Dédicaces, BD, DRM et Yukulélé : l’interview Kamoulox.

La dernière fois qu’il a dédicacé dans cette librairie, il a sorti son yukulélé pour des moments… mémorables.

Gee est de retour dans la Librairie A Livr’Ouvert à Paris pour y dédicacer le premier tome de Grise Bouille qu’on vous a présenté il y a quelques semaines sur le framablog. Si vous voulez un beau dessin original sur votre exemplaire, il vous faut donc lui apporter une idée et votre bouille le samedi 28 mai, dès 15h, au 171 boulevard Voltaire à Paris (métro Charonne).

alivrouvert_mai_2016

À cette occasion (et parce qu’ils traînaient dans le coin) Frédéric Urbain et Pouhiou l’accompagneront pour présenter leurs romans publiés chez Framabook… mais surtout parce qu’une librairie libriste où Bookynette, la patronne, vous incite à apporter votre clé USB pour que vous téléchargiez les Framabooks qu’elle vend au format papier par ailleurs, c’est rare et précieux !

On ne résiste pas à l’occasion de s’offrir une petite interviouve croisée entre l’auteur de BD et la libraire qui l’accueille…

Questions à Gee (auteur illustrateur) et Bookynette (libraire libriste)

Dis, Gee : Grise Bouille est une anthologie du blog éponyme sur lequel tu dessines, écris, commentes l’actualité, déconnes, vulgarises de l’informatique… Bref : c’est un BD-blog au format papier. C’était facile le passage de l’écran au velin ?

Gee : Eh bah en fait très bien, et ça c’est principalement grâce à un merveilleux logiciel qui s’appelle Inkscape. Comme toutes mes BD sont au format vectoriel et sont assez « aérées » (dessins légers séparés uniquement par des blocs de textes), c’est très simple d’adapter la mise en page à un support papier. En gros, je divise mon dessin en hauteur en autant de pages que nécessaire et j’ajuste chaque élément (dessin, texte) pour qu’il couvre bien chaque page (et qu’il ne tombe pas sur une séparation entre 2 pages !). Là dessus, un petit script qui exporte chaque image en PNG (merci le mode console d’Inkscape), qui découpe chaque image en N pages (merci ImageMagick) et qui génère à la volée les fichiers TEX qui sont finalement inclus dans les sources du bouquin.

Pour être honnête, si je n’avais pas eu ces quelques outils libres (Inkscape et ImageMagick et un bon langage de script), ça m’aurait pris un temps fou. Mais avec un peu de bidouille et quelques commandes bien trouvées, on fait des miracles sous Gnunux 🙂

Du coup, t’es fier du rendu de ce tome ?

Gee : À mort. Et je ne dis pas ça pour me la jouer hein. Mais je suis content parce que je n’avais pas spécialement envisagé le passage au papier quand j’ai fixé le format de mes BD. Du coup c’est une bonne surprise que ça passe bien d’un format à l’autre sans trop avoir à tout retoucher dans tous les sens. Il y a juste les quelques aquarelles à la fin qui sont bien sûr diminuées (en noir et blanc et sur format A5), mais c’est plus un bonus dans le livre.

Et c’est aussi là que je me rends compte que j’en ai écrit un paquet, des BD, en 2015… je ne m’en rendais pas trop compte en ligne puisque chaque BD faisait exactement 1 image (plus ou moins longue), mais quand tu dois séparer en pages, bah tu arrives à un bouquin de plus de 250 pages ! Pas mal, non ?

Et qu’en pense notre libraire : ça se lit bien du blog-BD au format papier ?

Bookynette : Franchement, et c’est là qu’on voit l’expérience acquise, quand on compare Grise Bouille et les GKND, on voit la différence. C’est plus espacé, c’est clair, les textes, plus courts, sont toujours aussi frappants et quel humour ! Je défie quiconque de lire ce livre sans sourire une seule fois ! J’avoue l’avoir commencé à la librairie et être allée jusqu’au bout alors que je pensais me le dévorer le soir même. En quelques mots, quand on tombe dedans, on n’en sort plus. Les sujets sont variés, s’adressent à plein de publics différents, l’humour est élégant et on retrouve l’actualité traitée à la manière Gee ! Un régal.

Bookynette, ne nous cachons rien : tu es connue dans le monde libriste : membre de l’April, de Framasoft, de Parinux… Mais du coup il n’y a pas de grand écart entre libraire et libriste ? Par exemple à tes yeux (et en sortant les grand mots), le livre numérique tue-t-il la littérature ?

Bookynette : C’est difficile de répondre à cette question… Peux-tu définir ce que tu entends par livre numérique?

Il y a plusieurs sortes de livres numériques. Ceux avec et ceux sans DRM. Les DRM réduisent grandement les droits des lecteurs. Pour moi un livre numérique avec DRM est juste un service de location. Alors qu’avec un livre électronique sans DRM, l’utilisateur a globalement les mêmes droits que ceux dont il dispose avec un livre papier. Pour ceux que ça intéresse, je vous conseille cette vidéo que j’ai tournée avec mes coloc :

Pour en revenir à ta question, les livres numériques vendus par les éditeurs français sont tellement « menottés » qu’ils en deviennent quasi aussi chers que le papier. Pour se protéger, les éditeurs passent par des plate-formes professionnelles qui leur imposent les DRM, ce qui leur coûtent aussi cher que des libraires. Bref en France le livre numérique ne prend pas et n’est pas réellement un concurrent des libraires. Sauf pour les titres en langue étrangère… Mais perso, je n’en vends pas 🙂

Tu programmes de nombreuses animations dans ta librairie (dont des soirées Harry Potter)… Alors déjà, où est-ce qu’on trouve le programme, mais surtout : la venue d’une flopée d’auteurs Framabook, c’est un jour comme les autres à la librairie ?

Bookynette : Bon le programme tu le trouves sur mon site : alivrouvert.fr : ateliers pour enfants, club de lecture, soirée Harry Potter et bien sûr dédicaces ! Une journée avec les frama-auteurs c’est la fête non stop, no limite ! J’espère juste qu’il fera beau, parce que trois auteurs comme Pouhiou, Gee et Fred, vu leur carrure, ça va prendre de la place. Du coup, je les mettrais bien sur le trottoir [je sais j’ai déjà fait la blague en interne, mais je l’aime bien]. Et qui dit dédicace Frama, dit apéro après !

Et pour toi, Gee, aller à la rencontre du public et proposer une séance de dédicace…. C’est amusant, stressant, fatiguant ou revigorant ?

Gee : Un peu les quatre ? Bon, okay, pas spécialement stressant. Mais amusant parce qu’on rigole toujours bien avec les framacopains et ça fait toujours plaisir de rencontrer (ou de re-rencontrer) des lecteurs… surtout quand ce sont ceux à qui on parle déjà régulièrement sur les rézozozios 🙂

Bref, Grise Bouille, ce sont de longues heures solitaires à dessiner derrière un écran. Là, on voit des gens, on boit un coup, on passe un bon moment. D’où le côté revigorant. Et après, comme je suis ce qu’on appelle un « introverti » (si vous pensez que ça veut dire « timide », renseignez-vous un peu plus sur le sujet 🙂 ), j’ai toujours besoin de me poser tranquillement et au calme pendant un certain temps après ce genre d’événement pour recharger les batteries. Donc c’est fatiguant aussi (mais c’est bien d’être fatigué, des fois).

Bookynette, tu es une des (trop) rares librairies à proposer les Framabooks… Pourquoi ? C’est compliqué pour une librairie de proposer des éditeurs « hors normes » ? Et donc est-ce que c’est important pour toi en tant que libraire cette fonction de prescriptrice ?

Bookynette : Tout éditeur de livre qui ne passe pas un gros distributeur a du mal à se retrouver en librairie. Et puis les libraires n’aiment pas se compliquer la vie. Sans oublier que les Framabooks sont un peu hors norme… Il y a peu de demandes/clients pour les livres d’informatique, de thermodynamique et même de SF. Je ne sais pas si je suis prescriptrice mais en tout cas, je suis devenue fournisseuse officielle des franciliens et des librairies parisiennes (qui s’adressent à moi en m’envoyant leur coursier).

Si je me suis engagée à distribuer les Framabooks, sans marger, c’est parce que j’ai trouvé dommage de devoir obligatoirement passer un site internet En vente libre. En tant que libraire, libriste de surcroît, je me devais de distribuer ces livres et les rendre plus accessibles à tous les parisiens. C’était ma première contribution à Framasoft, maintenant je suis membre depuis peu et j’espère continuer à participer à cette association aussi vivante !

Concrètement vous deux, qu’est-ce qu’il va se passer le 28 mai, au 171 boulevard Voltaire ? On va (encore) y renverser du poiré ?

Gee : Alors moi je ne suis pas absolument pas responsable, mais j’ai vaguement entendu le mot « apéro » prononcé. Après, c’est p’têt une rumeur… sinon moi je dédicacerai à peu près tout ce que vous me mettrez sous le pinceau (ceci n’est pas un défi, ne mettez pas n’importe quoi sous mes pinceaux, merci). Et après si vous voulez juste passer pour tailler le bout de gras (c’est la vie), vous pouvez venir aussi, on mord pas (à part les bouts de gras, mais là c’est aut’chose).

Bookynette : Moi qui suis censée être responsable, dès 14h45, je vais installer une porte (et oui !) sur des tréteaux, avec une jolie nappe et des chaises hautes. Pi je vais acheter de quoi boire et manger, mais y aura pas de poiré car suis pas allée en Normandie cette année (gros sniff – suis en manque). Donc faudra vous contenter de bière et de chips (ça te fait rien de savoir qu’on va manger des chips ?! – la classe).

#défi : j’espère bien boire autant de verres que de livres vendus. 😀 Et puis je suis une fan du Yukulélé de Gee, donc y aura de la chanson.

Comme d’hab sur le framablog, on vous laisse le mot (ou le dessin) de le fin !

Gee : Courge.

(Oui, je finis façon Kamoulox.)

Bookynette  : Choisissez des livres ouverts !

Nodrm
CC-BY-SA Anne-Laure Marcault Source : April

Pour aller plus loin :




Framateam : libérez vos équipes des groupes Facebook (et de Slack)

Voilà un service de discussion qui se destinait, au départ, aux « dév », aux gens qui codent. Mais quand nous avons vu ses incroyables possibilités, on s’est dit que ce serait  dommage que la famille Dupuis-Morizeau passe à côté… Prêts à chatter comme vous ne l’avez jamais fait ?

Pour vous expliquer notre nouveau service Framateam, on s’est dit qu’une histoire et des images seraient bien plus efficaces qu’une longue liste à puces. Mais adressons-nous d’abord un court instant aux spécialistes de la programmation, aux plus barbu-e-s d’entre nous.

Pour les geek-e-s qui veulent aller à l’essentiel

Connaissez-vous Slack ? C’est encore un service propriétaire qui, à l’instar de Github, prend de plus en plus de place dans le paysage des développeurs. Mattermost en est une alternative libre et — bonus — qui est livrée avec Gitlab depuis quelques versions. Voici ses fonctionnalités :

  • service de discussion en temps réel basé sur le logiciel libre Mattermost
  • fonctionnement optimal sur les mobiles (il existe des applications Android/iPhone/WindowsPhone, mais Mattermost fonctionne très bien sans)
  • création d’équipes, qui contiendront des « canaux »
  • création de canaux soit publics (tous les membres de l’équipe) soit privés (le créateur du canal invite les membres de son choix)
  • possibilité de partager l’administration d’une équipe ou d’un canal
  • conservation de l’historique des canaux
  • mise en forme du texte à l’aide de la syntaxe Markdown
  • possibilité de chercher dans des discussions
  • possibilité de notifier les membres par email (notifier l’utilisateur « Camille » par @camille ; notifier tous les membres du canal en utilisant @channel)
  • possibilité d’ajouter des fichiers (images ou autres)
  • utilisateurs avancés : liaison possible avec framagit.org (notification à l’ouverture d’une issue, d’un commentaire, etc.)
  • utilisateurs avancés : importations depuis Slack

Notre Mattermost est accessible sur https://framateam.org.

Voilà. Bisous.

Pour les autres, laissez-nous vous raconter une histoire…

L’asso LICORNES veut quitter son groupe Facebook

Vous ne connaissez pas la Ligue des Infatigables Comparses Optimistes Reniant le Nihilisme et Éclatants de Sollicitude…? Si, en réalité, cette association n’existe pas… elle devrait !

Sandrine, la présidente, en a marre d’utiliser Facebook pour discuter avec les membres, sans compter le Skype ouvert en permanence à côté pour chatter en privé avec le Conseil d’Administration ou le bureau de l’asso.

Créer sa team

Elle décide donc de se créer un compte Framateam. Ça, c’est facile : le truc classique, en trois étapes :

  1. Créer sa team (chouette : c’est elle qui décide si la team entre dans l’annuaire public ou non !)
  2. Se créer un compte (elle, elle utilise son compte Gitlab chez Framagit, parce que c’est une pro du Perl)
  3. Inviter les membres de l’asso avec leur email (elle teste avec l’email de Gérard, elle invitera les autres quand ce sera prêt)

Très vite, elle se rend compte que Framateam marche sous forme de canaux de discussion : il y a déjà le Centre Ville, pour la vie de l’asso, et le Hors Sujet, pour les galéjades. Ça tombe bien, chez les LICORNES, ça galèje souvent.

Elle décide de créer en plus un canal pour son équipe de graphistes tout terrain, qui font des affiches à paillettes et des sites web mirifiques.

framateam nouveau canal zoom

Premiers échanges

Et voilà que pendant qu’elle mitonnait ses canaux de discussion dans son coin, Gérard est déjà arrivé sur leur Framateam et y poste le lien vers une image de licorne musclée qu’il a trouvée… Magie de Mattermost : l’image s’affiche automatiquement !

Sandrine répond — forcément — avec un chaton-licorne (mieux connu sous le nom de « Dieu des Zinternetz »).

Framateam images

Création de canaux

Framateam canaux
Faut dire que pendant ce temps, Sandrine a eu le temps de créer plusieurs canaux de conversations.

  • Des publics (ouverts à tout membre de la team) :
    • Le Centre Ville et le Hors Sujet, qu’elle a décidé de garder
    • Le canal pour les Graphistes tout terrain est prêt.
    • Il en fallait un pour les Événements de l’asso (les soirées Paillettes et autres rencontres Arc-En-Ciel : c’est de l’orga !)
    • Pour la Trésorerie (laissons-les parler sous de leur côté, se dit-elle…)

 

  • Mais aussi des groupes privés (où il faut sélectionner les membres de la team qui y participeront) :
    • Un pour le Conseil d’Administration
    • Un pour le Bureau
    • Un pour préparer l’anniversaire de Gérard dans son dos 😉

Mise en forme des messages

D’ailleurs, pendant que Gérard s’amuse à inviter les autres membres du groupe sur Framateam (en leur envoyant un simple lien d’invitation à l’équipe !), elle décide de préparer le message pour organiser la surprise-party de l’anniversaire de son comparse :

Framateam canal secret

Alors comment a-t-elle fait pour mettre en page un aussi joli message ? Sandrine avait tout simplement cliqué sur « aide » en bas à droite et a lu, dans la documentation (traduite avec brio par le groupe Framalang), qu’il suffisait d’écrire son message en Markdown (LA syntaxe facile à retenir et utiliser). D’ailleurs elle a fait une coquille sur son message, elle clique donc sur le [...] à droite de son message pour le modifier :

Framateam markdown zoom

Fil de discussion et recherche

De retour sur la discussion principale, Sandrine se rend compte que sa question à Gérard (« Mais où sont passés nos flyers ? ») s’est un petit peu perdue dans les échanges.

Néanmoins Gégé a eu la bonne idée de répondre directement à sa demande en utilisant la flèche à droite de son message.

Framateam conversation 2

Car oui : le logiciel Mattermost qui fait tourner Framateam permet de conserver tous les messages et de faire des recherches dans les discussions.

Quelques jours plus tard, Sandrine fait une simple recherche du mot « flyer », ce qui lui permet de retrouver son message ainsi la réponse de Gérard. Elle le relance donc :

Framateam conversation

Notifications

Sandrine connaît son Gégé-accros-aux-emails : elle a donc mis une arobase devant son pseudo :

Framateam conversation zoom 2Gérard n’était pas devant son écran, il a reçu un joli email de Framateam pour lui signaler qu’il a été mentionné dans une conversation.

Framateam email notification

La morale de cette histoire…?

C’est que les flyers étaient bien dans le coffre de la voiture de Gérard.

C’est surtout que les LICORNES se sont un peu plus libérées de Facebook, et peuvent désormais organiser leurs distributions de paillettes sans craindre de nourrir de leurs data l’ogre bleu de Zuckerberg.

Et même si vous croyez que les LICORNES n’existent pas (à vous de les créer comme on l’a fait pour le Framablog ^^), Framateam existe bel et bien.

À vous d’y créer votre (ou vos) équipe(s) sur Framateam.org !

 

Mise à jour du 5/08/2016 :
Le tutoriel d’installation de Mattermost est -enfin- disponible sur le Framacloud.
Notez que cette installation est conjointe à celle de Gitlab (Framagit) puisque c’est ainsi que nous avons procédé 😉



À la rencontre des géographes libres

Le logiciel libre a un important rôle à jouer dans la manipulation de données géographiques, qui doivent impérativement rester un bien commun. À l’occasion d’un rassemblement des acteurs de ce milieu, nous avons demandé à en savoir plus.

Avertissement : c’est pointu
Avertissement : c’est pointu

 

Salut Étienne. Tu es le président de l’association OSGeo-fr qui selon son site « est la représentation Francophone de la fondation Open Source Geospatial dont la mission est d’aider et de promouvoir le développement collaboratif des données et des technologies géospatiales ouvertes. »

J’ai rien compris. C’est quoi, le géospatial ?

Alors le Géospatial, ça ressemble un peu à un pléonasme, Géo pour géographique et spatiale pour l’espace. Bon en ce qui nous concerne, le géospatial renvoie au Système d’information géographique (SIG ou encore GIS en anglais). Les SIG sont à considérer comme une architecture, un système, informatique pour stocker et traiter des données géographiques.

L’OSGeo-fr est une association française qui est née il y a 10 ans pour donner de la visibilité aux logiciels libres en géographie (géomatique). Le fr c’est parce que nous sommes le « chapitre » (comme les loges maçonniques :-)) français d’une fondation internationale : http://www.osgeo.org/.

Logo OSgeo fr
Logo OSgeo fr

Parmi nos actions, nous organisons le FOSS4G-fr tous les deux ans à Paris en partenariat avec l’ENSG, des rencontres utilisateurs Qgis tout les ans à Montpellier avec les étudiants du Master AgroTIC, des semaines de traduction des interfaces et de la documentation pour les logiciels incubés par l’OSGeo. Cette année nous avons également soutenu un CodeSprint de l’OSGeo à Paris en début d’année.

Notre objectif vise à rassembler et dynamiser la communauté des développeurs et des utilisateurs francophone. La première édition du FOSS4G-fr a eu lieu en 2014 sur 3 jours à l’ENSG de Marne-la-Vallée, et a rassemblé 250 personnes.

FOSSAG 2014
FOSSAG 2014

 

Nous relancerons la machine pour 2016.

C’est toujours pas super clair.

Nous, à l’OSGeo, ce qui nous occupe, nous intéresse et nous passionne, ce sont tous les outils qui permettent de construire des cartes. Les contributeurs d’OpenStreetMap le savent, avant d’aboutir à une carte comme la Top25 de l’IGN ou à la carte OSM, un travail de sélection et de mise en forme de l’information doit être fait. On peut identifier plusieurs phases dans le processus et pour chaque phase, il existe une constellation de logiciels libres pour aider l’Homme dans cette tâche.

La création de données : comme dans OSM, on part bien souvent de photos aériennes, et on peut numériser à la main les différentes formes qu’on observe. Eh bien il existe d’autres méthodes qui consistent à faire construire ces formes par l’ordinateur. On pourra par exemple parler de GRASS-GIS, orfeo-toolbox ou encore R avec certains packages. L’évolution des capteurs d’acquisition de données (photos multi-band, infrarouge, LIDAR, etc.) ouvre régulièrement de nouvelles applications et de nouvelles possibilités dans le traitement de la donnée spatiale.

Donc pour revenir à la question, les technologies géospatiales manipulent des données dont l’objet est l’espace, sa représentation et sa modélisation.

Pourquoi le fait de travailler avec des logiciels libres est-il si important ? Que se passerait-il si la discipline était noyautée par les GAFAM ? Par l’Oncle Sam ?

Quand on parle de logiciel libre personnellement je pense immédiatement à des questions de justice sociale et justice spatiale (ben oui :-p). La cartographie est initialement un outil mobilisé pour la conquête. Qu’on pense au militaire ou au navigateur, leurs objectifs étaient de prendre possession de l’espace. Quand j’ai commencé à travailler avec des outils géomatiques, le libre existait bien sûr, mais il n’avait pas le droit de cité dans ma formation. Et je me suis retrouvé en stage dans une structure qui n’avait pas les moyens de se doter de logiciels « métier ».

Le logiciel libre a été un moyen de s’émanciper de cette contrainte et de permettre à la structure en question de pouvoir continuer à utiliser mon travail. Aujourd’hui les choses ont beaucoup changé, en grande partie grâce à Qgis qui a complètement redistribué les cartes (haha). De plus en plus de formations proposent des cours sur Qgis en plus des outils plus « traditionnels », et le dynamisme de la communauté des utilisateurs et des développeurs y est pour beaucoup !

Le web n’est pas à la traîne, openLayer est une librairie JavaScript incontournable, postgreSQL et PostGIS pour le stockage en base de données se sont largement imposés, etc . Donc pour moi les logiciels libres de l’OSGeo répondent bien aux questions de justice sociale en permettant à tous d’avoir accès à des logiciels et des algorithmes de qualité, ce qui nous conduit à la justice spatiale… il n’y a plus de contraintes à ce que la terre soit cartographiée par les gens qui la vivent !

Pour ce qui en est de l’oncle Sam… eh bien GRASS-GIS par exemple à été développé au départ par l’armée américaine et donné à la communauté.  Pour les GAFAM, ils restent ambigus non ? Google pour ne citer que lui a largement contribué à diffuser la cartographie sur Internet. Mais bien sûr la licence d’utilisation n’est pas acceptable ! On ne pourra pas non plus identifier combien de développements ont été permis grâce au Google Summer Of Code… Bon je parle beaucoup de Google… Peut-être que les autres sont moins ambigus ! :-p

Les données sont donc libres aussi (opendata) ?

Bien sûr, on parle aussi d’OpenData en géomatique ! La première source à laquelle on pense est bien sûr Openstreetmap et sa communauté qui font un travail formidable, aussi bien en ce qui concerne la numérisation de données que l’alignement avec d’autres référentiels. En France, par exemple, je ne sais pas si vous avez suivi, mais le projet Bano est assez exemplaire. L’idée repose sur une convention entre  l’IGN, le Groupe La Poste, l’État et OpenStreetMap France pour proposer la BAN (Base Adresse Nationale), qui sera la base de données adresse de référence en France.

Mais pour les gens qui veulent traiter d’autres données on trouve beaucoup d’autres sources sur internet : STRM, ASTER

Vous avez l’air très dynamiques : deux réunions en France en mai, une autre à Bonn en août. Vous avez beaucoup de choses à vous dire ou c’est pour manger des petits fours entre copains ?

Du dynamisme ! Oui oui on fait ce qu’on peut. 🙂

La communauté Osgeo-fr est nationale il faut donc arriver à créer des événements conviviaux pour que l’investissement en temps soit agréable ! Pour les francophones il y a donc cette année trois rendez-vous. Le premier est déjà passé et s’est déroulé à Montpellier en partenariat avec le Master AgroTIC de SupAgro. Ce rassemblement était dédié à Qgis et plutôt orienté utilisateurs et retour d’expérience.

Le second aussi est passé, il s’adressait plutôt aux développeurs : il s’agissait d’un code Sprint organisé à Paris en début d’année. L’objectif est de rassembler pendant un certain temps des développeurs pour avancer de concert au développement de nouvelles fonctionnalités et à la correction de bugs.

Enfin l’événement à venir, j’en ai déjà touché deux mots en introduction, est une rencontre plus large orientée tout à la fois développeurs et utilisateurs avec deux sessions parallèles. Le programme est sorti et il est incroyablement intéressant avec 10 workshops et 41 conférences en 3 jours. De quoi mettre le pied à l’étrier si vous êtes intéressés par les technologies géospatiales !

Nous organisons également des événements en ligne comme une semaine de traduction. À ce moment là, les personnes motivées se retrouvent dans des salons IRC pour avancer là aussi de manière concertée sur la traduction des interfaces et de la documentation pour permettre au plus grand nombre d’utiliser les logiciels.

Quel est l’avenir de la discipline ?

La prospective est toujours un exercice difficile parce qu’on passe toujours à côté de quelque chose ! Aujourd’hui si je réfléchis un peu aux évolutions depuis notre dernière édition du FOSS4G-fr : les technologies webSIG semblent se stabiliser après la sortie d’OpenLayers 3, on gère bien les données grâce des SGBD toujours plus performants, les web-services WMS, WFS, WPS, s’ils sont toujours en ébullition, sont déjà utilisables par la communauté.

La gestion de données 3D en base de données avait fait l’objet de plusieurs ateliers et présentations l’année dernière. Il semble que cette année le logiciel libre en géomatique et le géospatial s’investissent largement dans le traitement de données issues de drones, ce qui bien sûr remettra sous les spotlights le stockage.

Dans un autre domaine, la gestion des métadonnées géographiques reste également une question brûlante surtout avec l’émergence des organismes de diffusion de données de géographie produites par les territoires.

Pour conclure, le spatial prend de plus en plus d’espace dans les préoccupations, ce qui conduira de plus en plus de gens à migrer vers des outils open source ou libres pour reprendre la main sur ces données. Pour preuve un certain nombre de présentations au FOSS4G-fr de cette année sont des retours d’expérience de migration, de financement, par des entreprises, des associations ou des services de l’État vers le logiciel libre en géographie.

Est-ce que le grand public peut vous aider ? Ça a l’air d’un nid d’universitaires super-pointus, votre bidule…

Des universitaires ? Pas tant que ça 🙂 ! Pour le grand public, il me semble que si la question ne se pose pas encore pour tout le monde, nous allons vers une généralisation de l’utilisation des données géographiques. Quand le besoin se fait sentir, les solutions émergent. Aujourd’hui s’il est vrai que certaines solutions nécessitent quelques compétences, d’autres comme Qgis, gvSIG ou OpenJump pour n’en citer que trois sont à la portée du plus grand nombre.

Par ailleurs si vous voulez essayer toutes les saveurs des outils Osgeo, vous pouvez télécharger le live DVD traduit par la communauté.

OSgeo live
OSgeo live

C’est sans doute un bon moyen d’explorer les solutions simples comme les architectures plus compliquées sans complexe ni découragement. Si cela pique votre curiosité n’hésitez pas à venir rencontrer d’autres utilisateurs et développeurs au FOSS4G-fr, aux rencontres Qgis, ou au GeoCamp organisés dans différentes villes de France. Des moments de partage et de convivialité après lesquels tous les participants ressortent plus riches.

Pour en voir plus, une vidéo sur l’impressionnant plugin Cadastre

 

http://www.osgeo.asso.fr/




Olympe a besoin d’un coup de main

Olympe, hébergeur gratuit, libriste et sans pub (un parfait exemple de CHATONS, quoi) a lancé un financement participatif pour faire face à ses difficultés.

Comment en est-il arrivé là ?

 

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Olympe, hébergeur gratuit depuis 2006

Vous hébergez des sites gratuitement, avec des outils libres, sans publicité. Depuis combien de temps ?

Olympe c’est une initiative qui a commencé il y a maintenant 10 ans, avec trois amis, trois passionnés de technologies. Fin 2006, l’idée naît d’une association, elle sera créée et immatriculée dans le courant de l’année 2007.

Dès la toute première version, l’objectif est clair : hébergement gratuit et sans publicités. Cette volonté est partie d’un constat simple : le Net est un domaine en plein essor, qui explosera davantage encore dans les années à venir, et pourtant aujourd’hui, pour publier il faut soit de l’argent, soit subir des pubs.

À l’époque l’hébergement n’était pas une chose aussi courante qu’aujourd’hui. C’est devenu beaucoup plus vital de nos jours pour n’importe quelle entreprise, association, activité quelconque, fût-elle locale, d’avoir un site web, et pourtant ce clivage est encore plus vrai qu’avant. Soit vous avez de quoi payer un hébergement, soit vous mangez des pubs à longueur de journée, et de plus en plus.

Vous étiez soutenus par une entreprise-mécène, c’est ce qui vous avait motivés à faire du gratuit ? Ou il y avait une autre raison ?

Ce n’est pas le soutien de l’entreprise en question qui a motivé le gratuit, puisqu’elle est arrivée bien après. Mais Olympe il y a encore quelques années était une structure bien plus modeste, qui n’affichait pas les 90 000 utilisateurs qu’elle compte aujourd’hui. C’était essentiellement les membres de l’équipe qui contribuaient à ce qu’Olympe vive, et les coûts étaient évidemment bien moindres.

Aujourd’hui, cette structure a évolué, s’est sécurisée, a appris de ses faiblesses pour s’améliorer, et s’est stabilisée. La philosophie du gratuit a pu subsister grâce à cette entreprise-mécène, et nous pouvons l’en remercier, effectivement, mais à l’origine il y avait surtout une pensée tournée vers le libre et le partage.

Ce mécène n’est plus en mesure de vous financer, c’est bien ça ?

En effet, elle a financé durant plusieurs années l’infrastructure en grande partie, et a fini par être rachetée fin 2015 par un investisseur beaucoup moins philanthrope que ses prédécesseurs. Dès lors, la fin du mécénat nous a été notifiée et nous avons dû réfléchir en quelques semaines aux possibilités qui s’offraient à nous.

Dans un premier temps, la réaction a été celle de l’urgence : à cette période il a fallu renouveler les serveurs, ce que le président de l’association a fait intégralement à sa charge. De fait, on a dû couper dans les dépenses, et il a fallu réduire le nombre de services proposés pour nous en tenir au minimum vital. Tous les services jugés accessoires (génération de statistiques, certains monitorings…) ont été écartés.

Puis vint la seconde étape : OK, les serveurs sont renouvelés, mais pour combien de temps ? Que fait-on à l’échéance ? Clairement, Olympe n’était plus viable à long terme.

Du coup, vous avez lancé un financement participatif…

On a exploré un tas d’hypothèses. On a bien tenté de remémorer à nos utilisateurs l’existence de notre page Tipeee, appelée à recevoir quelques dons régulièrement. Mais pour vous donner un ordre d’idée, en 9 mois d’existence, cette page a recueillie 240 euros. Soit un quart des frais incompressibles mensuels nécessaires pour faire tourner Olympe.

L’idée de faire du payant nous a traversé la tête un instant, mais ça équivalait à renier toutes ces années de gratuité proposer ce que nous dénoncions dès le début. Je n’évoque même pas l’insertion de publicités sur les sites…

Il ne restait alors qu’une solution : lancer un crowdfunding (ou une campagne de financement participatif, pour les adeptes de la langue française). L’idée est connue : un mois pour réunir une certaine somme, en l’occurrence 40 000 euros. Jusqu’au 4 mai, on espère donc collecter cette somme et pouvoir mettre en œuvre un projet solide et détaillé sur la page de la campagne d’hébergement, d’innovation, et de communauté. L’idée est que cette base nous permette d’atteindre d’ici trois ans un équilibre, grâce au fonctionnement mis en place.

Vous avez besoin de 40 000 €. Que se passera-t-il si ça ne réussit pas ?
C’est effectivement une somme conséquente, et on peut légitimement se demande pourquoi autant. En réalité, la lecture du projet mis en œuvre par l’équipe répond assez bien à cette problématique, car 40 000 euros c’est trois ans d’hébergement assurés.

La campagne est lancée à objectif fixe : soit Olympe reçoit 40 000 euros d’ici le 4 mai, et l’aventure se poursuivra, soit nous ne réunissons pas la somme, et Olympe devra fermer ses portes définitivement. Ce seront alors des milliers d’utilisateurs qui verront leur site inaccessibles, et des milliers d’autres qui devront se rabattre en urgence sur d’autres hébergements, pour la plupart nécessitant de sortir une carte bleue.

C’est beaucoup d’argent, mais vous revendiquez 90 000 utilisateur-ices. Si chacun-e donne 0,50 €, c’est réglé, où est le problème ? C’est peut-être un poil plus compliqué que ça…

On a évité de retenir la base « 90 000 x 1 euro = 90 000 €, nous sommes sauvés ! », pour la simple et bonne raison que ça serait se mentir. Tout d’abord, il s’agit d’une statistique : il existe sans nul doute des utilisateurs qui n’utilisent plus leur site, d’autres qui n’en ont jamais mis en ligne, d’autres qui ont supprimé leur site et conservé leur compte au cas où… si bien que tous ces utilisateurs ne sont pas directement touchés par une fermeture imminente. C’est un peu comme si je vous disais que la boulangerie au pied de chez vous allait fermer, alors que vous ne mangez plus de pain (bon, je sais qu’attaquer le pain en étant Français c’est dangereux mais vous voyez l’idée) !

De fait, en admettant que l’on ait un utilisateur actif sur deux, et que chacun donne 1 € on arrive tout juste à la somme escomptée. Et c’est effectivement illusoire que de s’attendre à ce que tout le monde donne, pour deux raisons.

Premièrement, Olympe est associé légitimement dans l’esprit commun à la gratuité. Or, le gratuit qui demande de payer, psychologiquement c’est un cap difficile à passer pour beaucoup d’utilisateurs. Ce n’est pas la somme qui est bloquante mais l’acte du paiement : pour preuve, ceux qui ont donné ont très largement dépassé les 1, 2 ou 5 euros. Le don moyen varie entre 10 et 20 euros.

Deuxièmement, donner n’est pas à la portée de toutes les bourses, et c’est là-aussi l’intérêt d’un crowdfunding : ceux qui peuvent et qui partagent nos valeurs participent pour ce qu’ils en retirent, mais également pour en faire profiter d’autres, moins avantagés. Donner 10 euros quand on est cadre sup’ et donner 10 euros quand on est au chômage, vous en conviendrez, ce n’est pas la même chose.


Quel est le portrait-robot de vos « clients » ?

Difficile de dresser un portrait-robot d’autant d’individus. Les utilisations d’Olympe sont variées : des sites de petites entreprises locales, d’artistes, de jeunes développeurs en herbe qui se font les dents, d’enseignants qui partagent avec leurs élèves, de « youtubeurs » qui fédèrent leurs communautés, de gamers, tout un tas d’associations locales (anciens combattants, amicales de retraités, amicale de la gendarmerie…), les sites de partage d’événement, notamment des mariages, des sites institutionnels…

C’est difficile de dresser un profil commun à tous. S’il y a une variable commune c’est que nous avons un public globalement cohérent par rapport à l’offre gratuite. Ce sont énormément de personnes qui n’ont pas de quoi s’héberger chez un professionnel.

Pensez-vous qu’il/elles seraient d’accord pour payer une cotisation ? Leur avez-vous posé la question ? Avez-vous d’autres idées pour fonctionner ?

L’idée d’une cotisation a été évoquée lors de notre phase de réflexion, évidemment. Mais sans rentrer dans les détails, ça revient encore une fois à retomber sur de l’hébergement payant : soit vous payez votre cotisation et vous êtes hébergés, soit vous ne payez pas et vous supportez les pubs.

Qu’une cotisation soit proposée aux utilisateurs qui souhaitent acquérir un statut de membre à part entière, c’est effectivement un souhait que nous avons de longue date mais qui n’a pas été mis en œuvre pour l’instant. Que cette cotisation subordonne l’accès aux services, c’est inconcevable au regard des valeurs que nous voulons véhiculer depuis tout ce temps.

Les autres idées nous les avons, et nous adorerions pouvoir les mettre en œuvre, mais nous agissons dans l’urgence : aujourd’hui on ne réunit pas 40 000 euros pour être tranquilles pendant 3 ans, on les réunit pour mettre en place pendant ces trois ans un projet sérieux, structuré, réfléchi pour aboutir à une stabilité financière à l’horizon 2018.

Est-ce que ça signifie que le gratuit, ça ne peut pas marcher ?

Nous n’avons — fort heureusement — pas pris ce postulat, sans quoi nous n’aurions jamais lancé la campagne qui suit son cours actuellement. Le gratuit peut marcher et doit marcher à une époque où le Net est avalé par des géants qui monétisent au maximum un service se voulant, à l’origine, libéré de tout cela.

Nous y croyons, et c’est bien pour cela que nous nous battons depuis 8 ans sur Olympe et pour Olympe. En huit ans, on a participé régulièrement aux RMLL, on a organisé des activités de formation en Afrique, on a connu une augmentation constante de nos utilisateurs : il y a forcément une place pour le gratuit.

Nous y croyons, et nous continuerons d’y croire.

On est encore loin du but… Si vous souhaitez aider Olympe, c’est le moment.

https://www.olympe.in/




Boris, ébéniste libre

La culture libre, ce n’est pas que du logiciel, de la musique et des bouquins !

Boris nous parle d’ébénisterie libre, et rien que de voir ses vidéos ça donne envie de s’y mettre.

 


Qui es-tu ? D’où viens-tu ?
Je suis Boris Beaulant, un garçon qui a grandi en bricolant avec les outils de papa, un jeune ingénieur diplômé qui a passé dix années dans l’univers de la programmation et y a découvert le philosophie du logiciel libre. Et maintenant, un homme qui a eu envie de bifurquer en se reconvertissant pour devenir ébéniste.
Je crois pouvoir dire que mon parcours scolaire m’a appris à apprendre. Pour le reste, c’est donc en autodidacte que je me suis formé. Autant devant un ordinateur que devant un établi.

Quel est ton projet actuel ? En quoi consiste-t-il, exactement ?
Mon projet (enfin, le projet qui nous occupe ici) est grandement lié à mon parcours, à la manière dont j’ai appris les choses et à la philosophie qui était derrière. Ce projet, c’est L’Air du Bois. L’Air du Bois c’est un site web, mais pas que. Lancé en février 2013, L’Air du Bois est une plate-forme qui permet à chacun de partager ses connaissances autour du travail du bois et de venir en puiser d’autres. L’Air du Bois, c’est donc une communauté réunie autour d’un outil et d’une philosophie.
Cette philosophie maîtresse qui a guidé le développement du site est de permettre à chacun de contribuer simplement et à son niveau à un tout plus grand. Ce tout restant libre et gratuit.
Rien de complètement neuf. C’est finalement un mode d’échange qui existe naturellement chez l’homme. Là où pour moi l’outil avait tout son intérêt, c’est qu’il devait savoir réunir, classer, organiser, présenter… bref faire tout ce qui peut être rébarbatif pour les contributeurs et visiteurs.

Est-ce que ta démarche correspond à ce que les anglo-saxons appellent open-hardware ?
Je ne connaissais pas le terme open-hardware. À la lecture de la définition sur Wikipédia, je pense qu’il y a des similitudes dans la démarche.

Où veux tu aller ? Comment ? Avec qui et pourquoi ?
Ce qu’il faut voir, c’est qu’un tel projet peut aller très loin en terme de profondeur de contenu. Mon ambition, c’est qu’il puisse être une véritable boîte à outils de l’amoureux du travail du bois. Autant catalogue d’idées et de savoirs qu’annuaire de bonnes adresses. Bref, répondre au mieux aux questions qu’on peut se poser quand on travaille le bois.
Excepté pour des questions d’éthique, il n’y a pas de super contrôleur de contenu (modérateur) sur L’Air du Bois. Ce que j’aime à penser, c’est que ce type de plate-forme peut s’autogérer si elle a été pensée pour. Et c’est bien là qu’est la force du « qui ».
Par ailleurs, je ne vois pas L’Air du Bois comme un outil qui se contenterait d’exister seul. Je ne l’imagine pas sans chercher à collaborer avec les autres moyens d’échanger (forums, réseaux sociaux, wiki, etc.).

Le libre et la licence libre — pour toi, qu’est-ce que c’est ?
La notion du libre est assez large à mes yeux. D’autant qu’elle peut s’appliquer sur une multitude de domaines. Mais une chose reste générale pour moi, c’est la volonté d’échange et de mise en commun hors du système monétaire. Ce que A fait peut être complété par B pour servir à C. Et cet ensemble est mouvant. Chacun peut à son tour être soit contributeur, soit utilisateur.

Comment penses-tu l’inclure dans ton projet ou t’inclure dans le projet du libre ?
Sur L’Air du Bois, il y a plusieurs niveaux de partage. On y partage des projets concrets, des idées, des méthodes, du savoir. Chaque niveau peut avoir ses nuances. Mais d’une façon générale, les contributeurs auront le choix de partager suivant les diverses variantes de la licence Creative Commons. Et le panel est resté complet, parce que, à mes yeux, la philosophie du libre c’est aussi avoir le choix.

Nous, les libristes de l’informatique, on écume les salons et les conventions avec notre PC sous le bras. Est-ce que tu montres tes machines à bois ? Est-ce qu’on peut te rencontrer en vrai ?

Bien sûr, qu’on peut se rencontrer en vrai ! Et ça me ferait grand plaisir de montrer mes machines et mon atelier. Ma porte est grande ouverte.
Si tu as la curiosité de voir mon boulot tout de suite, je t’invite à jeter un coup d’œil sur mes vidéos.

Le Zélo - vélo couché en bois par Boris sur L'Air du Bois
Le Zélo – vélo couché en bois – photo Boris Beaulant – licence CC-BY-NC-SA

Comment est-ce qu’on peut t’aider à faire avancer ton projet ?
En en parlant, c’est déjà un gros coup de main. Après, pour aller plus loin, je me dis que l’Air du Bois ne doit pas rester comme un truc à part. Ça doit pouvoir s’intégrer dans une mouvement plus large. Et dans ce sens, je recherche des « partenaires » qui pourraient à la fois être utilisateurs et contributeurs (de contenu) de cet outil. Je pense aux FabLab, aux ateliers associatifs, etc.

Le message est passé !
http://www.lairdubois.fr/

logo l’air du boisMerci à Raymond Rochedieu, le doyen du groupe Framabook, d’avoir mené cet entretien.




Hypra : la révolution par l’humain

En s’inspirant des problèmes d’accès à l’informatique des personnes déficientes visuelles, Jean-Philippe et Corentin, les fondateurs d’Hypra (dont plusieurs membres sont aveugles ou mal voyants) ont conçu un modèle qui personnalise l’accompagnement de l’utilisateur.

Leur « Système à Accès Universel » facilite la migration vers le logiciel libre, y compris pour le grand public.

Bonjour ! Alors, dites-nous : comment utiliser un ordinateur quand on ne voit pas ?

Deux possibilités, soit je suis complètement aveugle (environ 100 000 personnes en France) et je recours à un transcripteur braille que je connecte à mon ordinateur (mais une minorité des aveugles lisent le braille), soit j’utilise un retour vocal.

Si je suis malvoyant, je vais utiliser un certain nombre de fonctionnalités d’assistance visuelle : le zoom, l’inversion des contrastes, un localisateur de curseur, de souris etc.

Dans bien des cas, le retour vocal et l’assistance visuelle se complètent utilement et permettent à la personne déficiente visuelle de gagner en confort d’utilisation, de limiter sa fatigue, voire tout simplement d’accéder à l’information.

Notre innovation tient d’abord à cela. Pour la première fois, Hypra fournit un système d’exploitation à ses utilisateurs qui leur assure cette complémentarité. Et là où JAWS, le retour vocal historique, coûte 1 500 euros (pris en charge sur les fonds publics), et où ZoomText, la solution leader sur la malvoyance, coûte 600 euros, notre couplage de solution est lui gratuit.

Conclusion, les personnes peuvent concentrer leurs moyens sur le nerf de la guerre, c’est à dire la maîtrise de leur outil à des fins d’autonomie et de productivité à long terme.

J’ai croisé des cannes blanches électroniques, des téléphones à synthèse vocale… Est-ce que l’autonomie passe forcément par la technologie ?

La technologie est une condition nécessaire mais non suffisante.

Dans notre vision, le vrai facteur critique d’émancipation, c’est le service à la personne.

Quand on parle de service à la personne chez Hypra, c’est un tout.

L’étape n°1, c’est la personnalisation du système. Nous avons choisi les composants logiciels les plus souples au monde, ils sont donc conçus, dès l’achat, pour s’adapter aux envies et aux besoins de chacun. Exemple : la taille et le type de police, la barre des menus sur le bureau, mais cela concerne aussi les raccourcis clavier dont la maîtrise est essentielle pour l’autonomie et idéale pour plus d’efficacité. Là où Windows et Mac proposent du standard auquel tout le monde doit s’adapter nous disons : « non, le système doit ressembler à la personne qui l’achète. » C’est à la technologie de s’adapter à l’Homme et non l’inverse. Nous installons, en outre, les logiciels que la personne souhaite à partir d’une étude rigoureuse de ses besoins. C’est donc du sur-mesure.

Encore faut-il apprendre à l’utiliser…

Jean-Philippe en conférence – CC BY SA – photo Hypra

Justement. Aujourd’hui, Windows ou Mac mettent un ordinateur dans les mains des gens en leur disant « débrouillez-vous », vous verrez, c’est intuitif, le grand mot à la mode. Oui, enfin, intuitif, plus on passe de temps avec les gens, déficients visuels ou pas, plus on se rend compte en fait qu’ils ne maîtrisent pas leurs outils. Personne ne leur a expliqué la base, comment se repérer, comment avoir les bons réflexes, comment faire évoluer leurs outils. Conclusion, c’est l’esprit de débrouille qui règne, qui est très loin de garantir ni un confort optimal d’utilisation, ni une utilisation des pleines potentialités de l’informatique en général. Les problématiques d’autonomie et de productivité sont certes plus critiques pour les déficients visuels, vu la place fondamentale du numérique pour eux, mais elles concernent le reste de la population au sens large.

L’étape d’après, c’est l’accompagnement sur la longue durée. Windows, Mac et une partie écrasante des éditeurs de logiciels vous fournissent les logiciels et vous livrent à vous-mêmes pour les mises à jour, les différents problèmes d’utilisation que vous pouvez rencontrer. Exemple : les mises à jour sur Mac OS. Non seulement les gens sont obligés de mettre à jour sous peine d’obsolescence programmée, mais nul ne leur explique comment faire. Il y a bien une option : repasser à la caisse dans des magasins tiers tout en se faisant déposséder de son ordinateur pendant une durée indéterminée avec le risque de perdre ses données. Chez Hypra, nous disons que cela est inacceptable. Le service à la personne doit être global, continu, intégré, proactif. Nos mises à jour, aussi parce qu’elles sont moins fréquentes que la frénésie de nos concurrents, sont anticipées. Nous dialoguons de personne à personne avec nos utilisateurs, nous leur expliquons, nous leur proposons les choses, nous les conseillons en leur exposant différentes options et en leur permettant de choisir de manière éclairée. Nous nous élevons contre le forçage inacceptable de Mac ou Windows ou d’autres logiciels qui consiste à dire : mettez à jour sous peine d’obsolescence !

Le cœur de notre métier, notre passion, c’est la personne humaine. Cela irrigue tout notre travail.

Comment rentabiliser un modèle aussi exigeant ?

En étant transparent, clair sur ses intentions, et sûr de ses forces comme de ses faiblesses, et surtout en étant pédagogue. Nous expliquons à nos utilisateurs ce pourquoi ils payent.

Capture d’écran avec loupe

Nos utilisateurs payent pour du service, c’est à dire justement la personnalisation de l’accompagnement. Au global, cela leur revient le prix qu’ils payeraient pour un simple ordinateur Mac ou Windows sur deux ou trois ans, c’est à dire 1 500 à 1 600 euros. Mais plutôt que de les payer sans visibilité sur deux, trois ans, ils payent d’une traite avec la garantie de ne plus avoir à subir de coûts cachés liés aux problèmes de mise à jour, de sécurité, mais aussi de matériel. Nous sommes en effet en train de ficeler un solide accord-cadre avec plusieurs constructeurs de manière à offrir un S.A.V. irréprochable et global (logiciel et matériel).

Nous fournissons donc un package clé en main payé d’un bloc qui leur permet justement de de prémunir contre de nouvelles dépenses imprévues qui ont également pour conséquence de rendre leur ordinateur indisponible pendant une durée indéterminée. Bien sûr, pour celles et ceux qui aiment la débrouillardise et qui ont du temps à y consacrer, il est possible de se passer de formation et d’accompagnement sur la durée, et le prix est alors ramené entre 800 à 1 000 euros. Nous ne le conseillons qu’aux utilisateurs très avancés.

Ce que nous proposons, nous, en définitive, c’est une continuité de service qui garantit de trouver un interlocuteur et un dialogue de qualité, une exigence de performance et de délais lorsqu’un problème quelconque se présente. Cela permet d’économiser sur l’autre grand coût caché de l’informatique : le temps. Aujourd’hui, le monde va vite, les gens sont très occupés, et l’informatique ne les intéresse parfois pas du tout. Il faut donc qu’ils y passent le minimum de temps possible en y consacrant le temps et le prix nécessaires à l’achat, de manière à être tranquille par la suite. C’est pour nous un défi de tous les jours : faire penser le long terme à nos utilisateurs. C’est une tâche difficile, harassante, mais très stimulante.

Vous insistez plusieurs fois sur le côté « on paie une fois et on est tranquille ». C’est tout de même une start-up qui dit ça ! Comment les utilisateurs peuvent-ils être sûrs de bénéficier d’un suivi sur le long terme ?

Parce qu’on fait du logiciel libre. Tout ce qu’on fait est reversé à la communauté. Du coup, sur le long terme, notre esprit et nos développements demeureront accessibles à tous, surtout qu’on les intègre dans Debian.

De plus, comme on ne ferme rien de nos développements, la seule chose qui nous fait vivre, c’est le service. Du coup, pour vivre, on n’a pas le choix que de maintenir le capital confiance et d’être irréprochables.
C’est, à mon sens, une garantie pour nos clients. Si on rompt notre pacte de confiance avec le public ou les communautés du libre, notre modèle économique est menacé. C’est pour ça que Hypra a un côté ultra démocratique.

Quelle est la place du logiciel libre dans l’offre d’Hypra ?

Elle est capitale. C’est parce que notre modèle repose sur une solidarité internationale des concepteurs de logiciels que nous pouvons nous concentrer sur le service à la personne et ne pas faire payer les logiciels. Nous nous engageons, par ailleurs, lorsque notre modèle sera arrivé à maturité, à attribuer une partie de nos gains à cette communauté internationale de gens bénévoles qui nous permettent d’exister aujourd’hui.

C’est donc du 100% ?

Notre engagement éthique en ce domaine est clair : nous ne recourons à des logiciels propriétaires que lorsque aucun autre choix non-handicapant pour l’utilisateur n’est possible. Nous l’avons fait pour le retour vocal, nous allons le faire pour un logiciel qui permet aux aveugles de lire leur courrier papier (via la reconnaissance optique de caractères). Seuls des logiciels propriétaires pouvaient assurer une performance suffisante. Nous avons déjà en tête de proposer dans le futur la même performance mais sous la forme de logiciels libres dont nous aurions coordonné le développement.

La plupart de nos lecteurs comprennent bien l’importance du Libre pour des valides. C’est pareil pour les handicapés, j’imagine ?

Dessin Gknd - Le geek dit C’est pas parce qu’on a une mauvaise vue qu’il ne faut pas aller sur Internet. Le smiley ajoute Ouais! Ce serait dommage de rater les trolls les imbéciles et les salauds.

 

Je dirais que c’est l’inverse. Les handicapés, mieux que personne, comprennent l’importance fondamentale du logiciel libre. Ce sont eux qui sont en première ligne des besoins de personnalisation, et seul le logiciel libre permet cette flexibilité.

Par ailleurs, ce sont aussi les premiers à souffrir des rentes de monopole que constituent les entreprises qui conçoivent et commercialisent des logiciels propriétaires. Notre grand sondage mené en janvier 2015 montrait qu’une grande partie de la population déficiente visuelle était consciente que JAWS (le retour vocal à 1 500 euros) était sur-tarifé pour les évolutions qu’il connaît dans le temps. Beaucoup s’indignaient sur l’effet d’aubaine de la prise en charge publique (par les Conseils Généraux) d’un logiciel aussi cher. Mais surtout, 75% des 450 répondants se déclaraient prêts à passer au logiciel libre si une offre de service de qualité était fournie.

Si l’on se tourne vers le grand public, l’équation n’est pas si différente, mais la prise de conscience est peut-être moins avancée. Je dis bien peut-être. Car les gens sont fatigués des mises à jour incessantes et déstabilisantes sous Windows dont le paroxysme est Windows 10, ils sont également fatigués de la sous-traitance du service de Apple à des organismes agréés qui sont des machines à cash. On s’est rendu compte également que les enjeux de vie privée avaient gagné en importance dans le choix de leur système d’exploitation.

Il est donc temps de leur proposer un autre modèle, et c’est exactement ce que nous sommes en train de faire.

Est-ce que vous expliquerez clairement aux utilisateurs que le système est basé sur du Libre ? Je pense à des gens qui cultivent un certain flou… et quand on farfouille on trouve une Debian modifiée…

Ça dépend avec qui. Il faut bien comprendre que le libre, ça n’a pas une bonne image parmi le public (au mieux l’indifférence, au pire le rejet par préjugé). Pour pleins de raisons et parce que sa compréhension exige de réfléchir à des choses que les gens ne soupçonnent pas. Ou elle renvoie à un historique, une image, pas toujours génial. Du coup, tout en affirmant notre ancrage libriste sans complexe, on ne le met pas en avant auprès de nouveaux clients, sauf si ça permet d’aborder un sujet qui préoccupe un utilisateur (vie privée, confidentialité des données, rapport aux développeurs de logiciels). Pour les autres, si on leur met ça sous le nez, ils tournent les talons. Mieux vaut donc leur mettre du libre par principe, qu’ils le sachent ou pas. Dans tous les cas, qu’ils en soient conscients à l’achat ou non, c’est une garantie de durabilité pour eux. Et malgré tout, on l’affirme haut et fort dans notre communication grande échelle. S’ils ne passent pas au libre par militantisme, or peu de gens militent, nos clients pourraient le défendre pour le modèle que ça véhicule et qu’ils vivent quotidiennement avec nous dans leur usage de l’informatique. C’est une autre façon de promouvoir le libre auprès d’un public moins sensible aux enjeux de la propriété intellectuelle en informatique.

Du coup, c’est très proche du comportement d’Ordissimo (qui ne cite JAMAIS Debian sur son site, j’ai vérifié), et qui cherche à séduire les débutants (âgés) en informatique.

À un détail près, on cite Debian, nous. Mais à des endroits où vont les gens plus intéressés par les aspects techniques (et à qui le nom même ne détournera pas de l’éthique). En outre, tous nos développements vont dans Debian (Compiz, mate-accessibility, etc.), donc très bientôt, Debian pourra ressembler nativement à Hypra si la communauté souhaite s’ouvrir à l’universalité qu’on propose. Enfin, quand on forme les gens, pas question d’empêcher les installations non Hypra, les mises à jour, contrairement à Ordissimo. Les gens apprennent bel et bien les mécanismes de Debian et ils le savent. Aucun logo Debian n’a été supprimé. Donc ils sont vite informés de ce qu’ils utilisent (une Debian adaptée le temps qu’elle s’adapte elle-même). Mais ce serait une erreur de communication de vouloir le dire à tout le monde haut et fort avant même de susciter un intérêt par d’autres moyens, ça agiterait trop de peurs et de préjugés.

Ordissimo se base sur Debian et protège son travail de paramétrage en ne le reversant pas et en n’y autorisant pas de modification. Hypra est transparent et dans une logique de dialogue mutuel constant avec Debian, et nous l’affirmons. Et nous y amenons les utilisateurs, mais au lieu de le dire à l’achat, on les acclimate à cet univers pour que le libre et Debian leur paraissent, en fin de compte, une évidence par-delà les préjugés.

Selon vous, c’est le moment pour que le logiciel libre atteigne enfin le grand public ?

Le terrain est favorable pour une percée du logiciel libre. Le succès, notre succès collectif, à nous, les acteurs du logiciel libre, est possible.

Il est possible si nous professionnalisons le service apporté à l’utilisateur, si nous montrons que nous apportons plus que les acteurs traditionnels pour un prix équivalent ou inférieur.

Il est possible si nous jouons collectif, si nous savons conjuguer nos efforts dans un juste équilibre communauté/entreprises, si nous savons dialoguer, nous écouter, nous faire confiance. C’est ce que nous cherchons à faire avec la communauté Debian, avec le leader de communauté Orca ou les développeurs Compiz. Cela suppose que les programmeurs, et en premier chef nos programmeurs chez Hypra, comprennent que les qualités relationnelles sont au moins aussi importantes que les qualités de programmations.

Il est possible à condition d’amorcer un virage philosophique. Il faut en finir avec la technocratie. L’émancipation ne doit pas viser seulement les concepteurs de logiciels. Je lisais récemment le chef informatique de chez Enercoop sur Framablog (dont les locaux parisiens sont 100% sous Debian) qui faisait un lien direct entre le logiciel libre et l’émancipation des programmeurs. Mais il ne parlait que très peu des utilisateurs et éludait les aspects critiques de conduite du changement. S’émanciper, du point de vue de l’utilisateur, c’est certes avoir les possibilités de changer, mais encore et surtout avoir la maîtrise du changement.

À noter que l’on a installé Hypra et formé un salarié déficient visuel chez eux qui est très content, à tel point d’ailleurs, qu’il veut que l’on installe le S.A.U. sur son Mac, une belle vitrine pour le logiciel libre…

De manière plus générale, le pouvoir doit être aux utilisateurs-citoyens et non aux programmeurs. C’est à eux que sont destinés les biens communs que sont les logiciels libres. Les programmeurs ont du mal à l’entendre. C’est là une des explications, selon nous, du plafond de verre du logiciel libre.

Il est possible, enfin, si chacun se trouve bien à sa place. La communication, c’est un métier, et ce n’est pas le métier des ingénieurs. Le logiciel libre est le seul monde dans lequel les ingénieurs s’imaginent être de formidables communicants. C’est un métier, il faut le professionnaliser. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons quitté la forme associative pour faire une entreprise.

Nous pensons que l’heure est venue que le logiciel libre démarre une métamorphose, nous avons envie d’amorcer ce mouvement avec tous ceux et toutes celles qui y sont prêts.

www.hypra.fr




Le Guide Libre Association 2016 est arrivé ! (avec l’APRIL)

Toute association, quelle que soit sa taille, a besoin de communiquer avec ses membres, produire des documents, diffuser de l’information vers l’extérieur, bref elle a besoin d’un système d’informations structuré et adapté à ses besoins.

Pour autant, toutes les associations ne sont pas logées à la même enseigne lorsqu’il s’agit de choisir et de mettre en place des logiciels adaptés à leurs activités et à leur mode de fonctionnement. Bien souvent, l’achat de matériel informatique et de logiciels est un budget qui pèse lourd et, par manque de compétences sur le sujet, les choix se font par défaut.

Des logiciels libres pour les associations

Combien d’associations restent dépendantes d’outils privateurs ? La plupart du temps sans locaux dédiés, les associations fonctionnent avec les logiciels et les machines possédés par leurs bénévoles. Très peu d’entre eux sont prêts à investir du temps dans la recherche d’outils libres adaptés aux besoins de l’association quand « tout semble si simple » avec les logiciels imposés et vendus avec l’achat d’un ordinateur. Il peut sembler légitime de dédier le plus de temps possible à l’objet de l’association. Pourtant, pour la gestion des adhérents, la comptabilité, les tâches administratives diverses ou encore la communication, choisir des logiciels libres n’est pas qu’une question technique, c’est d’abord une question éminemment stratégique et politique à laquelle il convient de répondre pour renforcer la cohérence avec les valeurs portées par le monde associatif.

Extrait de l'expolibre de l'APRIL
Extrait de l’expolibre de l’APRIL

Le premier enjeu est de saisir l’importance de s’affranchir des contraintes imposées par les logiciels privateurs. On peut citer les mises à jour payantes et souvent remises à plus tard (et donc causes de dysfonctionnements dans la gestion de l’asso), les questions liés à la confidentialité des données (en particulier lorsqu’on stocke des données d’adhérents dans les nuages), les problèmes d’interopérabilité dans la diffusion de fichiers (surtout lorsqu’on cherche à rédiger un document à plusieurs mains), etc.

L’offre de logiciels libres permet non seulement d’effectuer des choix pertinents en identifiant les besoins mais elle permet aussi un très haut niveau d’appropriation des logiciels. Cela est rendu possible par l’exercice des libertés logicielles qui les rendent auditables, partageables et modifiables. Chaque logiciel libre peut se partager : l’utilisation d’un même logiciel chez chaque membre d’une association est facilité. En d’autres termes, utiliser des logiciels libres, pour une association, cela revient à augmenter son niveau de productivité. Et l’utilisation, ici, de termes habituellement adaptés à l’entreprise, est non seulement volontaire mais aussi révélatrice.

Le second enjeu réside dans la spécificité de création des logiciels libres. Ces derniers sont issus de communautés œuvrant pour le bien commun. La plupart de ces communautés sont structurées à la fois par des armées (ou un simple noyau) de contributeurs autour de formes associatives ou apparentées. Autrement dit, avec les logiciels libres, les associations parlent aux associations. On peut s’appuyer sur une communauté pour assurer un support, on peut aussi s’entraider. Le logiciel libre encourage le contact humain et se rapprocher des acteurs de la communauté est souvent un bon moyen d’avancer dans ses choix et ses usages. Dans le cas de structures associatives importantes, il sera sans doute préférable de se tourner vers des entreprises spécialisées dans l’intégration et dans la formation aux logiciels libres. Dans tous les cas, les logiques de collaboration et l’éthique propre aux logiciels libres seront vraisemblablement présentes.

Une nouvelle version du Guide Libre Association

Ce rapport entre logiciel libre et association est le principal thème de travail du groupe de travail Libre Association de l’April dont la volonté est de « créer des ponts entre le logiciel libre et le monde associatif ». Ce groupe a mené deux enquêtes (une première en 2009 et une seconde en 2015) auprès d’associations pour connaître leurs rapports à l’informatique et aux logiciels libres en particulier. Une conclusion de la comparaison de ces deux enquêtes révèle que la question principale en 2009 « que sont les logiciels libres ? » est devenue en 2015 « Comment fait-on pour les adopter ? ». En effet, avec l’extension des accès à Internet et l’évolution positives de l’accès aux logiciels libres, les associations sont devenues non seulement plus réceptives aux libertés logicielles mais sont devenues aussi très attentives aux usages des données informatiques ; en particulier dans une ère post- affaire Snowden. Cela est d’autant plus vrai, qu’un nombre conséquent d’associations attache une importance cruciale à la notion de droits fondamentaux et en particulier à la liberté d’expression.

Forte de ces connaissances, en 2012, l’April a lancé une première version du Guide Libre Association avec le soutien de la fondation du Crédit Coopératif. L’objectif était ambitieux : diffuser des milliers d’exemplaires gratuits d’un guide exposant les enjeux du Libre pour les associations, assorti d’une sélection pertinente de logiciels libres disponibles et constituant une offre mature. En 2014, devant le succès de la première diffusion, c’est au tour de la MACIF de s’associer à cette action pour distribuer à nouveau gratuitement plus de 7000 guides aux associations.

Guide Libre Association
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Cette fois, en 2016, l’April et Framasoft proposent une nouvelle version mise à jour de ce guide. Disponible en couleurs ou en noir et blanc, il est possible de le télécharger au format e-pub et PDF, pour une diffusion libre sur tous les supports. Deux versions PDF imprimables sont elles aussi disponibles pour les associations désirant faire imprimer autant d’exemplaires qu’elles le souhaitent.

Vous pouvez retrouver tout cela sur la page Framabook dédiée au guide du Groupe Libre Association.

Nota : Sur le modèle de la collection Framabook, Framasoft propose aussi la vente unitaire du Guide, ou de faire imprimer à tarif intéressant des centaines ou des milliers d’exemplaires.




Accès au code source des logiciels de l’État : pourquoi ça change tout…

Le 18 février dernier le tribunal administratif de Paris, après avis de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), a rendu une décision autorisant l’accès d’un citoyen au code source d’un logiciel administratif. Génial, non ?

Non, pas vraiment, puisque dit comme ça on n’y comprend rien ! Et pourtant ce jugement pourrait avoir un grand impact sur l’avenir du libre en France et plus généralement sur la vie de tous les citoyens. On va donc essayer d’y voir plus clair.

Res Publicum, la chose publique

Pour comprendre ce qui s’est passé le 18 février dernier, il faut que je vous parle un peu des documents administratifs en France. Un document administratif c’est tout ce que peut produire une administration publique : statistiques, rapports, analyses et même logiciels.

Si certains de ces documents sont publics dès les départ (les communiqués de presse par exemple), d’autres n’ont pas forcément vocation à être rendus publics. Et pourtant la République c’est notre bien à tous (Res Publicum, ça veut dire la chose publique), tout citoyen peut donc demander à une administration de lui communiquer un document qu’elle a produit et qui n’est pas classé secret-défense, bien entendu.

Open data CC-BY Descrier
Open data CC-BY Descrier

Depuis 1978 une administration a même été créée pour s’occuper de cela spécifiquement, la CADA. En réalité, cette administration ne peut rendre que des avis et joue plus un rôle de médiateur entre une administration et un citoyen, mais elle reste très utile.

Un étudiant tenace…

Revenons à notre affaire. Un étudiant en économie un peu curieux a demandé en 2014 au Ministère de l’économie et des finances (Bercy) de lui transmettre le code source du logiciel de calcul de l’impôt. Un code source, c’est en quelque sorte la recette de cuisine du logiciel, ce qui permet de comprendre comment il fonctionne

Bercy a refusé et notre étudiant a alors saisi la CADA qui a dit que selon elle le code source devait être transmis. Deuxième refus de Bercy.

"ils ne m'ont pas oublié" CC-BY-SA Stephane Demolombe
« ils ne m’ont pas oublié »
CC-BY-SA Stephane Demolombe

Notre étudiant a alors saisi le tribunal administratif de Paris pour forcer Bercy à lui remettre le document demandé. À ce moment le ministère a compris que tout cela sentait mauvais pour lui et a préféré s’exécuter avant le jugement. Malgré tout le tribunal a rendu sa décision le 10 mars dernier et a dit que l’étudiant avait raison. Victoire !

Le code source, c’est la recette de cuisine du logiciel

Maintenant vous devez vous dire, tant mieux pour cet étudiant mais concrètement ça sert à quoi ? Et c’est vrai que dit comme ça ce n’est pas très utile. Ce n’est pas parce que le code du logiciel est connu qu’il est libre et donc vous n’aurez pas le droit de modifier ou partager librement ce code. Autrement dit, on peut lire, cuisiner, mais pas gribouiller sur la recette originale, même pour y ajouter de meilleures ingrédients. En revanche vous pourrez toujours le consulter et pourquoi pas trouver des erreurs, des améliorations possibles et les proposer à Bercy qui pourrait les intégrer à son logiciel.

attack of the scones CC-BY-SA Alpha
Je veux le code source de ces scones…

Imaginez un peu que vous arriviez à faire baisser le montant de vos impôts en remarquant une erreur dans le code. Pas si inutile, finalement ! En partant de cet exemple on peut imaginer beaucoup de cas où les citoyens pourraient contribuer à améliorer l’État. Prenons un exemple… Mme Dupuis-Morizeau a du temps libre et décide donc de consulter les statistiques d’accidents de la route de sa ville, qu’elle demande à la mairie. Elle remarque alors un carrefour particulièrement meurtrier, elle se rend sur place et constate que le panneau stop est caché par un buisson. Elle avertit sa mairie qui fait couper le buisson. Et voilà comment l’accès à des statistiques administratives peut sauver de vies !

La philosophie du Libre appliquée à l’État

Le problème, vous l’avez vu, c’est que demander un document administratif peut s’avérer très compliqué et que Mme Dupuis-Morizeau n’a pas forcément tout ce temps à perdre. On se dit alors que ce serait génial que tous ces documents soient librement téléchargeables sur un site internet.

Eh bien c’est exactement ce que s’est dit la ville de New-York qui publie tous les documents qu’elle produit (ou presque) sur le site https://nycopendata.socrata.com/. Depuis que la ville a adopté cette politique, des dizaines de citoyens se sont mis au travail pour créer des projets incroyables : dresser la carte des plages anormalement polluées, coder un GPS pour les ambulances en fonction des vitesses moyennes par rue pour optimiser les trajets, etc.

New York - CC-BY Kolitha de Silva
New York – CC-BY Kolitha de Silva

Voilà les avantages concrets de la philosophie du libre lorsqu’elle est appliquée à l’État. Nous pouvons tous contribuer à un fonctionnement meilleur de l’administration, ou du moins à signaler ses défauts. Rendre les documents administratifs libres, c’est faire du citoyen le réel propriétaire de l’administration qui le sert, comme nous sommes collectivement les propriétaires des logiciels libres. Beau projet non ?

 

Trois infos pour finir et approfondir le sujet si ça vous dit :

L’équipe du Framablog tient à remercier chaleureusement Róka, bénévole du forum des Framacolibris, pour la proposition et la rédaction de cet article !