Semons pour de bon et pour demain

Semer des graines de services, de savoirs et de pratiques, c’est une image familière que nous partageons avec beaucoup d’associations. Mais si nous semions vraiment, au sens propre ?

Depuis bien longtemps, Framasoft considère que le champ de la culture libre s’étend bien au-delà du code. Libérer ensemble logiciel et matériel, productions artisanales, artistiques et industrielles, documentations scientifiques et fictions sur tous les supports numériques ou non, c’est autant de petits pas qui visent à redonner à tous un peu de maîtrise sur la société pour pouvoir la transformer.

L’initiative de Bertrand dont voici l’interview vise à transformer à terme le paysage naturel où nous vivons.

L’association La Haie Donneurs vient en effet de créer WikHaiePédia, un guide libre pour expliquer comment on peut planter et verdir le monde autour de nous, pour pas un rond, pour le plaisir, et pour l’intérêt commun d’augmenter notre environnement végétal et son écosystème.

 

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement ?

Je m’appelle Bertrand Sennegon, 41 ans, papa de deux petits garçons. J’ai mon propre job comme ouvrier tout bâtiment proposant d’accompagner les particuliers dans leurs travaux. J’utilise du libre sur mes PC (GNU/Linux) depuis de nombreuses années (j’ai installé Mandrake 😉 ) et expérimente beaucoup dans mon jardin et mon quotidien autour des principes de permaculture.

C’est quoi ce projet WikHaiepedia, c’est un wiki pour apprendre à tailler les haies ?

WikHaiePédia s’intéresse à la haie, mais pas seulement. Et plutôt que d’en tailler, le but serait plutôt d’en planter. Et pas que des haies, mais aussi des fruitiers, des arbres, tout ce qui participerait à restructurer un territoire de façon pérenne.

On parle partout de perte de biodiversité, en se demandant comment agir ! Pourtant la nature est multipliable gratuitement. Qu’est ce qui nous empêche de recréer de la biodiversité?

Il me semble que trois points nous freinent pour agir :

  1. l’accès aux terrains, l’ensemble des territoires étant actuellement gérés vers un appauvrissement de la biodiversité ;
  2. le savoir-faire pour créer nos propres micro-pépinières et créer un maximum de plants ;
  3. la conviction que chacun peut agir !

WikHaiePédia est un projet visant à agir sur ces trois freins, en cherchant à créer une communauté autour de la plantation, et une documentation la plus simple possible pour que chacun puisse créer des plants à son échelle.

Comment as-tu eu l’idée de ce projet ? Tu es tombé dedans quand tu étais petit ou bien c’est venu à la suite d’un constat sur l’état de l’environnement ?

À la base, il s’agit d’un constat sur l’environnement. Mais ma prise de conscience ne date pas d’hier. Depuis que je suis enfant, j’observe les disparitions d’espèces s’accumuler.

La France est parvenue à traverser la guerre 39-45 en s’appuyant sur une agriculture ultra-locale, des vergers pleins de fruits et des gibiers parcourant nos bocages. Or, en 70 ans, nous avons tout industrialisé. Notre alimentation repose sur une production mondiale et une consommation massive d’énergies fossiles et nos territoires ne sont plus capables de nous nourrir. Si un événement historique bloque nos approvisionnements industrialisés, aucune structure locale ne pourrait prendre la relève de ce besoin essentiel.

Il me semble donc vital de parvenir à agir sur ce point. Je ne peux pas miser l’avenir de mes enfants sur l’absence de perturbations historiques.

On ne peut pas s’empêcher en parcourant ton projet de penser au livre de Giono L’homme qui plantait des arbres  et au personnage mythique d’Elzéar Bouffier qui a suscité des dizaines d’actions de plantations. On peut voir aussi le très beau film d’animation de Frederic Back qui en est l’adaptation. Est-ce que c’est une source d’inspiration pour toi ?

Non ! 😉 J’entends parler de ce livre depuis plusieurs années, mais je ne l’ai toujours pas lu !

Peux-tu nous expliquer pourquoi l’ensemble du projet et des contributions attendues est en licence libre CC-BY-SA, c’est important pour toi ?

La notion de copyleft me fascine depuis de nombreuses années, elle me semble révolutionnaire sur bien des points et est une vraie solution pour permettre à tous d’accéder à un savoir. De plus, la nature publie son contenu sous quelle licence, puisque que je suis libre de l’étudier, la copier, la modifier ?

On n’est pas tous bien sûr⋅e⋅s d’avoir comme on dit « la main verte », tu penses vraiment que tout le monde peut contribuer à semer, planter, enrichir l’environnement végétal partout ? Même celles et ceux qui sont en plein milieu urbain et ne disposent pas de terrain pour planter ?

Je pense, mon idée à germé après deux années d’expériences dans mon jardin pour créer des arbres à partir de pépins et de noyaux. En m’amusant à semer un peu, j’ai fait pousser une bonne quinzaine d’arbres en deux ans. Depuis je sème absolument tout les pépins et noyaux des fruits locaux que je récolte, et je suis curieux de voir combien de fruitiers je parviendrais à créer.

Bertrand souriant accroupi devant une planche végétale de son jardin, montre deux demi-pommes et un petit pot avec un plant. L’image le montre comme entouré par un arceau en demi-cercle métallique probablement support d’une petite serre-tunnel.

Bertrand dans son jardin

Une jardinière sur un balcon en ville suffit à réaliser quelques semis et boutures qu’on pourrait confier ensuite à une association près de chez soi désireuse de planter. Même sans balcon, on peut participer à des plantations collectives. C’est la multiplication de ces tout petits actes qui peut créer des kilomètres de replantation nourricière pour nous et la faune qui nous entoure.

Gardener city- Œuvre de Nylnook, CC-BY-SA

 

Comment je commence ? Il faut d’abord adhérer à l’association Haie donneurs ?

Adhérer n’est pas obligatoire. Mon initiative est venue se greffer sur l’association « La Haie Donneurs » car nos envies étaient similaires : encourager chacun à agir en créant des plants. Pour cela, le site cherche à référencer toutes les initiatives (associations, groupes, particuliers) œuvrant dans ce sens.

Comment commencer ? En partageant du contenu libre sur le site (photos, textes, dessins), en essayant de réaliser des plants chez soi et/ou en participant à la petite communauté qui débute autour de ce site.

 

Yin-Yang seed – Œuvre de Nylnook, CC-BY-SA

 

Avec l’association La Haie donneurs, vous recommandez de semer des graines pour que des arbres poussent. C’est un peu bizarre, pourquoi semer des pépins de pomme et pas planter un jeune plant de pommier ou greffer un arbre fruitier ? Ça irait un peu plus vite, non ?

Plants et greffes sont issus de pépins que l’on achète à un pépiniériste qui connaît ce savoir-faire. Partir de boutures et de semis permet d’agir fortement sans utiliser d’argent, seulement du temps et des savoirs. Du coup, même si cela va moins vite, l’argent ne sera pas un frein dans ce projet.

Pour l’instant le wikhaie est appétissant mais comme tous les wikis il est évolutif et beaucoup de pages restent à compléter ou informer. Quelles sortes de contribution attends-tu pour former une plateforme et une communauté active ?

Pour agir il faut déjà documenter, puis synthétiser et enfin mettre en page des guides.

Il nous faut donc de bons botanistes (ce que je ne suis pas), des rédacteurs, des illustrateurs [regarde un peu les belles illustrations de Nylnook pour ton interview, NDLR] , des photographes, etc., amateurs ou non. L’idée de ce wiki m’apparaît importante et pertinente depuis quelques mois, mais dans mon quotidien bien rempli, je ne peux consacrer qu’environ une heure par jour sur ce projet. Ce projet ne peut donc réussir que s’il fédère une communauté. J’espère donc que cette idée parlera à d’autres qui y verront comme moi l’occasion d’agir directement par le geste (planter).

Je ne suis pas non plus un professionnel du Web, du coup les remarques, idées et retours pour faire avancer la structure et l’agencement de ce site sont bienvenus.

En fait, je débute dans la création d’arbustes, d’arbres, de haies. Mais les rapides réussites obtenues en seulement deux ans m’ont convaincu que nous pouvions tous participer.

Un pépin de pomme ou de poire par exemple, germera dans un petit pot de terreau laissé dehors au gel, on peut aussi faciliter sa germination en la trempant dans du vinaigre quelques heures pour simuler une digestion animale et le laisser deux mois au frigo si l’hiver n’est pas assez froid. C’est accessible à chacun. L’idéal étant de trouver des pommes locales adaptées à notre région.

pépins de pomme en germination
Germination de pépins de pomme, photo de Ryan Bodenstein (licence CC BY-2.0)

Mais si nous sommes nombreux à faire ces petits gestes, imagine la quantité d’arbres que nous pourrions produire.

 

Je débute, donc je suis le premier à avoir beaucoup à apprendre sur le sujet. J’invite donc tous ceux qui veulent partager leurs savoirs, leurs expériences, ou qui sont emballés par cette idée simple, mais réellement active il me semble, à s’approprier un peu de ce site qui est construit pour être ouvert comme un grand jardin. 🙂

On te laisse le mot de la fin…
— Bonnes plantations à tous ! 😉

 

 




MOOC CHATONS : un parcours pédagogique pour favoriser l’émancipation numérique

Avec la Ligue de l’Enseignement, nous travaillons depuis plus d’un an à concevoir et à réaliser un parcours pédagogique en ligne sur « Pourquoi et comment nous pouvons reprendre le contrôle d’Internet ».

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

C’est l’histoire d’un MOOC…

Faire de l’éducation populaire aux enjeux du numérique, aujourd’hui, induit d’expliquer pourquoi et comment nous pourrions reprendre le contrôle d’Internet.

L’idée est née en 2016 : associer les savoirs-faire de La Ligue de l’Enseignement, fédération nationale d’éducation populaire, et l’expérience de Framasoft pour créer un cours ouvert en ligne à suivre librement (aussi appelé MOOC). Dès le début, l’ambition a été de rassembler des ressources existantes (conférences, articles, ouvrages, etc.), d’en créer de nouvelles et de les organiser pour favoriser l’émancipation numérique.

Il ne s’agit pas ici d’un MOOC classique, avec un accompagnement pédagogique contraint à un calendrier… Chez Framasoft, au lieu de MOOC, on s’amuse même à parler d’un « Librecours », terme emprunté à la plateforme https://librecours.net/ de l’Université de Technologie de Compiègne. Mais le terme « MOOC » est installé dans le paysage de la formation en ligne depuis plusieurs décennies, et il nous a donc semblé plus simple de garder cette appellation.

L’objectif de ce MOOC, qui comportera à terme trois modules, est d’accompagner les personnes qui souhaiteraient :

  • mieux saisir les enjeux et les impacts qu’ont les géants du web sur nos vies numériques. C’est l’objet du premier module du MOOC, que nous vous annonçons aujourd’hui ;
  • comment monter une structure apte à proposer des services « hors GAFAM » ? Pour cela, les apprenant⋅es pourront suivre pas à pas l’étude de cas d’une organisation qui souhaiterait rejoindre le collectif CHATONS (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires). L’étude de cas se concentrant sur les aspects stratégiques (objectifs), tactiques (moyens financiers et humains), juridiques (statuts, actions en cas de réquisitions judiciaires, etc.) et de gouvernance (quelles règles de vies communes ?). Cela sera l’objet du second module, à venir.
  • des pistes pour administrer l’infrastructure technique de cette structure membre du collectif CHATONS. Ce troisième module concernera donc plus particulièrement les personnes ayant déjà des bases en administration systèmes et réseaux informatiques (alors que les 2 premiers modules ne nécessitent aucun prérequis).

Mais pour le moment, nous n’annonçons que l’ouverture du premier module, intitulé « Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? » (attention, comme indiqué en conclusion, ce module est encore en version bêta, et devrait être achevé en janvier 2020).

Pour ce premier module introductif, nous souhaitions dépeindre le paysage numérique actuel à un public le plus large possible, en faisant écho à l’ouvrage « Numérique : reprendre le contrôle », issu d’un collectif d’auteur⋅ices et paru en 2016 dans notre collection Framabook.

Quelles sont les raisons qui peuvent nous mener à vouloir émanciper nos pratiques numériques ? Comment s’organiser pour le faire ? Quels outils et savoirs-faire techniques sont à notre disposition ? C’est précisément ces questions qui seront abordées dans le premier module de ce MOOC.

Cliquez sur le panneau pour aller découvrir la plateforme mooc.chatons.org et vous inscrire au premier module (en construction).

Quand la loi de Murphy s’en mêle

Grâce à un financement de la fondation Afnic obtenu en 2018, nous nous sommes donc lancés dans la réalisation de ce premier module il y a presque deux ans. La Ligue de l’Enseignement a rassemblé autour d’une table de nombreux partenaires pour imaginer ensemble un séquençage pédagogique décrivant les différents types de domination que les géants du web exercent sur nos sociétés… et les pistes de réflexions et d’expériences qui permettent de s’en extraire.

Depuis cette réunion, évidemment, rien ne s’est passé comme prévu ! Il y a eu les plannings hyper remplis qui rendent difficile de trouver le moment où tout le monde peut s’accorder. Il y a eu les problèmes qui peuvent advenir dans les vies personnelles de chacun·e. Il y a aussi eu nos tâtonnements pour trouver un séquençage pédagogique pertinent (dans la mesure de nos capacités) et pour réaliser une plateforme adéquate et agréable (avec le logiciel libre Moodle).

On ne va pas vous refaire tout l’historique (qui est disponible, en toute transparence, sur le forum du collectif CHATONS), mais disons qu’en somme, nous avons pris plus d’un an de retard.

Aujourd’hui, nous vous présentons donc la version bêta de ce premier module. Oui, la peinture est fraîche, oui les contenus vont être enrichis et évoluer au fil des contributions… Cependant nous sommes fièr⋅es de cette première proposition !

MOOC #1.1.4 Médias sociaux
MOOC CHATONS #1.1.4 Médias sociaux

Décrire le paysage numérique actuel avec de nombreuses voix

Entre 2018 et 2019, nous sommes allé·es interroger plus de dix personnes qui, chacune à leur manière, ont contribué à la culture du libre, des communs et de la bidouille. Nous les remercions chaudement de s’être soumis·es à l’exercice difficile de l’entrevue vidéo et d’avoir accepté que leurs propos soient diffusés sous licence libre.

Militant·es des mondes du logiciel libre et des communs, personnes travaillant dans l’éducation académique et populaire… Les intervenant·es de notre MOOC ont des parcours variés et des points de vue complémentaires.

Pour le plaisir, voici la première vidéo de ce Libre Cours

Leurs regards croisés sur le paysage numérique actuel sert à dépeindre, sur chaque vidéo, un détail de notre monde numérique, que l’on aborde petit bout par petit bout, pour que même une personne néophyte puisse en comprendre les contenus. L’ensemble des vidéos réalisées pour ce cours se retrouve facilement sur la fédération PeerTube, puisqu’elles sont publiées sur une chaîne dédiée de Framatube.

mooc.chatons.org, l’adresse à partager !

En créant un compte sur mooc.chatons.org, vous pourrez vous inscrire au premier module Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? La plateforme vous permettra de suivre les leçons de chaque séquence en toute autonomie, vous auto-évaluer et trouver de l’entraide sur le forum et le wiki.

Chaque leçon est structurée de la même façon. On commence par regarder une vidéo introductive de quelques minutes. On se plonge ensuite dans la lecture d’un texte détaillé et illustré afin de mieux comprendre le sujet traité. Et si l’on souhaite approfondir ses connaissances, c’est possible grâce aux ressources recommandées dans la partie « pour aller plus loin ».

Une fois que l’on a consulté l’ensemble des leçons d’une séquence, on peut auto-évaluer ses acquis via un questionnaire à choix multiples et partager ses avis et points de vue entre apprenantes et apprenants.

Première séquence du premier module de ce MOOC (cliquez pour le parcourir)

Donner libre cours à l’enrichissement commun

Voilà plus de cinq ans que Framasoft se forme et informe au sujet de comment Internet a été transformé par l’appétit des géants du web. Nous sommes heureux et heureuses de présenter aujourd’hui un nouvel outil sur le sujet, un outil que l’on espère facile d’accès même pour les personnes qui n’y connaissent pas grand chose.

Ne nous cachons rien, la peinture est fraîche et le travail sur ce premier module est loin d’être fini. La première séquence est assez aboutie, mais les secondes et troisièmes séquences pédagogiques (Les GAFAM, c’est quoi ? et C’est quoi les solutions ?) sont encore en cours de rédaction (nous espérons les finaliser d’ici janvier 2020), le lexique et les présentations des intervenant·es n’en sont qu’à leur premier jet… Il s’agit donc bien d’une version bêta !

Quand aux modules 2 (« Créer son chaton ») et 3 (« Administration technique d’un chaton »), et bien… il faudra patienter ! Tout d’abord, ces modules ne sont pas encore financés (et nous ne savons pas s’ils le seront un jour). Ensuite, comme vous avez pu le lire dans nos différents articles des « Carnets de Contributopia », et notamment dans celui intitulé « Ce que Framasoft pourra faire en 2020 », vous aurez compris que notre programme est déjà lourdement chargé pour notre petite association (même si nous pourrons évidemment faire appel aux membres du collectif CHATONS pour nous prêter main forte).

Enfin, comme il s’agit de la production de notre premier parcours pédagogique, nous attendons de collecter les retours d’expériences pour savoir si ces modules répondent à un besoin (ou pas), si cela ouvre des pistes de collaboration et contribution (ou pas), si nous nous sommes complètement plantés (ou pas).

Le MOOC CHATONS, illustré par David Revoy (CC-By)

 

Concernant ce premier module, nous voulions présenter au plus vite une proposition initiale pour qu’elle puisse ensuite être peaufinée et enrichie collectivement, de plusieurs manières :

  • les membres du collectif CHATONS sont invités à modifier et faire évoluer les contenus ;
  • toute personne inscrite sur la plateforme peut y trouver un forum et y suggérer des reformulations, des ressources pour aller plus loin, ou toutes autres modifications ;
  • les formats courts et longs des entrevues vidéos des intervenant·es seront très vite publiés, toujours sous licence libre, pour que chacun·e puisse y puiser du contenu.

Nous espérons donc qu’un grand nombre d’entre vous s’empareront de ce parcours pédagogique et nous feront des retours afin que l’on puisse l’améliorer… Jusqu’à parvenir, prochainement, à une version que l’on pourrait fièrement proposer en réponse à nos proches qui nous demandent souvent : « Non mais tu peux me redire pourquoi c’est important, là, ton truc de libertés numériques ? ».

Rendez-vous sur la page des Carnets de Contributopia pour y découvrir d’autres articles, d’autres actions que nous avons menées grâce à vos dons. Si ce que vous venez de lire vous plaît, pensez à soutenir notre association, qui ne vit que par vos dons. Framasoft étant reconnue d’intérêt général, un don de 100 € d’un contribuable français reviendra, après déduction, à 34 €.

Soutenir Framasoft

Illustration d’entête : CC-By David Revoy




« On veut que le boulanger du coin puisse facilement utiliser les services de Nubo »

Si vous lisez ces lignes, vous êtes en théorie déjà familier avec le collectif CHATONS initié en 2016. Aujourd’hui, direction la Belgique pour découvrir Nubo, une coopérative qui propose des services en ligne respectueux de la vie privée.

Interview réalisée par TKPX

NUBO est un regroupements d’acteurs (associations à but non lucratif et coopérative belges) actifs depuis des années dans Internet et les logiciels libres. En plus d’avoir des services libres et éthiques (boite mail et stockage cloud, avec carnet d’adresses et calendriers), en achetant des parts, les coopérateurs et coopératrices seront copropriétaires de l’infrastructure technique. Nubo, ce sera un abonnement à partir de de 2,5 € par mois pour 5 Go d’espace (prix prévu à ce jour)

photo de Stijn, cofondateur de la coopérative NuboBonjour Stijn, peux-tu te présenter ?
Je suis développeur web depuis plus de 20 ans, et j’ai toujours travaillé pour des projets à dimension sociale ou environnementale. J’ai aussi travaillé un peu dans la communication. Cela fait maintenant quelques années que je suis actif dans le noyau dur de Nubo où je suis le seul néerlandophone. J’ai quatre enfants.

Tu es un des fondateurs de la Coopérative Nestor, une des structures fondatrices de Nubo…
Oui, c’est là que je fais mon travail de développement web, et qu’on propose de mettre en place des services pour se libérer des GAFAM. Nestor utilise des logiciels libres et lutte pour la protection de la vie privée et un Internet libre. On propose du Matomo, du Nextcloud, CiviCRM, ce genre d’outils à nos clients. La création de sites web est notre cœur de métier mais nous essayons de trouver de nouveaux moyens de proposer des services en lien avec nos valeurs. La question de la vie privée est aussi centrale, bien que certains clients demandent parfois des choses que nous ne voulons pas mettre en place. Nestor répond surtout à des entreprises, ce qui est différent chez Nubo, dont le public cible est les particuliers.Logo de Nubo, coopérative numérique qui fédère des assos belges

Comment s’est faite la création de Nubo ? Comment le rapprochement avec les autres structures (comme Neutrinet) s’est-il fait ?
En 2017 avec Nestor nous avons entendu parler d’un groupe à Bruxelles, qui à cette époque s’appelait encore Chatons Bxl. Pas mal de gens étaient intéressés par ce groupe et il y a eu plusieurs rencontres avant que nous y arrivions. Comme nous avions aussi travaillé en amont sur la question d’une telle coopérative, lorsque nous avons rencontré Chatons Bxl, ça a tout de suite accroché. Ensemble nous sommes devenus le projet Nubo : un groupe de travail de 6 personnes venant chacune d’une association/coopérative. On a travaillé longtemps sur le projet et nous avons été accompagnés pendant environ 9 mois par un programme de lancement d’entreprise sociale chez Coopcity. Nous y avons trouvé notamment de l’aide au niveau légal, sur la façon de concevoir les statuts pour une coopérative, d’établir un plan financier… ce genre de choses. C’était une grande période intense avec beaucoup de réunions.

Pourquoi un statut de coopérative et pas simplement d’association ?
L’idée de base a toujours été que les utilisateurs deviennent propriétaires de l’infrastructure. C’est le modèle économique qui nous convient. Il est possible de faire des dons à Nubo mais on souhaite vraiment créer un modèle viable et montrer aux gens que ce n’est pas obscur, que c’est faisable.
Nous savons qu’il existe d’autres coopératives numériques, je pense à ma collègue Agnez qui est assez active dans le réseau des LibreHosters  (le petit cousin anglophone des CHATONS). Et nous sommes tous plus au moins affiliés aux CHATONS : l’association Domaine Public, une des structures fondatrices de Nubo, est un CHATONS. Concrètement, nous avons vu qu’il existe beaucoup d’ASBL (Associations Sans But Lucratif) ou de fondations, mais on pense que la coopérative est plus durable. Bien sûr, s’il y a des projets qui fonctionnent autrement, je leur souhaite le meilleur.

Tu penses quoi des CHATONS en France ? Il y a beaucoup d’associations dans le lot.
J’aime bien ! Si ça marche, c’est super pour les gens. Pour nous, le but est d’arriver à 2000 coopérateurs. Si on y arrive, la coopérative devient viable. Mais je ne sais pas si par rapport à la France, 2000 membres équivaut à un gros CHATONS.
Pour nous, le plus important est de trouver le moyen que les non-geeks puissent utiliser des services libres. Les logiciels sont là, les moyens techniques sont présents, il reste encore à rendre ces services accessibles à tous. On veut que le boulanger du coin puisse facilement utiliser les services de Nubo.

Et toi, tu as toujours été libriste ?
Ma carrière professionnelle a commencé sur Windows comme graphiste, donc avec la suite Adobe. J’ai ensuite switché sur Mac. J’ai encore toujours certains projets de travail que je fais sous Mac, mais clairement je préfère le libre. J’ai toujours cherché des solutions conformes à mes valeurs et l’enfermement que propose Apple ou Adobe ne me convient pas. L’idée de coopération et de choix est quelque chose d’important. Mais ce n’est pas toujours facile de remplacer les logiciels professionnels par du libre.

Tu essaies aussi de sensibiliser tes enfants au libre ?
Pour le moment, ils ne sont pas intéressés. J’ai un enfant gamer donc il veut que ça marche sur Windows. Quand je parle du sujet avec eux, ils sont d’accord, ils écoutent, mais ils retournent utiliser Facebook et Instagram. Néanmoins j’ai installé pour ma famille un serveur Nextcloud, notamment pour synchroniser les fichiers et les agendas.

Y a t il d’autres associations ou coopératives néerlandophones qui se posent ces questions-là ?

Je dois avouer qu’en Flandre, c’est difficile. Il n’y a pas trop de mouvement. Depuis peu, je suis entré dans un groupe de travail qui va faire de la sensibilisation auprès des organisations. Donc ça commence à bouger, et je suis curieux de voir cette évolution. On commence enfin à avoir des évènements autour de la vie privée. Mais on n’est clairement pas aussi actif qu’en France.

Est-ce que vous souhaitez faire connaître Nubo en France ?
L’idée est que l’entreprise reste locale et soit proche des utilisateurs, des coopérateurs, avec des moments d’entraide et des temps de rencontres. Notre base sera donc toujours la Belgique. Via l’ancrage de nos associations fondatrices nous voulons accompagner le public sur des tâches simples, comme l’envoi de mail ou comment synchroniser ses appareils par exemple, car ça reste difficile pour de nombreuses personnes. Et nous pensons que c’est nécessaire pour favoriser l’émancipation des gens.

Des coopérateurs français sont évidemment les bienvenus, mais la base des utilisateurs doit rester belge. Nous voulons aussi aider d’autres coopératives à se monter, en France pourquoi pas. Dans l’idéal, si c’est permis de rêver, il y aurait une coopérative comme Nubo par commune, ville ou quartier. Mais pour l’instant nous créons une coopérative qui s’adresse au gens partout en Belgique. Bon, les germanophones sont malheureusement laissés à l’écart… nous n’avons actuellement pas la force d’ajouter encore une langue.

Vous allez chercher des bénévoles ou bien les fondateurs vont rester un petit noyau dur ?
Le but est d’avoir les 50 000 euros pour pouvoir lancer les services. Nous devons créer l’interface pour gérer facilement son abonnement. Mais l’objectif n’est pas que les fondateurs restent là avec une position de chef. On a intégré dans nos statuts une finalité sociale qui sera très difficile à modifier. Les fondateurs ont les mêmes droits que les coopérateurs (qu’importe le nombre de parts possédées) et donc tout sera dans les mains des coopérateurs s’ils veulent faire des modifications.
Nous travaillons déjà avec de l’aide de bénévoles pour la traduction par exemple et nous en avons encore besoin pour faire connaître le projet et créer un réseau d’entraide. (Nous-mêmes du « noyau dur » avons été ou sommes encore bénévoles pour Nubo.)

papa passe avec un panier de linge et demande à sa fille qui tripote son smartphone vautrée sur un fauteuil si elle n’a pas ses devoirs à faire. Si, dit-elle mais je regarde le photos de Mamie sur Nubo. Ah bon mamie utilise Nubo ? Oui répond la gamine, d’ailleurs elle se démerde vachement mieux que toi.
Illustration de Lucie Castel

Il manque encore 10 000 euros pour arriver à l’objectif mais ça avance plutôt vite. Une date de lancement à nous communiquer ?
On espère arriver à l’objectif avant la fin de l’année mais rien n’est garanti. On estime avoir ensuite besoin de 3 à 4 mois pour préparer les services, finir la documentation, acheter des serveurs, et tester tout ça.
On préfère évidemment lancer un service stable plutôt que démarrer trop vite.

En plus du mail et du cloud, d’autres services sont-ils à prévoir ?
Et bien ça sera aux coopérateurs de décider. Ce choix de proposer du mail et du cloud est le résultat d’une enquête que nous avons menée il y a 2 ans. On demandait aux gens le type de services qu’ils souhaitaient si une coopérative se montait, et c’est clairement le mail et le cloud qui ont été les plus demandés.

Sur le site Nubo, vous avez rédigé en utilisant l’écriture inclusive. Un petit mot là-dessus ?
L’idée est d’avoir une coopérative inclusive. Nous voulons que ce soit accessible pour tout le monde, qu’il s’agisse du message que nous portons que des services que nous allons proposer. Il existe déjà assez de barrières physiques dans le monde, nous voulons vraiment ouvrir le monde du libre pour les non-geeks.

Pour plus de détails, vous pouvez retrouver toutes les informations sur https://nubo.coop/fr/faq/

discussion de deux femmes en terrasse à propos de Nubo : l’une émet des doutes sur la pérennité du truc "une coppérative comme des fermiers, tu crois que ça va durer autant que l’URSS". l’autre l’envoie promener en évoquant le statut de coopérateur de chaque membre.
Illustration de Lucie Castel




Collaborer pour un design plus accessible : l’exemple d’Exodus Privacy

Quand on prend conscience qu’un site web destiné au grand public devrait être plus facile à aborder et utiliser, il n’est pas trop tard pour entamer un processus qui prenne en compte les personnes qui l’utilisent… L’association Exodus Privacy prend la plume sur ce blog pour raconter comment elle a, avec Maiwann, une UX designeuse, amélioré l’interface de sa plate-forme d’analyse.

Exodus Privacy est une association loi 1901, créée en octobre 2017 et dont le but est d’apporter plus de transparence sur le pistage par les applications de smartphones. Dès le premier jour, le public visé était un public non-technique, afin de lui permettre de comprendre et de faire des choix éclairés.

Parmi les outils que nous avons développés, la plateforme εxodus permet d’analyser les applications gratuites du Google Play store et d’en indiquer les pisteurs et les permissions. Cette plateforme a été très utilisée dès son lancement, mais elle n’était pas facile d’utilisation pour les néophytes.

Comme nous n’avions ni le temps ni les compétences en interne, nous avons décidé de rémunérer une personne experte pour adapter notre plateforme à ce public de non-spécialistes. Il nous paraissait important d’avoir une personne qui comprenne qui nous sommes et quelles sont nos valeurs, nous nous sommes tourné·e·s vers Maiwann, UX designeuse.

Exodus Privacy : Maiwann, peux-tu expliquer qui tu es et ce que tu fais ?

« Bonjour, bonjour ! Je suis Maiwann, UX·UI Designer dans la vie, amoureuse du libre et du travail éthique. Je suis aussi membre de Framasoft depuis quelques mois. Je fais beaucoup de choses variées au niveau numérique, mais qui peuvent se résumer en : du design (au sens « conception » du terme).

Du coup je vais rencontrer des utilisateurs et utilisatrices, leur poser des questions pour comprendre quels sont leurs besoins et leurs frustrations, les observer utiliser des logiciels et voir où ça coince, puis je réfléchis à la manière de répondre à leurs problèmes en concevant des parcours fluides. Et enfin je peux faire des maquettes graphiques pour donner un peu « corps » à tout ça ^_^ C’est d’ailleurs exactement ce qu’il s’est passé ici ! »

D’abord, définir les personnes concernées…

Ce projet devait se dérouler en plusieurs phases et il partait bien des besoins du public. Pour mieux comprendre cette étape, voici un petit extrait d’une conversation de septembre 2018 entre Exodus Privacy et Maiwann :

Maiwann : Quel est votre public-cible ?
Exodus Privacy : Le grand public, bien entendu !
Maiwann : il va falloir préciser un peu plus, car à s’adresser à tout le monde on ne s’intéresse véritablement à personne 🙂

Cela nous a obligé·e·s à réfléchir justement à ce que nous mettions derrière ce terme qui nous paraissait pourtant si évident. Nous avons donc défini deux groupes plus précis de personnes.

Nous voulions tout d’abord faciliter la vie aux médiateurs et médiatrices numériques car nous sommes convaincu·e·s que ces personnes sont les mieux placées pour pouvoir accompagner le plus grand monde à mieux appréhender les outils numériques. Nous les avons donc incluses dans les personnes visées.

Nous avons co-délimité une deuxième cible : des personnes non-techniques et curieuses, prêtes à passer un peu de temps à réfléchir à leur vie privée sur téléphone.

Puis formuler les besoins

Le mois de janvier 2019 a permis à Maiwann de mener 14 entretiens avec des personnes correspondant aux profils sus-cités, trouvées par le réseau d’Exodus Privacy ou par les réseaux sociaux :

 

Laissons Maiwann raconter cette étape :

« Grâce aux réponses sur les réseaux sociaux et sur Cryptobib et Parcours numérique, des listes de diffusion pour médiateur·ices du numérique, j’ai pu discuter avec les 2 catégories de public que nous avions définies ! Ensuite, pour chacun·e, il s’agissait de s’appeler soit par téléphone soit en visio-conférence, de vérifier qu’iels étaient bien dans le public visé, et de discuter pendant à peu près une heure. L’idée était de voir où étaient les manques, pour savoir de quoi εxodus avait besoin prioritairement : une refonte du site ? De l’application ? Une campagne de communication pour faire connaître leurs actions ? Ce sont les entretiens qui allaient nous permettre de le savoir !

Je demandais aux médiateur·ices comment est-ce qu’iels menaient leurs ateliers, et comment la question du téléphone était abordée. Et j’ai découvert que, si le discours pour protéger sa navigation sur un ordinateur était très rodé, le téléphone était un sujet compliqué car… les médiateur·ices n’avaient pas de réponse lorsqu’on leur demandait comment agir !

C’était d’ailleurs un cas identique pour les personnes qui répondaient individuellement : elles avaient bien conscience de l’enjeu de vie privée vis à vis de leur téléphone, même si ce que faisaient ces pisteurs n’était pas toujours très clair, mais ne voyaient de toute façon pas du tout ce qu’il était possible de faire pour améliorer les choses !

Après tous ces appels, j’avais de grands axes récurrents qui se dégageaient. J’ai donc dessiné un petit résumé schématique, et nous nous sommes appelé·e·s le 28 février pour discuter de tout ça et de ce sur quoi on partait. »

 

Une fois le diagnostic posé (il y a X pisteurs dans telle application), la personne se retrouve bloquée avec des questions sans réponses :
– Ok, il y a des pisteurs, mais on fait comment pour faire autrement ?
– Qu’est-ce que ça fait réellement, un pisteur ?

Ces questions, que nous avions par ailleurs régulièrement en conférence, par mail ou sur les réseaux sociaux, nous ont permis de nous interroger sur le positionnement de l’association. En effet, nous avons toujours défendu une démarche scientifique, qui montre « les ingrédients du gâteau », mais ne porte pas de jugement de valeur sur tel pisteur ou telle application… et donc ne valorise pas de solution alternative.

Après discussions, nous avons convenu de l’importance de pouvoir apporter des outils de compréhension à ces personnes, afin que celles-ci puissent, encore une fois, décider en connaissance de cause. L’idée était donc de créer une page qui explique les pisteurs, une page qui explique les permissions et enfin une qui répond à la question « et maintenant, que puis-je faire ? », en proposant un panel d’outils, de réflexes et de ressources.

La conception des maquettes

C’était donc à nouveau à Maiwann de travailler. Tu nous racontes comment tu as débuté les maquettes ?

« J’ai repris les schémas-bilans des entretiens pour définir les parcours principaux des utilisateur⋅ices :

Arriver sur le site => Chercher le rapport d’une application => Comprendre ce qu’est un pisteur ou une permission => Trouver comment améliorer la situation.

L’enchaînement entre ces actions devait être facilité dans le nouveau parcours, et le contenu non-existant (ou non intégré) mis en avant. Par exemple, pour « qu’est-ce qu’un pisteur », εxodus avait déjà réalisé des vidéos que les entretiens avaient tous remontés comme « très bien faites » mais comme elles n’étaient pas intégrées au parcours, beaucoup d’utilisateurs·ices pouvaient passer à côté. Pour la page Alternatives en revanche, qui était la demande la plus forte, tout a été créé depuis zéro, en privilégiant les alternatives accessibles aux non-informaticien·ne·s et tout de même respectueuses de la vie privée.

Il m’avait aussi été remonté que parfois les formulations n’étaient pas très claires, parfois en anglais ce qui contribuait à un sentiment de contenu non-accessible à des néophytes. Cela a fait aussi partie des améliorations, en plus des pages explicatives, qui sont là pour dire « vous ne savez pas ce qu’est un pisteur ? Pas de souci, on vous l’explique ici ».

Et pour le reste, un travail d’harmonisation et de hiérarchisation du contenu pour que les différentes catégories de contenus soient bien distinctes les unes des autres et compréhensibles a permis de réaliser une refonte graphique aux petits oignons ! »

 

Le développement des maquettes

L’ensemble des membres d’Exodus Privacy étant bénévole, et donc le travail conséquent pour notre énergie et temps malheureusement limités, nous nous sommes mis d’accord sur un travail de développement itératif afin de mettre à disposition des utilisateurs et utilisatrices les nouvelles pages et fonctionnalités au plus tôt.

Après la présentation des maquettes en mai 2019, nous avons découpé les différentes tâches sur notre git, celles-ci ont été priorisées pour s’assurer que les besoins les plus importants soient traités en premier lieu, comme la page « mieux comprendre ». La majorité de ces tâches ont été implémentées, ce travail étant agrémenté d’allers-retours avec Maiwann afin de s’assurer que nous allions dans la bonne direction sans rater l’essentiel.

Notre code étant libre et open-source, une partie des fonctionnalités a même été faite par notre communauté !
Une partie du travail reste à faire, n’hésitez pas à aller jeter un œil si vous avez des compétences en développement !

 

Fiche météo-france "avant"
Fiche d’Exodus pour l’application Météo-France avant

 

La fiche de l’application Météo-France après travail d’UX

Et maintenant ?

Le travail n’est pas totalement terminé et, grâce au Mécénat de Code lutin, nous avons pu poursuivre ce projet de refonte, mais pour l’application cette fois.

Laissons donc les mots de la fin à Maiwann…

« Il reste une étape de test utilisateur·ice à réaliser, pour bien vérifier que cette refonte va dans le bon sens, est adaptée aux besoins et que nous n’avons pas oublié un élément important, ou laissé un trou dans la raquette dans lequels les utilisateur·ice·s vont s’engouffrer !
De même, nous avons amorcé un travail d’harmonisation de cette refonte pour que l’application corresponde aussi aux maquettes, car c’est le point d’entrée principal du public (puisqu’il est question d’applications et de téléphone portable, c’est logique qu’elle soit privilégiée !).

J’ai hâte de réaliser ces dernières étapes (avec l’aide de Schoumi côté application !) pour finaliser ce super projet, car il contribue à démontrer qu’il est possible de réaliser des choses techniquement pointues, tout en parvenant à les rendre accessibles à des personnes non techniques, soit directement en s’adressant à elles, soit en fournissant un outil pertinent pour les médiateur·ices du numérique.

Cela contribue à mon monde idéal qui connecte le monde du libre et de la protection de la vie privée aux non-connaisseur·euse·s, et je ne peux qu’encourager d’autres projets qui ont cette démarche de travailler avec des designers pour y parvenir ! »




Bénévalibre : libérez vos bénévoles de la #StartupNation

Vous êtes bénévole dans une association ? Alors sachez qu’un tout nouveau logiciel libre peut vous aider à mieux valoriser votre engagement bénévole.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

 

Information préalable : cet article est plus long que la moyenne des articles du Framablog, et pas nécessairement hyper-funky. D’une part parce que nous souhaitions exposer le contexte réglementaire et politique de la valorisation du bénévolat (ce qui ne peut pas se faire en trois paragraphes), et d’autre part parce que nous avons souhaité donner la parole dans une seconde partie de l’article à la personne qui a été la clé de voûte de la réalisation du logiciel. Pour vous aider, nous vous proposons un résumé des points principaux tout en bas de cette page.

 

La valorisation du bénévolat, c’est quoi ?

L’indispensable Wikipédia nous rappelle que :

Le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie qui s’exerce en général au sein d’une institution sans but lucratif (ISBL) : association, ONG, syndicat ou structure publique.

En France, le nombre de bénévoles serait compris entre 12 et 14 millions, soit un français sur quatre, pour 1 300 000 associations et 21,6 millions d’adhérents.

Or, le bénévolat est peu visible dans la société actuelle. Cela peut par exemple poser problème lorsqu’une association demande une subvention : le financeur peut (légitimement ?) se demander s’il ne finance pas une « coquille vide ». Le fait de pouvoir compter les heures passées par les bénévoles sur une action, et éventuellement de leur attribuer une valeur financière, permet alors à l’association de montrer que son activité bénévole a une valeur conséquente, qu’elle pourra faire valoir dans sa demande de subvention.

Par exemple, si l’association peut attester de 2 000 heures de bénévolat annuel, elle peut plus facilement justifier l’intérêt d’un soutien financier important qu’une association attestant de 20 heures de bénévolat annuel. Évidemment, l’objet social de l’association et le projet porté restent primordiaux, mais cette évaluation quantifiable est un critère qui peut faciliter la compréhension du fonctionnement du projet associatif.

Ainsi, le « Guide du bénévolat » liste de nombreuses raisons pour une association de valoriser son bénévolat (lire p. 22), que le site Associathèque résume ainsi :

  • démontrer, par la valorisation d’apports importants, l’autofinancement d’une partie de l’activité, le financement public se trouvant de fait atténué ;
  • souligner le dynamisme d’une association en mettant en évidence sa capacité à mobiliser des bénévoles et des prestations gratuites en nature ;
  • évaluer le poids financier du bénévolat, des dons et services en nature ;
  • identifier la dépendance au bénévolat, et en cas de diminution de cette aide, évaluer le besoin de financement supplémentaire.

cliquez sur l’image pour découvrir la « base de connaissances associatives » du site Associathèque.

Mais pourquoi valoriser le bénévolat aujourd’hui ?

Nous ne choquerons sans doute pas grand monde en affirmant que les États sont gérés de plus en plus comme des entreprises. Nos dirigeant⋅es ont adopté un « esprit comptable » où chaque élément doit pouvoir être comptabilisé, pour être justifié, quantifié statistiquement, ou comparé à d’autres.
Ce n’est pas le monde que nous souhaitons, mais c’est celui que nous avons (et que nous combattons).

Or, il se trouve que la législation a évolué. Et — là non plus ça n’étonnera pas grand monde — pas forcément dans le bon sens. Sortons un peu du cadre des sujets classiques du Framablog pour vous expliquer ça.

Ainsi, la « Loi Travail » (dite aussi « Loi El Khomri ») de 2016 précise — parmi plein d’autres choses — le contenu du Compte Personnel d’Activité (CPA). Il comprendra à la fois le Compte Personnel de Formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu’un futur Compte d’Engagement Citoyen (CEC) qui permettra de bénéficier d’heures de formation en cas de volontariat ou de bénévolat, notamment pour les fonctions de direction d’association ou d’encadrement de bénévoles.

En gros, dans le principe, un⋅e bénévole peut si c’est son souhait, déclarer sur le site gouvernemental www.moncompteactivite.gouv.fr X heures de bénévolat (validées par un⋅e responsable de l’association). Et ces X heures pourront ouvrir droit à Y heures de formation.

Sur le papier, évidemment, l’idée parait belle : « Il faut « récompenser » le bénévolat et l’engagement citoyen ! ». Sauf que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que le diable se cache ici dans des détails parfois grossiers.

Pour rappel, la loi travail, c’est celle qui a déclenché les témoignages et protestations #OnVautMieuxQueÇa, puis les Nuits Debout… (image piquée aux ami·es de MrMondialisation)

Quels problèmes posent la valorisation du bénévolat ?

Cette valorisation pose des problèmes « techniques » : comment valoriser le bénévolat ? Avec quel(s) outil(s) ? A quels taux horaires ? Comment en garder trace dans le temps ? Comment « motiver » les bénévoles à saisir leur bénévolat valorisé ? etc.
Nous reviendrons sur certains de ces points par la suite.

Mais valoriser le bénévolat pose avant tout des problèmes politiques.

En effet, comment valoriser l’heure d’un⋅e bénévole servant une soupe aux Restos du Cœur ? Cette heure vaut-elle plus ou moins que celle d’un⋅e bénévole ayant participé à l’organisation d’une manifestation sportive ? Ou à celle d’une personne ayant participé à la mise en place d’un lombricomposteur de quartier ?

Plus généralement, cela pose le problème de la valeur d’une action bénévole, et celui de la marchandisation de la société, y compris paradoxalement dans ce qui est aujourd’hui considéré comme les secteurs non-marchands, comme l’éducation ou la vie associative.

Autant vous le dire, à Framasoft, on est pas vraiment fans de l’idée de mettre un coût ou un prix à toutes choses, y compris à l’idée de quantifier l’heure d’une traduction Framalang, la tenue d’un stand, l’organisation d’un Contribatelier, etc. Pour nous, ces actions sont hors valeur, ce qui ne signifie pas sans valeur. Les motivations des bénévoles (à Framasoft comme dans l’immense majorité des associations) est avant tout de pouvoir prendre part à un projet commun, de pouvoir acquérir ou partager son expérience, ou de pouvoir mettre du sens dans un monde qui semble en avoir de moins en moins.

Il faut faire pivoter le site des Contribateliers pour propal une UX centrée end-user mais hyper-disruptive, ASAP.

 

Reprenons ci-dessous un peu plus en détail ce qui nous semble être les principaux problèmes de cette valorisation.

1. Le problème de la marchandisation

D’abord, il y a l’idée déjà évoquée ci-dessus de « marchandiser » le bénévolat en obligeant à comptabiliser des heures qui relèvent du don à la société. C’est une vision très comptable, qui facilite comme on l’a dit la quantification et la qualification d’une activité bénévole, mais qui du coup donne une valeur chiffrée à ce qui ne peut être quantifié. Par exemple, qui peut dire combien vaut une heure de bénévolat pour Emmaüs ? Ou une formation informatique à une association d’aide aux migrants ? On peut bien évidemment tricher en regardant les tarifs d’activités équivalentes qui se pratiquent sur le marché. Sauf que justement il s’agit ici d’activités hors marché.

Ensuite, en dehors même de la question du coût d’une heure de bénévolat, demeure le problème de l’évaluation. Car qui dit évaluation dit contrôle. Et là aussi, on pressent qu’il peut y avoir des frictions : si Camille déclare avoir passé 10 heures à domicile sur la préparation de l’Assemblée Générale, qui pourra contrôler cette affirmation ? Et que faire des cas où il est bien difficile de connaître les heures précises de début et de fin d’une action bénévole ?

On se trouve donc face à un risque pas du tout anodin non seulement de considérer le bénévolat comme une forme d’emploi (ce qu’il n’est pas), mais en plus de devoir jauger la valeur d’actions bénévoles sur des échelles monétaires, ce qui ne serait pas sans rappeler l’idée d’un salaire.

Il s’agit donc d’un problème politique, éthique et philosophique : tout peut-il être « valorisé » ? Par qui ? Sur quels critères ?

2. Le problème de la surveillance étatique

Un second problème, toujours politique, est celui du contexte actuel du rétrécissement de l’espace démocratique dans la société civile. Dit autrement, les associations sont aujourd’hui de plus en plus facilement réprimées par le pouvoir en place, lorsqu’elles expriment des désaccords avec ce dernier. Il s’agit d’un mouvement international (quasiment tous les pays sont concernés) qui se traduit par des formes de répressions très diverses (procès bâillon, violences policières, baisse de subventions, etc.)

Dans ce cadre, l’idée de confier à des gouvernements des informations qui peuvent être qualifiées de sensibles peut sembler un comportement à risque.

Imaginons que vous donniez deux heures de votre temps chaque semaine pour encadrer une équipe de bénévoles qui enseigne le français à des migrant⋅es. Comment s’assurer que ces informations ne pourront pas être utilisées contre vous à terme ?

Évidemment, aujourd’hui, on peut discuter du bien fondé (ou pas) de cette crainte. Mais « le numérique n’oublie jamais », et il ne parait pas certain que l’État ait besoin de garder trace de vos activités militantes.

3. Le problème de l’aliénation à l’outil

Il ne fait aucun doute que face à la demande que va créer la mise en œuvre du Compte Engagement Citoyen, de nombreuses entreprises et start-ups vont proposer une offre logicielle pour ordinateurs et smartphones visant à « simplifier ce fastidieux travail de collecte »©.

Lawrence Lessig, CC-By Lessig 2016

Le professeur de Droit Lawrence Lessig écrivait, en 2010, que « Le code, c’est la loi » : c’est-à-dire, pour résumer, que la régulation des comportements passait plus par l’architecture technique des plateformes que par les normes juridiques.

Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule.

Là encore, on peut comprendre que cela pose un problème politique dans le cadre d’un logiciel gérant le bénévolat valorisé des membres d’une association. Celles et ceux qui vont concevoir le logiciel vont gérer la façon dont les données de l’association seront collectées, stockées, transformées, ou transmises. L’utilisatrice ou l’utilisateur perdant alors la main sur la gestion de ces données, il ou elle se retrouve impuissant face au traitement qui en sera fait.

Il s’agit donc de redonner de la « puissance d’agir » à la société civile, en lui permettant de concevoir et d’obtenir un outil qui corresponde à des besoins (et non à un marché). Un outil qui permette de reprendre le contrôle sur le code (et donc sur les données). Un outil qui pourrait être qualifié de « convivial » au sens d’Ivan Illich, c’est-à-dire un outil qui ne placerait pas ses utilisateur⋅ices en situation de soumission.

Or, à notre sens, seul le logiciel libre est en capacité de libérer cette puissance d’agir. Un logiciel libre qui transmettrait ses données à l’État n’empêchera pas ce dernier de les utiliser, une fois transmises, à mauvais escient. Mais d’une part un logiciel libre nous donne la capacité de savoir quelles sont les informations transmises, à quels moments, et à quels destinataires (et donc de contrôler lesdites informations en amont) ; d’autre part, une association peut très bien utiliser ce logiciel libre sans faire aucune transmission à l’État, laissant le choix aux membres de l’association de reporter individuellement la valorisation de ce bénévolat.

 

La naissance de Bénévalibre

Conscient de ces enjeux, et pas très enclin à laisser la #startupnation occuper ce terrain sensible, un groupe de réflexion de diverses associations s’est réuni à plusieurs reprises pour discuter du bien fondé (ou pas) de créer un logiciel libre de valorisation du bénévolat.

Débutés en 2016, à l’initiative de l’April (notamment son groupe LibreAssociation) et de Framasoft, ces travaux ont abouti le 15 septembre 2019 par la publication de la version 1.0 du logiciel Bénévalibre.

Il aura donc fallu plusieurs années, mais cela se justifie notamment par le fait que la volonté était de mettre autour de la table un grand nombre d’acteurs associatifs (notamment les principales « têtes de réseau »), ainsi que des fondations et des chercheurs, pour garantir une démarche collective et partagée (oui, ça prend du temps de convaincre, associer, faire ensemble). Cela ne fut déjà pas une mince affaire !

Par ailleurs, nos activités associatives respectives ne nous permettaient de travailler sur ce projet qu’en pointillés (Framasoft était alors en pleine campagne « Dégooglisons Internet »).

Enfin, il demeurait une question cruciale : « qui va payer le développement ? ». En effet, réaliser un tel logiciel allait prendre de nombreuses heures de développement, et comme nous n’avions pas la possibilité de le réaliser bénévolement, il fallait bien trouver des financements pour passer d’un cahier des charges à un logiciel utilisable.

Aujourd’hui, Bénévalibre existe. C’est un logiciel libre, les sources sont accessibles, téléchargeables, adaptables. Vous pouvez l’utiliser sur benevalibre.org (instance gérée par CLISS XXI, la société coopérative qui l’a développée), ou — si vous en avez les compétences — l’installer sur votre propre serveur, pour votre association (ou vos associations, puisque Bénévalibre permet de gérer de multiples organisations).

Cliquez sur l’image pour aller voir le site officiel de Bénévalibre

 

Sa réalisation aura été le fruit d’un travail entre de multiples acteurs. Et ce logiciel, si vous le décidez, pourrait s’intégrer à terme avec des logiciels de gestion d’associations plus complets (tel que Garradin ou Galette, par exemple).

Mais son point fort (en dehors d’être libre et décentralisable), c’est que Bénévalibre vous donne le choix !

Comme l’exprime très bien Lionel Prouteau, le chercheur nous ayant accompagné sur ce projet, dans l’introduction de la plaquette de présentation du logiciel :

Bénévalibre n’a pas un caractère prescriptif. Il n’assigne pas un mode de valorisation particulier. Il permet d’enregistrer le temps que les bénévoles consacrent à leurs activités associatives mais laisse à l’entière discrétion des acteurs (associations et bénévoles) le soin de choisir par eux-mêmes les voies les plus pertinentes pour valoriser ce temps. Les utilisateurs peuvent opter pour l’attribution d’une valeur monétaire à ce temps bénévole[…]. Mais les utilisateurs de Bénévalibre gardent l’entière liberté d’exprimer leur méfiance, voire leur hostilité, à l’égard de cette monétarisation de la valorisation du bénévolat au motif qu’elle enferme ce comportement dans une vision trop exclusivement économique et en masque la dimension d’engagement. Ils pourront en conséquence adopter d’autres modes de valorisation.

Outil d’usage simple, s’inscrivant dans une optique de fonctionnement collaboratif et décentralisé, Bénévalibre est un logiciel soucieux de préserver le pouvoir des acteurs associatifs. En d’autres termes, Bénévalibre a pour vocation d’être instrumentalisé par les acteurs et non de les instrumentaliser.

Comme ce logiciel n’aurait pas pu voir le jour sans la persévérance de Laurent Costy, nous avons décidé de l’interviewer.

 

Interview de Laurent Costy, directeur adjoint de la FFMJC et administrateur de l’April

1. Peux-tu te présenter rapidement ?

En fait, je viens du passé. Je vais vous révéler deux secrets que je vous demande de garder pour vous parce que si ça se sait, je perds ma place et ça risque de mettre le brol trop vite dans ce monde qui n’a pas besoin de ça au regard de ce que l’on découvre tous les jours aux informations.

Le premier secret, c’est que je suis un chevalier de la table ronde en mission. Mon nom de chevalerie est Provençal le Gaulois. Oui, je sais, là, vous vous dites que je devrais être mort depuis longtemps mais c’est lié au deuxième secret, le plus sensible.

Attentiooooooon, révélatioooooooon. Le Graal n’était pas du tout la timbale en plastique avec un pied forgé du même métal : c’était en fait une machine à voyager dans le temps avec l’injonction de la civilisation importatrice de la technologie de l’utiliser pour tenter d’infléchir le futur pour sauver la terre (oui, je sais, ça ne vous émeut point car vous regardez tous les jours des films de super héros qui sauvent la planète cinq fois par jour mais moi, à l’époque, je me suis quand même senti investi d’une mission). Au passage, secret-bonus mais vous l’aviez déduit vous-même : Dieu n’existe donc pas. Soyez quand même prudent dans la diffusion de cette information, c’est entre nous.

Bref, après la rapide formation que l’on a reçue, on a compris qu’une des voies de réussite, c’était d’encourager le commun, la collaboration et le faire ensemble (oui, je sais, c’est aussi des trucs que vous entendez tous les jours dans les discours politiques et vous n’y croyez plus vraiment ; mais vous devriez). Pour être franc, si le monde continue sur ces logiques individualistes, il y a peu de chances que nous réussissions notre mission, nous les chevaliers de la table ronde. Et si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous.

« Provençal le Gaulois ébaubissant la libraire libriste durant les Geek Faeries »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

2. Tu as été l’un des principaux moteurs du projet Bénévalibre, pourquoi ?

Deux motivations principales ont été à l’origine du projet. La première était bien sûr de répondre à un besoin d’un grand nombre d’associations ; besoin renforcé par la réglementation qui s’affine sur cette question de la valorisation du bénévolat. Ce besoin s’est révélé au fil du temps au fur et à mesure des rencontres avec les associations que je pouvais croiser dans le cadre de mon « métier de couverture » à la FFMJC et dans le cadre des travaux du groupe de travail Libre Association de l’April. La seconde motivation était de faire sens commun et de mettre autour de la table des acteurs qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble mais dont les compétences et connaissances complémentaires apportaient quelques garanties pour la réussite du projet. Sur ce point en particulier, cela a permis de resserrer les liens entre les membres du Crajep de Bourgogne-Franche-Comté (Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire ; comité à l’origine du projet) et de rendre concret la capacité à agir ensemble là où les sujets habituellement traités (contributions sur les politiques régionales jeunesse, plaidoyer, etc.) sont plus complexes à valoriser et quantifier.

Je précise que, dans la formation accélérée que nous, les chevaliers de la table ronde, avons eu avec la machine à remonter le temps, je n’ai pas reçu de compétences en informatique (si ce n’est comprendre l’importance du logiciel libre pour contribuer aux communs). Il a donc fallu à la fois réunir des futurs utilisateurs et utilisatrices de Bénévalibre (les membres du Crajep étaient assez représentatifs) mais aussi des financeurs et des compétences techniques.

3. Bénévalibre est un projet aux multiples partenaires : quels ont été leurs rôles ? Comment s’est passé la coopération ?

Tout d’abord, la structure motrice à l’initiative du projet : le Crajep Bourgogne-Franche-Comté. Pour la déclinaison de l’acronyme, voir précédemment (nous, à l’époque, on abusait des enluminures mais vous, vous semblez nourrir une passion pour les acronymes. À quand les acronymes enluminurés ?). À noter quand même que ce collectif qui réunit mouvements et fédérations d’éducation populaire est lui-même en lien avec des structures telles le Mouvement Associatif régional ou, dans une moindre mesure, la CRESS. C’est donc bien le Crajep qui a permis de consolider un comité de pilotage au sein duquel on pouvait trouver alors le premier financeur : le Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, partenaire constant de ce comité pour appuyer à travers lui les fédérations et mouvements d’éducation populaire à l’échelle régionale.

L’autre partenaire financier qui a accordé sa confiance très vite fin 2018 (avec quand même la constitution d’un dossier conséquent en bonnet difforme) mais qui n’a pas souhaité faire partie du comité de pilotage, a été la Fondation du Crédit Coopératif. La fondation a néanmoins complété son appui à la fin du projet par son expertise en communication et par la mise en lien avec de nombreux réseaux potentiellement intéressés.

Par ailleurs, pour garantir la volonté du comité de pilotage de développer un logiciel libre (et par ailleurs gratuit à l’usage), les associations April et Framasoft ont été sollicitées pour être membres ; ce que ces deux associations ont accepté.

Enfin, il fallait évidemment la compétence informatique pour le développement du logiciel en lui-même : pour être cohérent avec l’esprit du projet, le choix d’une SCIC (Syndicat de Chevalerie Inter …ah non, pardon. Société Coopérative d’Intérêt collectif) a été opéré : CLISS XXI. On notera aussi que, pour éviter de raconter n’importe quoi sur le bénévolat, un chercheur spécialiste de cette question était membre lui aussi du comité.

4. Aujourd’hui, où en est Bénévalibre ?

« Non mais finalement on met pas les casques, on a dit. »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

Après une première présentation avant l’été sans communication particulière et pour laquelle nous avons été surpris du nombre d’associations intéressées, la version 1 est sortie officiellement mi-septembre : c’était vraiment une bonne chose que d’avoir tenu le calendrier car il est parfois reproché à l’éducation populaire d’être laxiste sur la gestion des délais des projets. Ça fait sérieux ! Et le sérieux, entre deux quêtes rigolotes à la table ronde, c’est important.

Donc, pour l’instant, l’idée est de regarder comment les associations s’approprient l’outil et de voir les retours d’usages et de bugs qu’il peut y avoir. Un forum a même été mis en place récemment rien que pour ça : forum.benevalibre.org. N’hésitez pas !

Tous les retours qu’il y aura viendront compléter des fonctionnalités qui ont, pour l’instant, été mises de côté pour la version 1 sur l’argument de la nécessité d’avoir dans un premier temps l’outil le plus simple possible d’accès.

5. Et demain ? Quels sont les développements envisageables ? Et que faudrait-il pour qu’ils se réalisent ?

Très tôt, le comité de pilotage s’est posé la question des suites. Des fonctionnalités pourraient potentiellement, sous réserve de financements à trouver, être ajoutées pour une version 2. Néanmoins, il sera important de rester sur un outil dont la cible est d’abord les (très) petites associations. En effet, le comité de pilotage du projet souhaite éviter de rentrer en concurrence avec des solutions libres qui existent déjà au sein d’outils plus complets pensés pour une gestion plus globale d’associations.

Une autre idée du comité serait de se jeter à corps perdu dans le développement d’un logiciel/service de paye libre pour proposer une alternative aux solutions propriétaires qui sont en position dominante et qui imposent leurs modes de fonctionnements et leurs mises à jours aux associations. Ce projet est néanmoins d’une autre échelle que celle de Bénévalibre. Ce n’est pas un créneau facilement accessible : gare à l’huile bouillante en haut de cette échelle le cas échéant.

6. Quelque chose à ajouter ?

Franchement, entre nous, c’est quand même super cool quand un projet fait en commun, pour l’intérêt général, finit par aboutir. Je vous le recommande. C’est presque un peu comme trouver le Graal.

Comme le voyage dans le temps d’ailleurs : c’est vraiment génial. Désolé, je ne peux malheureusement pas vous en faire profiter. De même, j’ai des infos sur le futur mais je n’ai pas le droit de vous les donner. C’est ballot. Allez, tant pis, parce que c’est vous et que vous avez lu jusque là, je me prendrai un blâme mais sachez qu’en 2020, au moins un chaton proposera une autre instance de Bénévalibre. C’est une bonne chose : ça va dans le bon sens de la décentralisation d’Internet !

Bon courage, je file réparer ma cotte de mailles et surtout, souvenez-vous, comme le dit un collègue : « Hacker vaillant, rien d’impossible ». Ou un truc comme ça, je ne sais plus.

Un résumé court, succinct et néanmoins bref de cet article :

  • Le bénévolat d’une association est un des indicateurs de son dynamisme et de sa portée ;
  • La « loi travail » prévoit un (futur) Compte d’Engagement Citoyen où l’on peut déclarer et « valoriser » ses activités bénévoles, par exemple pour ouvrir des droits à la formation ;
  • Valoriser le bénévolat pose un problème politique :
    • Cela induit une vision comptable, marchande et contrôlée d’un don de soi à la société ;
    • Cela rend techniquement possible la surveillance étatique dans les actions de la société civile ;
    • L’outil utilisé pour compter ses heures est central, il doit émanciper et non soumettre (ni exploiter les données et donc les vies de) les bénévoles ;
    • Seul un logiciel libre conçu comme un commun en conscience de sa portée politique peut garantir que la société civile garde le contrôle de l’outil et donc sa puissance d’agir.
  • Bénévalibre est né de la volonté de ne pas laisser la #StartupNation comptabiliser nos heures de bénévolat (et en exploiter nos données) ;
  • Il est le fruit de 3 ans de travail collaboratif entre associations, fondations, et chercheur·euses ;
  • Ce logiciel laisse, à de multiples niveaux, le choix et le contrôle dans son utilisation ;
  • Laurent Costy, alias Provençal le Gaulois, présente comment la contribution collégiale autour d’un Commun a donné naissance à Bénévalibre (à coups de table ronde).

 

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




C’est Qwant qu’on va où ?

L’actualité récente de Qwant était mouvementée, mais il nous a semblé qu’au-delà des polémiques c’était le bon moment pour faire le point avec Qwant, ses projets et ses valeurs.

Si comme moi vous étiez un peu distrait⋅e et en étiez resté⋅e à Qwant-le-moteur-de-recherche, vous allez peut-être partager ma surprise : en fouinant un peu, on trouve tout un archipel de services, certains déjà en place et disponibles, d’autres en phase expérimentale, d’autres encore en couveuse dans le labo.

Voyons un peu avec Tristan Nitot, Vice-président Advocacy de Qwant, de quoi il retourne et si le principe affiché de respecter la vie privée des utilisateurs et utilisatrices demeure une ligne directrice pour les applications qui arrivent.

Tristan Nitot, autoporttrait juillet 2019
Tristan Nitot, autoportrait (licence CC-BY)

Bonjour Tristan, tu es toujours content de travailler pour Qwant malgré les périodes de turbulence ?
Oui, bien sûr ! Je reviens un peu en arrière : début 2018, j’ai déjeuné avec un ancien collègue de chez Mozilla, David Scravaglieri, qui travaillait chez Qwant. Il m’a parlé de tous les projets en logiciel libre qu’il lançait chez Qwant en tant que directeur de la recherche. C’est ce qui m’a convaincu de postuler chez Qwant.

J’étais déjà fan de l’approche liée au respect de la vie privée et à la volonté de faire un moteur de recherche européen, mais là, en plus, Qwant se préparait à faire du logiciel libre, j’étais conquis. À peine arrivé au dessert, j’envoie un texto au président, Eric Léandri pour savoir quand il m’embauchait. Sa réponse fut immédiate : « Quand tu veux ! ». J’étais aux anges de pouvoir travailler sur des projets qui rassemblent mes deux casquettes, à savoir vie privée et logiciel libre.

Depuis, 18 mois ont passé, les équipes n’ont pas chômé et les premiers produits arrivent en version Alpha puis Bêta. C’est un moment très excitant !

Récemment, Qwant a proposé Maps en version Bêta… Vous comptez vraiment rivaliser avec Google Maps ? Parce que moi j’aime bien Street View par exemple, est-ce que c’est une fonctionnalité qui viendra un jour pour Qwant Maps ?

Rivaliser avec les géants américains du capitalisme de surveillance n’est pas facile, justement parce qu’on cherche un autre modèle, respectueux de la vie privée. En plus, ils ont des budgets incroyables, parce que le capitalisme de surveillance est extrêmement lucratif. Plutôt que d’essayer de trouver des financements comparables, on change les règles du jeu et on se rapproche de l’écosystème libre OpenStreetMap, qu’on pourrait décrire comme le Wikipédia de la donnée géographique. C’est une base de données géographiques contenant des données et des logiciels sous licence libre, créée par des bénévoles autour desquels viennent aussi des entreprises pour former ensemble un écosystème. Qwant fait partie de cet écosystème.
En ce qui concerne les fonctionnalités futures, c’est difficile d’être précis, mais il y a plein de choses que nous pouvons mettre en place grâce à l’écosystème OSM. On a déjà ajouté le calcul d’itinéraires il y a quelques mois, et on pourrait se reposer sur Mapillary pour avoir des images façon StreetView, mais libres !

Dis donc, en comparant 2 cartes du même endroit, on voit que Qwant Maps a encore des progrès à faire en précision ! Pourquoi est-ce que Qwant Maps ne reprend pas l’intégralité d’Open Street Maps ?

vue du centre de la ville de La Riche avec la requête "médiathèque la Riche" par OpenStreetMap
vue du centre de la ville de La Riche avec la requête « médiathèque la Riche » par OpenStreetMap

vue du centre de la ville de La Riche avec la requête "médiathèque la Riche" par QwantMaps. La médiathèque est clairement et mieux signalée visuellement (efficacité) mais la carte est moins détaillée (précision) que la version OSM
vue du centre de la ville de La Riche avec la requête « médiathèque la Riche » par QwantMaps

 

En fait, OSM montre énormément de détails et on a choisi d’en avoir un peu moins mais plus utilisables. On a deux sources de données pour les points d’intérêt (POI) : Pages Jaunes, avec qui on a un contrat commercial et OSM. On n’affiche qu’un seul jeu de POI à un instant t, en fonction de ce que tu as recherché.

Quand tu choisis par exemple « Restaurants » ou « Banques », sans le savoir tu fais une recherche sur les POI Pages Jaunes. Donc tu as un fond de carte OSM avec des POI Pages Jaunes, qui sont moins riches que ceux d’OSM mais plus directement lisibles.

Bon d’accord, Qwant Maps utilise les données d’OSM, c’est tant mieux, mais alors vous vampirisez du travail bénévole et libre ? Quelle est la nature du deal avec OSM ?

au bas d el arcehrceh "tour eiffel" se trouve le lien vers Open Street MapsNon, bien sûr, Qwant n’a pas vocation à vampiriser l’écosystème OSM : nous voulons au contraire être un citoyen modèle d’OSM. Nous utilisons les données et logiciels d’OSM conformément à leur licence. Il n’y a donc pas vraiment de deal, juste un respect des licences dans la forme et dans l’esprit. Par exemple, on met un lien qui propose aux utilisateurs de Qwant Maps d’apprendre à utiliser et contribuer à OSM. En ce qui concerne les logiciels libres nécessaires au fonctionnement d’OSM, on les utilise et on y contribue, par exemple avec les projets Mimirsbrunn, Kartotherian et Idunn. Mes collègues ont écrit un billet de blog à ce sujet.

Nous avons aussi participé à la réunion annuelle d’OSM, State Of the Map (SOTM) à Montpellier le 14 juin dernier, où j’étais invité à parler justement des relations entre les entreprises comme Qwant et les projets libres de communs numériques comme OSM. Les mauvais exemples ne manquent pas, avec Apple qui, avec Safari et Webkit, a sabordé le projet Konqueror de navigateur libre, ou Google qui reprend de la data de Wikipédia mais ne met pas de lien sur comment y contribuer (alors que Qwant le fait). Chez Qwant, on vise à être en symbiose avec les projets libres qu’on utilise et auxquels on contribue.

Google Maps a commencé à monétiser les emplois de sa cartographie, est-ce qu’un jour Qwant Maps va être payant ?

En réalité, Google Maps est toujours gratuit pour les particuliers (approche B2C Business to consumer). Pour les organisations ou entreprises qui veulent mettre une carte sur leur site web (modèle B2B Business to business), Google Maps a longtemps été gratuit avant de devenir brutalement payant, une fois qu’il a éliminé tous ses concurrents commerciaux. Il apparaît assez clairement que Google a fait preuve de dumping.

Pour le moment, chez Qwant, il n’y a pas d’offre B2B. Le jour où il y en aura une, j’espère que le un coût associé sera beaucoup plus raisonnable que chez Google, qui prend vraiment ses clients pour des vaches à lait. Je comprends qu’il faille financer le service qui a un coût, mais là, c’est exagéré !

Quand j’utilise Qwant Maps, est-ce que je suis pisté par des traqueurs ? J’imagine et j’espère que non, mais qu’est-ce que Qwant Maps « récolte » et « garde » de moi et de ma connexion si je lui demande où se trouve Bure avec ses opposants à l’enfouissement de déchets nucléaires ? Quelles garanties m’offre Qwant Maps de la confidentialité de mes recherches en cartographie ?

C’est un principe fort chez Qwant : on ne veut pas collecter de données personnelles. Bien sûr, à un instant donné, le serveur doit disposer à la fois de la requête (quelle zone de la carte est demandée, à quelle échelle) et l’adresse IP qui la demande. L’adresse IP pourrait permettre de retrouver qui fait quelle recherche, et Qwant veut empêcher cela. C’est pourquoi l’adresse IP est salée  et hachée  aussitôt que possible et c’est le résultat qui est stocké. Ainsi, il est impossible de faire machine arrière et de retrouver quelle adresse IP a fait quelle recherche sur la carte. C’est cette méthode qui est utilisée dans Qwant Search pour empêcher de savoir qui a recherché quoi dans le moteur de recherche.

Est-ce que ça veut dire qu’on perd aussi le relatif confort d’avoir un historique utile de ses recherches cartographiques ou générales ? Si je veux gagner en confidentialité, j’accepte de perdre en confort ?
Effectivement, Qwant ne veut rien savoir sur la personne qui recherche, ce qui implique qu’on ne peut pas personnaliser les résultats, ni au niveau des recherches Web ni au niveau cartographique : pour une recherche donnée, chaque utilisateur reçoit les mêmes résultats que tout le monde.

Ça peut être un problème pour certaines personnes, qui aimeraient bien disposer de personnalisation. Mais Qwant n’a pas dit son dernier mot : c’est exactement pour ça que nous avons fait « Masq by Qwant ». Masq, c’est une application Web en logiciel libre qui permet de stocker localement dans le navigateur (en LocalStorage)1 et de façon chiffrée des données pour la personnalisation de l’expérience utilisateur. Masq est encore en Alpha et il ne permet pour l’instant que de stocker (localement !) ses favoris cartographiques. À terme, nous voulons que les différents services de Qwant utilisent Masq pour faire de la personnalisation respectueuse de la vie privée.

formulaire d’enregistrement de compte masq, avec de nombreux critères nécessaires pour le mot de passe
Ouverture d’un compte Masq.

Ah bon alors c’est fini le cloud, on met tout sur sa machine locale ? Et si on vient fouiner dans mon appareil alors ? N’importe quel intrus peut voir mes données personnelles stockées ?

Effectivement, tes données étant chiffrées, et comme tu es le seul à disposer du mot de passe, c’est ta responsabilité de conserver précieusement ledit mot de passe. Quant à la sauvegarde des données, tu as bien pensé à faire une sauvegarde, non ? 😉

Ah mais vous avez aussi un projet de reconnaissance d’images ? Comment ça marche ? Et à quoi ça peut être utile ?
C’est le résultat du travail de chercheurs de Qwant Research, une intelligence artificielle (plus concrètement un réseau de neurones) qu’on a entraînée avec Pytorch sur des serveurs spécialisés DGX-1 en vue de proposer des images similaires à celles que tu décris ou que tu téléverses.

copie d’écran de Qwant Qiss (recherche d’images)
On peut chercher une image ou bien « déposer une image » pour en trouver de similaires.

 Ah tiens j’ai essayé un peu, ça donne effectivement des résultats rigolos : si on cherche des saucisses, on a aussi des carottes, des crevettes et des dents…

C’est encore imparfait comme tu le soulignes, et c’est bien pour ça que ça n’est pas encore un produit en production ! On compte utiliser cette technologie de pointe pour la future version de notre moteur de recherche d’images.

Comment je fais pour signaler à l’IA qu’elle s’est plantée sur telle ou telle image ? C’est prévu de faire collaborer les bêta-testeurs ? Est-ce que Qwant accueille les contributions bénévoles ou militantes ?
Il est prévu d’ajouter un bouton pour que les utilisateurs puissent valider ou invalider une image par rapport à une description. Pour des projets de plus en plus nombreux, Qwant produit du logiciel libre et donc publie le code. Par exemple pour la recherche d’image, c’est sur https://github.com/QwantResearch/text-image-similarity. Les autres projets sont hébergés sur les dépôts https://github.com/QwantResearch : les contributions au code (Pull requests) et les descriptions de bugs (issues) sont les bienvenus !

Bon je vois que Qwant a l’ambition de couvrir autant de domaines que Google ? C’est pas un peu hégémonique tout ça ? On se croirait dans Dégooglisons Internet !

 

Effectivement, nos utilisateurs attendent de Qwant tout un univers de services. La recherche est pour nous une tête de pont, mais on travaille à de nouveaux services. Certains sont des moteurs de recherche spécialisés comme Qwant Junior, pour les enfants de 6 à 12 ans (pas de pornographie, de drogues, d’incitation à la haine ou à la violence).

Comment c’est calculé, les épineuses questions de résultats de recherche ou non avec Qwant Junior ? Ça doit être compliqué de filtrer…

échec de rceherche avec Qwant Junior : un petit dino dit "oups, je n’ai pas trouvé de résultats qui te conviennent"
Qwant Junior ne montre pas d’images de sexe masculin, tant mieux/tant pis ?

Nous avons des équipes qui gèrent cela et s’assurent que les sujets sont abordables par les enfants de 6 à 12 ans, qui sont notre cible pour Junior.
Ça n’est pas facile effectivement, mais nous pensons que c’est important. C’est une idée qui nous est venue au lendemain des attentats du Bataclan où trop d’images choquantes étaient publiées par les moteurs de recherche. C’était insupportable pour les enfants. Et puis Junior, comme je le disais, n’a pas vocation à afficher de publicité ni à capturer de données personnelles. C’est aussi pour cela que Qwant Junior est très utilisé dans les écoles, où il donne visiblement satisfaction aux enseignants et enseignantes.

Mais euh… « filtrer » les résultats, c’est le job d’un moteur de recherche ?

Il y a deux questions en fait. Pour un moteur de recherche pour enfants, ça me parait légitime de proposer aux parents un moteur qui ne propose pas de contenus choquants. Qwant Junior n’a pas vocation à être neutre : c’est un service éditorialisé qui fait remonter des contenus à valeur pédagogique pour les enfants. C’est aux parents de décider s’ils l’utilisent ou pas.
Pour un moteur de recherche généraliste revanche, la question est plutôt d’être neutre dans l’affichage des résultats, dans les limites de la loi.

Tiens vous avez même des trucs comme Causes qui propose de reverser l’argent des clics publicitaires à de bonnes causes ? Pour cela il faut désactiver les bloqueurs de pub auxquels nous sommes si attachés, ça va pas plaire aux antipubs…

En ce qui concerne Qwant Causes, c’est le moteur de recherche Qwant mais avec un peu plus de publicité. Et quand tu cliques dessus, cela rapporte de l’argent qui est donné à des associations que tu choisis. C’est une façon de donner à ces associations en faisant des recherches. Bien sûr si tu veux utiliser un bloqueur de pub, c’est autorisé chez Qwant, mais ça n’a pas de sens pour Qwant Causes, c’est pour ça qu’un message d’explication est affiché.

Est-ce que tous ces services sont là pour durer ou bien seront-ils fermés au bout d’un moment s’ils sont trop peu employés, pas rentables, etc. ?

Tous les services n’ont pas vocation à être rentables. Par exemple, il n’y a pas de pub sur Qwant Junior, parce que les enfants y sont déjà trop exposés. Mais Qwant reste une entreprise qui a vocation à générer de l’argent et à rémunérer ses actionnaires, donc la rentabilité est pour elle une chose importante. Et il y a encore de la marge pour concurrencer les dizaines de services proposés par Framasoft et les CHATONS 😉

Est-ce que Qwant est capable de dire combien de personnes utilisent ses services ? Qwant publie-t-elle des statistiques de fréquentation ?
Non. D’abord, on n’identifie pas nos utilisateurs, donc c’est impossible de les compter : on peut compter le nombre de recherches qui sont faites, mais pas par combien de personnes. Et c’est très bien comme ça ! Tout ce que je peux dire, c’est que le nombre de requêtes évolue très rapidement : on fait le point en comité de direction chaque semaine, et nous battons presque à chaque fois un nouveau record !

Bon venons-en aux questions que se posent souvent nos lecteurs et lectrices : Qwant et ses multiples services, c’est libre, open source, ça dépend ?

Non, tout n’est pas en logiciel libre chez Qwant, mais si tu vas sur les dépôts de Qwant et Qwant Research tu verras qu’il y a déjà plein de choses qui sont sous licence libre, y compris des choses stratégiques comme Graphee (calcul de graphe du Web) ou Mermoz (robot d’indexation du moteur). Et puis les nouveaux projets comme Qwant Maps et Masq y sont aussi.

La publicité est une source de revenus dans votre modèle économique, ou bien vous vendez des services à des entreprises ou institutions ? Qwant renonce à un modèle économique lucratif qui a fait les choux gras de Google, mais alors comment gagner de l’argent ?
Oui, Qwant facture aussi des services à des institutions dans le domaine de l’open data par exemple, mais l’essentiel du revenu vient de la publicité contextuelle, à ne pas confondre avec la publicité ciblée telle que faite par les géants américains du Web. C’est très différent.
La publicité ciblée, c’est quand tu sais tout de la personne (ses goûts, ses habitudes, ses déplacements, ses amis, son niveau de revenu, ses recherches web, son historique de navigation, et d’autres choses bien plus indiscrètes telles que ses opinions politiques, son orientation sexuelle ou religieuse, etc.). Alors tu vends à des annonceurs le droit de toucher avec de la pub des personnes qui sont ciblées. C’est le modèle des géants américains.
Qwant, pour sa part, ne veut pas collecter de données personnelles venant de ses utilisateurs. Tu as sûrement remarqué que quand tu vas sur Qwant.com la première fois, il n’y a pas de bannière « acceptez nos cookies ». C’est normal, nous ne déposons pas de cookies quand tu fais une recherche Qwant !

Personnane de Geektionerd : "Qwant avance, ta vie privée ne recule pas". intrelocuteur l’air sceptique fait : mmmmmh…
L’équipe Qwant’Comm en plein brainstorming…

Quand tu fais une recherche, Qwant te donne une réponse qui est la même pour tout le monde. Tu fais une recherche sur « Soupe à la tomate » ? On te donne les résultats et en même temps on voit avec les annonceurs qui est intéressé par ces mots-clés. On ignore tout de toi, ton identité ou ton niveau de revenu. Tout ce qu’on sait, c’est que tu as cherché « soupe à la tomate ». Et c’est ainsi que tu te retrouves avec de la pub pour du Gaspacho ou des ustensiles de cuisine. La publicité vaut un peu moins cher que chez nos concurrents, mais les gens cliquent dessus plus souvent. Au final, ça permet de financer les services et d’en inventer de nouveaux tout en respectant la vie privée des utilisateurs et de proposer une alternative aux services américains gourmands en données personnelles. On pourrait croire que ça ne rapporte pas assez, pourtant c’était le modèle commercial de Google jusqu’en 2006, où il a basculé dans la collecte massive de données personnelles…

Dans quelle mesure Qwant s’inscrit-il dans la reconquête de la souveraineté européenne contre la domination des géants US du Web ?
Effectivement, parmi les deux choses qui différencient Qwant de ses concurrents, il y a la non-collecte de données personnelles et le fait qu’il est français et à vocation européenne. Il y a un truc qui me dérange terriblement dans le numérique actuel, c’est que l’Europe est en train de devenir une colonie numérique des USA et peut-être à terme de la Chine. Or, le numérique est essentiel dans nos vies. Il les transforme ! Ces outils ne sont pas neutres, ils sont le reflet des valeurs de ceux qui les produisent.

Aux USA, les gens sont considérés comme des consommateurs : tout est à vendre à ou à acheter. En Europe, c’est différent. Ça n’est pas un hasard si la CNIL est née en France, si le RGPD est européen : on a conscience de l’enjeu des données personnelles sur la citoyenneté, sur la liberté des gens. Pour moi, que Qwant soit européen, c’est très important.

Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Comme c’est la tradition de nos interviews, on te laisse le mot de la fin…

Je soutiens Framasoft depuis toujours ou presque, parce que je sais que ce qui y est fait est vraiment important : plus de libre, moins d’hégémonie des suspects habituels, plus de logiciel libre, plus de valeur dans les services proposés.
J’ai l’impression d’avoir avec Qwant une organisation différente par nature (c’est une société, avec des actionnaires), mais avec des objectifs finalement assez proches : fournir des services éthiques, respectueux de la vie pivée, plus proches des gens et de leurs valeurs, tout en contribuant au logiciel libre. C’est ce que j’ai tenté de faire chez Mozilla pendant 17 ans, et maintenant chez Qwant. Alors, je sais que toutes les organisations ne sont pas parfaites, et Qwant ne fait pas exception à la règle. En tout cas, chez Qwant on fait du mieux qu’on peut !

Vive l’Internet libre et ceux qui œuvrent à le mettre en place et à le défendre !

De Gaulle au balcon de Québec, bras en V, image de 1967 détournée en "Vive l’Internet Libre !" en rouge
D’après une image d’archive, De Gaulle s’adressant aux Québecois en 1967 (© Rare Historical Photos)

 




Grise Bouille tome 3 : les saillies antibaises de Simon

La collection Framabook publie la troisième compilation des articles du blog de Gee, Grise Bouille.

Un Simon toujours très en forme, mais cette fois-ci encore un poil (un crin…) plus énervé que d’habitude.

Salut Gee.
Ce troisième tome reprend des articles de ton blog Grise Bouille parus en 2017 et début 2018.
Bon, je suppose que le délai de parution est en grande partie dû à tes feignasses d’éditeurs ?

Les torts sont partagés ! J’ai beaucoup pris de retard, notamment à cause du boulot autour de Working Class Heroic Fantasy, du coup ce tome n’a été achevé qu’à la fin de l’été 2018. Ensuite par contre, ça a un peu chiotté côté Framabook, pour une raison toute simple : on manque de relecteurs et relectrices. Alors je remercie de tout cœur Fred Urbain et Mireille qui s’y sont collé une fois de plus ! C’est une maison d’édition associative, ça veut aussi dire qu’on va à notre rythme, et même si c’est parfois frustrant, c’est aussi grâce à ça qu’on fait de la qualité, mine de rien.

Et puis peut-être que cette année 2017 te laissait un sale goût ?

 

Rions un peu en attendant l »inévitable…

 

Sans aucun doute. J’en parle un peu dans l’intro du livre, mais l’année 2017 a été, en ce qui me concerne, coupée en deux : avant et après l’élection présidentielle. C’était un peu comme voir une catastrophe arriver, lutter de toutes ses forces pour que ça n’arrive pas… et constater son impuissance ensuite (même si j’avais peu de doute à ce sujet). Voilà, on aura eu beau gueuler sur tous les tons que Macron, c’était Hollande en pire, ça n’était pas un rempart à Le Pen mais une rampe de lancement à son avènement… il s’est passé ce qui était annoncé depuis des mois, et c’est incroyablement déprimant. Surtout quand, 6 mois plus tard, la popularité du bonhomme s’écroule et on te fait des articles sur « les déçus de Macron », mais bon sang : À QUOI VOUS VOUS ATTENDIEZ ?!

Tu ajoutes à ça l’apathie totale dans lequel ça a plongé le pays juste après… il a pu faire passer ses réformes tranquille, les gens étaient trop hagards pour résister. Que ça pète en novembre avec les gilets jaunes, c’était quelque part inattendu (c’est parti d’un coup et d’un truc annexe, le prix des carburants), mais la vache, c’était salutaire. Je sais pas où ça mènera, mais personnellement, ça m’a remis la patate, c’est déjà ça 🙂

Il y a une grosse partie sur tes agacements politiques, on sent bien qu’ils t’ont énervé, hein ?

Oui… pour tout dire, je crois qu’il y a deux mouvements antagonistes qui jouent : il y a d’un côté l’hégémonie capitaliste/TINA qui s’assume de façon de plus en plus décomplexée, d’un autre côté il y a ma propre sensibilité politique qui, je le dis franchement, se radicalise de plus en plus dans l’autre sens (un truc où se mêlent joyeusement anarchisme, socialisme – au sens propre, hein, je parle pas du PS –, altermondialisme, décroissance, etc.). Il y a aussi, je pense, une prise de conscience qu’on ne parle pas juste de petites préférences comme ça, à la marge, « oh tiens moi j’préfère ce parti » « ah moi j’aime bien celui-là », et que ce n’est pas juste un petit jeu politicard sans importance auquel on est gentiment priés de jouer une fois tous les cinq ans : il y a l’idée qu’être anti-capitaliste, aujourd’hui, c’est quasiment une question de survie pour l’humanité (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, effondrement économique – voire effondrement de la civilisation industrielle dans son ensemble). Du coup, ouais, vu sous cet angle, ça provoque un peu des vapeurs quand on t’explique qu’il faut bosser plus pour produire plus, quand on essaie de t’enfumer avec de la croissance verte (l’oxymore du siècle) ou quand on te clame « MAKE THE PLANET GREAT AGAIN » tout en remplaçant des chemins de fer par des camions et en léchant les fesses de la Chine pour qu’elle nous commande 280 Airbus.

 

Le désopilant détournement de Nounours par Gee

 

Pourtant tu réussis encore à nous faire rigoler avec tes BD absurdes. La tartine du chat de Murphy, ça vient tout droit de Gotlib, ton héros, non ?

Ah tu trouves ? C’est vrai que j’aime beaucoup utiliser une sorte de fausse rigueur scientifique pour traiter des sujets complètement absurdes, ce qui est sans doute très inspiré par Gotlib et son professeur Burp. Souvent, ce sont des BD qui « viennent toutes seules » : ça commence en général par une blague, une idée de jeu de mots ou quelque chose d’idiot. Ensuite, il suffit que j’en trouve une seconde sur le même thème, et je sais que j’ai un sujet. La plupart du temps, quand je commence à poser ça sur un texte, le reste vient tout seul, il suffit de retourner le sujet dans tous les sens (au sens propre dans le cas du chat avec la tartine) pour trouver des choses joyeusement idiotes à dire.

 

J’aime bien ce genre d’humour qui « accumule » les blagues et empile les bêtises. C’est un peu le principe de films comme La Cité de la peur qui enchaînent une blague toutes les 5 secondes : finalement, même si elles ne sont pas toutes désopilantes individuellement, il y a en a tellement que ça crée un effet comique global très fort. C’est un peu ce que je recherche dans ce genre d’article, que chaque dessin soit une couche supplémentaire dans un délire contrôlé.

Parle-nous de ton hommage à Boby Lapointe. Lui aussi, on sent que tu le respectes. Un humoriste matheux, forcément…

J’ai découvert son aspect matheux seulement très récemment. Quand j’étais ado, on avait un double CD de l’intégrale de ses chansons qui tournait souvent dans la voiture de mes parents, forcément ça laisse un certain goût pour le jeu de mots (voir la torture de mots, dans certains cas). Il y a une sorte de modestie dans l’humour des chansons de Lapointe, enrobée dans une musique légère, comme si de rien n’était… alors que si tu étudies deux secondes ses textes, c’est d’une richesse incroyable. Il y a des chansons, même en les ayant entendu 10 fois, tu continues à comprendre de nouveaux jeux de mots, de nouvelles allusions à chaque écoute (surtout quand ça fuse, comme pour les deux Saucissons de cheval).

Boby Lapointe, c’est aussi le mec qui t’apprend à savoir prendre des libertés avec la réalité quand elle ne colle pas avec les bêtises que tu veux raconter : j’étais d’ailleurs assez surpris, lorsque j’ai emménagé sur la Côte d’Azur, de découvrir que les habitantes d’Antibes étaient des antiboises et non des antibaises (moi qui serais plutôt pour).

Quand est-ce que tu prends une chronique dans Fakir, on t’a pas encore appelé ?

Tu sais, y’a un proverbe qui dit qu’il faut pas péter plus haut que son cul pour éviter d’avoir du caca derrière les oreilles (enfin j’crois, un truc du genre) : avec mes quelques centaines de visiteurs par mois et mes quelques dizaines de bouquins vendus, j’suis un rigolo. Les types, ils ont leur rédac’ chef à l’Assemblée, tu peux pas lutter 😉

Bon, je sais que voter n’apporte pas de grands changements, mais tu crois vraiment que ne pas voter va faire changer les choses ?

Ben… non. Si un esclave à le choix dans la couleur de ses chaînes, il peut toujours choisir rouge ou bleu (voter). Est-ce que ça va changer quelque chose à sa situation ? Non. Est-ce que s’il ne choisit pas au contraire (abstention), ça va changer quelque chose ? Non plus. Mais il n’aura pas perdu de temps et d’énergie à participer à une farce dont le principal objet est de lui faire conserver ses chaînes coûte que coûte.

L’esclavage est officiellement aboli chez nous, pourtant d’une certaine manière on continue à nous faire choisir la couleur des chaînes. L’abstention est une forme de résistance passive (complètement passive même), mais évidemment qu’elle ne suffit pas. Toute la question est de savoir comment on les brise une fois pour toutes, les chaînes : les mouvements sociaux de masse (comme, d’une certaine manière, les gilets jaunes aujourd’hui) peuvent être en partie moteur d’une vraie transformation sociale. Je ne suis pas devin, mais si je devais parier, je dirais que la prochaine brèche dans l’histoire sera l’effondrement de la civilisation industrielle (qui, d’une certaine manière, a déjà commencé). De la même manière que ma sécurité sociale et tout le modèle de protection sociale français sont nés de la Résistance et des mouvements sociaux au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. On a mis en place un mécanisme de protection social que les libéraux fustigent comme trop coûteux au moment même où le pays était ruiné. Et ça a très bien tourné, preuve que ce n’est pas une question uniquement économique mais bien le résultat d’un rapport de force alors largement favorable aux travailleurs.

Si demain, la société industrielle entière vacille, il faudra être en mesure de proposer une alternative au chaos d’une part et au fascisme (= tout s’écroule, donc prenons un chef tout puissant et autoritaire pour régler ça) d’autre part. C’est ça qu’il faut préparer aujourd’hui et, franchement, y’a urgence.

 

 

Les dessins illustrant l’interview sont tous tirés du livre.

 

En savoir plus :




Un vaste réservoir d’images sous licences libres

Vous cherchez des images utilisables pour vos sites ou publications ? Savez-vous qu’il est facile d’en trouver avec divers niveaux de permissions via le moteur de recherche des Creative Commons ?

Ces petits logos, familiers des libristes, sont souvent combinés et permettent de savoir précisément à quelles conditions vous pouvez utiliser les images :

logo attribution CCAttribution : vous devez mentionner l’identité de l’auteur initial (obligatoire en droit français) (sigle : BY)

 

Non Commercial : vous ne pouvez pas tirer un profit commercial de l’œuvre sans autorisation de l’auteur (sigle : NC)

 

No derivative works : vous ne pouvez pas intégrer tout ou partie dans une œuvre composite (sigle : ND)

 

Share alike : partage de l’œuvre, vous pouvez rediffuser mais selon la même licence ou une licence similaire  (sigle : SA)

Si vous êtes dans le monde de l’éducation, pensez à faire adopter les bonnes pratiques aux élèves et étudiants qui ont besoin d’illustrer un document et qui ont tendance à piller Google images sans trop se poser de questions…

… mais il arrive souvent que de grands médias donnent aussi de bien mauvais exemples !

Si vous êtes embarrassé⋅e pour ajouter les crédits nécessaires sous l’image que vous utilisez, le nouveau moteur de recherche de Creative Commons vous facilite la tâche. C’est une des nouveautés qui en font une ressource pratique et précieuse, comme Jane Park l’explique dans l’article ci-dessous.

Article original : CC Search is out of beta with 300M images and easier attribution

Traduction Framalang : Goofy

Le moteur de recherche de Creative Commons propose maintenant 300 millions d’images plus faciles à attribuer

par Jane Park

Jane Park, directrice de produit et de la recherche
Jane Park, directrice de la Recherche Creative Commons dont elle pilote la conception, l’implémentation et le développement

Désormais la recherche Creative Commons n’est plus en version bêta, elle propose plus de 300 millions d’images indexées venant de multiples collections, une interface entièrement redessinée ainsi qu’une recherche plus pertinente et plus rapide. Tel est le résultat de l’énorme travail de l’équipe d’ingénieurs de Creative Commons avec l’appui de notre communauté de développeurs bénévoles.

CC Search parcourt les images de 19 collections grâce à des API ouvertes et le jeu de données Common Crawl, ce qui inclut les œuvres artistiques et culturelles des musées (le Metropolitan Museum of Art, le Cleveland Museum of Art), les arts graphiques (Behance, DeviantArt), les photos de Flickr, et un premier jeu de créations en 3D sous CC0 issus de Thingiverse.

Au plan esthétique et visuel, vous allez découvrir des changements importants : une page d’accueil plus sobre, une navigation meilleure avec des filtres, un design en harmonie avec le portail creativecommons.org, des options d’attribution faciles à utiliser et des canaux de communication efficaces pour faire remonter vos questions, réactions et désirs, tant sur les fonctionnalités du site que sur les banques d’images. Vous trouverez également un lien direct vers la page d’accueil des Creative Commons (le site de l’ancienne recherche est toujours disponible si vous préférez).

copie d’écran interface ancienne de la recherche de creative commons
Interface ancienne de la recherche d’images, qui demandait plusieurs étapes

 

copie d’écran, champ de saisie unique pour la recherche CC
Nouvelle interface qui unifie les recherches à partir d’un seul champ de saisie

 

Résultats de recherche du mot "Goofy" avec CC search
à gauche le nombre de résultats disponibles, et au survol de l’image, les symboles qui signalent les niveaux de permission

Si vous jetez un œil sous le capot, vous verrez que nous avons réussi à diminuer le temps de recherche et nous avons amélioré la pertinence de la recherche par phrase. Nous avons aussi implémenté des métriques pour mieux comprendre quand et comment les fonctionnalités sont utilisées. Enfin, nous avons bien sûr corrigé beaucoup de bugs que la communauté nous a aidé à identifier.

copie d’écran attribution facile des crédits
Une fois l’image sélectionnée, un simple clic pour copier les crédits (en texte enrichi ou en HTML)

Et bientôt…

Nous allons continuer à augmenter la quantité d’images de notre catalogue, en visant en priorité les collections d’images comme celles de Europeana et Wikimedia Commons. Nous projetons aussi d’indexer davantage de types d’œuvres sous licences CC, tels que les manuels et les livres audio, vers la fin de l’année. Notre but final demeure inchangé : donner l’accès à 1,4 milliard d’œuvres qui appartiennent aux Communs), mais nous sommes avant tout concentrés sur les images que les créateurs et créatrices désirent utiliser de diverses façons, comment ils peuvent apprendre à partir de ces images, les utiliser avec de larges permissions, et restituer leur exp)érience à tous pour nourrir la recherche Creative Commons.

Du point de vue des fonctionnalités, des avancées spécifiques figurent dans notre feuille de route pour ce trimestre : des filtres pour une utilisation avancée sur la page d’accueil, la possibilité de parcourir les collections sans entrer de termes de recherche, et une meilleure accessibilité et UX sur mobile. De plus, nous nous attendons à ce que certains travaux liés à la recherche CC soient effectués par nos étudiants du Google Summer of Code à partir du mois de mai.

Le mois prochain à Lisbonne, au Portugal, nous présenterons l’état de la recherche (“State of CC Search”) à notre sommet mondial  (CC Global Summit) où sera réunie toute une communauté internationale pour discuter des développements souhaités et des collections pour CC Search.

Participez !

Vos observations sont précieuses, nous vous invitons à nous communiquer ce que vous souhaiteriez voir s’améliorer. Vous pouvez également rejoindre le canal #cc-usability sur le Slack de CC pour vous tenir au courant des dernières avancées.

Tout notre code, y compris celui qui est utilisé pour la recherche CC, est open source (CC Search, CC Catalog API, CC
Catalog
) et nous faisons toujours bon accueil aux contributions de la communauté. Si vous savez coder, nous vous
invitons à nous rejoindre pour renforcer la communauté grandissante de développeurs de CC.

Remerciements

CC Search est possible grâce à un certain nombre d’institutions et d’individus qui la soutiennent par des dons. Nous aimerions remercier en particulier Arcadia, la fondation de Lisbet Rausing et Peter Baldwin, Mozilla, et la fondation Brin Wojcicki pour leur précieux soutien.

 

image deu geektionerd generator;, un personnage féminin fait remarquer que tout est sous licence CC BY-Sa
Sur le Framablog, on se sert souvent de GG le Générateur de Geektionerd. Pourquoi pas vous ?