Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM

Nous sommes en 2023. Vous cassez malencontreusement une assiette. Vous allez tout naturellement chercher son fichier numérique sur le Net pour en créer une nouvelle sur votre imprimante 3D, en la modifiant éventuellement au passage pour l’adapter à vos besoins. Mais deux minutes plus tard la Police du Copyright sonne à votre porte et vous embarque en flagrant délit d’effraction de propriété intellectuelle et contournement de mesure de protection…

En mai 2011 nous publiions une longue et riche traduction : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Nous y sommes désormais. Et ils vont chercher à bloquer le système et le partage tout comme ils ont cherché (et partiellement réussi) à le faire avec le logiciel, la musique ou le cinéma.

Sauf qu’ici nous avons déjà nos propres imprimantes, logiciels et formats libres et ouverts. En se débrouillant un peu, et luttant beaucoup, on devrait pouvoir s’épargner un nouveau Napster ou Megaupload de l’impression 3D.

FdeComite - CC by

Comment les DRM vont infester la révolution de l’impression 3D

How DRM will infest the 3D printing revolution

Ryan Whitwam – 16 octobre 2012 – ExtremeTech.com
(Traduction : Kurze, Dryt, Gatitac, goofy, Sylvain, Kiwileaks)

Alors que vous étiez tout occupés à vous exciter et à déclarer que l’impression 3D est le début d’une nouvelle époque, une nouvelle loi sur les brevets s’apprête à pourrir l’ambiance.

En effet, Nathan Myhrvold, ancien DSI chez Microsoft et fondateur d’Intellectual Ventures, société détentrice de nombreux brevets, a réussi à obtenir un brevet étendu sur les DRM de l’impression 3D. Cette révolution de l’impression 3D que nous avons tant espérée s’en trouve tout d’un coup fort contrariée.

Le système envisagé par Myhrvold sera utilisé afin d’empêcher les utilisateurs d’imprimante 3D de violer les « droits de production des objets ». Pour utiliser son imprimante il faut d’abord la charger avec le fichier numérique de l’objet à imprimer. Or ici, avant qu’une quelconque impression ne soit lancée, on va vous obliger à vous connecter à un serveur distant qui vérifiera que vous avez l’autorisation d’imprimer cet objet. Si cela vous semble familier c’est parce que c’est ce qui était arrivé à la musique en son temps dans le sillage de Napster.

La loi sur le droit d’auteur est une grosse machine compliquée et elle n’est pas applicable traditionnellement aux objets. Cependant, un nouvel appareil, une invention ou une nouvelle conception peuvent être brevetés. C’est justement ainsi que ceux d’Intellectual Ventures gagnent de l’argent et c’est probablement la raison pour laquelle ils sont intéressés par ce genre de DRM. L’entreprise acquiert les brevets sur différentes technologies et inventions, se construit ainsi son petit portefeuille, et ensuite elle poursuit tous ceux qui pourraient être en infraction. C’est cela qui a conduit de nombreuses personnes à surnommer ces sociétés des « troll à brevets » (NdT : Patent Troll), et elles ont probablement raison.

Alors comment passe t-on de la situation actuelle à une sorte de dystopie où votre imprimante vous dénonce à la police du copyright ? Il y aura, je pense, deux forces négatives qui nous pousseront dans ce sens.

La première est le risque d’amalgame avec le P2P (échange de fichier peer-to-peer). Plus les imprimantes gagneront en précision, plus les entreprises qui vous vendent ces imprimantes seront comparées à celles qui proposent les logiciels de peer-to-peer. Voilà le premier casse-tête légal auquel ces entreprises devront faire face. Nombreux sont les auteurs de ces applications de partage de fichiers qui ont fini devant les tribunaux et je ne serais pas surpris que quelque chose de similaire arrive un jour ou l’autre aux constructeurs de type MakerBot.

La seconde force qui va s’opposer au développement de l’impression 3D est un peu plus inquiétante. Il y a déjà des gens qui étudient la faisabilité de l’impression de composants d’armes à feu. Ce n’est peut-être pas encore faisable pour le moment, mais ça le sera un jour. Avant que cela n’arrive, des armes plus simples comme des « poings américains » réalisés avec du plastique super résistant vont être susceptibles de poser des problèmes aux gouvernements des pays où ces objets sont illégaux. Les lois sur les armes ne sont pas celles de la propriété intellectuelle mais elles nous amèneront au même point : la restriction de l’usage de l’impression 3D. Les lobbies de copyright pourraient s’appuyer et s’appuieront sur ce problème pour justifier un contrôle plus général.

Les vendeurs d’imprimantes 3D ne seront probablement pas obligés directement par la loi de mettre en place des restrictions, mais le déluge de poursuites pour des armes et des objets brevetés imprimés pourrait les pousser à le faire. Même Google n’a pas eu d’autre choix que de mettre en place des algorithmes sévères de détection automatisée de contenus sous droits d’auteur sur Youtube pour limiter sa responsabilité. Nous avons cependant vu ce système automatisé échouer maintes et maintes fois.

Chaque système de DRM implémenté jusqu’à aujourd’hui a été piraté d’une façon ou d’une autre. C’est vraiment une mauvaise blague pour l’utilisateur moyen : les DRM les bride dans leur vie numérique. Les autres, plus calés, contourneront les règles et pourront imprimer tous les objets brevetés qu’ils voudront. Les DRM ne résoudront véritablement aucun problème. Ils ne le font jamais. Mais ce sera peut-être un élément inévitable de l’avenir de l’impression 3D.

Crédit photo : FdeComite (Creative Commons By)




Framindmap : Et si on faisait aussi de libres cartes heuristiques en ligne ?

Framindmap est un nouveau projet du réseau Framasoft.

Framindmap

Il permet de faire de jolies cartes heuristiques directement en ligne à même le navigateur (on parle aussi de carte mentale ou mind map).

L’interface est franchement fluide et intuitive[1].

Pas d’installation, pas d’inscription, vous voici tout de suite opérationnel(le) ! De plus nous ne conservons strictement aucune donnée personnelle (l’application ne laisse de traces que locales sur votre ordinateur et non sur le serveur).

Contrairement à Framapad ou Framacalc, Framindmap ne permet pas la collaboration sur une même carte. Mais vous pouvez à la sortie l’imprimer, en faire une image et donc aussi l’enregistrer localement (soit directement dans votre navigateur soit comme fichier au format JSON[2]) pour une utilisation ultérieure.

Pour ce qui concerne les usages, Framindmap pourra être utile en situation de brainstorming, prise de notes, formation, classification, structuration d’un projet, etc.

Comme d’habitude, il repose sur une solution libre que nous avons adaptée et francisée, en l’occurrence mindmaps, du JavaScript sous licence AGPL v3. Et comme d’habitude vous êtes cordialement invité(e) à l’installer sur votre propre serveur pour faire respirer le Web (et vos données personnelles) en le décentralisant.

-> Découvrir et utiliser Framindmap

PS : Nous sortons de nombreux projets actuellement, merci de les relayer si vous le jugez bon car toute notre équipe marketing commerciale est en vacances actuellement (en fait ça fait 10 ans que ça dure). Merci également de faire en sorte que cela ne soit pas notre chant du cygne en nous soutenant ! 🙂

Notes

[1] Mais plutôt rudimentaire si on le compare à un traditionnel logiciel de mind mapping en dur sur votre ordinateur comme Freeplane. Nous savons où aller pour de futures améliorations 🙂

[2] Format non lu directement par Freeplane par exemple, mais ce serait un chouette plugin à développer 😉




Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath




Complexité de la clause Non Commerciale des Creative Commons : preuve par l’exemple

Ce n’est pas ubuesque mais presque !

On nous le reproche souvent, nous sommes de ceux qui ne considèrent pas comme « libres » les licences Creative Commons possédant la clause Pas d’Utilisation Commerciale NC. Nous préférons alors parler de licences « ouvertes ».

Apposer cette clause Pas d’Utilisation Commerciale à votre œuvre stipule que l’utilisateur n’aura « pas le droit d’utiliser cette œuvre à des fins commerciales » (sans vous en demander au préalable votre autorisation).

Le problème c’est qu’il est fort difficile de définir réellement et pratiquement les contours de ce qui est ou n’est pas commercial, ce qui entrave du même coup le partage et la libre circulation de l’œuvre. La preuve avec les nombreux exemples proposés ci-dessous par Evan Prodromou (Wikitravel, Identi.ca…) sur une liste de discussion des Creative Commons.

Réfléchissez-y à deux fois en choisissant cette clause pour votre propre œuvre parce que vous ne voulez pas que « d’autres se fassent de l’argent sur votre dos »…

Remarque : Cette traduction a été donnée sur grand écran en direct livre de l’Open Word Forum samedi 13 octobre dernier. C’était fascinant de voir virevolter les couleurs des participants sur notre Framapad !

Tax Credits - CC by-sa

Cas d’utilisation de la clause Pas d’Utilisation Commerciale de la licence Creative Commons

Use cases for NonCommercial license clause

Evan Prodromou – 19 avril 2012 – Liste de discussion Creative Commons
(Traduction : JonathanMM, KoS, Pascal, Barbidule, L’gugus, Evpok, aKa, mandourin, TheophrasteL, Cyrille, audece, Franck, Ypll, feedoo)

Je pense qu’il pourrait être utile d’obtenir des réponses de ceux qui s’occupent des licences Creative Commons au sujet d’un certain nombre d’usages plus ou moins « commerciaux ». Voici donc une liste d’exemples dont j’ai cherché à déterminer si oui ou non ils respectaient la clause non commerciale NC. J’ai exprimé mon opinion entre parenthèses en fin de phrase.

(Je suppose ici que l’on respecte les autres dispositions, dont l’attribution BY et la notification de la licence.)

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)

  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)
  • …et laisse son ami utiliser son imprimante et son ordinateur pour l’imprimer lui-même. (?)
  • … et envoie la copie imprimée à un ami en facturant au prix coûtant correspondant au prix des frais (papier, encre, électricité…). (?)
  • … et vend la version imprimée à un ami pour le prix des frais et du temps correspondant à la recherche et à l’impression du livre. (?)
  • … et vend la copie imprimée à un ami au prix des frais, plus son temps passé à trouver et à imprimer le livre, plus 10% de bénéfice. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un autre livre imprimé. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un grille-pain. (?)

  • Une personne télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’imprime sur son imprimante. Elle en réalise elle-même des photocopies près de chez elle, qu’elle donne à une amie. (Oui)
  • … et paie le personnel de la boutique pour en avoir une copie, qu’elle donne à son amie. (Oui)
  • … et paie le personnel du commerce pour en faire 100 copies pour elle, qu’elle donnera à ses amis et sa famille. (Oui)
  • Une boutique de reprographie possède un ordinateur à l’accueil. On peut naviguer parmi les livres sous licence CC qu’on aime sur cet ordinateur puis payer le personnel pour réaliser une impression d’un ou plusieurs d’entre eux pour soi. (Non)
  • Une boutique de reprographie possède un site web. Vous pouvez feuilleter les livres que vous voulez sur ledit site et ensuite, remplir un formulaire en ligne pour commander le livre que vous souhaitez acquérir. Le site vous enverra une copie. (Non)
  • Une boutique de reprographie télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 et le reproduit en 100 exemplaires qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en acheter un à la caisse. (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre autant que vous le souhaitez. (Non ?)
  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Sur la couverture, il est écrit : « Avec la permission de la boutique Trucmuche » (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre un gratuitement, pour tout achat de 10$ ou plus. (Non ?)
  • … dont elle fait don à un programme d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • … qu’elle distribue anonymement à un programme local d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • Un particulier qui télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le partage avec le monde sur son site internet. Chaque téléchargement coûte 0,99$. (Non ?)
  • … et le partage dans le monde entier via son site Web. Il faut payer 5,95$ par mois pour devenir membre et pouvoir télécharger. (Non)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Des versements ne sont pas requis, mais il y a des bandeaux publicitaires sur chaque page. (?)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Les versements ne sont pas obligatoires, mais il y a un lien Paypal « Soutenez ce site ! » sur chaque page. (?)
  • Un professeur télécharge une pièce sous licence CC by-nc 2.0 sur internet. Sa classe d’art dramatique joue la pièce devant le reste de son école lors d’une réunion. (Oui)
  • Sa classe d’art dramatique joue la pièce pour les parents, faisant payer 7$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce licence CC by-nc 2.0, à 35$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement dans une école primaire lors d’une assemblée. (Non ?)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement devant les élèves d’une école primaire dans leur propre théâtre. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous licence CC by-nc 2.0. Ils louent les textes imprimés à des enseignants. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous CC by-nc 2.0. Si des instituteurs louent des costumes pour la pièce, ils peuvent utiliser les textes gratuitement. (Non ?)
  • Une boutique de reprographie télécharge une image d’abeille sous licence CC by-nc 2.0 depuis internet. Elle la place dans un encart publicitaire du journal local, en disant, « Soyez malin ! Utilisez la boutique de reprographie Trucmuche ! ». (Non)

  • Un groupe de scouts féminin télécharge une image d’abeille sous licence libre CC by-nc 2.0 à partir d’internet. Il l’imprime sur des prospectus distribués dans le voisinage: « Soyez sympa ! Ne me jetez pas ! » (Oui)
  • … « Soyez cool ! Achetez les cookies des filles scout ! » (Non)
  • … « Soyez cool ! Ne me jetez pas ! (Fabriqué pour vous par la troupe 45 des filles scout qui font de délicieux cookies) (Non)
  • … « Soyez cool ! Donnez de l’argent aux filles scout ! » (Non)

  • … « Soyez cool ! Donnez de votre temps aux filles scout ! » (Oui ?)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe (un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0 de Cory Doctorow) sur son ordinateur. Il paie à compte d’auteur 100 copies reliées, à ses frais, qu’il offre ensuite à des amis et la famille. (Oui)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe sur son ordinateur. Il a un compte personnel à régler avec Cory Doctorow remontant à un cocktail en 1997. Alors, il paie pour que soit produits, à grand peine, 100.000 exemplaires reliés à la main, à ses frais, qu’il distribue ensuite gratuitement, en engorgeant le marché. Doctorow fait faillite. (Oui)
  • Les Éditions Trucmuche téléchargent Eastern standard tribe, publié par leur plus grand rival. Ils font 100 000 copies qu’ils distribuent ensuite gratuitement, engorgeant le marché. Doctorow et son éditeur font faillite. (Non)
  • Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre, avec une marge de 10%. (Non)
  • … et les distribue publiquement pour attirer l’attention sur la lecture. (Oui)
  • … et les distribue publiquement comme cadeau pour toute donation d’au moins 50 $. (Non ?)
  • … et les vend publiquement avec une marge. (Non)
  • … et les distribue publiquement en « suggérant un montant de donation ». (Non ?)
  • Un groupe d’alphabétisation pour enfant télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nc 2.0. Une boutique de reprographie (Trucmuche) fait don de temps et de matériel pour effectuer 100 copies du livre, qui est ensuite rendu public pour éveiller à la lecture. La couverture arrière dit, « travail et matériel sont le don de la boutique Trucmuche ». (Oui)
  • Une bibliothèque dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. L’utilisation des ordinateurs et imprimante est gratuit. Une personne utilise l’ordinateur et imprime pour elle-même un roman sous licence libre CC by-sa 2.0. (Oui)
  • Un cybercafé dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. Chaque impression coûte 5 centimes la page. Un particulier réserve un ordinateur et imprime un roman sous licence libre CC by-sa 2.0 pour lui-même, et paye pour le temps et les coûts d’impression. (Oui)
  • Une bibliothèque publique qui vend des copies de livres sous licence CC by-nc 2.0. (Non)

Bon, tout ceci me fatigue (et vous aussi j’imagine). Désolé pour cette si longue liste, mais c’est un sujet réellement compliqué. Il y a probablement pas mal d’autres cas marginaux qui mériteraient d’être explorés.

Evan

Crédit photo : Tax Credits (Creative Commons By-Sa)




Framapad : Une nouvelle version spectaculairement améliorée !

Grosse mise à jour pour le projet Framapad !

Et on l’attendait car nombreux étaient ceux qui subissaient les petites contrariétés de l’ancienne version (se manifestant principalement par des sauts intempestifs de connexion)[1].

Les plus impatients peuvent d’ailleurs tout de suite aller s’en rendre compte par eux-mêmes sur notre pad « bac à sable ».

Framapad - Etherpad Lite

En conséquence de quoi il est beaucoup plus agréable de travailler. L’interface (un petit peu déroutante au tout début pour les habitués) est plus fluide, plus souple et ne se bloque plus comme avant (on aurait bien envie de dire « ne se bloque plus du tout » mais tout administrateur systèmes est superstitieux !).

Outre ce point fondamental, voici quelques différences marquantes avec la situation antérieure (liste non exhaustive) :

  • Il n’y a plus de limitation au nombre de connectés simultanés (nous avions du réduire la voilure par le passé à 8 puis à 16). Nous sommes ainsi montés à 40 sans broncher lors de nos phases de test.
  • Vous pouvez (enfin) exporter et importer votre pad dans les formats suivants : TXT, HTML, PDF, ODF, DOC et même, bonus Framasoft, en LaTeX !
  • Mise en forme du texte plus riche : on peut ainsi ajouter des titres, sous-titres… (ce qui correspond à l’introduction des balises H1, H2…)
  • Vous pouvez proposer votre pad en lecture seule, sans possibilité donc pour le visiteur de pouvoir modifier le texte (l’astuce consistant alors à donner une autre adresse URL spécialement conçue à cet effet)
  • Il est plus facile et fonctionnel d’embarquer le pad dans votre propre site (en copiant/collant un bout de code).
  • Optimisation pour smartphones et tablettes : il est donc désormais possible de collaborer sur un pad partout dans le monde grâce à son mobile

Techniquement parlant cela correspond à la mise en place d’Etherpad Lite, version beaucoup plus légère que la précédente, installée, localisée et adaptée par nos soins.

Attention cependant cette mise à jour majeure ne concerne que les classiques pads publics et non les pads privés qui en restent à l’ancienne version malheureusement pour le moment. Du coup, réfléchissez bien avant d’opter pour la création d’un compte privé. Nous vous rappelons en passant que nos pads ne sont pas indexés par les moteurs de recherche (sauf si l’un des participants se met à partager publiquement le lien, sur les réseaux sociaux par exemple).

Voilà. Framasoft est fier et ravi de vous proposer un service Framapad de meilleure qualité, ce qui implique aussi que les usages vont s’en trouver multipliées (n’hésitez à nous raconter comment vous l’utilisez dans les commentaires).

Framasoft est évidemment là pour assurer et maintenir ce service, mais n’oubliez pas qu’il s’agit aussi d’affirmer que ce service est libre et que vous pouvez vous aussi l’héberger sur votre propre serveur (Etherpad Lite et notre « fork » sur GitHub). De ce fait, ce nouveau Framapad fait le lien avec Framadate ou le récent Framacalc pour témoigner qu’il est possible d’envisager un cloud libre et décentralisé qui ne captent pas nos données personnelles.

Nous en profitons pour remercier tous les membres de la liste de discussion dédiée au projet. D’ailleurs si vous souhaitez nous rejoindre pour participer avec nous à l’aventure Framapad, il suffit de vous inscrire ci-dessous :

E-mail :

Un dernier mot. Il y a un lien direct entre la venue d’un second permanent au sein de notre association et le dynamisme actuel du réseau. Cette embauche était nécessaire mais comportait un risque financier. Et nous y sommes justement ! Alors merci de nous soutenir, si vous le pouvez et le jugez bon, pour nous montrer que nous avions raison d’être optimistes 🙂

Sur ce, il est grand temps de découvrir ce nouveau Framapad

Notes

[1] Nous avions d’ailleurs appelé à l’aide l’année dernière suite à une crise de croissance de Framapad. Appel bien reçu par Bearstech qui est alors devenu l’hébergeur du projet (merci pour eux). Mais le problème tenait plus à la (mauvaise) qualité intrinsèque de la version antérieure du logiciel qu’à une simple question de trafic.




Geektionnerd : Firefox 16

It’s not a bug, it’s a feature 😛

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Firefox 16 : diffusion interrompue à cause d’une faille de sécurité (Tasse de Café)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Lionel Dricot (alias Ploum) candidat du Parti Pirate aux élections en Belgique

De l’informatique à la politique…

Lionel Dricot, alias ploum, vient de temps en temps rédiger dans nos colonnes (clavier Bépo, monnaie Bitcoin, histoire d’OpenOffice). Plus généralement c’est un acteur engagé en faveur de la défense et promotion du logiciel libre, et ce depuis bien longtemps déjà.

Il se présente sous la bannière du Parti Pirate (Brabant-Wallon) pour les élections communales et provinciales du dimanche 14 octobre prochain.

Il a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques une des nos questions. Et je suis certain qu’il trouvera malgré tout le temps de répondre aux vôtres dans les commentaires 😉

Lionel Dricot - Ploum

Bonjour Lionel. Tu es contributeur occasionnel au Framablog mais peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Lionel Dricot mais, sur la toile, vous me verez surtout sous le pseudonyme de Ploum. Je suis un ingénieur en informatique de 31 ans, belge une fois et actif dans le logiciel libre depuis 2001.

J’aime beaucoup réfléchir, écrire et remettre en question, sous une lumière purement rationnelle, ce qui est considéré comme acquis. Je me suis passionné pour Linux et XMPP à une époque où Windows et MSN étaient des acquis. Pour la même raison, j’ai remis en question l’Azerty pour passer au Bépo et j’ai remis en question le principe monétaire avec Bitcoin.

Et tu es candidat aux élections qui vont avoir lieu en Belgique…

La Belgique est un pays très complexe. Cette année, nous allons élire nos représentants à la province (l’équivalent des départements français) et à la commune. Les élections provinciales passionnent peu mais les élections communales sont très importantes car elles auront des conséquences immédiates sur la vie quotidienne des habitants. Le bourgmestre (équivalent du maire) est en effet nommé pour six ans suite à ces élections.

Je suis candidat du Parti Pirate, en première position dans la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve et en 9ème position pour la province du Brabant-Wallon.

Sont-ce tes premiers pas en politique ?

Pas vraiment. J’ai toujours trouvé important de suivre la politique de près. Comme beaucoup de jeunes, j’ai voté pendant des années pour Ecolo, équivalent des Verts en France, avant d’être très déçu. J’ai été quelques temps membre actif du MR, parti libéral de centre-droit, souhaitant défendre les libertés individuelles. J’ai aussi été déçu par certains aspects conservateurs ou ultra-capitalistes.

J’ai découvert que, dans tous les partis, il y a des gens extraordinaires et des gens insupportables avec des idées dangereuses. Et que, malheureusement, la particratie belge lissait le tout, rabrouant ceux qui sortent un peu du lot et qui sont pourtant ceux que je voulais voir en politique.

Tu t’es alors tourné vers le Parti Pirate. Alors pourquoi lui et pas un autre ?

En fait, avec plusieurs amis, on se morfondait devant les partis politiques traditionnels. Par exemple, nous avions trouvé une erreur fondamentale dans le programme Ecolo pour sortir du nucléaire. Une erreur qui multipliait par 10 la puissance des éoliennes. Nous avons donc contacté les responsables du parti et il nous a été répondu qu’on nous répondrait après les élections.

Dans nos discussions, nous avons lancé l’idée d’un parti politique qui ne serait pas idéologique mais qui tenterait une approche pragmatique des problèmes, reconnaissant si nécessaire ses erreurs et n’hésitant pas à faire marche arrière quand une solution donnée s’avère défaillante. On avait appelé ça le Parti Intellectuel ou un truc du genre, je ne sais plus trop.

Mais quand le Parti Pirate est arrivé, j’y ai retrouvé exactement cet état d’esprit. Et je n’ai pas été le seul vu que mes amis Nicolas Ykman, blogueur sur artimuses.be, et Gauthier Zarmati s’y sont aussi retrouvés.

De là à être candidat, il y a pourtant une sacrée marge. Pourquoi s’investir autant ?

Parce qu’il n’y avait personne d’autres dans notre province. Sur le forum du Parti Pirate, je tentais de savoir qui seraient les candidats pour le Parti Pirate, demandant pourquoi il n’y avait pas quelqu’un pour lancer tout. J’ai un jour reçu un mail de Paul Bossu, coordinateur du Parti Pirate pour la Wallonie, qui m’a dit : « Tu es quelqu’un comme un autre, tu n’as pas besoin de notre permission, lance-toi ! ». Nicolas et Gauthier m’ont dit : « Si tu te lances, je me lance » et on a fondé la section locale du Parti Pirate.

Étant en mars 2012, on s’est dit qu’on était trop tard pour les élections d’octobre, on ne se préoccupait pas de ça. Mais notre section locale s’est rapidement développée, avec des membres de tous horizons, apportant chacun leur motivation. Paul nous a dit que ce serait une bonne expérience de se présenter aux élections.

Et il avait raison : refaire le monde, avoir des idées c’est bien. Mais refuser de se présenter aux élections, c’est un peu de la lâcheté. Il faut se confronter à la vraie vie.

Mais qu’est-ce qu’un geek libriste peut trouver dans la politique ? Le logiciel libre et le Parti Pirate ont-ils le moindre rapport ? Surtout à un niveau extrêmement local.

Oui, les deux sont complètement liés. Il y a tout d’abord la volonté de remettre en question l’existant, d’essayer de nouveaux modèles. Mais le logiciel libre m’a appris que, grâce aux nouvelles technologies, des centaines voire des milliers de personnes pouvaient collaborer pour gérer des projets extrêmement complexes. Et ce, malgré l’éparpillement géographique, les différences de cultures, de langues.

Si c’est possible pour de tels projets, cela doit a priori l’être pour une commune. C’est pourquoi nous proposons d’utiliser des logiciels de suivi de problème (genre Bugzilla) pour permettre aux habitants de signaler les problèmes : trottoir abîmé, égout bouché, dégradation du mobilier urbain, etc.

Nous souhaitons également que tous les projets, les règlements soient accessibles sur un wiki avec un suivi des révisions et où chacun pourrait apporter sa modification. Le tout en insistant également sur la transparence du processus politique et ce y compris jusque dans les détails du budget de la commune et du salaire des politiciens.

Tout cela est très expérimental mais Ottignies-Louvain-la-Neuve est une ville à part, un ovni dans le paysage belge. C’est donc l’endroit idéal pour tenter de renouveler le terrain politique.

Crédit photo : Adrien le Maire (Creative Commons By-Sa)




Pour en finir avec les mythes prégnants du copyright et de l’argent

« Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte », tel est le titre frappant d’un récent article de Rick Falkvinge (désormais habitué du Framablog).

Puisque ce mythe ne résiste pas aux faits, il est grand temps désormais pour ces messieurs du copyright d’adopter un discours honnête, sérieux et mature si on veut réellement avancer…

Remarque : Nous avons conservé le terme anglo-saxon « copyright », que l’on traduit souvent en français par « droit d’auteur », car l’acception et le périmètre du mot ne sont pas tout à fait similaires ici.

Stephen Downes - CC by-nc

Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte

It’s Time To Debunk The Myth That Copyright Is Needed To Make Money – Or That It Even Makes Money

Rick Falkvinge – 7 octobre 2012 – TorrentFreak.com
(Traduction : fcharton, Gatitac, janfi, Pymouss, bituur esztreym, Jeff_, Mnyo, ti_tux, goofy_seamonkey)

Un des mythes les plus tenaces au sujet du monopole du copyright est qu’il est nécessaire afin de rapporter de l’argent. Il s’avère que cette affirmation est fausse dans un grand nombre de cas observés, mais le pluriel « d’anecdote » n’est jamais « statistiques ». Dès lors, penchons-nous sur des preuves statistiques solides pour l’élaboration de notre réflexion politique à ce sujet.

Puisque le monopole du copyright est principalement une activité économique, on constate un gouffre parmi le public, entre ceux qui soutiennent son abolition uniquement dans un cadre non commercial, et ceux qui soutiennent son abolition complète.

Il y a parmi la population une forte majorité qui se prononce en faveur d’une réduction de ce monopole, afin de favoriser les échanges non marchands entre proches, amis et inconnus. Et si on observe la plus jeune moitié de la population, cette majorité passe de forte à écrasante. Est-il besoin de préciser que cette jeune moitié de la population (qui s’étend jusqu’aux adultes d’une quarantaine d’année) ne changera pas ses habitudes ou ses valeurs sur le sujet, n’en déplaise aux doux rêves avancés par l’industrie du copyright actuellement en exercice. D’ici vingt ou trente ans du reste, ce sont eux qui tireront les ficelles de la politique, et les dinosaures actuels morts et enterrés.

Quand on aborde les questions commerciales de ce monopole, on découvre en revanche un certain nombre de mythes florissants qui ont tendance à freiner l’adhésion du public à une abolition complète du copyright jugée improbable et irréaliste. Voyons quels sont ces mythes, et confrontons-les à la réalité.

Mythe : Si nous abolissons le monopole du copyright, les artistes ne pourront plus gagner de l’argent.

Réalité : C’est un mythe tenace et bizarre, étant donné qu’il y eut des périodes historiques où les artistes n’étaient pas rémunérés. Le système actuel revient à « signer un contrat ou rester pauvre ». Or 99% des artistes ne signent pas de contrats avec l’industrie du disque, et parmi ceux qui le font 99,5% n’ont jamais vu la couleur de leurs droits d’auteur. Il s’agit donc de se dégager d’un système qui laisse délibérément 99,995% des artistes sans aucune forme de revenu pour la pratique de leur art.

Ceci étant donc dit, il est absurde de prétendre que toute évolution vers un système dégraissé de ses intermédiaires « ôterait la possibilité aux artistes de gagner de l’argent », d’autant que ces intermédiaires, devenus aujourd’hui obsolètes, s’octroient en moyenne 93% des revenus des 0,005% des artistes qui gagnent encore de l’argent. Éliminons-les et tout (ou partie) de ces 93% reviendra aux artistes.

Mythe : Le monopole du copyright est une source essentielle de revenus pour les artistes aujourd’hui.

Réalité : De tout l’argent dépensé dans la culture, à peine 2% (oui, deux pour cent !) arrive jusqu’à l’artiste à cause des mécaniques complexes de redistribution du monopoly du copyright. Cela a été étudié en profondeur par le suédois Ulf Pettersson en 2006 (lien vers l’article, lien direct vers l’étude, les deux sont en suédois), qui conclut que la majeure partie des artistes gagnent leur vie autrement (travail intérimaire, prêts étudiants…).

Mythe : L’industrie du copyright est vitale pour l’économie dans son ensemble.

Réalité : « L’industrie du copyright » est délibérément évaluée par des moyens complètement trompeurs qui confinent au ridicule. Dans les consignes de l’OMPI concernant ce qui doit être compris dans « l’industrie du copyright », nous trouvons de tout, de la création de pâte à papier, à la vente d’électroménager, en passant par la fabrication de chaussures (OMPI 2003, d’après l’article de Pettersson cité plus haut). Si vous mettez pratiquement tous les pans de l’économie dans un ensemble X, et que vous affirmez ensuite que cet ensemble X est vital pour l’économie, alors vous pourriez sembler avoir raison. Il suffit de ne pas vous faire prendre quand on s’intéresse de près à la manière avec laquelle vous avez sélectionné ce gros X fourre-tout, et qu’il n’y a aucun lien avec ce dont vous parlez réellement. Les industries tirant profit du monopole du copyright ne représentent qu’un dixième de celles qui en sont désavantagées. Vous voulez créer des emplois ? Détruisez le monopole !

Mythe : Avec le partage gratuit, personne ne va dépenser d’argent pour le divertissement.

Réalité : Les dépenses des foyers pour la culture ont augmenté, année après année, depuis l’apparition du partage de fichiers à grande échelle avec Napster en 1999 (d’autres rapports disent que cela stagne mais aucun ne parle de chute). Il est cependant vrai que les ventes d’enregistrements sur support physique s’effondrent. Ce qui est une excellente nouvelle pour les musiciens, qui n’ont plus besoin de dépendre des intermédiaires qui récupèrent 93% des parts, et qui ont vu au contraire leurs propres revenus augmenter de 114% dans le même laps de temps.

Mythe : Sans la motivation d’un éventuel gain d’argent, personne n’ira plus faire carrière dans l’art et créer.

Réalité : Les gens créent malgré le monopole du copyright, pas grâce à lui. YouTube absorbe 72 heures de vidéos téléversées chaque minute. On peut soutenir que la plupart ne seront sans doute pas visionnées, mais il y a certainement des perles là dedans. La discussion est absurde en fait à partir de la simple observation qu’il y a évidente surabondance d’artistes par rapport à ce que le marché peut contenir : on peut facilement trouver un comptable professionnel qui prend une guitare électrique pendant la pause pour se relaxer un peu, mais montrez-moi ne serait-ce qu’un seul guitariste professionnel qui se détend avec un peu de comptabilité pendant son temps libre.

GNU/Linux et Wikipédia sont deux excellents contrepoints qui font voler en éclat ce mythe étrange. Le système d’exploitation dominant et l’encyclopédie dominante ont été créés par des bénévoles non rémunérés (et quand je dis que GNU/Linux est « dominant », je mets aussi dedans le dérivé Android, juste pour mémoire).

Nous créons depuis que nous avons appris à mettre de la peinture rouge sur des parois de grottes, pas à cause de la possibilité de gagner de l’argent, mais à cause de ce que nous sommes et de ce qui nous fondent. Du reste, les gens qui cherchent de l’argent ne s’engagent pas d’emblée dans les arts. Ils vont en faculté de droit ou de médecine. C’est pourquoi les parents ont l’air si désespéré quand leur rejeton leur dit qu’il a décidé de devenir poète pour gagner sa vie.

Le mythe selon lequel le monopole du copyright serait nécessaire pour que n’importe quelle sorte d’art rapporte de l’argent, ou tout simplement pour que cet art existe, est un mythe obscène perpétué par ceux qui ont quelque chose à gagner en écrémant les 90% de l’argent des artistes, les privant du même coup de l’accès a un public par un racket à l’ancienne.

Pouvons-nous, s’il vous plaît, passer à autre chose maintenant ?

Crédit photo : Stephen Downes (Creative Commons By-Nc)