Je me souviens de mon voyage d’avant Facebook

Ce billet clôt un sorte de « dossier Facebook » après les témoignage de la maman, du musicien et du blogueur.

Les deux premiers ont décidé de quitter le célèbre réseau social. Ce n’est pas tout à fait le cas ici, juste le constat d’une situation d’avant qui avait son charme, sa nostalgie, voire son authenticité…

Jean-Louis Zimmermann - CC by

Une vie moins « affichée »

A life less posted

Rian – 2 novembre 2012 – Elezea
(Traduction : doc_lucy, ehsavoie, geecko, levouko, Amargein, Munto, ordiclic, Marc)

En août 2003 — quelques mois avant notre mariage — ma femme et moi avons voyagé à travers l’Europe, sac sur le dos. Vous vous souvenez sûrement de cet été en particulier puisque c’était une des plus grandes vagues de chaleur qu’a connu l’Europe depuis une centaine d’années ou presque, il y avait donc une couverture médiatique assez importante. Les boutiques de Paris étaient en rupture de stock de ventilateurs. En sueur, des touristes à moitié dénudés inondaient les rues, ce qui, j’en suis sûr, a certainement rendu les habitants encore plus grincheux que d’habitude car ils devaient céder le contrôle de leur ville à de nombreux étrangers.

Quel voyage — 8 villes en 30 jours. Nous utilisions un service de bus à escales à volonté (« hop-on hop off ») et logions en auberges de jeunesse, comme on le fait lorsqu’on n’a pas d’argent. C’était épuisant, merveilleux, enrichissant, frustrant, superbe. J’adorerais vous montrer quelques photos, mais cela risque d’être difficile puisque mon album se trouve dans ma bibliothèque, chez moi.

Prendre des photos était différent à cette époque. Avant le voyage j’avais acheté dix pellicules Fujifilm ISO 400 de 24+3 vues pour mon Nikon SLR. Je devais prendre en considération l’importance de chaque photo, car non seulement la pellicule était chère, mais nous allions également avoir à faire développer ces fichus machins. Une fois le voyage terminé nous avons passé plusieurs jours à parcourir les photos, à revivre les moments, sélectionnant avec attention celles qui mériteraient d’être dans notre album.

Je feuillette souvent l’album. Il inclut quelques-unes des meilleures photos que j’ai jamais prises, durant l’une des périodes les plus tumultueuses de ma vie. Mes souvenirs de ces instants s’estompent lentement avec ces photos, mais jamais je n’oublierai l‘émotion de ce mois en particulier.

Le mois dernier, plusieurs de mes amis étaient en voyage en Europe. Je le sais parce que je suivais leurs moindres déplacements sur Instagram et Facebook. Parfois, leurs photos me rappelaient des lieux où nous étions allés pendant notre voyage. Parfois j’en étais jaloux. Parfois je me disais simplement, waouh, c’est joli.

Je me demande ce qu’il adviendrait si ma femme et moi faisions notre expédition maintenant, presque une décennie plus tard. J’imagine que je passerais le plus clair de mon temps à prendre des photos avec mon téléphone, ou à chercher du wifi gratuit avec mon téléphone. Parce si vous ne postez pas de photos de ce que vous faites, c’est que cela ne s’est pas vraiment passé, pas vrai ?

En un sens, je suis content que nous ayions fait notre grand voyage en Europe avant que les réseaux sociaux n’existent. Nous consultions nos emails éventuellement une fois dans chaque ville — à condition que nous arrivions à trouver un cyber-café. La plupart du temps nous étions laissés à nous-mêmes. Juste un couple parmi un océan de touristes. C’était la même chose concernant la bouteille de vin que nous avons prise dans ce restaurant italien. À l’exception que c’était notre bouteille de vin, et que nous la partagions juste entre nous. Avec personne d’autre. C’était tout un mois rempli de moments secrets en public, et nous étions juste… là. Nous n’avons pas pointé sur Foursquare, n’en n’avons pas parlé sur Facebook, n’avons posté aucune photo nulle part. Je regarde en arrière à présent et j’apprécie l’incroyable liberté que nous avions de vivre, avant que nous ne soyions tous connectés et que nous ne développions cette idée qui veut que la valeur d’un moment est directement proportionnelle au nombre de « J’aime » qu’il reçoit.

Je me suis levé hier matin pour lire quelques statuts Facebook de gens qui n’aiment pas Halloween, et qui ne laisseraient jamais leurs enfants participer à ces maudites quêtes de confiseries. Je me suis senti immédiatement coupable car j’avais laissé ma fille s’amuser la nuit précédente en la laissant s’habiller de son costume mi-sirène, mi-fée qu’elle avait elle-même choisi.

Et j’ai alors réalisé que je ressentais toujours la même chose sur Facebook. Culpabilité, colère, envie… Il s’agit des émotions qui produisent le plus d’activité sur les réseaux sociaux, mais peut-être encore plus sur Facebook que partout ailleurs. Ce sont les émotions qui nous font partager/aimer/commenter les choses. Et alors j’ai repensé à notre voyage en Europe et à combien je regrette ce temps-là, où nous n’étions pas encore obligés de porter le fardeau des pensées, des sentiments et des opinions de chacune des personnes à qui nous sommes liés en ligne. C’est ce que Franck Chimero a appelé une fois « cracher les gaz d’échappement des vies digitales des autres ».

Je ne dis pas que j’en ai fini avec Facebook — et de toute façon, publier sur son blog sa rupture avec Facebook est devenu tellement cliché que je ne voudrais pas que ce texte y ressemble. Je dis juste que je n’aime pas les émotions que me procure mon flux d’actualités Facebook ; je vais donc aller « voir d’autres personnes » pour un temps, et je verrai bien comment les choses évoluent. Et je vais essayer de retrouver les sensations de ce voyage en Europe, fait il y a une décennie, dans les vies des gens autour de moi.

Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann (Creative Commons By)




Je ne sais plus ce que « J’aime » si ce n’est de moins en moins Facebook

Oui, c’est mal : Framasoft a une page Facebook !

Mon falacieux argument, sujet à caution et non partagé par tous en interne (et je vous attends dans les commentaires), est le suivant : en l’an 2000 nous n’avions pas de scrupule à aller chercher les utilisateurs sur Windows pour leur parler du Libre. Windows étant au système d’exploitation ce que Facebook est aujourd’hui à Internet, pourquoi en aurions-nous davantage 10 ans plus tard ?

Bon, ceci étant dit, cette page Facebook a toujours été en mode passif de chez passif. On a fait en sorte que, via les flux RSS, les billets de ce blog et nos gazouillis Identica/Twitter soient relayés automatiquement dessus et c’est tout.

Sauf que pas mal de choses ont changé dernièrement selon le bon vouloir du paramétrage des maîtres du lieu. La syndication automatique a semble-t-il été supprimée (je suis preneur d’une solution pour faire apparaître à nouveau les billets). Et pire encore, lorsque vous postez quelque chose sur votre page, vos fans (c’est-à-dire ceux qui ont cliqué benoîtement sur « J’aime » votre page) ne reçoivent plus l’information. Ou alors quelques uns oui, mais pas tous. Enfin c’est le bordel quoi !

Pour résumé, le « J’aime » d’avant n’est plus du tout le « J’aime » de maintenant. Heurement qu’il n’en va pas de même dans la vraie vie

C’est fâcheux je vous l’accorde. Mais ouf, pour ce qui nous concerne on a d’autres canaux d’information. Je connais cependant des associations (de bénévoles) qui avaient tout misé (ou presque) sur Facebook et qui se retrouvent bien em…bêtée parce que maintenant il faut passer à la caisse des « billets sponsorisés » si vous souhaitez à nouveau toucher tout le monde d’un coup.

C’est ce qui est arrivé à l’auteur du blog Dangerous minds ci-dessous. Ayant l’habitude de poster beaucoup, et donc de relayer beaucoup sur Facebook, il a calculé que pour atteindre tous ces fans, il lui faudrait désormais payer 672 000 $ pour quelque chose qui était totalement gratuit quelques jours auparavant !

Tout ceci porte un nom simple : capitalisme. A fortiori lorsqu’on s’appelle Facebook, qu’on a raté son entrée en bourse et qu’on se retrouve sous la pression de ses actionnaires.

Et la trappe est en train de se refermer sur nous. Tout le monde est coincé. Car tout le monde a accepté volontairement d’aller s’enferrer et s’enfermer sur Facebook. Combien de structures ne prennent même plus la peine désormais d’indiquer l’adresse de leur site Web pour préférer signaler leur page Facebook dans leur communication ? (d’autres vont encore plus loin dans l’intégration comme La Poste avec cette publicité tellement emblématique de mon propos, photographiée d’ailleurs ci-dessous).

Les gros vont peut-être accepter de régler la nouvelle note mais pas les petits, créant un service à deux vitesses qui n’est pas dans les saines et ouvertes habitudes d’Internet.

Sauf à vivre dans le monde des bisounours, n’oubliez jamais qu’un certain gratuit se paye tôt ou tard…

N’oubliez pas non plus, si tout ceci vous fatigue, vous étouffe ou vous exaspère, que le Libre vous accueille en toute confiance à bras ouverts. Vous y perdrez sûrement quelques fans au début mais y gagnerez peut-être une communauté dans lequel votre « J’aime » sera actif et engagé en prenant du sens et de l’authenticité.

En réponse aux critiques, Facebook ajoute un moyen de vraiment, vraiment « aimer » quelque chose

Responding to criticism, Facebook adds a way for you to really, really ‘like’ something

Joel Johnson – 2 novembre 2011 – NBC
(Traduction : GPif, KoS, Yuston, RN, Robin Dupret, Gatitac, LuD-up, PM, bashr, RN, Tchevengour)

Richard Metzger n’est pas très content de Mark Zuckerberg.

Fondateur de Dangerous minds, un blog culturel peu connu au départ, Metzger a rassemblé plus de 50 000 fans sur sa page Facebook au cours de ces trois dernières années. Mais depuis l’introduction en bourse de Facebook en mai dernier, les changements d’algorithme du géant des réseaux sociaux ont rendu l’apparition du contenu publié par Dangerous Minds dans les fils d’actualités de ses fans de plus en plus rare.

Quand vous cliquez sur « J’aime » telle ou telle page, vous pensez peut-être que cela veut dire que votre « journal » recevra toutes les mises à jour postées par le détenteur de cette page. Et c’est bien ce que cela faisait avant. Mais dans sa tentative de soit-disant améliorer l’utilité des informations affichées sur votre journal, par exemple en masquant le contenu qui ne vous intéresse pas, Facebook a aussi semé le trouble chez les utilisateurs et les fournisseurs de contenu quant à la signification du « J’aime ». Pour essayer de clarifier cela, Facebook a ajouté un menu déroulant sous le bouton « J’aime », avec « Recevoir les notifications » et « Afficher dans le fil d’actualité », nécessitant maintenant que les utilisateurs modifient un à un les paramètres de ce qu’ils avaient déjà « aimé ».

Dans un billet passionné et public, Metzger a accusé Facebook d’avoit conçu « le plus gros leurre de l’histoire » en introduisant les « publications sponsorisées ». En somme, Facebook demande aujourd’hui à Dangerous Minds de payer pour mettre en avant ses billets auprès de ses propres fans, pour un montant pouvant dépasser 672 000 $ par an selon Metzger — alors que la même chose était totalement gratuite auparavant.

Metzer détaille son calcul :

Chez Dangerous Minds, on propose entre 10 et 16 publications chaque jour, un peu moins les week-ends. Pour atteindre 100% de nos plus de 50 000 fans (c’est-à-dire l’affichage de l’information sur leur « journal »], Facebook demanderait désormais 200 $ par publication. Ce qui nous coûterait entre 2 000 $ et 3 200 $ par jour, mais retenons uniquement la fourchette basse, plus facile à multiplier. On publie du contenu tous les jours de la semaine, soit 14 000$ par semaine, 56 000$ par mois… pour un total de 672 000 $ par an ! Pour quelque chose que nous pouvions faire gratuitement avant que Facebook ne ferme les vannes cet automne, comme par hasard juste au moment de leur entrée en bourse mal gérée !

Selon Metzger, Dangerous Minds a perdu ainsi entre la moitié et les deux tiers des visites provenant de Facebook, avec pour seul recours apparent de payer Facebook pour promouvoir les messages destinés aux fans. Un porte-parole de Facebook a déclaré à NBC News que Metzger a « mal interprété » l’idée sous-jacente de billets sponsorisés : ils concernent la qualité des billets, et non leur quantité.

« Nous continuons à améliorer le fil d’actualité pour mettre en avant les messages que les fans sont les plus enclins à consulter activement, de manière à leur assurer qu’ils lisent les nouvelles les plus intéressantes » a ajouté le porte-parole. « Cela coïncide avec notre vision que tout contenu publié devrait être aussi attrayant que les messages provenant de la famille ou des amis. »

Le sponsoring réalisé par Facebook est conçu — et tarifé — de manière à ce que « le contenu le plus attractif » soit promu, mais pas de la manière qu’on imagine : plus « l’activité naturelle » du contenu est importante (le temps effectif durant lequel les utilisateurs le consultent, le commentent, ou cliquent sur « J’aime ») moins Facebook facture le promoteur du message pour le mettre en évidence.

Le fait qu’un utilisateur clique sur « J’aime » sur une page ne signifie pas que cette personne, cet éditeur, cette organisation ou cette marque puisse envoyer ses infos sans entrave sur le « journal » de l’utilisateur (même s’il n’ y a pas si longtemps, c’est plus ou moins ainsi que Facebook fonctionnait).

Et cela est donc déroutant aujourd’hui pour des utilisateurs ou des éditeurs qui avaient pris l’habitude d’utiliser les précédentes versions de Facebook un peu comme Twitter ou comme un flux RSS, en montrant l’intégralité du contenu publié par les éditeurs ou les marques « aimées » dans le « journal » personnel.

Mais alors que peut bien signifier ce« J’aime » fluctuant ? Comme me le disait Allen Tingley sur Twitter, « le simple fait que « J’aime » quelque chose ne veut pas dire je veux votre publicité (de merde) à longueur de journée dans mon fil d’actualité. L’aspect « social » du réseau ne signifiant pas publicité gratuite ». Mais pour d’autres utilisateurs, cliquer sur « j’aime » peut signifier qu’ils veulent recevoir autant de mises à jour que possible de la part de la page choisie.

Cette confusion ne vient pas uniquement d’une nouvelle perception des utilisateurs de ce que signifie cliquer sur « J’aime », mais aussi des modifications que Facebook a faites ces dernières années (et continue de faire), sur le fonctionnement de l’algorithme qui fait apparaître les contenus sur le « journal » des utilisateurs.

Cliquer sur « J’aime », représente seulement « un dixième de ce qui est compté comme de l’engagement » selon Facebook (la seule façon de compter les désengagements pour ainsi dire, c’est de cliquer sur le bouton qui masque les publications de votre « journal »).

Ecrire une publication sur un mur, marquer une photo, commenter une page, toutes ces choses s’additionnent dans les coulisses pour informer Facebook de ce qu’il devrait ou ne devrait pas poster sur votre « journal ». Il tente alors de vous présenter en théorie le contenu qu’il estime le plus pertinent à vos yeux.

Plus vous vous engagez auprès d’une marque, une organisation, ou une personne, plus il est probable que vous voyiez son contenu dans votre « journal » (malheureusement, c’est un à peu près le seul contrôle que vous ayez sur votre journal puisqu’il n’existe pas de fonction « Tout voir de Untel ou Untel »).

À moins, bien sûr, qu’un annonceur, de la grande marque au petit éditeur comme Metzger en passant par l’un des vos amis, ne paie pour faire apparaître certains contenus sur votre « journal ». Comme Google, Facebook est fondamentalement une régie publicitaire. Ou du moins, tel semble être le désir des actionnaires qui veulent leur retour sur investissement.

Pour un petit éditeur comme Metzger, qui a passé des années à investir temps et ressources pour construire sur Facebook une communauté qui engendrait en retour du trafic vers son site, la récente commercialisation par Facebook de son travail sonne comme une trahison. « L’idée que la direction générale de Facebook n’ait pas prévu cela — une réaction très négative de ses utilisateurs les plus engagés — laisse pantois » a affirmé Metzger à NBC News. Selon lui, ces 50 000 personnes sont des amis — ou à tout le moins des « amis » — alors que Facebook les considère comme des clients partagés.

Mais, on le sait, Facebook ne peut continuer à offrir indéfiniment des services gratuitement, du moins pas à tout le monde. Comme il est peu probable que les particuliers paient pour leurs comptes Facebook, il ne reste que les annonceurs. Même si, dans le cas de Metzger et de Dangerous Minds, le réseau social ne le considère pas comme un annonceur, mais bien comme un utilisateur lambda.

C’est une nouvelle version du vieil aphorisme « si tu ne paies pas la marchandise, c’est que tu es la marchandise ». Cette fois, Dangerous Minds est à la fois la marchandise et le client. Le blog a construit une communauté et a fourni du contenu à Facebook ; Facebook a construit un réseau social qui, en retour, fournit gratuitement du trafic et des outils à Dangerous minds, jusqu’à ce que la communauté que Metzger a construite ait pris assez de valeur pour être vendue à des publicitaires, y compris Metzger.

Alors qu’il est peu probable que Facebook ne revienne à la version précédente « partage sans entrave » de son algorithme, la société a confirmé que les utilisateurs pourraient dorénavant choisir de recevoir toutes les publications d’une page « aimée » en activant la fonction Recevoir les notifications directement sur le bouton « J’aime ». Sauf que cela nécessite que les fans se rendent une à une sur les pages « aimées » et fassent eux-mêmes le réglage, ce que la plupart ne feront probablement pas…

Metzger voit cela comme une amélioration. « Evidemment, quelle que soit la façon dont je regarde la chose, c’est tout de même un changement positif important, mais si l’algorithme de Facebook avait été conçu initialement en « opt-in » (choix d’engagement et donc de tout recevoir par défaut) et non « opt-out » (choix du refus par défaut), Facebook ne se serait pas attiré les foudres de l’opinion lors de la mise en place des billets sponsorisés. » Metzger qualifie l’implémentation originale de « vautour capitalisme amateur ».

Toujours est-il que Metzger a peut être réveillé l’attention des autres utilisateurs de Facebook, car il a affirmé à NBC News qu’en 24h son coup de gueule a été « aimé » plus de 20 000 fois sur Facebook.




Innovation et licence libre en biotechnologie

On le constate de plus en plus souvent aidé qu’il est en cela par Internet : quand l’esprit du Libre accoste un nouveau domaine, il interroge voire interpelle son modèle d’organisation antérieur (sans même le demander toujours explicitement).

Est-ce que la fermeture (ici les brevets) est la meilleurs voie vers le progrès et l’innovation ? Doit-on payer plusieurs fois l’usage d’une technologie qui devrait être au bénéfice de tous ?

Il pose alors des questions faussement naïves dont les réponses dessinent les contours du monde de demain.

Idaho National Laboratory - CC by

Oubliez les brevets : Pourquoi les licences libres sont facteurs d’innovation dans les biotechnologies

Forget Patents: Why Open Source Licensing Concepts May Lead To Biotech Innovation

Glyn Moody – 2 novembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : aKa, KoS, Dryt, Amine Brikci-N, Cyrille L., alexis, mazerdan, tanguy)

En direct du département du partage…

L’une des idées directrices conduisant au libre accès dans le domaine de la recherche est que si le public a déjà payé par l’intermédiare des impôts (ou du mécénat), alors il n’est pas légitime de demander à nouveau aux citoyens de payer pour lire l’article publié. La force de cet argument est en partie à l’origine d’une plus grande reconnaissance du libre accès à travers le monde.

Mais le même raisonnement peut s’appliquer à la mise sur le marché de la recherche sur fonds publics. Pourquoi devrait-on céder aux entreprises (qui cherchent naturellement à maximiser leurs profits) des prix si élevés pour des produits qui ont été initialement financés sur fonds publics (rendant par là-même leur mise sur le marché possible) ?

Tout comme pour le libre accès, la difficulté tient de la mise en place d’une nouvelle approche permettant aux traitements médicaux d’être le plus accessible possible. @MaliciaRogue a mis en exergue un article de Frangioni, paru récemment dans Nature Biotechnology, qui propose une solution innovante basée sur un développement open source mené par une fondation à but non lucratif.

Dans ce modèle open source, les structures commerciales sont encouragées à acquérir des licences d’utilisation, mais de manière non exclusive. Les entreprises utilisant la technologie sont encouragées à innover sur la plateforme, qui leur fournira des droits d’auteurs pour leur propriété intellectuelle, qui les aidera à franchir les barrières pour entrer sur le marché et fournir aux patients une version améliorée de la technologie. L’échange et l’évolution des informations ouvertes est encouragé plutôt que découragé, en supposant que les connaissances renforceront les entreprises qui veulent se creuser une niche de contenu protégé tandis que les scientifiques pourront continuer à se saisir d’une technologie de pointe.

C’est un exemple détaillé et fascinant qui nous fait explorer les problèmes que posent la mise sur le marché de la recherche, à commencer par la loi Bay-Dole de 1980 et son échec dans l’accélération des transferts de technologies entre le monde académique et l’industrie :

Au début de Bayh-Dole, la politique de transfert technologique de beaucoup de CMA (centre médico-académique) a été de chercher à breveter le plus d’inventions possible (tout ça à grands frais), parfois sans même se demander si la découverte permettait de compter les brevets comme des actifs ou d’en faire leur commercialisation. De la même façon, trop souvent, des startups émergent des CMA sans qu’une analyse raisonnable n’ait eût lieu, conduisant à un sous-financement de beaucoup d’entreprises.

L’approche de Frangioni est très différente. Puisqu’une structure à but non lucratif est financée par le public, l’accent est mis sur l’optimisation du service rendu au patient, plutôt que sur le retour sur investissement. La nouvelle façon de faire est de demander une forme de réciprocité de la part de ceux qui utilisent ces connaissances.

Les utilisateurs (chercheurs, chirurgiens, et utilisateurs de licences) peuvent acheter la technologie, mais uniquement après s’être formellement engagés à apporter les connaissances acquises par cette technologie dans une sorte de banque publique de connaissances (une base de données publique), à travers ce que nous appelons une boucle de retour d’informations. Ici encore, est mis en œuvre le principe de donner après avoir reçu : l’acheteur doit créer de nouvelles connaissances pour le bien de tous, afin d’avoir accès à la technologie.

C’est ainsi que les logiciels open source fonctionnent : tout le monde peut utiliser le code et bâtir dessus mais il faut redonner ses contributions à la communauté, de manière à ce que les autres puissent, exactement de la même manière, bâtir dessus. Les résultats dans le domaine des logiciels, où l’open source domine l’Internet, les super-ordinateurs et – grâce à Android qui est basé sur Linux – les smartphones, parlent d’eux même. Il reste à voir s’il est possible de généraliser la mise en pratique de ces idées, comme le montre l’expérience de Frangioni avec sa FLARE Foundation. Mais c’est certainement une approche qui vaut le coup d’être tentée.

Crédit photo : Idaho National Laboratory (Creative Commons By)




De la puissance combinée d’Internet, du crowdfunding et de l’esprit du Libre

Mélangez envie d’aider son prochain, Internet, le crowdfunding et l’esprit du Libre et vous obtenez l’un des modèles de développement les plus dynamiques à l’heure actuelle pour démarrer un projet.

Un modèle totalement impossible à envisager il y a à peine dix ans de cela.

Il s’agit ici de créer une prothèse du doigt très bon marché. Les deux inventeurs ont travaillé à distance et ont choisi d’ouvrir la conception plutôt que de déposer un brevet. L’argent n’est ici qu’on moyen pour continuer à travailler pour le bien commun et non un objectif d’enrichissement en soi.

Ce n’est pas autrement que nous changerons le monde

Sauf que pour que cela modèle fonctionne et soit valide pour le projet qui nous concerne ci-dessous, il convient de participer à la campagne. Il reste à peine 10 jours pour trouver un peu plus 1000 dollars. C’est jouable non ?

Prosthetic Fingers

Des collaborateurs à distance créent une prothèse de doigt peu coûteuse sous licence libre

Long-distance collaborators create inexpensive prosthetic finger

Adam Williams – 31 octobre 2012 – GizMag
(Traduction : ordiclic, geecko, seirl, greygjhart)

Quand l’artisan Sud-Africain Richard Van As perdit la plupart des doigts de sa main droite dans un accident d’origine industrielle, il décida d’essayer de créer une prothèse de doigt pour regagner une partie de sa mobilité perdue. Dans ce but, Richard demanda de l’aide auprès d’Ivan Owen, originaire de Washington, après avoir été impressionné par la vidéo que celui-ci, a postée sur YouTube, présentant une main mécanique. Le résultat pourrait être une aubaine pour tous les amputés, partout dans le monde.

Bien qu’ils vivent à plus de 15 000 kilomètres l’un de l’autre, Richard et Ivan se sont mis au travail en échangeant des courriels, des photos et des dessins tout en discutant par Skype pour construire un prototype fonctionnel. La tâche fastidieuse de produire la prothèse de doigt a commencé lorsque Richard a créé une réplique en plastique de sa main pour Ivan, de manière à s’assurer qu’ils travaillaient tous deux sur la même base, et de là le design a ensuite été peaufiné.

Le prototype en cours est tenu en place par un appareilllage, similaire à un gant, modelé pour correspondre à la main de la personne amputée. La prothèse de doigt, elle, consiste en un bras de levier rigide et un bout de doigt avec un tampon adhésif. C’est une approche qui relève beaucoup moins de la haute technologie que d’autres doigts prothésiques, comme ceux faits par Touch Bionics ? cependant, la prothèse est aussi bien plus abordable, et améliore significativement la capacité de Richard à attraper des objets.

Richard et Ivan tentent aujourd’hui de collecter des fonds pour leur permettre d’améliorer le prototype, et il ne leur reste que deux semaines pour atteindre le seuil des 5000$ (soit environ 3 900€) qu’ils se sont fixés. L’argent collecté jusqu’à maintenant a servi à payer une fraiseuse, alors que les donations futures serviront à amortir le coût du matériel, des outils et du voyage.

Plutot que de faire breveter leurs travaux, Richard et Ivan ont décidé de distribuer les plans librement afin de faire profiter d’autres personnes de leurs recherches, et l’objectif final est de proposer une prothèse de doigt sans autre coût que les matières premières. Le duo a aussi émis l’idée de proposer la prothèse sous la forme d’un kit peu coûteux à assembler soi-même.

Cette vidéo montre une démonstration du prototype de la prothèse de doigt par Richard et Ivan et raconte l’histoire du projet et de cette rencontre.




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Un dessin pour un soutien – Geektionnerd

Au cours de ce mois de novembre nous allons relancer notre appel à soutien car nous en avons bien besoin.

Il y a une corrélation directe entre la venue d’un deuxième permanent et, comme illustré ci-dessous par notre ami Gee, le dynamisme actuel de notre réseau qui a vu la sortie ou mises à jour de nombreux projets (et, vous verrez, ce n’est pas fini !). Mais cela a un coût.

Nous avons pleinement conscience que les temps sont durs. Nous savons également que certains d’entre vous nous ont déjà aidé par le passé.

On ne demande pas la lune (ou alors une tout petite), juste une base de donateurs (idéalement récurrents, par exemple à 10€/mois défiscalisable) pour nous permettre en toute indépendance de pérenniser la structure et continuer à assurer ensemble son futur développement.

-> Soutenir Framasoft…

Merci.

Soutenir Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Facebook : et si nous assistions au lent début de la fin ?

Ce n’est pas la première fois que nous vous proposons un témoignage raz-le-bol de Facebook qui joint la théorie à la pratique en décidant de quitter réellement le célèbre réseau social.

Après « la maman », voici « le musicien »… Et si ces deux cas isolés anticipaient un futur (et salutaire) mouvement de fond ?

Le constat va croissant, nombreux sont désormais les gens autour de moi qui n’aiment pas (ou plus) Facebook. L’attrait de la nouveauté envolé, les changement soudain de paramétrage qui désorientent et menacent notre vie privée, le temps passé dessus au détriment de « la vraie vie » (avec des morceaux de vrai(e)s ami(e)s dedans)… nombreuses sont les raisons qui font que la « douce saveur » du début a un arrière-gout de plus en plus amer.

Mais, contrairement à nos deux courageux, la grande majorité y reste pourtant, par habitude ou « parce que, vous comprenez, tout le monde est dessus ».

La parallèle est discutable mais ça me fait penser à tous ces utilisateurs, passés ou présents, enchaînés à leur système d’exploitation Windows. On finit par haïr Microsoft mais on en redemande quand même. Et cela porte un nom : addiction.

Facebook est le Windows de notre époque et il n’a toujours pas trouvé son GNU/Linux (puisqu’en l’occurrence notre musicien ne s’en va malheureusement pas beaucoup plus loin en choisissant Google+).

Phphoto2010 - CC by-nd

Facebook en voie de devenir le prochain MySpace ?

Is Facebook becoming the next MySpace?

Christian Grobmeier – 31 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : lgnap, tiossanne, Yuston, ehsavoie, Yann, Gatitac, unnamed4, Naar, Damien, Maxauvy, Paul, Simon Villeneuve, 3josh)

Je suis musicien amateur. Bon, entre Time & Bill et d’autres projets me prenant tout mon temps, je suis actuellement un musicien « en pause », mais en 2005, j’étais plutôt actif et je me souviens que nous voulions sortir notre prochain CD. Tous mes amis musiciens étaient sur MySpace et nous parlaient de la pub efficace qu’ils pouvaient y faire. J’ai toujours trouvé le site laid, mais il y avait tellement de monde dessus que je m’y suis inscrit à mon tour, j’y ai déposé nos chansons et j’ai fait l’effort de construire un réseau. Ça a bien fonctionné pendant un moment. Ensuite, il est apparu qu’il y avait plus de musiciens que d’auditeurs sur le site. J’ai reçu des tonnes de messages comme « Écoute mon nouveau titre » ou « Viens à notre concert ». Les commentaires sur notre page ressemblaient à un grand mur couvert de pubs collées par d’autres musiciens. Parfois, parmi tous ces messages, on pouvait voir des femmes nues proposant leurs services. J’ai fini par fermer les commentaires. Puis MySpace a commencé à « faire mieux» (NdT : nouveau slogan du site). Ça a échoué, le site est simplement devenu plus lent, laid et inutilisable. Finalement, j’en suis parti et me suis préoccupé uniquement de notre site web. MySpace était un vrai bazar et n’avait plus aucune utilité.

Ensuite, tout le monde est passé à Facebook. J’y ai jeté un œil, sans être emballé. Il était difficile d’y mettre de la musique. Il y avait un côté restrictif et j’ai vraiment détesté l’interface utilisateur, mais bon, là encore tout le monde s’y est inscrit, et j’en ai donc fait de même. J’ai trouvé quelques applications tierces qui permettaient à mes visiteurs d’écouter ma musique. Tout allait bien. Après quelques temps, j’y ai même retrouvé avec émotion de vieux amis. Tout semblait aller pour le mieux.

C’est alors que les jeux sont arrivés. Tout à coup, ce fut le bazar. Eh, je ne veux pas gagner d’or, tuer des dragons ou cultiver des salades. Je suis juste là pour discuter avec des amis et échanger avec les fans de notre groupe. Cela empira au point de vouloir quitter Facebook lorsque j’ai découvert FBPurity. Et les choses s’arrangèrent. Quand j’ai découvert comment faire pour que Facebook arrête de m’envoyer des e-mails « Veux-tu jouer à ce jeu super ? », tout est rentré à nouveau en ordre, apparemment.

J’ai pendant longtemps ignoré toutes les discussions sur la confidentalité des données. Je ne publie rien de sensible sur Facebook. Les photos téléversées sont du tout-venant. Je ne réponds pas à toutes les questions que Facebook me pose. Ainsi, j’ai pu vivre avec le fait que Facebook fasait des choses vraiment étranges avec mon profil. À un moment, des clients m’ont ajouté à leur liste d’amis, j’ai donc dû devenir plus prudent avec mon profil. Il est probablement étrange pour mes clients de lire sur mon mur les invitations de ma maman à récolter de la salade sur Farmville, mais bon, ils doivent faire avec.

La confidentialité des données — est-ce vraiment un problème ? Parce que j’ai appris que la majeure partie du contenu sur Facebook est de la vraie foutaise. « Aïe, je me suis cassé un orteil » est l’un des messages les plus intéressants. Parfois, quelqu’un a un bébé, et si c’est un vieil ami, je le sais déjà. Si c’est une personne dont je n’ai pas entendu parler depuis des années, ce n’est pas aussi amusant que de lire les bêtises d’un autre ami dans un bar. Alors, quelles sont les « données importantes » dont nous nous préoccupons tous ? Si ce ne sont pas les absurdités que nous écrivons, c’est probablement lorsque nous cliquons sur « J’aime », parce que Facebook sait alors que nous aimons Coca-Cola et qu’il peut vendre notre profil client à n’importe qui.

Néanmoins, je peux accepter qu’ils vendent mes données pour me fournir un service apte à promouvoir mon groupe et garder contact avec avec mon réseau de relations, même si l’interface est toujours un cauchemar. Depuis le lancement de Google+, Facebook est devenu encore plus bordélique. Par exemple, il me faut toujours un temps fou pour ajouter des évènements à une page qui m’intéresse pour un ami.

Maintenant, qu’est-ce qu’on nous propose ? Des pubs partout,me forçant à utiliser AdBlock+ (j’y suis passé). Du contenu bien souvent sans intérêt et trop chronophage, je suis bien assez occupé comme ça. Mon profil est vendu à des inconnus. Ah, et au fait, j’oubliais : Facebook modifie pas mal de choses sans notification préalable.

Par exemple, vous ne pouvez plus cibler tous les fans de votre page lorsque vous postez un nouveau contenu. C’est vrai, Facebook me conseille maintenant de payer pour cela. Voici un billet intéressant à ce sujet qui décrit la situation. Après tout, il faut bien compenser la chute des actions en bourse…

À présent, Facebook a largement dépassé la moisissure qu’était Myspace. Non, je ne paierai pas pour ça, et je vais cesser de poster du contenu. Pourquoi continuerais-je à en poster si personne ne le lit ? Pourquoi paierais-je pour discuter de choses futiles et anodines avec mes amis ? Le téléphone est bien moins cher ! Pourquoi paierais-je pour la présence de mon groupe sur cette plateforme alors qu’il ne génère aucun revenu actuellement ?

Il en va souvent ainsi j’imagine, parfois, les grands réseaux sociaux oublient que les utilisateurs ne sont pas que des machines à fric, et aussi qu’ils peuvent partir. Je compte d’ailleurs quitter Facebook au profit de Google+. J’y poste déjà le contenu de tous mes blogs, si vous souhaitez me suivre. J’aime beaucoup son interface. ses bulles, ses cercles et son tchat vidéo. On y trouve du contenu de meilleure qualité que sur Facebook, et beaucoup de spécialistes sur un sujet donné.

Ce qui fait que Twitter et G+ sont désormais mes principaux canaux de communication. Du moins, jusqu’à ce qu’ils empirent. Twitter fait déjà des choses étranges, comme avec ses nouvelles modifications plus restrictives de l’API. Voyons ce que le futur nous réserve.

Enfin, je crois fermement qu’un jour, il y aura un réseau social décentralisé fondé sur des outils open source.

Adieu Facebook. Tu ne me manques pas.

Crédit photo : Phphoto2010 (Creative Commons By-Nd)




Et si je proposais ma musique gratuitement sur le Web pendant une journée ?

« J’ai encaissé deux fois plus d’argent en une seule journée que ce que je touche d’habitude en un mois ! »

Andy Othling est musicien. Il est guitariste de tournée pour Future of Forestry et il a enregistré des albums personnels sous le nom Lowercase Noises.

Sa musique est cool et planante 🙂

Mais ce qui est encore plus cool c’est la très originale et probante expérience qu’il vient de mener sur Internet.

Sous le régime du copyright classique, ses albums sont présents sur le site de vente de musique en ligne Bandcamp (en passant cette plateforme est sans DRM et propose la format FLAC et Ogg Vorbis).

Présents et tous payants, sauf pendant 24h…

C’est le récit de cette folle journée qu’il vous raconte ci-dessous.

Attention, les conclusions pourront fortement heurter la sensibilité de certains hadopistes !

Lowercase Noises - Knate Myers

Que se passe-t-il lorsque votre musique est gratuite pendant une journée ?

What happens when your music is free for a day?

Andy Othling – 23 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Cyrille L., ehsavoie, Martin, Gatitac, Yann, ZeHiro, geecko, Naar, Sparty, Gaëtan, e-Jim, Tchevengour)

Il existe un débat houleux pour savoir si donner gratuitement sa musique est une bonne pratique ou non. Certains disent que cela dévalorise votre musique et vous empêche d’être pris au sérieux. D’autres pensent que c’est nécessaire pour attirer l’attention du public sur celle-ci.

Ce billet n’est pas là pour vous faire adhérer à l’une ou l’autre de ces thèses, mais plutôt pour vous présenter les résultats d’une expérience que j’ai menée il y a quelques semaines. J’ai voulu voir ce qu’il se passerait si je mettais toute ma musique à prix libre (avec un minimum de 0 $) sur ma page Bandcamp pendant 24 heures.

Comment je m’y suis pris

Voici comment j’ai travaillé : j’ai programmé l’envoi d’un e-mail à ma liste de diffusion le 4 octobre à 1 heure du matin annonçant à tout le monde que toute ma musique était disponible à prix libre, à partir de 0 $, et leur indiquant de faire passer le message à toutes leurs connaissances.

J’ai aussi programmé des mises à jour de mes statuts Facebook et Twitter pour la même heure, en demandant aux gens de diffuser l’information les prochaines 24 heures. Ensuite, j’ai programmé des tweets toutes les 2 à 4 heures et des mises à jour du statut Facebook toutes les 4 à 6 heures durant les 24 heures de l’opération, afin de leur rappeler l’offre spéciale.

Les résultats

C’était attendu, l’un des résultats est que beaucoup plus de personnes ont eu accès à ma musique. Ils ont tapé 0 $ et ont téléchargé tout ce qu’ils voulaient gratuitement. Mais d’autres choses intéressantes se sont produites.

Sur Bandcamp, le nombre de téléchargements est le facteur principal de la notoriété.

Puisqu’un grand nombre de personnes ont téléchargé ma musique (gratuitement ou non), mes albums furent propulsés en haut de beaucoup de listes du site. L’image ci-dessous montre les albums d’ambiance les plus vendus de ce jour si spécial :

lowercasenoises1.png

Comme vous pouvez le voir, mes six albums sont directement en haut de cette section. Génial ! (Y voir aussi Karl Verdake me réjouis !)

Être en haut de ces listes, c’est plus de nouveaux visiteurs.

Parce que ma musique a atteint les sommets de certaines listes de Bandcamp, elle est devenue plus visible à ceux qui parcouraient ces listes ce jour-là. Ci-dessous, quelques captures d’écran des pages de statistiques de Bandcamp du jour J :

lowercasenoises5.png

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Plus de 100 personnes sont allées écouter ma musique depuis la page d’accueil de Bandcamp et 50 autres l’ont fait grâce aux listes mentionnées plus haut. Ce sont des personnes qui ne connaissaient pas même l’existence de ma musique.

Les gens se sont vraiment passés le mot.

Je n’ai eu aucune honte a demander aux gens de diffuser autour d’eux que mes morceaux restaient gratuits pendant ces 24 heures. Grâce à cela, quelqu’un a spontanément relayé l’info sur Reddit. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, cela m’a apporté encore plus de nouveaux auditeurs :

lowercasenoises3.png

Une fois de plus, 202 nouveaux auditeurs rien qu’en demandant aux gens d’en parler autour d’eux !

Les gens continuaient de payer pour ma musique.

Maintenant, vous vous demandez probablement qu’est-ce que ça a donné en terme de rentabilité. J’avais prévu une chute des revenus, car c’est généralement ce à quoi on s’attend quand on commence à distribuer les choses sans contrepartie. Mais ce qui est en fait arrivé, c’est que, sur les ventes, j’ai encaissé deux fois plus en une seule journée que ce que je touche d’habitude EN UN MOIS. Oui, parfaitement, vous lisez bien. Une journée a davantage rapporté que deux mois en temps normal !

Je ne suis pas vraiment capable d’expliquer cela, mais je pense que ça s’est joué pour beaucoup sur la générosité réciproque. Les gens ont vraiment semblé apprécier que je fasse ce geste et ont répondu en donnant plus qu’ils ne le faisaient auparavant. J’ai ainsi été stupéfait par ceux qui ont décidé de donner davantage pour un album que le prix qu’il leur aurait coûté la veille.

Le plus important : les contacts

Plus d’argent, c’est génial, mais à mon avis ce n’est pas le plus grand succès de cette expérience.

lowercasenoises4.png

Vous pouvez constater qu’en une journée, j’ai ajouté plus de 450 noms à mon carnet d’adresses. Ce sont 450 nouveaux contacts dont je pourrais bénéficier à l’avenir, et 450 personnes de plus qui peuvent à leur tour relayer l’info si jamais je venais à répéter ce genre d’opération. C’est bien plus important à mes yeux que l’argent.

Récapitulatif

Donc, que s’est-t-il passé là?

  • Beaucoup de personnes ont récupéré ma musique gratuitement ;
  • J’ai gagné beaucoup d’argent de manière inattendue ;
  • J’ai de nouveaux auditeurs et des contacts pour mes prochaines sorties d’albums.

D’après moi, c’est du gagnant-gagnant. Il n’y a vraiment eu aucun coût pour moi à réaliser cette expérience, les gains se sont avérés énormes et mes auditeurs n’ont pas été abusés. Pour ne rien vous cacher mon taux de téléchargements payants a baissé de 22% à 8%, mais étant donné tout ce qui est arrivé, cela ne me gêne pas le moins du monde.

Alors, que cela signifie-t-il pour vous en tant qu’artiste ? C’est un peu plus dur à dire, étant donné que cela dépend de ce que vous avez mis en place et que la situation de chacun est différente. Mais, cela montre au moins l’importance de l’expérimentation. N’hésitez pas à essayer des choses pour voir à quoi vos fans vont réagir. Vous devez apprendre d’eux comme ils ont appris de vous.

Question : Et vous, avez-vous déjà proposé votre musique gratuitement ou bien à prix libre ? Cela a-t-il fonctionné ?

Crédit photo : Knate Myers