Goat In The Shell débunke le « Deep Web »


Goat In The Shell présente « Le grand méchant deep web »

« Ici LSN, en direct du clearweb, pour dépoussiérer les mythes qui entourent nos outils quotidiens », voici comment est introduit le sujet, après une entrée en matière mettant en scène un « ânon-y-mousse » racontant d’une voix robotique ses mésaventures sur le darknet.

Dans l’épisode pilote de Goat In The Shell, une nouvelle émission lancée sur la chaîne « Le Goat Gang » par Komodo Super Varan et votre serviteur (LSN), je présente le deepweb et le(s) darknet(s) sous un jour réaliste. Ce faisant, j’en profite pour revenir sur ce que sont les VPNs et Tor, et poser les bases du fonctionnement d’un réseau.

cliquez sur l’image pour voir la vidéo (youtube)

Si la chaîne du Goat Gang ne se spécialise pas uniquement sur cette émission et proposera de nombreux contenus en tout genre, il s’agit bien d’un projet qui s’étendra sur plusieurs épisodes, avec pour objectif la vulgarisation de l’Internet, des réseaux, et de l’informatique en général.

L’objectif ? Faire comprendre au maximum de novices qui ne s’y sont pas intéressé⋅e⋅s comment fonctionne Internet, mettre au sol quelques légendes urbaines à coups de débunkage, et enfin lever le voile – Internet, ce n’est pas mystique, et ce n’est pas magique.

PS : Oui, c’est de l’auto-promo, mais c’est Pouhiou qui m’a demandé de le faire :þ

Ressources / Aller plus loin :

Bonus : la conférence de Lunar aperçue dans la vidéo !




Les mégadonnées vont-elles geler notre vie sociale ?

Le big data, célébré comme le nouveau pétrole de l’économie des start-ups, nous prépare peut-être un monde tellement cool qu’il pourrait être… glaçant.

Mais d’abord rêvons un peu.

Imaginez qu’on puisse propulser des idées qui nous sont chères avec une mise en page particulièrement attrayante… Euh, c’est pas gagné.

On le sait bien et on le regrette, le Libre n’a pas des armées de graphistes à son service. Pour essayer de toucher et convaincre – l’un n’est pas exclusif de l’autre, nous regrettons souvent de n’avoir pas un support graphique moins rébarbatif et surtout la compétence de professionnels du webdesign. Combien de fois avons-nous déploré que des projets libristes très intéressants ne soient pas visuellement sympathiques ni très attirants (et ne parlons même pas d’ergonomie et d’accessibilité, cela mériterait de longs développements) ?

Mais l’heure n’est pas aux plaintes ! En effet, au hasard de l’infinie richesse des pages web nous avons rencontré un site qui nous a littéralement « tapé dans l’œil » : non seulement son propos nous semble fort pertinent, mais sa mise en page illustrée est assez forte pour retenir l’attention.

De quoi est-il question ? Du risque insidieux que la captation des mégadonnées ne modifie en profondeur nos interactions sociales : comment ne pas s’autocensurer lorsqu’on se sait potentiellement ou réellement surveillé ? Comment éviter de conformer notre comportement sur ce que dit de nous notre profil en ligne, évalué par des algorithmes ? Comment bénéficier d’une mobilité sociale si celle-ci est liée, comme c’est déjà le cas en Chine, à une « note de confiance » attribuée par le gouvernement?

L’argumentation ici n’est pas longuement développée, des liens sont là pour aller plus loin. C’est la force de l’image, des chiffres, des exemples et des mots-clés qui est utilisée, n’hésitez pas à vous en servir en diffusant à volonté!

Cette page a été conçue et réalisée par Tijmen Schep qui l’a mise sous licence CC-BY 4.0. C’est pourquoi le groupe Framalang a eu le plaisir de le traduire mais en le conservant dans sa présentation d’origine. Merci aux contributeurs et contributrices: Opsylac, Goofy, Jérochat, PasDePanique, suite-et-fin, Lumi, Moutmout, Destructor, egilli.

Ensuite, grâce à Joe Mobbs (thanks a lot!) et Framasky (merci pour le coup de main), nous avons installé la page française sur un serveur de Framasoft et hop, la voici à la disposition des francophones !

EDIT : la version française est maintenant disponible sur le site officiel.

Voici quelques captures d’écran destinées à vous donner envie d’aller sur la page https://socialcooling.com/fr/




Politique : pour les arcanes c’est Arcadie

Nous avons tendance à voir et juger d’un peu loin le monde politique, ou plutôt par le miroir déformant des affaires et des scandales : la corruption du milieu parlementaire, hélas bien présente, fait presque écran au fonctionnement réel des institutions et de ceux qui sont censés nous représenter. S’informer davantage, mieux connaître, comprendre, identifier qui fait quoi et dans quelles conditions demande du temps et des recherches dans de multiples directions. C’est pourquoi le projet Arcadie, initiée par Tris Acatrinei, revêt toute son importance. On peut même considérer qu’il est d’utilité publique et citoyenne. En rendant disponibles et compréhensibles sur un portail unique des informations peu accessibles et dispersées, il donne un bon exemple d’utilisation des données publiques pour le bien commun.

 

Bonjour Tris, peux-tu te présenter brièvement ?
Brièvement, je ne sais pas faire, je ne suis pas comme François Hollande, une experte de la synthèse. Plaisanterie mise à part, je suis juriste de formation mais j’ai commencé à bricoler en informatique, ce qui m’a amenée à rencontrer  notamment Eric Walter et à rejoindre l’Hadopi. Après un passage dans un cabinet de droit de propriété intellectuelle et industrielle, période pendant laquelle, je me suis beaucoup occupée de mon premier « bébé » Hackers Republic, j’ai été embauchée comme assistante parlementaire. J’en suis partie pour monter le Projet Arcadie.

Sérieux, t’as bossé pour la Hadopi ? Mais alors, ça existe ?
Et même que si tu dis le nom de l’institution trois fois, MFM apparaît dans ta douche.

C’est bien comme nom Arcadie, mais pourquoi ce choix ? À cause de l’utopie ?
Officiellement, oui. En réalité, le nom m’a été inspiré par XFiles et Resident Evil.

L’accroche du projet c’est « Pour enfin tout savoir sur les parlementaires français ». C’est alléchant, mais est-ce que ça veut dire qu’on ne sait pas tout sur les parlementaires ? Pourtant il y a des pages Wikipédia, des fiches de l’Assemblée Nationale, les sites web des parlementaires eux-mêmes, des journalistes qui parfois font leur métier et tout… il y a des choses qu’on ignore, donc ?
Il y a toujours des choses qu’on ignore mais en fait, quand j’étais AP (assistante parlementaire), je passais beaucoup de temps à chercher qui étaient les députés, leurs résultats d’élections, leur présence sur le Web, etc. Je ne trouvais rien qui centralise toutes les infos essentielles, notamment les fonctions dans les partis. Or, ce que peu de gens savent, c’est que les élus qui ont des responsabilités au sein de leur parti ne sont pas forcément les plus productifs dans leurs assemblées. Par ailleurs, les fiches sur le site de l’AN et du Sénat sont déclaratives.
Ma valeur ajoutée est la vérification des infos, le croisement : je farfouille partout et je veux que les gens puissent trouver en trois clics les infos qui les intéressent. Par exemple, connaître à l’instant T le nombre de parlementaires LREM, également avocats, toujours en activité.

La page d’accueil du projet Arcadie

Qu’est-ce qui a motivé ce projet au départ ? Tu dis sur ton site que c’était un projet professionnel, et que ça n’a pas abouti. Pas trop aigrie ?
Je me disais que si j’avais un besoin d’infos centralisées, à jour et vérifiées, je ne devais pas être la seule. Au début, je voulais en faire un projet entrepreneurial mais comme je ne suis pas une commerciale, ça ne l’a pas fait. En fait, je suis plus heureuse de ne dépendre que des dons car les gens savent pourquoi ils en font. Le risque de dépendre du mécénat ou de subvention est que tu te muselles pour ne pas déplaire. Et si un jour, ça doit s’arrêter, eh bien, ça s’arrêtera.

Tu pouvais gagner ta vie honorablement en faisant du développement, du droit, du community management, de la sécu, etc. Bref tu as pas mal de cordes à ton arc. Pourquoi avoir choisi un projet comme celui-là et de t’y consacrer à plein temps ?
Pendant un moment, je jonglais entre Arcadie et d’autres activités mais avec l’affaire Fillon, puis l’affaire Le Roux, j’ai été plus exposée médiatiquement et mécaniquement, j’ai eu plus de travail à faire. Pour le moment, je consacre 75 % de mon temps à Arcadie mais on verra dans quelques mois. De ce que j’en vois, ce n’est pas uniquement la plateforme de données qui intéresse les gens mais aussi les livetweets de séance à l’AN, la pédagogie autour de la politique, de la chose parlementaire, les explications, etc. Je pars du principe que si tu veux faire les choses sérieusement, tu dois y consacrer un certain temps donc j’y passe le temps nécessaire.

La question qui pique : est-ce que ce site serait libre d’accès et public si tu avais réussi à le faire financer par une boite ?
Arcadie a été entièrement financé par mes économies 🙂 Aujourd’hui, la plateforme ne vit que de dons et ne reçoit ni mécénat d’entreprises ni subventions publiques. Pour être honnête, 3 jours avant l’affaire Fillon, je disais à ma meilleure amie que si une boîte me mettait une certaine somme d’argent sur la table, j’étais prête à en céder la propriété. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ou alors pour un montant colossal.

Toutes ces informations que tu centralises et rends disponibles avec un moteur de recherche et des filtres que l’on peut croiser, tu les trouves où ?
Sur les sites institutionnels, mais aussi les sites des partis politiques, la presse quotidienne régionale, la presse quotidienne, les blogs mais aussi, parfois, certaines informations me sont remontées en off.

Tu t’appuies donc aussi sur ton réseau de connaissances ?
Ça m’arrive mais je veille à avoir une source sérieuse, officielle ou explicite.

Tu récoltes tout à la main ?
Non, quelle drôle d’idée. J’ai des trackers qui font le boulot à ma place. Je me contente de vérifier que les contenus signalés comme ayant subi une modification correspondent à une réelle modification et pas à un faux-positif. Pour les nouvelles infos, je scrape carrément les sites et je fais le tri.

Les contenus textuels ainsi que les images font l’objet d’une licence Creative Commons CC-BY-NC-SA. mais ce qui fait fonctionner la plateforme, c’est sous quelle licence ?
Aujourd’hui, comme il s’agissait d’un concept entrepreneurial, il a été protégé auprès de l’INPI. Si certaines personnes veulent réutiliser les données, elles peuvent déjà s’appuyer sur les mêmes sources que moi. Le reste est aussi CC-BY-NC-SA.

Est-ce que tu utilises des outils libres pour la plateforme et le blog ou bien est-ce que tu as dû faire des concessions pour diverses raisons ?
La plateforme fonctionne avec Drupal et il y a deux outils qui ne sont pas très « propres » mais pour lesquels, j’ai dû faire des concessions. Le premier est Google Analytics mais je compte m’en débarrasser très bientôt et le second est PayPal mais lui va rester car cela permet à mon expert-comptable, qui maîtrise bien l’interface, de suivre les dons pour procéder aux déclarations.

Pour nos lecteurs les plus techies, comment tout ça tourne en arrière-plan ?
Mes trackers ne sont pas reliés à la plateforme. Au départ, c’était mon idée mais je me suis dit que si les sites sur lesquels je posais mes trackers changeaient, j’allais avoir un souci. Donc, les données sont ajoutées par des CSV que je génère moi-même, grâce à mes outils de collecte. De la même manière, si pour une raison ou pour une autre, la plateforme rencontre un gros problème technique qui nécessiterait de tout supprimer pour reconstruire, j’irais clairement plus vite.

Pour le design, j’ai tout refait avec Bootstrap et je suis aidée par un très bon développeur de chez Makina Corpus, que je sollicite parfois quand je « bugue ». Pour l’administration-système, j’ai tout casé chez Gandi, en Simple Hosting – car je n’ai pas assez de connaissances pour prendre un dédié et y installer Apache Solr, pour améliorer la recherche. Cela demanderait aussi d’autres dépenses.

Et maintenant, la grosse question : que penses-tu du rapport des libristes avec la vie politique ?
La question est compliquée car j’ai peur de paraître condescendante dans ma réponse mais j’aurais tendance à dire que le monde libriste fait parfois preuve de naïveté ou de candeur. On s’y figure que la politique est la recherche du Bien pour le plus grand monde, l’intérêt général, etc. C’est le cas mais parfois, pour y arriver, il faut être capable de biaiser, de louvoyer et cela s’accorde mal avec notre tendance jusqu’au-boutiste. Il ne faut pas voir les choses comme étant toutes noires ou toutes blanches. On a beaucoup de nuances de gris.

Beaucoup de connaissances trop approximatives sur les institutions et les rouages de la politique politicienne peut-être ?
Peut-être et surtout, il faut se blinder. Mon apprentissage politique, je l’ai commencé à l’Hadopi, je suis un peu tombée de mon arbre à ce moment-là et quand j’ai fait mes premiers pas à l’Assemblée Nationale, pour un UMP, on était à peine sorti de la guerre Copé-Fillon. Mine de rien, ça forge et j’avais une place d’autant plus privilégiée que je ne prenais pas les coups. Mais je voyais les autres en prendre et en donner. Alors, j’ai observé, j’ai regardé et j’ai appris.

Dans le film d’Henri Verneuil le Président (1961), le vieux président du Conseil, interprété par Jean Gabin, dénonce la corruption des parlementaires.

Parallèlement, tu as sans doute constaté la grande lassitude et même le dégoût de beaucoup pour le fonctionnement du système politique actuel et la recherche d’alternatives plus « citoyennes », qu’en penses-tu ?
Il y aurait tellement à dire sur certaines initiatives qui se disent vertueuses et sur certains qui veulent nous tromper, en nous faisant croire qu’ils œuvrent pour le bien commun, alors que la seule chose qui compte est leur gloriole personnelle. Je n’ai pas cette prétention, je me suis toujours présentée comme une mercenaire, ne représentant que moi-même et c’est déjà assez de boulot.

On voit que tu maîtrises bien ton affaire, mais comment tu fais pour gérer ça toute seule, ça fait beaucoup pour une seule personne, non ?
Je m’organise, je cale ma vie sur l’activité politique et parlementaire. Par exemple, cette année, je partirai en vacances après la session extraordinaire mais avant les sénatoriales. Comme je n’ai pas de contraintes particulières, je m’en sors bien. J’ai parfois des coups de fatigue comme tout le monde, mais dans l’ensemble, je ne me plains pas.

Tu es très proche du milieu politique dans ce qu’il a de plus institutionnel mais aussi dans ce qu’il a de moins ragoûtant : petits arrangements et grosses corruptions, trafic d’influence et abus de pouvoir, est-ce que ta situation n’est pas un peu dangereuse, du moins parfois pénible ?
Au contraire. Il n’y a rien de plus délicieux que de découvrir un « cadavre » sur quelqu’un qui se montre comme étant vertueux.

On imagine que tu subis des pressions régulièrement, non ?
À l’exception d’une personne qui m’emmerde, pour parler vulgairement, assez régulièrement, les autres me fichent la paix. Avant, je n’étais pas assez importante pour leur faire du tort – pensaient-ils – maintenant, tout le monde sait de quoi il retourne. Il ne faut jamais oublier que la personne la plus dangereuse est celle qui n’a rien à perdre. Aux débuts du projet, j’ai été aimable, j’ai souhaité instaurer un dialogue et je me suis fait piétiner. Maintenant que je montre les dents, bizarrement, certaines personnes ont envie de dialoguer.

Hum on devine que certains partis ou certaines personnalités te donnent envie de leur voler dans les plumes si l’on en croit ta récente intervention à Passage En Scène  où tu dénonces la corruption toujours bel et bien présente à quantité de degrés…
Non, je n’ai pas eu de récriminations. Non pas que ça aurait changé quoique ce soit d’ailleurs.

… mais le projet Arcadie se doit d’être factuel et politiquement neutre, non ?
Les données de la plateforme sont neutres. Moi, non. L’expérience m’a aussi montré qu’en étant totalement neutre, les gens ne montraient qu’un intérêt poli sur Twitter. Mais quand tu commences à l’ouvrir, les choses deviennent intéressantes. Il y aura toujours des gens qui seront gênés par ma démarche. C’est leur problème, pas le mien.

Comment tu tiens ce grand écart ? On t’a probablement déjà accusée de partialité, non ?
Régulièrement. On m’a collé tellement d’étiquettes différentes ces derniers mois que je suis la représentation politique des deux assemblées à moi toute seule. La neutralité n’est pas ne pas taper ou ne se moquer de personne mais bien d’emmerder tout le monde, sans parti pris.

Au moment où tu as lancé le projet Arcadie, il a fallu batailler pour faire reconnaître la légitimité/légalité de ta collecte d’informations, il y avait pas mal de réticences dans le milieu parlementaire. Est-ce que maintenant ça va mieux de ce côté ?
Honnêtement, ça va mieux, aussi parce que les nouveaux députés ont une autre mentalité, donc ils discutent avec moi, ils échangent. Côté institutions, j’estime avoir de bons rapports avec la CNCCFP (la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques).
Avec le recul, je me rends compte que j’ai eu une sorte de procès en légitimité de la part de certaines personnes, parce que je n’avais pas un passif militant pur et dur et que je n’avais pas le cursus classique des politiques. Les gens ne savaient pas dans quelle case me ranger.

« Faire parler les élus malgré eux, grâce à l’open data » Tris Acatrinei, conférence sur la petite corruption au quotidien, Passage en Seine, 2017 (cliquer pour voir la conférence)

Est-ce qu’il arrive que des parlementaires ou ceux qui les entourent fassent appel à toi/à Arcadie comme une ressource fiable et informée ?
Dans le cadre du projet de loi moralisation, la députée LREM Aurore Bergé m’a contactée pour qu’on échange sur le sujet. On s’est donc vues et je lui ai parlé de ce que j’avais constaté comme manquements, ce qui pourrait être amélioré, etc. J’ai aussi discuté avec un autre député LREM concernant sa situation professionnelle. De façon générale, je me tiens à disposition de tous les parlementaires qui souhaitent échanger.

Allez je mets les pieds dans le plat : ton projet a une récente concurrence avec une équipe de journalistes qui prétendent faire à peu près la même chose ?
Ce n’est pas le tout de faire une base de données d’informations : encore faut-il la maintenir à jour et ne pas faire d’erreurs. C’est déjà plus compliqué qu’il n’y paraît. Sur la BDD dont tu me parles, j’ai vu des erreurs mais ça montre qu’il y a des points sur lesquels l’information n’a pas été correctement distribuée. Sur le moment, je l’ai mal pris mais le lendemain, ça m’a fait sourire.

Tu as un statut d’auto-entrepreneuse, mais comment tu peux couvrir les frais du site et rémunérer ton travail ? Seulement par des dons ?
J’évite les dépenses inutiles liés au projet donc les dons arrivent à couvrir les frais de fonctionnement, une gestion de bon père de famille comme on dit. Par ailleurs, et je ne m’en suis pas cachée, il m’arrive de collaborer sur des sujets avec des rédactions. Ainsi, la carte de France du népotisme avec Le Lanceur était un travail rémunéré car il fallait vérifier tous les liens familiaux éventuels entre les parlementaires et leurs collaborateurs. J’aimerais faire d’autres travaux du même genre mais Rome ne s’est pas faite en un jour.

Imaginons que subitement tu aies beaucoup plus de moyens à ta disposition, quel serait le développement dont tu rêves pour le projet Arcadie ?
J’en ai une douzaine en tête ! Je dois n’en choisir qu’un ?

On a envie de souhaiter longue vie au projet Arcadie – et pour ça chacun peut y contribuer financièrement et le faire connaître – mais on te laisse (c’est la tradition ici) le dernier mot :
Je me suis fixé un nouvel objectif : les partis politiques. Si l’objectif mensuel se pérennise, je fais une « petite sœur » à Arcadie car il y a un vrai manque sur le sujet. Je commence à avoir le squelette général en tête mais je vais attendre un peu.

 

Pour aller plus loin




Comment j’ai quitté Google et plaqué Microsoft


En 2015, après une longue période d’hésitation, j’ai sauté le pas. J’ai décidé que Google, Facebook ou encore Microsoft seraient pour moi des connaissances lointaines, et non des compagnons de route.

On a du mal à croire qu’il soit possible d’envisager sérieusement une telle transformation sans se couper du monde et du confort que nous offre le Web. Pourtant, ça l’est.

Nous sommes en juillet 2017. Ça fait deux ans. J’ai mes repères, mes marques et aucune sensation de manque. Lorsque je choisis de faire une entorse à mes principes et d’utiliser Google, ou de démarrer mon PC sous Windows, c’est une option ; j’ai toujours le choix. Je crois que c’est ça, l’idée : avoir le choix. La décentralisation, ce n’est pas juste quitter le navire : c’est choisir sur lequel on embarque en connaissance de cause.

Depuis 2015, alors que la moitié du marché des smartphones est contrôlé par Google et son système d’exploitation Android, que tout le monde connaît GMail, utilise Google Docs, se localise avec Google Maps et partage des choses sur Google+ (lol nope), je n’utilise pas tout cela. Ou plutôt, je n’utilise plus.

Bon, OK, j’ai une chaîne YouTube, donc je mets des vidéos en ligne. Promis, c’est tout. Vous verrez plus bas que même pour gérer mes abonnements YouTube, je me passe de compte Google !

Ni pour mes recherches. Ni pour mes mails. Ni pour partager des photos avec mes ami⋅e⋅s ou pour héberger une page web. Ni pour me géolocaliser. Ni pour faire fonctionner mon smartphone.

Depuis 2015, et quand Skype est le moyen le plus commun de discuter en audio/vidéo, quand choisir un ordinateur se résume à choisir entre Microsoft ou Apple, qu’on utilise le pack Office, voire qu’on est aventureux et qu’on a investi dans un Windows Phone (désolé), je n’utilise pas Microsoft. Ou plutôt, je n’utilise plus. Et même si les hipsters et les web-designers (sont-ce les mêmes personnes ?) investissent dans du matériel Apple, moi, je n’ai jamais touché à ça.

Alors je me suis dit que peut-être, ça vous intéresserait de savoir COMMENT j’ai pu réussir sans faire une syncope. Et comment j’ai découvert des alternatives qui me respectent et ne me traitent pas comme une donnée à vendre.

Allez, ferme Hangout, Messenger, Skype, Whatsapp, viens t’asseoir près du feu, et prends le temps de me lire, un peu. Ouais, je te tutoie, on n’est pas bien, là, entre internautes ?

Chapitre 1 : Pourquoi ?

Normalement, je dialogue avec un mec lambda qui a la critique facile dans mes articles, mais ici, c’est le Framablog ; il faut un peu de prestance. Ce sera donc Jean-Michel Pouetpouet qui prendra la parole. Donc, introducing Jean-Michel Pouetpouet :

« Haha, cocasse, cet individu se prend pour plus grand qu’il n’est et ose chapitrer son contenu tel un véritable auteur »

Oui, c’est plus cool que de mettre juste un « 1. ». Il y a beaucoup à dire, et faire juste un énorme pavé, c’est pas terrible. Puis j’ai l’âme littéraire.

Ce que je pense important de signaler dans ce retour d’expérience, c’est que j’ai longtemps été très Googlophile. Très content d’utiliser leurs outils. C’est joli, c’est simple, c’est très chouette, et tout le monde utilise les mêmes. Et quand on me disait, au détour d’une conversation sur le logiciel libre : « mais Google te surveille, Google est méchant, Google est tout vilain pas beau ! »

Je répondais : « Et il va en faire quoi, de mes données, Google ? Je m’en fous. »

J’étais un membre de la team #RienÀCacher et fier de l’être. Quand je m’étais demandé ce qui se faisait d’autre, j’étais allé sur le site de Framasoft (c’était il y a fort longtemps) et j’avais soupiré « pfeuh, c’est pas terrible comme même ». J’écris « comme même » afin de me ridiculiser efficacement, merci de ne pas commenter à ce sujet.

Puis un jour, au détour d’une Assemblée Nationale, j’ai entendu parler de surveillance généralisée par des boîtes noires. On en a tou⋅te⋅s, je pense, entendu parler.

« Nom d’une pipe, mais ceci n’a aucun lien avec la dégooglisation ! »

Tut-tut. C’est moi qui raconte. Et tu vas voir que si, ça a à voir ; du moins, dans mon esprit de jeune chèvre numérique.

Parce que quand j’ai entendu parler de ça, je me suis dit « mince, j’ai pas envie qu’on voie tout ce que je fais sous prétexte que trois clampins ont un pet au casque ». D’un seul coup, mon « rien à cacher » venait de s’effriter. Et il s’est ensuite effondré tel un tunnel mal foutu sous une montagne coréenne dans un film de Kim Seong-hun.

Mes certitudes sur la vie privée en ligne, allégorie

Dans ma tête, une alarme pleine de poussière s’est mise à hurler, une ampoule à moitié grillée a viré au rouge, et je me suis soudain inquiété de ma vie privée en ligne.

J’ai commencé à voir, la sueur au front, circuler des alertes de La Quadrature du Net concernant le danger potentiel que représenterait un tel dispositif d’espionnage massif. Et j’ai fini par tomber sur plusieurs conférences. Plein de conférences. Dont la fameuse « sexe, alcool et vie privée » : une merveille.

Après cela, deux conclusions :

  • La vie privée, c’est important et on la laisse facilement nous échapper ;
  • Les grandes entreprises qui ont mainmise sur ta vie privée, c’est pas tip top caviar.

Mais d’abord, avant de parler Google ou Facebook, il me fallait fuir le flicage étatique automatisé. Alors j’ai acheté une Brique Internet (powered by le génial système d’auto-hébergement YunoHost) et j’ai adhéré à l’association Aquilenet.

Brique Internet
Une Brique Internet dans son milieu naturel

Aquilenet, c’est un FAI (Fournisseur d’Accès à Internet) géré par des copains qui n’ont rien de mieux à faire que d’aider les gens à avoir accès à un Internet neutre, propre. J’ai donc souscrit à un VPN chez eux (chez nous, devrais-je maintenant dire). Pour avoir une protection contre les boîtes noires qui squatteront un jour (peut-être, vu comme ça avance vite) chez SFR, Free, Bouygues, Orange, et voudront savoir ce que je fais.

« Mais bon », me suis-je dit, « c’est très cool, mais ça n’empêche pas Google et Facebook de me renifler le derrière tout ça ».

Et j’ai entrepris la terrible, l’effroyable, l’inimaginable, la mythique, l’inaccessible… DéGooglisation.

Chapitre 2 : Poser les bases – Linux, Firefox, Searx

2.1/ Microsoft, l’OS privateur

Étrangement, le plus simple, c’était de dire au revoir à Microsoft.

Se dire que son système entier est couvert de trous (aka backdoors) pour laisser rentrer quiconque Microsoft veut bien laisser entrer, ce n’est pas agréable. Savoir que la nouvelle version gratuite qu’il te propose est bourrée de trackers, c’est pas mieux.

Pour bien comprendre, imagine que ton ordinateur soit comme un appartement.

Donc, on te vend un appartement sans serrure. On te dit « eh, vous pouvez en faire installer une si vous le voulez, mais alors, il faudra faire appel à une entreprise ».

Option n°1 : je n’ai pas besoin de serrure

« Je m’en fiche. J’ai confiance, et je sais quand je pars et comment je pars. Personne ne voudra entrer chez moi. »

Vraiment, est-ce qu’on peut croire une seconde à cette phrase ? Tu y vas au feeling ? Y a pas de raison que quelqu’un ne veuille entrer ? Tu partiras au travail ou en vacances le cœur léger ?

Option n°2 : je fais poser une serrure par un serrurier qui met un point d’honneur à ne pas me laisser voir son intervention

« Hop, me voilà protégé ! »

Et s’il garde un double de la clé ?
S’il décide de faire une copie de la clé et de l’envoyer à quelqu’un qui veut entrer chez vous sur simple demande ?

Elle fait quoi exactement cette serrure ?

Elle ferme vraiment ma porte ?

Option n°3 : je connais un gars très cool, il fabrique la serrure, me montre comment il la fait, et me prouve qu’il n’a pas de double de ma clé

« Je connais ma serrure, je connais ma clé, et je sais combien il en existe »

Ok, c’est super ça ! Dommage : je l’ai fait dans un appartement dont les murs sont en papier mâché. En plus, j’ai une fenêtre pétée, tout le monde peut rentrer. J’avais pas vu quand j’ai pris l’appart’. Bon, je rappelle mon pote, faut inspecter tout l’appartement et faire les travaux qui s’imposent.

Option n°4 : et si je prenais un appartement où tout est clean et sous contrôle ?

Ah, bah de suite, on se sent mieux. Et c’est ça l’intérêt d’un système d’exploitation (OS) libre. Parce que c’est bien sympa, Microsoft, mais concrètement, c’est eux qui ont tout mis en place. Et quand on veut voir comment c’est fait, s’il y a un vice caché, c’est non. C’est leur business, ça les regarde.

Alors pourquoi leur faire confiance ? La solution, c’est le logiciel libre : tout le monde peut trifouiller dedans et voir si c’est correct.

Comme point d’entrée Ubuntu (et surtout ses variantes) est un OS très simple d’accès, et qui ne demande pas de connaissances formidables d’un point de vue technique.

« Huées depuis mon manoir ! Ubuntu n’est pas libre, il utilise des drivers propriétaires, et de surcroît, l’ensemble est produit par Canonical ! Moi, Jean-Michel Pouetpouet, j’utilise uniquement FreeBSD, ce qui me permet d’avoir une pilosité soyeuse ! »

C’est super cool, mais FreeBSD, c’est pas vraiment l’accessibilité garantie et la compatibilité parfaite avec le monde extérieur (mais ça a plein d’avantages, ne me tuez pas, s’il vous plaît). Ubuntu, c’est grand public, et tout public. C’est fait pour, excusez-les du peu !

Dans la majorité des cas, il suffit d’une installation bien faite et tout ronronne. Le plus compliqué, c’est finalement de se dire : « allez, hop, j’y vais ».

En 2016, je jouais à League of Legends et à Hearthstone sur mon PC sous Linux. Je n’y joue plus parce que je ne joue plus. Mais j’y regarde les même lives que les autres, visite les mêmes sites web.

Et j’utilise mutt pour avoir moi aussi une pilosité soyeuse.

« Comme quoi, vous n’êtes finalement qu’un traître à vos valeurs ! Vous faites l’apologie du terrorisme du logiciel propriétaire, vous faites des trous dans votre coffre fort, quelle honte, quel scandale, démission ! »

J’entendais moins ce type de commentaires concernant Pokémon Go qui envoie des données à Nintendo. Comme quoi, les compromis, ça n’est pas que mon apanage.

Soit, je passerai sur ces menus détails ! Mais pourriez-vous cesser de tergiverser en toute véhémence avec un individu dont l’existence est factice ?

Non.

Une fois sous Ubuntu, le nom de mes logiciels change. Leur interface aussi. Et oui, il faut le temps de s’habituer. Mais qui ne s’est pas senti désemparé devant Windows 8.1 et son absence de bureau ? Un peu de temps d’adaptation. Et c’est tout.

Bureau Xubuntu
On est pas bien, là ? (Xubuntu 17.04) [Fond d’écran par Lewisdowsett]
Certes, parfois, la compatibilité n’est pas au rendez-vous. Soit on se bat, soit on se résout à faire un dual-boot (deux systèmes d’exploitation installés) sur son ordinateur, soit on virtualise (l’OS dans l’OS). C’est ce que j’ai fait : j’ai un Windows qui prend un tiers de mon disque dur, tout formaté et tout vide ou presque.

Ce filet de sécurité en place, la majorité du travail doit être fait sous Linux. Une fois qu’on en a l’habitude, un retour sous Windows n’est même plus tentant.

2.2/ La recherche : fondamental

Google, en premier lieu, c’est quoi ?

Un moteur de recherche. Un moteur de recherche qui sait absolument tout sur ce que je cherche. Parce que j’utilise un compte. Avec un historique. Parce qu’il utilise des trackers. Parce qu’il retient mon IP.

On parle donc d’une entreprise qui sait qui je suis, ce que je cherche, sur quoi je clique. Une entreprise qui détermine ma personnalité pour vendre le résultat à des régies publicitaires.

Non, désolé, ça ne me convient pas. Je n’ai pas envie qu’une entreprise puisse me profiler à tel point qu’elle sache si j’ai le VIH avant que j’en sois informé. Qu’elle sache que je déménage. Que je cherche un emploi. Où. Si je suis célibataire ou non. Depuis quand. Quel animal de compagnie j’ai chez moi. Qui est ma famille. Quels sont mes goûts.

Ah non, vraiment, une seule entité, privée, capitaliste, qui vit de la vente de pub, et qui me connaît aussi bien, ça ne me plaît pas.

« Et quelle fut ta réponse à cette situation ? »

J’utilise Bing.

« ?! *fait tomber son monocle dans sa tasse de thé* »

Non, pas du tout.

J’utilisais au départ Startpage. Le principe est simple : ce moteur de recherches ne garde aucune donnée, et envoie la recherche à Google avant d’afficher le résultat.

La différence est énorme. Google sait que Startpage a fait une recherche. Mais il ne sait pas QUI a utilisé Startpage. Il ne sait pas QUI je suis, juste ce que je cherche. Google ne peut plus me profiler, et moi, j’ai mes résultats.

Et voilà, je n’utilise plus Google Search. Juste comme ça. Pouf.

Maintenant, j’utilise Searx, hébergé sur les serveurs d’Aquilenet. Parce que c’est encore mieux.

Searx @Aquilenet
On searx et on trouve !

Il existe aussi Framabee qui utilise également Searx, ou encore Qwant (mais c’est pas du libre, et c’est une entreprise, alors j’aime moins).

À noter que cette étape n’est pas du tout dure à franchir : nombreux sont celleux qui utilisent Ecosia au lieu de Google, ou Duck Duck Go, et ne se sentent pas gênés dans leur recherche quotidienne de recettes de crêpes.

2.3/ Navigateur web et add-ons

Je naviguais avec Google Chrome. Comme beaucoup de monde (en dehors des admirateurs d’Internet Explorer, dont je ne comprendrai jamais les tendances auto-mutilatoires).

Je suis donc passé sous Firefox, et avec lui, j’ai ajouté pléthore d’extensions orientées vers la protection de la vie privée.

La liste (ou une bonne partie de celle-ci) est disponible sur le blog d’Aeris, que je vais donc citer en coupant allègrement dans le tas (l’article : https://blog.imirhil.fr/2015/12/08/extensions-vie-privee.html) :

Au-revoir-UTM est une extension très simple qui va virer automatiquement les balises « utm » laissées par les régies publicitaires ou trackers pour savoir d’où vous venez lors de l’accès au contenu.

 

Decentraleyes remplace à la volée les contenus que vous auriez normalement dû aller chercher sur des CDN centralisés et généralement très enclins à violer votre vie privée, tels Google, CloudFlare, Akamai et j’en passe.

 

Disconnect supprime tout le contenu traçant comme le contenu publicitaire, les outils d’analyse de trafic et les boutons sociaux.

 

HTTPS Everywhere force votre navigateur à utiliser les versions HTTPS (donc chiffrés) des sites web que vous consultez, même si vous cliquez sur un lien HTTP (en clair).

 

Pure URL, nettoie vos URL du contenu traçant.

 

uBlock Origin, qu’on ne présente plus, un super bloqueur de publicité et de traqueurs, juste un must-have.

 

Blender est une extension qui va tricher sur l’identité de votre navigateur, pour tenter de le faire passer pour celui le plus utilisé à l’heure actuelle, et ainsi se noyer dans la masse.

 

Smart Referer permet de masquer son référent. En effet, par défaut, votre navigateur envoie au serveur l’URL du site duquel vous venez. L’extension permet de remplacer cette valeur par l’URL du site sur lequel on va, voire carrément de supprimer l’information.

 

uMatrix est THE extension ultime pour la protection de sa vie privée sur Internet. Elle va en effet bloquer tout appel externe au site visité, vous protégeant de tout le pistage ambiant du net.

uMatrix
uMatrix : filtre par type de contenu et par domaine !

Une fois qu’on est à l’aise avec ça, on a déjà un meilleur contrôle de sa présence en ligne et des traces qu’on laisse.

Chapitre 3 : OK Google, déGooglise-toi

3.1 : Google Docs, Google Sheets, Google machins, le pack, quoi.

Il n’y a rien de plus simple que de se débarrasser de Google Docs. Des outils d’aussi bonne qualité sont disponibles chez Framasoft. Rien à installer (sauf si vous souhaitez héberger vous-même le contenu), accessible à tout le monde. Et en plus, depuis quelques temps, il y a Framaestro, le Google Drive de Framasoft. Tout comme Google. Sauf que…

… Bah c’est Framasoft, quoi. Si c’est la première fois que vous entendez ce nom, déjà : bienvenue. Ensuite, Framasoft ne va pas faire attention à vos données. Ou plutôt si, mais au sens de « les protéger ». Il s’agit de bénévoles qui souhaitent proposer des outils de qualité ; Framasoft s’en fiche de ce que vous saisissez dans vos documents. Et ne s’en approprie pas les droits ; Google, oui.

Pour trouver l’outil qu’il vous faut, rendez-vous simplement sur https://degooglisons-internet.org/alternatives et choisissez la ligne correspondant à l’outil Google dont vous souhaitez vous débarrasser.

3.2 : Google Maps / Google Street View

Google Maps peut être aisément remplacé par Open Street Map. Sur votre smartphone, l’application OSMAnd~ fait très bien son travail.

Pour Google Street View, Open Street Maps a lancé Open Street Cam. L’idée est tout bonnement GÉ-NIALE : on a pas les moyens de faire se promener une « OSM Car » ? Alors les utilisateurs seront l’OSM Car !

Lorsque vous prenez votre voiture, vous activez l’application (https://github.com/openstreetcam/android/ ou https://play.google.com/store/apps/details?id=com.telenav.streetview) et celle-ci prend des photos à intervalles réguliers en les géolocalisant ! Et voici comment on fait du Street View libre, communautaire et participatif !

3.3 : Picasa, Dropbox, Wetransfer

Moins utilisés que mes précédents amis mais tout de même existants, ces outils de stockage en ligne d’images ou de fichiers sont tenus par des entreprises en lesquels on ne peut pas avoir confiance.

Les services d’hébergement de fichiers ne manquent pas. Et ceux que je vais proposer ici n’ont pas mainmise sur vos fichiers.

Ça n’a l’air de rien comme ça, mais une entreprise qui peut regarder vos fichiers, est-ce que ce n’est pas problématique ? Lui avez-vous donné l’autorisation de s’introduire ainsi dans vos échanges de données ?

Pour les albums, au revoir Picasa, préférez Piwigo.

Pour un simple partage d’image(s), pourquoi pas Framapic ou Lutim ?

Pour stocker vos fichiers et les envoyer, dégagez WeTransfer de là et choisissez plutôt Framadrop. Abandonnez votre Dropbox, et rendez-vous sur un Nextcloud installé chez un pote ou une asso (ou directement chez vous ?) !

Les alternatives sont là, et sont bien plus diverses. La seule nuance, c’est que vous ne les connaissez pas, et n’avez pas le réflexe de les chercher.

Dans mon cas, ayant une Brique (je vous ai dit que j’avais une Brique ?), j’utilise Jirafeau pour héberger mes images, Nextcloud pour le reste. Ça me va très bien, et au moins, ça reste chez moi.

3.4 : Discuter en instantané

Rendez-vous sur Jabber (XMPP). Skype ne vous respecte pas, Hangout non plus. Messenger ? Pfeuh-cebook ! La messagerie directe de Twitter ? Ne comptez pas trop protéger vos données là-dessus non plus. Whatsapp ? C’est encore Facebook derrière !

Au lieu d’installer Google Hangouts et d’utiliser votre compte Google, installez Xabber ou Conversation sur votre téléphone et créez un compte Jabber. Vous voici à utiliser XMPP, le même protocole que derrière Hangout ou Messenger, mais sans la méchante boîte qui vit de publicité ciblée et de vente de données personnelles.

Au lieu d’utiliser Skype, pourquoi pas Tox ? Ou en ligne, vous pouvez utiliser Vroom, et même Framatalk !

J’ai un peu de mal à conseiller Telegram car récemment, la sécurité qu’il promet a été remise en question, et qu’il s’agit toujours d’une entreprise qui peut vouloir jouer avec vos données.

3.5 : GMail

On attaque le côté le plus effrayant : les e-mails. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je n’imaginais pas pouvoir dire au revoir à mon GMail.

Cela faisait 5 ans que TOUS mes échanges se faisaient par son biais. Que tous mes comptes, sur tous les sites où j’étais inscrit, connaissaient cet e-mail comme étant le mien.

En réalité… je me suis rendu compte que mes mails déjà envoyés étaient sacrifiables, et que ceux déjà lus l’étaient également. Je me suis rendu compte que je recevais plus de spam et de newsletters (auxquelles je n’étais pas forcément inscrit) que de nouvelles de mes proches.

Et puis surtout, bon sang : Google lisait mes mails. Une entreprise lisait ma correspondance privée pour mieux me connaître. Pour mieux me profiler. Pour me vendre à des régies publicitaires. Non, ce n’est pas acceptable.

Étant alors devenu membre d’un FAI associatif, je lui ai confié mes mails. Mais avant cela, j’avais prévu de me tourner vers Protonmail. C’est certes une entreprise, mais vos messages sont chiffrés, et il n’est pas possible (dans le cas où c’est bien fait ;)) pour l’entreprise de lire vos mails. Contrairement à Google qui lit bien tout ce qu’il veut.

J’y reviens, mais… De la publicité ciblée à partir de vos échanges privés. Comment peut-on accepter ça ?

Protonmail est un service qui m’a l’air fiable. Ça reste néanmoins une entreprise, dont le code est partiellement consultable. Si vous souhaitez abandonner Google, c’est une alternative viable.

Envoyez un mail à tous vos contacts, mettez (ou non) en place une réponse automatique Google indiquant « voici ma nouvelle adresse e-mail », et changez votre adresse e-mail sur tous les sites la connaissant. Après tout, vous l’aviez peut-être fait avec votre adresse @aol.fr ou @wanadoo.fr sans vous interroger plus longtemps sur ce changement.

En consultant ses mails GMail de temps en temps, on peut en voir un qui s’est perdu et indiquer la bonne adresse e-mail à laquelle écrire.

Vous verrez, contrairement à ce qu’on croit, c’est simple, rapide, et on ne rencontre quasiment aucun obstacle.

Je ne sais pas si je vous ai dit que j’avais une brique Internet chez moi, d’ailleurs ; mais du coup, maintenant, elle héberge aussi une partie de mes e-mails (je jongle entre les adresses). Vous imaginez ? Ces mails sont stockés directement dans un petit boîtier posé par terre chez moi. Nulle part ailleurs !

3.6 : YouTube

Je poste des vidéos sur YouTube, étant vidéaste. Bon, OK. Mais je n’ai pas pour autant envie d’utiliser un compte Google le reste du temps. Et je ne voulais évidemment pas perdre mes abonnements.

La solution à cela ? L’oublié flux RSS. Comme quand on suivait les blogs, tu te rappelles ?

Google propose de récupérer tous ses abonnements YouTube au format .opml. Avec cette solution, on peut être notifié des sorties par un simple lecteur de flux RSS.

Pour celleux qui n’auraient pas connu ou utilisé RSS à l’époque où c’était la star d’Internet, il s’agit, en gros, d’abonnement à des sites/blogs. Dès qu’un nouvel article paraît, vous le recevez sur votre lecteur de flux RSS, où se rassemblent vos abonnements.

J’ai donc installé FreshRSS sur ma Brique (vous saviez que j’avais une brique ?), et y ai importé ce fameux fichier .opml. J’en ai profité pour ajouter Chroma, qui sort sur Dailymotion (eh ouais : on peut croiser les flux !). Et j’ai une sorte de boîte mail de mes abonnements vidéo ! C’est beau, non ?

Des abonnements YouTube sans compte YouTube <3

J’y ai ajouté un plugin nommé « FreshRSS-Youtube » qui me permet d’ouvrir les vidéos YouTube directement dans mon lecteur RSS. Donc j’ai un YouTube sans compte, avec juste mes abonnements, le tout chez moi.

Histoire de simplifier tout ça, j’ai développé une extension Firefox qui permet de s’abonner plus facilement à une chaîne en RSS. Il est disponible ici

Récupérer un flux RSS avec RSS-Tube !

3.7 : Android

Ton smartphone est sous Android ? Chouette. Mais Android utilise en permanence des services Google. Pour te géolocaliser, pour faire fonctionner tes applications, pour t’entendre quand tu chuchotes sous la couette un « OK, Google ».

Au début, j’ai été dérouté par cette prise de conscience. Alors j’ai simplement abandonné l’idée d’avoir un smartphone. J’ai acheté un téléphone tout pourri-pourrave pour quelques 30€ qui envoyait des SMS, recevait des MMS quand il était de bonne humeur, et téléphonait. C’était tout. Il y avait aussi le pire appareil photo qu’on ait vu depuis 2005.

Puis, un jour, au hasard d’une rencontre, on m’a parlé de Replicant. J’ai regardé, et j’ai constaté que ce n’était malheureusement pas compatible avec le Samsung Galaxy S3 Mini que j’avais abandonné précédemment.

Le hasard a fait le reste.

Un jour, j’ai commandé un t-shirt chez la Free Software Foundation Europe et reçu un papier « Free your Android ! » dans le colis.

En allant sur leur site, j’ai pu découvrir CyanogenMod (devenu maintenant LineageOS). Un Android, mais sans Google, créé par la communauté pour la communauté. Comme d’habitude, tout n’est pas tout blanc, mais c’est toujours mieux que rien.

Je l’ai installé (en suivant simplement des tutos, rien d’incroyable), installé F-Droid (qui remplace Google Play) pour télécharger les applications dont j’avais besoin, et j’installe directement les fichiers .apk comme on installe un .exe sur son Windows ou un .deb sur son Ubuntu.

CyanogenMod
Mon téléphone sous CyanogenMod 13

Conclusion

Bravo. Si vous êtes arrivé jusque là sans tricher, vous avez le droit de vous féliciter. J’espère que vous n’avez pas trouvé le temps trop long !

Courage, plus que quelques lignes. Les dernières pensées.

Au final, ce qui ressort de mon expérience, c’est que me préparer psychologiquement à quitter Google et Microsoft m’a pris plus de temps que pour m’en passer réellement, trouver des alternatives, et m’y faire.

On n’a pas besoin d’eux. Les alternatives existent, sont nombreuses, variées, et nous respectent pour ce que nous sommes : des êtres humains, avec des droits, qui souhaitons simplement utiliser Internet pour notre plaisir personnel quotidien.

Je pense que j’ai oublié plein de choses. Je pense que de nouveaux outils grandissent chaque jour et attendent qu’on les découvre.

En parallèle de tout ça, j’ai appris beaucoup sur l’auto-hébergement. J’ai aussi beaucoup appris sur l’anonymat, sur le chiffrement, sur le fonctionnement d’Internet. J’ai rejoint une association formidable, et en m’intéressant à la technique et au numérique, j’ai fait des rencontres nombreuses et toutes plus géniales les unes que les autres.

Je vous ai dit que quand j’ai commencé tout ça, je ne savais pas faire autre chose qu’un « apt-get install » sous GNU/Linux ? Que j’avais une peur bleue du code (malgré ma formation dans ce domaine) ?

Maintenant, j’en fais, j’en lis, et j’en redemande.

Mon Internet est propre. Ma vie privée, si elle n’est pas à l’abri, reçoit le maximum que je peux lui donner. Je vis d’outils décentralisés et d’auto-hébergement.

DÉGOOGLISONS L’INTERNET.

With Datalove,
Korbak <3




Les nouveaux Leviathans III. Du capitalisme de surveillance à la fin de la démocratie ?

Une chronique de Xavier De La Porte1 sur le site de la radio France Culture pointe une sortie du tout nouveau président Emmanuel Macron parue sur le compte Twitter officiel : « Une start-up nation est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une startup. Je veux que la France en soit une ». Xavier De La Porte montre à quel point cette conception de la France en « start-up nation » est en réalité une vieille idée, qui reprend les archaïsmes des penseurs libéraux du XVIIe siècle, tout en provoquant un « désenchantement politique ». La série des Nouveaux Léviathans, dont voici le troisième numéro, part justement de cette idée et cherche à en décortiquer les arguments.

Note : voici le troisième volet de la série des Nouveaux (et anciens) Léviathans, initiée en 2016, par Christophe Masutti, alias Framatophe. Pour retrouver les articles précédents, une liste vous est présentée à la fin de celui-ci.

Dans cet article nous allons voir comment ce que Shoshana Zuboff nomme Big Other (cf. article précédent) trouve dans ces archaïques conceptions de l’État un lieu privilégié pour déployer une nouvelle forme d’organisation sociale et politique. L’idéologie-Silicon ne peut plus être aujourd’hui analysée comme un élan ultra-libéral auquel on opposerait des valeurs d’égalité ou de solidarité. Cette dialectique est dépassée car c’est le Contrat Social qui change de nature : la légitimité de l’État repose désormais sur des mécanismes d’expertise2 par lesquels le capitalisme de surveillance impose une logique de marché à tous les niveaux de l’organisation socio-économique, de la décision publique à l’engagement politique. Pour comprendre comment le terrain démocratique a changé à ce point et ce que cela implique dans l’organisation d’une nation, il faut analyser tour à tour le rôle des monopoles numériques, les choix de gouvernance qu’ils impliquent, et comprendre comment cette idéologie est non pas théorisée, mais en quelque sorte auto-légitimée, rendue presque nécessaire, parce qu’aucun choix politique ne s’y oppose. Le capitalisme de surveillance impliquerait-il la fin de la démocratie ?

“Big Brother”, par Stephan Mosel, sous licence CC BY 2.0

Libéralisme et Big Other

Dans Les Nouveaux Leviathans II, j’abordais la question du capitalisme de surveillance sous l’angle de la fin du modèle économique du marché libéral. L’utopie dont se réclame ce dernier, que ce soit de manière rhétorique ou réellement convaincue, suppose une auto-régulation du marché, théorie maintenue en particulier par Friedrich Hayek3. À l’opposé de cette théorie qui fait du marché la seule forme (auto-)équilibrée de l’économie, on trouve des auteurs comme Karl Polanyi4 qui, à partir de l’analyse historique et anthropologique, démontre non seulement que l’économie n’a pas toujours été organisée autour d’un marché libéral, mais aussi que le capitalisme « désencastre » l’économie des relations sociales, et provoque un déni du contrat social.

Or, avec le capitalisme de surveillance, cette opposition (qui date tout de même de la première moitié du XXe siècle) a vécu. Lorsque Shoshana Zuboff aborde la genèse du capitalisme de surveillance, elle montre comment, à partir de la logique de rationalisation du travail, on est passé à une société de marché dont les comportements individuels et collectifs sont quantifiés, analysés, surveillés, grâce aux big data, tout comme le (un certain) management d’entreprise quantifie et rationalise les procédures. Pour S. Zuboff, tout ceci concourt à l’avènement de Big Other, c’est-à-dire un régime socio-économique régulé par des mécanismes d’extraction des données, de marchandisation et de contrôle. Cependant, ce régime ne se confronte pas à l’État comme on pourrait le dire du libertarisme sous-jacent au néolibéralisme qui considère l’État au pire comme contraire aux libertés individuelles, au mieux comme une instance limitative des libertés. Encore pourrait-on dire qu’une dialectique entre l’État et le marché pourrait être bénéfique et aboutirait à une forme d’équilibre acceptable. Or, avec le capitalisme de surveillance, le politique lui-même devient un point d’appui pour Big Other, et il le devient parce que nous avons basculé d’un régime politique à un régime a-politique qui organise les équilibres sociaux sur les principes de l’offre marchande. Les instruments de cette organisation sont les big datas et la capacité de modeler la société sur l’offre.

C’est que je précisais en 2016 dans un ouvrage coordonné par Tristan Nitot, Nina Cercy, Numérique : reprendre le contrôle5, en ces termes :

(L)es firmes mettent en œuvre des pratiques d’extraction de données qui annihilent toute réciprocité du contrat avec les utilisateurs, jusqu’à créer un marché de la quotidienneté (nos données les plus intimes et à la fois les plus sociales). Ce sont nos comportements, notre expérience quotidienne, qui deviennent l’objet du marché et qui conditionne même la production des biens industriels (dont la vente dépend de nos comportements de consommateurs). Mieux : ce marché n’est plus soumis aux contraintes du hasard, du risque ou de l’imprédictibilité, comme le pensaient les chantres du libéralisme du XXe siècle : il est devenu malléable parce que ce sont nos comportements qui font l’objet d’une prédictibilité d’autant plus exacte que les big data peuvent être analysées avec des méthodes de plus en plus fiables et à grande échelle.

Si j’écris que nous sommes passés d’un régime politique à un régime a-politique, cela ne signifie pas que cette transformation soit radicale, bien entendu. Il existe et il existera toujours des tensions idéologiques à l’intérieur des institutions de l’État. C’est plutôt une question de proportions : aujourd’hui, la plus grande partie des décisions et des organes opérationnels sont motivés et guidés par des considérations relevant de situations déclarées impératives et non par des perspectives politiques. On peut citer par exemple le grand mouvement de « rigueur » incitant à la « maîtrise » des dépenses publiques imposée par les organismes financiers européens ; des décisions motivées uniquement par le remboursement des dettes et l’expertise financière et non par une stratégie du bien-être social. On peut citer aussi, d’un point de vue plus local et français, les contrats des institutions publiques avec Microsoft, à l’instar de l’Éducation Nationale, à l’encontre de l’avis d’une grande partie de la société civile, au détriment d’une offre différente (comme le libre et l’open source) et dont la justification est uniquement donnée par l’incapacité de la fonction publique à envisager d’autres solutions techniques, non par ignorance, mais à cause du détricotage massif des compétences internes. Ainsi « rationaliser » les dépenses publiques revient en fait à se priver justement de rationalité au profit d’une simple adaptation de l’organisation publique à un état de fait, un déterminisme qui n’est pas remis en question et condamne toute idéologie à être non pertinente.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut ressortir les vieilles théories de la fin de l’histoire. Qui plus est, les derniers essais du genre, comme la thèse de Francis Fukuyama6, se sont concentrés justement sur l’avènement de la démocratie libérale conçue comme le consensus ultime mettant fin aux confrontations idéologiques (comme la fin de la Guerre Froide). Or, le capitalisme de surveillance a minima repousse toute velléité de consensus, au-delà du libéralisme, car il finit par définir l’État tout entier comme un instrument d’organisation, quelle que soit l’idéologie : si le nouveau régime de Big Other parvient à organiser le social, c’est aussi parce que ce dernier a désengagé le politique et relègue la décision publique au rang de validation des faits, c’est-à-dire l’acceptation des contrats entre les individus et les outils du capitalisme de surveillance.

Les mécanismes ne sont pas si nombreux et tiennent en quatre points :

  • le fait que les firmes soient des multinationales et surfent sur l’offre de la moins-disance juridique pour s’établir dans les pays (c’est la pratique du law shopping),
  • le fait que l’utilisation des données personnelles soit déloyale envers les individus-utilisateurs des services des firmes qui s’approprient les données,
  • le fait que les firmes entre elles adoptent des processus loyaux (pactes de non-agression, partage de marchés, acceptation de monopoles, rachats convenus, etc.) et passent des contrats iniques avec les institutions, avec l’appui de l’expertise, faisant perdre aux États leur souveraineté numérique,
  • le fait que les monopoles « du numérique » diversifient tellement leurs activités vers les secteurs industriels qu’ils finissent par organiser une grande partie des dynamiques d’innovation et de concurrence à l’échelle mondiale.

Pour résumer les trois conceptions de l’économie dont il vient d’être question, on peut dresser ce tableau :

Économie Forme Individus État
Économie spontanée Diversité et créativité des formes d’échanges, du don à la financiarisation Régulent l’économie par la démocratie ; les échanges sont d’abord des relations sociales Garant de la redistribution équitable des richesses ; régulateur des échanges et des comportements
Marché libéral Auto-régulation, défense des libertés économiques contre la décision publique (conception libérale de la démocratie : liberté des échanges et de la propriété) Agents consommateurs décisionnaires dans un milieu concurrentiel Réguler le marché contre ses dérives inégalitaires ; maintient une démocratie plus ou moins forte
Capitalisme de surveillance Les monopoles façonnent les échanges, créent (tous) les besoins en fonction de leurs capacités de production et des big data Sont exclusivement utilisateurs des biens et services Automatisation du droit adapté aux besoins de l’organisation économique ; sécurisation des conditions du marché

Il est important de comprendre deux aspects de ce tableau :

  • il ne cherche pas à induire une progression historique et linéaire entre les différentes formes de l’économie et des rapports de forces : ces rapports sont le plus souvent diffus, selon les époques, les cultures. Il y a une économie spontanée à l’Antiquité comme on pourrait par exemple, comprendre les monnaies alternatives d’aujourd’hui comme des formes spontanées d’organisation des échanges.
  • aucune de ces cases ne correspond réellement à des conceptions théorisées. Il s’agit essentiellement de voir comment le capitalisme de surveillance induit une distorsion dans l’organisation économique : alors que dans des formes classiques de l’organisation économique, ce sont les acteurs qui produisent l’organisation, le capitalisme de surveillance induit non seulement la fin du marché libéral (vu comme place d’échange équilibrée de biens et services concurrentiels) mais exclut toute possibilité de régulation par les individus / citoyens : ceux-ci sont vus uniquement comme des utilisateurs de services, et l’État comme un pourvoyeur de services publics. La décision publique, elle, est une affaire d’accord entre les monopoles et l’État.

“FREE SPEECH” par Newtown grafitti, licence CC BY 2.0

Les monopoles et l’État

Pour sa première visite en Europe, Sundar Pichai qui était alors en février 2016 le nouveau CEO de Google Inc. , choisit les locaux de Sciences Po. Paris pour tenir une conférence de presse7, en particulier devant les élèves de l’école de journalisme. Le choix n’était pas anodin, puisqu’à ce moment-là Google s’est présenté en grand défenseur de la liberté d’expression (par un ensemble d’outils, de type reverse-proxy que la firme est prête à proposer aux journalistes pour mener leurs investigations), en pourvoyeur de moyens efficaces pour lutter contre le terrorisme, en proposant à qui veut l’entendre des partenariats avec les éditeurs, et de manière générale en s’investissant dans l’innovation numérique en France (voir le partenariat Numa / Google). Tout cela démontre, s’il en était encore besoin, à quel point la firme Google (et Alphabet en général) est capable de proposer une offre si globale qu’elle couvre les fonctions de l’État : en réalité, à Paris lors de cette conférence, alors que paradoxalement elle se tenait dans les locaux où étudient ceux qui demain sont censés remplir des fonctions régaliennes, Sundar Pichai ne s’adressait pas aux autorités de l’État mais aux entreprises (éditeurs) pour leur proposer des instruments qui garantissent leurs libertés. Avec comme sous-entendu : vous évoluez dans un pays dont la liberté d’expression est l’un des fleurons, mais votre gouvernement n’est pas capable de vous le garantir mieux que nous, donc adhérez à Google. Les domaines de la santé, des systèmes d’informations et l’éducation en sont pas exempts de cette offre « numérique ».

Du côté du secteur public, le meilleur moyen de ne pas perdre la face est de monter dans le train suivant l’adage « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur ». Par exemple, si Google et Facebook ont une telle puissance capable de mener efficacement une lutte, au moins médiatique, contre le terrorisme, à l’instar de leurs campagnes de propagande8, il faut créer des accords de collaboration entre l’État et ces firmes9, quitte à les faire passer comme une exigence gouvernementale (mais quel État ne perdrait pas la face devant le poids financier des GAFAM ?).

… Et tout cela crée un marché de la gouvernance dans lequel on ne compte plus les millions d’investissement des GAFAM. Ainsi, la gouvernance est un marché pour Microsoft, qui lance un Office 2015 spécial « secteur public », ou, mieux, qui sait admirablement se situer dans les appels d’offre en promouvant des solutions pour tous les besoins d’organisation de l’État. Par exemple, la présentation des activités de Microsoft dans le secteur public sur son site comporte ces items :

  • Stimulez la transformation numérique du secteur public
  • Optimisez l’administration publique
  • Transformez des services du secteur public
  • Améliorez l’efficacité des employés du secteur public
  • Mobilisez les citoyens

Microsoft dans le secteur public

Microsoft Office pour le secteur public

D’aucuns diraient que ce que font les GAFAM, c’est proposer un nouveau modèle social. Par exemple dans une enquête percutante sur les entreprises de la Silicon Valley, Philippe Vion-Dury définit ce nouveau modèle comme « politiquement technocratique, économiquement libéral, culturellement libertaire, le tout nimbé de messianisme typiquement américain »10. Et il a entièrement raison, sauf qu’il ne s’agit pas d’un modèle social, c’est justement le contraire, c’est un modèle de gouvernance sans politique, qui considère le social comme la juxtaposition d’utilisateurs et de groupes d’utilisateurs. Comme le montre l’offre de Microsoft, si cette firme est capable de fournir un service propre à « mobiliser les citoyens  » et si en même temps, grâce à ce même fournisseur, vous avez les outils pour transformer des services du secteur public, quel besoin y aurait-il de voter, de persuader, de discuter ? si tous les avis des citoyens sont analysés et surtout anticipés par les big datas, et si les seuls outils efficaces de l’organisation publique résident dans l’offre des GAFAM, quel besoin y aurait-il de parler de démocratie  ?

En réalité, comme on va le voir, tout cette nouvelle configuration du capitalisme de surveillance n’est pas seulement rendue possible par la puissance novatrice des monopoles du numérique. C’est peut-être un biais : penser que leur puissance d’innovation est telle qu’aucune offre concurrente ne peut exister. En fait, même si l’offre était moindre, elle n’en serait pas moins adoptée car tout réside dans la capacité de la décision publique à déterminer la nécessité d’adopter ou non les services des GAFAM. C’est l’aménagement d’un terrain favorable qui permet à l’offre de la gouvernance numérique d’être proposée. Ce terrain, c’est la décision par l’expertise.


“Work-buy-consume-die”, par Mika Raento, sous licence CC BY 2.0
(trad. : « Participez à l’hilarante aventure d’une vie : travaillez, achetez, consommez, mourez. »)

L’accueil favorable au capitalisme de surveillance

Dans son livre The united states of Google11, Götz Haman fait un compte-rendu d’une conférence durant laquelle interviennent Eric Schmidt, alors président du conseil d’administration de Google, et son collègue Jared Cohen. Ces derniers ont écrit un ouvrage (The New Digital Age) qu’ils présentent dans les grandes lignes. Götz Haman le résume en ces termes : « Aux yeux de Google, les États sont dépassés. Ils n’ont rien qui permette de résoudre les problèmes du XXIe siècle, tels le changement climatique, la pauvreté, l’accès à la santé. Seules les inventions techniques peuvent mener vers le Salut, affirment Schmidt et son camarade Cohen. »

Une fois cette idéologie — celle du capitalisme de surveillance12 — évoquée, il faut s’interroger sur la raison pour laquelle les États renvoient cette image d’impuissance. En fait, les sociétés occidentales modernes ont tellement accru leur consommation de services que l’offre est devenue surpuissante, à tel point, comme le montre Shoshanna Zuboff, que les utilisateurs eux-mêmes sont devenus à la fois les pourvoyeurs de matière première (les données) et les consommateurs. Or, si nous nous plaçons dans une conception de la société comme un unique marché où les relations sociales peuvent être modelées par l’offre de services (ce qui se cristallise aujourd’hui par ce qu’on nomme dans l’expression-valise « Uberisation de la société »), ce qui relève de la décision publique ne peut être motivé que par l’analyse de ce qu’il y a de mieux pour ce marché, c’est-à-dire le calcul de rentabilité, de rendement, d’efficacité… d’utilité. Or cette analyse ne peut être à son tour fournie par une idéologie visionnaire, une utopie ou simplement l’imaginaire politique : seule l’expertise de l’état du monde pour ce qu’il est à un instant T permet de justifier l’action publique. Il faut donc passer du concept de gouvernement politique au concept de gouvernance par les instruments. Et ces instruments doivent reposer sur les GAFAM.

Pour comprendre au mieux ce que c’est que gouverner par les instruments, il faut faire un petit détour conceptuel.

L’expertise et les instruments

Prenons un exemple. La situation politique qu’a connue l’Italie après novembre 2011 pourrait à bien des égards se comparer avec la récente élection en France d’Emmanuel Macron et les élections législatives qui ont suivi. En effet, après le gouvernement de Silvio Berlusconi, la présidence italienne a nommé Mario Monti pour former un gouvernement dont les membres sont essentiellement reconnus pour leurs compétences techniques appliquées en situation de crise économique. La raison du soutien populaire à cette nomination pour le moins discutable (M. Monti a été nommé sénateur à vie, reconnaissance habituellement réservée aux anciens présidents de République Italienne) réside surtout dans le désaveu de la casta, c’est-à-dire le système des partis qui a dominé la vie politique italienne depuis maintes années et qui n’a pas réussi à endiguer les effets de la crise financière de 2008. Si bien que le gouvernement de Mario Monti peut être qualifié de « gouvernement des experts », non pas un gouvernement technocratique noyé dans le fatras administratif des normes et des procédures, mais un gouvernement à l’image de Mario Monti lui-même, ex-commissaire européen au long cours, motivé par la nécessité technique de résoudre la crise en coopération avec l’Union Européenne. Pour reprendre les termes de l’historien Peppino Ortoleva, à propos de ce gouvernement dans l’étude de cas qu’il consacre à l’Italie13 en 2012 :

Le « gouvernement des experts » se présente d’un côté comme le gouvernement de l’objectivité et des chiffres, celui qui peut rendre compte à l’Union européenne et au système financier international, et d’un autre côté comme le premier gouvernement indépendant des partis.

Peppino Ortoleva conclut alors que cet exemple italien ne représente que les prémices pour d’autres gouvernements du même acabit dans d’autres pays, avec tous les questionnements que cela suppose en termes de débat politique et démocratique : si en effet la décision publique n’est mue que par la nécessité (ici la crise financière et la réponse aux injonctions de la Commission européenne) quelle place peut encore tenir le débat démocratique et l’autonomie décisionnaire des peuples ?

En son temps déjà le « There is no alternative » de Margaret Thatcher imposait par la force des séries de réformes au nom de la nécessité et de l’expertise économiques. On ne compte plus, en Europe, les gouvernements qui nomment des groupes d’expertise, conseils et autres comités censés répondre aux questions techniques que pose l’environnement économique changeant, en particulier en situation de crise.

Cette expertise a souvent été confondue avec la technocratie, à l’instar de l’ouvrage de Vincent Dubois et Delphine Dulong publié en 2000, La question technocratique14. Lorsqu’en effet la décision publique se justifie exclusivement par la nécessité, cela signifie que cette dernière est définie en fonction d’une certaine compréhension de l’environnement socio-économique. Par exemple, si l’on part du principe que la seule réponse à la crise financière est la réduction des dépenses publiques, les technocrates inventeront les instruments pour rendre opérationnelle la décision publique, les experts identifieront les méthodes et l’expertise justifiera les décisions (on remet en cause un avis issu d’une estimation de ce que devrait être le monde, mais pas celui issu d’un calcul d’expert).

La technocratie comme l’expertise se situent hors des partis, mais la technocratie concerne surtout l’organisation du gouvernement. Elle répond souvent aux contraintes de centralisation de la décision publique. Elle crée des instruments de surveillance, de contrôle, de gestion, etc. capables de permettre à un gouvernement d’imposer, par exemple, une transformation économique du service public. L’illustration convaincante est le gouvernement Thatcher, qui dès 1979 a mis en place plusieurs instruments de contrôle visant à libéraliser le secteur public en cassant les pratiques locales et en imposant un système concurrentiel. Ce faisant, il démontrait aussi que le choix des instruments suppose aussi des choix d’exercice du pouvoir, tels ceux guidés par la croyance en la supériorité des mécanismes de marché pour organiser l’économie15.

Gouverner par l’expertise ne signifie donc pas que le gouvernement manque de compétences en son sein pour prendre les (bonnes ou mauvaises) décisions publiques. Les technocrates existent et sont eux aussi des experts. En revanche, l’expertise permet surtout de justifier les choix, les stratégies publiques, en interprétant le monde comme un environnement qui contraint ces choix, sans alternative.

En parlant d’alternative, justement, on peut s’interroger sur celles qui relèvent de la société civile et portées tant bien que mal à la connaissance du gouvernement. La question du logiciel libre est, là encore, un bon exemple.

En novembre 2016, Framasoft publiait un billet retentissant intitulé « Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation Nationale ». La raison de ce billet est la prise de conscience qu’après plus de treize ans d’efforts de sensibilisation au logiciel libre envers les autorités publiques, et en particulier l’Éducation Nationale, Framasoft ne pouvait plus dépenser de l’énergie à coopérer avec une telle institution si celle-ci finissait fatalement par signer contrats sur contrats avec Microsoft ou Google. En fait, le raisonnement va plus loin et j’y reviendrai plus tard dans ce texte. Mais il faut comprendre que ce à quoi Framasoft s’est confronté est exactement ce gouvernement par l’expertise. En effet, les communautés du logiciel libre n’apportent une expertise que dans la mesure où elles proposent de changer de modèle : récupérer une autonomie numérique en développant des compétences et des initiatives qui visent à atteindre un fonctionnement idéal (des données protégées, des solutions informatiques modulables, une contribution collective au code, etc.). Or, ce que le gouvernement attend de l’expertise, ce n’est pas un but à atteindre, c’est savoir comment adapter l’organisation au modèle existant, c’est-à-dire celui du marché.

Dans le cadre des élections législatives, l’infatigable association APRIL (« promouvoir et défendre le logiciel libre ») lance sa campagne de promotion de la priorité au logiciel libre dans l’administration publique. À chaque fois, la campagne connaît un certain succès et des députés s’engagent réellement dans cette cause qu’ils plaident même à l’intérieur de l’Assemblée Nationale. Sous le gouvernement de F. Hollande, on a entendu des députés comme Christian Paul ou Isabelle Attard avancer les arguments les plus pertinents et sans ménager leurs efforts, convaincus de l’intérêt du Libre. À leur image, il serait faux de dire que la sphère politique est toute entière hermétique au logiciel libre et aux équilibres numériques et économiques qu’il porte en lui. Peine perdue ? À voir les contrats passés entre le gouvernement et les GAFAM, c’est un constat qu’on ne peut pas écarter et sans doute au profit d’une autre forme de mobilisation, celle du peuple lui-même, car lui seul est capable de porter une alternative là où justement la politique a cédé la place : dans la décision publique.

La rencontre entre la conception du marché comme seule organisation gouvernementale des rapports sociaux et de l’expertise qui détermine les contextes et les nécessités de la prise de décision a permis l’émergence d’un terrain favorable à l’État-GAFAM. Pour s’en convaincre il suffit de faire un tour du côté de ce qu’on a appelé la « modernisation de l’État ».

Les firmes à la gouvernance numérique

Anciennement la Direction des Systèmes d’Information (DSI), la DINSIC (Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication) définit les stratégies et pilote les structures informationnelles de l’État français. Elle prend notamment part au mouvement de « modernisation » de l’État. Ce mouvement est en réalité une cristallisation de l’activité de réforme autour de l’informatisation commencée dans les années 1980. Cette activité de réforme a généré des compétences et assez d’expertise pour être institutionnalisée (DRB, DGME, aujourd’hui DIATP — Direction interministérielle pour l’accompagnement des transformations publiques). On se perd facilement à travers les acronymes, les ministères de rattachement, les changements de noms au rythme des fusions des services entre eux. Néanmoins, le concept même de réforme n’a pas évolué depuis les grandes réformes des années 1950 : il faut toujours adapter le fonctionnement des administrations publiques au monde qui change, en particulier le numérique.

La différence, aujourd’hui, c’est que cette adaptation ne se fait pas en fonction de stratégies politiques, mais en fonction d’un cadre de productivité, dont on dit qu’il est un « contrat de performance » ; cette performance étant évaluée par des outils de contrôle : augmenter le rendement de l’administration en « rationalisant » les effectifs, automatiser les services publics (par exemple déclarer ses impôts en ligne, payer ses amendes en lignes, etc.), expertiser (accompagner) les besoins des systèmes d’informations selon les offres du marché, limiter les instances en adaptant des méthodes agiles de prise de décision basées sur des outils numériques de l’analyse de data, maîtrise des coûts….

C’est que nous dit en substance la Synthèse présentant le Cadre stratégique commun du système d’information de l’Etat, c’est-à-dire la feuille de route de la DINSIC. Dans une section intitulée « Pourquoi se transformer est une nécessite ? », on trouve :

Continuer à faire évoluer les systèmes d’information est nécessaire pour répondre aux enjeux publics de demain : il s’agit d’un outil de production de l’administration, qui doit délivrer des services plus performants aux usagers, faciliter et accompagner les réformes de l’État, rendre possible les politiques publiques transverses à plusieurs administrations, s’intégrer dans une dimension européenne.

Cette feuille de route concerne en fait deux grandes orientations : l’amélioration de l’organisation interne aux institutions gouvernementales et les interfaces avec les citoyens. Il est flagrant de constater que, pour ce qui concerne la dimension interne, certains projets que l’on trouve mentionnés dans le Panorama des grands projets SI de l’Etat font appel à des solutions open source et les opérateurs sont publics, notamment par souci d’efficacité, comme c’est le cas, par exemple pour le projet VITAM, relatif à l’archivage. En revanche, lorsqu’il s’agit des relations avec les citoyens-utilisateurs, c’est-à-dires les « usagers », ce sont des entreprises comme Microsoft qui entrent en jeu et se substituent à l’État, comme c’est le cas par exemple du grand projet France Connect, dont Microsoft France est partenaire.

En effet, France Connect est une plateforme centralisée visant à permettre aux citoyens d’effectuer des démarches en ligne (pour les particuliers, pour les entreprises, etc.). Pour permettre aux collectivités et aux institutions qui mettent en place une « offre » de démarche en ligne, Microsoft propose en open source des « kit de démarrage », c’est à dire des modèles, qui vont permettre à ces administrations d’offrir ces services aux usagers. En d’autres termes, c’est chaque collectivité ou administration qui va devenir fournisseur de service, dans un contexte de développement technique mutualisé (d’où l’intérêt ici de l’open source). Ce faisant, l’État n’agit plus comme maître d’œuvre, ni même comme arbitre : c’est Microsoft qui se charge d’orchestrer (par les outils techniques choisis, et ce n’est jamais neutre) un marché de l’offre de services dont les acteurs sont les collectivités et administrations. De là, il est tout à fait possible d’imaginer une concurrence, par exemple entre des collectivités comme les mairies, entre celles qui auront une telle offre de services permettant d’attirer des contribuables et des entreprises sur son territoire, et celles qui resteront coincées dans les procédures administratives réputées archaïques.

Microsoft : contribuer à FranceConnect

En se plaçant ainsi non plus en prestataire de produits mais en tuteur, Microsoft organise le marché de l’offre de service public numérique. Mais la firme va beaucoup plus loin, car elle bénéficie désormais d’une grande expérience, reconnue, en matière de service public. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’anticiper les besoins et les changements, elle est non seulement à la pointe de l’expertise mais aussi fortement enracinée dans les processus de la décision publique. Sur le site Econocom en 2015, l’interview de Raphaël Mastier16, directeur du pôle Santé de Microsoft France, est éloquent sur ce point. Partant du principe que « historiquement le numérique n’a pas été considéré comme stratégique dans le monde hospitalier », Microsoft propose des outils « d’analyse et de pilotage », et même l’utilisation de l’analyse prédictive des big data pour anticiper les temps d’attentes aux urgences : « grâce au machine learning, il sera possible de s’organiser beaucoup plus efficacement ». Avec de tels arguments, en effet, qui irait à l’encontre de l’expérience microsoftienne dans les services publics si c’est un gage d’efficacité ? on comprend mieux alors, dans le monde hospitalier, l’accord-cadre CAIH-Microsoft qui consolide durablement le marché Microsoft avec les hôpitaux.

Au-delà de ces exemples, on voit bien que cette nouvelle forme de gouvernance à la Big Other rend ces instruments légitimes car ils produisent le marché et donc l’organisation sociale. Cette transformation de l’État est parfaitement assumée par les autorités, arguant par exemple dans un billet sur gouvernement.fr intitulé « Le numérique : instrument de la transformation de l’État », en faveur de l’allégement des procédures, de la dématérialisation, de la mise à disposition des bases de données (qui va les valoriser ?), etc. En somme autant d’arguments dont il est impossible de nier l’intérêt collectif et qui font, en règle générale, l’objet d’un consensus.

Le groupe canadien CGI, l’un des leaders mondiaux en technologies et gestion de l’information, œuvre aussi en France, notamment en partenariat avec l’UGAP (Union des Groupements d’Achats Publics). Sur son blog, dans un Billet du 2 mai 201717, CGI résume très bien le discours dominant de l’action publique dans ce domaine (et donc l’intérêt de son offre de services), en trois points :

  1. Réduire les coûts. Le sous-entendu consiste à affirmer que si l’État organise seul sa transformation numérique, le budget sera trop conséquent. Ce qui reste encore à prouver au vu des montants en jeu dans les accords de partenariat entre l’État et les firmes, et la nature des contrats (on peut souligner les clauses concernant les mises à jour chez Microsoft) ;
  2. Le secteur public accuse un retard numérique. C’est l’argument qui justifie la délégation du numérique sur le marché, ainsi que l’urgence des décisions, et qui, par effet de bord, contrevient à la souveraineté numérique de l’État.
  3. Il faut améliorer « l’expérience citoyen ». C’est-à-dire que l’objectif est de transformer tous les citoyens en utilisateurs de services publics numériques et, comme on l’a vu plus haut, organiser une offre concurrentielle de services entre les institutions et les collectivités.

Du côté des décideurs publics, les choix et les décisions se justifient sur un mode Thatchérien (il n’y a pas d’alternative). Lorsqu’une alternative est proposée, tel le logiciel libre, tout le jeu consiste à donner une image politique positive pour ensuite orienter la stratégie différemment.

Sur ce point, l’exemple de Framasoft est éloquent et c’est quelque chose qui n’a pas forcément été perçu lors de la publication de la déclaration « Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé…» (citée précédemment). Il s’agit de l’utilisation de l’alternative libriste pour légitimer l’appel à une offre concurrentielle sur le marché des firmes. En effet, les personnels de l’Éducation Nationale utilisent massivement les services que Framasoft propose dans le cadre de sa campagne « Degooglisons Internet ». Or, l’institution pourrait très bien, sur le modèle promu par Framasoft, installer ces mêmes services, et ainsi offrir ces solutions pour un usage généralisé dans les écoles, collèges et lycées. C’est justement le but de la campagne de Framasoft que de proposer une vaste démonstration pour que des organisations retrouvent leur autonomie numérique. Les contacts que Framasoft a noué à ce propos avec différentes instances de l’Éducation Nationale se résumaient finalement soit à ce que Framasoft et ses bénévoles proposent un service à la carte dont l’ambition est bien loin d’une offre de service à l’échelle institutionnelle, soit participe à quelques comités d’expertise sur le numérique à l’école. L’idée sous-jacente est que l’Éducation Nationale ne peut faire autrement que de demander à des prestataires de mettre en place une offre numérique clé en main et onéreuse, alors même que Framasoft propose tous ses services au grand public avec des moyens financiers et humains ridiculement petits.

Dès lors, après la signature du partenariat entre le MEN et Microsoft, le message a été clairement formulé à Framasoft (et aux communautés du Libre en général), par un Tweet de la Ministre Najat Vallaud-Belkacem exprimant en substance la « neutralité technologique » du ministère (ce qui justifie donc le choix de Microsoft comme objectivement la meilleure offre du marché) et l’idée que les « éditeurs de logiciels libres » devraient proposer eux aussi leurs solutions, c’est-à-dire entrer sur le marché concurrentiel. Cette distorsion dans la compréhension de ce que sont les alternatives libres (non pas un produit mais un engagement) a été confirmée à plusieurs reprises par la suite : les solutions libres et leurs usages à l’Éducation Nationale peuvent être utilisées pour « mettre en tension » le marché et négocier des tarifs avec les firmes comme Microsoft, ou du moins servir d’épouvantail (dont on peut s’interroger sur l’efficacité réelle devant la puissance promotionnelle et lobbyiste des firmes en question).

On peut conclure de cette histoire que si la décision publique tient à ce point à discréditer les solutions alternatives qui échappent au marché des monopoles, c’est qu’une idéologie est à l’œuvre qui empêche toute forme d’initiative qui embarquerait le gouvernement dans une dynamique différente. Elle peut par exemple placer les décideurs devant une incapacité structurelle18 de choisir des alternatives proposant des logiciels libres, invoquant par exemple le droit des marchés publics voire la Constitution, alors que l’exclusion du logiciel libre n’est pas réglementaire19.

Ministre de l’Éducation Nationale et Microsoft

L’idéologie de Silicon

En février 2017, quelques jours à peine après l’élection de Donald Trump à présidence des États-Unis, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, publie sur son blog un manifeste20 remarquable à l’encontre de la politique isolationniste et réactionnaire du nouveau président. Il cite notamment tous les outils que Facebook déploie au service des utilisateurs et montre combien ils sont les vecteurs d’une grande communauté mondiale unie et solidaire. Tous les concepts de la cohésion sociale y passent, de la solidarité à la liberté de l’information, c’est-à-dire ce que le gouvernement est, aux yeux de Zuckerberg, incapable de garantir correctement à ses citoyens, et ce que les partisans de Trump en particulier menacent ouvertement.

Au moins, si les idées de Mark Zuckerberg semblent pertinentes aux yeux des détracteurs de Donald Trump, on peut néanmoins s’interroger sur l’idéologie à laquelle se rattache, de son côté, le PDG de Facebook. En réalité, pour lui, Donald Trump est la démonstration évidente que l’État ne devrait occuper ni l’espace social ni l’espace économique et que seul le marché et l’offre numérique sont en mesure d’intégrer les relations sociales.

Cette idéologie a déjà été illustrée par Fred Tuner, dans son ouvrage Aux sources de l’utopie numérique21. À propos de ce livre, j’écrivais en 201622 :

(…) Fred Turner montre comment les mouvements communautaires de contre-culture ont soit échoué par désillusion, soit se sont recentrés (surtout dans les années 1980) autour de techno-valeurs, en particulier portées par des leaders charismatiques géniaux à la manière de Steve Jobs un peu plus tard. L’idée dominante est que la revendication politique a échoué à bâtir un monde meilleur ; c’est en apportant des solutions techniques que nous serons capables de résoudre nos problèmes.

Cette analyse un peu rapide passe sous silence la principale clé de lecture de Fred Tuner : l’émergence de nouveaux modes d’organisation économique du travail, en particulier le freelance et la collaboration en réseau. Comme je l’ai montré, le mouvement de la contre-culture californienne des années 1970 a permis la création de nouvelles pratiques d’échanges numériques utilisant les réseaux existants, comme le projet Community Memory, c’est-à-dire des utopies de solidarité, d’égalité et de liberté d’information dans une Amérique en proie au doute et à l’autoritarisme, notamment au sortir de la Guerre du Vietnam. Mais ce faisant, les années 1980, elles, ont développé à partir de ces idéaux la vision d’un monde où, en réaction à un État conservateur et disciplinaire, ce dernier se trouverait dépossédé de ses prérogatives de régulation, au profit de l’autonomie des citoyens dans leurs choix économiques et leurs coopérations. C’est l’avènement des principes du libertarisme grâce aux outils numériques. Et ce que montre Fred Turner, c’est que ce mouvement contre-culturel a ainsi paradoxalement préparé le terrain aux politiques libérales de dérégulation économique des années 1980-1990. C’est la volonté de réduire au strict minimum le rôle de l’État, garant des libertés individuelles, afin de permettre aux individus d’exercer leurs droits de propriété (sur leurs biens et sur eux-mêmes) dans un ordre social qui se définit uniquement comme un marché. À ce titre, pour ce qu’il est devenu, ce libertarisme est une résurgence radicale du libéralisme à la Hayek (la société démocratique libérale est un marché concurrentiel) doublé d’une conception utilitaire des individus et de leurs actions.

Néanmoins, tels ne sont pas exactement les principes du libertarisme, mais ceux-ci ayant cours dans une économie libérale, ils ne peuvent qu’aboutir à des modèles économiques basés sur une forme de collaboration dérégulée, anti-étatique, puisque la forme du marché, ici, consiste à dresser la liberté des échanges et de la propriété contre un État dont les principes du droit sont vécus comme arbitrairement interventionnistes. Les concepts tels la solidarité, l’égalité, la justice sont remplacés par l’utilité, le choix, le droit.

Un exemple intéressant de ce renversement concernant le droit, est celui du droit de la concurrence appliqué à la question de la neutralité des plateformes, des réseaux, etc. Regardons les plateformes de service. Pourquoi assistons-nous à une forme de schizophrénie entre une Commission européenne pour qui la neutralité d’internet et des plateformes est une condition d’ouverture de l’économie numérique et la bataille contre cette même neutralité appliquée aux individus censés être libres de disposer de leurs données et les protéger, notamment grâce au chiffrement ? Certes, les mesures de lutte contre le terrorisme justifient de s’interroger sur la pertinence d’une neutralité absolue (s’interroger seulement, car le chiffrement ne devrait jamais être remis en cause), mais la question est surtout de savoir quel est le rôle de l’État dans une économie numérique ouverte reposant sur la neutralité d’Internet et des plateformes. Dès lors, nous avons d’un côté la nécessité que l’État puisse intervenir sur la circulation de l’information dans un contexte de saisie juridique et de l’autre celle d’une volontaire absence du Droit dans le marché numérique.

Pour preuve, on peut citer le président de l’Autorité de la concurrence en France, Bruno Lassere, auditionné à l’Assemblée Nationale le 7 juillet 201523. Ce dernier cite le Droit de la Concurrence et ses applications comme un instrument de lutte contre les distorsions du marché, comme les monopoles à l’image de Google/Alphabet. Mais d’un autre côté, le Droit de la Concurrence est surtout vu comme une solution d’auto-régulation dans le contexte de la neutralité des plates-formes :

(…) Les entreprises peuvent prendre des engagements par lesquels elles remédient elles-mêmes à certains dysfonctionnements. Il me semble important que certains abus soient corrigés à l’intérieur du marché et non pas forcément sur intervention législative ou régulatrice. C’est ainsi que Booking, Expedia et HRS se sont engagées à lever la plupart des clauses de parité tarifaire qui interdisent une véritable mise en compétition de ces plateformes de réservation hôtelières. Comment fonctionnent ces clauses ? Si un hôtel propose à Booking douze nuitées au prix de 100 euros la chambre, il ne peut offrir de meilleures conditions – en disponibilité ou en tarif – aux autres plateformes. Il ne peut pas non plus pratiquer un prix différent à ses clients directs. Les engagements signés pour lever ces contraintes sont gagnants-gagnants : ils respectent le modèle économique des plateformes, et donc l’incitation à investir et à innover, tout en rétablissant plus de liberté de négociation. Les hôtels pourront désormais mettre les plateformes en concurrence.

Sur ce point, il ne faut pas s’interroger sur le mécanisme de concurrence qu’il s’agit de promouvoir mais sur l’implication d’une régulation systématique de l’économie numérique par le Droit de la Concurrence. Ainsi le rapport Numérique et libertés présenté Christian Paul et Christiane Féral-Schuhl, propose un long développement sur la question des données personnelles mais cite cette partie de l’audition de Bruno Lasserre à propos du Droit de la Concurrence sans revenir sur la conception selon laquelle l’alpha et l’omega du Droit consiste à aménager un environnement concurrentiel « sain » à l’intérieur duquel les mécanismes de concurrence suffisent à eux-seuls à appliquer des principes de loyauté, d’équité ou d’égalité.

Cette absence de questionnement politique sur le rôle du Droit dans un marché où la concentration des services abouti à des monopoles finit par produire immanquablement une forme d’autonomie absolue de ces monopoles dans les mécanismes concurrentiels, entre une concurrence acceptable et une concurrence non-souhaitable. Tel est par exemple l’objet de multiples pactes passés entre les grandes multinationales du numérique, ainsi entre Microsoft et AOL, entre AOL / Yahoo et Microsoft, entre Intertrust et Microsoft, entre Apple et Google (pacte géant), entre Microsoft et Android, l’accord entre IBM et Apple en 1991 qui a lancé une autre vague d’accords du côté de Microsoft tout en définissant finalement l’informatique des années 1990, etc.

La liste de tels accords peut donner le tournis à n’importe quel juriste au vu de leurs implications en termes de Droit, surtout lorsqu’ils sont déclinés à de multiples niveaux nationaux. L’essentiel est de retenir que ce sont ces accords entre monopoles qui définissent non seulement le marché mais aussi toutes nos relations avec le numérique, à tel point que c’est sur le même modèle qu’agit le politique aujourd’hui.

Ainsi, face à la puissance des GAFAM et consorts, les gouvernements se placent en situation de demandeurs. Pour prendre un exemple récent, à propos de la lutte anti-terroriste en France, le gouvernement ne fait pas que déléguer une partie de ses prérogatives (qui pourraient consister à mettre en place lui-même un système anti-propagande efficace), mais se repose sur la bonne volonté des Géants, comme c’est le cas de l’accord avec Google, Facebook, Microsoft et Twitter, conclu par le Ministre Bernard Cazeneuve, se rendant lui-même en Californie en février 2015. On peut citer, dans un autre registre, celui de la maîtrise des coûts, l’accord-cadre CAIH-Microsoft cité plus haut, qui finalement ne fait qu’entériner la mainmise de Microsoft sur l’organisation hospitalière, et par extension à de multiples secteurs de la santé.

Certes, on peut arguer que ce type d’accord entre un gouvernement et des firmes est nécessaire dans la mesure où ce sont les opérateurs les mieux placés pour contribuer à une surveillance efficace des réseaux ou modéliser les échanges d’information. Cependant, on note aussi que de tels accords relèvent du principe de transfert du pouvoir du politique aux acteurs numériques. Tel est la thèse que synthétise Mark Zuckerberg dans son plaidoyer de février 2017. Elle est acceptée à de multiples niveaux de la décision et de l’action publique.

C’est par une analyse du rôle et de l’emploi du Droit aujourd’hui, en particulier dans ce contexte où ce sont les firmes qui définissent le droit (par exemple à travers leurs accords de loyauté) que Alain Supiot démontre comment le gouvernement par les nombres, c’est-à-dire ce mode de gouvernement par le marché (celui des instruments, de l’expertise, de la mesure et du contrôle) et non plus par le Droit, est en fait l’avènement du Big Other de Shoshanna Zuboff, c’est-à-dire un monde où ce n’est plus le Droit qui règle l’organisation sociale, mais c’est le contrat entre les individus et les différentes offres du marché. Alain Supiot l’exprime en deux phrases24 :

Référée à un nouvel objet fétiche – non plus l’horloge, mais l’ordinateur –, la gouvernance par les nombres vise à établir un ordre qui serait capable de s’autoréguler, rendant superflue toute référence à des lois qui le surplomberaient. Un ordre peuplé de particules contractantes et régi par le calcul d’utilité, tel est l’avenir radieux promis par l’ultralibéralisme, tout entier fondé sur ce que Karl Polanyi a appelé le solipsisme économique.

Le rêve de Mark Zuckerberg et, avec lui, les grands monopoles du numérique, c’est de pouvoir considérer l’État lui-même comme un opérateur économique. C’est aussi ce que les tenants new public management défendent : appliquer à la gestion de l’État les mêmes règles que l’économie privée. De cette manière, ce sont les acteurs privés qui peuvent alors prendre en charge ce qui était du domaine de l’incalculable, c’est-à-dire ce que le débat politique est normalement censé orienter mais qui finit par être approprié par des mécanismes privés : la protection de l’environnement, la gestion de l’état-civil, l’organisation de la santé, la lutte contre le terrorisme, la régulation du travail, etc.

GAFAM : We <3 your Data

Conclusion : l’État est-il soluble dans les GAFAM ?

Nous ne perdons pas seulement notre souveraineté numérique mais nous changeons de souveraineté. Pour appréhender ce changement, on ne peut pas se limiter à pointer les monopoles, les effets de la concentration des services numériques et l’exploitation des big data. Il faut aussi se questionner sur la réception de l’idéologie issue à la fois de l’ultra-libéralisme et du renversement social qu’impliquent les techniques numériques à l’épreuve du politique. Le terrain favorable à ce renversement est depuis longtemps prêt, c’est l’avènement de la gouvernance par les instruments (par les nombres, pour reprendre Alain Supiot). Dès lors que la décision publique est remplacée par la technique, cette dernière est soumise à une certaine idéologie du progrès, celle construite par les firmes et structurée par leur marché.

Qu’on ne s’y méprenne pas : la transformation progressive de la gouvernance et cette idéologie-silicone sont l’objet d’une convergence plus que d’un enchaînement logique et intentionnel. La convergence a des causes multiples, de la crise financière en passant par la formation des décideurs, les conjonctures politiques… autant de potentielles opportunités par lesquelles des besoins nouveaux structurels et sociaux sont nés sans pour autant trouver dans la décision publique de quoi les combler, si bien que l’ingéniosité des GAFAM a su configurer un marché où les solutions s’imposent d’elles-mêmes, par nécessité.

Le constat est particulièrement sombre. Reste-t-il malgré tout une possibilité à la fois politique et technologique capable de contrer ce renversement ? Elle réside évidemment dans le modèle du logiciel libre. Premièrement parce qu’il renoue technique et Droit (par le droit des licences, avant tout), établit des chaînes de confiance là où seules des procédures régulent les contrats, ne construit pas une communauté mondiale uniforme mais des groupes sociaux en interaction impliqués dans des processus de décision, induit une diversité numérique et de nouveaux équilibres juridiques. Deuxièmement parce qu’il suppose des apprentissages à la fois techniques et politiques et qu’il est possible par l’éducation populaire de diffuser les pratiques et les connaissances pour qu’elles s’imposent à leur tour non pas sur le marché mais sur l’économie, non pas sur la gouvernance mais dans le débat public.

 

 


  1. Xavier De La Porte, « Start-up ou Etat-plateforme : Macron a des idées du 17e siècle », Chroniques La Vie Numérique, France Culture, 19/06/2017.
  2. C’est ce que montre, d’un point de vue sociologique Corinne Delmas, dans Sociologie politique de l’expertise, Paris : La Découverte, 2011. Alain Supiot, dans La gouvernance par les nombres (cité plus loin), choisit quant à lui une approche avec les clés de lecture du Droit.
  3. Voir Friedrich Hayek, La route de la servitude, Paris : PUF, (réed.) 2013.
  4. Voir Karl Polanyi, La Grande Transformation, Paris : Gallimard, 2009.
  5. Christophe Masutti, « du software au soft power », dans : Tristan Nitot, Nina Cercy (dir.), Numérique : reprendre le contrôle, Lyon : Framasoft, 2016, pp. 99-107.
  6. Francis Fukuyama, La Fin de l’Histoire et le dernier homme, Paris : Flammarion, 1992.
  7. Corentin Durand, « ‘L’ADN de la France, c’est la liberté de la presse’, clame le patron de Google », Numerama, 26/02/2016.
  8. Les Échos, « Google intensifie sa lutte contre la propagande terroriste », 19/06/2017.
  9. Sandrine Cassini, « Terrorisme : accord entre la France et les géants du Net », Les Echos, 23/04/2015.
  10. Philippe Vion-Dury, La nouvelle servitude volontaire, Enquête sur le projet politique de la Silicon Valley, Editions FYP, 2016.
  11. Götz Hamman, The United States of Google, Paris : Premier Parallèle, 2015.
  12. On pourrait ici affirmer que ce qui est en jeu ici est le solutionnisme technologique, tel que le critique Evgeny Morozov. Certes, c’est aussi ce que Götz Haman démontre : à vouloir adopter des solutions web-centrées et du data mining pour mécaniser les interactions sociales, cela revient à les privatiser par les GAFAM. Mais ce que je souhaite montrer ici, c’est que la racine du capitalisme de surveillance est une idéologie dont le solutionnisme technologique n’est qu’une résurgence (un rhizome, pour filer la métaphore végétale). Le phénomène qu’il nous faut comprendre, c’est que l’avènement du capitalisme de surveillance n’est pas dû uniquement à cette tendance solutionniste, mais il est le résultat d’une convergence entre des renversements idéologiques (fin du libéralisme classique et dénaturation du néo-libéralisme), des nouvelles organisations (du travail, de la société, du droit), des innovations technologiques (le web, l’extraction et l’exploitation des données), de l’abandon du politique. On peut néanmoins lire avec ces clés le remarquable ouvrage de Evgeny Morozov, Pour tout résoudre cliquez ici : L’aberration du solutionnisme technologique, Paris : FYP éditions, 2014.
  13. Peppino Ortoleva, « Qu’est-ce qu’un gouvernement d’experts ? Le cas italien », dans : Hermès, 64/3, 2012, pp. 137-144.
  14. Vincent Dubois et Delphine Dulong, La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2000.
  15. Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Paris : Les Presses de Sciences Po., 2004, chap. 6, pp. 237 sq.
  16. « Raphaël Mastier, Microsoft France : le secteur hospitalier doit industrialiser sa modernisation numérique », Econocom, 29/05/2015.
  17. « Services aux citoyens, simplification, innovation : les trois axes stratégiques du secteur public », CGI : Blog De la Suite dans les Idées, 02/05/2017.
  18. Ariane Beky, « Loi numérique : les amendements sur le logiciel libre divisent », Silicon.fr, 14/01/2016.
  19. Marc Rees, « La justice annule un marché public excluant le logiciel libre », Next Inpact, 10/01/2011.
  20. Mark Zuckerberg, « Building Global Community », Facebook.com, 16/02/2017.
  21. Fred Tuner, Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture. Stewart Brand, un homme d’influence, Caen : C&F Éditions, 2013.
  22. Christophe Masutti, « Les nouveaux Léviathans I — Histoire d’une conversion capitaliste », Framablog, 04/07/2016.
  23. Compte-rendu de l’audition deBruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, sur la régulation et la loyauté des plateformes numériques, devant la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, Mardi 7 juillet 2015 (lien).
  24. Alain Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2014), Paris : Fayard, 2015, p. 206.



Firefox Night-club, entrée libre !

Aujourd’hui c’est un peu spécial copinage, mais pourquoi pas ? Ils ne sont pas si nombreux les navigateurs web à la fois open source, grand public et à la pointe des technologies, respectueux des personnes qui les utilisent et de leurs données, distribués en langue locale à peu près partout dans le monde, pour toutes les plateformes, etc.

Il est temps de considérer que c’est une ressource précieuse pour tous (et pas seulement pour la communauté du libre).

– D’accord, mais comment y contribuer lorsqu’on est seulement utilisateur ou utilisatrice?

Pascal Chevrel qui répond aujourd’hui à nos questions nous présente une version de Firefox trop peu connue mais qui mérite toute notre attention et même notre implication : Firefox Nightly

Bonjour Pascal ! Commençons par le début : peux-tu te présenter ?
Bonjour, Parisien, 45 ans, je suis impliqué dans le projet Mozilla depuis pratiquement sa création et je travaille à plein temps pour Mozilla depuis 11 ans. De formation plutôt économique et linguistique, j’ai longtemps travaillé sur l’internationalisation des sites web de Mozilla, l’animation de communautés de traducteurs et le développement d’outils de suivi et d’assurance qualité de nos traductions. Depuis un an, j’ai quitté mes précédentes fonctions pour rejoindre l’équipe Release Management qui est chargée d’organiser et de planifier les livraisons de Firefox. Dans ce nouveau contexte, au sein du département Product Integrity, je suis maintenant responsable du canal Nightly de Firefox.

L’équipe de Release Management chez Mozilla. Tiens, il n’y a pas que des mecs ;-)

 

Alors, je doute que beaucoup des personnes qui nous lisent sachent ce qu’est exactement Nightly, tu peux nous en dire plus ?
Nightly est la version alpha de Firefox, chaque jour nous compilons Firefox avec les modifications apportées par les développeurs la veille à notre code source et nous proposons cette version de Firefox au téléchargement afin de recevoir des retours sur l’état de qualité du logiciel.

Quel est l’intérêt pour moi, péquin moyen, d’utiliser Nightly ?
Pour un internaute lambda, pas forcément à l’aise avec l’informatique, il n’y a effectivement aucun intérêt à utiliser Nightly. Les utilisateurs « ordinaires » sont encouragés à utiliser le canal Release qui est la version finale grand public et pas une version alpha ou bêta de Firefox.

Pour un utilisateur averti, utiliser Nightly signifie avoir accès à une version de Firefox qui plusieurs mois de développement d’avance sur la version finale et donc de pouvoir utiliser des fonctionnalités auxquelles n’ont pas encore accès les utilisateurs de Firefox. Depuis plusieurs mois, nous faisons un gros travail de modernisation et de nettoyage du code source de Firefox afin d’améliorer ses performances, les utilisateurs de Nightly ont donc accès à un navigateur beaucoup plus performant que la version grand public.

Pour un utilisateur averti et sensible aux valeurs véhiculées par Mozilla et par le logiciel libre, c’est aussi le meilleur moyen de participer à un projet de logiciel libre lorsque l’on a pas de temps à investir dans des activités de bénévolat. Le simple fait d’utiliser Nightly est une aide plus que précieuse au développement de Firefox car Nightly envoie par défaut des données de télémétrie et les rapports de plantage à nos développeurs qui peuvent ainsi repérer immédiatement toute nouvelle régression.

Attends ! Ça veut dire que vous préparez toutes les nuits une nouvelle version de Firefox ?! Elle doit être pleine de bogues ! Ça marche vraiment ton machin ?
Toutes les nuits en effet (d’où son nom de Nightly), nous compilons Firefox avec le code de la veille, dans toutes les langues, pour tous les systèmes d’exploitations que nous supportons, en 32 comme en 64 bits. Toutes ces versions (builds) doivent passer notre batterie de tests automatisés qui valident un niveau de qualité minimal. Évidemment, c’est une version alpha, donc moins stable, elle peut planter plus facilement qu’une version destinée au grand public…

Ceci dit c’est très utilisable, j’utilise des nightlies depuis 2002 et les véritables problèmes sont rares. Lorsqu’un vrai problème passe entre nos filets, en général la télémétrie nous en informe en quelques heures et nous livrons une deuxième nightly dans la journée pour le régler ou fournir une solution d’atténuation de l’impact causé par le bug (retour arrière sur le patch fautif, désactivation temporaire d’une nouvelle fonctionnalité si le retour arrière n’est pas possible).

Et si j’installe Nightly, ça veut dire que ça me remplace mon Firefox habituel ? Et mes favoris et mots de passe enregistrés ?

Déjà, on dit marque-page, « favori » c’est de la terminologie Microsoft, je peux avoir dans mes marque-pages le site des impôts, ça ne veut pas dire que ce soit un des mes sites favoris 😉

On peut tout à fait installer Nightly à côté d’un Firefox classique, la chose importante est de ne pas leur faire partager le même profil de données. Le plus simple est d’installer Nightly dans un nouveau profil et de synchroniser les données (marque-pages, historiques, mots de passe…) entre les deux versions via Firefox Sync, notre service de synchronisation de données.

Histoire de bien comprendre : je dois télécharger Nightly tous les matins pour profiter des dernières mises à jour ?

Non, Nightly se met à jour en arrière-plan tout seul, lorsque la nouvelle version est disponible et peut être installée, une petite flèche verte apparaît sur l’icône de menu et il suffit de cliquer dans ce menu sur un bouton qui appliquera la mise à jour, ce qui se traduit concrètement par la fenêtre qui se ferme et se rouvre en quelques secondes.

Allez, fais-nous rêver : c’est quoi les nouvelles fonctionnalités attendues ?
En novembre, nous allons sortir une mise à jour majeure de Firefox, la plus grosse mise à jour du logiciel depuis 2011. Nous travaillons à une modernisation importante du moteur de rendu des pages (Gecko) en intégrant des parties mûres de notre autre moteur de rendu en R&D, Servo. Ce moteur est écrit dans un nouveau langage informatique très performant, Rust, les gains attendus en termes de performances sont importants. Ce projet de modernisation des fondations s’appelle Quantum. Il s’agit d’un projet proprement titanesque sur lequel plusieurs équipes de développeurs travaillent à plein temps depuis plusieurs mois, la version de novembre intégrera les premiers fruits de ce travail.

Nous travaillons aussi à une modernisation de l’interface actuelle de Firefox avec notre équipe d’ergonomes et de designers afin d’améliorer aussi l’interaction avec l’utilisateur, ce projet s’appelle Photon. Tu peux voir à quoi ressemblera Firefox d’ici quelques mois en parcourant ce diaporama illustré d’aperçus de la future interface.

La mascotte du projet Photon/Quantum

Tous les travaux en cours sur Quantum et Photon ne sont disponibles que sur Nightly, les amateurs de performances et de design peuvent donc avoir accès en avant première à ces avancées.

En termes de fonctionnalités spécifiques à Nightly, la gestion d’identité multiples dans une même session (qui permet d’avoir des onglets « boulot » et des onglets « perso » par exemple) semble être la nouveauté la plus appréciée de nos utilisateurs sur ce canal.

Bon si c’est pour avoir une version toute en anglais, merci bien !
Nous proposons Nightly dans toutes nos langues, il est donc disponible au téléchargement en français. Évidemment, pour les nouvelles fonctionnalités, il faut parfois attendre quelques jours pour voir celles-ci en français dans l’interface, il arrive donc parfois que certaines phrases ou items de menu soient en anglais. Mais c’est rare, les traducteurs veillent au grain.

Cliquez sur l’image pour avoir le grand poster (attention gros fichier de 4,2 Mo)

 

Excellent ! Nightly, j’en veux © Je fais comment ?
Mozilla fournit des binaires pour Windows, Mac et Linux à cette adresse : https://nightly.mozilla.org. La seule difficulté à l’installation par rapport à un Firefox pour le grand public est qu’il faut créer un profil de données séparé si l’on veut installer Nightly à côté d’un Firefox déjà installé et pas le remplacer. Nous travaillons sur notre installeur pour qu’à l’avenir, ce profil séparé soit créé automatiquement sans intervention de l’utilisateur mais ce ne sera probablement pas effectif avant 2018.

Notre wiki contient des informations détaillées (mais en anglais) sur l’installation de Nightly selon son système d’exploitation, dont un screencast pour Windows.

Mais au fait, ça fait quand même beaucoup, beaucoup d’énergie dépensée par Mozilla pour une version de Firefox plutôt méconnue. C’est quoi votre intérêt ?

Pour développer Firefox qui est un projet de grande envergure (des centaines de développeurs, une base de code très importante, près de 100 langues et 4 systèmes d’exploitation pris en charge…), il faut le compiler tous les jours et avoir une infrastructure d’intégration continue en place, il était donc logique de proposer ces versions (que nous utilisons déjà en interne) à nos utilisateurs afin de pouvoir bénéficier d’un bêta test externe qio réponde à des questions comme : est-ce que le site de ma banque en Belgique fonctionne avec ? Est-ce que la traduction est bonne ? Est-ce qu’il est stable sur ma configuration ?…

Cela représente donc un investissement mais avoir une version dédiée au bêta-test communautaire est fait partie (ou devrait faire partie) de tout projet de logiciel libre communautaire.

Au fait, beaucoup de gens l’utilisent ?
Trop peu de gens utilisent Nightly, essentiellement les employés Mozilla et notre communauté de bénévoles les plus impliqués dans le projet Mozilla, quelques dizaines de milliers de personnes dans le monde. Cela peut sembler beaucoup dans l’absolu mais c’est en réalité assez faible car le Web est immense, les configurations matérielles sur lesquelles tournent Firefox sont des plus diverses dans le monde et nous n’avons pas aujourd’hui assez de retours d’utilisation (que ce soit la télémétrie ou des rapports de bugs plus formels) afin de prendre les meilleures décisions de développement.

Nous recherchons donc des utilisateurs mais bien sûr nous sommes très clairs sur le fait que Nightly est destiné à un public plus à l’aise avec l’informatique que la moyenne et prêt à accepter des changements de comportement ou d’interface du logiciel au jour le jour avec en contrepartie l’accès en avant-première à des fonctionnalités innovantes.

Si vous voulez aider Mozilla, que vous êtes à l’aise avec l’informatique, utiliser Nightly à la place ou à côté de votre navigateur actuel (qui n’a pas à être Firefox) est probablement le moyen le plus simple de participer au projet.

Donc, même si je n’y connais rien de rien en logiciel libre, en code, et tous les autres trucs techniques, rien qu’en utilisant Nightly, je fais avancer le schmilblick ?
Si vous êtes à l’aise avec l’informatique (en gros, si vous savez installer et désinstaller un logiciel sans faire appel à la cousine en école d’ingénieur), simplement utiliser Nightly aide énormément Mozilla et les développeurs de Firefox.
Nous avons aujourd’hui une qualité de Nightly qui est suffisante pour de très nombreux utilisateurs sans connaissances techniques particulières.

Si je vois des trucs qui clochent, je le signale où et comment ? Parce que moi le bugzilla, comment dire
Pour les francophones, le plus simple est d’expliquer ce qui cloche dans nos forums de mozfr à cette adresse : https://forums.mozfr.org/viewforum.php?f=24
S’il s’avère que c’est effectivement un problème dont nous n’avons pas connaissance, nos modérateurs les plus anglophiles se chargeront d’ouvrir un ticket sur Bugzilla et d’agir comme intermédiaires avec les développeurs. Je passe sur le forum moi-même deux fois par semaine.

Et si je suis un développeur, et que les mots « code source », « mercurial », « bugzilla » ou « RTFM » me parlent, je peux aider quand même ?

Si vous êtes développeur non seulement vous pourrez rapporter des bugs directement dans Bugzilla mais on peut aussi vous aider à écrire le patch pour résoudre ce bug ! Il y a d’ailleurs une vingtaine de développeurs Firefox qui sont francophones si l’anglais vous fait un peu peur.

Les développeurs mais aussi les utilisateurs les plus techniques peuvent ouvrir des bugs et faire une recherche du patch qui a causé une régression grâce à l’outil mozregression

Tiens une question qu’on nous pose souvent, qui peut paraître hors sujet, mais en fait pas du tout : qu’est-ce que je peux dire à mon cousin qui utilise Google Chrome, afin qu’il envisage de passer à Firefox ?

Il n’y a pas de réponse unique à cette question car pour cela il faudrait savoir pourquoi il utilise Chrome. Si ton cousin est sensible au respect de sa vie privée, utiliser Firefox va probablement de soi. Si ce qui importe pour lui ce sont les performances, alors Nightly est certainement dans la course avec Chrome, voire plus performant sur certaines activités, ce n’a pas toujours été le cas donc c’est important à souligner. S’il est un utilisateur compulsif d’onglets, la gestion des onglets de Nightly est certainement plus riche et performante que celle de Chrome ; avoir une session avec plusieurs centaines d’onglets ouverts sur une machine récente ne pose aucun problème sous Nightly.

Je pense que de nombreux utilisateurs qui sont passés de Firefox à Chrome il y a quelques années seraient très surpris des avancées (performances, ergonomies, fonctionnalités) que nous avons intégrées dans Firefox. C’est encore plus vrai pour Nightly et je reçois quasiment quotidiennement du feedback d’utilisateurs Chrome passés avec bonheur à Nightly, C’est très encourageant pour notre grosse livraison 57 en novembre évidemment. Le magazine en ligne américain CNET a publié en juin un article intitulé « New speed boost means maybe it’s time to try Firefox again » plus qu’élogieux et ils n’ont testé que la version grand public 54. Nightly qui est en 56 est déjà bien plus performant.

Merci Pascal ! Un dernier mot ? Ou une question que tu aurais aimé qu’on te pose ?

Un grand merci à toi pour l’intérêt que tu portes à Firefox, Mozilla et mon travail sur Firefox Nightly ! Merci aussi pour le travail de vulgarisation que fait Framasoft en ce qui concerne le logiciel et la culture libre. Firefox est l’outil qui permet à Mozilla d’avoir un impact sur le Web. Étant donné le travail que fait Framasoft sur la décentralisation et de dégooglisation du web, les lecteurs de cet article seront peut être intéressés par cette récente annonce de Mozilla dans laquelle nous annonçons un budget de 2 millions de dollars dédié à financer les projets de décentralisation du Web.

… et le slogan du blog de Nightly pour le mot de la fin :
Améliorons ensemble la qualité, version après version (Let’s improve quality, build after build!)