« Le droit de lire » de Richard Stallman… 13 ans après !

Marfis75 - CC by-saÀ l’heure où le feuilleton Hadopi poursuit ses aventures parlementaires, il nous a semblé intéressant de déterrer un énième écrit de Richard Stallman.

D’abord parce que ce n’est pas tous les jours que Stallman verse dans la nouvelle de science-fiction (et nous parle… d’amour, dans un univers orwellien à souhait[1]). Mais aussi et surtout parce que, bien que rédigé en 1996, ce texte n’est pas loin d’avoir aujourd’hui des petits accents prophétiques (à commencer par la récente affaire Kindle).

Malheureusement…

Le droit de lire

Richard Stallman – février 1997 – GNU.org
(Traduction : Pierre Sarrazin)

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(extrait de « The Road to Tycho », une collection d’articles sur les antécédents de la Révolution lunaire, publiée à Luna City en 2096)

Pour Dan Halbert, la route vers Tycho commença à l’université — quand Lissa Lenz lui demanda de lui prêter son ordinateur. Le sien était en panne, et à moins qu’elle puisse en emprunter un autre, elle échouerait son projet de mi-session. Il n’y avait personne d’autre à qui elle osait demander, à part Dan.

Ceci posa un dilemme à Dan. Il se devait de l’aider — mais s’il lui prêtait son ordinateur, elle pourrait lire ses livres. À part le fait que vous pouviez aller en prison pour plusieurs années pour avoir laissé quelqu’un lire vos livres, l’idée même le choqua au départ. Comme à tout le monde, on lui avait enseigné dès l’école primaire que partager des livres était malicieux et immoral — une chose que seuls les pirates font.

Et il était improbable que la SPA — la Software Protection Authority — manquerait de le pincer. Dans ses cours sur les logiciels, Dan avait appris que chaque livre avait un moniteur de copyright qui rapportait quand et où il était lu, et par qui, à la Centrale des licences. (Elle utilisait ces informations pour attraper les lecteurs pirates, mais aussi pour vendre des renseignements personnels à des détaillants.) La prochaine fois que son ordinateur serait en réseau, la Centrale des licences se rendrait compte. Dan, comme propriétaire d’ordinateur, subirait les punitions les plus sévères — pour ne pas avoir tout tenté pour éviter le délit.

Bien sûr, Lissa n’avait pas nécessairement l’intention de lire ses livres. Elle pourrait ne vouloir l’ordinateur que pour écrire son projet. Mais Dan savait qu’elle venait d’une famille de classe moyenne et qu’elle arrivait difficilement à payer ses frais de scolarité, sans compter ses frais de lecture. Lire les livres de Dan pourrait être sa seule façon d’obtenir son diplôme. Il comprenait cette situation; lui-même avait eu à emprunter pour payer pour tous les articles scientifiques qu’il avait eu à lire. (10% de ces frais allaient aux chercheurs qui écrivaient ces articles; puisque Dan visait une carrière académique, il pouvait espérer que si ses propres articles scientiques étaient souvent lus, il gagnerait un revenu suffisant pour rembourser sa dette).

Par la suite, Dan apprendrait qu’il y eut un temps où n’importe qui pouvait aller à la bibliothèque et lire des articles de journaux, et même des livres, sans avoir à payer. Il y avait des universitaires indépendants qui lisaient des milliers de pages sans subventions des bibliothèques gouvernementales. Mais dans les années 1990, les éditeurs aussi bien commerciaux qu’à but non lucratif avaient commencé à facturer l’accès. En 2047, les bibliothèques offrant un accès public gratuit à la littérature scientifique n’étaient qu’un pâle souvenir.

Il y avait des façons, bien sûr, de contourner la SPA et la Centrale des licences. Elles étaient elles-mêmes illégales. Dan avait eu un compagnon de classe dans son cours sur les logiciels, Frank Martucci, qui avait obtenu un outil illégal de déboguage, et l’avait utilisé pour outrepasser le code du moniteur de copyright quand il lisait des livres. Mais il en avait parlé à trop d’amis, et l’un d’eux l’a dénoncé auprès de la SPA pour une récompense (des étudiants criblés de dettes pouvaient facilement être tentés par la trahison). En 2047, Frank était en prison, non pas pour lecture pirate, mais pour possession d’un débogueur.

Dan apprendrait plus tard qu’il y eut un temps où n’importe qui pouvait posséder des outils de déboguage. Il y avait même des outils de déboguage disponibles gratuitement sur des CD ou qu’on pouvait télécharger du Net. Mais des usagers ordinaires commencèrent à s’en servir pour outrepasser les moniteurs de copyright, et finalement un juge a décidé que c’était devenu leur principale utilisation en pratique. Ceci voulait dire qu’ils étaient illégaux; les développeurs de ces débogueurs furent envoyés en prison.

Les programmeurs avaient encore besoin d’outils pour déboguer, bien sûr, mais les vendeurs de débogueurs en 2047 ne distribuaient que des copies numérotées, et seulement à des programmeurs officiellement licenciés et soumis. Le débogueur que Dan utilisait dans son cours sur les logiciels était gardé derrière un garde-barrière spécial afin qu’il ne puisse servir que pour les exercices du cours.

Il était aussi possible de contourner les moniteurs de copyright en installant un noyau système modifié. Dan apprendrait finalement l’existence de noyaux libres, et même de systèmes d’exploitation entièrement libres, qui avaient existé au tournant du siècle. Mais non seulement étaient-ils illégaux, comme les débogueurs, mais vous ne pouviez en installer un, si vous en aviez un, sans connaître le mot de passe de l’usager superviseur de votre ordinateur. Or, ni le FBI ni l’Aide technique Microsoft ne vous le révèlerait.

Dan conclut qu’il ne pouvait simplement prêter son ordinateur à Lissa. Mais il ne pouvait refuser de l’aider, car il l’aimait. Chaque chance de lui parler le remplissait d’aise. Et le fait qu’elle l’avait choisi pour demander de l’aide pouvait signifier qu’elle l’aimait aussi.

Dan résolut le dilemme en faisant une chose encore plus impensable — il lui prêta l’ordinateur, et lui dit son mot de passe. Ainsi, si Lissa lisait ses livres, la Centrale des licences penserait que c’était lui qui les lisait. C’était quand même un délit, mais la SPA ne s’en rendrait pas compte automatiquement. Ils ne s’en rendraient compte que si Lissa le dénonçait.

Bien sûr, si l’école devait un jour apprendre qu’il avait donné son propre mot de passe à Lissa, ce serait la fin de leurs études, peu importe ce à quoi le mot de passe aurait servi. La politique de l’école était que toute interférence avec ses mécanismes de surveillance de l’utilisation des ordinateurs par les étudiants était punissable. Il n’importait pas qu’aucun mal n’ait été fait — l’offense était de se rendre difficile à surveiller par les administrateurs. Ils supposaient que ça signifiait que vous faisiez quelque chose d’autre qui était interdit, et ils n’avaient pas besoin de savoir de quoi il s’agissait.

Les étudiants n’étaient habituellement pas expulsés pour cela — pas directement. Ils étaient plutôt bannis des systèmes informatiques de l’école, et échouaient inévitablement leurs cours.

Plus tard, Dan apprendrait que ce genre de politique n’a commencé dans les universités que dans les années 1980, quand des étudiants commencèrent à être nombreux à utiliser des ordinateurs. Avant, les universités avaient une approche différente au sujet de la discipline auprès des étudiants; elles punissaient des activités qui causaient du tort, et non pas simplement celles qui soulevaient des doutes.

Lissa ne dénonça pas Dan à la SPA. La décision de Dan de l’aider mena à leur mariage, et les amena aussi à remettre en question ce qu’on leur avait enseigné durant leur enfance au sujet du piratage. Le couple se mit à lire sur l’histoire du copyright, sur l’Union soviétique et ses restrictions sur la copie, et même sur la Constitution originale des États-Unis. Ils déménagèrent à Luna, où ils trouvèrent d’autres gens qui comme eux avaient pris leurs distances par rapport au bras long de la SPA. Quand la révolte de Tycho commença en 2062, le droit universel de lire devint bientôt un de ses buts principaux.

Copyright © 1996 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Cet article a été publié dans la parution de février 1997 de Communications of the ACM (volume 40, numéro 2). Il a fait l’objet d’une intéressante note de l’auteur mise à jour en 2007 que nous n’avons pas reproduite ici.

Notes

[1] Crédit photo : Marfis75 (Creative Commons By-Sa)




De la contradiction d’avoir un iPhone

Mat Honan - CC byL’été dernier, me voici attablé à la terrasse d’un café, place de la Bastille, en compagnie de quelques membres influents de la blogosphère française. L’occasion d’évoquer Hadopi. Il allait de soit qu’ils étaient tous contre.

Un petit détail m’a frappé : ils étaient tous accompagnés de leur iPhone, qui d’ailleurs ne leur laissait que rarement plus de cinq minutes de répit. iPhone qui vers la fin de notre entretien est carrément devenu le sujet principal de conversation, lorsque le possesseur de je ne sais plus quelle toute nouvelle application issue de l’App Store a voulu en faire la démonstration aux autres[1].

Peut-on être un pourfendeur d’Hadopi et plus généralement un chaud défenseur des libertés numériques tout en possédant un iPhone ? Certes oui. Sauf que, comme vient nous le rappeler Bruno Kerouanton dans ce court et percutant article, nous sommes peut-être en situation de compromis, voire de compromission, avec quelques uns de nos idéaux, fussent-ils numériques[2].

Le paradoxe du citoyen consommateur

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Bruno Kerouanton – 14 septembre 2009 – Le Club des Vigilants
Licence Creative Commons By-Nc

Apple est loin d’être seule en cause mais le succès phénoménal de son iPhone illustre, à bien des égards, le paradoxe du citoyen consommateur contemporain.

D’un côté, il se dit écolo. De l’autre, il se jette sur un appareil dont la batterie est intégrée au téléphone, faisant de l’objet un produit jetable complexe à recycler.

D’un côté, il prône la liberté de téléchargement sur Internet, et le droit de dupliquer à l’infini films et œuvres musicales au grand dam des auteurs et de leurs ayants droit. De l’autre, il se précipite sur l’une des plateformes informatiques les plus verrouillées en termes de mesures anticopie.

D’un côté, il se méfie des monopoles. De l’autre, il utilise la plateforme de téléchargement AppStore qui centralise de manière obligatoire toute application disponible, préalablement soumise à la censure de l’éditeur californien.

D’un côté, il défend les logiciels libres et leur gratuité. De l’autre, il n’a jamais autant acheté de logiciels depuis la mise en place de l’AppStore.

D’un côté, il aime l’anonymat et le respect de la vie privée. De l’autre, il se rue sur l’iPhone qui est l’une des plateformes les plus intrusives, en termes de géolocalisation, mais également de suivi des habitudes d’utilisation et de consommation.

Le succès d’Apple tient à la technologie et à l’innovation. En offrant à ses clients un produit très en avance sur ses concurrents, en termes d’ergonomie et de fonctionnalités, ceux-ci sont prêts à en oublier les inconvénients, voire carrément à en occulter l’existence.

Ce comportement paradoxal doit être pris en compte dans le cadre de nouveaux enjeux sociétaux relatifs aux nouvelles technologies. Risques liés aux réseaux sociaux, difficulté de mise en application de réglementations de type Hadopi et bien d’autres thèmes d’actualité devraient être revus en tenant compte de cette surprenante tendance.

Notes

[1] Crédit photo : Mat Honan (Creative Commons By)

[2] Sur le même sujet on pourra aussi lire cet autre article du Framablog : iPhone 3G : tout ce qui brille n’est pas or.




Pandémie grippale + Sanction Hadopi = Continuité pédagogique non assurée

Freeparking - CC byCette rentrée scolaire rime avec risque annoncé de pandémie grippale A/H1N1.

C’est pourquoi le ministère de l’Éducation nationale a rédigé une circulaire apportant « les réponses que la communauté éducative attend, en matière d’hygiène et de santé au travail et en matière de continuité pédagogique ».

Pour ce qui concerne la continuité pédagogique, on peut lire ceci pour les collèges et les lycées[1] :

« Dans tous les cas d’absence d’élèves, de fermeture de classes ou d’établissements, il appartient à chaque professeur d’assurer la continuité pédagogique des cours de sa discipline. Pour ce faire, plusieurs moyens sont mobilisables ; les établissements s’organiseront en tenant compte de l’ensemble des équipements et des compétences dont ils disposent.

Pour les établissements disposant d’espace numérique de travail (E.N.T.) ou fournissant par le biais d’internet un accès à des ressources pédagogiques, les professeurs pourront adresser les supports de cours et d’exercices aux élèves absents et permettre ainsi un échange continu et interactif ;

En l’absence d’E.N.T., les travaux à faire pourront être mis en ligne sur le site de l’établissement, et s’appuieront sur les manuels scolaires utilisés en classe.

Si le site de l’établissement est indisponible, et pour les élèves ne disposant pas d’accès à internet, les travaux à faire à la maison seront remis aux élèves dès l’avis de fermeture de la classe ou de l’établissement.

De surcroît, les professeurs conseilleront aux familles équipées d’internet de se connecter au site http://www.academie-en-ligne.fr, mis en place par le CNED qui propose à titre gratuit des ressources téléchargeables : cours et exercices sous forme écrite ou audio. Ces ressources seront disponibles dès la mi-septembre pour le premier degré, fin octobre pour la plupart des disciplines d’enseignement général du second degré. »

Le dénominateur commun de toutes ces mesures (sauf une) ?

Elles nécessitent un accès à Internet. Ce qui n’est pas encore le cas de tous les foyers français.

Mais si en plus Hadopi s’en mêle, en étant susceptible de couper la connexion à toute une famille, on arrive à une situation pour le moins problématique !

C’est ce que nous rappelle l’Isoc France[2], dans un récent communiqué que nous avons reproduit ci-dessous, à la veille de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi « Hadopi 2 » (qui aura lieu le mardi 15 septembre prochain).

PS : Pour une lecture (plus que) critique du site de l’Académie en ligne, nous vous renvoyons vers ce billet du Framablog.

Hadopi 2 et pandémie : ne coupez pas l’éducation en ligne !

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Isoc – 9 septembre – Communique de Presse

Les solutions proposées pour affronter la pandémie grippale mettent au jour l’inanité des dispositions contenues dans la loi dite Hadopi 2, à commencer par la coupure de l’accès pour toute une famille.

Prochainement proposée au vote du Parlement, cette loi fait suite à la loi Hadopi 1 qui a été partiellement invalidée par le Conseil constitutionnel. Dès le début de la discussion relative à ce premier texte, le chapitre français de l’Internet Society a contesté que la coupure à Internet puisse être une sanction acceptable.

Pour faire face aux fermetures d’établissements, le gouvernement voudrait proposer des cours de substitution par Internet. En attendant que les classes puissent rouvrir normalement, Internet permettra ainsi à nos enfants de continuer à apprendre.

Or, si les dispositions de la Loi Hadopi 2 étaient en vigueur aujourd’hui, l’accès au net de milliers de famille pourrait être suspendu et leurs enfants privés de facto du droit à l’éducation.

Peut-on punir une famille entière, pour les errements supposés d’un de ses membres (ou de ses voisins) ? Quelle législation nationale, pour préserver les profits de quelques artistes et industriels du divertissement, priverait des milliers de familles de l’accès au réseau ?

La pandémie grippale vient rappeler qu’on ne peut pas prétendre entrer dans la société du 21e siècle avec des conceptions disciplinaires d’un autre âge. La société de la connaissance qui s’annonce est une société ouverte, où l’échange direct entre les individus est créateur de richesse et de sens. En votant l’Hadopi 2, les parlementaires français voteront pour le monde d’avant-hier.

La suspension d’Internet ne peut pas être la sanction au téléchargement illégal ou au défaut de sécurisation de sa connexion.

L’Isoc France demande aux députés français de penser au présent et l’avenir de nos enfants, au moment du vote. En leur âme et conscience.

Notes

[1] Crédit photo : Freeparking (Creative Commons By)

[2] Fondée en 1996 par une poignée de pionniers, l’Internet Society France est le Chapitre Français de l’Isoc Association internationale, A l’heure où le réseau devient un enjeu technologique, économique et sociétal majeur, l’Isoc France s’attache à préserver et à défendre les valeurs fondamentales de l’Internet que sont l’universalité, l’accessibilité, le respect des standards ouverts, la non discrimination du réseau et l’interopérabilité des solutions techniques.




Nous y sommes, par Fred Vargas

Joiseyshowaa - CC by-saJe suis un heureux lecteur de Fred Vargas (m’est avis d’ailleurs qu’il doit se cacher quelques Jean-Baptiste Adamsberg dans la communauté du logiciel libre).

Elle a soutenu la liste Europe Écologie aux élections européennes de juin dernier, en signant sur le site de campagne un article que vous n’avez peut-être pas lu et que je souhaitais vous faire partager (à la manière de ces autres publications « hors sujet » du Framablog).

Origine de l’auteur oblige, on est plus ici dans la littérature que dans le politique. Mais sentez-vous vous aussi l’imminence et la nécessité de cette « Troisième Révolution » ? Et si oui, le mouvement du logiciel libre a-t-il quelque chose à y apporter ?

Dans la mesure où le site de campagne tout entier est placé sous licence Creative Commons By-Sa, on peut en déduire que l’article l’est également[1].

Nous y sommes

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Fred Vargas – 7 novembre 2008 – EuropeEcologie.fr

Nous y voilà, nous y sommes.

Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.

Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Notes

[1] Crédit photo : Joiseyshowaa (Creative Commons By-Sa)




Entretien avec Richard Stallman

Mlinksva - CC byCertains pensent que Richard Stallman a déjà tout dit et qu’il ne fait que répéter (voire ânonner) inlassablement le même discours aux quatre coins de la planète.

Ce n’est pas forcément vrai. Surtout quand l’exercice est un entretien et que celle qui pose les questions oriente habilement la conversation, en particulier sur l’activisme et les conditions de sa réussite.

Et pour vous en donner un avant-goût voici sa réponse à la question de son plus grand échec : « Le plus grand échec du mouvement des logiciels libres est ironique : notre logiciel libre et devenu si attirant pour les geeks que l’usage et le développement de logiciels libres se sont beaucoup plus répandus que l’appréciation de la liberté sur laquelle le mouvement se fonde. Le résultat est que nos points de vue en sont venus à être considérés comme excentriques dans la communauté que nous avons construite. »

Une traduction Framalang, avec l’aimable autorisation d’Hillary Rettig[1].

Interview de Richard Stallman

Interview with Richard Stallman

Hillary Rettig – 9 février 2009 – LifeLongActivist.com
(Traduction Framalang : Yonnel et Goofy)

Mon ami Richard Stallman est le fondateur du mouvement du logiciel libre. Ses idées sont à l’origine non seulement du système d’exploitation GNU/Linux, mais aussi de Wikipédia, Creative Commons, de la campagne anti-DRM Defective by Design et d’autres mouvements sociaux importants. Il est lauréat du prix MacArthur, et peut-être l’activiste le plus couronné de succès. Je suis honorée d’avoir pu l’interviewer.

Hillary Rettig : Qu’est-ce que le logiciel libre ?

Richard Stallman : Le logiciel libre, cela implique que l’utilisateur dispose de quatre libertés essentielles :

  • 0. La liberté d’exécuter le programme comme bon vous semble.
  • 1. La liberté d’étudier le code source du programme, puis de le modifier pour que le programme fasse ce que vous voulez.
  • 2. La liberté de distribuer aux autres des copies identiques du programme. (On appelle aussi cela la liberté d’aider son voisin.)
  • 3. La liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées. (On appelle aussi cela la liberté de contribuer à votre communauté.)

Vous travaillez pour la cause du logiciel libre depuis plus de 20 ans. Comment gardez-vous le cap, comment restez-vous « attaché » à votre travail, avec le même sentiment d’urgence ?

J’utilise moi-même des ordinateurs, donc je serai moi-même un de ceux qui perdront leur liberté si le logiciel libre ne s’impose pas. J’ai donc toute la motivation nécessaire pour poursuivre la lutte.

Est-ce que vous ressentez souvent de la peur ou du découragement ? Comment gérez-vous ces sentiments ?

Je suis pessimiste de nature, donc il m’est facile d’imaginer la défaite, surtout étant donné la taille des entreprises contre lesquelles nous nous battons, et leur gouvernement lèche-bottes à Washington. Mais il n’en faut pas autant pour me mener au désespoir. Si je fais quelques tentatives pour corriger un bogue et qu’elles n’aboutissent pas, la frustration peut monter au point que je crie d’angoisse. Mais ce sentiment ne dure que quelques minutes, et ensuite je me remets au travail.

Quant à la peur, ma principale peur est la défaite de la liberté. Le meilleur moyen de l’éviter est de continuer, ce que je fais.

Pourquoi est-ce si important de travailler dans une équipe ou une communauté avec un but commun, et qu’est-ce que vous considérez comme une équipe/communauté efficace ou inefficace ?

La communauté du logiciel libre est très décentralisée – chaque programme a sa propre équipe de support. Il reste beaucoup de place. Si deux personnes ne s’entendent pas, elles n’ont pas besoin de travailler ensemble, elles peuvent travailler séparément. Cela n’élimine pas le problème des conflits de personnalité et des comportements insultants, mais au pire cela ne peut créer que du retard.

Quelles sont vos habitudes de travail, votre emploi du temps, et pourquoi ces habitudes et cet emploi du temps ont-ils évolué ?

Je n’ai pas ou ne veux pas de journée structurée. Quand je me lève, d’habitude je commence à répondre à mes messages. Quand je sens que j’ai besoin d’une pause, je la prends – je peux lire, rêver, écouter de la musique ou manger. Après un moment, je me remets au travail. Je ne suis pas un emploi du temps, sauf pour les voyages et les réunions. Mais quand même, en ce moment, cela représente une bonne partie de mon emploi du temps, ce qui d’une certaine façon est agaçant.

L’époque où j’étais le plus productif, c’était quand je programmais, en 1982. J’avais très peu de rendez-vous, donc je n’avais pas besoin de gérer un emploi du temps sur 24 heures. Quand j’étais fatigué, j’allais dormir. Quand je me levais, je recommençais à travailler. Quand j’avais faim, je mangeais. Aucun emploi du temps ! Cela me permettait d’être très productif, parce que quand je ne dormais pas, j’étais complètement éveillé.

Avez-vous déjà pris un congé sabbatique ou interrompu votre tâche d’activiste ? Pourquoi, ou pourquoi pas ? Si oui, quels bienfaits en avez-vous retiré ?

Dans les années 80, quand le mouvement était nouveau et que mon travail en son sein consistait principalement à développer des logiciels, je n’ai jamais pensé à vouloir me mettre en pause bien longtemps. À présent, comme mon travail est principalement de correspondre avec des personnes, je ne peux plus le faire. Les courriers s’accumuleraient horriblement si je ne les traitais pas jour après jour.

Comment jugez-vous votre efficacité à changer les choses ?

Je ne peux pas être impartial dans l’estimation de mes propres capacités, donc je ne puis répondre à cette question. Ce qui est clair, c’est qu’au moins nous avons mis la première pierre à l’utilisation libre d’ordinateurs, mais nous sommes encore loin de notre objectif : que tous les utilisateurs de logiciels soient libres. Mais au moins le mouvement des logiciels libres continue à grandir.

Que considéreriez-vous comme vos réussites les plus significatives en tant qu’activiste ?

Nous avons développé des systèmes d’exploitation libres, des environnements graphiques libres, des applications libres, des lecteurs média libres, des jeux libres – des milliers. Certaines régions ont adopté GNU/Linux dans leurs écoles publiques. Maintenant il nous faut convaincre le reste du monde d’en faire de même.

Que considéreriez-vous comme vos échecs les plus significatifs, ou dans quels domaines auriez-vous souhaité faire plus de progrès ?

Le plus grand échec du mouvement des logiciels libres est ironique : notre logiciel libre et devenu si attirant pour les geeks que l’usage et le développement de logiciels libres se sont beaucoup plus répandus que l’appréciation de la liberté sur laquelle le mouvement se fonde. Le résultat est que nos points de vue en sont venus à être considérés comme excentriques dans la communauté que nous avons construite.

Dans quelle mesure c’est un échec personnel, je ne le sais pas. Je ne sais pas si j’aurais pu éviter cela en agissant différemment.

Quels avantages naturels (cognitifs, émotionnels, dans votre style de vie, etc.) pensez-vous voir en tant qu’activiste ?

Mes plus gros avantages, autres que ma capacité naturelle en tant que programmeur, sont la persévérance et la détermination, ainsi qu’un sens du défi plein d’insolence et de moquerie qui me permet de faire des choses qui ne sont vraiment pas difficiles, mais devant lesquelles d’autres se déroberaient peut-être.

La plupart des gens semblent supposer que si on vous éloigne de la victoire alors on abandonne. Cela n’a aucun sens pour moi. Quel intérêt pourrait-il bien y avoir à laisser tomber ? Rien de ce que je peux imaginer réussir dans le monde n’est plus important que la défense des droits de l’homme. Tant que mes chances de victoire sont plus grandes si j’essaie que si j’abandonne, il serait absurde de laisser tomber.

Un autre avantage semblerait être que vous faites preuve d’une énorme résistance face aux critiques ou même aux railleries. On s’est moqué de vous pendant des années à propos de points de vue qui sont maintenant considérés comme valides et même majoritaires. Peu de gens savent s’accommoder de ce genre de critiques ou de railleries intenses. Est-ce que cela vous a été difficile, et si vous avez un mécanisme pour vous en accommoder, quel était-il ?

Tout ce que ces railleries disent vraiment, c’est « nous sommes plus gros que vous, nananère ! » Le but est d’intimider les insoumis, et le moyen de contrecarrer ceci est de refuser de se laisser intimider.

Parfois tous les insoumis sont intimidés, sauf un. Cela m’est arrivé plus d’une fois. C’était décourageant jusqu’à ce que j’ai appris à me souvenir que d’autres sont probablement du même avis, même s’ils ne le disent pas tout haut, donc dans les faits je suis leur porte-parole. Je me rends aussi compte que beaucoup d’autres, qui sont indécis, écoutent probablement en pesant les arguments. Rien qu’en restant sur ma position, en restant calme, et en réfutant les arguments des adversaires sans rancœur, je peux en rallier quelques-uns. Bien sûr, il est plus simple de rester calme par e-mail qu’en tête-à-tête, j’essaie donc d’avoir ces débats par e-mail. Une liste de diffusion est aussi susceptible de toucher un plus grand nombre d’indécis que je pourrais peut-être rallier.

Par contraste, dans une discussion en privé j’ai appris à ne pas perdre de temps à écouter les railleries. À la place, je fais quelque chose de plus utile, ce qui est d’habitude également plus agréable.

Quels défauts naturels avez-vous dû compenser ou vaincre ?

Mon principal défaut est une tendance à perdre mon sang-froid. Mais j’ai trouvé un moyen de contrôler cela la plupart du temps : je relis et je réécris mes e-mails avant de les envoyer.

Beaucoup d’activistes ont du mal à décider quels projets ou tâches entreprendre. Beaucoup font le mauvais choix, perdent du temps et compromettent leur efficacité. Comment décidez-vous des projets ou tâches à entreprendre ?

J’ai essayé de me demander à quels problèmes était confrontée la communauté, et ce que je pouvais faire pour changer la situation.

Quelles autres erreurs voyez-vous des activistes faire qui compromettent leur efficacité ?

Je trouve que de nombreux techos qui veulent soutenir le mouvement ne pensent qu’en termes de ce qu’ils peuvent faire seuls dans leur coin. Il ne leur vient pas à l’esprit de chercher des alliés pour agir avec plus de force.

Cependant, d’autres qui se trouvent apprécier les idées du mouvement du logiciel libre sont découragés par la taille de la tâche qui pourrait demander des années de travail, et abandonnent avant la première étape. Ils perçoivent une telle tâche comme impossible à surmonter, sans prendre en compte que nous avons déjà surmonté des tâches bien plus dures.

Quels sacrifices personnels avez-vous fait pour votre activisme ? En regardant en arrière, comment est-ce que vous les percevez ?

Je travaille dur, mais je n’appellerais pas cela un sacrifice. Comment pouvez-vous réussir quelque chose d’important sans travail ? La plupart des gens travaillent dur pour des choses qui n’en valent pas vraiment la peine.

Je me passe de certaines choses que l’on apprend à désirer à la plupart des Américains : je n’ai jamais eu une maison, une voiture ou des enfants. Mais je ne le regrette pas. Si vous avez ces choses, elles font de votre vie un combat désespéré pour pouvoir vous les payer. Souvent les hommes divorcent, après quoi c’est à peine s’ils arrivent à voir les enfants pour la subsistance desquels ils doivent se démener toute leur vie.

Quel gâchis de se battre toute sa vie pour pouvoir se continuer à se battre. C’est en rejetant ces lourds fardeaux que j’ai pu combattre pour quelque chose qui vaut ce combat.

Quels bénéfices personnels avez-vous tiré de votre activisme ?

Je passe le plus clair de mon temps à voyager là où l’on m’a invité à donner des conférences. Par certains aspects, c’est très agréable – je vois beaucoup de pays, je visite des endroits beaux et intéressants, j’essaie de nombreuses nourritures, j’écoute de nombreux styles de musique, et je me fais des amis. Il y a aussi des mauvais côtés : les voyages en avion prennent du temps, la sécurité est fascisante, et je ne peux suivre aucun cours parce que je ne suis pas assez longtemps à la maison.

Quel conseil donneriez-vous aux activistes qui voudraient avoir plus de réussite ou d’efficacité ?

Restez concentrés sur la façon de changer l’avenir. Ne vous reposez pas sur le passé sauf pour tirer les leçons sur le moyen d’être plus efficace à l’avenir. Ne perdez pas de temps à des gestes symboliques, ne mettez pas plus de la moitié de vos efforts dans des actions qui sont efficaces mais qui ne véhiculent aucun message. Dans l’idéal chaque action devrait créer une brèche dans le problème, et aussi inspirer les autres.

Quel est le meilleur moyen pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup de temps ou d’argent pour aider le mouvement du logiciel libre ou tout autre mouvement à soutenir ?

Vous pouvez soutenir le mouvement du logiciel libre avec une petite somme d’argent, en devenant membre de la Free Software Foundation. Vous pouvez soutenir le mouvement en donnant un petit peu de temps, en vous inscrivant sur DefectiveByDesign.org pour participer à nos protestations contre les mesures de gestion numérique du droit d’auteur (DRM). Cela fait référence à la pratique qui vise à développer des produits pour restreindre les droits de l’utilisateur.

Vous pouvez aussi aider en économisant du temps et de l’argent, en n’achetant pas des médias que vous n’avez pas la possibilité de copier. N’achetez pas de BluRay ni de HD-DVD. N’achetez pas de lecteur de livre électronique comme le Swindle d’Amazon (NdT : jeu de mot avec le Kindle signifiant escroquerie) ou le Sony Reader. N’achetez pas de musique ni de films dans des formats cryptés. Insistez pour n’avoir que des médias sans restrictions.

Si vous n’étiez pas programmeur ou activiste du logiciel libre, quelle autre profession auriez-vous aimé embrasser ?

J’aurais apprécié faire de la recherche en physique. Tout comme j’aurais aimé faire du stand-up (NdT : du one-man-show comique cf Wikipédia). Quant à savoir si j’ai la capacité de faire l’un ou l’autre, qui sait ?

Du stand-up ! Quelle est votre blague préférée ?

Je n’ai pas de blague préférée, de plat préféré, de livre préféré, ou de quoi que ce soit préféré. J’ai besoin de notes pour me rappeler de toutes les blagues que je pourrais raconter si les circonstances me les rappellent. Et si je pouvais me souvenir de toutes, j’aurais du mal à les comparer pour en choisir une préférée.

Mais il me revient ce à quoi j’ai pensé aujourd’hui, en un éclair, quand c’était utile. J’ai fait un bilan médical, et le docteur m’a dit « Bon pour le service ! ». J’ai répondu « Quel service ? On n’a même pas de service de santé ! »

Notes

[1] Crédit photo : Mlinksva (Creative Commons By)




La guerre contre le partage doit cesser, nous dit Richard Stallman

Wikimania2009 - CC byIl n’y a aucune justification à la guerre actuelle menée contre le partage en général et celui de la musique en particulier, nous dit ici Richard Stallman, non sans proposer au passage quelques pistes pour sortir de cette inacceptable situation.

On remarquera que cet article ne figure ni sur le site de GNU ni sur celui de la FSF mais sur son site personnel[1].

En finir avec la guerre au partage

Ending the War on Sharing

Richard Stallman – Septembre 2009 – Site personnel
(Traduction Framalang : Claude et Goofy)

Quand les maisons de disques font toute une histoire autour du danger du « piratage », elles ne parlent pas d’attaques violentes de navires. Elles se plaignent du partage de copies de musique, une activité à laquelle participent des millions de personnes dans un esprit de coopération. Le terme « piratage » est utilisé par les maisons de disques pour diaboliser le partage et la coopération en les comparant à un enlèvement,un meurtre ou un vol.

Le copyright (NdT : Pour des questions de non correspondance juridique nous avons choisi de ne pas traduire copyright par droit d’auteur) a été mis en place lorsque la presse imprimée a fait de la copie un produit de masse, le plus souvent à des fins commerciales. Le copyright était acceptable dans ce contexte technologique car il servait à réguler la production industrielle, ne restreignant pas les lecteurs ou (plus tard) les auditeurs de musique.

Dans les années 1890, les maisons de disques commencèrent à vendre des enregistrements musicaux produits en série. Ceux-ci facilitèrent le plaisir de la musique et ne furent pas un obstacle à son écoute. Le copyright sur ces enregistrements était en général peu sujet à controverse dans la mesure où il ne restreignait que les maisons de disques mais pas les auditeurs.

La technique numérique d’aujourd’hui permet à chacun de faire et partager des copies. Les maisons de disques cherchent maintenant à utiliser les lois sur le copyright pour nous refuser l’utilisation de cette avancée technologique. La loi, acceptable quand elle ne restreignait que les éditeurs, est maintenant une injustice car elle interdit la coopération entre citoyens.

Empêcher les gens de partager s’oppose à la nature humaine, aussi la propagande orwellienne du « partager, c’est voler » tombe-t-elle généralement dans l’oreille de sourds. Il semble que le seule manière d’empêcher les gens de partager soit une guerre rude contre le partage. Ainsi, les maisons de disques, au moyen de leurs armes légales comme la RIAA (NdT : RIAA : Recording Industry Association of America), poursuivent en justice des adolescents, leur demandant des centaines de milliers de dollars, pour avoir partagé. Au même moment, des coalitions d’entreprises, en vue de restreindre l’accès du public à la technologie, ont développé des systèmes de Gestion de Droits Numériques (NdT : Systèmes anti-copie ou DRM : Digital Restrictions Management) pensés pour menotter les utilisateurs et rendre les copies impossibles : les exemples incluent iTunes ou encore les disques DVD et Blueray (voir DefectiveByDesign.org pour plus d’informations). Bien que ces coalitions opèrent de façon anti-concurrentielle, les gouvernements oublient systématiquement de les poursuivre légalement.

Le partage continue malgré ces mesures, l’être humain ayant un très fort désir de partage. En conséquence, les maisons de disques et autres éditeurs demandent des mesures toujours plus dures pour châtier les partageurs. Ainsi les États-Unis ont voté une loi en octobre 2008 afin de saisir les ordinateurs utilisés pour le partage interdit. L’union Européenne envisage une directive afin de couper l’accès à Internet aux personnes accusées (pas condamnées) de partage : voir laquadrature.net si vous souhaitez aider et vous opposer à cela. La Nouvelle-Zélande a déjà adopté une telle loi en 2008.

Au cours d’une récente conférence, j’ai entendu une proposition demandant que les gens prouvent leur identité afin d’accéder à Internet : une telle surveillance aiderait aussi à écraser la dissidence et la démocratie. La Chine a annoncé une telle politique pour les cybercafés : l’Europe lui emboitera-t-elle le pas ? Un premier ministre au Royaume-Uni a proposé d’emprisonner dix ans les personnes en cas de partage. Ce n’est toujours pas appliqué… pour le moment. Pendant ce temps, au Mexique, les enfants sont invités à dénoncer leurs propres parents, dans le meilleur style soviétique, pour des copies non-autorisées. Il semble qu’il n’y ait pas de limite à la cruauté proposée par l’industrie du copyright dans sa guerre au partage.

Le principal argument des maisons de disques, en vue de l’interdiction du partage, est que cela cause des pertes d’emplois. Cette assertion se révèle n’être que pure hypothèse[2]. Et même en admettant qu’elle soit vraie, cela ne justifierait pas la guerre au partage. Devrions-nous empêcher les gens de nettoyer leurs maisons pour éviter la perte d’emplois de concierges ? Empêcher les gens de cuisiner ou empêcher le partage de recettes afin d’éviter des pertes d’emplois dans la restauration ? De tels arguments sont absurdes parce que le remède est radicalement plus nocif que la maladie.

Les maisons de disques prétendent aussi que le partage de musique ôte de l’argent aux musiciens. Voilà une sorte de demi-vérité pire qu’un mensonge : on n’y trouve même pas une vraie moitié de vérité.
Car même en admettant leur supposition que vous auriez acheté sinon un exemplaire de la même musique (généralement faux, mais parfois vrai), c’est seulement si les musiciens sont des célébrités établies depuis longtemps qu’ils gagneront de l’argent suite à votre achat. Les maisons de disques intimident les musiciens, au début de leur carrière, par des contrats abusifs les liant pour cinq ou sept albums. Il est rarissime qu’un enregistrement, sous incidence de ces contrats, vende suffisamment d’exemplaires pour rapporter un centime à son auteur. Pour plus de détails, suivez ce lien. Abstraction faite des célébrités bien établies, le partage ne fait que réduire le revenu que les industriels du disque vont dépenser en procès intentés aux amateurs de musique.

Quant aux quelques musiciens qui ne sont pas exploités par leurs contrats, les célébrités bien assises, ce n’est pas un problème particulier pour la société ou la musique si elles deviennent un peu moins riches. Il n’y a aucune justification à la guerre au partage. Nous, le public, devrions y mettre un terme.

Certains prétendent que les maisons de disques ne réussiront jamais à empêcher les gens de partager, que cela est tout simplement impossible[3]. Etant données les forces asymétriques des lobbyistes des maisons de disques et des amateurs de musique, je me méfie des prédictions sur l’issue de cette guerre ; en tout cas, c’est folie de sous-estimer l’ennemi. Nous devons supposer que chaque camp peut gagner et que le dénouement dépend de nous.

De plus, même si les maisons de disques ne réussiront jamais à étouffer la coopération humaine, elles causent déjà aujourd’hui énormément de dégâts, juste en s’y essayant, avec l’intention d’en générer davantage demain. Plutôt que de les laisser continuer cette guerre au partage jusqu’à ce qu’ils admettent sa futilité, nous devons les arrêter aussi vite que possible. Nous devons légaliser le partage.

Certains disent que la société en réseau n’a plus besoin de maisons de disques. Je n’adhère pas à cette position. Je ne paierai jamais pour un téléchargement de musique tant que je ne pourrais pas le faire anonymement, je veux donc être capable d’acheter des CDs anonymement dans une boutique. Je ne souhaite pas la disparition des maisons de disques en général, mais je n’abandonnerai pas ma liberté pour qu’elles puissent continuer.

Le but du copyright (sur des enregistrements musicaux ou toute autre chose) est simple : encourager l’écriture et l’art. C’est un but séduisant mais il y a des limites à sa justification. Empêcher les gens de pratiquer le partage sans but commercial, c’est tout simplement abusif. Si nous voulons promouvoir la musique à l’âge des réseaux informatiques, nous devons choisir des méthodes correspondant à ce que nous voulons faire avec la musique, et ceci comprend le partage.

Voici quelques suggestions à propos de ce que nous pourrions faire :

  • Les fans d’un certain style de musique pourraient organiser des fans clubs qui aideraient les gens aimant cette musique.
  • Nous pourrions augmenter les fonds des programmes gouvernementaux existants qui subventionnent les concerts et autres représentations publiques.
  • Les artistes pourraient financer leurs projets artistiques coûteux par des souscriptions, les fonds devant être remboursés si rien n’est fait.
  • De nombreux musiciens obtiennent plus d’argent des produits dérivés que des enregistrements. S’ils adoptent cette voie, ils n’ont aucune raison de restreindre la copie, bien au contraire.
  • Nous pourrions soutenir les artistes musiciens par des fonds publics distribués directement en fonction de la racine cubique de leur popularité. Utiliser la racine cubique signifie que, si la célébrité A est 1000 fois plus populaire que l’artiste chevronné B, A touchera 10 fois plus que B. Cette manière de partager l’argent est une façon efficace de promouvoir une grande diversité de musique.
    La loi devrait s’assurer que les labels de disques ne pourront pas confisquer ces sommes à l’artiste, l’expérience montrant qu’elles vont essayer de le faire. Parler de « compensation » des « détenteurs de droits » est une manière voilée de proposer de donner l’essentiel de l’argent aux maisons de disques, au nom des artistes.
    Ces fonds pourraient venir du budget général, ou d’une taxe spéciale sur quelque chose liée plus ou moins directement à l’écoute de musique, telle que disques vierges ou connexion internet.
  • Soutenir l’artiste par des paiements volontaires. Cela fonctionne déjà plutôt bien pour quelques artistes tels que Radiohead, Nine Inch nail (NdT : Voir cette vidéo) ou Jane Siberry (sheeba.ca), même en utilisant des systèmes peu pratiques qui obligent l’acheteur à avoir une carte de crédit.
    Si chaque amateur de musique pouvait payer avec une monnaie numérique (NdT : digital cash), si chaque lecteur de musique comportait un bouton sur lequel appuyer pour envoyer un euro à l’artiste qui a créé le morceau que vous écoutez, ne le pousseriez-vous pas occasionnellement, peut-être une fois par semaine ? Seuls les pauvres et les vrais radins refuseraient.

Vous avez peut-être d’autres bonnes idées. Soutenons les musiciens et légalisons le partage.

Copyright 2009 Richard Stallman
Cet article est sous licence Creative Commons Attribution Noderivs version 3.0

Notes

[1] Crédit photo : Wikimania2009 (Creative Commons By)

[2] Voir cet article, mais attention à son utilisation du terme de propagande « propriété intellectuelle », qui entretient la confusion en mettant dans le même panier des lois sans rapport. Voir ce lien et pourquoi il n’est jamais bon d’utiliser ce terme.

[3] Voir the-future-of-copyright.




Trente mille euros de dons en sept mois et Framasoft se donne un peu d’air

Logo Framasoft - LL de Mars - Art LibreDu fond du cœur merci !

Merci à tous ceux qui ont participé à notre campagne de dons.

Ceci nous permet d’aborder la rentrée avec confiance et d’entrevoir l’exercice 2009/2010 avec beaucoup plus de sérénité.

En février dernier, lorsque nous avons constaté que les caisses de l’association étaient insuffisantes pour conserver notre unique (et indispensable) salarié, nous avons donc décidé de lancer une campagne de dons.

Cela s’est fait en toute discrétion : aucune annonce tonitruante, aucune demande de relai, une simple référence en haut de page de tous les sites du réseau, ainsi qu’une fenêtre d’information s’affichant au moment du téléchargement d’une framakey ou d’un framabook.

Nous avions fixé un peu arbitrairement la somme à atteindre à trente mille euros, le minimum vital pour achever l’année 2009. Certains, chez nous, ont dit que c’était trop bas eu égard à nos réels besoins. D’autres ont dit au contraire que c’était trop haut et qu’en temps de crise et de processus complexe de dons sur Internet, on se « taperait la honte » en n’y arrivant pas.

La honte attendra, la fin de l’aventure également, puisque, grâce à vous, nous y sommes arrivés (ou presque, vous pouvez encore y aller !). Et, au delà de l’aspect purement comptable, cela donne la pêche à toute l’équipe parce que cela témoigne de votre attachement à ce qu’est et ce que fait Framasoft.

À rapprocher d’un autre succès, celui de l’April et de ses cinq mille membres, pour émettre l’hypothèse que le logiciel libre francophone dispose d’une petite mais solide base de personnes capables de se mobiliser en soutenant aussi matériellement certains de ces acteurs. De quoi rendre optimiste en ces temps où la « mentalité Hadopi » menace les biens communs…

Objectif atteint certes, mais nous n’en déboucherons pas le champagne pour autant (notre trésorier nous l’interdirait de toutes les façons). Rien n’est acquis et notre fragilité demeure. Ce n’était qu’une étape, en quelque sorte celle de l’urgence et de la survie, et nous n’avons malheureusement pas fini de vous solliciter. Mais nous le ferons avec d’autant plus de facilité (voire de légitimité) que nous pouvons pour le moment continuer à nous concentrer sur notre travail, nos projets et le service rendu par notre réseau.

Dans un prochain billet nos vous donnerons quelques détails sur ce que nous comptons poursuivre et développer ensemble cette année. Nous publierons également le budget et les dépenses de l’association.

Une nouvelle fois merci pour votre reconnaissance et vos encouragements.

La route est longue mais la voie est libre.
L’équipe Framasoft




SARD : première initiative marquante de l’ère post Hadopi ?

Delcio G.P. Filho - CC byLe 8 septembre prochain à Paris, au cours d’une rencontre ouverte à tous où seront présentes de nombreuses et éminentes personnalités (Richard Stallman, Bernard Stiegler, Martine Billard, Laurent Chemla…), va se créer officiellement la SARD, acronyme de Société d’Acceptation et de Répartition des Dons.

Vous en trouverez le Communiqué de Presse ci-dessous ainsi qu’une première Foire Aux Questions.

J’en suis signataire, tout comme Benjamin Jean qui outre ses fonctions à Veni Vidi Libri est également membre de Framasoft[1].

Je lui cède d’ailleurs la place pour nous présenter une initiative qu’il n’hésite pas à qualifier de « pavé dans la mare » qui pourrait changer, modifier notre vision de la propriété intellectuelle et la place qu’elle occupe dans notre société. Ces propos n’engagent que son auteur[2] mais je m’y associe bien volontiers.

Tout le monde connaît, même vaguement la Propriété Intellectuelle[3] et les utilisations qui peuvent en être faites (pour prendre les deux extrêmes : le contrôle absolu représenté par la SACEM ou les éditeurs de logiciels traditionnels, et le partage par les licences libres).

En bref, la propriété intellectuelle repose sur un équilibre entre l’intérêt du public (A) et l’intérêt des créateurs/auteurs/inventeurs/etc (B)[4]. Ses objectifs (qui justifie le monopole accordé aux ayants-droits (B)) sont : 1. de faciliter et favoriser l’innovation (au bénéfice de la société et donc du public (A)), 2. donner à l’auteur un contrôle sur son oeuvre en raison du lien qui les unit[5].

Ce système repose sur un postulat : « puisqu’il existe et qu‘il marche (des gens continuent à créer et innover), c’est bien que le système actuel favorise la création et sa diffusion. »

La SARD serait donc une remise en question de ce dernier postulat : un changement de paradigme, de mentalité, un système différent qui, s’il fonctionne, montrerait que le système actuel de Propriété Intellectuelle n’est pas la seule (et/ou la meilleure) façon de favoriser la création et l’innovation. Attention, il ne s’agit pas forcément d’une alternative, mais plus d’un système parallèle qui, s’il marche, délégitimerait celui que l’on connaît aujourd’hui.

Ainsi, ces artistes pourraient éventuellement toucher de l’argent/un financement sans user de leurs droits de propriété intellectuelle, à eux de voir ensuite s’ils désirent jouer dans les deux camps (qui sont néanmoins contradictoire puisqu’il me semble légitime de penser que celui qui compte diffuser gratuitement et massivement sa musique aura plus de facilité à recevoir des dons que celui qui ne vend que quelques exemplaires dans quelques boutiques spécialisées).

Voici donc une initiative des plus ambitieuses ! Difficile de prédire ce qu’il en adviendra.

Au pire nous aurons contribué à déplacer le « débat Hadopi » vers une réflexion moins répressive et plus constructive. Au mieux nous aurons effectivement participé à ce « changement de paradigme », sachant que, GNU/Linux ou Wikipédia peuvent en témoigner, l’époque semble favorable aux projets impossibles qui aboutissent.

Naissance de la SARD, Société d’acceptation et de répartition des dons, un nouveau mécanisme pour pour financer équitablement la créativité et la diversité numérique

URL d’origine du communiqué de presse

Paris, le 4 septembre 2009. Mardi 8 septembre à 16h sera fondée à Paris la Société d’acceptation et de répartition des dons (SARD), dans le cadre d’une journée consacrée aux alternatives au système des droits d’auteur, fragilisés à l’heure des réseaux d’information et de communication. En présence d’un des fondateurs du mouvement pour le logiciel libre, Richard Stallman, du philosophe Bernard Stiegler, d’artistes et de politiques (Pierre Aidenbaum, Martine Billard, Patrick Bloche), les fondateurs de la SARD présenteront ce système volontaire nouveau, inspiré par la proposition du Mécénat Global, basé sur le don du public aux œuvres qu’il souhaite soutenir.

Hadopi n’est pas encore adoptée par le Parlement en France que ce projet de loi liberticide se trouve déjà dépassé. Partout dans le monde, les lois qui régissent les rapports entre public et création sont en chantier, les industries culturelles crient au loup (le piratage), tandis que les auteurs n’ont toujours pas accès à un système de financement de leurs œuvres. Et les (longs) débats législatifs autour de la répression du public au nom de la protection des auteurs n’ont fait émerger aucun nouveau système de soutien à la création.

Pour sortir des discours caricaturaux et aborder les questions du financement de la création sur l’Internet et les réseaux, la reconnaissance des artistes et auteurs d’oeuvres numériques sur Internet, la SARD, ouverte au public, aux artistes, auteurs et créateurs, du monde entier et de toutes nationalités, se mobilise pour le libre accès à la culture, grâce à un système de financement par le don.

Trop utopiste, trop compliqué, trop alternatif, trop expérimental ? Ces critiques à l’encontre des tentatives de réfléchir à des alternatives viables à la notion hégémonique et confuse de « propriété intellectuelle » sont fréquentes. Pour répondre aux questions et appeler à un dialogue constructif entre public, auteurs et politiques,les membres fondateurs de la SARD (artistes, éditeurs, ingénieurs, journalistes, membres d’associations soutenant le libre, scientifiques) vous invitent à cette journée exceptionnelle.

Quand ?

  • Le 8 septembre, de 16h à 22h.

Où ?

  • Mairie du 3ème, 2 rue Eugène Spuller, 75003 Paris.

Quoi ?

  • De 16h à 19h: Assemblée constituante de la Société d’Acceptation et de Répartition des Dons (SARD).
  • De 19h à 20h: Conférence de presse.
  • De 20h à 22h: Conférence: quelle alternative concrète pour le financement des œuvres numériques ? Avec Richard Stallman (le fondateur de GNU/Linux présentera le Mécénat global), Bernard Stiegler (le président d’Ars Industrialis parlera d’« Amateur d’art ou consommateur » et Antoine Moreau, l’instigateur de la Licence Art Libre, posera la question du « tous artistes ? ». Modération Laurent Chemla.

Comment ?

  • Accès libre.

En savoir plus ?

SARD, la FAQ

URL d’origine du document

Qui ?

Benjamin Jean (Veni Vidi Libri), Valentin Lacambre (Altern), Dominique Lacroix, Philippe Langlois (Hacklab), Christian Lavigne (poete et cybersculpteur), Antoine Moreau (instigateur de la Licence Art Libre), Francis Muguet (Mécénat global), Jérémie Nestel (Attention Chantier), Mathieu Pasquini (InLibroVeritas), Louis Pouzin (un pere de l’internet), Annick Rivoire (Poptronics), Raphael Rousseau (un fils de l’internet, activiste du Libre), Michel Sitbon (ACJ, Association des cyber-journaliste), Pierre Troller (artiste), Alexis Kauffmann (Framasoft).

Quoi ?

La SARD ou Société d’acceptation et de répartition des dons est ouverte aux artistes, auteurs et créateurs de toutes nationalités. Elle a pour objet de favoriser le libre acces a la culture, grâce a un systeme de financement par le don.

Ce mode de financement concerne toute production de l’esprit, et notamment tous les types d’oeuvres numériques et numérisées, qu’elles soient textuelles (blogs, sites, articles…), audio, visuelles, logicielles, plastiques ou musicales.

Sont considérés comme auteurs, toutes les personnes ayant contribué a la création de l’oeuvre.

Où ?

Sur l’Internet, et, plus largement, sur tous les réseaux d’information et de communication et dans tous les pays.

Pourquoi ?

Aujourd’hui, la création sur Internet et les réseaux d’information ne peut se suffire de la seule gratuité. Elle doit etre financée d’une maniere juste et équitable pour répondre aux attentes des artistes, des auteurs et du public. Le succes d’Internet reposant sur des millions d’auteurs et de contributeurs, il est important que ceux-ci, dans leur pluralité, puissent se fédérer pour que se constitue un mode de financement de la création.

Comment ?

Il s’agit de mettre en place un mécanisme simple de répartition des dons, faits par les internautes pour les oeuvres de leur choix. Il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe ou redevance, mais bien d’une nouvelle façon de concevoir le rapport entre les auteurs et le public.

Qui donne ? Les grands donateurs (prestataires Internet, opérateurs télécoms, etc.) et les internautes directement, selon leur appréciation.

Comment l’argent collecté est-il réparti ? La SARD, en tant que structure d’expérimentation, mettra en place plusieurs systemes de répartition :

  • l’internaute donne directement aux oeuvres de son choix.
  • l’internaute verse au pot commun a la SARD selon des clés de répartition transparentes et claires, établies a partir de l’appréciation des internautes.
  • les grands donateurs versent au pot commun de la SARD.

Un comité d’évaluation indépendant contrôlera régulierement le fonctionnement de l’association.

Combien ?

L’intégralité des dons destinés aux oeuvres est redistribuée aux oeuvres. Les frais de gestion de l’association sont financés par des donations spécifiques.

Pour Qui ?

Tous les artistes, auteurs et créateurs qui ont inscrit volontairement leurs oeuvres au service d’acceptation et et de répartition des dons.

Sont susceptibles d’inscrire leurs oeuvres :

  • les artistes, auteurs et créateurs inscrits aupres des sociétés de gestion collective traditionnelles, la SARD vient en parallele des dispositifs existants.
  • les artistes, auteurs et créateurs qui ne sont pas inscrits aupres des sociétés de gestion collective, l’inscription a la SARD n’engage en rien leurs droits sur leurs oeuvres.
  • les artistes, auteurs et créateurs sous licence libre qui ne sont pas membres d’une société de gestion collective, la SARD est favorable a l’usage des licences libres.

Pour en savoir plus ?

http://www.sard-info.org

Notes

[1] Crédit photo : Delcio G.P. Filho (Creative Commons By)

[2] Source : Blog de Veni Vidi Libri (sous licence Art Libre)

[3] Pour faire court, un ensemble de droits reconnus à une personne sur une création particulière et assimilable à ceux d’un propriétaire sur sa chose/son bien.

[4] De nombreuses thèses existent sur ce « droit du public à l’information » qui relative les droits des auteurs notamment.

[5] Néanmoins, durant de longues années, les USA assuraient une protection quasi-équivalente aux droits moraux sans user des droits de propriété intellectuelle.