La nouvelle version 2 de la Mozilla Public License tend vers l’unité

Le 3 janvier dernier la Fondation Mozilla annonçait la sortie officielle de la version 2 de la Mozilla Public License.

C’est un évènement à saluer comme il se doit car cette nouvelle version rapproche les deux grandes familles de licences libres logicielles que sont les copyleft (comme la GPL) et les licences dites permissives (comme la BSD ou la MIT).

Pour résumer, on pourrait dire que la différence entre une licence libre avec copyleft et une licence libre qui en serait dépourvue, les premières forcent le code dérivé à rester libre alors que les secondes autorisent le code dérivé à être intégré à un produit fermé, non libre[1].

Tristan Nitot - CC by-nc-sa

Mozilla peut-elle apporter l’unité à l’open source ?

Can Mozilla Unify Open Source?

Simon Phipps – 6 janvier 2012 – ComputerWorld.uk
(Traduction Framalang : Don Rico e_Jim et Goofy)

La nouvelle licence open source de Mozilla est bien plus qu’un simple ravalement de façade. Elle pourrait créer de nouvelles possibilités pour l’unité de la communauté du Libre.

La première semaine de janvier 2012 marque un jalon discret mais important dans le mouvement de l’open source, grâce à la publication d’une deuxième version de la Mozilla Public License (MPLv2) et sa validation en tant que licence libre officielle au sens de l’Open Source Initiative (OSI). Quand bien même beaucoup n’y voient qu’un énième détail juridique, cette publication est importante à deux titres : le procédé par lequel on l’a élaborée, et l’objectif pour lequel on l’a créée. Il s’agit d’une licence qui a pour but l’unité.

Rédaction et révision de cette licence se sont déroulées selon un processus très ouvert, dans lequel Luis Villa a joué un rôle prépondérant. Organisé en majeure partie dans des forums publics, le débat a conduit à de nombreuses modifications du texte. Luis est entré en contact très tôt avec l’OSI, a intégré les retours du groupe de révision des licences, puis obtenu sans mal l’approbation du conseil d’administration.

D’autres articles sur cette nouvelle licence se sont concentrés sur les modifications de la partie « patent peace » (NdT: la paix des brevets) et autres ajustements des clauses (adieu, Netscape !), mais le changement le plus important apporté par la version 2 de la licence Mozilla est à mon sens l’inclusion d’une compatibilité particulière avec la GPL (GNU General Public License). Par le passé, le projet Mozilla jonglait avec un système complexe et peu clair de triple licence afin de composer avec les univers des licences copyleft et non copyleft. De manière générale, les autres utilisateurs de la MPL (et ses nombreux clones rebaptisés) ne prenaient pas cette peine, et par conséquent certains codebases se sont retrouvés exclus de toute collaboration possible avec l’immense univers des logiciels placés sous licence GPL.

Selon un procédé inédit que la Commission européenne a inauguré pour la Licence Publique de l’Union européenne (EUPL), la MPLv2 inclut des clauses permettant à un projet de stipuler, de façon optionnelle et explicite, sa compatibilité avec d’autres licences, en particulier celles de la famille GPL. À mes yeux, la MPLv2 représente une mise à jour d’envergure de la famille précédente des v1.x, justement grâce à cette compatibilité explicite avec la GPL, laquelle offre pour la première fois une passerelle praticable entre les paradigmes permissifs et copyleft. Elle ne satisfera pas les puristes des deux mondes, mais propose avec pragmatisme une nouvelle solution aux projets open source appuyés par des entreprises. Celles-ci pourront disposer d’une communauté qui produit du code sous licence permissive tout en fournissant à cette même communauté un moyen d’entretenir des relations avec d’autres communautés travaillant sur du code sous licence copyleft.

Avec le déclin continu du business model de la double licence (ce que d’aucuns nomment « exceptions commerciales au copyleft »), il devient de plus en plus évident que les licences permissives sont importantes pour les entreprises commerciales qui contribuent à l’open source. De la même façon, l’écosystème GPL ne disparaîtra pas, aussi les conceptions qui reposent sur une opposition idéologique – y compris celles qui prônent l’élimination de tout code sous GPL – sont néfastes pour toutes les entreprises

Je salue l’arrivée de la MPLv2, un pas en avant vers l’unification de la cause commune de nombreux développeurs open source. Bravo, Mozilla !

Notes

[1] Crédit photo : Tristan Nitot (Creative Commons By-Nc-Sa)