Recommandations pour l’ouverture des données et des contenus culturels
Open Glam est un réseau international informel de personnes et d’organisations cherchant à favoriser l’ouverture des contenus conservés ou produits par les institutions culturelles (Glam etant l’acronyme anglais de Galleries, Libraries, Archives, Museums).
Adrienne Charmet-Alix (Wikimédia France), Primavera De Filippi (Open Knowledge Foundation), Benjamin Jean (inno³, Veni Vidi Libri, Framasoft) et Lionel Maurel (BDIC, auteur du blog S.I.Lex), tous quatre membres d’Open Glam (parité respectée[1]), viennent de mettre en ligne un document important en direction du Ministère français de la Culture : Recommandations pour l’ouverture des données et des contenus culturels.
C’est solide, sérieux et technique mais n’allez pas penser que c’est rébarbatif à lire pour le non juriste. Bien au contraire, Open Data, mutualisation, numérisation, interopérabilité, domaine public (où il y a tant à faire), cession de droits des fonctionnaires, licences copyleft… c’est très instructif et cela dessine en plein et en creux les contours d’une situation qui doit d’autant plus évoluer qu’il s’agit de nos deniers publics et que l’époque est certes à leur parcimonieux usage mais également à la culture du partage.
Framasoft soutient l’initiative de l’intérieur, puisque Benjamin Jean a participé de près à sa rédaction, mais également vers l’extérieur en contribuant à sa diffusion. Et plus nous seront nombreux à en faire de même, plus nous aurons de chances d’être écoutés en haut lieu.
Le document est sous double licence Art Libre et Creative Commons By-Sa. Nous en avons reproduit ci-dessous les proposition ainsi que l’introduction.
Propositions du rapport
La réussite d’une réelle politique d’ouverture des données et contenus culturels repose selon nous sur un certain nombre de facteurs/actions. Nous préconisons donc :
De la part du ministère de la Culture
- Un effort pédagogique pour définir les termes employés dans le domaine de l’ouverture des données et des contenus, ainsi qu’un accompagnement des usages ;
- Une mise en valeur et un encouragement des expériences d’ouverture réalisées, issues d’initiatives institutionnelles ou privées, afin de montrer ce qui est réalisable ;
La rédaction d’un clausier à destination des établissements publics et des institutions culturelles afin de sécuriser les marchés publics entraînant le transfert de droits de propriété intellectuelle ;
Une information claire et pédagogique pour les institutions culturelles sur l’existence du droit à la réutilisation des informations publiques, sur sa portée, son articulation avec la Loi Informatique et libertés et sur les conditions dans lesquelles elles peuvent encadrer ces usages.
De la part des institutions culturelles
- Une intégration de leur démarche d’Open Data dans la conception et la refonte de leur système d’information,
- Un travail commun permettant de mutualiser et fédérer des démarches similaires ;
- Une mutualisation globale, des moyens et des fonds, notamment pour l’anonymisation et la numérisation des données ;
- La reconnaissance d’un accès systématique et gratuit aux œuvres du domaine public numérisées, y compris en cas d’usage commercial ;
- l’usage privilégié de licences ayant une clause de « partage à l’identique » en parallèle ou à la place de toute clause interdisant la réutilisation commerciale afin d’assurer une diffusion et une réutilisation optimales.
De la part du législateur
- La réintégration du régime des données culturelles dans le régime général de réutilisation des informations publiques et la validation de l’usage de licence de type « partage à l’identique » (à l’échelle nationale et communautaire) ;
- Une modification de la circulaire du 26 mai 2011 pour étendre le principe de gratuité dans la réutilisation de leurs données aux établissements culturels sous tutelle de l’État (avec portée rétroactive) ;
- Une modification de la Loi DADVSI afin que la cession des droits des agents publics s’étende aussi aux usages commerciaux et dépasse le seul cadre de l’accomplissement d’une mission de service public ;
- Un refus des propositions de la nouvelle directive européenne qui envisagent les droits des agents publics comme limites à la diffusion des informations publiques.
Introduction
Depuis quelques années, on observe un mouvement général d’ouverture des institutions vers le grand public dans le monde entier (États-Unis, Grande-Bretagne, Kenya, etc.) comme en France (villes de Paris, Rennes, Toulouse, Montpellier, Nantes, mission interministérielle Etalab, etc.).
Conjointement à ces actions, la société civile s’investit également dans la mise en valeur et la demande de partage des données et contenus culturels.
Dans le secteur culturel, l’Open Data prend la forme parallèlement d’une ouverture des reproductions numériques d’œuvres qui sont elles-mêmes dans le domaine public ou appartenant à une personne publique et d’une ouverture des données relatives à ces œuvres (catalogues, bases de données descriptives, etc.). À ce titre, le sujet intéresse le ministère de la Culture, le législateur et les institutions culturelles (publiques comme privées).
Nous avons identifié certains enjeux qui nécessitent une clarification parfois, de la pédagogie bien souvent, et dans quelques cas particuliers, une réflexion voire des changements juridiques.
Pour surmonter ces blocages et permettre une réelle et fructueuse ouverture des institutions culturelles, nous portons l’attention de l’administration et du législateur sur :
- la méconnaissance des concepts et enjeux de l’Open Data au sein des institutions culturelles ;
- une volonté politique insuffisante en France en ce qui concerne la diffusion et de la réutilisation des données culturelles sur Internet et à l’échelle internationale ;
- la complexité du cadre juridique relatif à la diffusion des données cultuelles ;
- l’importance d’une réaffirmation de la mission des institutions publiques dans la diffusion et la réutilisation des données culturelles, a fortiori concernant les oeuvres du domaine public ;
- les préoccupations économiques susceptibles d’entraver la diffusion et la réutilisation des données culturelles.
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Crédit photo : Leaf Languages (Creative Commons By-Sa)