#FixCopyright : deux visions d’une journée au Parlement Européen

Nous poursuivons notre série d’articles sur le rapport Reda avec le récit de la journée « Meet the New Authors » par deux créateurs de contenu différents. Cette journée, organisée par l’eurodéputée Julia Reda et son cabinet, avait pour but de montrer la création qui se fait par et pour internet, et de donner voix à ces artistes qui ne veulent pas que l’on emprisonne des pirates et entérine une guerre au partage « en leur nom ».

Étrangement, voici deux créateurs qui ne se connaissent pas, qui ont vécu une expérience différente de cette journée, et qui pourtant en repartent avec la même réserve…

Auteur et éditeur (au sein de la maison d’édition numérique Walrus ebooks qui offre de belles nuits blanches à bien des membres de l’asso), Neil Jomunsi expérimente régulièrement autour de l’écriture numérique et incite fortement les auteurs à publier sous licence Creative Commons. Le bilan qui suit est donc CC-BY-SA Neil Jomunsi et a été originellement publié sur son blog « Page 42. »

Neil et Pouhiou, des auteurs très à l'aise avec les selfies.
Neil et Pouhiou, des auteurs très à l’aise avec les selfies.

Meet the New Authors : petit bilan

Le lundi 20 avril dernier a eu lieu au Parlement européen de Bruxelles un évènement organisé par l’eurodéputée Julia Reda et son équipe. Intitulée « Meet the New Authors », la journée donnait la parole aux artistes, journalistes, philosophes qui mettent le Web au centre de leur processus de création et qui, pour la plupart, voient dans les propositions du rapport Reda une manière d’engager un dialogue nécessaire sur l’évolution du droit d’auteur au regard des défis qui s’offrent à nous — qu’il s’agisse de la baisse de revenu des artistes, du piratage, des nouveaux moyens de financement et de diffusion, des restrictions territoriales ou de l’essor d’une culture indépendante et diversifiée. J’avais la chance d’être invité à m’exprimer aux côtés de l’écrivain Cory Doctorow, de la réalisatrice Lexi Alexander, du youtubeur et écrivain Pouhiou, du cyberphilosophe Alexander Bard, de Brit Stakston et de Martin Shibbye du projet journalistique Blank Spot, du photographe Jonathan Worth et du réalisateur Nicolas Alcala — autant de créateurs et d’innovateurs aux parcours très instructifs. Autant dire que la journée a été pour moi très inspirante.

À notre arrivée, un déjeuner avait été préparé dans un salon du Parlement. Autour de la table, Julia Reda, son équipe et les invités, mais aussi quelques eurodéputés — certains acquis aux idées du rapport, d’autres plus sceptiques — invités à partager un moment de discussion informelle. Cory Doctorow engage une conversation animée avec la députée assise à côté de moi. Il parle vite, et même si je considère avoir un niveau d’anglais assez correct, certaines phrases m’échappent. Je participe à l’échange, qui devient vite une tentative de convaincre la députée du bien-fondé de certaines idées. Elle est ouverte à la discussion, écoute nos arguments, semble en prendre note. À ma droite, Brit Stakston et Martin Shibbye m’expliquent comment ils ont sorti un journal de ses ennuis financiers grâce au crowdfunding. Un peu plus tard, dans le panel dans lequel elle s’exprime, Brit Stakston expliquera, entre autres choses passionnantes, qu’il faut toujours si possible faire coïncider la fin d’un crowdfunding avec une fin de mois — le moment où les internautes reçoivent leur salaire, et où ils sont donc plus enclins à la générosité. Pas bête. Un peu plus loin, Pouhiou est en grande discussion avec l’excentrique cyberphilosophe, qui lors du tour de présentation a affirmé être plus riche que nous ne pourrions jamais en rêver. Je ne comprends pas le thème de leur discussion, mais je crois entendre que ça parle de sexe et que c’est très animé. D’une manière générale, quand il s’empare d’un sujet, ça s’énerve assez vite. Le cinquantenaire — crâne rasé, barbe de hipster et short d’écolier — aime catalyser l’attention.

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Avant le dessert, nous partons avec Cory Doctorow et Lexi Alexander pour une conférence de presse. La salle n’est pas bondée, mais les journalistes attentifs. Face à mon hésitation entre utiliser Julien Simon et mon nom d’auteur, Lexi Alexander me suggère de toujours me présenter en tant que Neil Jomunsi — question d’image et de marketing. Je sais qu’elle a raison, mais autant je n’ai aucun mal à utiliser mon nom de plume par écrit, j’ai encore un peu de mal à l’employer à l’oral. Va pour Neil, donc. Après une introduction de Julia Reda, nous expliquons en deux mots la raison de notre présence et notre vision du problème face aux journalistes. Cory Doctorow et Lexi Alexander sont beaucoup plus rompus que moi à l’exercice — d’ailleurs, je ne savais même pas qu’on m’inviterait à la conférence de presse et je n’avais rien préparé. Heureusement, il y a des traducteurs : je peux m’exprimer en français. J’improvise. Première vraie conférence de presse pour moi, ça se passe mieux que je le pensais, mais c’est impressionnant. La session est chronométrée, nous devons partir à 14h pour les panels.

Le grand amphithéâtre est plutôt bien rempli quand nous arrivons. Je m’installe sur la scène à côté de Pouhiou, déjà assis, de la modératrice Jennifer Baker, du cyber-philosophe Alexander Bard et de la réalisatrice Lexi Alexander. Nous expliquons pourquoi nous sommes favorables à telle réforme ou à tel point du rapport, expliquons les problèmes que nous rencontrons et les solutions que nous aimerions voir mises en place. Le ton monte vite, s’accélère, s’envenime même un peu. Je ne suis pas très à l’aise quand il s’agit de hausser la voix, je préfère des discussions posées, pas facile de trouver le rythme. La salle, remplie en partie de membres du Parti Pirate, est acquise à la cause et applaudit sitôt qu’une pique est adressée à l’industrie culturelle. Quand le président d’une société d’auteurs prend la parole lors des questions du public, les pannelistes le rembarrent. D’une manière générale, j’ai l’impression que le débat autour du droit d’auteur manque de nuances : soit on est pour une réforme, soit on est contre. Quand on est pour, c’est qu’on veut « supprimer le droit d’auteur » selon ceux qui s’opposent à toute réforme. Quand on ne veut rien changer, c’est qu’on est un « vieux con passéiste qui n’a rien compris à internet » selon les partisans de la réforme. Il n’y a pas d’entre-deux et je trouve ça assez dommage, ça me fait penser à ces discussions sur l’allaitement où chacun campe sur ses positions. À la fin du panel, j’ai l’impression que tout le monde a dit ce qu’il avait à dire, mais que le débat n’a pas vraiment avancé. C’est une des choses que je retiendrai de cette journée : il faut de la nuance, tout le temps et le plus possible. Discuter avec tout le monde. Nous avons à apprendre des deux côtés. D’ailleurs, à la fin de la session, je vais discuter avec le représentant de la société d’auteurs. Le dialogue est franc, plutôt cordial une fois qu’il constate que je n’ai rien d’un ayatollah. On s’accorde à dire qu’il faudrait davantage de discussions posées entre les différents « camps », peut-être loin du public et des caméras qui ne font qu’exacerber les tensions.

J’écoute le second panel, celui auquel participe Cory Doctorow, avec grande attention. Le ton est plus posé, moins revendicatif, moins énervé aussi, du coup je le trouve beaucoup plus intéressant. Cory Doctorow a l’habitude de participer à de tels évènements : on sent qu’il a de l’expérience. Chaque phrase qu’il prononce donne l’impression d’être tirée d’un puits de bon sens, une punchline toutes les minutes, la salle écoute, oreilles grandes ouvertes. Ce type est passionnant. Quand je lui demande plus tard quel est son secret, il m’explique qu’il suffit de participer à ce genre de conférence des dizaines de fois par an et que l’habitude fait le reste. C’est un auteur très accessible, un « pro », qui fait le boulot et reste d’égale humeur tout du long. Les anglo-saxons savent faire ressentir une certaine proximité là où beaucoup d’auteurs européens que j’ai rencontrés n’y arrivent pas. C’est un truc que j’aimerais bien apprendre — surmonter ma timidité surtout, qui peut vu de l’extérieur ressembler à une certaine froideur. Doctorow a sorti un livre l’année dernière « Information doesn’t want to be free », que j’avais dévoré en numérique à sa sortie. Il nous en explique quelques axes forts. Les crowfunders suédois poursuivent la discussion, suivis du photographe Jonathan Worth qui publie une partie de ses images sous licence Creative Commons et de Nicolas Alcala, auteur du projet transmedia et sous Commons « Le Cosmonaute ». Ce dernier semble assez désabusé, presque déçu, de son expérience. Mais il nous expliquera au dîner que même si cela avait été dur, il a encore beaucoup de projets à venir.

Nous terminons la journée par une présentation plus complète du livre de Cory Doctorow par l’auteur lui-même, qui se termine en séance de dédicace. L’équipe — qui a fait du super boulot tout au long de la journée — a prévu des dizaines d’exemplaires gratuits à distribuer, que l’écrivain dédicace à tours de bras au terme des questions-réponses. On prend quelques photos, puis nous terminons la soirée dans un bar-restaurant près du Parlement. Nous sommes une bonne cinquantaine et l’atmosphère bruyante n’est pas forcément propice à la réflexion : pas grave, nous en profitons pour causer et rire autour d’une bière — il faut dire que la pression retombe. Des mails sont échangés, des pseudos Twitter aussi, et tout le monde se quitte sur les coups de 23h-minuit. Bruxelles bruisse de politique en permanence, mais elle semble plutôt calme une fois la nuit tombée.

J’ai trouvé cette journée vraiment enrichissante, et elle m’a beaucoup inspiré pour les semaines et les mois à venir. Je remercie Julia Reda et son équipe de m’y avoir convié, et j’aurai l’occasion d’expliquer plus en détails les conséquences directes des réflexions dans lesquelles elle m’a plongé. En attendant, je ne peux que vous conseiller de lire (ou de relire, ce que je suis en train de faire) le livre de Cory Doctorow. Cet ouvrage est un phare dans la brume des questions nébuleuses qui se posent à nous autour d’une éventuelle réforme positive du droit d’auteur et j’invite chacun à en prendre  connaissance.

Neil Jomunsi

NotaBene : le bilan en vidéo

Benjamin Brillaud est le créateur de NotaBene, une chaîne YouTube sur la thématique de l’Histoire. Il est aussi à l’origine du collectif des Vidéastes d’Alexandrie (des vidéos à thématique culturelle sur YouTube). Il a surtout été très enthousiaste dès que l’idée a circulé sur les réseaux de faire une vidéo soutenant le rapport REDA, et c’est lui qui s’est chargé de monter/réaliser cette vidéo « Nos Créations sont Hors la Loi » (en travaillant au passage à rassembler les troupes et les énergies).

Tous les vidéastes ont été invités à assister à cette journée Meet The New Authors. Finalement, seuls Fujixguru (le papa de l’internet), lui et moi avons pu nous y rendre. Il tire de cette journée un reportage vidéo (attention c’est sur YouTube et non-libre ^^) très intéressant ainsi qu’une conclusion en demi-teinte…


Vidéo « Nota Bene - bilan de la journée au parlement européen » sur Youtube

 




#FixCopyright : de bonnes raisons de soutenir le rapport REDA.

Nous entamons ici une série d’articles autour du rapport REDA, une initiative visant à dépoussiérer et harmoniser les lois du droit d’auteur/copyright sur le territoire européen. Il s’agit d’un sujet important et d’une opportunité unique de trouver un compromis qui pourrait favoriser les auteurs, les échanges culturels sur les Internets sans écorcher l’industrie de production et diffusion culturelle.

L’idée de cette série d’articles est de donner la parole à des créateurs de contenus, au nom desquels sociétés de gestion collective de droits et industriels de la culture voudraient lancer une « guerre au partage ».

Ce premier article est signé Greg, dont le blog l’Antre du Greg est à suivre avec attention. Greg est un auteur aux créations Libres. Il a su résumer les points fondamentaux et les enjeux de cette proposition législative qui pourrait (en douceur et avec des compromis) changer la donne dans la relation auteur-audience, d’internaute à internaute.

Le contenu qui suit est donc CC-BY-SA Greg, et a été originellement publié sur l’Antre du Greg.

Pourquoi je soutiens le rapport REDA (et pourquoi vous aussi, vous devriez)

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CC-BY-SA le parti pirate Thèque (source : flickr)

En ce moment, au parlement européen, on prépare la réforme du droit d’auteurs, initiée par le rapport Reda (du nom de la députée Julia Reda, non pour Réforme Européenne pour le Droit d’Auteur (ne riez pas, on m’a pourtant fait cette remarque)). Ce rapport, quoiqu’en disent les grands acteurs de l’industrie culturelle, donne plus de droits aux créateurs, se basant sur les nouvelles technologies, mais aussi aux internautes. Je vous invite à lire une explication du rapport de Julia, si vous ne le connaissez pas, et si vous voulez le texte en détail, c’est par ici. Je voulais vous partager mon ressenti sur les débats qui ont lieu en ce moment, mais aussi vous expliquer pourquoi, selon moi, il est important de le soutenir. La liste n’est cependant pas exhaustive, sinon, je pense que mon plaidoyer atteindrait la taille d’un mini-livre. Voici donc déjà des points essentiels, mais n’hésitez pas à approfondir le sujet.

Les créateurs sont hors-la-loi…

Les créateurs de vidéos, principalement sur Youtube, sont considérés à l’heure actuelle comme des hors-la-loi en Europe. En effet, il existe aux USA le principe du Fair Use qui permet de mettre un petit extrait d’une œuvre pour illustrer son propos. En Europe ce n’est pas le cas. Mettre un passage d’une chanson, une citation d’un film est une violation du copyright. Oui, votre youtuber préféré, qui a remixé une œuvre, a fait un mash-up, est un criminel aux yeux des ayants droit. Mais plutôt que de vous faire une longue diatribe contre l’état actuel de la législation, je vous invite à regarder cette petite vidéo, pleine de gens bien qui vous expliqueront tout ça bien mieux que moi.

 


Vidéo « Nos créations sont hors la loi » sur Youtube

 

…Mais l’internaute aussi.

La copie a toujours existé. Les moines copistes en sont la preuve. Nous avons tous, dans le passé, pris un peu de temps avec une photocopieuse. Nous avons enregistré des disques sur cassettes audio que nous repassions à nos copains. Pareil pour les films avec les cassettes vidéo. Jamais nous n’aurions pensé que nous serions considérés comme des criminels, que l’on passerait en jugement et que nous risquerions prison ou amende. C’est pourtant ce qui est en train de se passer : la criminalisation du partage. Si vous avez le malheur de mettre la moindre œuvre artistique sur un réseau de peer-to-peer vous êtes considéré comme le pire des criminels.  Le rapport REDA propose de renforcer les droits des utilisateurs, avec entre autre, la facilitation du prêt numérique pour les bibliothèques.

Ce n’est pas le piratage qui tue un artiste ou une œuvre, mais bien l’absence d’offre concrète et suffisante. On a souvent l’impression que les grandes maisons d’édition passent plus de temps à lutter contre le piratage qu’à créer une véritable offre : les titres numériques sont très peu nombreux par rapport à leur équivalent papier, et tout un temps, les livres numériques n’étaient que de vulgaires scans. Les grandes maisons d’éditions s’érigent en spécialistes du numérique sans même en connaître tous les tenants et aboutissants : rien que dernièrement, un auteur préconise l’abandon du format epub parce que c’est devenu le standard du piratage : c’est une aberration totale. Un fichier reste un fichier, si un format disparaît, un autre prendra rapidement sa place.

Pour clore ce paragraphe, je terminerai en soulignant une idée défendue aussi par Thierry Crouzet mais aussi Ploum, et beaucoup d’auteurs libres : publier c’est rendre public, mettre à la disposition de tout un chacun et  laisser son œuvre vivre sa vie, se propager. Beaucoup d’auteurs se plaignent que le piratage tue leurs œuvres. J’ai vu dernièrement un auteur se plaindre que son livre ne s’était vendu qu’à deux cents exemplaires mais qu’il avait été téléchargé plus de sept cents fois. Je ne comprends pas la plainte : s’il a été téléchargé, c’est que des personnes se sont intéressées à son travail et l’ont propagé. Elles ont aidé à la faire connaître. Je ne trouve pas plus gratifiant de recevoir de l’argent que d’être lu par un plus grand nombre, c’est même le contraire (même s’il est vrai que comme beaucoup d’auteurs, j’aimerais vivre de ma plume, je serai nettement plus honoré de voir mon œuvre se propager sur les sites internet, cela prouve que du monde s’intéresse à ce que je fais et veut le faire découvrir à d’autres). Et si vous ne voulez pas voir votre œuvre se propager sur internet, n’écrivez et ne publiez pas.

L’aberration des hyperliens

Un hyperlien est un lien que vous faites pour illustrer votre propos vers un autre article. C’est le fondement de l’internet, faire des liens vers d’autres ressources qui approfondissent le sujet. Sans ces derniers, le net serait nettement moins vivant. Vous ne copiez pas l’information, vous dirigez vos lecteurs vers l’information, vers « le propriétaire » de son contenu (je n’aime pas cette façon de voir les choses, une idée, pour moi, n’appartient à personne, mais j’y reviendrai dans un billet ultérieur). Vous ne violez donc pas le droit d’auteur de cette personne. Julia Reda demande donc que l’hyperlien ne soit pas soumis à des droits exclusifs. Petit exemple, qui pourrait se généraliser. J’écris un article sur un sujet X et pour montrer ce que j’explique, je fais un lien vers un site d’une société de l’audio-visuel belge. Je suis bien dans l’illégalité, si on regarde les conditions d’utilisation de ce site :

RTL

Je n’ai pourtant pas copié le contenu de l’article. Je n’ai fait qu’un simple lien. En réalité, cette société devrait être reconnaissante envers quelqu’un qui fait un lien vers elle. Elle gagne en visibilité, gagne des visiteurs qui sont intéressés par le sujet. Mais non. Selon eux, une telle pratique reste une violation du droit d’auteur.

« Vendre » de la culture, c’est comme vendre des poires

Dès la présentation du rapport, une levée de bouclier a eu lieu de la part d’eurodéputés. Le député le plus virulent, Jean-Marie Cavada, s’est farouchement opposé au rapport de Julia Reda. Neil Jomunsi, auteur et propriétaire de la maison d’édition Walrus, a voulu lui expliquer ce que le rapport apportait, et en quoi il est important pour les auteurs. Mais la réaction de Cavada fut totalement consternante : premièrement, on a clairement eu l’impression qu’il n’avait pas lu la moindre ligne de la lettre, répondant des phrases préformatées, comme si elle avait été dictée par des lobbyistes. Il souligne que des jeunes « Robin des bois des temps modernes » veulent abolir le copyright, alors que ce n’est pas du tout le cas : il s’agit d’un renforcement DES droits des auteurs et des utilisateurs. On remarque bien dans sa réponse que sa préoccupation n’est pas l’auteur mais bien l’industrie. Il en vient même à comparer un bien culturel à un produit que l’on vend sur les marchés. Même si un bien culturel nourrit l’esprit, je ne suis pas sûr que le comparer à une poire ou une carotte soit très gratifiant.

Vous n’êtes considéré comme auteur que si vous êtes publié par une grande maison

J’aime écrire. J’écris des petites histoires, que je mets ici, sur mon blog, ou sur d’autres réseaux. Je mets des mini-livres numériques à disposition de tout un chacun. Pour des tas de raisons, je n’ai pas cherché à prendre un éditeur. Pour un député européen, Monsieur Cavada (oui, toujours le même), je ne suis donc rien. Je n’ai droit à aucune considération. J’aimerais cependant paraphraser Arnaud Lavalade et Manuel Darcemont, les fondateurs de Scribay :

«Un auteur le devient dès la première ligne.

N’importe qui est auteur dès qu’il se met à écrire. Personne n’a le droit de dire qui est auteur et qui ne l’est pas. C’est l’acte de création qui détermine un auteur, pas sa validation par une quelconque autorité.»

Je constate ici un mépris de chaque internaute qui se lance dans une activité créative et fait partager son art. Mais on remarque une fois de plus la volonté de protéger une industrie qui a du mal à s’adapter aux évolutions technologiques plutôt que de protéger tout acte de création, sans laquelle cette industrie ne pourrait de toute façon pas survivre.

Ce que vous avez financé, ne vous appartient pas et vous pouvez vous asseoir dessus.

Il y a des tas de créations qui n’ont pu avoir lieu qu’avec l’aide de financement public. Prenons un petit exemple : les universités, dans le cadre de leurs travaux, reçoivent de l’argent public (donc oui, votre argent, puisque vous payez des impôts). Les résultats de ces travaux, les thèses, les découvertes, devraient donc être dans le domaine public, puisque tout un chacun les a financés. Mais non, ils restent la propriété de la personne ou l’institut. On pourrait même aller plus loin, mais ici c’est une interprétation purement personnelle, avec la presse. Elle est grandement financée par l’argent public, et elle s’écroulerait si elle ne recevait plus aucun subside. Là c’est même pire, vous devez payer une seconde fois pour accéder à l’information (en plus de donner du temps de cerveau disponible pour les nombreuses publicités qui inondent les pages ou sites internet).

Le lobbying porte ses fruits, dénaturant tout le rapport.

À peine publié, directement dénaturé. Des tas d’amendements furent directement modifiés par nombre de députés, vidant pratiquement tout le rapport de sa substance. Je vous les ai cités plus haut, les hyperliens, où les députés demandent de créer «un droit d’auteur » pour ces derniers. Alors que le rapport demande l’abandon des DRMs, des députés modifient le paragraphe pour les mettre en avant ; alors que le rapport demande une harmonisation des règles pour toute l’Union Européenne, facilitant donc la vie de tous les acteurs hors industrie, on le supprime. Dans le cas où le rapport est voté avec ces modifications, on obtiendrait le statu quo, voire pire plus de droits pour l’industrie et non pour les petits auteurs et les utilisateurs. Je vous invite à lire ce billet : Reda report: the 10 worst and the 5 best amendments (en anglais).

#CopyrightForFreedom, ou se battre pour l’industrie du livre et non l’auteur

Le lobbying de l’industrie continue de se mobiliser. Lors de la Foire du Livre de Paris, la Fédération des Éditeurs Européens lance la campagne « Copyright For Freedom », avec la création d’une pétition en ligne demandant justement de renforcer le copyright. Mais renforcer le droit d’auteur, le prolonger à 70 ans voire plus, n’est-ce pas à l’opposé de la liberté ? Dans le cas de cette prolongation du droit d’auteur et des droits voisins après la mort d’un auteur, ce n’est pas l’auteur qui est protégé, mais bien l’industrie. Oui, cette campagne ne sert qu’à protéger cette industrie. Je suis un auteur, et je le clame haut et fort : pas en mon nom. Et je vous le demande à tous, ne signez pas cette pétition.

Mais pour moi, le rapport aurait pu encore aller plus loin.

Je vais terminer par ce qui m’a le plus déçu dans le rapport Reda, bien que certaines nuances aient pu m’échapper. J’aurais aimé voir une reconnaissance et une harmonisation des systèmes de financement alternatifs tels que Flattr, Tipeee et autre. Rien que pour la Belgique (je pense que c’est pareil pour la France avec Flattr), il y a un flou juridique total à ce sujet, personne ne sait ce qu’il convient de faire pour travailler avec ce type de donation, si on doit les considérer comme des dons ou des revenus (et ce n’est pas faute de poser la question à droite et à gauche). Mais peut-être que cette question dépasse le cadre du rapport Reda.

Continuer à creuser…

Voici pour moi les points essentiels, ce que j’ai retenu sur ce rapport. Je vous invite cependant à prendre connaissance des avis d’autres créateurs. Ce lundi 20 avril s’est tenue la conférence Meet The New Authors, au parlement européen. Voici la vidéo des débats organisés par Julia Reda, vous aurez donc des avis différents, complémentaires aux miens, et des problèmes plus spécifiques aux autres secteurs de l’édition.


Merci de m’avoir lu. Bien sûr, ce texte est sous licence Creative Commons BY-SA. Partagez-le, modifiez-le. Propagez les informations. Pour que les auteurs, mais vous aussi, internautes, ayez plus de droits. Pour que nous ne soyons plus hors-la-loi.

Greg.




Créateurs du net, Creative Commons et réforme du droit d’auteur : #SupportREDA

Ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code.

Voilà une devise forte clamée en haut de notre Framablog. C’est en y croyant que nombre de créateurs de contenus ont appliqué les méthodes, réussites et modèles du Logiciel Libre à d’autres domaines.

Salut et merci pour les outils

Creative-Commons-collageLa naissance des Creative Commons ou de la Licence Art Libre, le contrat de cession non-exclusive de droits développé par les juristes de la maison d’édition Framabook, la médiathèque Wikimédia Commons (ou la bibliothèque du Domaine Public Wikisource), et toutes ces œuvres Libres ou de libre diffusion que l’on peut trouver en un clic… la mouvance du logiciel libre ne cesse d’inspirer de nouveaux outils à celles et ceux qui ne créent pas du code informatique.

Bien sûr, les créateurs culturels n’ont pas attendu la venue du logiciel libre pour considérer le libre partage de leurs œuvres. Mais, personnellement, lorsque je me suis rendu compte que mes écrits sont fondamentalement libres, qu’ils sont libres dans la manière dont ils se créent, dont ils se reçoivent, dont ils se financent… Lorsque j’ai réalisé que mettre des barrières ou des péages serait aussi bien un déni de leur nature profonde qu’un déni de la réalité économique digne d’un bisounours (doit-on rappeler que l’économie de l’attention régit le net, et que les barrières empêchent de capter cette attention ?)…

Bref, lorsque j’ai pris conscience de tout cela, j’ai trouvé vos outils à ma disposition. J’ai rencontré vos communautés pour prêter à mes œuvres un peu d’attention. J’ai reçu vos conseils, vos expériences, votre travail et même votre argent pour nourrir mes expérimentations. Mais surtout, surtout… j’ai fait la connaissances d’autres créateurs imprégnés de la culture du net. Des créateurs qui, à l’heure de la création/diffusion numérique, voient tout comme moi l’opportunité formidable que représente le Libre.

Les Auteurs Énervés parlent des Creative Commons

Thierry Crouzet et Neil Jomunsi m’ont invité sur le deuxième numéro de leur podcast engageant et engagé. Une émission sans langue de bois ni politiquement correct, où l’on parle droit devant soi, où l’on se défoule à balancer ce qu’on réfléchit à deux fois à dire lorsqu’on écrit un article de blog. Cette émission foutraque nos a permis d’échanger sur les pratiques du Libre, l’avantage de l’écriture diffusée sous Creative Commons, le rapport REDA… et même la montre d’Apple !

Thierry Crouzet et Neil Jomunsi, les auteurs énervés.
Thierry Crouzet et Neil Jomunsi, les auteurs énervés.

Il faut dire que ces comparses n’en sont pas à leur coup d’essai libriste. Thierry Crouzet a développé le principe d’économie de la paix, qu’il a expérimenté avec son récit Le geste qui sauve (traduit en plus de 12 langues grâce à sa licence libre). Il continue, aujourd’hui, de jongler entre l’édition traditionnelle et la libre diffusion de ses écrits… Notamment son projet-roman 1 Minute, où il écrit-publie quotidiennement, et ce pour un an, la même minute (vue par autant de personnages différents) cette minute où l’on apprend que nous sommes pas seuls dans l’univers.

Après avoir passé un an à écrire une nouvelle par semaine pour son Projet Bradbury, Neil Jomunsi a enchaîné les expériences d’écriture. Que ce soit inviter des amis auteurs à écrire 24h dans un train de Berlin… ou à concevoir le livre-web Radius (où six auteurs incarnent chacune un personnage), ses envies débordent. Il a aussi récemment été en première ligne des auteurs soutenant le rapport REDA.

Les vidéastes Français soutiennent le rapport REDA

J’ai rongé mon frein sur ce rapport REDA. J’ai vu les copains, comme Neil, aller au charbon. Écrire des articles blogs et des lettres ouvertes, et recevoir en retour le dédain méprisant de l’euro-député Jean Marie Cavada. Les créateurs du net sont (selon lui), à l’image de son petit-fils : pas des Goethe ni des Victor Hugo. Soit. Je ne comprends toujours pas en quoi cela ne nous donne pas voix au chapitre sur cette réforme essentielle et nécessaire du droit d’auteur.

J’ai rongé mon frein et me suis tu. Je devais la fermer, pour ne pas dire ce qui se préparait. Lorsque j’ai lu le rapport REDA, je l’ai trouvé formidable parce que modéré. Il replace les auteurs et créateurs au centre des préoccupations de l’industrie culturelle. Il renforce leur position face aux éditeurs et producteurs, tout en reconnaissant l’importance de ces intermédiaires. Il autorise et encadre les pratiques créatives du remix, du mash-up et de la citation. Il renforce le domaine public et le domaine public volontaire.

 

Vidéo « Nos créations sont hors la loi » sur Youtube

 Ceci est une vidéo YouTube. Clique dessus pour la voir 😉

J’ai rongé mon frein parce que je savais ce qui se préparait. Avec des copains vidéastes, des « YouTubeurs » comme on aime nous estampiller, nous nous sommes rassemblés. Nous avons écrit, produit et réalisé une vidéo collective dans le plus grand secret. Nous avons contacté La Quadrature du Net pour travailler ensemble à soutenir cette réforme. Je suis très fier de démontrer ainsi que des « gamins qui se filment dans leur chambre » (comme on ne manquera pas de nous appeler) sont en fait des créateurs dotés d’une conscience politique, des citoyens qui savent lire et soutenir des projets de loi.

La Culture Libre ne dépend que de nous.

Soutenez le rapport REDA
Soutenez le rapport REDA

On a envie d’y croire. De croire qu’un autre rapport entre créateurs et public est possible. Que plutôt que d’être un vendeur de livres (ou d’espaces pubs avant les vidéos), on peut simplement être des auteurs qui vous proposent ce que l’on fait… que ce soit directement ou aidés par des intermédiaires.

Mais cela ne tient qu’à vous. Intéressez-vous aux personnes qui proposent un autre rapport que celui de simple commerçant opposé aux pirates-voleurs. Diffusez et partagez des œuvres Libres. Donnez-leur du temps, de l’attention, des apports ou de l’argent.

Créez, surtout. Créez en vous inspirant de qui bon vous semble, en utilisant les outils, licences, savoir-faire, moyens de diffusion et de production qui peuplent nos Internets.

Et s’il vous plaît, prenez le temps de vous renseigner sur le rapport REDA et de le soutenir en contactant vos euro-députés.

Le droit d’auteur peut enfin se mettre à autoriser et encourager la culture que vous aimez. Ça se passe maintenant… et il n’en tient qu’à nous.




ABC-Map : réalisez des cartes et des tracés facilement

Soyons francs : quand un développeur se présente à nous en expliquant qu’il a pensé son premier projet pour le grand public, pour la famille Dupuis-Morizeau (notre sympathique famille-témoin de Normandie qui, doit-on le rappeler, a pris le relais de la famille Michu), et qu’en plus il a placé ce projet sous licence libre… on a envie de frapper des mains et sauter partout en débouchant le champomy… Ce qui est dangereux pour les ordinateurs qui nous entourent, alors on le fait pas.

Par contre, on a aussi envie d’en savoir plus sur ce projet, et de le partager sur le Framablog.

Rémi Pace a bien vu que, chez les Dupuis-Morizeau, créer une carte se résumait à une mauvaise capture d’écran de Google Maps et un coup de paint (avec traçage aléatoire à la souris) ou de toshopage mal cracké (mais là faut demander à la petite, parce que les autres ne maîtrisent pas).

Or, on a souvent besoin de cartes à imprimer, mettre sur un site web ou un flyer… Et ce géographe de Rennes a développé une solution simple, libre et documentée (avec de zolis tuto vidéos) pour aider les Dupuis-Morizeau à réaliser simplement et en toute liberté leurs itinéraires, tracés et autres chemins de rando…

Découvrons donc ABC-Map avec son créateur, Rémi Pace.

Carte Réalisée en 20 minutes avec Abc-Map (merci à la communauté d'OSM pour le fond de carte)
Carte Réalisée en 20 minutes avec Abc-Map (merci à la communauté d’OSM pour le fond de carte)

Bonjour Rémi, peux-tu te présenter aux membres du framablog ? Car sans vouloir spoiler ta réponse, tu n’as pas un profil de développeur, à l’origine… je me trompe ?

Bonjour Pouhiou, merci de m’accueillir sur le magnifique Framablog ! En effet je n’ai pas le profil type d’un développeur. Je suis actuellement étudiant en 3e année de Licence de Géographie-Aménagement à Rennes, une licence de sciences sociales où les cours ne concernent pas du tout le développement informatique.

En fait je me suis formé en autodidacte à l’informatique et à la programmation toujours en fonction de besoins : créations graphiques, sites internet, traitement de données, etc. Et comme le Web est très bien fourni en matériels et en tutoriels j’ai pu vite acquérir une bonne aisance. Petit à petit, je me suis mis à aimer ce que je faisais et désormais je m’oriente vers une formation de développement.

Parallèlement et depuis longtemps je bidouille les cartes qui me tombent à portée de main. On y découvre un tas de choses intéressantes aussi bien sur notre environnement direct que sur le monde et ses mécaniques. Mais malgré les utilisations possibles très concrètes j’ai toujours trouvé qu’il était assez difficile de créer des cartes simples. D’où mon idée de créer Abc-Map.

Chez Framasoft, on parle beaucoup de la famille Dupuis-Morizeau… Entre l’oncle agent d’accueil en office de tourisme, la cousine qui fait du trekking et le jeune couple de papas qui organise une chasse au trésors pour l’anniversaire du petit… Ils ont besoin de cartes mais ne sont pas hyper branchés informatique… Concrètement, ils doivent faire quoi ?

Les Dupuis-Morizeau peuvent très bien apprendre à se servir de QGis ou de GvSIG et lorsqu’ils manieront les connexions WMS et WFS sur le bout des doigts et lorsqu’ils sauront tout des systèmes de coordonnées et des requête SQL ils pourront créer leurs cartes au trésor et leurs itinéraires de trekking… après 3 où 4 semaines de formation (et je ne donne pas cher de la moumoute de Monsieur)

Je plaisante bien sur 🙂 En fait il existe pas mal de solutions libres très efficaces et qui répondent parfaitement à l’utilisation d’usagers confirmés. Quantum GIS notamment est un logiciel libre tout simplement impressionnant. Son ergonomie et ses possibilités sont énormes mais il demande une formation longue et complexe et une grande aisance en informatique.

En comparaison Abc-Map à des fonctionnalités bien plus limitées mais permet de créer une carte pratique (c’est à dire d’utilisation concrète) rapidement et avec peu de formation. Attention, il faut tout de même se pencher sur le concept et manipuler un peu avant d’obtenir un résultat convenable, mais en autodidacte on parle de suivre un ou deux tutoriels d’une trentaine de minutes chacun. Ensuite il est parfaitement possible de créer des croquis ou des cartes de très bonne qualité.

Le principe du logiciel est assez simple: Tonton Dupuis peut importer une carte à partir d’images ou d’un site de cartographie en ligne, éventuellement la géo-référencer pour utiliser des coordonnées, dessiner des formes, ajouter du texte et des photos puis mettre en page sa carte. Une méthode classique en géographie mais accessible ici dans un seul logiciel, et rappelée à l’aide d’un assistant de création.

De cette manière on peut facilement créer des itinéraires sportifs, des circuits de balade, des cartes de chasse au trésor ou des plans… sans passer plusieurs jours à se former et en se focalisant sur le sujet plutôt que sur le maniement du logiciel.

Quelles sont les fonctionnalités d’Abc-Map qui sont le plus utilisées ? Est-ce que tu as eu des retours d’utilisations que tu n’aurais pas soupçonnées ?

Les utilisateurs me communiquent leurs utilisations et leurs besoins via plusieurs formulaires disponibles sur le site et ce qui ressort tout de suite c’est que les usages sont très variés et souvent pratiques: sports, transports, tourisme, enseignement, activités écologiques…

Mais ce qui m’a fait plaisir c’est quand des utilisations plus atypiques sont apparues : apiculture, pêche, botanique, généalogie, création de jeux… C’est exactement pour ça que j’ai créé ce logiciel, pour les utilisateurs qui ont besoin de cartes pour des activités concrètes et qui n’ont pas la possibilité ou pas l’envie de devenir experts en système d’information géographique.

Et j’ai été particulièrement heureux d’apprendre qu’Abc-Map participe à l’organisation de maraudes sociales et au travail d’associations et d’initiatives citoyennes. Les cartes nous permettent de penser et de nous organiser, et chaque possibilité d’y arriver plus clairement et plus simplement laisse un peu plus de place à la décision et à l’action.

Quant aux fonctionnalités les plus utilisées, je pense que le logiciel est utilisé généralement dans son ensemble, puisqu’il propose une méthode de création. Cependant certains utilisateurs confirmés de logiciels de CAO qui préfèrent l’ergonomie de leur logiciel fétiche utilisent Abc-Map pour assembler un fond de carte automatiquement ou pour placer des objets en fonction de coordonnées spatiales.

Sur combien de temps s’est développé ABC-Map ? Quel langage as-tu choisi et pourquoi ?

Le développement du logiciel a duré un an ce qui est assez long je pense (en alternance avec un emploi et mes études). Mais étant donné que c’est mon premier projet et que je ne connaissais même pas les principaux patrons de conception en me lançant je suis déjà bien content qu’il soit viable et diffusé :).

J’ai choisi de le développer en Java. C’est un langage bien documenté qui permet de coder moins et de coder pour de nombreux systèmes d’exploitation. Dès le début du projet je me suis tout de suite imposé de proposer une solution pour un maximum de systèmes, sans laisser de coté tous les non-$Krosoft.

Ce qui m’a décidé aussi c’est que de bons environnements de développement et de bonnes bibliothèques sont disponibles pour Java grâce au travail de nombreux développeurs. Pour bien se rendre compte de ce que je dis il faut avoir déjà utilisé Eclipse et Maven, ce sont des programmes sensationnels qui permettent de se dépasser en termes de conception et d’organisation.

On voit bien dans les coûts de production de ton logiciel la part importante que prennent les postes chips, olives, bières et Pic Saint Loup AOC… As-tu mis Abc-Map sous licence Beerware ou tu as préféré une autre licence libre ? Et comment ça t’es venu, du coup, de proposer ton logiciel sous licence Libre ?

Abc-Map est distribué sous GNU Public Licence 3, ce qui laisse de bonnes possibilités en termes d’utilisation et de modification. Ce qui m’a décidé à publier sous licence libre c’est l’opinion que j’ai des développeurs/développeuses qui prennent du temps pour créer et partager des logiciels utiles comme LibreOffice, VLC, QGis, Inkscape, The Gimp, Notepad ++, Eclipse,…

J’ai toujours été très impressionné de voir comme ces logiciels sont de bonne qualité et comme ils servent tous les jours les intérêts des utilisateurs. Je pense que j’ai voulu apporter ma petite pierre au cairn. Je trouve dommage par contre que l’on insiste trop peu sur l’aventure humaine que représente le travail bénévole des personnes qui rendent l’information plus accessible et plus pertinente. Il y a encore des gens qui pensent que si un logiciel est gratuit, c’est qu’il est mal bricolé et de mauvaise qualité !

Et contre ce genre de fausses idées, et pour promouvoir l’usage du libre les organisations comme Framasoft et les annuaires de logiciels libres jouent un rôle très important. Il faut mettre en avant la qualité des logiciels et des projets, leur disponibilité, leurs usages et leurs histoires plutôt que de présenter le libre comme une licence contraignante qui produit des logiciels austères, complexes et peu fiables.

Un logiciel aux frais de développement honnêtes ;)
Un logiciel aux frais de développement honnêtes ;)

As-tu songé à déposer ton code sur un Git ? Comment envisages-tu les apports de code que la communauté pourrait te donner ?

Pour l’instant la question ne s’est pas vraiment posée, personne ne m’a proposé d’aide pour le développement. Je ne serai pas contre mais je veux d’abord proposer une version qui me convienne, c’est çà dire que je jugerai minimale, toujours dans l’objectif de me former à la programmation et de réussir un projet de bout en bout.

Dans le courant de l’année lorsque j’aurai terminé les dernières améliorations qui me semblent indispensables je compte créer un Git pour permettre des contributions d’utilisateurs et j’espère que ça pourra se faire dans de bonnes conditions.

Quelles sont les prochaines fonctionnalités que tu souhaites développer ? Et comment peut-on aider le logiciel Abc-Map : avec du code, des sous, de l’aide, du partage…?

Tout d’abord je souhaite améliorer un peu l’interface. J’ai eu quelques retours intéressants et je vais adapter le logiciel pour qu’il soit plus intuitif. Ensuite je souhaite le traduire au moins en Anglais et en Espagnol, toujours dans un esprit de partage.

Une des grosses améliorations aussi sera de proposer des solutions d’import / export pour GPS et pour d’autres logiciels à dimension géographique. Et pour améliorer la prise en main je souhaite dès que possible créer plus de tutoriels et plus de vidéos pour démocratiser encore le fonctionnement du logiciel.

Pour aider pour l’instant je souhaite surtout diffuser l’information pour que le logiciel soit utilisé et pour avoir des retours d’expériences d’utilisateurs. J’aimerai beaucoup aussi recevoir des cartes créés avec Abc-Map. Pour l’instant j’en ai peu et je souhaiterais en publier bientôt sur le site sous la forme d’un album pour encourager la création et pour donner des idées. Bien entendu j’accepte également les dons, il reste encore plein de place dans mes placards pour des olives et du Pic Saint Loup !

Et comme souvent sur le Framablog, on te laisse le mot de la fin…

Pour finir je dirai que je conseille à tout le monde de se lancer, de profiter des outils et de la documentation à disposition sur le net pour créer de nouveaux projets ou participer à ceux qui sont en cours : c’est une expérience géniale, ça peut être long et difficile mais quand le résultat est là ça vaut largement les heures de galères 🙂

Et un grand merci à tous ceux qui développent des outils libres et utiles, à ceux qui créent de l’information libre et accessible sur le net, et à ceux qui font la promotion de ces pratiques constructives !




Framabag : le Wallaby a bouffé du lion !

J’aime les blogs. J’aime lire les copains auteurs, les copines féministes, les libristes et rêveureuses qui font mes Internets. Le problème c’est que mes flux RSS, partages sur facetwittle+ et autres butinages m’ont bien trop souvent rempli les onglets. Tous ces onglets que l’on garde en mode « à lire plus tard » alors que mes moments de lectures, j’ai envie de les passer le soir dans mon lit, loin de l’écran de mon ordi.

Il y a plus d’un an, l’ami Ploum explique sa solution. Une application web où vous créez un compte, un petit bouton sur votre navigateur web. Si vous le cliquez, il conserve l’article sur son serveur, et vous le rend nature. Juste le texte et les images : sans pub, colonne latérale ou pied de page. Sur votre ordi, votre smartphone, votre tablette, votre liseuse. Mon rêve. Mais l’application est propriétaire, on sait pas ce que cache leur code, et leurs serveurs centraliseraient mes données je ne sais où. Snif.

créé avec Gégé, le Geektionnerd Générator
créé avec Gégé, le Geektionnerd Générator

Et voilà qu’arrive Wallabag. Un service web que tu peux installer sur ton serveur perso. Et si tu n’en as pas, Framasoft a installé pour toi un Framabag. En t’équipant d’une extension navigateur et d’une appli sur ton tablettophone, tu peux désormais consulter ton journal des Internets, l’édition de ce que tu veux lire, de ce que tu as collecté tout le jour durant… Un service en perpétuelle évolution, comme ses contributeurs nous l’expliquent ci-dessous !

 

Après quatre mois sans nouvelle version, voici venir wallabag v1.9

Par : Les contributeurs de wallabag.

Un rapide tour d’horizon des nouvelles fonctionnalités donne avant tout les attendus exports aux formats mobi (pour les utilisateurs de Kindle) et pdf qui s’ajoutent au format epub, le partage vers de nouveaux services (Evernote, Carrot et Diaspora), et un nouveau script d’installation.

Il se trouve maintenant également une option pour autoriser l’enregistrement sur une instance de wallabag, de telle sorte qu’un administrateur décide de partager son instance wallabag, un peu à la manière de ce que Framabag fait. Toutes ces options sont activables dans le fichier de configuration.

On trouvera désormais aussi un bouton pour obtenir un article aléatoire, un bouton pour récupérer à nouveau un article si son contenu a changé. D’autre part, les tags sont maintenant importés à partir des exports issus de Pocket. La documentation est également ajoutée directement dans wallabag pour une lecture hors ligne. Enfin, il est possible d’ajouter des tags à un article directement lorsqu’on l’enregistre dans l’interface web.

Il va sans dire que cette version apporte aussi son lot de corrections de bugs, de nouvelles traductions et d’améliorations.

Framabag a d’ores et déjà été mis à jour avec toutes ces fonctionnalités.

Nous sommes donc à la dernière version majeure avant la version 2.0, nous avons mis un maximum de choses dans les versions 1.x, mais nous arrivons à un point où il faudrait faire beaucoup de travail pour obtenir les fonctionnalités suivantes. Pour augmenter et améliorer les fonctionnalités, nous repartons donc « presque » de zéro en utilisant le framework PHP Symfony.

A la manière du phénix, nous avons progressivement abandonné le développement sur la v1.x et sommes à présent concentrés sur cette nouvelle version. L’employeur – qu’on remercie – de Nicolas Lœuillet l’a d’ailleurs autorisé à travailler entièrement sur son projet pendant quelques jours.

Le wallabag d'un pouhiou anonyme
Le wallabag d’un pouhiou anonyme

L’arrivée d’une version 2.0 permettra enfin de fournir une API et atteindre un niveau d’interface utilisateur et de fonctionnalités comparable aux services en ligne propriétaires. Les applications pour mobile pourront enfin fournir les mêmes fonctionnalités que la version web et wallabag pourra être connecté ou intégré à d’autres services.

Réécrire wallabag permet également de se débarasser du code patchwork accumulé au fil des versions. Le code bénéficie des avantages du framework et est logiquement bien mieux écrit et comporte des tests. Un aperçu fonctionnel est déjà disponible à l’adresse http://v2.wallabag.org/ (login/mdp : wallabag/wallabag) et sera mis à jour au fur et à mesure. Que pensez-vous de ce thème  ?

Evidemment, tout le monde est le bienvenu pour donner un coup de main sur le projet. D’ailleurs il y a beaucoup de compétences, hors PHP, que vous avez peut-être qui seraient les bienvenues.

Nous espérons pouvoir vous donner des aperçus de cette v2 dès que possible et avoir des retours sur notre travail. Nous voulons vraiment donner le plus de raisons possibles à tout le monde d’essayer wallabag.




Quelques dates où vous pourrez retrouver Framasoft…

Framasoft est une association qui s’est créée par Internet et travaille donc à distance, depuis les quatre coins de la France (voire de la francophonie) afin d’apporter plus de Libre chez les Dupuis-Morizeau (parce que les Michus, on va les laisser tranquilles ^^).

Stand Framsoft au RMLL 2015 de Montpellier
Stand Framasoft aux RMLL 2014 de Montpellier

Du coup, nous avons fait le choix de ne pas nous baser sur Paris, mais d’avoir des locaux à Lyon, et des salariés et bénévoles dispersé-e-s un peu partout dans l’hexagone. C’est une force qui nous permet de régulièrement participer à des événements où l’on veut souligner l’importance du Libre.

Voici donc quelques dates où vous pourrez nous retrouver, discuter, boire une bière et découvrir les humains qui agissent derrière leurs claviers…

Voilà pour les prochaines semaines… Il y a de nombreuses demandes sur notre page de contact (on essaie d’y répondre au mieux selon les disponibilités de nos bénévoles), et on devrait pouvoir prochainement annoncer d’autres interventions sur Tours, Lyon, Toulouse, Paris (Bookynette nous a invités à Geekopolis !) et même Bruxelles…

Dès que c’est confirmé et goupillé, on vous informe plus avant.

 




On <3 le logiciel libre !

Aujourd’hui, ce n’est pas un jour comme les autres. Journée de l’amour pour les uns, journée commerciale à bougonner pour les autres, elle ne laissera personne indifférent. Pourquoi ne lui donner une dimension toute différente, en en profitant pour déclarer notre amour aux logiciels libres, et aux développeurs du libre que nous torturons à longueur d’année, en bons utilisateurs exigeants et spécialistes du yakafokon que nous sommes.

C’est ce que nous propose la FSF avec sa campagne I love Free software, reconduite cette année. Il est important parfois de savoir lâcher prise pour clamer haut et fort que nous les aimons, ces logiciels libres.

Nous avons choisi pour notre part de vous proposer un fork de poèmes que vous devez tous connaître… Demain dès l’aube, de Victor Hugo et Le dormeur du Val d’Arthur Rimbaud.

 

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Demain dès l’aube (v1.337)

Demain, dès l’aube, à l’heure des châteaux en Espagne,
Je râlerai. Vois-tu, je sais que tu m’entends.
De toi j’exigerai de coder des montagnes.
Je ne puis retenir mes commits plus longtemps.

Ce jour, je te le souhaite sans bug à obvier,
Nulle exigence en moi, nulle attente s’induit,
Seul, ton labeur, le dos courbé, mains au clavier,
Fier, voit le fruit de l’écran qui a blanchi tes nuits.

Je ne t’apporterai ni les bitcoins qui tombent,
Ni le vert des dollars qui ternit leur valeur,
Mais bientôt avec toi nous ferons la bombe
Une main sur la bière et l’autre sur le cœur.

 

Le codeur d’eval()

(v. 4.2)

Dans un réduit obscur il chante une rengaine
Enchaînant follement les semaines aux semaines,
Content quand des lignes obscures s’empilent
Et il boit du maté quand son code compile.

Un codeur jeune, Git ouvert, tête nue
Et la face baignant dans de frais rayons bleus
Dort ; il est vautré dans le PHP chenu
Pâle dans son t-shirt geek au Tux globuleux

Les mains dans le cambouis, il dort. Souriant comme
Sourirait un géant, ce n’est pourtant qu’un homme :
Le livreur de pizzas seul nourrit cet ermite.

Les crashtests, il s’en est déjà bien trop nourri ;
Il dort sur son clavier, la main sur la souris,
Tranquille. Il a deux bugfix dans son commit.

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Plein de datalove à vous !

Chez Framasoft, on ne code pas (ou très peu). On utilise le code développé par des personnes formidables, par des communautés de passionné-e-s, et on le propose au grand public sous forme de services libres et gratuits.

Nous tenons donc aujourd’hui à déclarer notre amour aux équipes développant Etherpad (Framapad), Ethercalc (Framacalc), studs & le fork framadate, Wisemapping et Mindmaps (FramindMap), SVG-Edit (Framavectoriel), TinyTinyRSS (Framanews), Wallabag (Framabag), Diaspora* (Framasphère)… et tant d’autres !

Et un spécial chaton d’amour aux équipes (et à la fondation Mozilla) derrière FireFox qui vous permettent  d’utiliser ces applications web depuis un navigateur Libre.




Les droits d’auteuroliques anonymes (conférence gesticulante)

En novembre 2014, plusieurs membres de Framasoft sont venus en force au Capitole du Libre de Toulouse pour y répandre bonne humeur, chatons, et la défense d’un Libre accessible à tou-te-s (oui : même aux Dupuis Morizeau !)

La fine équipe de Toulibre, le GUL toulousaing organisant avec brio le #CDL2014, a eu la bonne idée de capter ces conférences pour en faire profiter les internautes. Voici donc le dernier d’une série de trois articles « Capitole du Libre ! »

La réunion des droits d’auteuroliques anonymes.

par Pouhiou.

Le droit d’auteur est une drogue. Comme les drogues, on justifie son addiction par des rationalisations fallacieuses. Les auteur-e-s n’existeraient que par leurs œuvres. La créatrice doit être reconnue par ses pairs. Le créateur devrait vivre de ses productions… et cette drogue serait la solution. Mais si c’était le problème… ?

Récit du sevrage réussi d’un auteur et comédien libéré.

Quand on place ses oeuvres sous CC-0, quand on choisit le copy-out, quand on fait voeu de non violence légale pour ses oeuvres… Cela amène beaucoup de questions.

Des questions de mes ami-e-s artistes, qui se demandent si je ne vis pas dans le monde des bisounours ; bien qu’illes soient d’accord avec mes idées de partage. Des questions du public, désarçonné de voir qu’un autre rapport est possible avec la personne qui crée, qu’on peut soutenir une démarche ou un artiste plutôt que de consommer des biens culturels. Des question des détracteurs, enfin, qui voient bien qu’une industrie mute mais n’ont d’autres réponses que les modèles surrannés qui les rassurent.

J’ai dû répondre à ces questions. Et pour ça j’ai fait mes devoirs. Un peu d’histoire, un peu de loi, un peu de recherches pour découvrir comment d’autres créateurices expérimentent. Mais plutôt que d’en faire un conférence un peu docte ; j’ai préféré mettre en scène mes conclusions. Vous inviter à ma réunion des addicts anonymes. Parce que j’ai touché à la drogue du droit d’auteur. J’ai voulu croire qu’elle comblerait mes besoins et me donnerait une sensation de contrôle.

J’y ai cru… puis je m’en suis sorti.

 

Extrait des Connards pros, CC-0 Gee
Extrait des Connards pros, CC-0 Gee

Bonus : Connard Professionnel 101

Par Gee et Pouhiou.

Bienvenue dans ce cours d’introduction à la Bastardise, au métier d’ingêneur, de « Connard Professionnel ». Si l’ouverture facile vous résiste, si votre téléphone vous emprisonne ou votre administration abuse du comics sans… c’est grâce à nous. Cette conférence gesticulée vous présentera le roman graphique satirique sous CC-0 né de la collaboration du romancier Pouhiou et du dessinateur Gee.