21degrés de liberté – 13

Nos comportements font désormais l’objet d’une surveillance de plus en plus intrusive de la part du commerce, qu’il soit ou non virtuel, au point de surveiller même les achats que nous ne faisons pas…

Voici déjà le 13e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois. Il attire aujourd’hui notre attention sur une forme inattendue du pistage à caractère commercial.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

On espionne non seulement tout ce que nos enfants achètent, mais également tout ce qu’ils N’ACHÈTENT PAS

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : draenog, dodosan, goofy et un anonyme

Nous avons vu comment les achats de nos enfants, que ce soit en liquide ou par carte, sont surveillés au mépris de leur vie privée, d’une manière qui aurait fait frémir nos parents. Pire encore : la vie privée de nos enfants est également violée par l’espionnage des achats qu’ils ne font pas, qu’ils les refusent sciemment ou qu’ils passent simplement leur chemin.

Amazon vient d’ouvrir son premier magasin Amazon Go, où il est possible de mettre des articles dans son sac et de partir, sans avoir à passer par une caisse. Pour présenter ce concept1, Amazon indique qu’il est possible de prendre un article, qui sera inscrit dans vos achats, puis de changer d’avis et de le reposer, auquel cas le système enregistre que l’article n’a pas été acheté.

Évidemment, on ne paie pas pour un article à propos duquel on a changé d’avis, ce qui est le message de la vidéo. Mais il ne s’agit pas seulement d’enlever un article du total à payer : Amazon sait que quelqu’un a envisagé de l’acheter et ne l’a au final pas fait, et l’entreprise utilisera cette information.

Nos enfants sont espionnés de cette manière chaque jour, si ce n’est à chaque heure. Nos parents n’ont jamais connu cela.

Lorsque nous faisons des achats en ligne, nous rencontrons même des plugins simples pour les solutions commerciales les plus courantes, qui réalisent ce qu’on nomme, par un barbarisme commercial, une « analyse en entonnoir » ou « analyse d’abandon de panier », qui détermine à quel moment nos enfants décident d’abandonner le processus d’achat.

On ne peut même plus quitter un achat en cours de route sans qu’il soit enregistré, consigné et catalogué pour un usage futur.

Mais cet « abandon de panier » n’est qu’une partie d’un plus vaste problème, à savoir le pistage de ce qui nous intéresse, à l’ère de nos enfants du numérique, sans pour autant que nous l’achetions. On ne manque pas aujourd’hui de personnes qui jureraient avoir tout juste discuté d’un type de produit au téléphone (disons, « jupe noire en cuir ») pour voir, tout à coup, des publicités spécifiques pour ce type de produit surgir de tous les côtés sur les pubs Facebook et/ou Amazon. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’entreprises à l’écoute de mots-clés via notre téléphone ? Peut-être, peut-être pas. Tout ce qu’on sait depuis Snowden, c’est que s’il est techniquement possible de faire intrusion dans notre vie privée, alors c’est déjà en place.

(On peut supposer que ces personnes n’ont pas encore appris à installer un simple bloqueur de publicités… Mais bon.)

Dans les endroits les plus surchargés en pubs, comme les aéroports (mais pas seulement là), on trouve des traqueurs de mouvements oculaires pour déterminer quelles publicités vous regardez. Elles ne changent pas encore pour s’adapter à vos intérêts, comme dans Minority Report, mais puisque c’est déjà le cas sur votre téléphone et votre ordinateur, il ne serait pas surprenant que cela arrive bientôt dans l’espace public.

Dans le monde analogique de nos parents, nous n’étions pas enregistrés ni pistés quand nous achetions quelque chose.

Dans le monde numérique de nos enfants, nous sommes enregistrés et suivis même quand nous n’achetons pas quelque chose.

La vie privée demeure de votre responsabilité.




Framaclic, un nouveau service qui compte

Vous avez besoin de compter les visites sur vos sites sans fliquer vos visiteureuses ? On a un framachin pour vous !

Prenons un exemple rapide. Fred aime bien pondre des textes et il les sème un peu partout sur le vaste Ouèbe.

Cela lui pose deux problèmes.

Ses textes sont sur des sites différents avec parfois des adresses web (ou « URL ») longues comme un jour sans pain. Mais pour ça il a trouvé la parade, c’est frama.link, le raccourcisseur d’URL de Framasoft. Il a créé une adresse courte pour chacun de ses textes, et quand on lui demande où on peut lire sa prose, il donne cette URL plutôt qu’une adresse de 256 caractères biscornus. Pour avoir des adresses web encore plus courtes, il pourrait utiliser https://huit.re/.

L’autre souci de Fred, c’est qu’il est affreusement cabotin. Il écrit pour le plaisir, il publie sous licence libre, il a compris qu’il ne bouclerait pas ses fins de mois grâce à sa plume, mais il ne peut pas s’empêcher de se demander si quelqu’un⋅e lit réellement ce qu’il commet.

Fred est donc tout content quand Framasoft sort Framaclic (bon, il ne fait pas des triples saltos, mais il a un moment de jubilation).

C’est quoi ?

Zag, l’adorable mascotte de Dolomon

Framaclic est un raccourcisseur d’URL qui compte les clics. Voilà. Dit comme ça, on dirait que c’est drôlement simple, non ?

Eh bien, bonne nouvelle : c’est simple !

Bon, soyons justes, Frama.link avait déjà un compteur, rudimentaire. Il reconnaît l’auteur de l’URL courte via un petit cookie et est capable de lui fournir un comptage des clics. Seulement, ça ne marche que depuis l’ordinateur et le navigateur sur lesquels l’adresse courte a été créée (à cause du cookie).

« Framaclic est un frama.link dopé aux stéroïdes », nous dit Luc, l’auteur de l’application (qui développe aussi parfois des petites applis complètement inutiles donc parfaitement indispensables).

Comment ça marche ?

Framaclic est basé sur Dolomon, comme DOwnLOad MONitor. Pas besoin d’avoir fait anglais première langue pour piger ça.

Fred se rend sur framaclic.org. Il crée un compte avec un mot de passe, histoire d’être seul à pouvoir accéder à ses statistiques (des fois qu’elles soient mauvaises).

Il fait une liste des adresses de toutes les ressources vers lesquelles il veut créer un lien : ses textes, son blog, son CV, ses galeries de photos, une BD de Simon qu’il adore partager avec ses collègues… Si la liste n’est pas exhaustive, ce n’est pas grave, il pourra en ajouter par la suite.

Comme il aime bien que les choses soient correctement rangées (rappel : cet exemple est une fiction), il crée des catégories et des étiquettes pour s’y retrouver. Surtout qu’il se dit que ce truc-là va drôlement lui rendre service et qu’il va finir par y mettre beaucoup d’adresses.

Ensuite, pour chaque adresse longue il en génère une courte (un « dolo »). Pas besoin de la conserver, Framaclic s’en charge.

 


Les dolos sont créés au fur et à mesure.

Pour suivre les visites sur une page précise, Fred peut créer un dolo pointant sur une petite image transparente (Dolomon vous en propose une) et insérer l’URL générée, comme on insère une image, dans sa page.

Fred aime surtout créer des dolos qui pointent sur un document, au lieu de la page web. Par exemple, un dolo pour le pdf de son roman (http://framabook.org/docs/vieuxflic/FredUrbain_VFVV_cczero20151108.pdf au lieu de la page générique https://framabook.org/vieux-flic-et-vieux-voyou/), un autre pour la version e-pub, et encore un pour le code source en Latex. De cette façon, Fred saura quelle version est la plus téléchargée.

Mais il ne saura rien de plus : Framaclic n’enregistre que des statistiques anonymes, pas les adresses IP des visiteureuses.

Par contre, cela fait de beaux graphiques :

Et comme vos données vous appartiennent, vous pouvez les télécharger dans un fichier CSV, ce qui vous permettra de les manipuler à votre guise, de faire des camemberts colorés…

Ah, un dernier truc cool à savoir : Luc a fait un plugin Dolomon pour WordPress. Si vous avez un blog, vous pourrez créer vos dolos directement depuis votre article.

Contribuez

Comme tout logiciel qui n’a pas encore subi l’épreuve du feu (enfin, l’épreuve de l’utilisation massive), Dolomon comporte certainement quelques bugs ou nécessite un petit coup de polish pour en améliorer l’ergonomie : n’hésitez pas à contribuer en ouvrant des tickets !

Nous tenons au passage à lever notre chapeau à Luc, alias Framasky notre infatigable admin-sys, qui a codé Dolomon pour nos besoins internes, et l’a amélioré afin que l’on puisse l’ouvrir au public ;).

Pour aller plus loin




21 degrés de liberté – 12

Filmés et géolocalisés, nos déplacements n’échappent pas à la surveillance. Même quand nous flânons dans une boutique physique, notre parcours est enregistré.

Voici déjà le 12e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’inquiète aujourd’hui la fin de l’anonymat dans nos achats en raison des moyens électroniques de paiement.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Nos parents achetaient des objets sans être pistés, leurs pas en boutique n’étaient pas enregistrés

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : goofy, draenog, Moutmout, xi + 2 anonymes

Dans le dernier article, nous nous sommes concentrés sur la façon dont les personnes sont pistées aujourd’hui lorsqu’elles utilisent des cartes bancaires plutôt que du liquide. Mais peu de gens remarquent qu’aujourd’hui, nous sommes également suivis à la trace même si nous utilisons du liquide.

Photo Privacy News Online

 

Peu de gens font attention au petit signe (en) sur la porte tambour de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol. Il indique que chacune des personnes dans l’aéroport est suivie par Bluetooth et Wi-Fi.

Ce qui caractérise l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol n’est pas le fait que le moindre pas des gens dans une zone commerciale y soit pisté (à des fins commerciales, pas pour la sécurité.) Non, ce qui différencie l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol, c’est que les personnes en sont informées. Les Pays-Bas ont tendance à prendre la vie privée au sérieux, comme l’Allemagne, et pour la même raison (en).

Les balises de localisation sont devenues quasiment un standard dans les plus grandes zones commerciales. Elles envoient un signal à votre téléphone par Wi-Fi et par Bluetooth, et par triangulation, en utilisant la force du signal, un réseau de balises est capable de déterminer les déplacements de chaque individu en temps réel avec une précision inférieure à la longueur d’un pas. Tout ceci est utilisé pour « optimiser la vente » – en d’autres termes, trouver des façons de piéger le cerveau des gens pour qu’ils dépensent des ressources qu’ils n’auraient sinon pas dépensées. Notre propre perte de vie privée est utilisée contre nous, comme à chaque fois.

Où est-ce que les gens s’arrêtent un moment, qu’est-ce qui attire leur attention, qu’est-ce qui n’attire pas leur attention, qu’est-ce qui constitue un obstacle pour réaliser plus de ventes ?

Ce sont des questions légitimes. Cependant, retirer aux gens leur vie privée afin de répondre à ces questions n’est pas une méthode légitime pour y répondre.

Ce type de suivi individuel de masse a même été déployé à l’échelle de villes entières, ce qui s’est passé dans le silence le plus total jusqu’à ce que le Bureau de Vigilance pour la Vie Privée d’un gouvernement lointain sonne l’alarme. La ville de Västerås a obtenu le feu vert pour poursuivre le pistage une fois quelques critères de pure forme atteints.

Oui, le déploiement à l’échelle d’une ville de ce type de pistage dans au moins une petite ville d’un coin reculé du monde (Västerås, en Suède) est documenté. Maintenant que le Bureau de Vigilance pour la Vie Privée gouvernemental a haussé les épaules et dit « mouais, qu’importe », ne croyez pas que ça restera confiné à la petite ville de Västerås. Rectification, mauvais temps verbal : ne croyez pas que ce c’est resté qu’à Västerås, où le feu vert a été obtenu il y a trois ans.

Nos parents analogiques avaient le pouvoir de marcher sans être pistés dans la ville et dans la rue de leur choix, sans que cela soit utilisé ou retenu contre eux. Il n’est pas déraisonnable que nos enfants numériques aient le même pouvoir.

Il y a une autre façon d’acheter des choses avec du liquide qui permet d’éviter ce type de pistage, c’est le paiement comptant à la livraison à votre domicile lors de l’achat en ligne ou par téléphone. Dans ce cas, votre achat est aussi consigné et enregistré, simplement dans un autre type de système.

Tout ceci n’est pas seulement utilisé contre le citoyen ordinaire à des fins commerciales, évidemment. C’est utilisé contre le citoyen ordinaire à toutes fins possibles. Mais nous y reviendrons dans un article à venir de la série.

La vie privée demeure de votre responsabilité.




Framadsense, la publicité qui a du sens

C’est avec le plus grand sérieux que nous lançons aujourd’hui notre alternative à la régie publicitaire Google AdSense : Framadsense !

EDIT 20/09/2023 : Ce « service » est aujourd’hui fermé. Néanmoins, le code source est toujours disponible pour qui est intéressé.

Aujourd’hui on trolle la pub !

On ne va pas noyer le poisson : aujourd’hui est le jour rêvé pour lancer notre outil de bannières publicitaires. C’est dimanche, nos salarié·e·s se reposent, nos bénévoles ont une vie personnelle, vous allez donc pouvoir enflammer les z’internets en toute autonomie.

Vous croyez que c’est une blague…? Vous ne vous doutez pas à quel point nous sommes sérieuxses, dès qu’il s’agit de déconner.

Nous avons déjà parlé ici du fléau qu’est la publicité « digitale » (comme disent les « dir’comm' » et les « dir’mark' »). C’est le profilage publicitaire qui est aux origines des Léviathans qui centralisent le web. Il suffit de voir le talk « Nous créons une dystopie simplement pour obliger les gens à cliquer sur des publicités » pour comprendre combien c’est grave, et combien il faut Dégoogliser Internet. Nous relayons aussi des alternatives plus vertueuses, comme celle de la rédaction de NexINpact.

La pub en ligne est partout, c’est une catastrophe numérique et écologique… On comprend pourquoi certaines personnes s’échangent de formidables astuces pour résister à l’agression publicitaire. L’ironie, c’est que la plupart des alternatives et connaissances qui nous permettent de faire respecter nos intimités numériques sont peu connues… et qu’elles manquent de pub !

Notre sérieux va vous surprendre

C’est parti d’une idée de JosephK. Oui, JosephK, un salarié de Framasoft qui déjà, pour la blague, avait codé le Bingo du Troll (à utiliser sans modération dès qu’un troll vous emmouscaille). Celui qui, récemment, a bidouillé un joli lifting pour le Framablog (vous avez remarqué comme il est plus aéré, plus lisible ?). JosephK, un des plus farouches opposants à la pub parmi nous, qui vient nous proposer :

Et si on montrait les mécanismes de la pub en ligne tout en faisant de la réclame pour les alternatives éthiques ?

Il y a des informations que nos navigateurs web diffusent en permanence : de quel site on vient (c’est le rôle du « référent »), ainsi que les versions de notre système d’exploitation et notre navigateur web (ce que transmet le « user agent »). Rien qu’avec ces infos-là, donc sans pister quiconque, on peut générer des bannières qui expliquent aux personnes utilisant des outils fermés comment mieux se libérer… « Tu viens de Facebook ? Essaie Framasphère ! » ou « Tu utilises Chrome ? Firefox est plus rapide et plus éthique ! »

Framadsense, parce que ça nous fait rire

Si on crée ce micro-outil pour nous, autant le mettre à disposition de tou·te·s, non ? Ainsi est né Framadsense, disponible à l’adresse https://sense.framasoft.org. Si vous voulez l’utiliser pour votre site web, il vous suffit :

  • D’aller sur Framadsense
  • De paramétrer le type de bannière que vous voulez (cocher des cases, quoi !)
  • De copier/coller le code généré à l’endroit de votre site où vous voulez insérer de la (fausse-)pub !

Sense3, le logiciel développé par JosephK, est un logiciel libre (forcément !) qui respecte notre vie privée, et dont les bannières affichent uniquement des projets libres et non lucratifs… voire des œuvres d’art, juste pour le plaisir de remplacer la pollution visuelle par de la culture ! Vous pouvez d’ailleurs proposer de nouvelles bannières en collaborant au code sur son dépôt (nous, on a juste fait les exemples les plus courants… venez pas nous gronder si votre projet libre favori n’y est pas encore !).

Voilà : même quand il s’agit de déconner, on en profite pour hacker les codes de la pub. Plus qu’un poisson, Framadsense est un vrai logiciel qui permet au moins qu’on se pose la question :

comment attirer l’attention de nos proches sur le fait que nos attentions sont sur-sollicitées ?

Vous avez le reste du (long) week-end pour y répondre (ou pour manger du chocolat).

L’équipe de Framasoft.