Storify est mort. Longue vie à…

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Storify.com, service bien pratique qui permet de construire des histoires sous forme de pages web, à partir d’éléments divers (textes, tweets, vidéos, etc), fermera ses portes le 16 mai 2018. Framasoft, accompagné par d’autres acteurs, met à disposition une pré-version d’un logiciel permettant à des millions d’utilisateurs et utilisatrices, de ne pas rester sur le carreau.


Le jour où tout s’est arrêté

C’est l’histoire d’un tweet qui croise un autre tweet.

Au premier coup d’oeil, c’est l’amour, ils décident de vivre ensemble. Rien de trop ronflant au début, un petit fil sur Twitter ira bien. Mais la relation s’épanouit et ils décident un beau jour de sauter le pas, d’officialiser leur union : ils veulent vivre ensemble pour le reste de leurs jours et s’afficher au grand jour, pas juste auprès de leurs copains sur Twitter.

Comment faire ?

Storify ! Les deux tweets peuvent vivre au chaud sous un joli toit commun, avec pignon sur rue, et même inviter leurs amis… Enfin une vie hors de Twitter ! Tous les internautes peuvent désormais les trouver facilement, la maison est agréable à vivre, une unité, une esthétique… et pour ne rien gacher, le loyer est gratuit. Imaginez un peu ça : chauffage inclus, été comme hiver, tout ça pour que vos gazouillis un peu fouillis ne finissent plus en vague bouillie dans le Cyber-oubli… mais qu’ils soient lus et relus pour toute l’éternité !

Storify - Esther Vargas - CC-by-sa 2.0
Storify – Esther Vargas – CC-by-sa 2.0

Enfin presque.

Car l’éternité se raccourcit : le propriétaire du lotissement annonce qu’il vend tout. Adieu veau, vache, cochon, couvée de tweets… il va falloir trouver ailleurs où se loger. Storify ferme.

Le jour où tout a recommencé

C’est l’histoire d’un autre tweet, celui de Silvère Mercier, qui réagit à cette annonce :

Framasoft, qui passait par là, propose de « voir ce qui existe dans le libre » et de créer un « commonstory » : une sorte de lotissement en co-gestion où les murs appartiendraient à tout le monde.

Yannick François, qui passait aussi par là, mets la DINSIC dans le coup en lui faisant le joli compliment d’être un peu « les framasoft de l’état » (sic). Mais au fait, c’est quoi la DINSIC ? C’est la « Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État » – merci Wikipédia ! Oui… mais encore ? Eh bien c’est un peu la DSI des DSI ministérielles, la direction qui anime la transformation numérique de l’État, et la politique d’ouverture des données publiques est portée par l’une de ses missions, Étalab. D’accord… mais quel rapport avec le logiciel libre ? C’est simple : depuis la loi pour une République numérique de 2016, les logiciels produits par l’administration publique sont des documents administratifs qui doivent être « ouverts par défaut », ou « open source par défaut », comme l’explique très bien Lionel Maurel. (Si vous n’avez pas encore senti que mon ton devient corporate, ça ne saurait tarder : je travaille en ce moment pour la mission Étalab de la DINSIC.)

Et donc Henri Verdier, qui dirige la DINSIC, répond… « Go ! » et met Laurent Joubert sur le coup pour suivre le dossier.

Quelques semaines plus tard, nous nous retrouvons dans le bureau de Laurent avec Silvère, Pierre-Yves, Thomas Citharel (développeur chez Framasoft) et moi-même, fraîchement embarqué dans le programme Entrepreneur d’intérêt Général (EIG). Nous faisons un point sur le travail de Thomas qui a déjà développé un prototype nommé « Storia » permettant de créer un compte et de sauvegarder les « stories » de feu Storify.com. Il manque la peinture et le chauffage, mais c’est un super début, nous décidons de repartir de là.

Voici les besoins dont Thomas nous fait part : rencontrer de vrais utilisateurs, travailler sur le design, anticiper l’évolution et la maintenance du projet pour la suite.

Comment faire ? Nous proposons de faire un garagethon.

– Un quoi ? !

Un garagethon ! C’est comme un hackathon sauf qu’on travaille pour de vrai et que le nombre de personnes est limité au nombre de celles qui tiendraient dans un garage, soit une douzaine. (Toute ressemblance avec cette vision de quelques « gus dans un garage » n’est pas fortuite.)

Nous voici donc partis pour l’organisation d’une journée le 30 mars. Nous mobilisons nos contacts : Silvère pour trouver des utilisateurs aguerris, Thomas pour contacter des développeurs Elixir, le langage dans lequel est développé la partie serveur du projet, Pouhiou pour trouver des concepteurs UX/UI et des graphistes, moi-même pour mobiliser des volontaires du programme EIG qui s’intéresseraient à VueJS pour le développement de l’interface Web.

Le jour du Garagethon

Nous passons notre garagethon dans les locaux du Liberté Living Lab, nous avons pu y réserver une salle pour toute la journée. La salle est spacieuse et agréable, avec un espace à l’écart pour ceux qui souhaitent travailler en petit groupe.

Nous voici donc dans notre « garage » : Arnaud Rachez (datascientiste, EIG), David Panou (datascientiste, EIG), Gaël Dauvillier (BPI), Isabelle Degrange (BnF), Jean-Baptiste Le Dévéhat (concepteur UX/UI, EIG), Laurent Joubert (DINSIC), Louis Vinet (concepteur UX/UI), Silvère Mercier (ex-BPI), Tam Kien Duong (DINSIC), Thomas Citharel (développeur, Framasoft), Tristram Gräbener (ex-EIG, Codeurs en Liberté), Vincent Lara (Codeurs en Liberté), Xavier Damman (à distance, Open Collective).

Nous commençons la matinée par des présentations rapides, puis nous nous attaquons illico à l’exploration de storify.com, en tâchant d’expliciter nos besoins et notre expérience en tant qu’utilisateurs.

Ensuite, Thomas nous fait un point sur le prototype qu’il a développé, et nous commençons à y projeter les besoins évoqués plus tôt.

Après quelques pizzas bien méritées, nous avons une longue et intéressante entrevue à distance avec Xavier Damman, fondateur de Storify actuellement investi dans le projet Open Collective, dont le but est d’aider des projets ouverts à assurer leur financement… collectivement. Cet entretien permet de mettre le doigt sur des aspects structurants pour le projet qui nous occupe :

  • l’importance du nom (le premier nom était PublicTweet, nettement moins bon…) ;
  • l’importance du design : c’est un élément dont Xavier nous dit qu’il l’a sous-estimé au début ;
  • l’importance du juste degré de liberté accordé à l’utilisateur : il est tentant d’ajouter plein d’options (par exemple pour la mise en page) mais attention à ne pas retarder le moment de satisfaction de l’utilisateur.

Après cette entrevue captivante, nous nous répartissons en groupes : certains pour travailler sur des maquettes, d’autres sur l’exploration du code, d’autres encore sur la création d’éléments de documentation et d’un mini-site pour le projet, etc.

Maquette pour la création d'une liste pour Storia
Maquette pour la création d’une liste pour Storia, © Louis Vinet

Le jour d’après

Et maintenant ?

Aujourd’hui, Framasoft annonce la sortie d’une version beta (= « en travaux ») de Framastory, un service pour vous permettre de sauvegarder vos anciennes Stories, destiné à évoluer avec vos retours, vos contributions. Attention : peinture fraîche ! Le calendrier nous presse car le site storify.com ne sera plus accessible à partir du 16 mai. Prenez bien note que pour l’instant, l’énergie a été concentrée sur le fait que vous puissiez importer vos stories existantes depuis Storify dans Framastory. La création de stories/picks dans Framastory est possible, mais encore très très largement « en travaux ». Les fonctionnalités et l’interface seront améliorées dans les semaines et mois qui viennent, mais Framasoft préfère publier le logiciel immédiatement, afin d’éviter aux utilisateurs et utilisatrices de Storify de perdre les heures passées à bichonner leurs stories.

 

Insérer un tweet dans une story, sur Framastory.org
Insérer un tweet dans une story, sur Framastory.org

 

D’autre part, Thomas Citharel publie un nouveau logiciel nommée PickWeaver, qui est le logiciel faisant tourner ce nouveau service.

Page d'accueil du logiciel PickWeaver
Page d’accueil du logiciel PickWeaver

PickWeaver est en version beta : comme pour tous les projets de Framasoft, les contributions sont les bienvenues !

Voici comment vous pouvez aider :

Voilà. À vous de jouer ! Découvrez la nouvelle version d’un service de curation qui vous a été indispensable ou un nouveau service qui vous sera sûrement utile. Partagez avec nous les idées que vos avez pour rendre ce projet viable sur le court, le moyen, le long terme.

J’en profite ici pour remercier chaleureusement tous les participants de ce premier garagethon : l’ambiance était à la fois conviviale et productive, cela laisse augurer de belles choses pour la suite. Mention spéciale à Laurent Joubert qui nous a sustenté le midi.

Et n’hésitez pas à nous rejoindre si vous voulez contribuer.

Ce n’est qu’un combat, continuons le début !

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Je suis libriste et développeur, actuellement Entrepreneur d'intérêt général pour la mission Étalab de la DINSIC.

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11 Responses

  1. ariasuni

    Ça a l’air d’être un service vraiment bien! mais:

    – La 2e capture d’écran fait vraiment ultra-peur: la police des tweets non-lissée fait vraiment mal fini, et les instructions en rouge sont complètement incompréhensibles. Autant ne pas mettre de capture qu’une mauvaise capture.
    – Sur le site http://framasoft.frama.io/pickweaver/, le bouton «Learn More (in french)» dirige vers un lien mort.

    Pour la création de Picks, y a des trucs incompréhensibles et/ou non fonctionnels mais je ne sais pas s’il est très pertinent de commencer tout de suite à vous bombarder de rapport de bug sur cette partie de l’UI. ^^’

    • pyg

      @ariasuni : pour tout ce qui est UX/UI, laissez à Thomas jusqu’à fin juin.

      Là, notre impératif, c’était d’avoir au moins ~15j avant la fermeture de Storify un service qui permette d’éviter de perdre ses stories dans le trou noir du /dev/null

      Le logiciel est loin d’être fini. Mais soit on le sortait en travaux aujourd’hui, soit « proprement » fin juin, 45j apres la mort de Storify 🙂

  2. Matou

    Je ne connaissais pas storify, et je n’ai pas compris à quoi ça servait en lisant l’article. Alors je suis aller sur le site de storify… mais je n’ai toujours pas compris. Y’a des images et des listes d’images et des tweets ? et ? Je vais avoir besoin d’un peu d’explication car pour moi c’est absolument obscure.

    • Frédéric Urbain

      L’idée consiste à saisir des moments d’Internet, par essence volatile, et à les grouper pour en conserver le sens, pour au contraire leur donner un autre éclairage, ou pour créer tout autre « histoire » qu’on souhaitera constituer à partir de ces bribes.
      J’avoue que je ne connaissais du principe que les « stories » proposées par un media social très prisé par les jeunes.

    • JosephK

      Quand on est cohérent, on dit « au revoir » en français…

      • Ralku

        Et la censure, en plus.

        Ainsi, le moche tableau est complet.

        Faites comme je dis, mais pas comme je fais.
        Lamentable.

        En avant le DOGME…

        Comme la collaboration avec fesse bouc, etc.

        Et, justement, « bye bye » puisque toutenanglais.
        Vous n’avez aucun esprit, en plus (ou en moins) ?

        Et tout foutre en anglais, en méprisant ceux qui ne maîtrisent pas cette langue (merci à l’Éducatration Nationaliste), c’est donc hors sujet ? Bien sûr, toute critique est hors-sujet… C’est plus simple & moins fatigant que de respecter autrui.

        Quelle triste perversité.

        « Le mépris […] c’est le fascisme. » Albert Camus.

        Et lisez donc Kafka, correctement, avant de vous approprier « Joseph K. »

        Je me désabonne de votre flux, vous êtes incohérents.

        • JosephK

          Tout d’abord ce n’est pas de la censure, mais de la modération.
          Votre message n’est pas supprimé. Quiconque peut le consulter.
          Le trouviez-vous si constructif que ça ? Réellement ?

          Si vous aviez pris le temps de lire l’article, vous auriez constaté que le nom de l’outil original « Storify » est en anglais, qu’il manipule des « tweets » (vous dites gazouillis vous ?)… et pourtant le nom initialement choisi pour une version libre était en italien « Storia ».

          Si vous aviez voulu être constructif vous auriez pu questionner la raison de ce changement de nom et on vous aurait répondu qu’il y avait davantage de risque de copyright madness sur le droit des marques avec storia.

          Mais non, vous critiquez lapidairement et en gros ce projet ne mérite pas plus qu’un bye bye parce qu’il a un nom anglais. Évidemment on ne peut considérer ça que comme du troll.
          D’ailleurs si vous n’étiez pas dans la dynamique de troller, comment se fait-il que vous soyez toujours là à me répondre et perdre votre précieux temps au sujet d’un projet qui ne vous intéresse pas ?

          Enfin, si vous êtes bien libre d’exprimer ce que bon vous semble dans les commentaires du blog, nous sommes libres de masquer les messages qui nous semblent hors-sujet.

  3. Sylvain

    C’est super ce projet collectif ! Merci pour cette histoire.
    Je ne l’utilisais pas, mais c’est toujours bien de proposer une suite à des services.
    J’espère que ça pourra être compatible avec Yunohost à l’avenir, car OpenSondage et MyPad c’est nickel pour l’installer en 1 clic 🙂

  4. Adrien Lasserre

    Bravo à toute l’équipe, je viens de tester, et c’est hype !

  5. huemaurice

    Je crois que c’est tout le web qui en a besoin et, comme de dire la vérité sur Internet est combattu par les trolls de Bruxelles, reste à savoir si les articles publiés ne seront pas piratés !