Le point médian m’a tué⋅e : Framasoft met la clef sous la porte

La rumeur courait depuis quelque temps et c’est maintenant confirmé : l’association d’éducation populaire Framasoft dépose le bilan. En cause ? L’effondrement catastrophique du montant des dons au cours des derniers mois, effondrement principalement imputable à un curieux symbole typographique.

Cela fait de nombreuses années maintenant que l’on peut trouver des formes de ce que l’on appelle « l’écriture inclusive » dans les communications de Framasoft. La forme la plus visible de cette écriture est le fameux « point médian » qui permet de détailler les genres lorsqu’un mot inclut des personnes indéterminées (et au genre, par conséquent, indéterminé également). Sauf que voilà, ce point médian est loin de faire l’unanimité. Nous avons rencontré Jean-Mi, président des Promoteurs de l’Écriture Non-Inclusive Systématique (PENIS), en croisade contre le point médian depuis 2017.

« Je crois qu’on ait avant tous des défenseur de la belle langue Francaise » nous écrit Jean-Mi dans un premier mail de contact. « Le point médian agresse l’œil, on a constaté une explosion des frais d’ophtalmologie chez les lecteurs du Framablog ces dernières années, il fallait réagir. » Un problème de santé publique ? Jean-Mi nous répond sans détour :

À 200%. Les anecdotes se comptent par dizaines. Tu vas lire pépouze un article sur le développement de PeerTube et PAF ! Une saloperie de point médian qui surgit plus furtivement qu’un Rattata dans les hautes herbes. La dernière fois, ça m’a fait un haut-le-cœur, j’en ai dégueulé tout mon dîner sur le clavier, 30€ de dégâts. Mon pote Dédé, l’autre jour, sur l’article sur Mobilizon, il était tout prêt à changer le monde, tout ça, et PAF ! Il retrouve de la propagande de connasse de féministe sur un bon vieux blog de tech où on devrait pourtant pouvoir faire de l’entre-couilles en paix. Deux mois de thérapie pour s’en remettre, qu’il lui a fallu, au Dédé. Ils y pensent, à ça, les framaguignols qui pondent du point médian au kilomètre sans respect pour nos petits cœurs fragiles ?

@framasoft j'aurais bien fait un don, mais franchement le point médian, c'est non, je ferai un don quand vous écriverez correctement

Jean-Mi et Dédé, chevaliers de la liberté et des belles lettres, n’ont jamais caché leur dégoût pour cet odieux symbole typographique et commentent systématiquement les articles incriminés sur le Framablog. Pouhiou, chargé de communication de Framasoft contacté par nos soins, soupire :

Tu bosses comme un fou pour faire des articles bien écrits, avec un ton agréable, tu mets du soin, du cœur à l’ouvrage, et là tu vois le premier commentaire : une remarque insultante sur le point médian. T’as fait 15 000 caractères aux petits oignons et on vient te casser les gonades parce qu’il y en a 3 qui plaisent pas. C’est fatigant.

Les PENIS restent inflexibles :

Si ça le fatigue, qu’il arrête ! Nous aussi ça nous fatigue, leurs conneries, sauf que nous, c’est nous qu’on a raison ! La langue française, y’a des fucking règles, tu les respectes ! #JeSuisAcademieFrancaise

Sauf que cette fois, l’intransigeance a pris un autre détour : le boycott de dons. Jean-Mi nous raconte, ému, la genèse de ce mode d’action :

C’est Dédé qu’a eu l’idée. Un jour je l’ai vu tweeter :

@framasoft j'aurais bien fait un don, mais le point médian, c'est non, je ferai un don quand vous écriverez correctement

J’me suis dit : putain mais c’est du génie !

Depuis, à chaque article point-médiané, Jean-Mi et Dédé soulignent que Framasoft a perdu un donateur :

Bon okay, on n’avait jamais fait de don avant, mais n’empêche qu’on aurait très bien pu en faire un dans un futur hypothermique ! EH BAH NON. Tout cet argent perdu par Framasoft pour une bête lubie féminazie, c’est triste. Mais c’est bien fait pour eux.

L’association, longtemps restée sourde à ces avertissements, paie aujourd’hui lourdement l’addition : le boycott massif du point médian a mené à un écroulement des dons, et ceux-ci ne suffisent plus à rémunérer les salarié⋅e⋅s. Triste retour à la réalité : Framasoft met aujourd’hui la clef sous la porte. « Ça leur pendait au nez » commente Jean-Mi « et à toi aussi, sale petite merde journalope qui vient d’écrire salarié⋅e⋅s, tu crois que je t’ai pas vu ?! »

Les PENIS se dressent aussi pour la belle langue française à l’Assemblée Nationale (rigolez pas, c’est avec votre pognon)

C’est un triste jour pour l’association qui s’était rendue célèbre par son annuaire de logiciels, ses livres libres, ses services autour du projet Dégooglisons Internet et, plus récemment, par l’initiative Contributopia visant à outiller la société de la contribution. Pierre-Yves Gosset, salarié historique de Framasoft, commente : « ça me fait vraiment mal qu’un truc aussi beau finisse comme ça à cause d’une bande de déglingués de la typo. Ça traite tout le monde de fragile et ça pète une bielle pour trois pixels. » Amer, il arrive malgré tout à en rire : « Enfin au moins, maintenant on sait comment flinguer Google : suffit de leur faire adopter le point médian. »

L’aventure s’arrête donc ici pour l’asso qui avait pour ambition de dégoogliser Internet mais n’aura pas su dépointmédianiser son propre blog. Le jeu en aura-t-il valu la chandelle ? C’est Luc, ancien admin-sys de Framasoft croisé au comptoir de Pôle Emploi, qui conclut : « y’a des poings médians dans la gueule qui se perdent. »




Hadopi dans le formol

Gee et la Hadopi, c’est une histoire d’amour vieille comme le Framablog (ou presque…).

Mais comme la haute autorité n’a toujours pas atterri dans la poubelle de l’histoire à laquelle elle est pourtant destinée, et enfonce encore une fois le clou avec une nouvelle campagne de pub, notre dessinateur remet le couvert également…

Hadopi dans le formol

Cela fait déjà 11 ans que la Hadopi suce de la finance publique, avec un budget de plus 82 millions d’euros depuis sa création (pour 87 000 € d’amendes émises).

Un politicien, pas perturbé : « L'important, ce ne sont pas les amendes mais le fait que les comportements aient changé. On pirate beaucoup moins qu'il y a 10 ans. » Gee, blasé : « Oui, et ça n'a bien sûr rien à voir avec l'apparition d'offres légales bien foutues comme Spotify ou Netflix…  Non non, Hadopi a sauvé l'industrie audiovisuelle MONDIALE.  Cacarico. » Le smiley rigole : « L'Hadopi a aussi vachement aidé les entreprises de VPN en leur créant un marché énorme. »

Récemment, la sangsue a publié une nouvelle campagne de communication tonitruante, #TesImpôts, qui reste dans la grande tradition de la haute autorité d’être toujours à côté de la plaque (ou en retard de 15 ans).

Une affiche Hadopi dit : « Devant un film piraté, le pop-corn sera toujours de meilleure qualité que le film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek commente : « Mais ils sont au courant qu'en général, les films piratés le sont en rippant des Blu-ray, et que c'est souvent très bien fait ?  Enfin j'sais pas, c'est un copain qui m'a dit, j'fais pas ça moi… » La Geekette rigole : « Cette campagne vous est offerte par Jean-Claude Boomer, pour qui le piratage de films, c'est un caméscope dans une salle de ciné et des CD-R gravés… »

Une autre affiche : « À Noël, le Père Noël passe par la cheminée et le cheval de Troie passe par la série piratée. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek rigole : « Ah non pardon, en fait le type va sur des sites de streaming merdissimaux, d'où la qualité et les malwares… » La Geekette répond : « Ouais, pi en termes de sécurité informatique, on pourrait reparler des différents piratages de Netflix, Spotify ou Hulu au cours desquels des milliers d'infos de clientes et clients se sont retrouvées dans la nature… »

Une autre affiche : « Dans un thriller piraté, on ne découvre jamais qui est l'assassin. Parce qu'il manque la moitié du film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, souriant, la larme à l'œil, plein de nostalgie : « Aaah ouais, les MP3 coupés avant le dernier refrain parce que le téléchargement avait stoppé avant la fin, quelle époque…  Sacré Napster, j'me souviens… » La Geekette répond : « C'est nostalgique en fait, ces campagnes qui ciblent des problèmes que les ados d'aujourd'hui n'ont même pas connus. »

Une autre affiche : « Dans un blockbuster piraté, le justicier est toujours masqué. Surtout par la publicité intrusive. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek est mort de dire : « Haha, l'hôpital qui se fout de la charité !  C'est bien le même ministère qui voulait faire passer une loi sur la publicité ciblée à la télé ? » La Geekette rigole aussi : « Je sais pas.  La télé, j'ai arrêté depuis l'introduction de la seconde coupure pub pendant les films…  Films coupés parfois au milieu d'un dialogue… » Le Geek renchérit : « Moi j'ai jamais commencé les Blu-ray, les DVD m'avaient déjà dégoûté des bandes-annonces et messages anti-piratage inzappables au début du disque… »

Une autre affiche : « Dans les sous-titres d'une série piratée, “Blue Monday” serait traduit par “Mardi jaune”. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, assez blasé : « Alors je reconnais que les sous-titres amateurs, y'a à boire et à manger dedans. Mais pardon, les sous-titres régulièrement minables sur Netflix qui sous-traite et sous-paie ses traductions en rémunérant à la minute de film au lieu de la minute de travail…  on en parle ? » La Geekette : « Ouais pi cette accroche moisie quoi… même la plus bourrée des sous-titreuses ne traduira jamais “Blue Monday” par “Mardi jaune”. N'est pas Maurice Chevalier qui veut.  #SousMarinVert » Le smiley commente : « Et se foutre de la gueule des traductions quand on n'est pas foutu d'utiliser des guillemets français… »

Une autre affiche : « À Noël, ce qui est encore plus moche à voir que les pulls moches, ce sont les séries piratées. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek : « On sent quand même l'inspiration qui faiblit, là… » La Geekette : « Ouais, ils avaient hésité avec “ce qui est encore plus moche que les pulls moches, c'est les séries moches”, mais ça faisait 3 fois “moche”.  Cette obstination à vouloir faire “cool” avec des références branchouilles tout en se viandant systématiquement, c'est presque poétique. »

Voilà, Hadopi a 11 ans et comme le dit la chanson, le temps ne fait rien à l’affaire…

Car en matière de nostalgie, je me permets de vous rappeler cette première campagne de pub d’Hadopi, datant de 2011 et présentant Emma Leprince, une chanteuse de grosse soupe insipide « néo-électro » dans le futur…

… mais qui est, en 2011, une gamine qui se prend pour Shakira dans sa chambre.

Le Geek et la Geekette regardent la vidéo sur l'ordinateur. On entend le son : « Mais sans Hadopi, Emma Leprince ne pourra pas sortir ce single dans le futur. La création de demain se défend aujourd'hui.  Adoptez le label PUR. » Le Geek, stupéfait : « Aaaah ouais, le label PUR ! J'me souviens de cette connerie aussi !  C'est devenu quoi, ça, déjà ? » La Geekette : « Enterré en 2013 après avoir labellisé à peu près peau-d'zob. » Le Geek : « Dur. » La Geekette : « Non, PUR. »

Pour finir, notons que dans cette fameuse pub, Emma Leprince est présentée révélation française de l’année…

2022.

Le Geek conclut : « Bon bah on y arrive, à la création de demain. Pas sûr qu'Hadopi ait aidé beaucoup d'Emma Leprince… L'offre légale s'est faite sans elle et les artistes en récoltent, comme d'hab', les miettes.  Tant pis pour la licence globale. » La Geekette, turbo-blasée : « Tu veux dire que la création d'aujourd'hui ne profite pas des gesticulations politiques débiles d'hier ?  Quelle surprise. »

Et puisqu’Emma Leprince n’a pas l’air partie pour être révélation de l’année 2022, je propose qu’on dissolve la Hadopi qui a visiblement failli à sa mission divine.

Bisous, et merci pour que dalle.

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 26 janvier 2021 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




TousAntiConneries

Gee avait publié sa BD StopConneries en réaction à StopCovid, il lui semble donc opportun de publier aujourd’hui une nouvelle BD, TousAntiConneries. N’hésitez pas à relire l’article d’origine qui reste tristement d’actualité.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Écran bleu de la… santé

Si vous pensiez que la crise du COVID était l’occasion d’une pause dans la déferlante des politiques de santé… disons, discutables… vous vous trompiez lourdement (et on vous invite à lire La stratégie du choc de Naomi Klein).

Aujourd’hui, notre gribouilleur Gee nous cause de la « Plateforme » (aussi nommée Health Data Hub), une nouvelle porte ouverte aux GAFAM sur nos données de santé…

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




StopConneries

En ce moment, ça discute beaucoup autour de StopCovid, le projet d’application de traçage pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Notre dessinateur Gee vient donc apporter son pavé dans la trogne mare sous forme d’une BD – un poil – énervée.

 

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Publicité segmentée : la méthode Cacarico

Aujourd’hui, c’est une interview de Franck Riester sur France Inter (et particulièrement ce passage sur la publicité segmentée) qui a fait réagir notre grisebouilleur Gee…

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Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Reconnaissance faciale

Aujourd’hui, Gee et ses grises bouilles nous causent de reconnaissance faciale, un sujet évoqué par le gouvernement entre le foie gras et la dinde de Noël comme si de rien n’était…

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Humains après tout

S’il y a une expression dont le marketing nous rebat les oreilles, depuis pas mal de temps, c’est bien « intelligence artificielle ». S’il est important de rappeler avant tout qu’un ordinateur de 2019 ou de 1970 reste invariablement aussi con, il est aussi intéressant de suivre ce qui se passe en coulisses, quand on gratte le vernis marketing.

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)