais ça n’est pas aussi simple que de mettre en ligne la photo qu’on nous envoie en pièce jointe. »

Il poursuit : « En général, nous leur faisons comprendre que de nous envoyer une photo prise par la photographe Annie Leibovitz ne servira à rien si nous n’avons pas son accord. »

Les photos sont l’un des défauts les plus flagrants de Wikipédia. À la différence des articles du site, qui, en théorie, sont vérifiés, détaillés à l’aide de notes, et qui se bonifient avec le temps, les photos sont l’œuvre d’une seule personne et elles sont figées. Si un mauvais article peut être amélioré, une mauvaise photo reste une mauvaise photo.

Les wikipédiens tentent de corriger ce défaut, ils organisent des événements ou des groupes de contributeurs vont prendre des clichés de bonne qualité de bâtiments ou d’objets. De même, Wikipédia s’efforce d’obtenir la permission d’utiliser d’importantes collections de photographies.

L’hiver dernier, les archives fédérales allemandes ont placé cent mille photos basse résolution sous une licence permettant leur usage dans Wikipédia. Récemment, un utilisateur de Wikipédia, Derrick Coetzee, a téléchargé plus de trois mille photos haute résolution d’œuvres de la National Portrait Gallery de Londres, pour qu’elles soient utilisées, essentiellement, pour illustrer les articles se rapportant à des personnes historiques célèbres comme Charlotte Brontë ou Charles Darwin.

La galerie a menacé de porter plainte contre M. Coetzee, affirmant que même si les portraits, de par leur ancienneté, ne tombent plus sous la protection du droit d’auteur, les photographies elles sont récentes et du coup protégées. La galerie exige une réponse de M. Coetzee pour lundi. Il est représenté par l’Electronic Frontier Foundation. S’exprimant par e-mail vendredi, une porte-parole de la galerie, Eleanor Macnair, écrit qu’un « contact a été établi » avec la Wikimedia Foundation et que « nous espérons toujours que le dialogue est possible ».

On reste pourtant bien loin du compte et le problème des photographies sur Wikipédia est tout sauf réglé. Dans la galerie des horreurs, l’ancienne star de la NBA, George Gervin, aurait une place de choix. Debout, droit comme un I dans son costard, sur une photo aux dimensions pour le moins étranges, même pour un joueur de basket-ball. La photo, recadrée et libre de droit, provient du bureau du sénateur du Texas, John Cornyn.

Barack Obama - Pete Souza - CC byL’exemple de M. Gervin illustre un fait établi : le gouvernement alimente le domaine public de nombreuses photographies. Celle illustrant l’article du président Obama, par exemple, est un portrait officiel tout ce qu’il y a de posé et sérieux.

Mais les collections de photographies du gouvernement servent aussi aux contributeurs de Wikipédia. Ils espèrent y dénicher des images de rencontres entre célébrités et personnages politiques, qu’ils massacrent ensuite pour illustrer un article.

L’ancien roi du baseball, Hank Aaron, a l’honneur d’être illustré par une photo prise hors contexte, bizarrement découpée, prise en 1978 à la Maison Blanche. De même, l’illustration principale de l’article sur Michael Jackson a été réalisée en 1984 à l’occasion de sa visite à Ronald et Nancy Reagan.

Natalie Dessay - Alixkovich - CC by-saLes photos récentes sur Wikipédia sont, pour une large majorité, l’œuvre d’amateurs qui partagent volontiers leur travail. Amateur étant même un terme flatteur puisque ce sont plutôt des photos prises par des fans qui par chance avaient un appareil photo sous la main. La page de la cantatrice Natalie Dessay la montre en train de signer un autographe, fuyant l’objectif, l’actrice Allison Janney est masquée par des lunettes de soleil au Toronto Film Festival. Les frères Coen, Joel et Ethan, sont pris à distance moyenne à Cannes en 2001 et Ethan se couvre la bouche, certainement parce qu’il était en train de tousser. Et il y a aussi les photos prises depuis les tribunes où on distingue à peine le sujet. D’après sa photo, on pourrait croire que la star du baseball Barry Bonds est un joueur de champ extérieur. David Beckham, quant à lui, apparait les deux mains sur les hanches lors d’un match de football en 1999.

Placido Domingo- Sheila Rock - Copyright (with permission)Certaines personnes célèbres, comme Plácido Domingo et Oliver Stone, ont cependant eu la bonne idée de fournir elles-mêmes une photographie placée sous licence libre. Quand on pense à tout l’argent que les stars dépensent pour protéger leur image, il est étonnant de voir que si peu d’entre elles ont investi dans des photos de haute qualité, sous licence libre, pour Wikipédia ou d’autres sites. Peut-être ne se rendent-elles pas compte de la popularité de Wikipédia ? Rien que pour le mois de juin, par exemple, la page de Mlle Berry a reçu plus de 180 000 visites.

D’après Jerry Avenaim, photographe spécialisé dans les portraits de célébrités, il faut encore réussir à persuader les photographes, car placer une photo sous licence libre pourrait faire de l’ombre à toutes les autres. Il se démarque par le fait qu’il a déjà enrichi Wikipédia d’une douzaine de clichés en basse résolution, parmi lesquels un superbe portrait de Mark Harmon pris à l’origine pour un magazine télé.

Dans un interview, M. Avenaim semblait toujours indécis quant à l’idée de partager son travail. Sa démarche poursuit un double but : « D’abord, je voulais vraiment aider les célébrités que j’apprécie à apparaitre sous leur meilleur jour », dit-il, « Ensuite, c’est une stratégie marketing intéressante pour moi ».

Mark Harmon - Jerry Avenaim - CC by-saSa visibilité en ligne a largement augmenté grâce à la publication de ses œuvres sur Wikipédia, comme le montrent les résultats des moteurs de recherche ou la fréquentation de son site Web. Mais c’est une publicité qui peut aussi lui coûter très cher. « C’est mon gagne-pain », dit-il, rappelant que les photographes sont parfois très peu payés par les magazines pour leurs images de célébrités. L’essentiel de leurs revenus provient de la revente des images. Même si les images qu’il a mises gratuitement à disposition, par exemple le portrait de Dr. Phil, sont en basse résolution, elles deviennent les photographies par défaut sur Internet. Pourquoi payer alors pour une autre de ses photos ?

Et c’est bien là que la bât blesse pour les photographes qui voudraient mettre leurs œuvres à disposition sur Wikipédia, et seulement sur Wikipédia, pas sur tout Internet. « Wikipédia force à libérer le contenu déposé sur le site, c’est là que réside le problème à mes yeux », explique M. Avenaim. « S’ils veulent vraiment que la qualité des photos sur le site s’améliore, ils devrait permettre aux photographes de conserver leurs droits d’auteur. »

Notes

[1] Crédits photos : 1. George Clooney, par Bad Dog (domaine public) / 2. Halle Berry, par Nancy Smelser (domaine public) / 3. George Clooney, par Nando65 (domaine public)/ 4. Barack Obama, par Pete Souza (creative commons by) / 5. Natalie Dessay, par Alixkovich (creative commons by-sa) / 6. Placido Domingo, par Sheila Rock (copyright avec permission) / 7. Mark Harmon, par Jerry Avenaim (creative commons by-sa)




Si rien ne bouge en France dans les cinq ans je demande ma mutation à Genève

Broma - CC byCe billet souhaite avant tout saluer l’action du SEM qui, dans le cadre des MITIC, favorise les SOLL au sein du DIP. Gageons cependant que si vous n’êtes pas familier avec le système éducatif genevois, cette introduction risque de vous apparaitre bien énigmatique !

Le DIP, c’est le Département de l’Instruction Publique du Canton de Génève et le SEM, le Service Écoles-Médias chargé de la mise en œuvre de la politique du Département dans le domaine des Médias, de l’Image et des Technologies de l’Information et de la Communication, autrement dit les MITIC.

Mais l’acronyme le plus intéressant est sans conteste les SOLL puisqu’il s’agit rien moins que des Standards Ouverts et des Logiciels Libres.

En mars dernier en effet le SEM a élaboré un plan de déploiement 2009-2013 sur cinq ans des postes de travail pédagogiques (autrement dit les ordinateurs des élèves[1]) qui présente la particularité d’être peu ou prou… exactement ce qu’il nous faudrait à nous aussi en France ! Lecture chaudement recommandée.

L’objectif du présent plan de déploiement est de parvenir d’ici la rentrée 2013 à doter les écoles d’un poste de travail fonctionnant uniquement sous GNU/Linux, dans sa distribution Ubuntu.

Impressionnant non ! Proposez aujourd’hui la même chose de l’autres côté de la frontière et c’est le tremblement de terre (assorti d’une belle panique du côté des « enseignants innovants » de Projetice, du Café pédagogique et de Microsoft) !

Mais ainsi exposé, il y a un petit côté radical à nuancer :

Le solde constitue les exceptions pour lesquelles il n’aura pas été possible de trouver une solution ou pour lesquelles les systèmes propriétaires restent manifestement mieux adaptés au métier.

Et comment ne pas souscrire à ce qui suit (que je m’en vais de ce pas imprimer et encadrer dans ma chambre) :

Il s’agit en fait d’opérer un changement de paradigme : aujourd’hui, le standard est Windows, l’exception MacOS. Demain, le standard sera GNU/Linux, les exceptions MacOS et Windows.

Tout est dit ou presque. Ce n’est ni un désir, ni une prédiction, c’est à n’en pas douter le choix technologique d’avenir de nos écoles. Et plus tôt on prendra le train en marche, mieux ça vaudra.

Je n’ai pu résister à vous recopier intégralement la première page du plan tant elle est pertinente et pourrait se décliner partout où l’on analyse sérieusement la situation.

Depuis 2004, l’État de Genève a annoncé son intention d’orienter progressivement son informatique vers les standards ouverts et les logiciels libres (SOLL).

Cette décision est motivée par la prise de conscience que « l’information gérée par l’État est une ressource stratégique dont l’accessibilité par l’administration et les citoyens, la pérennité et la sécurité ne peuvent être garanties que par l’utilisation de standards ouverts et de logiciels dont le code source est public ».

Un intérêt économique est aussi présent : diminution des dépenses de licences bien sûr, mais également en favorisant les compétences et les services offerts par des sociétés locales plutôt que de financer de grands comptes internationaux.

Dans le domaine de l’informatique pédagogique, l’intérêt pour les SOLL est bien antérieur. En effet, les logiciels libres offrent pour l’éducation des avantages spécifiques, en plus des avantages communs à tous les secteurs de l’État. Ces logiciels permettent de donner gratuitement aux élèves les outils utilisés en classe et donc de favoriser le lien entre l’école et la maison ; ils offrent un apprentissage affranchi de la volonté des grands éditeurs de créer des utilisateurs captifs ; et la large communauté qui s’est développée autour des SOLL produit des solutions de qualité adaptées aux besoins de l’éducation.

La question des ressources pédagogiques est également au centre de cette problématique. S’appuyant sur le fonctionnement collaboratif propre au logiciel libre, il s’agit de mettre à disposition des enseignants et des élèves des environnements numériques technologiques performants à même de valoriser les contenus créés par les enseignants, de leur offrir la possibilité de les partager et de les échanger tout en protégeant les auteurs.

Conscient de ces enjeux, le DIP a validé en juin 2008 une directive formalisant sa décision « d’orienter résolument son informatique tant administrative que pédagogique vers des solutions libres et ouvertes ». La responsabilité de cette démarche a été confiée au SEM.

On peut toujours qualifier la Suisse de « neutre » et « conservatrice » mais certainement pas pour ce qui concerne les TICE du côté de Genève !

L’excellente directive dont il est question à la fin de l’extrait, nous en avions longuement parlé dans un billet dédié du Framablog. On notera qu’il est également questions des ressources pédagogiques, évoquées (malheureusement en creux) lors du billet L’académie en ligne ou la fausse modernité de l’Éducation nationale.

Vous me direz peut-être que cette belle intention ne se décrète pas. Et vous aurez raison ! Mais on en a pleinement conscience et c’est aussi pour cela qu’on se donne du temps, cinq ans, en commençant progressivement par quelques écoles pilotes.

Comme lors de tout changement, la transition vers un poste de travail logiciels libres va susciter des oppositions importantes, liées à des critères objectifs ou à des craintes non fondées. Pour assurer la réussite du projet, il conviendra donc d’identifier les risques et de mettre en œuvre les moyens de les réduire.

Les principaux risques identifiables dès maintenant sont les suivants :

– résistance au changement des utilisateurs parce que celui-ci demande un effort d’apprentissage et d’adaptation ;

– habitudes acquises lors de la formation (notamment universitaire) d’utiliser certains produits propriétaires, même si ceux-ci sont onéreux et parfois moins performants ou pratiques ;

– difficultés à récupérer les contenus déjà réalisés avec les nouveaux logiciels proposés ;

– difficultés à échanger les documents entre l’environnement mis à disposition par le DIP et les divers environnement acquis dans le domaine privé (même si les logiciels libres peuvent gratuitement être installés à domicile) ;

– ressources insuffisantes pour accompagner le changement et assurer une aide locale aux utilisateurs ;

– manque de clarté des objectifs de l’Etat dans le domaine des SOLL et impression que le DIP fait cavalier seul (ou, plus grave, renoncement de l’Etat à ses objectifs) ;

Et pour se donner le maximum de chances de franchir l’obstacle :

Dans la plupart des cas, la réponse aux préoccupations décrites passe par un effort d’information et de formation. Il faudra en particulier :

– rendre très clairement lisibles les objectifs de l’Etat et du DIP ;

– assurer lors de chaque migration une réelle plus-value pour les utilisateurs, soit pour la couverture des besoins, soit dans la mise à jour et la maintenance du poste, soit pour le support et la maintenance ou encore l’autoformation en ligne ;

– être en mesure d’apporter une aide spécifique, personnalisée, locale, efficace et rapide pour résoudre les problématiques soulevées.

Le plan décrit dans ce document est évolutif. Il pourra être adapté en fonction des opportunités ou difficultés rencontrées au sein du périmètre concerné, ou en fonction de l’évolution du contexte (politique des éditeurs de logiciels, modification des orientations globales de l’Etat, etc.).

Face à ce types d’initiatives, vous pouvez être certain que la politique de certains éditeurs, que l’on ne nommera pas, va évoluer, et évoluer dans le bon sens (ce n’est pas autrement que s’y prend le Becta en Angleterre).

Et pour conclure :

Le but visé par la transition vers les standards ouverts et les logiciels libres consiste en premier lieu à améliorer la qualité et la pérennité des outils informatiques mis à la disposition de l’enseignement.

Les avantages sont évidents dans une perspective globale. Vue du terrain, la réalité est nettement plus nuancée étant donné l’effort personnel que demande le changement d’habitudes et de moyens.

C’est la raison pour laquelle la compréhension par chacun des enjeux est essentielle, de même que la qualité de l’accompagnement qui devra soutenir la démarche.

Voilà une démarche que nous allons suivre de près.

Si vous voulez mon humble avis, on serait bien inspiré d’inviter nos amis du SEM au prochain Salon de l’Éducation à Paris, avec le secret espoir d’être remarqués par notre ministre et ses experts conseillers.

PS : La source de ce billet provient de l’article Écoles : l’informatique en logiciels libres du quotidien suisse indépendant Le Courrier, qui cite souvent le directeur du SEM Manuel Grandjean : « On ne va pas changer une Ferrari pour une 2CV juste parce qu’elle est open source » ou encore « Le travail d’enseignant intègre largement la collaboration et la mise en commun de ressources (…) On est véritablement dans une défense du bien commun ».

Notes

[1] Crédit photo : Broma (Creative Commons By)




Rencontre avec le Parti Pirate suédois

Ann Catrin Brockman - CC by-saDans notre imaginaire collectif la Suède est un pays où il fait bon vivre, auquel on accole souvent certains adjectifs comme « social », « mesuré », « organisé », « tranquille, voire même « conservateur ».

C’est pourquoi l’irruption soudaine dans le paysage politique local du Parti Pirate (ou Piratpartiet) a surpris bon nombre d’observateurs.

Surprise qui a dépassé les frontières lors du récent et tonitruant succès du parti aux dernières élections européennes (7% des voix, 1 et peut-être 2 sièges).

Nous avons eu envie d’en savoir plus en traduisant un entretien réalisé par Bruce Byfield avec le leader du parti, Rickard Falkvinge (cf photo[1] ci-dessus).

Ce succès est-il reproductible dans d’autres pays à commencer par l’Europe et par la France ? C’est une question que l’on peut se poser à l’heure où les différents (et groupusculaires) partis pirates français ont, semble-t-il, décidé d’unir (enfin) leurs forces. À moins d’estimer que l’action, l’information et la pression d’une structure comme La Quadrature du Net sont amplement suffisants pour le moment (j’en profite pour signaler qu’eux aussi ont besoin de sou(s)tien actuellement).

Remarque : C’est le troisième article que le Framablog consacre directement au Parti Pirate suédois après l’appel à voter pour eux (vidéo inside) et la toute récente mise au point de Richard Stallman sur les conséquences potentielles pour le logiciel libre de leur programme politique (question précise que le journaliste n’évoque pas dans son interview).

Interview avec le leader du Parti Pirate : « Des libertés cruciales »

Interview with Pirate Party Leader: "These are Crucial Freedoms"

Bruce Byfield – 16 juin 2009 – Datamation
(Traduction Framalang : Tyah, Olivier et Severino)

Le 7 Juin 2009, les électeurs suédois ont élu un membre du PiratPartiet (Parti Pirate) au Parlement Européen. Ils bénéficieront même d’un second siège si le Traité de Lisbonne est ratifié, celui-ci octroyant à la Suède deux sièges supplémentaires.

Bien que relativement faibles, ce sont de bons résultats pour un parti fondé il y a à peine trois ans, et qui fait campagne avec très peu de moyens, s’appuyant essentiellement sur ses militants. Que s’est-il passé et pourquoi cet événement est-il important bien au-delà de la Suède ?

Pour Richard Falkvinge, fondateur et leader du Parti Pirate, l’explication est simple : les pirates ont fait entrer pour la première fois dans le débat public les préoccupations de la communauté libre concernant la question du copyright et du brevet, et cela en utilisant les réseaux sociaux, un média complètement ignoré par leurs opposants.

Falkvinge nous en a dit un peu plus sur le sujet à l’occasion d’une présentation au cours du récent congrès Open Web Vancouver, ainsi que dans une brève interview qu’il nous a accordée le lendemain.

Falkvinge, entrepreneur depuis son adolescence, s’est intéressé à l’informatique toute sa vie d’adulte, et naturellement aux logiciels libres. « J’ai participé à différents projets open source » dit-il en ajoutant promptement : « Vous ne risquez pas d’avoir entendu parler des projets auxquels j’ai participé. Je fais partie des gens qui ont la malchance de toujours s’engager dans des projets qui ne vont nulle part – excepté celui-ci, évidemment. »

Comme pour de nombreuses autres personnes, le tournant fut pour Falkvinge la volonté de l’Europe d’imposer des droits d’auteurs plus strictes encore en 2005. Selon Falkvinge, le sujet fut largement couvert et débattu en Suède par tout le monde – sauf par les politiciens.

« Je me suis donc demandé : que faut-il faire pour obtenir l’attention des politiciens ? J’ai réalisé que l’on ne pouvait sûrement pas capter leur attention sans amener le débat sur leur terrain. Le seul recours était de contourner totalement les politiciens et de s’adresser directement aux citoyens lors des élections, de nous lancer sur leur terrain pour qu’ils ne puissent plus nous ignorer. »

Si pour les nord-américains, le nom peut sembler provocateur, Falkvinge explique que c’était un choix évident étant donné le contexte politique. En 2001 fut fondé un lobby défendant le copyright nommé le Bureau Anti-Pirate, donc quand un think-tank adverse s’est créé en 2003, il prit tout naturellement le nom de Bureau Pirate.

Selon Falkvinge, « la politique pirate devint connue et reconnue. Chacun savait ce qu’était la politique pirate, l’important n’était donc pas de réfléchir à un nom, mais bien de fonder le parti. », ce qu’il fit le 1er janvier 2006.

Dès le départ, Falkvinge rejetta l’idée de s’appuyer sur les vieux média : TV, radio, presse.

« Ils n’auraient jamais accordé le moindre crédit à ce qu’ils considéraient comme une mouvance marginale. Ils n’auraient jamais parlé suffisamment de nous pour que nos idées se répandent. Il faut dire aussi qu’elles ne rentrent pas vraiment dans leur moule, alors comment expliquer quelque chose que vous avez du mal à saisir ? »

« Nous n’avions d’autre choix que de construire un réseau d’activistes. Nous savions que nous devions faire de la politique d’une manière jamais vue auparavant, de proposer aux gens quelque chose de nouveau, de nous appuyer sur ce qui fait le succès de l’open source. Nous avons essentiellement contourné tous les vieux médias. Nous n’avons pas attendu qu’ils décident de s’intéresser à nous; nous nous sommes simplement exprimés partout où nous le pouvions. »

Leur succès prit tous les autres partis politiques par surprise. Seulement quelques jours après avoir mis en ligne le premier site du parti, le 1er janvier 2006, Falkvinge apprit que celui-ci comptabilisait déjà plusieurs millions de visiteurs. La descente dans les locaux de Pirate Bay et les élections nationales suédoises qui se sont tenues plus tard dans l’année ont contribué à faire connaître le parti, mais c’est bien sur Internet, grâce aux blogs et à d’autres médias sociaux, qu’il a gagné sa notoriété.

Aujourd’hui c’est le troisième parti le plus important de Suède, et il peut se vanter d’être le parti politique qui rassemble, et de loin, le plus de militants parmi les jeunes.

« Ce n’est pas seulement le plus grand parti en ligne », dit Falkvinge. « C’est le seul parti dont les idées sont débattues en ligne. »

Les analystes politiques traditionnels avaient du mal à croire que le Parti Pirate puisse être régulièrement crédité de 7 à 9% d’intentions de vote dans les sondages.

« J’ai lu une analyste politique qui se disait complètement surprise » rapporte Falkvinge. « Elle disait : « Comment peuvent-ils être si haut dans les sondages ? Ils sont complètement invisibles ». Son analyse était évidemment entièrement basée sur sa connaissance classique de la politique. La blogosphère de son côté se demandait si elle n’avait pas passé ces dernières années dans une caverne. »

La plateforme du Parti Pirate

Aux yeux de Falkvinge, la lutte pour l’extension des droits d’auteurs et des brevets, c’est l’Histoire qui bégaye. Il aborde le sujet des droits d’auteurs en rappelant que l’Église catholique réagit à l’invention de l’imprimerie, qui rendait possible la diffusion de points de vue alternatifs, en bannissant la technologie de France en 1535.

Un exemple plus marquant encore est celui de l’Angleterre, qui créa un monopole commercial sur l’imprimerie. Bien qu’elle connue une période sans droit d’auteur, après l’abdication de Jacques II en 1688, il fut restauré en 1709 par le Statute of Anne. Les monopolistes, qui affirmaient que les écrivains tireraient bénéfice du droit d’auteur, ont largement pesé sur cette décision.

Dans les faits, explique Falkvinge, « le droit d’auteur a toujours bénéficié aux éditeurs. Jamais, ô grand jamais, aux créateurs. Les créateurs ont été utilisés comme prétexte pour les lois sur les droits d’auteur, et c’est toujours le cas 300 ans plus tard. Les politiciens emploient toujours la même rhétorique que celle utilisée en 1709, il y a 300 foutues années ! »

Aujourd’hui, Falkvinge décrit le droit d’auteur comme « une limitation du droit de propriété » qui a de graves conséquences sur les libertés civiles. Pour Falkvinge, les efforts faits par des groupes comme les distributeurs de musique et de films pour renforcer et étendre les droits d’auteurs menacent ce qu’il appelle le « secret de correspondance », la possibilité de jouir de communications privées grâce à un service public ou privé.

Partout dans le monde les pressions montent pour rendre les fournisseurs d’accès responsables de ce qui circule sur leurs réseaux, ce qui remet en cause leur statut de simple intermédiaire. « C’est comme si l’on poursuivait les services postaux parce que l’on sait qu’ils sont les plus gros distributeurs de narcotiques en Suède », raisonne Falkvinge par analogie.

Une autre conséquence concerne la liberté de la presse, sujet cher aux journalistes et aux dénonciateurs. « Si vous ne pouvez confier un scandale à la presse sans que des groupes privés ou gouvernementaux y jettent un œil avant qu’il ne parvienne à la presse, quels sujets allez-vous traiter ? Et bien, rien ne sera révélé, car personne ne sera assez fou pour prendre ce risque. À quoi vous servira alors la liberté de la presse ? À écrire des communiqués de presse ? »

Falkvinge défend un droit d’auteur beaucoup plus souple, réservé uniquement à la distribution commerciale et sévèrement restreint ; cinq ans serait une durée raisonnable, suggère-t-il. « Il faut que les droits d’auteurs sortent de la vie privée des personnes honnêtes. Les droits d’auteurs ressemblent de plus en plus à des policiers en uniformes qui font des descentes avec des chiens chez les gens honnêtes. C’est inacceptable. »

Il croit aussi que la copie privée est un progrès social, en faisant valoir que « Nous savons que la société avance quand le culture et les connaissances se diffusent aux citoyens. Nous voulons donc encourager la copie non-commerciale. »

De même, le Parti Pirate s’oppose aux brevets, particulièrement aux brevets logiciels, mais aussi dans d’autres domaines.

« Chaque brevet, dans sa conception même, inhibe l’innovation », maintient-il. « Les brevets ont retardé la révolution industrielle de trente ans, ils ont retardé l’avènement de l’industrie aéronautique nord-américaine de trente autres années, jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale éclate et que le gouvernement des États-Unis confisque les brevets. Ils ont retardé la radio de cinq ans. » Aujourd’hui, suggère t-il, les progrès technologiques en matière de voitures électriques et d’infrastructures écologiques sont bloqués par les brevets.

« Tout cela n’est en rien différent de la réaction de l’Église Catholique », explique Falkvinge. « Quand il y a une technologie dérangeante, vecteur d’égalisation, la classe dirigeante n’attaque pas les personnes qui essaient de devenir égales. Elle s’en prend à la technologie qui rend cela possible. On le voit dans le monde entier, la classe dirigeante attaque Internet. »

« Les excuses varient. En Chine, c’est le contrôle. En Asie du Sud, c’est la morale publique, dans d’autres endroits, c’est l’ordre et la loi. En Égypte, je pense, la raison est de respecter les préceptes de la religion, l’Islam dans leur cas. Aux États-Unis, il y a trois excuses majeures : le droit d’auteur, le terrorisme et la pédophilie. Ces excuses sont en train d’être utilisées pour briser le plus grand égalisateur de population jamais inventé. »

« Voilà le véritable enjeu. Les libertés fondamentales doivent être grignotées ou abolies pour sauvegarder un monopole chancelant d’industries obsolètes. Il est compréhensible qu’une industrie déliquescente se batte pour sa survie, mais il appartient aux politiciens de dire que, non, nous n’allons pas démanteler les libertés fondamentales juste pour que vous n’ayez pas à changer. Adaptez-vous ou bien mourrez. »

C’est dans cette situation, déclare Falkvinge, que les perspectives du Parti Pirate sont si importantes.

Le Parti Pirate « adopte une position sur les droits civiques que les politiciens ne comprennent pas. Ils écoutent les lobbys et s’attaquent de manière extrêmement dangereuse aux libertés fondamentales. »

Les efforts du lobby pro-copyright pourraient se révéler en fin de compte futiles, pour Falkvinge ils se battent pour une cause perdue. Mais il met aussi en garde contre les dommages considérables que pourrait causer le lobby avant d’être finalement emporté par l’inéluctable.

Courtiser les Pirates

Cybriks - CC byÀ la prochaine séance du Parlement Européen, Christian Engstrom siègera dans l’hémicycle, un entrepreneur devenu activiste qui milite contre les brevets depuis ces cinq dernières années. Si le Parti Pirate obtient un second siège, Engstrom sera rejoint par Amelia Andersdotter (cf photo ci-contre), que Falksvinge décrit comme « un des plus brillants esprits que nous ayons dans le Parti Pirate ». Elle serait alors la plus jeune membre jamais élue du Parlement Européen.

Le Parti Pirate aborde des problèmes dont personne, jusqu’à maintenant, n’a vraiment pris conscience. Est-ce là l’explication pour le soudain intérêt dont bénéficie le parti ? Peut-être. Mais leur popularité chez les électeurs de moins de trente ans, un groupe que les autres partis ont toujours eu du mal à séduire, compte au moins autant.

De plus, avec un électorat divisé entre une multitude de partie, les 7% recueillis par le Parti Pirate sont loin d’être négligeables.

« Ces sept coalitions se mettent en quatre pour s’approprier notre crédibilité », résume Falkvinge. « Nous jouissons d’un vrai soutien populaire que ces partis se battent pour nous avoir. »

S’exprimant quelques jours après les élections, Falkvinge ne cachait pas sa satisfaction. Malgré tout, il se prépare déjà pour les prochaines élections nationales en Suède, où il espère que le Parti Pirate jouera un rôle dans un gouvernement minoritaire. Le prix d’une alliance avec les Pirates sera, bien sûr, l’adoption de leurs idées.

« Aux élections européennes nous avons gagné notre légitimité », constate Falkvinge. « Les prochaines élections nationales nous permettront de réécrire les lois. »

Si tel est le cas, l’Union Européenne et le reste du monde pourront peut-être en sentir les effets. Déjà, des Partis Pirates se mettent en place à l’image du parti suédois, et, comme le montre leur faculté à attirer les jeunes, pour des milliers d’entre eux le Parti Pirate est le seul parti politique qui aborde les questions qui les intéressent.

« Il y a deux choses qu’il ne faut pas perdre de vue » remarque Falkvinge. « Premièrement, nous faisons partie de la nouvelle génération de défenseurs des libertés fondamentales. C’est un mouvement pour les libertés fondamentales. Des libertés fondamentales et des droits fondamentaux essentiels sont compromis par des personnes voulant contrôler le Net, et nous voulons sauvegarder ces droits. Au fond, nous voulons que les droits et devoirs fondamentaux s’appliquent aussi bien sur Internet que dans la vie courante. »

« Le deuxième point que je voudrais souligner c’est que nous nous faisons connaître uniquement par le bouche à oreille. Nous avons gagné à peu près un quart de million de voix, 50 000 membres, 17 000 activistes, par le bouche à oreille, conversation après conversation, collègue, parent, étudiant, un par un, en trois ans. »

« C’est, je crois, la meilleure preuve que c’est possible. Vous n’êtes plus dépendants des médias traditionnels. Si vous avez un message fort et que les gens s’y reconnaissent, vous pouvez y arriver. »

Notes

[1] Crédit photos : 1. Ann Catrin Brockman (Creative Commons By-Sa) 2. Cybriks (Creative Commons By)




Mésentente cordiale entre Stallman et le Parti Pirate suédois sur le logiciel libre

Mecredis - CC byPourquoi les propositions du Parti Pirate suédois sont paradoxalement susceptibles de se retourner contre le logiciel libre ?

C’est ce que nous relate Richard Stallman[1] dans un récent article traduit pas nos soins, où l’on s’apercevra que la réduction du copyright et la mise dans le domaine public ont peut-être plus d’inconvénients que d’avantages lorsqu’il s’agit du cas très particulier des logiciels libres.

Remarque : Cette traduction vous est proposée par Framalang dans le cadre d’une collaboration avec l’April (dont Cédric Corazza a assuré la relecture finale).

Pourquoi les propositions du Parti Pirate suédois se retournent contre le logiciel libre

How the Swedish Pirate Party Platform Backfires on Free Software
URL d’origine de la traduction

Richard Stallman – 24 juillet 2009 – GNU.org
(Traduction Framalang : Don Rico, Goofy et aKa)

La campagne de harcèlement à laquelle se livre l’industrie du copyright en Suède a conduit à la création du premier parti politique dont le programme vise à réduire les restrictions dues au copyright : le Parti Pirate. Parmi ses propositions, on trouve l’interdiction des DRM, la légalisation du partage à but non lucratif d’œuvres culturelles, et la réduction à une durée de cinq ans du copyright pour une utilisation commerciale. Cinq ans après sa publication, toute œuvre publiée passerait dans le domaine public.

Dans l’ensemble, je suis favorable à ces changements, mais l’ironie de la chose, c’est que ce choix particulier effectué par le Parti Pirate aurait un effet néfaste sur le logiciel libre. Je suis convaincu qu’ils n’avaient nulle intention de nuire au logiciel libre, mais c’est pourtant ce qui se produirait.

En effet, la GNU General Public License (NdT : ou licence GPL) et d’autres licences copyleft se servent du copyright pour défendre la liberté de tous les utilisateurs. La GPL permet à chacun de publier des programmes modifiés, mais à condition de garder la même licence. La redistribution d’un programme qui n’aurait pas été modifié doit elle aussi conserver la même licence. Et tous ceux qui redistribuent doivent donner aux utilisateurs l’accès au code source du logiciel.

Pourquoi les propositions du Parti Pirate suédois affecteraient-elles un logiciel libre placé sous copyleft ? Au bout de cinq ans, son code source passerait dans le domaine public, et les développeurs de logiciel privateur pourraient alors l’inclure dans leurs programmes. Mais qu’en est-il du cas inverse ?

Le logiciel privateur est soumis à des CLUF, pas seulement au copyright, et les utilisateurs n’en ont pas le code source. Même si le copyright permet le partage à but non commercial, il se peut que les CLUF, eux, l’interdisent. Qui plus est, les utilisateurs, n’ayant pas accès au code source, ne contrôlent pas les actions du programme lorsqu’ils l’exécutent. Exécuter un de ces programmes revient à abandonner votre liberté et à donner au développeur du pouvoir sur vous.

Que se passerait-il si le copyright de ce programme prenait fin au bout de cinq ans ? Cela n’obligerait en rien les développeurs à libérer le code source, et il y a fort à parier que la plupart ne le feront jamais. Les utilisateurs, que l’on privera toujours du code source, se verraient toujours dans l’impossibilité d’utiliser ce programme en toute liberté. Ce programme pourrait même contenir une « bombe à retardement » conçue pour empêcher son fonctionnement au bout de cinq ans, auquel cas les exemplaires passés dans le « domaine public » ne fonctionneraient tout simplement pas.

Ainsi, la proposition du Parti Pirate donnerait aux développeurs de logiciels privateurs la jouissance du code source protégé par la GPL, après cinq ans, mais elle ne permettrait pas aux développeurs de logiciel libre d’utiliser du code propriétaire, ni après cinq ans, ni même cinquante. Le monde du Libre ne récolterait donc que les inconvénients et aucun avantage. La différence entre code source et code objet, ainsi que la pratique des CLUF, permettraient bel et bien au logiciel privateur de déroger à la règle générale du copyright de cinq ans, ce dont ne pourrait profiter le logiciel libre.

Nous nous servons aussi du copyright pour atténuer en partie le danger que représentent les brevets logiciels. Nous ne pouvons en protéger complètement nos programmes, nul programme n’est à l’abri des brevets logiciels dans un pays où ils sont autorisés, mais au moins nous empêchons qu’on les utilise pour rendre le programme non-libre. Le Parti Pirate propose d’abolir les brevets logiciels, et si cela se produisait, ce problème ne se poserait plus. Mais en attendant, nous ne devons pas perdre notre seul moyen de protection contre les brevets.

Aussitôt après que le Parti Pirate a annoncé ses propositions, les développeurs de logiciel libre ont décelé cet effet secondaire et proposé qu’on établisse une règle à part pour le logiciel libre : on allongerait la durée du copyright pour le logiciel libre, de sorte que l’on puisse le garder sous licence copyleft. Cette exception explicite accordée au logiciel libre contrebalancerait l’exception de fait dont bénéficierait le logiciel privateur. Dix ans devraient suffire, à mon sens. Toutefois, cette proposition s’est heurtée à une forte résistance des dirigeants du Parti Pirate, qui refusent de faire un cas particulier en allongeant la durée du copyright.

Je pourrais approuver une loi par laquelle le code source d’un logiciel placé sous licence GPL passerait dans le domaine public au bout de cinq ans, à condition que cette loi ait le même effet sur le code source des logiciels privateurs. Car le copyleft n’est qu’un moyen pour atteindre une fin (la liberté de l’utilisateur), et pas une fin en soi. En outre, j’aimerais autant ne pas me faire le chantre d’un copyright plus fort.

J’ai donc proposé que le programme du Parti Pirate exige que le code source des logiciels privateurs soit déposé en main tierce dès la publication des binaires. Ce code source serait ensuite placé dans le domaine public au bout de cinq ans. Au lieu d’accorder au logiciel libre une exception officielle à la règle des cinq ans de copyright, ce système éliminerait l’exception officieuse dont bénéficierait le logiciel privateur. D’un côté comme de l’autre, le résultat est équitable.

Un partisan du Parti Pirate a proposé une variante plus large de ma première suggestion : une règle générale selon laquelle le copyright serait allongé à mesure que l’on accorde plus de liberté au public dans l’utilisation du programme. Cette solution présente l’avantage d’insérer le logiciel libre dans un mouvement collectif de copyright à durée variable au lieu de n’en faire qu’une exception isolée.

Je préfèrerais la solution de la main tierce, mais l’une ou l’autre de ces méthodes éviterait un retour de flamme, particulièrement nuisible au logiciel libre. Il existe sans doute d’autres solutions. Quoi qu’il en soit, le Parti Pirate suédois devrait éviter d’infliger un handicap à un mouvement spécifique lorsqu’il se propose de défendre la population contre les géants prédateurs.

Notes

[1] Crédit photo : Mecredis (Creative Commons By)




Framasoft remercie la francophonie

Alexkon - CC by-saQuand bien même Framasoft en général et ce blog en particulier n’échappent pas au travers de voir trop souvent le logiciel libre par le petit bout de la lorgnette de la France (notamment lorsqu’il est question de politique et d’éducation), notre travail s’adresse bien entendu à tous ceux qui, de par le monde, s’expriment, comprennent et aiment la langue française[1].

C’est pourquoi nous sommes fiers et reconnaissants de constater qu’à l’occasion de notre campagne de soutien (qui se poursuit !) le service rendu par notre réseau de sites et de projets touchait bien au delà des frontières du pays de Molière[2].

Cotonou, Montréal, Bruxelles, Casablanca, Singapour, Genève, Capitola, Namur, Lachine, Fribourg, Niamey, Miami, Lausanne, Dakar… l’origine diverse et variée de vos dons mais aussi de vos témoignages (cf une petite sélection ci-dessous) nous font chaud au cœur et nous tenions à (vous) le faire savoir et à vous remercier à notre tour 😉

Quelques témoignages

Rachid M. de Casablanca (Maroc) :

Même si je ne peux pas faire de don, car ici on ne dispose que de carte de paiement valide exclusivement sur le territoire national, je souhaitais vous remercier infiniment pour tous le travail que vous faites. Il est en effet très utile et nécessaire pour nous autres sur le continent africain. Ici les majors de l’informatique font régner leurs lois et pratiquent des politiques dignes d’un autre âge.

Grâce à vous on a eut accès à un répertoire d’applications qui nous ont "libéré" et je pèse mes mots !

Bon courage à tous.

Luc Rivet de Montréal (Québec – Canada) :

J’utilise Ubuntu et Open Office depuis quelques années et vos livres m’ont permis de me familiariser rapidement. Bravo à vous qui nous offrez l’information nécessaire pour apprendre des nouvelles façons de faire.

Merci et longue vie à vos bouquins !

Roland P. de Hamois (Belgique) :

Sans ma "Framakey", montée sur un "bâton de mémoire" de 2Go, je perds mes marques lorsque j’arrive sur un PC inconnu (et cela m’arrive assez souvent!). Grâce à Framakey, je reste opérationnel, même dans les circonstances les plus incongrues. Merci à vous pour le magnifique travail et de rendre possible une utilisation aussi sécurisée et facile des outils qui sont utiles à tous, de l’utilisateur occasionnel à l’expert informatique, les logiciels choisis étant pertinents et bien "emballés". Continuez !!!

Khouzam B. de Moroni (Comores) :

J’ai toujours eu à utiliser les logiciels libres, pendant mes études et même actuellement en tant que stagiaire. Cela m’a été toujours d’un grand intérêt, raison pour laquelle j’ai toujours milité pour les logiciels libres.

J’ai souvent eu recours au site Framasoft pour mes besoins et je suis content de l’avoir fait connaitre à d’autres personnes. Sincèrement si je pouvais, je vous ferais un don.

Sans logiciel libre, les TICs ne serai pas la ou ils sont.

BIG UP

Christophe W. de Gland (Suisse) :

Point obligé de mon surf quotidien, de mes recherches dans le monde du libre, de ma réflexion de professeur d’informatique, le site Framasoft ne cesse de mûrir et gagne chaque jour en qualité. Merci à chacun pour cet investissement fondamental pour faire évoluer les consciences.

Continuez sur cette voie : la route est belle, la route est libre !

Robert Dupras de Montréal (Québec – Canada) :

Depuis plusieurs années que je me réfère à Framasoft, que je réfère aussi à mes clients. Le travail de Framasoft est inspirant et stimulant pour tous ceux et celles qui croient ou œuvrent dans le monde du libre.

Impossible de mesurer l’apport de Framasoft à la communauté, nul doute qu’elle est importante. Aujourd’hui ce sont nos clients qui bien souvent utilisent le banque d’informations disponibles sur Framasoft. Notre modeste contribution est un simple message pour encourager nos amis et clients à faire de même.

Le partage, la meilleure façon par laquelle l’humanité pourra continuer de grandir.

Merci à Framasoft

Handicap.sn de Dakar (Sénégal) :

Je n’ai pas de carte bancaire, je suis à Dakar. Mais c’est touchant de voir que le mouvement du Libre se retrouve dans des difficultés financières. J’aurais aimé envoyer de l’argent car grâce au Libre "FileZilla, Drupal, Ubuntu Server, SPIP, PHP, WAMP, Joomla, The Gimp, MySQL et MyODBC, NotePad++, Moodle, …" j’ai gagné beaucoup d’argent moi et j’ai aussi distribué beaucoup de bonne chose à mon tour.

Sans compter les forums, Wikipedia, et autres sites de partage de connaissances qui me sortent quotidiennement du pétrin, comme des millions d’autres.

Je dirais que Framasoft aussi est Nécessaire, Indispensable et Éternel !

J’ai démarré moi-même un projet libre, de portail pour une communauté spécifique, mais à cause de cette crise mondiale, je suis obligé de geler ces activités philanthropiques pour quelques temps et sécuriser un emploi. Car je n’ai pas réussi à gagner de l’argent à partir de cette activité philanthropique, certes çà m’a apporté d’autre gratifications humaines, mais pas pécuniaires. Voilà mon témoignage.

Que Dieu nous permettent de continuer sur cette lancée !

Sébastien A. de Bruxelles (Belgique) :

Lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux logiciels libres, j’ai été confronté à un sérieux problème: comment trouver les logiciels dont j’avais besoin.

J’ai perdu beaucoup de temps en vaines recherches. Et puis j’ai trouvé Framasoft.

Oli C. Kan de Tunis (Tunisie) :

Je viens sur Framasoft régulièrement pour trouver des programmes et je trouve la communauté libre toujours superbe et remplie d’idées et d’ingéniosité. Comme j’en discutais avec un ami tout à l’heure, la communauté libre nous donne une bon aperçu de ce que serait un monde libre. Un monde où tout le monde contribuerait à sa manière et où tout serait accessible à tous, sans avoir à se vider les poches pour se faire.

Certes, ici ce n’est pas tout le monde qui peut vraiment contribuer puisque ce n’est pas tout le monde qui sait programmer, qui a de l’argent à donner ou même qui possède un ordinateur. Mais, continuons et le Libre s’étendra de plus en plus, et dans plus en plus de domaines, comme il l’a fait à présent.

Continuons d’en parler. Vive Framasoft !

André Cotte de LaSalle (Québec – Canada) :

Je m’intéresse aux logiciels libres depuis plus de 6 ans. Framasoft m’a accompagné pendant toutes ces années. Depuis 3 ans, je suis « Conseiller en logiciels libres pour l’éducation ». Oui, oui, c’est le titre que la société sans but lucratif où je travaille m’a donné. Sans Framasoft, j’aurais beaucoup de difficultés à assumer ce titre.

Merci et longue vie à Framasoft. Tous ensemble nous y arriverons.

Notes

[1] Crédit photo : Alexkon (Creative Commons By-Sa)

[2] Nous en profitons au passage par saluer et remercier les DOM-TOM, qui ne sont pas les derniers à nous soutenir 😉




Projet Shtooka – Interview de Nicolas Vion

Cesarastudillo - CC byDans l’expression Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, il y a le mot rencontre. Et c’est ainsi que nous avons fait connaissance avec Nicolas Vion, fondateur du fort intéressant Projet Shtooka qu’il nous a semblé judicieux de mettre en avant sur ce blog à la faveur de cette courte interview.

L’objectif du projet vise la création de matériel audio libre pour l’apprentissage des langues étrangères en mettant en place un ensemble de collections sonores de mots et expressions telle la base audio libre de mots français (cf démo en ligne) ainsi que les outils logiciels capables d’en tirer parti. Outre le français, on trouve aussi des corpus pour d’autres langues telles que le russe, l’ukrainien, le biélorusse, le wolof, le tchèque ou le chinois[1].

Un entretien réalisé par Emmanuel Poirier (alias LeBidibule) pour Framasoft.


Bonjour Nicolas, je vais te demander de te présenter.

Je m’appelle Nicolas Vion, je m’intéresse depuis quelques années aux langues slaves. Après une licence de russe, je suis actuellement en licence d’ukrainien et travaille comme développeur système. Je m’occupe du Projet Shtooka depuis son origine.

En quoi consiste ton projet ?

Le projet Shtooka consiste à enregistrer des collections audio libres de mots, d’expressions idiomatiques et d’éléments du langage avec des locuteurs natifs pour toutes les langues.

C’est aussi un ensemble de logiciels permettant d’enregistrer, d’organiser et d’exploiter ces collections. Cela permet, par exemple, d’ajouter l’audio dans des dictionnaires électroniques (les fichiers sont d’ores et déjà utilisés pour le Wiktionnaire), mais aussi de faciliter l’apprentissage du vocabulaire d’une langue étrangère en se faisant des fiches de vocabulaire audio à l’aide d’outils comme le Kit Shtooka (ou bientôt les SWAC Tools) et ainsi de réviser son vocabulaire à l’aide d’un baladeur MP3 ou Ogg Vorbis en baladodiffusion. Il est également possible de créer à partir de ces fiches de vocabulaire des activités pédagogiques au format JClic pour les plus petits…

Au delà de l’aspect pédagogique, ces collections représentent, à mon sens, un intérêt linguistiques et scientifique en regroupant en un ensemble cohérent un tel matériel audio qui, je pense, comptera à l’avenir.

Depuis quelque temps, le Projet Shtooka s’est monté en association, ce qui a permis au projet de s’agrandir un peu. Nous sommes aujourd’hui environ quatre personnes actives dans le projet, de plus cela va nous permettre de contacter différents organismes en tant qu’association.

Quelles est la différence entre le Kit Shtooka et les SWAC Tools ?

Le Kit Shtooka, qui est un ensemble de programmes pour Microsoft Windows (mais qui marche aussi sous GNU/Linux avec Wine), est en quelque sorte l’héritier du petit programme à l’origine du projet. Ce petit programme était une sorte de «bidouille» que j’avais écrit pour mes besoins personnels alors que je me trouvais en Russie, où les connexions Internet ne sont pas forcément bon marché. Aussi, j’ai trouvé un CD de Delphi et ai donc commencé à coder pour cet environnement.

Le Kit Shtooka est en fait issu d’une refonte de ce programme originel. Il est mûr et utilisable, l’ayant moi-même utilisé au cours de mes études de Russe, mais des limitations sont apparues liées au choix techniques initiaux… Il y a maintenant un an j’ai commencé un travail de ré-écriture du Kit Shtooka en C++ et utilisant des libraires standards telles que GTK+ et QT, ce qui permet une meilleure portabilité entre plate-formes et une plus grande modularité.

A l’heure actuelle, si le Kit Shtooka est pleinement utilisable, les SWAC Tools sont encore assez jeunes et d’utilisation plutôt difficile (NdR : il manque notamment le logiciel d’enregistrement, le logiciel exerciseur « Repeat ») mais devraient à terme remplacer les vieux outils. C’est en quelque sorte la nouvelle génération du Kit Shtooka.

Quand as-tu pensé à utiliser des licences libres pour vos productions et vos logiciels ?

A l’origine, je n’imaginais pas qu’il serait aussi facile d’enregistrer la prononciation d’autant de mots. Tout a commencé par intérêt personnel. Je faisais enregistrer la prononciation de mots russes par mes amis afin de me faciliter l’apprentissage du vocabulaire, sans penser à la licence de ces enregistrements.

Au bout d’un an, je me suis rendu compte que je disposais d’un corpus important (NdR : mais inutilisable pour le futur projet, faute d’accord avec les locuteurs de l’époque), et j’ai pensé faire une base de mots audio en français afin d’aider des professeurs de français FLE (Français Langue Étrangère), ou encore pour les étudiants en auto-apprentissage.

C’est au cours de ces enregistrements que j’ai amélioré la technique d’enregistrement (grâce à quelques modifications de l’interface, je pouvais désormais enregistrer plus de 1500 mots de suite sans me fatiguer). J’ai alors décidé de diffuser cette première collection qui regroupait plus de 7000 enregistrements sur une site Internet sous une licence libre (la Creative Commons By) et un ami m’a soufflé l’idée de faire une dépêche sur le site d’information LinuxFr.

Très vite, j’ai été contacté par Eric Streit qui était enthousiasmé par le projet et qui a rapidement enregistré une collection de mots russes avec sa femme originaire du Kazakhstan. Un ami chinois m’a également permis de réaliser le corpus chinois : le projet Shtooka était bel et bien lancé.

À mon sens, la licence libre s’imposait car c’était la seule façon de permettre la créativité. En effet, on ne peut imaginer soi-même toutes les applications possibles à partir d’une telle « matière première » sonore.

Enfin en voulant proposer mon outil d’enregistrement à des contributeurs du projet Wiktionnaire (entre autre Betsy Megas) j’ai eu à ré-écire cet outil, pour en faire un programme séparé, plus facile à utiliser. Cela m’a permis par la même occasion de formaliser la façon des stocker les informations sur les mots enregistrés et les locuteurs, et ai proposé l’adoption des « SWAC Metatags ». En effet, s’il est possible d’enregistrer dans les fichiers audio Ogg Vorbis des informations pour les collections musicales (nom de l’album, nom de la chanson, style de musique) les « SWAC Metatags » permettent de faire la même chose avec les collections linguistiques grâce à une quarantaine de champs d’information : nom du locuteur, sa langue maternelle, région d’origine…

Avez-vous eu beaucoup de retours jusqu’alors ?

Jusqu’à présent, les retours d’expérience ont été peu nombreux; mais je remercie les personnes, notamment les professeurs de Langues Vivantes qui ont permis de faire évoluer le logiciel, et faire remonter les problèmes liés à la formation de l’outil.

Il est vrai que l’outil a été plus pensé pour des apprenants autonomes que pour des professeurs. Les RMLL 2009 ont d’ailleurs été l’occasion de rencontrer des gens d’autres projets qui utilisent nos collections. Nous avons également pris contact avec des libristes marocains qui ont l’intention de développer le Projet Shtooka dans leur pays (nous avons d’ailleurs pu enregistrer avec eux une petite collection de mots arabes durant les RMLL).

Quelles sont les aides que l’on peut vous apporter si l’on souhaite participer au projet ?

Les aides sont les bienvenues !

Tout d’abord, si l’on a des compétences pour une langue en particulier, il est possible de créer des listes de mots et expressions qui serviront lors de sessions d’enregistrements avec un locuteur natif. Pour cela il suffit de rassembler les éléments à enregistrer dans un simple fichier texte. Pour ce travail il faut quand même avoir une bonne connaissance de la langue en question : par exemple, pour le corpus français, se pose la question : faut-il prononcer les substantifs avec ou sans article ? Si oui, lesquels : définis ou indéfinis ? Pour d’autres langues se pose le problème des déclinaisons, du déplacement des accents toniques, des mutations, ou encore des cas d’homographie… Ce travail préparatoire peut être fait par un professeur, mais aussi par un apprenant.


Ensuite vous pouvez participer au projet en tant que « locuteur natif » de votre langue maternelle en enregistrant des mots ou expressions. Ceci-dit, il est important d’avoir un matériel d’enregistrement de qualité convenable, quelques connaissances sur la prise de son avec un ordinateur, et de disposer d’un endroit calme. Le logiciel d’enregistrement est très pratique et permet d’enregistrer plus de 1000 mots par heure. Ici, la communauté Shtooka peut aider (dans la mesure du possible) en trouvant le matériel, en organisant l’enregistrement…

Les professeurs de langues peuvent également nous aider en proposant des listes de vocabulaire bilingues organisées par thèmes ou par leçons, car en fait chaque collection audio est indépendante. De même, tous les travaux dérivés (exercices interactifs, imagiers pour les écoles primaires…) sont intéressants et bienvenus, et peuvent donner des idées pour compléter les collections audio.

Si vous êtes développeur C++ (ou autre) vous pouvez aider au développement des nos logiciels. Les développeurs Web et les graphistes peuvent nous donner un coup de main sur le site Internet…

Globalement, nous cherchons des aides ponctuelles mais aussi dans la durée. Il nous faudrait, par exemple, des personnes pour s’occuper du développement de telle ou telle langue (au passage, nous aurions besoin de quelqu’un qui puisse s’occuper de la collection espagnole), alors n’hésitez pas !

Notes

[1] Crédit photo : Cesarastudillo (Creative Commons By)




National Portrait Gallery vs Wikipédia ou la prise en étau et en otage de la Culture ?

Cliff1066 - CC byTous ceux qui ont eu un jour à jouer les touristes à Londres ont pu remarquer l’extrême qualité et la totale… gratuité des grands musées nationaux. Rien de tel pour présenter son patrimoine et diffuser la culture au plus grand nombre. Notons qu’à chaque fois vous êtes accueilli à l’entrée par de grandes urnes qui vous invitent à faire un don, signifiant par là-même qu’ils ne sont plus gratuits si jamais vous décidez d’y mettre votre contribution.

Parmi ces musées on trouve le National Portrait Gallery qui « abrite les portraits d’importants personnages historiques britanniques, sélectionnés non en fonction de leurs auteurs mais de la notoriété de la personne représentée. La collection comprend des peintures, mais aussi des photographies, des caricatures, des dessins et des sculptures. » (source Wikipédia).

Or la prestigieuse galerie vient tout récemment de s’illustrer en tentant de s’opposer à la mise en ligne sur Wikipédia de plus de trois mille reproductions photographiques d’œuvres de son catalogue tombées dans le domaine public. Le National Portrait Gallery (ou NPG) estime en effet que ces clichés haute-résolution lui appartiennent et ont été téléchargés sans autorisation sur Wikimedia Commons, la médiathèque des projets Wikimédia dont fait partie la fameuse encyclopédie. Et la vénérable institution va même jusqu’à menacer d’une action en justice !

Il est donc question, une fois de plus, de propriété intellectuelle mais aussi et surtout en filigrane de gros sous. Personne ne conteste que le National Portrait Gallery ait engagé des dépenses pour numériser son fond et qu’elle ait besoin d’argent pour fonctionner. Mais n’est-il pas pour le moins choquant de voir un telle institution culturelle, largement financée par l’État, refuser ainsi un accès public à son contenu, sachant qu’elle et Wikipédia ne sont pas loin de poursuivre au final les même nobles objectifs ?

C’est ce que nous rappelle l’un des administrateurs de Wikipédia dans un billet, traduit ci-dessous par nos soins, issu du blog de la Wikimedia Foundation. Billet qui se termine ainsi : « Quoi qu’il en soit, il est difficile de prouver que l’exclusion de contenus tombés dans le domaine public d’une encyclopédie libre à but non lucratif, serve l’intérêt général. »

Remarque : L’illustration[1] choisie pour cet article représente le moment, en janvier dernier, où le célèbre portrait d’Obama réalisé par l’artiste Shepard Fairey entre au National Portrait Gallery, non pas de Londres mais de Washington. Ce portrait a lui aussi fait l’objet d’une forte polémique puisqu’il s’est directement inspiré d’une image d’un photographe travaillant pour l’Association Press qui a elle aussi tenté de faire valoir ses droits (pour en savoir plus… Wikipédia bien sûr). Décidément on ne s’en sort pas ! Heureusement que le portrait s’appelle « Hope »…

Protection du domaine public et partage de notre héritage culturel

Protecting the public domain and sharing our cultural heritage

Erik Moeller – 16 juillet 2009 – Wikimedia Blog
(Traduction Framalang : Claude le Paih)

La semaine dernière, le National Portrait Gallery de Londres, Royaume Uni, a envoyé une lettre menaçante à un bénévole de Wikimédia concernant la mise en ligne de peintures du domaine public vers le dépôt de Wikimédia : Wikimédia Commons.

Le fait qu’une institution financée publiquement envoie une lettre de menace à un bénévole travaillant à l’amélioration d’une encyclopédie sans but lucratif, peut vous paraitre étrange. Après tout, la National Portrait Gallery fut fondée en 1856, avec l’intention déclarée d’utiliser des portraits « afin de promouvoir l’appréciation et la compréhension des hommes et femmes ayant fait, ou faisant, l’histoire et la culture britannique » (source) Il parait évident qu’un organisme public et une communauté de volontaires promouvant l’accès libre à l’éducation et la culture devraient être alliés plutôt qu’adversaires.

Cela parait particulièrement étrange dans le contexte des nombreux partenariats réussis entre la communauté Wikimédia et d’autres galeries, bibliothèques, archives et musées. Par exemple, deux archives allemandes, la Bundesarchiv et la Deutsche Fotothek, ont offert ensemble 350 000 images protégées par copyright sous une licence libre à Wikimédia Commons, le dépôt multimédia de la Fondation Wikimédia.

Ces donations photographiques furent le résultat heureux de négociations intelligentes entre Mathias Schindler, un bénévole de Wikimédia, et les représentants des archives. (Information sur la donation de la Bundearchiv ; Information sur la donation de la Fotothek).

Tout le monde est alors gagnant. Wikimédia aida les archives en travaillant à identifier les erreurs dans les descriptions des images offertes et en associant les sujets des photographies aux standards des métadatas. Wikipédia a contribué à faire mieux connaître ces archives. De même, les quelques trois cent millions de visiteurs mensuels de Wikipédia se sont vus offrir un accès libre à d’extraordinaires photographies de valeur historique, qu’ils n’auraient jamais pu voir autrement.

Autres exemples :

  • Au cours des derniers mois, des bénévoles de Wikimédia ont travaillé avec des institutions culturelles des États-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas afin de prendre des milliers de photographies de peintures et d’objets pour Wikimédia Commons. Ce projet est appelé « Wikipédia aime les arts ». Une nouvelle fois, tout le monde y gagne : les musées et galeries s’assurent une meilleure exposition de leur catalogue, Wikipédia améliore son service, et les gens du monde entier peuvent voir des trésors culturels auxquels ils n’auraient pas eu accès sinon. (voir la page anglaise de Wikipédia du projet et le portail néerlandais du projet).
  • Des bénévoles de Wikimédia travaillent individuellement, avec des musées et des archives, à la restauration numérique de vieilles images en enlevant des marques telles que taches ou rayures. Ce travail est minutieux et difficile mais le résultat est formidable : l’œuvre retrouve son éclat originel et une valeur informative pleinement restaurée. Le public peut de nouveau l’apprécier (le travail de restauration est coordonné grâce à la page « Potential restorations » et plusieurs exemples de restaurations peuvent être trouvés parmi les images de qualité de Wikimédia).

Trois bénévoles de Wikimédia ont résumé ces possibilités dans une lettre ouverte : Travailler avec, et non pas contre, les institutions culturelles. Les 6 et 7 Août, Wikimédia Australie organise une manifestation afin d’explorer les différents modèles de partenariats avec les galeries, bibliothèques, archives et musées (GLAM : Galleries, Libraries, Archives and Museums).

Pourquoi des bénévoles donnent-ils de leur temps à la photographie d’art, à la négociation de partenariat avec des institutions culturelles, à ce travail minutieux de restauration ? Parce que les volontaires de Wikipédia veulent rendre l’information (y compris des images d’importance informative et historique) librement disponible au monde entier. Les institutions culturelles ne devraient pas condamner les bénévoles de Wikimédia : elles devraient joindre leurs forces et participer à cette une mission.

Nous pensons qu’il existe pour Wikipédia de nombreuses et merveilleuses possibilités de collaborations avec les institutions culturelles afin d’éduquer, informer, éclairer et partager notre héritage culturel. Si vous souhaitez vous impliquer dans la discussion, nous vous invitons à rejoindre la liste de diffusion de Wikimédia Commons : la liste est lue par de nombreux bénévoles de Wikimédia, quelques volontaires liés aux comités de Wikimédias ainsi que des membres de la Fondation. Sinon, s’il existe un comité dans votre pays, vous pourriez vous mettre en contact directement avec eux. Vous pouvez également contacter directement la Wikimedia Foundation. N’hésitez pas à m’envoyer vos premières réflexions à erik(at)wikimedia(dot)org, je vous connecterai d’une manière appropriée.

La NPG (National Portrait Galery) est furieuse qu’un volontaire de Wikimédia ait mis en ligne sur Wikimédia Commons des photographies de peintures du domaine public lui appartenant. Au départ, la NPG a envoyé des lettres menaçantes à la Wikimedia Foundation, nous demandant de « détruire toutes les images » (contrairement aux déclarations publiques, ces lettres n’évoquaient pas un possible compromis. La NPG confond peut être sa correspondance et un échange de lettre en 2006 avec un bénévole de Wikimédia, (que l’utilisateur publie ici). La position de la NPG semble être que l’utilisateur a violé les lois sur le droit d’auteur en publiant ces images.

La NPG et Wikimédia s’accordent toutes deux sur le fait que les peintures représentées sur ces images sont dans le domaine public : beaucoup de ces portraits sont vieux de plusieurs centaines d’années, tous hors du droit d’auteur. Quoiqu’il en soit, la NPG prétend détenir un droit sur la reproduction de ces images (tout en contrôlant l’accès aux objets physiques). Autrement dit, la NPG pense que la reproduction fidèle d’une peinture appartenant au domaine public, sans ajout particulier, lui donne un nouveau droit complet sur la copie numérique, créant l’opportunité d’une valorisation monétaire de cette copie numérique pour plusieurs décennies. Pour ainsi dire, La NPG s’assure dans les faits le contrôle total de ces peintures du domaine public.

La Wikimedia Foundation n’a aucune raison de croire que l’utilisateur en question ait transgressé une loi applicable, et nous étudions les manières de l’aider au cas ou la NPG persisterait dans ses injonctions. Nous sommes ouvert à un compromis au sujet de ces images précises, mais il est peu probable que notre position sur le statut légal de ces images change. Notre position est partagée par des experts juridiques et par de nombreux membres de la communauté des galeries, bibliothèques, archives et musées. En 2003, Peter Hirtle, cinquante-huitième président de la Society of American Archivists (NdT : Société des Archivistes Américains), écrivit :

« La conclusion que nous devons en tirer est inéluctable. Les tentatives de monopolisation de notre patrimoine et d’exploitation commerciale de nos biens physiques appartenant au domaine public ne devraient pas réussir. De tels essais se moquent de l’équilibre des droits d’auteur entre les intérêts du créateur et du public. » (source)

Dans la communauté GLAM internationale, certains ont choisi l’approche opposée, et sont même allés plus loin en proposant que les institutions GLAM utilisent le marquage numérique et autres technologies de DRM (Digital Restrictions Management) afin de protéger leurs supposés droits sur des objets du domaine public et ainsi renforcer ces droits d’une manière agressive.

La Wikimedia Foundation comprend les contraintes budgétaires des institutions culturelles ayant pour but de préserver et maintenir leurs services au public. Mais si ces contraintes aboutissent à cadenasser et limiter sévèrement l’accès à leur contenu au lieu d’en favoriser la mise à disposition au plus grand nombre, cela nous amène à contester la mission de ces institutions éducatives. Quoi qu’il en soit, il est difficile de prouver que l’exclusion de contenus tombés dans le domaine public d’une encyclopédie libre à but non lucratif, serve l’intérêt général.

Erik Moeller
Deputy Director, Wikimedia Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Cliff1066 (Creative Commons By)