Qui agit pour nos libertés numériques ?

On trouvera de la provocation, de l’ironie et du sarcasme, mais aussi de l’amertume et de la lassitude dans ce billet de Peter Sunde, le cofondateur de The Pirate Bay et, plus récemment, de Flattr. Il estime sans doute qu’il a conquis sa légitimité pour houspiller les manifestants virtuels, les commentateurs tellement malins et les militants par délégation, lui qui a donné de son énergie et mis en jeu sa propre liberté pour la cause qu’il défend : il sort de cinq mois de prison pour avoir facilité la violation de droit d’auteur…
Peu importe au fond s’il nous paraît prendre un peu trop la pose du martyr revenu de tout, il nous adresse ici de vraies questions sur la façon dont nous agissons ou non pour nos libertés numériques.
Certes tout le monde n’a pas le courage de Snowden ou Assange et chacun peut avoir à son modeste niveau son propre engagement. Mais notre soutien financier aux associations militantes actives (comme la Quadrature, l’April, Framasoft et bien d’autres qui sont sur le terrain…), s’il est nécessaire et vital pour mener des combats toujours à reprendre, est-il suffisant ? N’est-ce pas considérer à bon compte que d’autres agiront pour nous, à notre place ?
Voici peut-être ce que suggère ci-dessous Peter Sunde : ne perdons plus d’énergie à débattre avec des imprécateurs en carton-pâte, cessons de prendre des clics pour des actions et des retweets pour des opinions. Et si nous nous sortions plutôt les doigts du clavier ?

« Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause. Et vous, qu’avez-vous fait ? »

Article original publié dans le magazine Wired sous le titre Peter Sunde: I went to jail for my cause. What did you do?
Traduction Framalang : Narcisse, Sphinx, Bussy, goofy, Monsieur Tino, Sphinx, Penguin, smonff

Sunde.pngIl y a certains moments décisifs dans la vie qui vous touchent profondément. Recevoir son diplôme, échanger un premier baiser, écrire son premier livre, publier son premier article scientifique, vivre la mort d’un être cher, accueillir votre premier client dans votre café… Aux yeux des autres, ce ne sont que des petits épisodes sans importance mais pour vous ils ont une importance cruciale et sont comme un tournant dans votre vie.

Aujourd’hui j’ai eu une impression de ce genre, j’ai eu le sentiment que nous avions atteint une certaine masse critique. Une masse critique qui est furieuse contre l’état actuel de l’Internet ou plutôt contre l’état actuel de contrôle de l’Internet et ce que cela signifie pour le monde. Une masse critique qui comprend enfin que nous sommes sur la voie d’une démocratie « en pyramide », qui accorde bien peu de participation à sa base.

Le site « The Pirate Bay » a été fermé[1]. Dans la tête des gens, ça a fait tilt de savoir que demain, ils devraient télécharger leur émission de télévision favorite autre part. En y réfléchissant, ils ont décidé que c’était le début d’une pente glissante. Ils comprennent que ça veut peut-être dire que ce contenu alternatif sera probablement d’accès difficile voire impossible. Que les langoliers[2] nous rattrapent plus vite que nous ne l’imaginions. Que ce que nous faisons, c’est-à-dire centraliser Internet, n’avoir qu’une poignée de services centralisés, appartenant pour la plupart à des entreprises d’un seul et même pays, pays qui ne se soucie pas tellement des frontières lorsqu’il s’agit de ses propres intérêts, n’est pas la meilleure des idées.

Mais un mouvement prend forme, un mouvement en-dehors de tout ça. Et demain, quand vous vous réveillerez, il aura atteint une taille gigantesque, une masse de peut-être un million de personnes, qui verront le groupe « Arrêtez de détruire Internet » ou « Rendez-nous notre Pirate Bay » sur Facebook. Ils cliqueront sur « J’aime » et se sentiront fiers. Ils l’auront finalement fait. Ils auront stoppé la destruction de l’Internet.

Honnêtement, j’ai vraiment l’impression que nous avons atteint un point culminant. C’est l’impression que près de 100 % de la communauté internet pense « oh, ce n’est pas mon problème, quelqu’un d’autre s’en chargera ». Mais ce n’est pas seulement l’actualité autour de The Pirate Bay qui m’a conduit à cette idée. Ça a pris du temps à mûrir. En fait, il ne reste que quelques militants actifs qui font réellement quelque chose. Nos ressources financières sont plus qu’amenuisées, nous vieillissons et nous devenons paresseux. Nous essayons de travailler de façon intelligente tout en continuant à avoir une vie de famille, gérant nos vies avec nos compagnes ou compagnons, nous pensons à nos carrières. La plupart des militants les plus engagés finissent par travailler à plein temps sur les projets dans des organisations comme l’EFF, qui peuvent obtenir un certain financement. La communauté finance ces organisations et c’est ainsi que la communauté a l’impression que si elle le fait, ces chouettes personnes résoudront les problèmes à leur place.

Nous avons stoppé ACTA. Nous avons stoppé SOPA, PIPA. Nous travaillons à stopper le TTIP. Nous sommes présents dans certains parlements. Parce que c’est ainsi que nous travaillons désormais. Internet fait partie de la vie de tous les jours, nous ne pouvons plus jouer aux activistes sauvages et faire comme bon nous semble. Nous devons agir de façon organisée. Nous devons écouter les autres personnes. Il ne s’agit plus du Far West. Alors nous nous rangeons en ordre de bataille. Et nous discutons. En attendant, nos opposants deviennent de plus en plus forts. Ils ont déjà corrompu leurs amis politiciens pour nous rogner les ailes. Nous jouons sur leur propre terrain et nous voulons vraiment obtenir notre dû, nous en avons fait plus que n’importe qui. Dans le même temps, plusieurs accords du type de ACTA/SOPA/PIPA/TTIP sont passés sans que nous en sachions quoi que ce soit. Nous stoppons un accord et trois passent inaperçus. Malgré notre victoire à la Cour suprême européenne, nous devons toujours nous battre contre la rétention des informations. C’est un combat sans fin.

Nous avons nos propres célébrités. Nous avons eu Wikileaks. Nous avons eu Snowden. Nous avons eu Manning. Nous avons eu Aaron Swartz. Certains sont morts, d’autres sont en prison pour toujours. Certains se cachent, craignant pour leur vie. Les révélations de ces personnes, les combats de ces personnes sont des causes importantes. Liberté d’information. Liberté d’opinion. Démocratie. Transparence gouvernementale et droit à une procédure judiciaire régulière. Des éléments que nous prenons pour acquis, qui sont les bases de notre société moderne. Nous en parlons beaucoup. Nous sommes déçus. Nous pleurons, nous crions. Parfois, nous manifestons. Nous avons nos t-shirts. Nous avons nos symboles. Nous avons nos masques, nos conférences et nos débats. Nous attirons quelquefois l’attention. En général, les gens nous apprécient. Nos adversaires sont des bâtards, engraissés, vendus, prostitués. La plupart sont des hommes, riches, vivant aux États-Unis. Ils sont corrompus. Ils sont facilement haïssables. On dirait un vieux film hollywoodien. Le genre de film que ces hommes réalisent pour obtenir l’argent avec lequel ils nous combattent.

Mais même dans ces films, ce sont les gentils qui gagnent à la fin. Et nous savons qui sont les gentils. Nous savons que nous avons nos droits. Nous savons que nous sommes protégés par la loi. Nous comprenons aussi que la loi ne pourra pas grand-chose pour nous protéger si les méchants viennent nous chercher. Le truc, c’est que nous n’avons rien fait de mal donc ça ne nous inquiète pas.

Des journalistes me contactent quotidiennement. La plupart sont intelligents, bien formés et très compétents sur le plan professionnel. Travaillant dans la presse, ils sont protégés. Dans la plupart des pays, la loi leur permet de protéger leurs sources. Ils ont tous lu les documents de Manning. Ils ont lu ce que Snowden a fait fuiter. Ils sont au courant de la surveillance exercée par la NSA. Mais eux aussi, au fond, pensent qu’ils font partie des gentils. Après tout, ce truc là, le PGP, ça tient plus de la prise de tête qu’autre chose. Gmail est si simple à utiliser, ça fonctionne partout. Ils n’ont jamais aucun problème auparavant et ils ne veulent pas finir paranos comme Glenn Greenwald.

On ne m’invite plus à des soirées. Ce n’est pas que je sois ennuyeux — au contraire, je suis plutôt un invité divertissant, avec des histoires dingues à raconter, Je fais mon numéro de clown cintré qui raconte les histoires de fous par lesquelles il est passé. J’ai rencontré la présidente du Brésil, je suis allé en prison avec des tueurs et des trafiquants de drogue. Mais c’est tellement embêtant que je ne sois pas sur Facebook, alors, quand quelqu’un organise une fête, il suppose que quelqu’un d’autre va m’inviter, et tout le monde suppose que quelqu’un d’autre l’a fait. Ils pensent que je suis trop parano parce que je ne suis pas sur Facebook.

Je suis toujours fâché contre certains de mes collègues de travail. Ils sont trop difficile à joindre. La plupart d’entre eux n’ont pas de téléphone portable. Nous devons décider d’une heure et d’un lieu pour avoir une conversation sur un chat chiffré, parce qu’ils ne veulent pas être pistés. S’ils ont un imprévu je ne peux pas le savoir. Quelquefois, j’ai attendu 6 à 7 heures à cause de problèmes de trains/bateaux/voitures. Pour qui ils se prennent à vouloir être aussi anonymes ? Je n’ai pas envie de finir comme eux, ils sont si paranoïaques. Je présume que mon téléphone n’est pas sur écoute, je ne suis pas intéressant. Il ne suffit pas que je connaisse beaucoup de gens qui pourraient être intéressants aux yeux de certains gouvernements pour que ça signifie qu’ils ont un mandat pour m’espionner.

Hier, j’ai lu des tas de commentaires sur un nombre incalculable de fils de discussion portant sur une déclaration où je souhaitais que The Pirate Bay soit fermé pour de bon, pour que quelque chose de nouveau puisse apparaître. Quelque chose de nouveau et frais. C’est fou comme la plupart des commentaires sont incroyablement perspicaces. Ils expliquent à quel point je suis paresseux de ne rien faire au lieu de gueuler que TPB est devenu merdique. Que je devrais ouvrir un nouveau site au lieu d’accepter de laisser fermer TPB. Qu’ils veulent récupérer le colis qu’ils m’ont envoyés pendant que j’étais en prison pour avoir milité. Puisque je suis trop mauvais pour ne pas faire revenir TPB. Je présume que tous ces mecs et leur superbe ortographe[3] (oui, ce sont tous des mecs) sont eux aussi des activistes qui font leur part de boulot pour la communauté libre et open source. Si c’est le cas, alors je dois me tromper en pensant que nous ne sommes que quelques-uns — Il y a apparemment des dizaines de milliers de personnes qui font en réalité un travail important que je devrais apprécier.

Mon impression d’être à un moment crucial n’est peut être qu’un tas de ruminations sur la partie pourrie, naïve et paresseuse de notre chère communauté internet. Et peut-être que j’utilise ces termes uniquement pour faire un peu plus chier le monde. Mais bon. Je suis allé en prison pour avoir défendu ma cause et vos émissions télé. Et vous, qu’avez-vous fait ? Vous voulez qu’on vous renvoie un des 25 exemplaires de 1984 d’Orwell qui m’ont été envoyés quand j’étais en prison ? Je vais en prendre un et vous le ferai parvenir. Peut-être le lirez-vous plutôt que de l’envoyer à quelqu’un d’autre en espérant qu’on le lise à votre place.

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Notes

[1] Bien sûr nous ne serons pas à court de sites miroirs (http://oldpiratebay.org/search.php?q=&=on par exemple) mais ce serait une erreur de se satisfaire d’astuces techniques alors que la question des droits d’auteur demande une action politique.

[2] Allusion à des monstres dans un roman de Stephen King : « des créatures rondes avec seulement une énorme bouche et des dents aiguisées », voyez la page Wikipédia du roman.

[3] La faute est intentionnelle, elle figure dans le texte original.

Crédits

  • photo Peter Sunde : Flickr.com/Share Conference/CC By SA 2.0
  • image : Gégé le Geektionnerd Generator – licence WTFPL-2.0



Richard Stallman : Arrive-t-il parfois qu’utiliser un programme non libre soit une bonne chose ?

Arrive-t-il parfois qu’utiliser un programme non libre soit une bonne chose ?

Is It Ever a Good Thing to Use a Nonfree Program?

Richard Stallman – Version du 21 mai 2013 – CC By-Nd
Traduction : Framalang (Eijebong, Jtanguy, Penguin, GPif, Smonff, Melchisedech, igor_d, Thérèse, Asta, satbadkd)

Si vous faites fonctionner un programme non libre sur votre ordinateur, il vous prive de votre liberté ; c’est vous qui en êtes la victime principale. Le fait que vous l’utilisiez peut affecter les autres indirectement, car cela encourage le développement de ce programme non libre. Si vous faites la promesse de ne pas redistribuer le programme aux autres, vous faites une erreur, car rompre une telle promesse est mal et la tenir est encore pire. Ici encore, c’est vous la victime principale.

C’est encore pire si vous recommandez à d’autres d’exécuter ce programme non libre, ou si vous les y incitez. Quand vous le faites, vous les incitez à abandonner leur liberté. Par conséquent, ce qu’on doit éviter absolument c’est d’entraîner ou d’inciter autrui à exécuter des logiciels non libres (quand le programme utilise un protocole secret pour communiquer, comme c’est le cas pour Skype, le fait de l’utiliser entraîne les autres à le faire aussi, il est donc extrêmement important de rejeter tout usage de ce genre de programme).

Mais il existe un cas particulier où l’utilisation d’un logiciel non libre, voire le fait d’exhorter les autres à faire de même, peut être une chose positive. Il s’agit du cas où l’utilisation du logiciel non libre vise directement à mettre fin à l’utilisation de ce même logiciel.

En 1983, j’ai décidé de développer le système d’exploitation GNU, en tant que remplacement libre d’Unix. La manière pragmatique de le faire était d’écrire et de tester les composants un à un sur Unix. Mais était-ce légitime d’utiliser Unix pour cela ? Était-ce légitime de demander à d’autres d’utiliser Unix pour cela, étant donné qu’Unix était un logiciel privateur[1] ? Bien entendu, s’il n’avait pas été privateur, il n’y aurait pas eu besoin de le remplacer.

Je suis arrivé à la conclusion qu’utiliser Unix pour mettre fin à l’utilisation d’Unix était légitime. J’y ai vu une sorte de participation minimale à une entreprise malfaisante, gang criminel ou campagne politique malhonnête par exemple, dans le but de l’exposer au grand jour et d’y mettre fin. Bien que participer à une telle activité soit mal en soi, y mettre fin excuse une participation périphérique mineure, comparable à la simple utilisation d’Unix. Cet argument ne justifierait pas d’être chef de bande, mais j’envisageais seulement d’utiliser Unix, pas de travailler pour son équipe de développement.

Le remplacement d’Unix a été achevé quand le dernier élément essentiel a été remplacé par Linux, le noyau créé par Linus Torvalds en 1991. Nous continuons à ajouter des composants au système GNU/Linux, mais cela ne requiert pas l’utilisation d’Unix, donc cela ne la justifie pas – plus maintenant. Par conséquent, quand vous utilisez un programme non libre pour ce genre de raison, vous devriez vous demander de temps en temps si le besoin existe toujours.

Cela dit, il reste d’autres programmes privateurs qui ont besoin d’être remplacés, et des questions analogues se posent souvent. Faut-il que vous fassiez tourner le pilote privateur d’un périphérique pour vous aider à développer un pilote de remplacement ? Oui, sans hésiter. Est-il acceptable d’exécuter le JavaScript non libre d’un site web afin de faire une réclamation contre ce même code JavaScript non libre ? Bien sûr – mais pour le reste vous devriez faire en sorte que LibreJS le bloque pour vous.

Toutefois cette justification ne s’étendra pas à d’autres situations. Les personnes qui développent des logiciels non libres, même des logiciels avec des fonctionnalités malveillantes, donnent souvent comme excuse le fait qu’elles financent d’une manière ou d’une autre le développement de logiciel libre. Cependant, une entreprise qui est fondamentalement dans l’erreur ne peut pas se dédouaner en dépensant une partie de ses bénéfices pour une noble cause. Par exemple, une partie des activités de la Fondation Gates est louable (pas toutes), mais cela n’excuse pas la carrière de Bill Gates, ni Microsoft. Si une entreprise travaille directement contre la noble cause grâce à laquelle elle essaye de se légitimer, elle se contredit et cela mine ladite cause.

Il vaut même mieux en principe éviter d’utiliser un programme non libre pour développer du logiciel libre. Par exemple, on ne devrait pas demander aux gens d’exécuter Windows ou MacOS dans le but de porter des applications libres sur ces plateformes. En tant que développeur d’Emacs et GCC, j’ai accepté des modifications qui leur permettent de fonctionner sur des systèmes non libres tels que VMS, Windows et MacOS. Il n’y avait aucune raison de rejeter ce code, mais je n’avais pas demandé aux gens de faire tourner des systèmes non libres pour le développer. Ces modifications provenaient de personnes qui utilisaient de toute manière ces systèmes.

L’exception « développer sa propre alternative » est valide dans certaines limites, et cruciale pour la progression du logiciel libre, mais nous devons éviter que cette pratique ne se banalise, de peur qu’elle ne se transforme en une excuse universelle justifiant n’importe quelle activité lucrative impliquant des logiciels non libres.

Notes

[1] Autre traduction de proprietary : propriétaire.




The future is open et c’est Google qui le dit

Il y a 3 ans nous traduisions un article issu du blog de Google et rédigé par l’un de ses hauts gradés Jonathan Rosenberg : The meaning of open. Il y expliquait pourquoi et comment la célèbre entreprise prônait l’ouverture à tous ses étages.

Le même auteur récidive ici en dépassant la problématique Google pour affirmer non sans un certain optimisme (à l’américaine) que c’est le futur tout entier qui est désormais ouvert et que c’est très bien comme ça.

Remarque 1 : Nous avons choisi de traduire tout du long « open » par « ouverture » ou « ouvert ». L’adéquation n’est pas totalement satisfaisante, mais laisser le terme d’origine en anglais eut été selon nous plus encore source de confusion.

Remarque 2 (troll et hors-sujet ?) : À comparer avec la situation française où l’on semble actuellement beaucoup plus préoccupé de savoir ce que nous prend ou nous donne l’État que de promouvoir ou pratiquer l’ouverture. Sans oublier, évidemment, la fameuse taxe Google qui « sauvera » la presse !

John Martinez Pavliga - CC by

Le futur est ouvert

The Future Is Open

Jonathan Rosenberg – octobre 2012 – ThinkWithGoogle.com
(Traduction Framalang : nobo, peupleLa, KoS, Smonff, ehsavoie, tibs, Louson, goofy, Khyvodul, Pandark, lgodard, Kiwileaks)

Il y a trois ans, Jonathan Rosenberg, alors vice-président délégué à la gestion de la production, a écrit un mémo (NdT : que nous avions traduit) expliquant pourquoi les entreprises ouvertes seraient les gagnantes du futur. Aujourd’hui, consultant au service du management, il a vu la réalité dépasser ses rêves les plus fous.

Il y a bientôt trois ans, en décembre, j’ai envoyé un courriel à mes chers collègues de Google, pour essayer de donner une définition claire d’un terme galvaudé : Ouvert. Je trouvais gênant qu’entre nos murs, il prenne différents sens selon les personnes, et que trop de Googlers ne comprennent pas l’engagement fondamental de l’entreprise pour ce qui est ouvert. En me référant à la fois aux technologies ouvertes et aux informations ouvertes, j’ai présenté la philosophie sous-jacente à notre volonté de transparence. Rechercher des systèmes ouverts, avais-je argumenté, nous a menés, et continuera de nous mener vers deux résultats souhaitables : Google devient meilleur, et le monde avec lui.

L’argument était convaincant, et plus tard, un billet sur le blog de Google , « The Meaning of Open », permit de clarifier encore plus ce concept parfois difficile à appréhender. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai reçu des messages pleins de profondeur de la part d’un public divers et varié : enseignants ou écrivains qui appréciaient ce point de vue de l’intérieur de Google, chefs d’entreprise qui m’expliquaient comment l’ouverture avait influencé leurs affaires, étudiants surpris d’une position qui allait entièrement à l’encontre de la stratégie de fermeture qu’on leur avait enseignée. Trois ans ont passé, et ce qui me saute aux yeux dans ce manifeste c’est que… j’avais tort !

On ne peut pas dire que le développement ouvert n’ait pas fait progresser Google et le reste du monde. Seulement c’est arrivé beaucoup plus vite que je ne l’avais imaginé. C’est au beau milieu d’un des gestes les plus banals du vingt-et-unième siècle que j’en ai pris conscience : je vérifiais mon téléphone, un Droid Razr Maxx. Je fixais la chose, et j’en voyais toute la diversité : deux douzaines d’applications, du New York Times à Flipboard, de Dialer One à OpenTable, de RunKeeper à SlingPlayer, créées par un tas de développeurs différents, sur un téléphone conçu par Motorola. Il m’est apparu que ce que je regardais n’était pas simplement un appareil mobile, mais l’incarnation physique de la façon dont un écosystème ouvert peut se disséminer à travers le monde presque du jour au lendemain.

Sans aucun doute, j’ai toujours senti que cette idée tenait debout – mais je n’avais pas anticipé l’ampleur avec laquelle les règles du jeu entre les secteurs privés et publics allaient être réécrites. C’est la conséquence de trois tendances techniques qui ont évolué à une vitesse étonnante. Premièrement : Internet rend l’information plus libre et omniprésente que ce que j’aurais pu croire ; pratiquement tout ce qui se passait hors ligne est maintenant en ligne. Deuxièmement : ce qui était une vision du potentiel des mobiles est vraiment devenu réalité, puisque les machines sont devenues plus puissantes et plus rapides que prévu, facilitant une portée globale et une connectivité sans précédent. Troisièmement : l’informatique dans le nuage (NdT : Cloud computing) a permis une puissance de calcul infinie à la demande. Et nous sommes loin d’avoir fini. Alors même que j’écris ces lignes, Google Fiber s’apprête à déployer un service à un gigabit à Kansas City, indice que la connectivité est sur le point de franchir une nouvelle limite.

La conjonction de ces progrès techniques a un effet paradoxal : aussi nouveaux soient-ils, ils finissent par ramener les entreprises aux fondamentaux. La gamme et la qualité des produits sont maintenant les facteurs les plus importants pour déterminer le succès d’une entreprise. Historiquement, les entreprises pouvaient profiter d’une pénurie d’information, de connectivité ou de puissance de calcul pour attirer et conserver leurs clients et repousser les concurrents.

De nos jours, les clients peuvent prendre des décisions bien plus éclairées en accédant aux informations des autres consommateurs. En effet, ils renforcent mutuellement leur pouvoir de décision par leurs échanges via des sites comme Yelp et toute une flopée de réseaux sociaux. Une société ne peut plus complètement contrôler l’environnement de ses clients. Au moment où les frontières de la distribution se sont effondrées – pensez aux moyens de transports mondialisés et bon marché, pensez aux étalages infinis des détaillants en ligne – les consommateurs ont de plus en plus de contrôle par eux-mêmes. Avec ce nouveau paradigme, et des marchés toujours plus compétitifs, les sociétés n’ont plus d’autre choix que de se concentrer sur la qualité et les gammes de produits. Si elles ne le font pas, une autre le fera à leur place.

Avec autant de changements en si peu de temps la nécessité de l’ouverture s’est imposée comme une tactique commerciale décisive pour atteindre à la fois l’excellence et la déclinaison des produits. Ouvrir un produit à toute une armée de créatifs est le plus court chemin pour créer de l’innovation et de la diversité, puisque cela permet à chaque contributeur de se focaliser sur ce qu’il fait le mieux et que cela encourage les contributions d’un public le plus large possible.

Chrome et Android, qui ont tous deux décollé depuis que « The Meaning of Open » a été publié, illustrent parfaitement ce principe. Avec chacun d’eux, nous avons maintenu un seul objectif simple dès le début : rendre le produit aussi robuste que possible. Comme nous l’avons appris maintes et maintes fois, il n’y a pas de route plus rapide et plus fiable qu’une route ouverte : davantage de mains travaillant sur un même produit ne peuvent que l’améliorer. L’ouverture permet de prototyper un concept, ou de le tester dans ses toutes premières étapes. Qui plus est, les systèmes ouverts tolèrent mieux les défaillances – et attirent une communauté d’utilisateurs plus fidèles. Ils savent que la motivation première d’un système ouvert est l’excellence ; si la société essaie d’imposer un autre agenda, la communauté de développeurs le repérera immédiatement et se révoltera. En proposant un produit ouvert, la société renonce à la possibilité de faire autre chose que de le rendre meilleur pour l’utilisateur.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. Si vous possédiez un smartphone en 2006, il y a des chances pour que « Blackberry » ou « Nokia » ait été inscrit dessus. Il y a encore trois ans, Android représentait à peine 5% du marché. Aujourd’hui nous avons dépassé les 51%, et il y a de fortes chances pour que votre smartphone ait été fabriqué par Samsung, HTC, Motorola ou un autre partenaire d’Android.

Android a même débarqué dans des secteurs que nous n’avions pas anticipés, tels que les téléviseurs, les voitures, les avions, et même les appareils domestiques. (Voyez Ouya, une nouvelle console de jeux vidéo basée sur Android. Sans un Android ouvert, ce genre d’innovation n’existerait pas). Il semble clair à présent que si vous vous investissez dans un système ouvert, vous vous engagez dans une compétition perpétuelle pour garder votre place d’innovateur principal.

La question de l’ouverture n’a pas été moins opérante pour le navigateur Chrome, qui s’est construit par dessus le projet open source Chromium. Aujourd’hui, Chrome est sept fois plus rapide qu’il ne l’était lorsqu’il a été lancé il y a à peine 4 ans, et le nouveau code est disponible pour le monde entier à mesure qu’il se développe. Travailler ainsi au grand jour rend plus difficile le fait d’avoir des agendas cachés ou quoi que ce soit de dissimulé ; faites mal les choses, et une communauté mondiale de développeurs vous repérera instantanément.

Faire de l’ouverture une tactique commerciale peut nécessiter de nouvelles compétences organisationnelles. La vitesse est primordiale, comme l’est la rigueur du processus de décision. Un écosystème ouvert encourage le bouillonnement d’idées. Or trouver de bonnes idées, c’est facile ; ce qui est difficile, c’est de choisir parmi elles. L’ouverture des données peut offrir un avantage concurrentiel important aux entreprises, mais seulement si elles sont correctement positionnées pour pouvoir en profiter. L’autre tactique — qui est notamment utilisée par Apple et nos équipes de recherche — est de garder le système plus fermé, et d’y exercer un contrôle total. Cette approche nécessite son propre jeu de compétences organisationnelles, au-delà de la vitesse d’exécution, puisque l’excellence du produit et son innovation prennent leur source uniquement en interne. Les deux approches peuvent évidemment toutes les deux réussir, mais selon notre expérience, quand il s’agit de construire une plateforme entière, l’ouverture est le chemin le plus sûr vers la réussite.

Heureusement, de plus en plus d’organisations perçoivent ce message. Dans Wikinomics, les auteurs Don Tapscott et Anthony D. Williams racontent l’histoire de Goldcorp, une entreprise de mines d’or de Toronto, qui semblait sur le déclin à la fin des années 90. Face à un marché en baisse, une foule de problèmes internes et ce qui semblait être un filon épuisé, le PDG Rob McEwen fit précisément l’inverse de ce que n’importe quel livre sur le business dirait : il commença par donner le peu que l’entreprise avait encore.

Plus exactement, il publia sur le site de l’entreprise 400 Mo d’informations concernant le site minier de 220 kilomètres carrés de Goldcorp. Plutôt que de conserver jalousement ses derniers lambeaux d’information propriétaire, il offrit un prix de 500,000$ à quiconque parviendrait à utiliser ces données, afin de trouver de l’or contenu dans le sol. Ce fut un énorme succès. Plus de 80% des cibles identifiées par le public donnèrent des quantités significatives d’or. Avec ce petit investissement initial, la société tira du sol l’équivalent plus de 3 milliards de dollars en or.

Évidemment, McEwen était seulement en train de s’accorder avec les principes profonds du mouvement open source. Dans les premiers jours confus de l’internet, une éthique d’universalité et d’égalitarisme s’était propagée. « Les jardins cernés de murs (NdT : Walled gardens), tout plaisants qu’ils soient, ne pourront jamais rivaliser en diversité, en richesse et en innovation avec le marché fou et palpitant du Web de l’autre côté du mur » a écrit Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web. Google a toujours prospéré sur cette diversité, cette richesse et cette innovation. C’est ce qui nous a permis de lancer des créations comme Chrome et Android, et c’est ce qui a permis à une entreprise d’extraction vétuste d’éblouir le monde avec des succès similaires et pour des raisons similaires.

Aussi spectaculaire que soit l’histoire de Goldcorp, c’est seulement la partie émergée de l’iceberg. En effet, ce qui avait commencé comme un concept de geek au sein de communautés scientifiques s’est propagé dans tous les domaines, des affaires à la politique, de la santé à l’éducation et bien au-delà. Chez Google, nous envisageons un certain nombre de possibilités au-delà du secteur technique, où l’ouverture pourrait amener des progrès modestes et immenses à la fois.

L’éducation

De Stanford à la Corée, des universités et des enseignants du monde entier commencent à distribuer gratuitement des contenus éducatifs de très grande qualité sous licence libre. Qui plus est, des personnes vivant dans les endroits les plus reculés ont de plus en plus accès à ces contenus. La bande passante et la connectivité ont fait sauter de nombreuses barrières de la société en matière d’éducation.

Tout au bout d’un long chemin de terre à Bombay, un étudiant muni d’un téléphone peut maintenant suivre les cours du MIT au plus haut niveau. De façon tout aussi intéressante, ce même étudiant peut devenir professeur. Grâce à des organisations véritablement démocratiques, telles que la Khan Academy, une organisation à but non lucratif, qui propose en ligne plus de 3 000 cours en vidéo. Partout dans le monde des personnes peuvent à la fois disposer de et contribuer à une bibliothèque de ressources qui ne cesse de croître, depuis des leçons de physique jusqu’à des manuels de finance. Nous savons déjà à quel point l’éducation publique a transformé la société au cours du vingtième siècle. Les possibilités offertes par une éducation ouverte et en ligne semblent tout aussi illimitées.

Les gouvernements

Prétendre à la transparence gouvernementale est une chose mais des exemples comme celui du Canada avec sa Déclaration officielle de Gouvernement Ouvert, en sont une autre. Ce document reconnaît l’ouverture comme un état actif et non passif : il ne s’agit pas seulement de donner aux citoyens un libre accès aux données chaque fois que possible, mais bien de définir une « culture active de l’engagement » comme finalité de ces mesures.

Tandis que toujours plus de villes, de régions et de gouvernements fédéraux avancent dans cette direction, il y a tout lieu de croire que cela finira par payer financièrement (au moment où les données GPS ont été mises en libre accès public à la fin des années 80, par exemple, on estime que les services commerciaux qui en ont tiré parti ont contribué à hauteur de 67.6 milliards de dollars à la valeur économique des États-Unis). À l’inverse, on pourrait dire que lorsque le régime égyptien a verrouillé Internet en janvier 2011, cela a poussé les citoyens à descendre dans la rue pour avoir plus d’informations, et à venir grossir les foules de la place Tahrir. Il est ici probable que le retour à un système plus fermé ait accéléré la chute du gouvernement.

Le système de santé

PatientsLikeMe est un site de réseautage social de santé construit sur des bases de données ouvertes du Département de la Santé des États-Unis. Il ouvre la voie à d’autres initiatives, comme procurer aux patients des moyens de partager des informations et d’apprendre entre personnes souffrant de symptômes similaires. Les chercheurs pourraient également tirer profit de plus d’ouverture dans l’industrie.

L’ouverture des données sur la santé pourrait permettre à des études épidémiologiques à grande échelle de réaliser des percées importantes tout en mettant en place des garde-fous plus forts que jamais pour assurer au patient le respect de la confidentialité. En mettant à la disposition des chercheurs son registre des malformations congénitales, la Californie a permis aux médecins d’accéder à une mine d’informations relatives à l’impact des facteurs environnementaux sur la santé. Et bien sûr, Google Flu Trends a déjà prouvé sa pertinence pour analyser et prévoir l’arrivée d’un virus particulier, tout simplement en permettant que l’information soit partagée et rassemblée.

La science

Chercheurs, institutions, et agences de financement du monde entier commencent à prendre conscience qu’un meilleur partage et une meilleure collaboration sur les résultats de recherches scientifique peuvent mener à des recherches plus rapides, plus efficaces, de meilleure qualité et d’un meilleur impact général. En tant que commissaire européen, Neelie Kroes faisait récemment remarquer dans un discours sur la science et les politiques du libre en Europe, « les chercheurs, les ingénieurs et les petites entreprises ont besoin d’accéder aux résultats scientifiques rapidement et facilement. Si ce n’est pas possible, c’est mauvais pour les affaires ».

Un meilleur accès aux recherches scientifiques peut stimuler l’innovation dans le secteur privé et aider à résoudre des défis importants auxquels le monde doit faire face (les Google ‘Fusion Tables sont un outil que les scientifiques peuvent utiliser pour partager et collaborer sur des ensembles de donnés disparates). Pendant ce temps, l’ouverture dans le domaine scientifique signifie l’ouverture à de tout nouveaux participants. Après avoir échoué pendant plus d’une décennie à résoudre la structure d’une enzyme protéase provenant d’un virus ressemblant au SIDA, les scientifiques ont proposé le défi à la communauté des joueurs. En utilisant le jeu en ligne Foldit, les joueurs ont pu résoudre ce problème en trois semaines.

Les transports

En libérant les données des transports publics, les gouvernements permettent aux entrepreneurs de créer des applications basées sur ces données, et ainsi d’améliorer l’expérience des citoyens ; ces derniers peuvent également utiliser ces données ouvertes pour signaler des problèmes d’infrastructure. Chez Google, nous avons déjà pu observer comment cela fonctionne. Lorsque nous avons commencé à organiser les informations géographiques mondiales, nous avons constaté que, pour de nombreux endroits, il n’existait tout simplement pas de carte correcte. Nous avons donc créé MapMaker, un outil de cartographie participative qui permet à chacun de créer des annotations sur Google Maps. C’est avec cela qu’un réseau de citoyens cartographes est né, traçant en deux mois plus de 25 000 kilomètres de routes précédemment non cartographiées au Pakistan.

Les tendances technologiques convergentes sont maintenant sur le point de modifier, en fait elles ont déjà commencé à le faire, les domaines historiquement fermés, secrets et dormants. « L’avenir des gouvernements, c’est la transparence,» écrivais-je il y a un an, «L’avenir du commerce, c’est la symétrie de l’information. L’avenir de la culture, c’est la liberté. L’avenir de la science et de la médecine, c’est la collaboration. L’avenir du divertissement, c’est la participation. Chacun de ces avenirs dépend d’un Internet ouvert. »

Je mettrais juste un bémol. Étant donnés les changements radicaux auxquels nous avons assisté ces trois dernières années, le défi s’est déplacé. Nous devons viser plus loin même que l’Internet ouvert. Les institutions dans leur ensemble doivent continuer à adhérer à cette philosophie. Atteindre ces futurs objectifs ne sera pas chose facile. Mais je suis content de pouvoir dire que nous en sommes plus proches que jamais.

Crédit photo : John Martinez Pavliga (Creative Commons By)




Condamné par Google pour avoir partagé son propre livre libre sur Internet !

Tu ne partageras point, même ce qui est à toi ! Pas un jour sans une nouvelle affaire #CopyrightMadness du « gang de la GAF » ! (Google, Apple, Facebook)

Cody Jackson, alors en service en Irak, rédige un livre sur le langage de programmation Python. Et pour remercier la communauté de tout ce qu’elle lui a apporté, il décide de le placer sous licence libre Creative Comons By-Sa (exactement comme notre projet Framabook en somme). Il vend la version papier, invite au don, met un peu de pub Google sur le site du projet et propose en libre téléchargement les versions numériques du livre.

Sauf que parmi les liens donnés de ses versions numériques, il a le malheur de proposer du P2P, en l’occurrence du torrent qui pointe directement vers The Pirate Bay ou encore Demonoid.

Quoi ? « Torrent » ! « Pirate Bay » ! C’en est trop pour le robot Mediabot, véritable police automatique du copyright Google. Nous sommes évidemment en présence manifeste de ressources illégales ! Et Google de désactiver illico sans autre forme de procès la pub sur le site de notre auteur. Et ne croyez surtout pas qu’il suffit de retirer les liens incriminés pour que Google remette tout en place. Non, non, le mal est fait.

Et pourtant de mal fait il n’y en eut jamais. Bien au contraire, on voulait juste partager et enrichir le bien commun…

Bien sûr, Google est sous la pression constante des ayants droit de l’industrie culturelle et du Grand Hollywood (qui scrute au quotidien ce qui se passe sur YouTube notamment). Mais avec cet absurde faux positif, Google, son service clientèle déshumanisée et son copyright de fer nous affirment avant tout ceci : puisqu’on ne les envisage même pas, puisqu’on condamne le contenant quel que soit son contenu, il n’y a pas de place actuellement pour les ressources libres sur Internet. Ou, plus généralement, et pour reprendre une expression à la mode, il n’y a pas de véritable place aujourd’hui pour les échanges non marchands.

Edit du 28 septembre : Il y a une suite (favorable) à cette histoire (mais une morale à en tirer ?) que nous vous proposons dans la foulée.

Remarque : Il s’agit d’une nouvelle traduction et vous allez constater un nombre inhabituel de traducteurs dans le crédit ci-dessous. Nous sommes en phase de test pour améliorer Framapad et effectivement, hier soir, c’était spectaculaire, avec, au point culminant de la fête, près de 40 collaborateurs « colorés » travaillant en simultané dans la joie, la bonne humeur et le souci collectif d’un travail de qualité. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, notre image d’illustration n’a rien à voir avec le font du sujet si ce n’est que dans la forme on l’a obtenu ainsi (cf ce tweet plus précis de @framaka). Ils méritaient bien ce petit hommage (quant à l’évolution du projet Framapad, nous venons d’ouvrir une liste de discussion pour là encore avancer ensemble).

Framapad - Test v2

Google et ses droits de copie restrictifs : un auteur condamné pour avoir partagé son propre livre

Google’s Copyright Crackdown Punishes Author For Torrenting His Own Book

Mike Masnick – 27 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : volent, metoo, Smonff, greygjhart, doc_lucy, L’gugus, Toerdas, Wan, Yan G., Evpok, goofy, Rouage, Aymerick, slb, peupleLa, 0gust1, Husi10, Mike, Hellow, Dominique, fredchat, fwix_, e-Gor, TheDarkDweller, minimoy, 5h3d0, lamessen)

Au fil des ans, nous avons souligné à de nombreuses reprises le talon d’Achille de Google : son épouvantable service client.

Essayer de communiquer avec Google s’apparente plus souvent à affronter un bloc de marbre inébranlable plutôt que faire face à un réel être humain. Plus récemment, nous nous sommes inquiétés de l’agressivité excessive de Google pour faire « appliquer » le copyright, dans l’espoir de tenir Hollywood (et ses soutiens au gouvernement) à distance. Combinez ces deux problèmes et vous obtenez une incroyable histoire… comme advenue à notre lecteur Cody Jackson.

Il y a quelques années, alors qu’il était en service actif en Irak, Jackson a écrit un livre sur Python (le langage de programmation) intitulé Start Programming with Python (NdT : Débutez la programmation avec Python). Il a décidé de distribuer le livre gratuitement, en guise de remerciements à la communauté du libre qui, d’après ses dires explicites, lui a énormément apporté. Il a toujours fait en sorte que le livre soit disponible en libre accès et donné les liens vers différentes sources à partir desquelles l’obtenir. Dans le même temps, il a proposé aux personnes de le soutenir via des dons. Et pour se faire un peu d’argent, il a également souscrit au service de publicités Google AdSense qu’il a placé sur son site.

La semaine dernière, il a été contacté par un bot (NdT Googlebot : robot d’exploration de Google), l’informant que AdSense avait été automatiquement désactivé. Pourquoi ? Parce que, affirme-t-on, il distribuait illégalement des contenus protégés par des droits d’auteur. Le courriel, que j’ai pu voir, mentionne que son compte a été désactivé pour la raison suivante :

Précisions au sujet de cette violation

CONTENUS SOUS COPYRIGHT : Comme il est stipulé dans nos conditions d’utilisation, les utilisateurs d’AdSense ne sont pas autorisés à placer des publicités Google sur des sites impliqués dans la distribution de contenus sous copyright. Ceci inclut l’hébergement de fichiers sous copyright sur votre site, ainsi que le fait de fournir des liens ou de rediriger le trafic vers des sites qui proposent des contenus protégés. Plus d’informations sur ces conditions d’utilisation sont à disposition sur la page de notre centre d’aide.

Honnêtement les conditions d’utilisation de Google n’ont ici aucun sens. Fondamentalement TOUT site Web « propose du contenu sous copyright ». Si l’on se réfère à ce que Google a envoyé à Jackson, personne ne pourrait plus faire aucun lien vers d’autres sites s’il souhaite utiliser Google AdSense. Google a une armée de très bons juristes spécialisés dans le copyright, mais ils ont du laisser filer ce point. Je suis sûr que Google voulait plutôt parler de « contenu non autorisé » ou « qui porte atteinte au copyright », mais ce n’est pas ce qui est écrit (NdT : Ou alors ils y sont obligés pour se protéger de tout).

Dans les deux cas, cela semble être ridicule et faire preuve d’un excès de zèle que de suggérer que tout lien vers un site qui, croit-on, véhicule, parmi d’autres, du contenu illicite, doit être considéré comme une violation des conditions de service, même si en l’occurrence le lien en question redirige vers du contenu tout à fait légitime. Le courriel donne un lien vers une « page exemple » justificative. Cette page est celle où Jackson annonce qu’il délivre un torrent de la seconde édition de son livre, et renvoie les gens vers The Pirate Bay et Demonoid pour le récupérer. Rappelez-vous, c’est son propre livre, qu’il a publié lui-même et qu’il distribue librement et gratuitement… intentionnellement !

On pourrait faire valoir que les conditions d’utilisation de Google sont ici volontairement trop générales et elles le sont assurément. Déclarer que vous ne pouvez pas créer de lien vers du contenu légal que vous avez vous-même publié sur The Pirate Bay et dont vous êtes le légitime propriétaire pourrait avoir un effet dissuasif négatif pour ceux qui choisiraient de mettre leurs propres œuvres sur des sites similaires.

Jackson a essayé de joindre Google pour obtenir de plus amples informations. Il leur a expliqué la situation et leur a indiqué qu’il en était l’auteur et l’éditeur et que l’œuvre était publiée sous la licence libre Creative Commons Paternité – Partage dans les mêmes Conditions (CC By-Sa), rendant ainsi toutes les copies se trouvant sur The Pirate Bay parfaitement légales et autorisées. Google lui a rétorqué qu’ils examineraient son argumentaire… avant de lui renvoyer le message suivant :

Merci de nous avoir fourni des informations complémentaires concernant votre site. Cependant, après avoir examiné de près le site python-ebook.blogspot.com et avoir pris votre réaction en considération, nous sommes dans l’incapacité de remettre en fonction notre service publicitaire sur votre site à l’heure actuelle, puisque votre site semble toujours violer nos conditions d’utilisation.

Si vous voulez que nous étudiions à nouveau la participation de votre site au programme Ad Sense, merci de consulter les conditions d’utilisation de notre programme et d’apporter les modifications nécessaires à vos pages web. Pour plus d’informations sur vos conditions d’utilisation, merci de visiter cette page.

Confus après lecture et sans sentiment d’avoir violé quoi que ce soit, il a cependant docile supprimé les liens vers les fichiers torrents en question, quand bien même pour lui il était tout à fait sensé de les conserver. Comme il me l’a dit dans son courriel : « BitTorrent a été l’un des premiers vecteurs de diffusion de mon livre, puisque c’est là que mes lecteurs spécialisés sont susceptibles de traîner. Il m’a semblé que déposer un fichier torrent sur le site de torrents le plus populaire coulait de source. »

Aussi a-t-il à nouveau répondu au Googlebot, après donc avoir cette fois supprimé les liens… Et il a reçu à nouveau le même message exactement ! Il avait bien supprimé les liens mais pas la mention explicite des noms « The Pirate Bay » et « Demonoid ». Cela a suffit, semble-t-il, pour que l’équipe de Google AdSense continue de prétendre qu’il viole leurs termes incompréhensibles. Ils refusent de s’en expliquer. Ils n’ont pas l’air de vouloir vraiment comprendre ce que dit Cody Jackson. Ils bloquent, c’est tout.

Ce qui vaut la peine d’être retenu, c’est que l’on entend constamment les gens qui détestent Google se plaindre de ce que ce dernier refuse en quelque sorte d’enlever ses publicités des « sites pirates ». Cet exemple suggère précisément le contraire : Google est d’une agressivité excessive dans sa manière de bloquer, sous toutes leurs formes, les publicités qui s’affichent a proximité de sites qu’il a jugé lui seul problématiques, même si le contenu est garanti 100% légal et autorisé. Ajoutez à cela l’horrible relation client robotisée de Google, et vous avez une situation malheureuse où un auteur est puni pour avoir fait quelque chose de parfaitement légal et ne semble pas pouvoir trouver chez Google une seule personne réelle, faite de chair et d’os, qui prenne réellement le temps de comprendre ce qu’il se passe.

Voilà pourquoi nous sommes si inquiets quand Google intensifie son « automatisation » sous la pression de Hollywood. Les dommages collatéraux ne sont que trop réels.

Mise à jour du 28 septembre ci-dessous : Un épilogue heureux mais une leçon à retenir…

Les annonces Google sont de retour

Google Ads are back

Mike Masnick – 28 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : Lamessen, Pascal, L’gugus, Metal-Mighty, Ag3m, ti_tux)

Grace au relais du site Techdirt, mon problème a été entendu par les robots de Google et mon compte Adsense a été réactivé.

En effet, cinq heures après la publication de l’article sur Techdirt, je recevais un e-mail de Google m’informant qu’ils avaient réétudié mon cas, et décidé finalement que je n’avais pas enfreint leur politique sur le copyright. Je pouvais donc faire apparaître à nouveau les publicités Google sur mon blog.

Je vais pouvoir, comme avant, mettre des liens directs vers mon fichier torrent, mais plus vers «The Pirate Bay» ou d’autres sites de torrents. Car ne veux pas me retrouver confronté à ce problème à nouveau (bien qu’il sot assez tentant voir ce qu’il arriverait si je le faisais).

Le bon côté de cette histoire, c’est que cela a attiré l’attention du public sur les problèmes de réglementation du copyright en général et des politiques d’entreprise en particulier. Lorsqu’une personne ne peut pas publier ses propres créations sur Internet parce qu’une autre a peur qu’il y ait infraction au droit d’auteur, il y a un véritable problème.

Certains commentaires sur Techdirt affirment que j’aurai dû prévoir cela en proposant des liens vers The Pirate Bay et Demonoid qui sont considérés comme des « bastions du piratage ». Et pourtant, avoir fait appel à eux pour aider les gens à trouver mon livre (sous licence libre) montre qu’on peut aussi les utiliser de manière tout à fait légale. Que certaines personnes y déposent illégalement des contenus protégés ne fait pas de ces sites le mal absolu. Ce sont simplement des outils et ils sont neutres en soi, un peu comme un couteau, qu’on peut utiliser à bon ou mauvais escient.




Polémique : la nouvelle imprimante 3D de MakerBot a-t-elle trahi l’open hardware ?

Le matériel libre, ou open hardware, en général et l’impression 3D en particulier, cela fait longtemps qu’on en parle sur le Framablog (notre premier article sur la RepRap date de 2008).

Nous y croyons parce qu’avec une imprimante 3D libre, vous pouvez non seulement créer des objets en partageant leurs fichiers numériques sous format et licence libres mais également concevoir l’imprimante elle-même, puisque ses sources (c’est-à-dire ses plans de fabrication) sont aussi sous licence libre.

À partir de là, vous voici potentiellement prêt pour… changer le monde (ou tout du moins, ne nous emballons pas, pour dessiner lentement mais sûrement les contours d’un nouveau paysage industriel). Évidemment cela ne se fera pas sans peine et l’on peut déjà anticiper de terribles batailles du côté de la propriété intellectuelle (pire encore que pour la culture), d’où notre long (mais passionnant) article : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Or que se passe-t-il aujourd’hui ? L’un des fers de lance de l’impression 3D, la société MakerBot, a récemment annoncé la sortie de son nouveau modèle, la « Replicator 2 » (cf photo ci-dessous). Et à en croire cette percutante vidéo promotionnelle elle semble en effet bien plus mieux que les précédentes, d’ailleurs le célèbre magazine Wired s’en est tout de suite extasié : The New MakerBot Replicator Might Just Change Your World (rien que ça !)

Mais, car il y a un mais, il semblerait que ce nouveau modèle ne soit tout simplement plus libre, aussi bien dans ses sources de fabrication que (et c’est peut-être le plus choquant) dans le format de fichier numérique permettant de créer les objets en 3D (qui se partagent du reste sur le site Thingiverse de MakerBot qui lui aussi a récemment changé ses conditions d’utilisation dans le sens de la fermeture, d’où l’apparition d’alternatives). Tout ceci reste au conditionnel mais force est de reconnaître que MakerBot navigue en ce moment entre flou et silence quant à la réponse à donner à ce début de polémique.

Si cela s’avérait fondé, cela serait très mal vécu par la communauté qui y verrait là comme une sorte de trahison avec les principes du matériel libre, d’autant que la société MakerBot s’est fait connaître dans l’enthousiasme justement parce qu’elle proposait des modèles d’imprimantes 3D libres (quand vous vous rendez sur l’article Imprimante 3D de Wikipédia, MakerBot est cité en exemple de matériel libre).

Ceci étant dit, la question sous-jacente est aussi celle de la viabilité des entreprises de matériels libres. MakerBot a levé des fonds (dix millions de dollars), a investi, vient d’ouvrir un magasin à New York, etc. MakerBot a donc le vent en poupe et est en train de changer de dimension industrielle. Cela peut-il se faire tout en restant totalement libre ? Peut-être que les investisseurs ont fait pression vers la fermeture (par rapport au profit, à la concurrence, etc. quid d’un petit malin qui prendrait les sources délocaliserait en Chine et inonderait le marché ? d’ailleurs on y a déjà plus que pensé !).

Pour rentre compte de cette polémique nous vous proposons coup sur coup trois traductions ci-dessous (une fois de plus, merci à tous les traducteurs bénévoles).

La première émane de Josef Prusa, développeur tchèque pionnier (et passionné) du projet RepRap que l’on peut considérer comme la première imprimante 3D libre (et qui elle, on en est sûr, l’est restée). C’est d’ailleurs sur cette RepRap que s’est construit MakerBot et ils ne s’en cachent pas. C’est lui qui a levé le lièvre et il réagit ici avec véhémence et émotion (d’où le style parfois confus, flottant et familier sachant que l’anglais n’est pas sa langue maternelle non plus).

La seconde est un réponse directe à Josef Prusa. Son auteur est Bre Pettis, l’un des fondateurs de MakerBpot. Il semblerait qu’elle soit destinée avant tout à éteindre l’incendie.

La dernière traduction provient lui aussi de l’un des fondateurs de MakerBot, sauf qu’il a été viré de l’entreprise depuis ! On peut estimer qu’il y a de la rancœur dans son propos mais il n’a pas forcément tort de qualifier la réponse de Bre Pettis de « tas de conneries issu du double langage d’entreprise » en rappelant la définition de l’open hardware.

Et pour finir cette (longue) introduction, un lien vers un petit dessin qui résume amèrement la situation.

Louis Seigal - CC by

Crédit photo : Louis Seigal (Creative Commons By)

Le sens de l’Open Hardware

Open Hardware meaning

Josef Prusa – 20 Septembre 2012 – Blog personnel
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Ddurant123 - CC byJe voulais écrire sur ce sujet depuis longtemps. Certains d’entre vous le savent peut-être, d’autres non, mais j’ai lancé ma propre société de RepRap. Elle se nomme Prusa Research, et c’est sans doute la première entreprise basée sur l’open hardware en République Tchèque, mais certainement pas la première au monde. Il y a plusieurs projets qui le font très bien, par exemple Arduino (à qui je dois tellement que, grâce à RepRap, je peux maintenant considérer Massimo comme mon ami car j’ai commencé à faire du hardware grâce à lui et Arduino), Adafruit, Sparkfun, etc.

La RepRap et surtout l’impression 3D sont pleine de conneries actuellement, c’est vrai. Il y a ainsi tous les jours de nouvelles entreprises qui se montent. La majorité des gens n’y ont pas contribué d’un yotta, pas apporté la moindre contribution et pourtant ils se prétendent inventeurs, mais fini le troll. Je fais partie de la communauté RepRap depuis vraiment longtemps et je puis affirmer sans fausse modestie que j’ai beaucoup aidé à le diffuser. La Prusa Mendel est probablement le modèle d’imprimante 3D le plus répandu sur la planète.

Croyez moi, c’est parfois vraiment tentant de prétendre avoir réalisé des choses que vous n’avez pas vraiment faites, n’est-ce pas ? Comme « Hé, mon imprimante peut imprimer à une résolution de 50 microns! » LOL. J’ai conçu un putain de tatouage pour me défendre de ça. C’est le logo de l’Open Hardware avec la goutte standard de RepRap dedans. C’est directement sur mon avant-bras droit, tout le monde peut le voir quand on me serre la main, quand je rencontre quelqu’un ou que je signe un contrat, peu importe. C’est un symbole pour moi. L’Open Hardware et RepRap ont fait de moi ce que je suis.

Un triste évènement qui s’est produit aujourd’hui m’a finalement motivé à écrire cet article. Makerbot a fermé ses sources, du moins tout semble le laisser présager. Makerbot a été lancé par plusieurs développeurs principaux du projet RepRap, Zach Smith, Bre Pettis (NdT : lire sa réponse juste après) et Adam Mayer. Adrian Bowyer, le fondateur du projet RepRap, leur a donné, comme d’autres, de l’argent pour démarrer. Makerbot est basé sur la RepRap, et ils n’ont jamais eu honte de cela. Mais cela a changé et Makerbot a commencé à prendre de la distance. Les gens m’ont accusé de dénigrer Makerbot lorsque je donne des conférences sur la RepRap. Je me suis dit « qu’est-ce que c’est que ce délire ! ». J’ai même échangé quelques e-mails avec Bre. Je vois toujours Makerbot comme un ami important de l’univers Open Hardware, également comme un bouclier qui protègerait de potentielles poursuites judiciaires.

Bre a donné une conférence l’an dernier à l’Open Hardware Summit, bla bla…. « une entreprise qui montre aux autres que le chemin de l’open source est possible ». J’avoue que je grinçais des dents en entendant le directeur des relations publiques laisser penser qu’ils avaient inventé la chose, vous savez, cette connerie que Makerbot a créé : l’extrudeur pas à pas. Ils en ont même fait une vidéo sympa. Plus tard, ils ont levé la bagatelle de 10 millions de dollars et les choses ont commencé à changer.

Et surprise, surprise, maintenant on a la Replicator 2 et sa version en source fermée. Hé, regardez, on a récupéré toutes les améliorations que vous avez partagé sur Thingiverse, compilé le tout dans un paquet et on l’a fermé. Pareil avec le logiciels MakerWare. (Ils ont finalement, après des années, arrêté d’utiliser Skeinforge, un logiciel libre créé par un brésilien qui n’avait même pas d’imprimante).

Et vous savez ce qui est le plus sournois ? Ne pas en parler lorsqu’ils l’ont annoncé, pas même lorsque les premières commandes sont parties ou juste après l’Open Hardware Summit où Bre Pettis est allé faire un beau discours (relayé par des magazines comme Make: faisant de MakerBot l’un des héros de l’Open Hardware).

J’ai demandé des précisions sur leur page Facebook, demandé à Bre directement et à d’autres employés, mais je n’ai eu aucune réponse. Si c’est vraiment ouvert, pourquoi ne pas le dire ?

Lettre ouverte à Bre Pettis.
Salut Bre,
On se connait depuis un moment. Je voulais te demander si la Replicator 2 est fermée ou non. Et si oui, pourquoi ? J’aimerais aussi t’interviewer pour mon émission RepRap sur Youtube, je te promets de rester neutre. Mais il faudra t’expliquer sur ton comportement bizarre que je mentionne dans cet article.
Jo Prusa, core développeur du projet RepRap

Crédit photo : Ddurant123 (Creative Commons By)

Corriger la désinformation avec de l’information

Fixing Misinformation with Information

Bre Pettis – 20 septembre 2012 – MakerBot.com
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Bre Pettis - CC by-ncIl y a de fausses informations que j’aimerais éclaircir.

Question 1 : Le MakerBot Replicator 2 est-il open source ?

Nous travaillons dessus et allons être aussi ouvert que possible tout en ayant une activité viable. Nous allons continuer à respecter les licences et à contribuer à la technologie ouverte des imprimantes 3D, dont certaines sont de notre initiative. Nous ne voulons pas abuser de la bonne volonté et du soutien de notre communauté. Nous aimons ce que nous faisons, nous aimons partager et nous aimons ce que notre communauté invente. J’ai l’intime conviction que les entreprises qui partagent seront celles qui réussiront demain et je ne pense pas que ce soit un secret. Ces jours-ci, même des sociétés comme Google et IBM se lancent dans l’open source et trouvent de nouvelles manières de partager.

J’attends avec impatience de pouvoir parler avec les gens du Open Hardware Summit pour voir comment MakerBot peut partager autant que possible, donner du travail à ses 150 employés, produire du hardware fabuleux, et rester pérenne. Est-ce que nous devrons expérimenter pour rendre cela possible ? Oui, et cela va demander beaucoup de collaboration, de coopération, et de compréhension.

J’aimerais qu’il y ait plus d’exemples de grandes entreprises prospères dans le domaine du matériel « ouvert ». D’un point de vue commercial, nous avons été ouvert de manière absurbe, plus ouverte que n’importe quelle autre entreprise que je connais. Il n’y a pas de modèles ou de sociétés que je connaisse qui ait plus de 150 employés et qui soient plus ouverte que nous (je serais ravi d’avoir tort, mais je ne le pense pas). Nous expérimentons la manière d’être aussi ouvert que possible tout en ayant toujours un travail à la fin de la journée. Allons-nous réussir ? Je l’espère, mais même si ce nest pas le cas, tout le monde va découvrir qu’être aussi ouvert que possible est une bonne chose pour les affaires ou bien que personne ne devrait le faire, ou quelque chose entre les deux.

Personnellement, j’espère que nous réussirons, et pas seulement parce que j’aime ce que les gens font avec produits MakerBot et que j’adore les employés qui fabriquent ces machines, mais parce que je crois que MakerBot en tant qu’entreprise peut créer un nouveau modèle riche d’enseignements. Mais je n’ai pas l’intention de laisser les vulnérabilités de l’open hardware détruire ce que nous avons créé.

Des business que je connais, liés à l’open source hardware, ceux qui ont du succès sont ceux qui créent des projets éducatifs. Adafruit, Evil Mad Science et Sparkfun font des choses fabuleuses. Des entreprises comme Chumby et OpenMoko n’y sont pas parvenus, malgré le fait que des gens vraiment intelligents y étaient impliqués. Un grand nombre des projets hardware sur Kickstarter sont open source, mais je n’en ai vu aucun qui tienne le passage à la production industrielle. Encore une fois, je suis preneur de n’importe quel exemple réussi d’une grande entreprise de matériel open source. Il y a quelque chose de très intéressant à observer là dedans. Les entreprises hardware qui ont le plus de succès sont celles qui font des projets en étant open source.

Nous allons continuer à contribuer aux projets que nous avons démarré et à d’autres projets open source. J’ai été un fan de l’EFF et la FSF depuis suffisamment longtemps pour respecter les licenses. J’ai été prof depuis plusieurs années et je sais que quand on partage avec une communauté respectueuse, tout le monde dans cette communauté y gagne.

Nous sommes en train de travailler activement à un programme de développement pour créer des trucs super disruptifs et innovants. Nous attendons vraiment de pouvoir trouver des moyens de créer des situations gagnant/gagnant avec des développeurs et des entreprises. Heureusement, tout le monde n’est pas là pour manger gratos, à la fois Ultimaker et plusieurs projets RepRap ont contribué à la technologie et montrent que nous pouvons bosser ensemble et reposer sur les épaules les uns des autres.

Ce n’est pas le premier changement que nous avons effectué pour devenir professionnels et ça ne sera pas le dernier.

Question 2 : Est-ce que les conditions d’utilisation de Thingiverse ont changé pour « voler » les choses des gens

Thingiverse ne vole pas. Nous avons créé Thingiverse afin qu’il soit le meilleur endroit pour partager des choses en utilisant des licences libres. Les nouvelles conditions d’utilisation, que nous avons mis en place en février de cette année, nous permettent avant tout de partager vos créations sur notre site mais aussi de nous protéger contre les entreprises et leurs avocats. Peut-on la rendre plus conviviale ? Oui, mais les honoraires d’avocats sont chers et rendre cela plus simple prend beaucoup de temps.

J’ai mis sur notre liste de choses à faire en 2013 : rendre les conditions d’utilisation plus faciles à comprendre et éviter les malentendus. Si vous êtes préoccupés par cela, faites en sorte de lire le billet que j’ai écrit plus tôt cette année sur les conditions d’utilisation de Thingiverse.

Crédit photo : Bre Pettis (Creative Commons By-Nc)

MakerBot contre Open Source – Du point de vue d’un fondateur

MakerBot vs. Open Source – A Founder Perspective

Zachary Smith – 21 septembre 2012 – Hoektronics.com
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Mark Demers - CC by-nc-ndJe m’appelle Zachary Smith (aussi connu sous le pseudo de Hoeken), je fabrique des imprimantes 3D depuis 2007 en prenant part au projet RepRap. J’ai créé une organisation à but non lucratif (la RRRF, RepRap Research Foundation) dédiée à la promotion des imprimantes 3D. En 2009, j’ai convié mes amis Adam Mayer et Bre Pettis à se lancer dans la fabrication d’imprimantes 3D. Partant de là, MakerBot Industries était né. Revenons-en à avril 2012, quand j’ai été poussé à la porte de l’entreprise du même nom. Aujourd’hui, je n’ai aucune information sur le fonctionnement interne de l’entreprise que j’ai créé. Allez voir cet article de Chris Thompson pour plus d’informations.

Je ne soutiens aucun mouvement qui restreint la nature libre du MakerBot, qu’il s’agisse de matériel, d’électronique, de logiciel, de firmware, ou d’aucun autre projet ouvert. MakerBot a été créé sur les bases de projets de matériel libre, tels que RepRap ou Arduino, aussi bien que d’autres projets logiciels libres pour le développement de notre propre logiciel. Je reste dévoué au mouvement de l’open source, et je crois aux idéaux et buts de l’Open Source Hardware. Je n’ai jamais dévié de cette position et j’espère que je ne le ferai jamais.

Je réserve mon jugement jusqu’à ce qu’on entende quelque chose d’officiel de la part de MakerBot sur la nature open source (ou pas) de sa dernière imprimante. J’essaie de rentrer en contact avec les gens pour comprendre, mais jusqu’à présent personne ne parle, et mes ex-partenaires n’ont pas répondu à mes appels téléphoniques ou mes e-mails. Cela ne sent pas bon. La meilleure information que j’ai trouvée est un tas de conneries issues du double langage d’entreprise (NdT : le « tas de conneries » c’est justement la traduction ci-dessus « Corriger la désinformation avec de l’information » !).

Si ces allégations se révèlent vraies, ce serait une triste journée pour le mouvement du matériel libre. Non seulement ce serait la perte d’un grand fabriquant de matériel ouvert, mais ce serait aussi la perte d’un exemple pour le mouvement. Beaucoup de gens se sont tournés vers Makerbot en disant : « Oui, le matériel ouvert est un secteur viable, regardez la réussite de MakerBot ». S’ils ferment ces portes, alors cela donnera des arguments à ceux qui disent que le matériel ouvert n’est pas viable. Cela va aussi décourager d’autres entreprises de se lancer dans le matériel ouvert. Ce serait effectivement une bien triste nouvelle.

Personnellement, je considère les migrations vers les formats propriétaires comme la trahison ultime. Quand on m’a chassé ce n’était dû qu’à un malheureux mais classique clash de personnalités, où une personne devait partir et l’autre rester. J’ai ravalé mon égo et je suis parti parce que je savais que la société que j’avais fondé porterait mes idéaux plus loin dans le monde. Sans m’attarder sur nos différences, j’avais pensé que Bre aurait continué à suivre les principes sur lesquels nous avions fondé notre société et les mêmes principes qui avaient joués un rôle de premier plan dans le succès de notre société. Passer d’un format libre à un format propriétaire est contraire à tout ce que je défends et en tant que co-fondateur de MakerBot Industries, j’ai honte d’y voir mon nom associé.

Bre Pettis, je t’en prie, montre-moi que j’ai tort en clarifiant exactement sous quelle license Makerbot va diffuser les fichiers de conception et le logiciel. C’est tout ce que nous (la communauté) souhaitons.

Enfin, je voudrais rappeler et souligner la définition de l’Open Source Hardware, que MakerBot a approuvé. Ce document énonce en des termes très clairs ce que cela signifie être une entreprise d’open hardware. Je le laisse ici à votre jugement :

Open source hardware regroupe les conceptions Hardware réalisées publiquement et disponibles de manière à ce que n’importe qui puisse étudier, modifier, distribuer, créer et vendre un design ou un produit basé sur ce design. La source du produit hardware, le design duquel le produit est issu, est disponible sous un format choisi pour permettre de faire des modifications. Idéalement, open source hardware utilisera des composants et matériaux facilement approvisionnables, des procédés de fabrication standard, des infrastructures libres, des contenus libres de droit et des outils de design open source pour maximiser la possibilité donnée à d’autres de concevoir ou utiliser un produit hardware. Open source hardware permet à quiconque d’avoir le contrôle sur leur technologie du moment qu’elles partagent leur savoir et encourage le commerce au travers de l’échange de design libre.

Crédit photo : Mark Demers (Creative Commons By-Nc-Nd)