Open Attribute : Rendre à César ce que César a rendu libre

Open Attribute - Mozilla DrumbeatIssu de l’incubateur Mozilla Drumbeat, Open Attribute un petit projet bien pratique pour justement créditer les auteurs qui ont généreusement choisi de placer leurs ressources sous licence libre ou licence de libre diffusion.

Il s’agit pour le moment d’une extension Firefox (mais aussi Chrome) qui affiche une icône active, dans la barre d’adresse de votre navigateur, à chaque fois que vous passez sur un site dont le contenu est sous licence libre (comme Wikipédia ou une partie de l’annuaire de photographies Flickr).

En cliquant sur cette icône, on vous proposera un texte à copier/coller si jamais il vous vient l’envie de réutiliser ce contenu. C’est bien pratique et cela contribue à ne pas casser le cercle vertueux du Libre en oubliant de citer la source et la paternité du contenu dont vous souhaitez faire usage.

La condition c’est que le site ait bien renseigné ses métadonnées en indiquant la licence de son contenu. Mais si tel n’était pas le cas, cela participera justement à ce que de plus en plus de sites fassent cet effort (comme… Framasoft par exemple !).

Nous en avons traduit ci-dessous l’annonce sur la page d’accueil du projet.

Rendre à César ce qui appartient à César

Give credit where credit is due

(Traduction Framalang : Antistress et Sylvain)

Le problème : Les œuvres sous licences Creative Commons sont fantastiques mais il peut être difficile d’en connaître les auteurs. La règle d’or pour pouvoir utiliser une œuvre placée sous une licence permissive est d’en attribuer la paternité à son (ses) auteur(s). Il y a d’autres conditions plus poussées à respecter mais ces conditions peuvent être confuses et difficile à trouver.

La solution : Un outil simple que chacun peut utiliser d’un clic et qui permet de respecter ces conditions. C’est pourquoi nous avons conçu Open Attribute, un ensemble d’outils qui facilite grandement la reproduction des conditions d’utilisation de n’importe quelle œuvre sous licence Creative Commons. Ces outils vont extraire les métadonnées relatives à la licence d’utilisation de l’œuvre et produire le texte de la licence d’utilisation qu’il ne restera plus qu’à copier/coller selon ses besoins.

Open Attribute est né au festival de Barcelone “Learning, Freedom and the Web” dans le cadre du projet Mozilla Drumbeat. Un groupe de volontaires de différents pays a collaboré pour concevoir, réaliser et publier Open Attribute. Un grand merci à tous ceux qui ont travaillé dur pour y arriver !




Google Art Project : Une petite note discordante dans un concert de louanges

Antonio Pollaiuolo - Public DomainGoogle vient de sortir un énième nouveau projet : Google Art Project.

Il est ainsi décrit dans cette dépêche AFP : « Google a lancé une plate-forme permettant aux amateurs d’art de se promener virtuellement dans 17 des plus grands musées du monde, dont le MoMA de New York et le Château de Versailles, grâce à sa technologie Street View, familier des utilisateurs du site de cartes Google Maps ».

La présentation vidéo de Google est spectaculaire et la visite virtuelle l’est tout autant. Ce qui m’a le plus impressionné c’est le fait que chaque musée offre l’une de ses œuvres à une précision numérique hors du commun (7 milliards de pixels !). Regardez un peu ce que cela donne dans le détail pour La Naissance de Vénus de Boticceli.

Faites un zoom sur son visage et vous serez peut-être comme moi saisi par une certaine émotion. Et si j’ai pris cet exemple ce que j’étais encore récemment devant le vrai tableau à Florence. L’émotion est tout autre, sans commune mesure, elle est bien plus intense évidemment, mais pouvoir regarder à la loupe un tel chef-d’œuvre n’est pas sans intérêt[1].

On a alors vu toute la presse, petit et grande, s’enthousiasmer sur ce nouveau service gratuit (cela allait sans dire avec Google). J’ai ainsi pu comptabiliser plus d’une centaine d’articles dans… Google Actualités (sic, on n’en sort pas !), et jamais je n’y ai lu la moindre critique.

La seule question que l’on se pose éventuellement est de se demander furtivement si un tel projet peut se substituer à la visite réelle. Et la réponse, aussi bien du côté Google que du côté musées, est au contraire que cela stimule la curiosité et amplifie le désir de venir. Un peu comme la vitrine d’un magasin vous donne envie de rentrer en somme. Et puis pour ceux qui ne peuvent vraiment pas y aller comme les enfants d’Afrique ou d’Amérique Latine, c’est toujours bien mieux que rien.

Personne n’est donc venu apporter un seul bémol. On aurait pu souligner que c’est encore et toujours du Google, qui de projets sympas en projets sympas, commence à atteindre une taille intrinsèquement monstrueuse. On aurait pu regretter que pour pouvoir bénéficier d’un parcours individualisé et former ses propres collections il faille évidemment un compte Google (c’est gratuit mais c’est bien là le prix à payer à Google). Plus subtil mais pas moins important, on aurait pu se demander quelles étaient exactement les conditions juridiques des accords entre Google et les musées, notamment pour ce qui concerne l’épineuse question de la reproduction d’œuvres dans le domaine public (d’ailleurs on voit déjà fleurir dans Wikimedia Commons des reproductions d’œuvres directement issues des reproductions de Google Art Project !).

Personne, sauf peut-être Adrienne Alix, présidente de Wikimedia France, qui a publié sur son blog personnel sa « vision critique » du projet, dans un billet que nous avons reproduit ci-dessous parce que nous partageons sa perplexité.

« Les wikimédiens passent énormément de temps à prendre de belles photographies de ces œuvres pour les mettre librement à disposition sur Wikimedia Commons et permettre à tous de les réutiliser. Il est souvent difficile de faire admettre aux musées qu’il est bon de permettre cette très large diffusion de la culture. Les choses changent peu à peu, le dialogue s’engage ces derniers temps, et c’est une très bonne chose (…) Quelle est ma crainte ? Que ces musées qui commencent timidement à ouvrir leurs portes et se lancent avec nous en faisant confiance, en prenant le pari de la diffusion libre de contenus dans le domaine public, se replient sur une solution verrouillée comme celle proposée par Google Art Project, où l’internaute ne peut absolument pas réutiliser les œuvres ainsi montrées. On visite, on ne touche pas. On ne s’approprie pas. On est spectateur, et c’est tout. Je crains que par envie de contrôle de l’utilisation des reproductions d’œuvres conservées dans les musées, la notion de domaine public recule. »

Vous trouverez par ailleurs en annexe, un petit clip vidéo montrant un photographe wikipédien à l’œuvre. Quand Google nous propose une visite virtuelle clinquante mais balisée et pour tout dire un brin étouffante, Wikipédia donne envie d’arpenter le vaste monde et d’en garder traces au bénéfice de tous.

Google Art Project : vision critique

URL d’origine du document

Adrienne Alix – 3 février 2011 – Compteurdedit
Licence Creative Commons By-Sa

Depuis deux jours, le web (et notamment le web « culturel », mais pas seulement) s’enthousiasme pour le dernier-né des projets développés par Google, Google Art Project.

Le principe est compréhensible facilement : Google Art Project, sur le modèle de Google Street View, permet de visiter virtuellement des musées en offrant aux visiteurs une vue à 360°, un déplacement dans les salles. On peut aussi zoomer sur quelques œuvres photographiées avec une très haute résolution et pouvoir en apprécier tous les détails, certainement mieux que ce qu’on pourrait faire en visitant réellement le musée.

Et donc, tout le monde s’extasie devant ce nouveau projet, qui permet de se promener au musée Van Gogh d’Amsterdam, au château de Versailles, à l’Hermitage, à la National Gallery de Londres, etc. En effet c’est surprenant, intéressant, on peut s’amuser à se promener dans les musées.

En revanche, au-delà de l’aspect anecdotique et de l’enthousiasme à présent de rigueur à chaque sortie de projet Google, j’aimerais pointer quelques petits points, qui peuvent paraître pinailleurs, mais qui me semblent importants.

1- d’une part, la qualité n’est pas toujours là. Vous pouvez en effet vous promener dans le musée, mais ne comptez pas forcément pouvoir regarder chaque œuvre en détail. On est dans de la visite « lointaine », un zoom sur une œuvre donnera quelque chose de totalement flou. Les deux captures d’écran ci-dessous sont, je pense, éloquentes.

2- Google rajoute une jolie couche de droits sur les œuvres qui sont intégrées dans ces visites virtuelles. Une part énorme de ces œuvres est dans le domaine public. Pourtant, les conditions générales du site Google Art Project sont très claires : cliquez sur le « Learn more » sur la page d’accueil. Vous verrez deux vidéos expliquant le fonctionnement du service, puis en descendant, une FAQ. Et cette FAQ est très claire :

Are the images on the Art Project site copyright protected?

Yes. The high resolution imagery of artworks featured on the art project site are owned by the museums, and these images are protected by copyright laws around the world. The Street View imagery is owned by Google. All of the imagery on this site is provided for the sole purpose of enabling you to use and enjoy the benefit of the art project site, in the manner permitted by Google’s Terms of Service.

The normal Google Terms of Service apply to your use of the entire site.

On y lit que les photos en haute résolution des œuvres d’art sont la propriété des musées et qu’elles sont protégées par le « copyright » partout dans le monde. Les images prises avec la technologie « street view » sont la propriété de Google. Les images sont fournies dans le seul but de nous faire profiter du Google Art Projetc. Et on nous renvoie vers les conditions générales de Google.

En gros, vous ne pouvez rien faire de ce service. Vous pouvez regarder, mais pas toucher.

3 – D’ailleurs vous ne pouvez techniquement pas faire grand chose de ces vues. Y compris les vues en très haute définition. Effectivement le niveau de détail est impressionnant, c’est vraiment une manière incroyable de regarder une œuvre. Mais après ? Vous pouvez créer une collection. Soit, je décide de créer une collection. Pour cela il faut que je m’identifie avec mon compte google (donc si vous n’avez pas de compte google, c’est dommage pour vous, et si vous vous identifiez, cela fait encore une donnée sur vous, votre personnalité, que vous fournissez à Google. Une de plus). Je peux annoter l’œuvre (mettre un petit texte à côté, sauvegarder un zoom, etc). Que puis-je faire ensuite ? Et bien, pas grand chose. Je peux partager sur Facebook, sur Twitter, sur Google Buzz ou par mail.
Mais en fait, je ne partage pas réellement l’œuvre, je partage un lien vers ma « collection ». C’est à dire que jamais, jamais je ne peux réutiliser cette œuvre en dehors du site.

Donc si par exemple je suis professeur d’histoire ou d’histoire de l’art, je suis obligée de faire entrer mes élèves sur ce site pour leur montrer l’œuvre, je ne peux pas la réutiliser à l’intérieur de mon propre cours, en l’intégrant totalement. Ni pour un exposé. Je ne peux pas télécharger l’œuvre. Qui pourtant est, dans l’immense majorité des cas, dans le domaine public. Il faut donc croire que la photographie en très haute résolution rajoute une couche de droits sur cette photo, ce qui pourrait se défendre, pourquoi pas, mais aujourd’hui ça n’est pas quelque chose d’évident juridiquement.


Vous me direz qu’après tout, cela résulte de partenariats entre des musées et Google, ils prennent les conditions qu’ils veulent, c’est leur problème, on a déjà de la chance de voir tout cela. Ok. Mais ce n’est pas la conception de partage de la culture que je défends.

Je me permettrai de rappeler que, en tant que wikimédienne, et défendant la diffusion libre de la culture, je suis attachée à la notion de « domaine public ». Au fait que, passé 70 ans après la mort d’un auteur, en France et dans une très grande partie du monde, une œuvre est réputée être dans le domaine public. Et donc sa diffusion peut être totalement libre. Sa réutilisation aussi, son partage, etc.

Les wikimédiens passent énormément de temps à prendre de belles photographies de ces œuvres pour les mettre librement à disposition sur Wikimedia Commons et permettre à tous de les réutiliser. Il est souvent difficile de faire admettre aux musées qu’il est bon de permettre cette très large diffusion de la culture. Les choses changent peu à peu, le dialogue s’engage ces derniers temps, et c’est une très bonne chose. Nos points d’achoppement avec les musées tiennent souvent à la crainte de « mauvaise utilisation » des œuvres, le domaine public leur fait peur parce qu’ils perdent totalement le contrôle sur ces œuvres (notamment la réutilisation commerciale). Ils discutent cependant avec nous parce qu’ils ont conscience qu’il est impensable aujourd’hui de ne pas diffuser ses œuvres sur internet, et Wikipédia est tout de même une voie royale de diffusion, par le trafic énorme drainé dans le monde entier (pour rappel, plus de 16 millions de visiteurs unique par mois en France, soit le 6e site fréquenté).

Quelle est ma crainte ? Que ces musées qui commencent timidement à ouvrir leurs portes et se lancent avec nous en faisant confiance, en prenant le pari de la diffusion libre de contenus dans le domaine public, se replient sur une solution verrouillée comme celle proposée par Google Art Project, où l’internaute ne peut absolument pas réutiliser les œuvres ainsi montrées. On visite, on ne touche pas. On ne s’approprie pas. On est spectateur, et c’est tout. Je crains que par envie de contrôle de l’utilisation des reproductions d’œuvres conservées dans les musées, la notion de domaine public recule.

Alors certes, la technologie est intéressante, le buzz est légitime, l’expérience de visite est plaisante. Mais au-delà de cela, est-ce vraiment une vision moderne et « 2.0 » du patrimoine qui est donnée ici ? Je ne le pense pas. J’ai même une furieuse impression de me retrouver dans un CD-ROM d’il y a 10 ans, ou dans le musée de grand-papa.

Pour terminer, je vous invite à aller vous promener sur Wikimedia Commons, dans les catégories concernant ces mêmes musées. C’est moins glamour, pas toujours en très haute résolution, mais vous pouvez télécharger, réutiliser, diffuser comme vous voulez, vous êtes libres…

Au cas où il serait nécessaire de le préciser : je m’exprime ici en mon nom personnel, et uniquement en mon nom personnel. Les opinions que je peux exprimer n’engagent en rien l’association Wikimédia France, qui dispose de ses propres canaux de communication.

Annexe : Vidéo promotionnelle pour Wiki loves monuments

Réalisée par Fanny Schertzer et Ludovic Péron (que l’on a déjà pu voir par ailleurs dans cet excellent reportage).

—> La vidéo au format webm

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Notes

[1] Illustration : Portrait de jeune femme, Antonio Polaiolo, fin XVe siècle, MoMatélécharger librement…)




Breveter des logiciels ? Beethoven ne l’aurait pas entendu de cette oreille !

Dans cette courte séquence vidéo, extraite du film Patent Absurdity, que nous vous présentons aujourd’hui sous-titrée par nos soins, Richard Stallman nous alerte par analogie sur les dangers que représentent les brevets appliqués aux logiciels. Et si Beethoven avait été confronté en son temps à un système de brevets sur la musique ?

Cette séquence nous renseigne à double titre.

D’une part, la pertinente démonstration nous fait toucher du doigt les dangers du brevet logiciel dont le principe a été maintes fois repoussé en Europe mais qui menace toujours. Pour en savoir plus sur le sujet, nous ne saurions que trop vous conseiller de lire la synthèse que vient de publier l’April.

D’autre part, pour qui connaît un peu le bonhomme et son histoire (lire à ce sujet le framabook « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre – Une biographie autorisée »), on imagine sans peine la frustration qu’un système de brevets logiciels – en vigueur aux États-Unis – peut engendrer. Richard Stallman est un hacker reconnu, c’est-à-dire un virtuose du code, et l’on peut alors parler d’un art de la programmation. Un art qui a eu ses Beethoven et qui souhaite continuer à en avoir encore demain.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

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Imaginons qu’au XVIIIe siècle les gouvernements d’Europe aient décidé d’encourager le progrès de la musique symphonique – ou du moins le pensaient-ils – avec un système de brevets sur les idées musicales.

Toute personne pouvant décrire une nouvelle idée musicale avec des mots obtiendrait un brevet qui serait un monopole sur cette idée.

Cette personne pourrait ensuite poursuivre quiconque mettant en œuvre cette idée dans un morceau de musique.

Ainsi un motif rythmique pourrait être breveté, ou une séquence d’accords, ou un ensemble d’instruments à utiliser ensemble, ou n’importe quelle idée que vous auriez pu décrire avec des mots.


Maintenant imaginez que nous sommes en 1800, que vous êtes Beethoven et que voulez écrire une symphonie.

Vous allez trouver qu’il est plus difficile d’écrire une symphonie pour laquelle vous ne serez pas poursuivi en justice, que d’écrire une symphonie qui sonne bien.

Parce que pour écrire une symphonie et ne pas être poursuivi, vous allez devoir frayer un chemin au travers de milliers de brevets sur les idées musicales.

Et si vous vous plaignez en disant que cela entrave votre créativité, les titulaires de brevets diraient : « Oh, Beethoven, vous êtes juste jaloux parce que nous avons eu ces idées avant vous. Pourquoi devriez-vous voler nos idées ? »




Quand la coopérative dessine le chemin d’une autre voie possible en entreprise

Ernst Vikne - CC by-saSi l’économie est, dans son acception commune, l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services, alors le logiciel libre propose effectivement une organisation originale et alternative à l’économie informatique, le bien étant bien commun et le service véritablement au service de ses utilisateurs.

Il serait un peu rapide et hasardeux d’affirmer que la coopérative est à l’entreprise ce que le logiciel libre est au logiciel.

Il n’en demeure pas moins vrai que les deux mouvements présentent certaines similitudes, à commencer par celle de vouloir se protéger d’un monde qui perd son humanité en se reliant aux autres pour donner sens à son action[1].

Si vous voulez changer le monde, cela passe désormais bien moins par le politique que par l’économique. C’est pourquoi les tentatives pour faire sortie de l’ombre un autre possible en entreprise nous semblent si ce n’est à encourager tout du moins à diffuser et à débattre.

À la limite de la ligne éditoriale de ce blog, ce document de fin de colloque nous semble une bonne base de réflexion aussi bien pratique que théorique.

Déclaration du Forum pour une autre économie

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Déclaration du « Forum pour une autre économie »
Faite à Nîmes le 16 janvier 2011

La participation réelle des salariés à la gestion de leur entreprise est une exigence croissante dans la société moderne, pour combler le vide actuellement laissé par les actionnaires dormants à une oligarchie financière qui trop souvent ne gère plus que pour elle-même, sans plus prendre en compte les exigences de l’emploi et de la pérennité réelle des entreprises .

Dans les grandes entreprises, particulièrement celles qui sont cotées, cette oligarchie a imposé un partage de la valeur bien plus favorable au capital qu’au travail , tout particulièrement depuis vingt ans. Le travail et l’emploi, ne sont plus des valeurs mais des variables d’ajustement. Par ailleurs, beaucoup de TPE et les PME souffrent indirectement de cette financiarisation du fait de leur statut de sous-traitantes voire de partenaires de groupes plus importants. Il convient donc de promouvoir toutes les solutions institutionnelles susceptibles de rendre aux individus la maîtrise de leur destin économique.

Tel a été le sens du colloque de Nîmes des 15 et 16 janvier 2011. Notre société s’engage dans l’économie de la connaissance, de l’innovation, du développement durable. La constitution de sociétés de salariés, notamment sous forme de SCOP, est une voie particulièrement efficace pour que les chercheurs du secteur privé, mais aussi du secteur public , puissent développer eux-mêmes leurs créations et innovations, dans une structure participative égalitaire ; et, plus largement, pour que les porteurs de projets concrétisent ceux-ci grâce à une structure participative et rendue durable par son système de propriété à la fois privée et collective.

L’association des travailleurs pour gérer leur avenir commun dans une société dont ils sont les propriétaires, qu’elle soit d’ailleurs ou non de forme coopérative, est une résultante légitime de l’élévation du niveau moyen de savoir. Elle est aussi, à de nombreux égards, la meilleure posture face à un avenir que la mondialisation rend particulièrement aléatoire. Qui mieux que le collectif des salariés peut se soucier de l’avenir de l’entreprise en tant qu’équipe d’hommes et de femmes dont l’intérêt n’est pas d’abord commandé par la rémunération du capital ?

La forme de la Société coopérative de production – SCOP ou coopérative de salariés (l’idée d’Entreprise à Responsabilités et Résultats Partagés a été évoquée) est une solution dotée de trois caractéristiques : la démocratie dans le choix de la stratégie et des responsables, l’équité dans la répartition du résultat, et la pérennité de l’emploi, qui la rendent à la fois crédible et fiable aux yeux de ceux qui y produisent la valeur. Elle s’adapte régulièrement aux nouveaux défis. La Société coopérative d’intérêt collectif – SCIC, qui fait entrer dans la coopérative, différentes catégories de sociétaires à côté des salariés, est un exemple de cette adaptation récente, notamment pour les dynamiques territoriales.

Sur le plan du capital , les outils dont s’est doté le mouvement coopératif avec ESFIN, et sa filiale l’IDES, le fonds de capital-risque SPOT, la société SOCODEN pour les prêts participatifs, permettent de dire qu’existent aujourd’hui la plupart des outils financiers nécessaires pour créer et développer une SCOP. Abonder plus largement ces outils, notamment dans le cadre du « Grand emprunt pour l’économie du futur », serait une condition nécessaire d’un développement plus rapide et plus large de la forme SCOP. Une somme de 100 millions d’euros a déjà été prévue pour l’économie sociale. Elle est trop faible. L’augmenter et l’utiliser pour le développement des SCOP ne dépendent que d’une volonté politique .

Remettre en valeur et assouplir la loi sur le Titre Participatif est une autre priorité. Créer des Fonds Communs de Placement dédiés à l’Économie Sociale aussi.

Dans le même sens, le rachat par les salariés d’entreprises saines, c’est-à-dire avant toute phase critique de gestion, devrait être facilité . En premier lieu, par une intervention plus ample et plus rapide, du fonds souverain français de la Caisse des dépôts ; en second lieu, par la création, dans les entreprises qui doivent envisager leur transmission, d’une réserve de transmission dont la défiscalisation serait conditionnée par le seul fait que les acheteurs sont les salariés. Par ailleurs, la formule ESOP de rachat par les salariés à l’aide de crédits à très long terme, courante aux États-Unis, mérite d’être à nouveau analysée en détail en vue d’une transposition en France . Serait-il impensable aussi de commencer à solvabiliser les salariés, pour la constitution d’un capital, en dédiant une part de la cotisation d’assurance chômage payée pour chaque salarié à la création d’un compte ou livret individuel lui permettant de participer au rachat de son entreprise ou d’en créer une ?

Mais si des outils financiers à la création de SCOP ou à la reprise d’entreprises par les salariés, existent, d’autres conditions s’imposent pour leur développement et réussite.

Résumons les en disant qu’il s’agit de diffuser la culture de l’économie coopérative, « déverrouiller » l’image des SCOP auprès de l’opinion publique en en présentant la diversité des pratiques.

Il faut d’abord que le fonctionnement de l’entreprise soit enseigné, à tous et donc dès la classe de troisième, intégrant évidemment les formes coopératives. Les départements universitaires et les grandes écoles consacrées à l’économie coopérative doivent se multiplier . Les institutions fédérales et confédérales de l’économie sociale doivent offrir, dans le cadre de la formation continue , des enseignements valorisant les pratiques coopératives ; elles doivent aussi renforcer leur expertise et leurs moyens d’appui aux entreprises de l’économie sociale, en particulier pour accompagner les transmissions d’entreprises.

Les propositions qui précèdent n’excluent en rien la poursuite et le développement de l’actionnariat salarié et de la participation, mais ces dispositifs doivent atteindre un seuil d’efficacité pour peser d’un poids suffisant dans les Conseils des entreprises, afin d’infléchir vraiment la gestion. Ceci nécessite aussi l’organisation de formes nouvelles de gestion collective de cet actionnariat.

C’est dans ce contexte que le colloque a abouti à la création d’un Observatoire des alternatives économiques, non seulement dans ce domaine de l’intervention des salariés dans la gestion, mais beaucoup plus largement, dans tous ceux qui feront l’objet des colloques suivants du Forum pour une autre économie, durable, socialement intégratrice, civiquement engagée, écologiquement acceptable.

En 2011 et 2012, cet Observatoire[2] se donnera comme priorité l’analyse des programmes politiques exposés en vue des élections de 2012, et interpellera les formations politiques et divers candidats sur leurs propositions dans ce champ des alternatives économiques. Il ambitionne d’en mesurer la pertinence et d’en proposer l’enrichissement.

Notes

[1] Crédit photo : Ernst Vikne (Creative Commons By-Sa)

[2] il sera notamment piloté par Jean Matouk, Michel Porta, Thierry Jeantet.




Aujourd’hui ma soeur a décidé de se mettre à l’informatique et… mauvaise surprise !

Hygiene Matters - CC byNous avons recopié ci-dessous un mail que nous avons reçu hier d’un de nos lecteurs suisses. Il raconte l’histoire d’une « association de trois malfaiteurs » : Google, Microsoft et l’État français, qui trompent indûment les néophytes souhaitant découvrir l’informatique.

En effet, en voulant aider sa sœur à (enfin) s’initier aux nouvelles technologies, Florian a naïvement tapé « débuter en informatique » dans Google.

Et il est tombé en deuxième lien sur une horrible page du très officiel site gouvernemental de la Délégation aux Usages de l’Internet (DUI)[1].

Horrible parce que n’ayant visiblement pas été mise à jour depuis 2006, on se retrouve avec des informations totalement obsolètes qui font la part belle à Word et Windows !

Aucune référence explicite au logiciel libre. On y trouve bien une petite mention de notre OS favori mais l’unique lien est un LUG canadien : « Windows reste le système d’exploitation le plus répandu, ceux qui souhaitent s’initier à Linux peuvent consulter le site GULUS (groupe d’utilisateurs Linux de l’Université de Sherbrooke), destiné aux débutants ».

Le problème c’est que l’obsolescence de cette page n’est pas le problème de l’algorithme de Google, et il continue donc de proposer cette page en tête de gondole lorsque l’on cherche à débuter en informatique. Du coup j’ai bien peur que la sœur de Florian n’ait pas été la seule à tomber sur ce lien qu’il serait responsable de supprimer ou de mettre immédiatement à jour en n’oubliant pas cette fois-ci le logiciel libre.

PS : Si vous avez envie de le leur suggérer directement, vous trouverez quelques adresses de courriel sur cette page du site.

Un courriel de Florian S.

Titre : Un gouvernement aux bottes de Microsoft

Bonjour à vous chers responsables du site Framasoft,

Tout d’abord je tiens à vous remercier pour tout le travail que vous faites sur les différents projets (j’ai un faible pour les Framabook), je suis rarement actif dans la communauté cependant je suis un libriste convaincu, je préfère peut-être en parler autour de moi plutôt que sur Internet qui regorge assez d’informations.

Aujourd’hui ma sœur a décidé de se mettre à l’informatique, elle va endurer un apprentissage relativement long puisqu’elle a toujours refusé de s’y mettre et qu’elle doit donc apprendre depuis zéro, il est évident que je vais de suite la mener au monde du Libre.

Pour cela j’ai fais une requête sur Google, digne d’un débutant (sans méchanceté aucune) afin de me fournir en documentation pour savoir quel aspect de l’informatique je devrais mettre en valeur pour commencer, il m’a suffit de taper « débuter en informatique » pour avoir une vision globale du gouvernement français (grâce à mon oeil libriste), si comme moi, le deuxième lien de Google pointe sur cette page je pense à juste titre, que cela est un sujet à mettre en valeur chez Framasoft et partout ailleurs dans la culture libre, les possibilités de débuter en informatique sans être enchaîné, je pense que c’est un point qui nous manque de manière cruciale.

Par la même occasion, étant suisse je ne peux rien pour changer le gouvernement français, je vous sollicitais afin de mettre en pratique les mots Liberté – Égalité – Fraternité situé sur l’image en haut de la page Web pour peut-être changer le monde…

Ce petit message, destiné aux responsables de ce site est pour émettre une petite attention sur les débutants, car actuellement, de par ma requête, tout débutant est voué à tomber entre les mains de gourmands monopoles. Je suis aussi dégoûté du manque de réflexion qu’ont les gens face à l’informatique, le manque de recul, ce qui donne évidemment la page telle que vous la voyez sur le site de votre gouvernement.

Si il faut de l’aide, pour rédiger des notices, tutoriels pour débuter en informatique, je tenterai de mettre à contribution le peu de temps libre que j’ai.

Merci à vous Framasoft et les autres de m’avoir permis de découvrir l’informatique, la vraie !

Meilleures salutations, Florian S.

Notes

[1] Crédit photo : Hygiene Matters (Creative Commons By)




Geektionnerd : Hadopi Labs-olument navrant

Côté pile (officiel) : « La place de la création sur l’internet est au cœur des missions de la Haute Autorité. L’impact du numérique sur la société en général, la création en particulier, est protéiforme. Les mouvements à comprendre sont multiples, les sources d’information de plus en plus nombreuses. L’enjeu pour la Haute Autorité est de savoir engager un travail durable de recherche capable de s’inspirer des sources existantes et des mouvements émergents, tout comme de contribuer à les enrichir. C’est l’objectif assigné aux Labs Hadopi, ateliers de recherche confiés à des experts indépendants nommés par le Collège de l’Hadopi. »

Côté face, toute la blogosphère qui crie à l’unissons à la mascarade d’indépendance : Les citoyens, alibi des « labs » Hadopi (La Quadrature du Net), Hadopi: Labs Sans (Owni), Lab-mentable Hadopi (Korben) ou encore L’UFC-Que Choisir tacle les labs voulus par la Haute Autorité (Numerama).

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




OpenOffice.org n’est pas mort, Vive LibreOffice !

Terry Ross - CC by-saComme le souligne avec malice notre ami Gee, la suite bureautique libre LibreOffice 3.3 vient de voir le jour.

Sauf que, comme son numéro ne l’indique pas, c’est sa toute première version stable. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas logiquement une version 1.0 ? Parce qu’il s’agit d’un fork de la célèbre suite OpenOffice.org qui, au moment de la séparation, en était restée à la version 3.2.

Petit rappel Wikipédia : « Un fork, ou embranchement, est un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant. Cela suppose que les droits accordés par les auteurs le permettent : ils doivent autoriser l’utilisation, la modification et la redistribution du code source. C’est pour cette raison que les forks se produisent facilement dans le domaine des logiciels libres. Les forks sont perçus par certains comme une épée de Damoclès au-dessus des auteurs des projets les moins bons, et aussi comme une méthode pour empêcher l’appropriation d’un projet par un groupe. La « peur de l’embranchement » est un des mécanismes essentiels de régulation et de sélection des projets libres. »[1]

Vous êtes un développeur d’un logiciel libre non satisfait de la manière dont évolue le projet ? Vous avez donc cette possibilité essentielle que constitue le fork. Mais il y parfois un gouffre entre la théorie et la pratique, car il n’est pas simple de reconstituer une communauté active autour du projet dérivé.

C’est pourtant justement ce que vient de réussir l’équipe de LibreOffice, structurée autour de la Document Foundation et qui a décidé de quitter le navire OpenOffice.org suite au rachat de Sun par Oracle. Ce dernier ayant refusé de rejoindre le projet et de céder la marque OpenOffice.org (qu’il continuera de développer par ailleurs), c’est donc désormais LibreOffice (ou LibO) qui sera l’un des fers de lance du logiciel libre grand public aux côtés de Firefox ou GNU/Linux.

LibreOffice 3.3 : les véritables enjeux

The Deeper Significance of LibreOffice 3.3

Glyn Moody – 28 janvier 2011 – ComputerWolrd.uk
(Traduction Framalang : Yonel et Don Rico)

Sur le blog RedMonk, James Governor a publié un billet amusant à propos des forks, suite à l’arrivée imminente d’une mise à jour majeure d’Android, la 3.0, dont le nom de code est « Honeycomb », et laquelle a été conçue en pensant aux tablettes :

Ainsi que le voudrait la sagesse populaire, les développeurs ne devraient pas s’attaquer à des environnements multiples. Ben voyons… le genre de sagesse qui nous a valu une décennie où il n’y en a eu que pour Java, et une vingtaine d’années pendant lesquelles dès qu’il y fallait choisir une architecture on collait du Oracle partout. Avouons que pour l’instant, Android est vraiment pas mal sur les téléphones. J’aime beaucoup mon HTC Desire. J’ai aussi la chance de pouvoir faire joujou avec un Dell Streak qu’on m’a prêté ; encore un bon petit appareil, qui fait bien son boulot pour m’accompagner devant la télé. Mais Android n’a pas été conçu pour un format plus grand, comme l’iPad 10 pouces d’Apple, du moins dans ses premières versions.

Et comme il le fait remarquer :

Tous les éditeurs de logiciels doivent gérer des codebases multiples, en particulier pour les progiciels. Si une entreprise doit gérer les deux codebases, est-ce vraiment un fork ?

Je dirais qu’il s’agit plus de fragmentation, et qu’on en voit partout – dans Android lui-même, dans Windows, admettons, et dans le monde de GNU/Linux à travers les centaines de distributions, chacune avec des versions et des configurations différentes. Rien de bien nouveau.

Les vrais forks ne courent pas les rues, précisément à cause des différences entre le fork et la fragmentation. Cette dernière peut être gênante ou pas, mais elle est rarement aussi douloureuse qu’un fork peut l’être. En général, les forks déchirent les communautés et forcent les programmeurs à choisir leur camp.

C’est ce qui rend l’apparition de LibreOffice si intéressante : c’est un vrai fork, avec des décisions réelles et douloureuses que doivent prendre les codeurs – où vont-ils ? Et à la différence de la fragmentation, qui souvent se produit naturellement et perdure pour un tas de raisons en grande partie banales, les forks exigent beaucoup de travail pour survivre. Résultat, de nombreux forks échouent, car il est souvent plus facile de rester ou de revenir au projet d’origine, plutôt que de se battre pour en installer et en faire grandir un nouveau.

Dans ce contexte, la publication récente de LibreOffice 3.3 est un jalon important, au moins pour ce qu’elle a déjà réussi :

La Document Foundation présente LibreOffice 3.3, la première version stable de la suite bureautique libre développée par la communauté. En moins de quatre mois, le nombre de développeurs codant LibreOffice est passé de moins de vingt à la fin septembre 2010, à largement plus d’une centaine aujourd’hui. Cela nous a permis de publier en avance par rapport au calendrier audacieux fixé par le projet.

À l’évidence, attirer les développeurs est une épreuve cruciale pour le potentiel de survie du fork, et même de son épanouissement. D’autres points importants :

La communauté des développeurs a pu bâtir ses propres méthodes en toute indépendance, et devenir opérationnelle en très peu de temps (eu égard à la taille du codebase et aux grandes ambitions du projet).

Grâce au grand nombre de nouveaux contributeurs qui ont été attirés par ce projet, le code source est vite soumis à un nettoyage d’ampleur, pour offrir une meilleure base aux développements de LibreOffice à venir.

C’est-à-dire que LibreOffice n’en est plus au stade de vague projet, ou à celui des étapes pénibles comme définir l’infrastructure qui permettra au projet d’avancer. La signification de cette réussite va au-delà du fait que la Fondation propose aux utilisateurs une alternative libre à OpenOffice (qui vient également de sortir sa dernière version). La possibilité de choix étant au coeur du logiciel libre, c’est donc certainement une bonne nouvelle, surtout à cause de la politique de copyright de LibreOffice, que j’ai déjà évoquée.

Mais je pense que LibreOffice a une importance supplémentaire parce qu’il représente une attaque délibérée contre la façon dont Oracle traite son catalogue open-source. Hélas, le mécontentement qui a poussé à cette scission va bien plus loin que le seul domaine des suites bureautiques.

L’attitude d’Oracle envers la communauté open-source semble empirer, c’est de plus en plus évident. Marc Fleury le résume bien dans ce billet révélateur. Fondateur de Jboss, et l’un des vrais innovateurs en termes de modèles économiques reposant sur l’open-source, il sait certainement de quoi il parle quand il s’agit de diriger des codeurs open-source dans un contexte professionnel, ce qui rend des commentaires comme celui-ci particulièrement significatifs – et inquiétants pour Oracle :

Il y a d’abord eu le fiasco OpenOffice/Libre Office, où OpenOffice a été forké dans la plus grande partie par sa propre communauté. Puis il y a eu le caprice d’Apache concernant Java/JCP, quand le groupe a bruyamment quitté le JCP (NdT : Java Community Process) après des prises de bec sur les licences open-source de la JVM (Harmony). Et en ce moment, il y a d’autres bisbilles, dont une au sujet de NetBeans. Mais celle qui me concerne le plus (ainsi que mon porte-monnaie), cela concerne un projet mené par un employé de Cloudbees.

Si je comprends bien la situation, le principal développeur était employé par Sun quand il a initié Hudson. Oracle revendique donc l’identité et la marque, ce qui en toute franchise est aberrant, puisque la licence est open-source et que les gars de Cloudbees peuvent poursuivre leur travail sans entrave. Reste donc une dernière étape : la création d’un fork du projet. Et voilà… une grande partie de la communauté open-source dit merde à Oracle.

Ce que LibreOffice montre (jusqu’ici, en tout cas) c’est que dans ces circonstances, il y a bien une vie après Oracle, que les gens se regrouperont dans un fork au lieu de l’éviter, et que le travail alors fourni amène des améliorations non négligeables. Il est vrai que cet argument ne s’appuie que sur un seul exemple, et il faudrait être un expert bien téméraire pour essayer d’en extrapoler quoi que ce soit. Mais cela reste une source d’inspiration importante et tentante pour les codeurs contrariés qui grognent sous le joug d’Oracle. Après tout, comme le met en évidence le nom de LibreOffice, il ne s’agit pas que de code. Il s’agit aussi de liberté.

Notes

[1] Crédit photo : Terry Ross (Creative Commons By-Sa)




La nouvelle version Squeeze de Debian lavera encore plus blanc

Mark Robinson - CC byC’est un billet un peu technique que nous vous proposons aujourd’hui. Il évoque la « quête du 100% libre » des distributions GNU/Linux.

En effet, vous l’ignoriez peut-être, mais rares sont les distributions GNU/Linux qui soient « totalement libres ».

Ainsi la fort pratique distribution Linux Mint installe dès le départ des codecs (MP3, divX…) et des plugins (Java, flash…) propriétaires. On ne peut donc la considérer comme libre.

Mais, plus subtil, la très populaire distribution Ubuntu non plus, car elle embarque en son sein des drivers propriétaires comme ceux pour les cartes graphiques Nvidia et ATI.

Ces drivers sont des exemples de firmwares (ou micrologiciel), ces logiciels intégrés dans un composant matériel, et ils constituent le sujet principal de notre billet, et traduction, du jour.

Debian est l’une des plus anciennes et célèbres distributions GNU/Linux. Elle sert de base de développement à de nombreuses autres distributions, dont justement Ubuntu et Linux Mint.

L’une des principales caractéristiques de Debian, outre sa stabilité reconnue et le grand nombre d’architectures matérielles supportées, est de ne dépendre directement d’aucune société commerciale : comme le navigateur Firefox de la fondation Mozilla, Debian est le fruit d’une association à but non lucratif. Et si Mozilla possède son Manifesto, Debian a son fameux contrat social.

Elle se trouve actuellement dans sa version 5.0 mais la nouvelle version 6 (nom de code « Squeeze ») devrait sortir d’ici quelques jours.

Or le projet Debian a annoncé que cette nouvelle version bénéficierait, à sa sortie, d’un noyau Linux « libéré», c’est à dire débarrassé de tout firmware qui ne serait pas libre[1]. Cette décision a suscité un certain nombre de d’interrogations autour des conséquences pratiques pour l’utilisateur : allait-il pouvoir continuer à faire fonctionner pleinement sa machine avec cette nouvelle version ?

C’est à ces interrogations que répond l’un des développeurs du projet ci-dessous.

Mythes et réalités concernant les firmwares et leur non-retrait de Debian

Myths and Facts about Firmwares and their non-removal from Debian

Alexander Reichle-Schmehl – 20 janvier 2011 – Tolimar’s Blog
(Traduction Framalang : Antistress, Penguin et Goofy)

L’annonce par le projet Debian de la publication de Squeeze avec un noyau Linux complètement libre a retenu l’attention, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Pourtant il semble que cette annonce ait parfois été mal interprétée ou mal relayée. Je vais essayer de résumer les principales erreurs et d’y répondre.

  • Mythe : Debian a retiré tous les firmwares de ses noyaux !
  • Réalité : Non, cette décision ne concerne que les noyaux qui seront inclus dans la prochaine version Debian 6.0 Squeeze. Les noyaux de la version stable actuelle Debian 5.0 Lenny restent tels quels… sauf que, bien sûr, nous réaliserons les mises à jour de sécurité qui s’imposent les concernant, mais ils continueront de contenir les mêmes firmwares qu’actuellement.
  • Mythe : Debian est en train de dégrader ses noyaux en en retirant des choses.
  • Réalité : Debian a transféré certains firmwares de sa section principale (NdT : main) vers sa section non-libre (NdT : non-free). Ils sont toujours présents, dans la section dédiée aux logiciels qui ne répondent à nos critères tels qu’ils résultent des principes du logiciel libre selon Debian (NdT : The Debian Free Software Guidelines – ou DFSG).
  • Mythe : La plupart des utilisateurs ne vont plus pouvoir installer Debian.
  • Réalité : les firmwares non-libres resteront disponibles à travers notre infrastructure. Ceux qui sont requis durant l’installation (par exemple pour contrôler l’accès au réseau ou au périphérique de stockage) peuvent également être chargés durant l’installation (qu’ils soients sur un CD ou une clé USB). Nous proposons des archives compressées de ces fichiers (décompressez les simplement sur une clé USB et branchez-la quand cela vous est demandé durant l’installation) ainsi que des images ISO permettant de créer un CD d’installation par le réseau qui contiennent déjà ces fichiers. Bien entendu, elles vont continuer d’exister, même aprés la publication de Squeeze.
  • Mythe : Ces fimwares sont requis, les ôter ne sert à rien et ne rend pas service à l’utilisateur.
  • Réalité : Oui, ces firmwares sont en effet nécessaires au fonctionnement de certains pilotes de certains matériels. Mais tout le monde n’en veut pas. À présent que nous sommes capables de charger ces firmwares sur demande (au lieu de devoir les compiler dans le pilote lui-même), nous pouvons les proposer séparément. Cela permet ainsi à ceux qui ont besoin de firmwares non-libres de les utiliser tandis que que ceux qui n’en veulent pas bénéficieront d’une installation qui en sera dénuée.
  • Mythe : Ah, encore un coup des fêlés de la liberté du projet Debian…
  • Réalité : Il n’y a pas que nous en réalité : nous n’y serions jamais parvenus sans la coopération d’un certain nombre de développeurs du noyau Linux. Et nous ne sommes pas les seuls intéressés par la création d’un noyau libre, d’autres distributions importantes ont également conscience du problème. Citons par exemple le récent commentaire d’un développeur du projet Fedora évoquant des changements dans un de ces firmwares non-libres. Il semble donc que Debian ait simplement été le premier à réaliser le problème des firmwares non-libres.
  • Mythe : Debian fait allégeance à Stallman.
  • Réalité : Je ne me suis pas entretenu avec Richard Stallman à ce sujet mais je pense que Debian n’est pas encore assez libre pour lui ; pour autant que je sache, il aimerait la disparition pure et simple de la section non-libre, ou au minimum qu’elle ne soit plus mentionnée nulle part.

Il reste donc une question : qu’il y a t-il de mal avec les firmwares non-libres ? Ne s’agit-il pas simplement de petits programmes exécutés par le microprocesseur du périphérique concerné ? Pourquoi s’en faire ? Bonne question ! Mettons de côté les problèmes juridiques qui sont susceptibles de se poser, et concentrons-nous sur l’aspect pratique. Le nœud du problème tient au fait que, sans leur code source (et les outils pour les compiler), les firmwares ne sont qu’une suite aléatoire de nombres pour nous. Nous ne savons pas ce qu’ils font, nous ne pouvons pas les analyser ni les améliorer. Nous ne pouvons pas les changer, nous ne pouvons pas assurer leur suivi. Peut-être avez-vous été lire le commentaire du développeur Fedora dont le lien a été donné plus haut ? Je le cite à nouveau car il me semble qu’il a très bien résumé le problème :

Mise à jour des firmwares qlogic 2400 et 2500 vers la version 5.03.13. Que fait la version 5.03.13 ? Personne ne le sait hormis QLogic et ils ne le disent pas. Je leur ai posé la question et ils m’ont répondu que l’information ne pouvait être donnée sans accord de confidentialité. Je vous invite donc à imaginer ce que fait ce firmware et les bogues qu’il corrige. Tant que vous y êtes, imaginez un monde où les fabricants publieraient le code source de leurs firmwares.

À présent que vous savez que nous ne pouvons assurer le suivi de ces firmwares, vous pourriez vous demander si c’est vraiment utile de toute façon. Quels dégâts pourraient bien faire à votre ordinateur un simple petit programme logé dans un périphérique ? Eh bien un scientifique a déjà fait la démonstration d’un firmware pour certaines cartes réseau qui dissimulait un cheval de troie. Donc non seulement c’est un problème en soi, mais cela peut même être un problème de sécurité !

Résumons-nous. Oui, Debian a modifié quelque chose dans ses noyaux. Non, ils vont continuer de fonctionner comme d’habitude. Certains utilisateurs devront peut-être activer le dépôt non-libre mais ce n’est pas obligatoire. Les firmwares nécessaires à l’installation sont aussi disponibles et peuvent être chargés lors du processus d’installation. Alors pourquoi tout ce ramdam ?

À propos, ceux d’entre vous qui craignent de ne pas se rappeler les liens des images ISO et des archives compressées, souvenez-vous de deux choses: wiki et Firmware. Vous trouverez tout ce dont vous avez besoin sur la page Firmware du wiki Debian.

Notes

[1] Crédit photo : Mark Robinson (Creative Commons By)