Google, l’espion le plus con du monde

Classé dans : Lecture | 10

Temps de lecture 3 min

image_pdfimage_print

On le sait bien : Google se permet de tranquillement lire tous les mails qui passent sur ses serveurs, ceux des boîtes Gmail ainsi que ceux adressés à des boîtes Gmail

En général, le but est de refourguer de la publicité ciblée. Mais pas seulement. Une petite histoire (vraie) qui montre que les conséquences peuvent être autrement plus dramatiques…

Google, l’espion le plus con du monde

Aujourd’hui, je vais vous raconter une drôle d’histoire au pays des GAFAM. C’est l’histoire de Mark, Californien père au foyer d’un très jeune garçon. Mark est ultra-connecté, notamment aux services de Google.

Mark, souriant, derrière son ordinateur. Une flèche indique « compte Gmail vieux de 15 ans » sur son ordi ; une autre pointe sur un symbole Wi-Fi « milliers de photos/vidéos dans Google Cloud » ; une dernière pointe sur son smartphone « forfait téléphonique Google Fi ». Le smiley dit : « Diantre, comment cela pourrait-il mal tourner ? »

En février 2021, Mark remarque que le sexe de son fils est gonflé et douloureux.

Comme c’est un vendredi soir en pleine pandémie, un rendez-vous d’urgence en téléconsultation est pris avec l’hôpital.

La maman tient son bébé tout nu qui est en train de pleurer. Au téléphone, un médecin dit : « Est-ce que vous pouvez nous envoyer des photos pour qu'on puisse examiner le problème ? » La maman : « On vous envoie ça tout de suite ! » Mark prend des photos avec son téléphone : « Click !  Click ! »

Le mal est identifié, des antibiotiques sont prescrits, la santé du bambin s’améliore ensuite rapidement, bref tout va bien.

Sauf que bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là.

Deux jours plus tard…

Mark regarde son téléphone en transpirant, une notification indique : « Ding ! Ding ! Votre compte Google a été désactivé. Raison : activités pédopornographiques détectées. » Mark : « Euuuh… kouwa ?! » Le smiley : « Ah, ça y est ! SATOURNEUMAL ! »

Eh oui, car Google (tout comme Apple, Microsoft et les autres) est très engagé dans la lutte contre la pédocriminalité. Jusqu’à se permettre de lire et analyser vos conversations mail, qui, rappelons-le, sont des conversations PRIVÉES.

Un mec en costard : « Ah bah oui mais la fin justifie les moyens. Pi si vous n'avez rien à cacher… » Gee : « Si on va par là, on fait quoi, on met des capteurs chez tout le monde pour détecter qui abuse de ses gosses à la maison ? » Le mec : « Eh bien à ce sujet, je vous ai parlé de nos enceintes connectées ? »

Le pire étant donc que non contents d’espionner tranquillou tous les mails qui passent sur leurs serveurs, les empafés de chez Google sont infoutus de faire la différence entre une image pédopornographique et une photo d’ordre médical.

Le mec : « Ah non mais c'est pas nous, c'est l'algori… » Il est interrompu par une mandale de Gee, en colère, qui dit : « La ferme ! L'algorithme, c'est vous qui l'avez codé !  Les données d'entraînement, c'est vous qui les fournissez !  Y'a pas d'intelligence supérieure ou externe à l'œuvre, assumez vos merdes ! » Le smiley, en colère aussi : « Et pi si vous maîtrisez pas vos outils… ARRÊTEZ-LES ! »

La police est bien entendu prévenue par Google et arrive rapidement à la conclusion évidente qu’il s’agit de photos médicales et qu’il n’y a aucune raison de poursuivre Mark. Elle tente de le joindre mais…

Une policière et un policier discutent derrière un ordinateur : « T'as essayé son mail ? » « Son Gmail est désactivé. » « Et son téléphone ? » « Son forfait Google Fi est désactivé. » « Et son adresse physique ? » « Flemme. » Le smiley : « Manquerait plus qu'ils virent sa maison de Google Maps, tiens… »

Bien sûr, Mark, ingénieur logiciel de formation, est confiant : la police l’ayant déjà lavé de tous soupçons, il va faire une réclamation à Google, expliquer la situation qui est somme toute très claire et toute bête, et tout va rentrer dans l’ordre.

Un connard cravaté : « Mais bien entendu. » Mark, avec des yeux de chat mignon, plein d'espoir : « C'est vrai ? » Le connard : « Non. » Le smiley : « Ah bah quand on a algorithmisé la connerie, autant aller au bout du processus, hein… »

Le compte finit par être définitivement supprimé, et comme Mark y a attaché à peu près toute sa vie numérique (comptes liés, forfait de téléphone, sauvegardes, etc.)…

Un prêtre devant une tombe qui indique « markonator@gmail.com, 2005-2021, Rest in ~/.trash » : « Nous sommes réunis aujourd'hui pour dire adieu à la vie numérique de Mark, fauchée en pleine jeunesse par les aléas de la toute puissance imbécile des géants du web… »

L’identité numérique de Mark ne vécut pas heureuse et n’eut pas beaucoup d’avatars.

Fin.

Le smiley : « C'est vrai que les happy ends hollywoodiens, c'est surfait. »

L’histoire de Mark est une histoire vraie, et elle n’est pas un cas isolé.

Heureusement, il n’y a aucune fatalité à ce que cela nous arrive à nous aussi.

Pour cela, commençons évidemment par ne pas utiliser Gmail, Outlook et compagnie pour nos mails.

Gee : « Allons chez des fournisseurs comme Proton Mail…  … ou Gandi, quitte à débourser quelques euros par an. »

Si, parfois, nous n’avons pas d’autre choix que d’avoir un compte Gmail, ne l’utilisons pas pour des mails sensibles, et n’utilisons pas nos comptes Google/Facebook/autre pour nous identifier sur d’autres sites, même si c’est pratique.

La Geekette : « Un compte par site, enregistré avec une adresse mail pas chez un GAFAM. » Un mec : « Mais c'est chiant ! » La Geekette : « Moins que de tout perdre parce que ton fils avait mal au zgeg. »

Enfin, et surtout, même s’il peut nous arriver d’utiliser ces outils… n’obligeons pas les autres à le faire.

Gee : « Le piège, c'est quand Facebook devient l'unique porte d'entrée numérique à ton magasin ou à ton restaurant…  Garder un Signal à coté de WhatsApp permet de maintenir le contact sans participer à l'hégémonie de ces plateformes.  En ayant une adresse mail différente de Gmail, j'évite que les mails que mes proches dégooglisés m'envoient n'arrivent quand même sur les serveurs de Google.  C'est déjà ça ! »

(De manière générale : faisons au mieux. L’hygiène numérique, c’est pas simple, c’est pas à la portée de tout le monde. Faisons ce que nous pouvons.)

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 6 septembre 2022 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

Suivre Gee:

Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique (généraliste conventionné secteur 42), anar, irréaliste & irresponsable, compagnon de route de Framasoft.

Articles récents de

10 Responses

  1. ropib

    Pointer Google ici me semble évidemment pertinent.
    Je suis pourtant surpris que les gouvernements ne soient pas mis en cause.
    1) Si les gouvernements étaient absolument innocents, celui dont il est question porterait plainte contre Google qui leur enverrait des dénonciations non sollicitées, et en plus non fondées.
    2) Les gouvernements se vantent régulièrement à travers l’industrie médiatique traditionnelle qu’ils régulent l’industrie numérique à grand renfort d’arguments de lutte contre la pédopornographie et le terrorisme.
    3) Les gouvernements qui disent nous protéger contre l’exploitation des données personnelles par des acteurs privés en sont les premiers clients.

    Peut-être que les GAFAM font du zèle, mais franchement je doute.
    Si nous passions en masse à des outils décentralisés, sécurisés et respectueux (la véritable souveraineté hein… évidemment nos élus expliquent que la souveraineté de l’état sur le peuple et la souveraineté du peuple c’est la même chose, mais hey ! c’est une plaisanterie, ou une arnaque au choix), il se passerait quoi ? on aurait droit à des félicitations de l’état ? cet état qui passe systématiquement des contrats avec les GAFAM dès qu’il en a la possibilité ? Non, il interdirait ProtonMail et compagnie en expliquant que ça sert de plateforme pour la pédopornographie et puis c’est tout.
    Les GAFAM sont pas particulièrement sympas. Les gros méchants de cette histoire, ce sont les états.

  2. Manu

    Le « pire » dans tout ça est que ça se passe sans action judiciaire, mais que ça augure de ce que pourrait être notre futur judiciaire, certains étant convaincus qu’un algorithme pourrait être un meilleur juge qu’un humain (puisque infaillible).

    • ropib

      Non mais il y a des humains hein.
      En Chine bien entendu qu’il y a des algorithmes, mais enfin à la base il y a des humains, et avant la révolution numérique la Chine n’était pas plus tendre ni moins kafkaïenne.
      Les politiques qui mettent en place la surveillance, qui exigent des GAFAM de nous fliquer et qui disent ensuite qu’il faut absolument passer par eux pour nous protéger des GAFAM, nous les connaissons et ce sont des humains.
      La première chose à faire c’est de déjouer le report de responsabilité des politiques et des institutions sur les GAFAM : c’est la politique de l’état qui pose problème… alors l’anecdote raconte que la police a été gentille, mais enfin en amont et à la base, c’est d’elle que tout vient. Il ne s’agit pas d’attaquer l’idée d’état et l’idée de police, comme il ne s’agit pas d’attaquer l’idée d’entreprise numérique (ce qui est une stratégie de certains acteurs économiques et politiques hein), mais de nous attaquer aux décisions qui sont prises et aux discours qui les légitiment.

  3. Neïl Rahmouni

    Juste par rapport au début de l’article:
    « Google se permet de tranquillement lire tous les mails qui passent sur ses serveurs, ceux des boîtes Gmail ainsi que ceux adressés à des boîtes Gmail… […} En général, le but est de refourguer de la publicité ciblée. »

    On sait que non. Google et Gmail, meme s’ils appartiennent tous deux à Alphabet ne sont pas les mêmes services. De plus c’est écrit dans la page du support de Gmail: https://support.google.com/mail/answer/10434152?hl=en

    • Hayra

      Si seulement on pouvait se fier aux promesses de Google… Quelle utopie !
      Certes, c’est écrit, et ils sont supposés respecter ce qu’ils ont écrit.
      En revanche, j’ai eu des cas de discussions par mail avec des interlocuteurs chez Gmail qui recevaient ensuite des pubs en lien avec notre échange. Étonnamment.
      En outre, comment pourrait-on vérifier leurs assertions avec leur modèle de logiciels verrouillés ?

      Quoiqu’il en soit, votre point de vue est entendable, mais ne me paraît pas réaliste.

  4. Weg

    Certes Google et con. Mais ce n’est pas le seul.

    Cette histoire pointe un problème fondamental : les personnes travaillant dans des secteurs soumis au secret professionnel n’ont pas les formations, ni les outils numériques pour mettre en œuvre la protection de ce secret. Il est totalement anormal qu’un médecin demande ce genre photo via un email en clair. Dans le cas présent, on a simplement eu une fausse alerte « pédoporno ». On aurai pu avoir le contraire : la photo qui se retrouve sur des réseaux peu recommandable.

    Qu’une personne lambda ne sache pas échanger des données de façon sécurisée est excusable.
    Par contre pour des personnes soumises au secret médical, c’est extrêmement problématique et totalement anormal. Même si Google était un exemple de déontologie, l’entreprise n’aurait jamais due avoir accès à cette photo.

  5. Irina11y

    Bonjour tout le monde

    Une version audio de ces BD, ça serait top !

  6. Mathias

    Combien de personnes s’échangeant ce genre d’images pour des raisons non-médicales se sont faites arrêter grâce à Google? Probablement beaucoup. C’est très bien.

  7. Arnaud

    Salut,

    Libristes, nous devons trouver d’autres angles d’attaques.

    Sans vouloir critiquer car ton intention est bonne bien sûr : l’histoire basée sur l’envoi de photos « du sexe gonflé du gamin » via l’opérateur google est ultra tirée par les cheveux.
    Je n’ai pas de solution toute faite mais je constate chaque jour que le discours sur la vie privée ça ne fonctionne que très moyennement… malheureusement.
    Surtout que les alternatives aux GAFAM sont souvent accompagnées de regressions fonctionnelles que les utilisateurs n’acceptent pas.

    Là ou j’arrive à avoir un écho quand je donne des formations sur le sujet, c’est plus sur le côté souveraineté des données, sur la fibre patriotique (sans connotation politique).
    La résonnance n’est pas la même, dans un cas on fait peur au gens sur les soit disant mauvaises intention des GAFAM (je dis soit disant car c’est le contre argument souvent utilisé), dans l’autre on les engage dans un collectif nationnal ou européén qui vise à protéger et à faire vivre une économie plus locale.

    Reste que peu de solutions sont clés en mains et je salue du coup les excellentes initiatives de Murena et d’Infomaniak.

    Bonne journée,