Let’s play with Google Insights Search

Google Insight Search - Linux - Monde

Vous voyez la carte ci-dessus ? Elle correspond à la distribution mondiale de recherches Google sur le mot-clé « linux » ces douze derniers mois.

Les dix premiers pays sont les suivants :

Google Insight Search - Linux - Monde - Pays

Et les dix premières villes sont les suivantes :

Google Insight Search - Linux - Monde - Villes

Ces informations proviennent de Google Insights Search, nouveau service d’analyse des requêtes des internautes mis à dispositon par Google (et ne concernant donc que les requêtes effectuées via le moteur Google).

Il fait suite, en l’améliorant, au service Google Trends que j’avais utilisé dans un précédent billet pour évoquer l’évolution de certaines distributions GNU/Linux.

L’idée c’est de comparer et contextualiser certaines requêtes dans le temps et dans l’espace mais aussi par rapport au nombre total des toutes les requêtes effectuées.

Linux en France

Pour illustrer mon propos conservons l’exemple « linux » mais cette fois-ci restreint au territoire français (toujours pour les douze derniers mois, ce qui est bien entendu paramétrable).

La première chose qui est proposée c’est une courbe d’évolution dans le temps considéré (ici donc pour « linux » en France c’est à peu près stable).

Google Insight Search - Linux - France - Graphique

Puis la repartition région par région :

Google Insight Search - Linux - France

Avec le détail des dix premières régions :

Google Insight Search - Linux - France - Régions

Que signifient ces chiffres à droite (qui n’apparaissent que si vous êtes connecté à un compte Google, eh oui, on a rien sans rien) ?

La première région étant la Franche-Comté (bravo pour elle !) elle est automatiquement affublée de la centaine. Cette première place veut dire, si j’ai bien compris, que parmi toutes les requêtes Google effectuées en France, c’est dans cette région que la proportion de recherches « linux » est le plus grande. Notez que cela ne nous indique pas la proportion (ou pourcentages) de requêtes « linux » par rapport à toutes les requêtes Google faites depuis la Franche-Comté sur la période (qui doit être bien faible de toutes les façons). Toujours est-il que c’est la Franche-Comté qui donne le la (le 100) et les autres régions qui suivent en conséquence.

Je me trompe peut-être mais du coup je lis qu’il y a environ un tiers de chercheurs Google « linux » en moins en Midi-Pyrénées (65) et quasiment moitié moins en Alsace (52). Au risque de me répéter on peut donc affirmer que selon Google il y aurait deux fois plus de chercheurs « linux » en Franche-Comté qu’en Alsace.

Ce qui ne signifie nullement qu’il y aurait deux fois plus de postes sous GNU/Linux en Franche-Comté qu’en Alsace parce qu’on peut très bien imaginer qu’un jour une région soit tellement à la pointe Linux qu’elle n’ait plus besoin de faire des recherches sur le terme générique « linux » (mais plutôt sur « bash », « emacs » ou que sais-je encore).

Sinon, on a aussi les villes :

Google Insight Search - Linux - France - Villes

Dans la mesure où Google ne prend pas uniquement le mot-clé « linux » en considération mais référence également les requêtes connexes qui contiennent ou non ce mot-clé, il nous est proposé deux tableaux.

Le premier tableau est constitué du top ten des requêtes associées au mot-clé « linux » (là encore si vous avez un compte Google vous aurez la possibilité d’avoir plus de dix résultats en téléchargeant le fichier CSV associé à votre recherche) :

Google Insight Search - Linux - France - top requêtes

Le second tableau est constitué des requêtes associées au mot-clé « linux » ayant connu le plus forte hausse sur la période étudiée (Breakout signifie que la hausse dépasse 5000% !) :

Google Insight Search - Linux - France - requêtes en hausse

À la lecture de ces tableaux on peut supputer par exemple qu’Ubuntu est bien la reine des distributions en France (mais que Mandriva n’est pas morte), que les linuxiens ont de plus en plus envie de jouer sur leur ordi et que l’Eeepc (sous Xandros) a bien été le phénomène annoncé.

Digne de confiance ?

Bon, c’est bien gentil tout ça mais l’outil est-il fiable ? Telle est la question qui en fait n’aura pas de réponse. D’abord parce que la localisation via notre adresse IP n’est pas d’une rigueur absolue. Et ensuite parce que Google garde jalousement ses données et ses algorithmes de calculs.

La seule chose qu’il soit possible de faire c’est de taper des requêtes dont vous les résultats sont attendus afin de vérifier si l’outil est conforme à votre prévisions. Ainsi si l’on tape « marée » (en France) ce sont bien les régions de la côte atlantique qui apparaissent en premier.

Ce n’est pas très scientifique tout ça mais plusieurs exemples du même acabit m’ont fait supposer que globalement Google Insights Search donne des tendances plausibles.

Je pense néanmoins que des pays encore peu connectés peuvent venir fausser certains résultats car on se retrouve alors proportionnellement avec des internautes locaux pionniers et donc à mon avis plus technophiles que la moyenne. Et puis il y a aussi la question des langues, des alphabets différents, etc. N’hésitez pas à apporter d’autres bémols dans les commentaires.

En tout cas fiable ou pas, je suis sûr que de nombreux marketeux vont prendre d’assaut l’outil pour affiner leurs prochaines campagnes commerciales !

Quelques exemple d’un monde libre qui se cherche

Ces précautions d’usage étant posées, on peut faire mumuse avec l’outil, d’autant qu’il est permis de comparer plusieurs requêtes entre elles.

Quelques distributions GNU/Linux

Comparons mondialement Ubuntu, Fedora, Mandriva, OpenSuse et Debian. On retrouve bien la suprématie actuelle d’Ubuntu (aucune idée de la signification du 84 derrière Ubuntu, par contre je pense là encore qu’on peut supposer qu’Ubuntu est environ dix-sept fois plus recherchée que Mandriva).

Google Insight Search - Distros - Monde

Au niveau des trois pays de tête ça donne :

  • Cuba, Italie, Indonésie pour Ubuntu
  • Sri-Lanka, Inde, Taïwan pour Fedora
  • Russie, République Tchèque, Biélorussie (et France cinquième) pour Mandriva
  • République Tchèque, Russie, Allemagne pour OpenSuse
  • Cuba, Biélorussie, République Tchèque pour Debian.

Si l’on se restreint à la France, ça bouge un peu puisque par exemple Mandriva s’en sort mieux face à Ubuntu.

Google Insight Search - Distros - France

La petite guerre des suites bureautiques

J’ai tenté de comparer les suites bureautiques MS Office et OpenOffice.org (comparaison difficile en raison des différentes appellations)

Dans le monde (avec l’Allemagne et la France qui se classent premières pour « open office ») :

Google Insight Search - Office - Monde

Et en France :

Google Insight Search - Office - France

On s’en sort bien sur ce coup là 😉

Open Source vs Free Software

Comparons les requêtes « Open Source » et « Free Software ». On constate tout d’abord que « Open Source » est plus demandé que « Free Software ». Va-t-il finir par s’imposer ?

Google Insight Search - FLOSS - Monde

Ce sont plusieurs villes indiennes (Delhi en tête), Djakarta et Singapour qui remportent la palme des recherches « Free Software ». Alors que les villes « Open Source » sont San Francisco, encore Delhi, puis Milan, Amsterdam, Washington, Sydney, Londres. Il y a clairement là une différence géographique (et éventuellement sociale).

En France cela ne sera à rien de comparer car « Free Software » est remplacé par « Logiciel Libre ». Du coup on obtient ceci :

Google Insight Search - FLOSS - France

Et tant qu’on y est pourquoi ne pas comparer « Richard Stallman » et « Linus Torvalds ». De notoriété mondiale équivalemente, vous constaterez avec moi que Stallman est très populaire dans les pays d’Amérique Latine tandis que Torvalds a une forte côte dans les contrées occidentales.

À vous de jouer

Fin de mon petit tour de manège avec Google Insights Search. J’en appelle aux commentaires pour nous signaler vos propres requêtes que vous aurez jugées intéressantes à communiquer.




La SACEM, Don Quichotte et les vilaines Majors

Vous n’avez pas le temps de farfouiller dans les millions de youtoubeuries pour y dénicher les vidéos les plus intéressantes ? Ne vous inquiétez pas, le Framablog et son armée de visionneurs fous vous épargnent ce fastidieux travail (de sape).

Thème du jour : De la non fatalité d’être à la SACEM lorsque l’on fait de la musique. Ce qui en soi est une excellente nouvelle 😉

C’est expliqué vite-fait-bien-fait par notre ami Eric Aouanès de Dogmazic, lors d’une prise de vue réalisée au moment de l’inauguration de la première borne Automazic à Gradignan.

—> La vidéo au format webm




Une carte de Copenhague directement issue de la cuisse d’OpenStreetMap

OpenStreetMap - CopenhagueComment en arrive-t-on à s’enthousiasmer pour une simple carte anglophone de la ville de Copenhague, telle est la question du jour.

En fait c’est très simple. D’abord parce que c’est le temps des vacances et des voyages. Ensuite parce qu’elle a été éditée et distribuée gratuitement par USE-IT, une association qui se propose d’apporter aux jeunes des informations touristiques rédigées bénévolement par des locaux (en dehors donc de toute considération commerciale comme cela arrive souvent avec les cartes que l’on vous distribue gracieusement dans les plupart des offices de tourisme officiels).

Mais c’est aussi, voire surtout, parce que la cartographie de la ville provient directement du données libres du projet OpenStreetMap (évoqué rapidement dans mon récent billet photos de voyage en Belgique). Par extrapolation on est donc en présence d’une sorte de carte libre.

OpenStreetMap - CopenhaguePour de plus amples informations sur cette initiative rendez-vous sur la page dédiée d’OSM (liens directs vers les images du recto et du verso de la carte). Une telle démarche témoigne du dynamisme des contributeurs d’OpenStreetMap de cette partie du monde. Mais on perçoit bien que plus OpenStreetMap gagnera en maturité et plus il sera possible de multiplier ces cartes.

Résumons-nous. On a donc des logiciels dits libres et d’autres qui le sont moins. Idem pour la musique, les livres, les encyclopédies… et maintenant les cartes. Difficile de nier que quelque chose est en train doucement mais sûrement d’émerger, un quelque chose dont le Framablog n’a pas fini de parler 😉




Automazic – Quand la musique est borne

Automazic

Un petit moment déjà que je souhaitais consacrer un billet[1] à ce projet qui mérite, ô combien, d’être mis en lumière et soutenu .

Automazic c’est quoi donc au juste ? L’idée est assez proche de La Source de Bamako, mais reprenons paresseusement (c’est l’été) la présentation issue du site officiel[2] :

La borne interactive Automazic est un concept original de l’association Musique Libre. Il s’agit d’un point d’accès public à la musique présente sur le site de l’association : dogmazic.net. Elle est conçue pour être installée dans les lieux publics, de telle sorte que les visiteurs puissent écouter, télécharger ou déposer gratuitement des musiques sous licences ouvertes.
La borne Automazic a été pensée et étudiée en concertation avec certains responsables des médiathèques de France (ACIM), notamment la médiathèque de Gradignan, afin de répondre à plusieurs attentes :
– Enrichir le catalogue musical existant des bibliothèques musicales avec une archive dense de musique originale ;
– Procurer une visibilité plus importante aux artistes de dogmazic.net qui ont fait le choix de diffuser leurs œuvres sous licences ouvertes en leur proposant un moyen supplémentaire pour diffuser leurs œuvres ;
– Partager un catalogue riche et varié avec un large auditoire au sein de hauts lieux culturels que sont les médiathèques ;
– Informer le public sur les enjeux de la musique en licence ouverte grâce à une documentation claire, et le sensibiliser sur les potentiels de partage et de création offert par ces licences.

Côté utilisateur, vous arrivez devant la borne, enfilez le casque et c’est parti pour un choix musical de plus de quinze mille titres. Lorsqu’un morceau vous plait, vous le signalez d’un simple clic (tactile) et à la fin de votre session vous pouvez donc récupérer sur votre clé USB, en toute gratuité mais surtout en toute légalité, l’ensemble de votre sélection. Great, isn’t it !

On notera que les bornes sont propulsées par une distribution adaptée d’Ubuntu et qu’elles sont reliées à un serveur qui met à jour le tout quand bon lui semble. On notera également que vous pouvez aussi proposer votre propre musique en la déposant dans la borne.

Mais laissons à Eric Aouanes (alias Rico) le soin de mieux nous la présenter :

—> La vidéo au format webm

Cela méritait bien un petit reportage sur France 3 Aquitaine (nov. 2007) :

—> La vidéo au format webm

Si vous êtes en contact avec une médiathèque ou tout autre organisme susceptible d’être intéressé par l’acquisition d’une telle borne, n’hésitez pas à leur en parler (en leur envoyant par exemple la plaquette). Les p’tits gars de Musique Libre ont pris pas mal de risques industriels (et financiers) avec cette initiative. Ce serait dommage de se contenter d’applaudir sans tenter de participer à sa diffusion.

Quant à moi je me mets déjà à rêver d’une borne Educazic qui s’en irait dans les écoles remplacer se placer à côté du distributeur de cocas et autres cochoncetées sucrées.

Notes

[1] Vraiment nul mon titre désolé (mais c’est toujours mieux que Borne to be Alive). Il fait de plus référence à l’un des chanteurs les plus rétrogrades en matière d’évolution des pratiques et écoutes musicales.

[2] La photographie d’ouverture provient du site d’Automazic et a été prise lors de l’inauguration de la borne à la médiathèque de Gradignan.




A Bamako je m’abreuve à La Source

—> La vidéo au format webm

En mai dernier paraissait une info très intéressante sur DLFP, titrée Une borne de distribution de logiciels libres à Bamako, dont on possède désormais deux petits reportages vidéos que nous vous présentons ci-dessus et ci-dessous.

L’association Kunnafoni et l’équipe Ubuntu Mali présentent La Source, un distributeur de contenus numériques : logiciels libres mais aussi d’autres ressources comme des livres, l’encyclopédie Wikipedia, des documentaires, des ressources éducatives et des clips vidéo d’artistes locaux.

Le fonctionnement est simple. Conçu comme un kiosque l’utilisateur se déplace dans les menus à l’aide de trois boutons et choisit le contenu qu’il veut transférer sur sa clé USB.

La Source répond à un besoin de diffusion de contenus qui soit bon marché et accessible au plus grand nombre. Si les connexions internet se démocratisent au Mali, elles restent inaccessibles au plus grand nombre et la seule alternative est d’utiliser les cyber cafés, et télécharger une distribution Ubuntu, ou les 500 Mo qui constituent Wikipedia dans un cyber n’est pas à la portée de toutes les bourses. De plus bien souvent les personnes ne savent pas qu’il existe des logiciels et des ressources libres et de bonnes qualité qui sont disponibles. Ce sont ces freins à la diffusion des ressources libres que La Source entend supprimer.

—> La vidéo au format webm




Il voit du logiciel libre partout !

Paris Vélib (cool) - Carlosfpardo - CC-By

Lu (sur la plage) sous la plume de Laurent Joffrin dans Libération du 15 juillet[1].

« Ce succès n’est pas seulement de mode ou de commodité : il recouvre un phénomène politique. Comme le bouddhisme du même nom, nous avons désormais affaire à un urbanisme du petit véhicule, qui échappe, de surcroît, à la classique dichotomie droite-gauche. Chimère bien réelle, le Vélib’ est un transport en commun individuel, un objet gratuit et néanmoins payant, un outil de la personne et de la collectivité à la fois, un service en même temps public et privé. Il n’appartient ni au libéralisme, ni au socialisme, ni à l’individu, ni à l’Etat. Il procède, en fait, d’une sorte d’altermondialisme passé dans les mœurs, autant que d’un boboïsme pour tous. Il annonce surtout, par son prosélytisme calme, une société différente : celle où l’on préfère l’accès à la propriété, la location à l’achat et, somme toute, une forme de partage tranquille à la fièvre de la possession. A la vitesse de la bicyclette, une idée fait son chemin : celle d’une ville moins arrogante et un peu plus humaine. »

Vélib’ et logiciel libre : même combat ?

Vélib'girls - Malias - CC-By

Notes

[1] Crédit photos : Paris-Vélib (cool) par Carlosfpardo sous licence Creative Commons By et Vélib’girls par Malias sous licence Creative Commons By.




La voie négative du Net-Art par Antoine Moreau

Lorsqu’Antoine Moreau prend sa plume pour nous parler d’Art Libre c’est encore de l’Art Libre quand bien même le sujet central de cet article soit l’Art à l’heure d’Internet.

C’est avec plaisir que nous lui ouvrons nos modestes colonnes histoire de partager sa réflexion. Parce qu’il est doux et peut-être salutaire d’entendre parler de forme gracieuse de don à une époque où l’Art peut se perdre dans sa marchandisation baigné dans une Culture qui ne serait plus que de l’entertainment.

L’illustration est une photographie de N. Frespech sous licence Art Libre issue du projet Echoppe Photographique. où les visiteurs sont invités à commander une photographie en laissant un texte dans un formulaire. Il s’agit ici de la Commande 1712 : Chirac en prison. Commandée le 22-11-2007 par Coralie Fonck et reçue le 04-12-2007.

Chirac en prison - Frespech - Licence Art Libre

La voie négative du Net-Art

Un texte d’Antoine Moreau paru dans la revue Terminal, n°101, Printemps 2008.

Que peut être le Net-Art en suite d’une histoire de l’Art traversée par la négation ? Nous tenterons de montrer qu’il est une pratique précise et sensible du réseau des réseaux en intelligence avec son écosystème. Nous ferons la distinction entre « l’Art sur le Net », le « Net-Art » et « l’art du net ». Il s’agira de montrer que le Net-Art, en réalité, n’est pas autre chose que l’art du net : une pratique à la fois ordinaire et éclairée de l’internet. Celle-ci a le souci de la beauté intrinsèque du réseau, elle en observe les qualités qu’on trouve dans les principes fondateurs de l’internet et dans ceux du logiciel libre.

Net-Art : Niet-Art ?

Commençons par une observation : il y a des artistes, reconnus comme tels, qui font de l’art sur le réseau internet. Ils font de l’art avec le net, pour le net et par le net. Ils sont qualifiés de « Net-Artistes ». Les oeuvres créées s’inscrivent dans le lieu où elles évoluent, elles sont très souvent interactives et n’existent que dans le « réseau des réseaux »[1].
En quoi relèvent-elles du « Net-Art » ? Ne persiste-t-il pas, dans ce lieu bouleversant qu’est l’internet, une A.O.A.C. (« Appellation d’Origine Artistique Contrôlée ») qui donne à penser que le Net-Art est le fait d’artistes reconnus comme tels et produisant de l’art lui-même reconnu comme tel ?
Qu’est-ce que le Net-Art en suite du ready-made de Duchamp, de l’exposition du vide de Klein ou des sculptures sociales de Beuys ? De quelle nature est la qualité artistique avec l’internet ? De quelle qualité pouvons-nous parler après qu’on ait pu déceler l’art contemporain comme étant un « Art sans qualités »[2] ?

Nous n’avons pas l’intention de nier aux oeuvres qualifiées de « Net-Art » leur indéniable intérêt. Nous voulons simplement tenter de comprendre comment et pourquoi il y a de l’art par et pour le Net. Que serait-il juste de qualifier de « Net-Art » ? Nous allons commencer par prendre en compte trois constats :

– Premièrement : selon Hegel, l’art est quelque chose de révolu[3]. Après avoir accompli sa tâche, à travers les différentes étapes de son histoire, l’activité artistique laisse la place à d’autres types de productions de l’esprit. Ainsi, la philosophie est, d’après le philosophe de la fin de l’histoire, seule capable désormais de penser l’humanité et d’en former le dessein. Non pas qu’il n’y ait plus d’art possible, mais que c’est à la pensée elle-même de réaliser ce que l’art ne peut plus atteindre.

– Deuxièmement : selon les artistes eux-mêmes, le non-art est l’accomplissement ultime de l’art. Non pas l’avènement de l’iconoclasme, mais de l’art lui-même quand « l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » selon la formule célèbre de Robert Filliou[4]. Ce n’est pas la négation de l’art, mais sa voie négative qui, par un mouvement dialectique, affirme l’art par excellence comme étant l’art de vivre.

– Troisièmement : selon certains observateurs de l’art contemporain, l’art se trouve aujourd’hui « à l’état gazeux »[5]. Disséminé dans toutes activités possibles, il est nulle part et partout à la fois. En fait, selon nous, sa présence est aussi réelle que son absence est manifeste, car la dissolution de l’art dans la réalité n’est pas la disparition réelle de l’art. La réalité de l’art qui nous est contemporain n’est pas tant dans sa « forme formée » que dans sa « forme formante ». Plus que jamais, pour reprendre le mot de Léonard de Vinci, l’art est « causa mentale ». Il est une production de l’esprit qui forme. Il est formant. Sa forme est une formation de l’esprit et l’opération qu’il réalise est la transformation de notre perception où « ce sont les regardeurs qui font le tableau » comme a pu l’observer Marcel Duchamp[6].

Ce que peut être le Net-Art.

En prenant en compte l’état contemporain de l’art, nous pouvons maintenant envisager le « peut-être » du Net-Art selon trois axes. Notre approche sera dialectique, nous allons procéder à chaque fois par « affirmation, négation et négation de la négation »[7].

1/ Le Net-Art c’est l’art qui se pratique par et pour l’internet. Ce n’est pas de l’Art sur le Net.

Affirmation : Une forme d’art sur le réseau internet est une forme d’art visiblement. Une oeuvre plastique qui se trouve sur le Net est déclarée artistique car elle présente toutes les apparences convenues de l’Art reconnu comme tel. Ce sont, par exemple, toutes formes que l’on voit sur les sites web d’artistes et tous types d’objets présentant des qualité artistiques apparentes.?
Négation : Ces objets d’art ne sont pas du Net-Art. Ils ne sont pas faits par et pour le réseau internet. Ils sont en visibilité sur la surface de la Toile[8] mais ne font pas partie de la réalité du réseau. Pour qu’une oeuvre puisse être déclarée « Net-Art », il lui faut être conçue spécialement par et pour le réseau. L’oeuvre de Net-Art n’existe que dans la réalité réticulaire. Sa matière n’est pas seulement numérique, elle fait partie intégrante du flux « on-line » du réseau. C’est le fait des artistes reconnus comme tels et qui investissent l’internet comme champ d’exercice artistique.?
Négation de la négation : Il ne suffit pas que les oeuvres soient du Net-Art pour être véritablement du Net-Art. Elles sont qualifiées ainsi car elles sont réalisées par des artistes qui utilisent le Net pour faire de l’Art. Mais ce sont, la plupart du temps, toujours des objets d’Art selon les critères dévolus aux oeuvres matérielles, quand bien même ils seraient véritablement produits avec le matériau réticulaire et conçues spécialement pour le Net. Dans les faits, il ne suffit pas de réaliser des objets d’Art pour le Net pour que ces objets soient, selon nous, qualifiés de « Net-Art ».?
Pour qu’une forme d’art soit du net-art (nous ne mettons pas de majuscules[9]) il lui faut intégrer ce qui fait la nature même de l’internet et être en intelligence avec l’esprit qui lui a donné corps. Disons-le d’une formule simple : le net-art c’est l’art du net.

2/ Le net-art c’est l’art du net. Ce n’est pas le Net-Art.

Qu’est-ce que le net-art entendu comme « art du net »?
Nous qualifierons de « net-art », toutes formes d’actions et de créations conformes à la forme de l’internet. Ces formes d’actions et de créations peuvent être qualifiées de net-art si et seulement si elles observent les protocoles ouverts de l’internet et les respectent. En effet, l’internet doit son existence à des protocoles ouverts et qui en ordonnent l’architecture et les transports (Web, e-mail, usenet, FTP, IRC, etc.). Basé sur la suite de protocoles TCP/IP[10], l’internet permet ainsi l’accès à tous les ordinateurs quelles que soient leurs particularités. Grâce à ses standards ouverts,[11] l’internet est devenu un réseau non propriétaire et qui a vocation universelle. Il est ouvert à tous, il est fait par tous et pour tous : c’est cela même la réalité du réseau internet, son corps, son esprit.?
C’est la raison pour laquelle nous avançons que c’est l’observation des protocoles du net et le respect des standards ouverts qui va déterminer la qualité artistique des formes. Cette qualité artistique ne se situe pas seulement dans des effets purement formels qui, en surface, font semblant d’art. Elle est dans la prise en considération de l’écosystème du réseau. Cette prise en compte, par tout auteur, du mode d’existence de l’internet peut produire des oeuvres artistiques dans la tradition de l’histoire de l’art, mais aussi des oeuvres qui n’ont pas, à priori, les qualités artistiques pour s’y inscrire. Le net-art (l’art du net) n’est pas le seul fait des artistes reconnus comme tels de la même façon qu’il n’est pas seulement une fabrique d’objets d’art reconnus comme tels.

Le net-art c’est l’art de se conduire dans et avec le net. C’est aussi l’art de conduire le net au mieux de sa forme. Toute technique qui sera en phase avec la réalité de son « moteur » et pas seulement, comme dans de nombreuses oeuvres reconnues comme étant du Net-Art, un formalisme esthétiquement convenu.?
L’esthétique dont il s’agit avec le net-art, tel que nous en proposons la définition, est une esthétique qui procède d’une éthique[12]. Nous entendons cette esthétique comme « es-éthique ». C’est à dire une forme de connaissances et de pratiques qui procède de l’esprit du net et qui précède la mise en forme des objets s’y rattachant. Il s’agit d’une esthétique qui conserve à l’art sa puissance d’action quand, nous l’avons vu, l’art avait été jugé « chose révolue » par ailleurs[13]. Aussi, l’es-éthique du net-art est-il, selon nous, l’esprit de l’art et l’art de l’esprit à l’ère du numérique et de l’internet. La pensée est en forme et forme le dessein d’un art toujours présent quand bien même il aurait pu être révolu à un moment de son histoire.

Par exemple : une simple forme de communication (e-mail, forum de discussion, mailing-list, IRC, etc) peut avoir les qualités de net-art si elle observe la netiquette, c’est à dire l’étiquette du net qu’on trouve dans la Request For Comment n°1855.[14] La netiquette participe de l’es-éthique du réseau des réseaux.?
Pour les formes que les pratiques artistiques investissent ordinairement (textes, images, sons, etc), le net-art (c’est-à-dire : l’art du net) consistera à créer en utilisant des formats ouverts. Ainsi, une page web sera écrite en HTML ou un autre langage comme le PHP et qui tient compte des normes du W3C[15]. Elle n’utilisera pas de codes qui ne permettent pas sa visualisation par n’importe quels logiciels de navigation web. Tout format propriétaire et donc fermé sera honni pour la simple raison qu’ils contredit l’internet en son sens même, en sa forme même, en son art même.?
Il en est de même avec les droits d’auteur que nous allons aborder plus loin dans la partie consacrée au copyleft. Mais avant cela, voyons l’infini du net-art.

3/ Le net-art c’est l’art qui s’offre infini. Ce n’est pas un objet fini.

De la même façon qu’on ne peut confondre un objet d’art avec l’objet même de l’art, on ne peut se méprendre sur la finalité de l’objet de net-art. Inachevé par nature[16], celui-ci n’a pas de fin. Nous le savons par ailleurs, l’objet de l’art ne s’achève jamais dans la fabrication d’un objet d’art, mais il excède son inscription dans la matière. L’objet de l’art passe à travers l’objet d’art fini pour ainsi ne pas choir et être clos dans sa définition.
Le net-art est par excellence un art en flux et en suspens. Il se fait, après qu’il ait été conçu à un moment « t » de son invention, en interaction avec le découvreur qui l’agit sur la Toile. Il n’y a pas d’arrêt sur l’objet, il y a un objet sans fin dont la finalité n’est pas tant l’objet lui-même que ce qui est poursuivi à travers sa production : l’art infini..
Aussi, nous pouvons dire qu’il n’y a pas d’objets de net-art en réalité, mais que l’objet de l’art se manifeste avec l’internet, par et pour l’internet, à travers certaines formes conformes à l’esprit de l’internet. Ces formes ne sont pas l’expression d’un « conformisme » mais manifestent le souci d’être en intelligence avec la forme du net. D’être en phase avec le réseau comme le surfeur peut l’être avec la vague qui le transporte. C’est la raison pour laquelle nous disons que ces formes d’art forment la forme du réseau, qu’elles participent à sa bonne santé, à sa vie. Une vie suspendue entre la naissance et la mort, une vie infinie, non achevée encore dans une supposée maturité, signe avant-coureur de sa fin et de sa destruction..
Ce qui fait la vitalité du net-art, ce en quoi le net-art est vivant et vrai dans sa forme, c’est son immaturité. Cette immaturité du net-art nous l’entendons au sens où Gombrowicz a pu faire comprendre la forme où l’art et la vie sont au mieux de leur forme : ce moment « t » où le temps est suspendu dans la grâce de ce qui advient sans laisser prise au temps, sauf l’éternité.

En effet (…) un postulat erroné veut qu’un homme soit bien défini, c’est à dire inébranlable dans ses idéaux, catégorique dans ses déclarations, assuré dans son idéologie, ferme dans ses goûts, responsable de ses paroles et de ses actes, installé une fois pour toutes dans sa manière d’être. Mais regardez bien comme un tel postulat est chimérique. Notre élément, c’est l’éternelle immaturité[17].

Cette « éternelle immaturité », un présent, un don, une réalité sensible et active du temps imprenable où le net-art est offert aux affects et va se laisser former et transformer à l’infini.
Sans doute le moment est-il venu alors de présenter le copyleft, principe actif de cette immaturité formante que le net-art, quand il est l’art du net, met en pratique.

Le copyleft, principe actif de l’art du net.

Nous voulons maintenant creuser l’élément plastique du net-art. Et ceci en étendant la notion de plasticité non seulement aux arts visuels, mais à tout type d’art qui fait forme et à toute forme quand elle est aussi explosion de la forme[18]. Non pas dans l’intention de détruire la forme, mais dans celle d’en renouveler la puissance plastique grâce à toutes les altérations possibles issues de l’ouverture.
Les droits d’auteurs sont en première ligne car le net-art plastique les droits d’auteurs. Le net-art c’est l’explosion du moteur à création. Non pas, faut-il le préciser encore une fois, sa destruction, mais la remise en forme de sa puissance de transport comme de sa beauté formelle et mécanique.

Explication : le net-art ne peut faire l’économie des droits d’auteurs. L’internet n’est pas, par la vertu du numérique et de la technologie, une zone de non-droit. Dura lex sed lex[19], le droit s’applique, même sur l’internet. Pour qu’une oeuvre soit qualifiée de net-art, il lui faut respecter aussi le droit des auteurs. Mais comment faire, quand le droit d’auteur interdit la copie, la diffusion et la transformation des oeuvres ? Car si nous observons bien l’es-éthique du réseau, comme nous l’avons vu avec les standards ouverts, une oeuvre de net-art devra être librement accessible, copiable, diffusable, transformable et devra interdire, en outre, l’appropriation exclusive.

Liberté d’étudier, de copier, de diffuser, de transformer et interdiction d’appropriation exclusive, ces principes sont également ceux du logiciel libre mis en place avec le projet GNU[20] de la Free Software Foundation[21] en 1984 et formalisés dans une licence juridique, la General Public License[22]. C’est ce qu’on appelle le « copyleft ». Loin d’être une négation ou un déni des droits des auteurs, le copyleft en reformule la pertinence en fonction des pratiques et des matériaux.

Du logiciel libre à l’art libre il n’y a eu qu’un pas. Celui-ci a été franchi à notre initiative lors des rencontres Copyleft Attitude[23] qui ont eu lieu à Paris en 2000. Elles ont donné naissance à la Licence Art Libre[24], directement inspirée par la General Public License. Il s’agissait d’appliquer les principes du copyleft à tout genre de création.

L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création[25].

Là aussi, il s’agit d’un mouvement dialectique qui procède d’une négation de la négation. Le plasticage de l’art opéré par le copyleft, n’est pas sa destruction, mais sa remise en forme. Un retournement de situation quand les matériaux sont des immatériaux, quand la rareté de l’oeuvre d’art est en profusion et quand la forme est formée par des affects qui la reforment à l’infini.

Mieux : le net-art est un art par excellence pour la raison qu’il réalise cette forme qui est le signe même de l’apparition de l’art dans l’histoire : la forme gracieuse.

Négation de la pesanteur, si ce n’est un don du ciel, c’est un art qui ne doit pas paraître en être un, un art dissimulé. Le seul effort qu’il faut faire consiste à le cacher, car montrer qu’il s’agit d’un art serait le meilleur moyen d’étouffer la grâce[26].

Le net-art, une forme gracieuse.

En poursuivant l’intuition que nous avons eue il y a quelques années et qui considère que « l’oeuvre, c’est le réseau »[27], nous pouvons dire que l’internet est lui-même, par nature, une forme gracieuse. Une forme d’art, cela va sans dire.
Cet « état de grâce » propre au net se trouve également dans le logiciel libre et l’art libre car la mise à disposition, par un auteur, de données sur le réseau procède d’une beauté certaine du geste. Cette beauté du geste n’est pas gratuite, le copyleft ne s’oppose pas au commerce, elle est précisément gracieuse. Elle n’est pas non plus gratuite au sens d’arbitraire, elle est justifiée par l’éthique, l’es-éthique. Il s’agit bien d’une forme de pratiques et de productions de l’esprit qui posent la grâce comme condition d’exercice.

Ainsi, la kharis notion de la grâce antique circule entre objet et sujet. Cette idée de beauté (qui n’apparaît que tardivement dans la gratia latine) domine toute la conception grecque de la kharis. Comme faveur, la beauté est ce qui est offert aux regards – ou aux oreilles – des tiers : toute beauté est don généreux. Ce qui est remarquable dans cette notion de kharis, c’est sa capacité à exprimer en même temps une propriété des êtres (leur séduction allant jusqu’au kharisma), l’action de ces charmes sur autrui, l’état de plaisir de qui le perçoit et la gratitude ressentie pour cette faveur. Tel est « l’état de grâce »[28].

Nous affirmons, en suite de Winckelmann[29], inventeur de l’histoire de l’art et qui a su pointer le moment de sa naissance et de sa renaissance, qu’il y a art quand il y a forme gracieuse, beauté du geste et dons. Le moment où l’artiste est doué de dons, ceux qu’il donne en retour sous formes gracieuses à travers des productions librement offertes comme abandon de toute pesanteur[30].
Des données numériques qui sont librement accessibles, copiables, diffusables et transformables selon le copyleft, procèdent de cette liberté qui fait, non seulement la beauté du geste, mais rend l’art possible et existant. Lorsque cette liberté disparaît, l’art disparaît également et la forme gracieuse avec lui.

L’art, qui avait reçu la vie de la liberté elle-même, devait nécessairement, avec la perte de cette liberté, décliner et mourir au lieu même de sa plus belle floraison[31].

Ainsi, le moment politique de la naissance de l’art aura été celui où la grâce aura pu prendre forme librement. La première fois dans la Grèce antique et la deuxième fois, à la Renaissance au XVe et XVIe siècles avec la redécouverte de l’art grec classique et de sa forme gracieuse.

Nous posons qu’une troisième naissance et renaissance de l’art est à l’oeuvre, aujourd’hui, à l’ère de l’internet et du numérique. Cette re-renaissance de l’art se fait avec l’art libre selon les principes du copyleft. Le net-art, tel que nous l’avons défini, en est l’exercice par excellence car il procède d’une forme gracieuse de dons, de données et de libertés.

Antoine Moreau, « La voie négative du Net-Art », mars 2007, un texte écrit pour la revue Terminal n° 101, Printemps 2008.
Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le copier, le diffuser et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre.

Bibliographie :

  • BLONDEAU Olivier, LATRIVE Florent, Libres enfants du savoir numérique, anthologie du « Libre » préparée par, L’Éclat, 2000.
  • BOURGEOIS Bernard, Le vocabulaire de Hegel, Ellipses, Paris 2000.
  • BRUAIRE Claude, La dialectique, PUF, Paris, 1985.
  • CLAVERO Bartolomé, La grâce du don, anthropologie catholique de l’économie moderne, Albin Michel, Paris, 1996.
  • COMETTI Jean-Pierre, L’Art sans qualités, farrago, Tours, 1999.
  • COUCHOT Édomond, HILLAIRE Norbert, L’Art numérique, comment la technologie vient au monde de l’art, Flammarion, Paris, 2003.
  • FOURMENTRAUX Jean-Paul, Art et Internet, les nouvelles figures de la création, CNRS Éditions, Paris 2005.
  • GOMBROWICZ Witold, Moi et mon double, Gallimard Quarto, 1996.
  • HÉNAFF Marcel, Le prix de la vérité, le don, l’argent, la philosophie, Éditions du Seuil, Paris, 2002.
  • HIMANEN Pekka, L’Éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, Exils, 2001.
  • MALABOU Catherine, La plasticité au soir de l’écriture. Dialectique, destruction, déconstruction. Éditions Léo Scheer, 2005
  • MICHAUD Yves, L’art à l’état gazeux, Hachette, Paris, 2004.
  • PERLINE, NOISETTE Thierry, La bataille du logiciel libre, La Découverte, Paris, 2004.
  • POMMIER Édouard, Winckelmann, inventeur de l’histoire de l’art, Gallimard, 2003.

Webographie :

Notes

[1] Une base de données importante de Net-Art sur le site rhizome.org : (page visitée le 05/03/07)

[2] J.P. COMETTI, L’Art sans qualités, farrago, Tours, 1999.

[3] « L’art n’apporte plus aux besoins spirituels cette satisfaction que des époques et des nations du passé y ont cherchée et n’ont trouvé qu’en lui . L’art est et reste pour nous, quant à sa destination la plus haute, quelque chose de révolu. Il a, de ce fait, perdu aussi pour nous sa vérité et sa vie authentique. » HEGEL, Cours d’esthétique, Tome 1, Aubier, Paris, 1995-1997, p. 17 & 18, cité par B. BOURGEOIS, Le vocabulaire de Hegel, Ellipses, Paris 2000, p. 12.

[4] Cité par S. JOUVAL, « Robert Filliou : "Exposition pour le 3e oeil" », Robert Filliou, génie sans talent, catalogue d’exposition, Musée d’art moderne de Lille, 6 décembre 2003 au 28 mars 2004, Éditions Hatje Cantz 2003, p. 8.

[5] Y. MICHAUD, L’art à l’état gazeux, Hachette, Paris, 2004.

[6] Marcel Duchamp, Duchamp Du signe, écrits, Flammarion, 1975, p. 247.

[7] Formule rappelée par Marx dans un lettre polémique adressé à Proudhon. MARX, Misère de la philosophie, cité par Claude BRUAIRE, La dialectique, PUF, Paris, 1985, p. 8.

[8] Nom donné au World Wide Web.

[9] Pour la raison que le net n’est pas une marque, c’est un nom commun et que l’art aujourd’hui n’a plus les qualités de l’Art.

[10] Ensemble de protocoles de communication utilisé par l’internet (page visitée le 10/10/06)

[11] « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre. » Journal Officiel n° 143 du 22 juin 2004 : loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (référence NOR: ECOX0200175L). Définition trouvé dans : Titre Ier (De la liberté de communication en ligne), Chapitre Ier (La communication au public en ligne), Article 4. Sur le site formats ouverts, (page visitée le 10/10/06)

[12] P. HIMANEN, L’Éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, Exils, 2001.

[13] C’est la raison pour laquelle nous parlons de « l’esprit du net » qui, comme pour l’art, ne saurait être réduit à sa seule technicité ou matérialité. L’internet, plus qu’une intelligence matérialisée est une spiritualité pratique (c.f. P. HADOT, Exercices spirituels et philosophie antique, Albin Michel, 2002).

[14] « Les règles de la Nétiquette », RFC 1855, traduction Jean-Pierre Kuypers, sur le site UCL/SGSI Infrastructures des réseaux du système d’information (SRI) (page visitée le 13/02/07)

[15] Le consortium qui se porte garant de l’interopérabilité du Web (page visitée le 13/02/07)

[16] Par la nature même du numérique, sa matérialité de fait.

[17] GOMBROWICZ, Moi et mon double, Ferdydurke, introduction à « Philidor Doublé d’enfant », Gallimard Quarto, 1996, p. 338.

[18] # « Rappelons que selon son étymologie – du grec plassein, modeler – le mot « plasticité » a deux sens fondamentaux. Il désigne à la fois la capacité à recevoir la forme (l’argile, la terre glaise par exemple sont dites « plastiques ») et la capacité à donner la forme (comme dans les arts ou la chirurgie plastiques). Mais il se caractérise aussi par sa puissance d’anéantissement de la forme. N’oublions pas que le « plastic », d’où viennent « plastiquage », « plastiquer », est une substance explosive à base de nitroglycérine et de nitrocellulose capable de susciter de violentes détonations. On remarque ainsi que la plasticité se situe entre deux extrêmes, d’un côté la figure sensible qui est prise de forme (la sculpture ou les objets en plastique), de l’autre côté la destruction de toute forme (l’explosion). » C. MALABOU, La plasticité au soir de l’écriture. Dialectique, destruction, déconstruction. Éditions Léo Scheer, 2005, note de bas de page p. 25 et 26.

[19] La loi est dure mais c’est la loi.

[20] GNU is Not UNIX, projet de la Free Software Foundation qui formalise le logiciel libre avec la licence GNU/GPL. (page visitée le 23/02/07).

[21] FSF.org (page visitée le 23/02/07).

[22] Licence libre copyleft pour les logiciels

[23] Avec des artistes regroupés autour de la revue Allotopie (page visitée le 14/02/07)

[24] Rédigée par Mélanie Clément-Fontaine et David Geraud, juristes et Isabelle Vodjdani et Antoine Moreau, artistes.

[25] Extrait du prologue de la Licence Art Libre 1.2.

[26] Éd. POMMIER, Winckelmann, inventeur de l’histoire de l’art, Éditions Gallimard, 2003, p. 59.

[27] Citée dans le numéro spécial Artpress, l’Art et la Toile, « Internet all over ? » novembre 1999, N. HILLAIRE, p. 9 et Éd. COUCHOT, N. HILLAIRE, L’Art numérique, comment la technologie vient au monde de l’art, Flammarion, Paris, 2003, p. 72.

[28] M. HÉNAFF, Le prix de la vérité, le don, l’argent, la philosophie, Éditions du Seuil, Paris, 2002, p.326.

[29] Éd. POMMIER, Winckelmann, inventeur de l’histoire de l’art, Gallimard, 2003.

[30] Nous sommes là également proche du moment mystique décrit par Simone WEIL, La pesanteur et la grâce, Plon, Agora, 1988.

[31] J.J. WINCKELMANN, Histoire de l’art de l’Antiquité, Darmstadt, 1982, cité et traduit par Éd. POMMIER, idem.




Lorsque vous démarrez votre ordinateur vous vous engagez politiquement

« Mais que fais-tu donc derrière ton ordinateur ? » est une question qui me revient assez souvent. Lorsque je dispose d’un peu de temps devant moi il m’arrive de répondre d’applomb : « Je participe à la prochaine révolution ! ».

C’est vrai après tout. Tant qu’à y passer du temps autant que ce soit pour une bonne raison 😉

C’est évidemment une boutade à la limite de la provocation mais elle a le mérite de piquer la curiosité de mon interlocuteur. Et alors de lui évoquer en vrac le logiciel libre, son mouvement, sa culture, ses extensions du domaine comme Wikipédia, Creative Commons, PLoS, etc.

Bref, en gros, tout ce que contient cette nouvelle traduction (by Olivier et Daria from Framalang Institute). C’est un article exotique puisqu’il nous vient d’Inde. Mais il m’est plus familier que bon nombres d’articles de mes propres compatriotes. En imaginant qu’il y ait des V. Sasi Kumar dans tous les pays du monde, il y a de quoi être optimiste…

Crédit photo : Vibrantly Rabari par Meanest Indian (Creative Commons By)

Vibrantly Rabari - Meanest Indian - CC by

Une nouvelle vague de liberté

A new wave of freedom

V. Sasi Kumar – Mai 2008 – Frontline Magazine (India)

Le nouveau mouvement de liberté, dans les logiciels, le savoir, la publication et le commerce va complètement bouleverser notre manière de penser, de faire les choses et d’interagir.

« Toute action qui est dictée par la peur ou par la contrainte de quelque nature que ce soit cesse d’être morale »
Mahatma Gandhi

Politiquement, nous ne jouissons pas de certaines libertés que nous méritons. Une nouvelle vague de mouvements pour la liberté, pour rendre concrètes ces libertés, balaie actuellement le monde, un mouvement qui modifiera notre façon de penser, notre façon de faire les choses et notre manière d’interagir. Il a pris sa source aux États-Unis et vise à libérer les gens des serres des monopoles capitalistes. Ici le rôle de Gandhi est joué par une personne extraordinaire qui porte les cheveux longs et a une longue barbe, un homme qui répond au nom de Richard Mathew Stallman, qui rejette avec énergie toute comparaison à Gandhi ou Nelson Mandela.

Gandhi disait « Tant que nous ne sommes pas complètement libres nous sommes des esclaves ». L’évolution des technologies a permis à l’humanité de jouir d’une plus grande liberté. Cependant, des intérêts particuliers, avec l’aide des législateurs, parviennent maintenant à empêcher la société de jouir de cette liberté. Par exemple, avec l’avènement des ordinateurs et d’Internet, les données, les informations et la connaissance peuvent être transmises instantanément à la condition que des deux côtés il y ait ordinateur raccordé à Internet. Toutefois, certaines de nos lois conçues pour une ère dépassée empêchent les peuples de profiter pleinement de cette technologie.

Le nouveau mouvement de liberté parvient à se frayer un chemin autour de ces lois. Et, de façon intéressante, ce mouvement n’est mené par aucun parti politique ni aucun activiste politique, mais bien par des programmeurs informatiques (ou hackers). Voyons de quelles manières nos libertés sont réduites et par quels moyens nous pouvons les reconquérir même au sein du paradigme actuel.

Lorsque vous démarrez votre ordinateur vous vous engagez politiquement. Cela peut vous paraitre absurde de chercher un aspect politique à une chose aussi triviale. Mais c’est là un fait. A l’aube de l’informatique, ce sont les utilisateurs qui écrivaient leurs propres programmes et se les échangeaient selon leurs besoins. Personne alors ne détenait de droit exclusif sur ces programmes. A l’époque les ordinateurs étaient imposants et chers, ils occupaient souvent une salle entière mais étaient bien moins puissants que les PC d’aujourd’hui, même les plus petits. A mesure que la technologie a évolué les ordinateurs sont devenus plus petits et aussi plus puissants.

C’est vers le début des années 80 que les fabricants d’ordinateurs ont commencé à imposer ce qu’on appelait des accords de dissimulation aux programmeurs qu’ils engageaient pour écrire les logiciels. Ces accords interdisaient aux développeurs de révéler le code source de leurs programmes (NdT : leur secret de fabrication). Et ainsi les logiciels sont devenus un produit que les utilisateurs doivent payer. Évidemment, certains utilisateurs ont continué à écrire des programmes pour leurs propres besoins, et ils continuent encore aujourd’hui, mais les logiciels tout-prêts sont devenus accessibles en échange d’un paiement et les utilisateurs d’ordinateurs se sont mis à les utiliser de plus en plus.

Les logiciels pour tous

C’est en réaction à cette marchandisation du logiciel que Richard Stallman, alors employé du Laboratoire d’Intelligence Artificielle du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a décidé de créer un système d’exploitation (ou OS pour operating system) et des programmes qui rendraient aux utilisateurs la liberté. Il croyait que les logiciels sont comme la connaissance (il les compare souvent à des recettes de cuisine) et que comme la connaissance les logiciels ne devraient pas être la propriété d’une personne ou d’un organisme. Ils devraient appartenir à l’humanité toute entière.

Stallman a écrit : « De quoi à donc besoin la société ? Elle a besoin d’informations qui sont réellement disponibles aux citoyens, par exemple des programmes que des gens peuvent lire, réparer, adapter et améliorer, pas seulement utiliser. Mais en général les propriétaires des logiciels ne fournissent qu’une boîte noire qu’on ne peut ni étudier ni modifier. La société a également besoin de liberté. Quand un programme est possédé, les utilisateurs perdent la liberté de contrôler une partie de leur propre vie. » (source)

Stallman a initié un projet nommé GNU pour créer des logiciels libres et il a décidé de façonner son OS libre d’après Unix qui était alors très populaire. Unix était un OS propriétaire qui pouvait gérer plusieurs utilisateurs simultanément, il pouvait interconnecter les ordinateurs et était très sécurisé. A l’époque, de nombreux programmeurs avaient pris l’habitude de baptiser un nouveau programme qui était similaire à un autre pré-existant en créant un acronyme signifiant que ce n’était justement pas ce programme.

Ainsi, par exemple, un nouvel éditeur de texte similaire à l’éditeur existant Emacs se nommait Eine pour Eine Is Not Emacs (NdT : Eine n’est pas Emacs). De même, Stallman baptisa son système d’exploitation GNU pour GNU is Not Unix. Il sera plus tard combiné avec le noyau Linux (la partie centrale d’un OS) pour donner naissance au système d’exploitation GNU/Linux. Il existe maintenant plusieurs noyaux qui peuvent être utilisés avec GNU, comme FreeBSD, Open Solaris etc.

« Pour les logiciels libres ce qui importe est la liberté, pas le coût. C’est une question de liberté, pas de prix. Le mot "libre" dans "logiciel libre" a une signification proche de celle dans liberté de parole, peuple libre ou pays libre et ne devrait être confondu avec une autre signification associée à coût zéro. Il faut que vous voyez "logiciel libre" comme libre de fardeau, pas nécessairement libre de frais. Il faut le voir comme logiciel swatantra (NdT : libre ou indépendant en sanskrit) » précise la Free Software Foundation d’Inde. Les logiciels libres apportent quatre libertés aux utilisateurs :

  1. La liberté de les utiliser sur un nombre illimité d’ordinateurs pour n’importe quelle tâche ;
  2. La liberté de partager le logiciel dans votre cercle familial ou d’amis ;
  3. La liberté d’étudier et de modifier le logiciel ;
  4. La liberté de redistribuer les modifications.

(NdT : toute la confusion entre libre et gratuit provient du double sens de "free" en anglais)

La troisième liberté implique que ce que l’on appelle le code source (le texte compréhensible par l’Homme) du programme devrait être mis à disposition de tout utilisateur souhaitant l’obtenir. Mais on peut se demander ce que peuvent en faire les utilisateurs. Alors que la plupart d’entre eux seraient certainement incapables de l’étudier ou de le comprendre, sans même parler de le modifier, cette liberté permet à tout un chacun de demander à un programmeur de le modifier et permet également aux programmeurs de par le monde au moins d’étudier le programme pour vérifier que rien de ce qu’il contient ne constitue une menace pour les utilisateurs. Concrètement, les sociétés et autres organisations peuvent modifier le programme pour qu’il réponde à leurs besoins.

Stallman a rapidement démissionné du MIT par crainte que le MIT revendique les droits sur son travail. Il était quasiment une entreprise à un seul employé lorsqu’il a démarré le projet GNU en 1984 mais des dizaines de milliers de personnes du monde entier l’on rejoint ensuite. En 1985 il a lancé la Free Software Foundation (FSF). Aujourd’hui, en plus de la FSF à Boston aux Etats-Unis on retrouve des FSF en Europe, en Inde et en Amérique Latine. Et les logiciels libres sont devenus suffisamment puissants, et populaires aussi, pour défier la puissance de nombreuses entreprises de logiciels propriétaires.

Libre et populaire

Par exemple, toutes les écoles du Kerala n’emploient que des logiciels libres et tous les ordinateurs du gouvernement du Kerala sont en cours de migration vers les logiciels libres. Les écoles de la province d’Estrémadure en Espagne en font de même. Mais bien avant eux la ville de Munich avait déjà décidé de faire migrer tous ses ordinateurs vers des logiciels libres. De nombreuses entreprises et organismes gouvernementaux ont déjà effectué la migration (comme ELCOT dans la Tamil Nadu) ou sont en train de le faire (comme le Kerala State Electricity Board par exemple). Bien que le gouvernement du Kerala ait adopté une politique des TIC promouvant explicitement les logiciels libres, le gouvernement de l’Inde n’a pas encore pris une telle décision. Espérons que le gouvernement de l’Inde à son tour proclame la liberté des logiciels.

Les logiciels sont vraiment identiques à la connaissance comme l’a découvert Stallman. La ressemblance peut être établie de manière très détaillée. Plutôt que d’énumérer tous les arguments on peut signaler qu’un vaste ensemble de savoirs est disponible au format numérique et, pour un ordinateur, il n’y a pas beaucoup de différence entre un programme et un savoir numérisé comme un fichier texte, une image ou une vidéo. Dans ce cas il devrait être possible de libérer aussi la connaissance, tout comme le projet GNU a libéré les logiciels.

En mars 2000, Jimmy Wales, un entrepreneur américain de l’Internet, a lancé Nupedia, une encyclopédie en ligne dont le contenu est libre, le précurseur du Wikipédia actuel. Le contenu de l’encyclopédie était sous licence Nupedia Open Content License qui autorisait à n’importe qui de la copier, modifier et distribuer mais qui défendait quiconque d’en faire payer le contenu. Le contenu était rédigé par des volontaires dont les connaissances dans le domaine étaient évaluées par un comité et le contenu était soumis à révision avant publication. Les coûts de fonctionnement de Nupedia étaient couverts par Bomis, une entreprise Internet que détenait Wales.

Mais le succès de Wikipédia apporta un coup d’arrêt à Nupedia en 2003. Une majorité des contributeurs n’étaient pas satisfaits des lourdeurs du contrôle éditorial exercé sur les contributions et Stallman et la FSF étaient en faveur d’une plus grande liberté laissée aux contributeurs. Par conséquent la FSF a lancé une nouvelle encyclopédie appelée GNUPedia en 2001. Mais comme Wales possédait déjà le nom de domaine gnupedia.org elle a été renommée GNE (pour GNE is Not an Encyclopedia) sur la même idée que GNU.

GNE a eu une vie plus courte encore, en partie à cause de son incapacité à décider du poids du contrôle éditorial mais surtout parce que Nupedia a lancé Wikipédia en 2001 qui offrait une liberté totale et dont le contenu était placé sous la GNU Free Documentation Licence. Apparemment ce serait Stallman qui aurait le premier évoqué l’idée d’une encyclopédie en ligne libre en 1999.

Même s’il a lancé GNE, depuis son échec, il supporte Wikipédia. Aujourd’hui Wikipédia est l’encyclopédie la plus populaire avec plus de deux millions d’articles rien que pour la langue anglaise et bien plus encore dans d’autres langues. Parmi ces autres langues on en dénombre huit qui dépassent les 300 000 articles chacune et huit autres encore qui dépassent la barre des 100 000 articles chacune.

On recense 254 langues du monde possédant au moins une page Wikipédia. Les dialectes indiens ne sont pas bien représentés dans Wikipedia. Le premier est le telugu avec 38 000 articles, suivi par le bishnupriya manipuri avec 23 000 articles, le bengali (17 000), l’hindi (16 500), le marathi (16 200) et le tamil (13 000). Aucun autre langage indien ne compte plus de 10 000 articles. Il est acquis maintenant que l’encyclopédie Malayalam, publiée par le gouvernement du Kerala, mettra tous ses articles sur Wikipédia.

Même s’il est vrai que le nombre d’utilisateurs d’Internet ne représente qu’un infime pourcentage de la population, ce pourcentage est amené à croitre et la disponibilité de l’information en langues indiennes sera certainement d’une grande utilité à tous les Indiens, en Inde et à l’étranger.

Wikipédia est actuellement dirigée par une organisation à but non lucratif, la Wikimedia Foundation, grâce aux contributions du public. D’autres projets sont dans les cartons aujourd’hui, comme Wikibooks, Wikinews et Wiktionary. Tous les documents, y compris le texte et les illustrations, sur tous ces sites peuvent être copiés, modifiés et utilisés librement à toute fin sans violer de lois du droit d’auteur. C’est réellement la liberté du savoir.

Un autre projet connexe est WikiMapia. En reprenant une citation de Wikipédia : « WikiMapia est un projet inspiré par Google Maps et par Wikipédia. WikiMapia utilise les vues satellitaires de Google Maps et permet de les annoter avec un système wiki. Les Russes Alexandre Koriakine et Evgeniy Saveliev ont lancé ce projet le 24 mai 2006. Le projet est destiné à « cartographier et décrire la planète Terre » vue par satellite. Il fait partie des 1 000 sites les plus visités et recense plus de 6 millions d’endroits annotés. Alors qu’aucune inscription n’est requise pour éditer WikiMapia, plus de 153 000 utilisateurs partout dans le monde sont actuellement inscrits. »

Le terme "connaissance" est utilisé ici dans une conception large et désigne aussi bien des articles que des livres, des histoires, des images, de la musique, des films, etc. Il faut se rappeler que chaque support possède certaines particularités que les autres n’ont pas. Ainsi par exemple, un article sur l’astronomie indienne contient principalement de la documentation issue de sources variées même si la présentation finale de l’information est celle propre à l’auteur. Mais une histoire (un roman, une nouvelle…) est le travail créatif émergeant complètement de l’imagination de l’auteur.

Ainsi, pour les humains, la connaissance se distingue des logiciels par une différence fondamentale. En effet, contrairement aux logiciels, certaines formes de connaissance ne se prêtent pas aux modifications anonymes. Par exemple, une interview avec une personnalité doit conserver sa forme et son contenu puisque c’est le compte-rendu d’une vraie conversation. Il serait dangereux de laisser quiconque la modifier.

D’un autre côté, la liberté pourrait être accordée, par exemple, de la publier ailleurs sans modification. De même, un artiste ne souhaiterait peut-être pas que n’importe qui puisse modifier sa peinture, même si cela ne poserait pas de problème. Il n’est donc pas suffisant de disposer d’une seule licence pour toutes les formes de savoir contrairement aux logiciels. Mais alors quelle est la solution ?

Creative Commons

La solution a d’abord était proposée par Creative Commons (CC) en décembre 2002. CC a été lancé par Lawrence Lessig, Professeur à la Stanford Law School, avec quelques amis pour répondre précisément à ce problème. « Creative Commons a repris l’idée "offrir des licences de droit d’auteur libres" du Free Software Movement. Mais le problème que nous essayions de résoudre était quelque peu différent » dit Lessig.

En quoi était-il différent ? « Nous ne partions pas d’un monde sans culture propriétaire. Au contraire, la culture propriétaire avait toujours été là, les œuvres étaient protégées par un droit exclusif. (…) Mais globalement, le fardeau imposé par le droit d’auteur aux autres créateurs et sur la culture en général était léger. Et une somme importante de travail créatif pouvait se faire hors des contraintes de la loi. Tout ceci a commencé à changer avec la naissance des technologies numériques et pour une raison que personne n’a vraiment cherché à comprendre. » (source).

Une autre raison a entraîné la formulation de ces licences. Après la Convention de Berne en 1886 il n’était plus nécessaire de déclarer un droit d’auteur. Tout œuvre originale tombe automatiquement sous le régime du droit d’auteur. Et finalement il n’est plus devenu nécessaire de marquer un document comme protégé par le droit d’auteur. Sauf déclaration contraire, tout document qui n’appartient pas au domaine public est protégé par le droit d’auteur.

Rien que de savoir si un document est protégé par les lois du droit d’auteur devient par conséquent difficile. Cela rend la ré-utilisation d’œuvres déjà disponibles très compliquée. De plus, les auteurs désirant offrir certaines libertés aux autres n’ont aucun moyen de le faire. Ils n’avaient le choix qu’entre le droit d’auteur et le domaine public (qui concède tous les droits à tout le monde).

Creative Commons propose plusieurs licences grâce auxquelles le créateur peut offrir certaines libertés aux gens, ou, comme le dit CC, Certains Droits Réservés en opposition au Tous Droits Réservés du régime "classique" du droit d’auteur. CC dispose de quatre licences principales : Attribution (notée by), Noncommercial (nc), No Derivative Work (nd) et Share Alike (sa) (NdT : Paternité, Pas d’Utilisation Commerciale, Pas d’œuvre Dérivée et Partage à l’Identique). Ces licences peuvent être combinées pour produire de nouvelles licences comme by-sa, by-nc-nd etc. qui sont plus utiles que les licences principales.

CC a également élaboré une Licence de Sample qui permet aux autres d’utiliser des portions de votre œuvre dans leur propre œuvre. Vous vous souvenez de la jeune auteure indienne, Kaavya Viswanathan, punie il y a quelques temps pour l’utilisation de passages d’autres livres dans sa nouvelle, même si les lecteurs appréciaient sa nouvelle ?

Un développement intéressant permis par CC a été la création d’un morceau de musique par la collaboration d’artistes qui ne se sont jamais rencontrés. Colin Mutchler, un défenseur de l’utilisation des média et de la technologie pour donner envie aux gens de prendre des mesures en faveur d’une économie durable, a envoyé My Life, une chanson joué à la guitare acoustique, sur Opsound, un répertoire de musique qui impose aux morceaux soumis d’être sous licence Attribution-Share Alike ; Cora Beth, une personne complètement inconnue de Colin, y a ajouté un violon pour créer My Life Changed. Aucun avocat de la Propriété Intellectuelle n’a été consulté, ou maltraité, pour cela. Gilberto Gil, le ministre brésilien de la Culture et musicien lauréat d’un Grammy Award supporte la liberté de la culture et a sorti quelques-unes de ses musiques sous la licence CC Sampling.

Rentable également

Une question qu’il est naturel de se poser est alors : est-ce que le créateur ne va pas perdre ses revenus s’il permet aux gens d’utiliser ses créations librement ? L’expérience montre que ça n’est pas le cas. Par exemple, les groupes de musique affirment que les téléchargements de musique libre en fait les aident à faire plus de concerts et leur source de revenus principale est la scène (source). Une recherche sur Google vous fera découvrir d’autres études de ce genre.

Comme Stallman et d’autres l’ont suggéré, un lien sur la page de téléchargement peut permettre aux utilisateurs d’effectuer un paiement volontairement. Pour une œuvre assez bonne cela peut apporter à son auteur une somme appréciable. De toute façon des copies illégales de la plupart des films ou des musiques sont disponibles gratuitement, particulièrement dans les pays émergents et rien n’est arrivé, ni à l’industrie de la musique, ni à celle du film.

Cependant, à long terme, les industries de l’édition, du disque et du cinéma pourraient avoir à adopter un nouveau paradigme qui pourrait être défini par les nouvelles technologies qui émergeront à coup sûr, même si ces industries se sont toujours montrées très attachés aux anciens paradigmes et qu’elles font tout ce qu’elles peuvent pour ne pas changer. Souvenez-vous des protestations de l’industrie de la musique lorsque l’enregistreur cassette a été inventé. Pourtant jusqu’à maintenant aucun changement drastique n’est en vue.

L’industrie du disque aux États-Unis a réussi à mettre le législateur de son côté pour subvenir à ses propres besoins au travers de la technologie des DRM (NdT : Digital Rights Managements ou Mesures Techniques de Protection) et une loi associée et le DMCA (NdT : Digital Millenium Copyright Act dont la loi DADVSI est la transposition en droit français). Stallman et les partisans du logiciel libre appellent les DRM Digital Restrictions Managements (ou Mesures Techniques de Privation). Les DRM empêchent en fait les gens de copier les œuvres incorporant cette technologie ou encore de jouer l’enregistrement sur un autre lecteur. Par conséquent, le mot Restrictions (Privations) semble plus approprié.

Les fans de musique se sont opposés à cette politique et on peut trouver beaucoup d’articles sur le Web à ce sujet. Ils disent que les DRM les empêchent même d’exercer leur droit à la copie privée. Les opposants ont créé des logiciels qui peuvent outrepasser la technologie DRM. Mais le DMCA (NdT : tout comme la DADVSI) rend illégal la création ou l’utilisation d’une technologie visant à briser les DRM. Heureusement, ces lois ne sont actuellement en vigueur que dans quelques pays. L’industrie du disque fait pression sur l’Inde et d’autres pays pour adopter ces lois. Mais espérons que l’Inde choisisse d’offrir les bénéfices des technologies à son peuple plutôt qu’aux industriels.

Les publications dans des revues scientifiques étaient à l’origine faites pour communiquer les résultats des recherches à d’autres scientifiques. La première revue scientifique au sens moderne est le Philosophical Transactions de la Royal Society of London dont la publication a commencé en 1665. A l’époque, seule l’imprimerie permettait cette communication. La plupart des premiers journaux étaient édités par des sociétés de chercheurs comme la Royal Society. Avec l’augmentation du nombre de revues et de chercheurs, les éditeurs se sont dits qu’une manne leur tendait les bras.

Quelques grandes maisons d’édition ont investi le marché et, bizarrement, le prix des revues s’est aussi mis à augmenter. Finalement, la communauté scientifique a commencé à se révolter contre les revues qui faisaient payer le prix fort. En 2001, deux organisations ont co-publié Declaring Independence.

Rémunérer l’éditeur

L’édition scientifique est à bien des égards différente des autres formes d’édition. Ici les articles sont rédigés par les chercheurs et relus par des chercheurs. Les éditeurs du journal sont souvent eux-mêmes des chercheurs également. Les maisons d’édition ne font qu’imprimer et envoyer le journal aux abonnés. Le salaire des chercheurs provient essentiellement de l’argent public. Leur travail de recherche est également financé par l’argent public. Et pourtant c’est la maison d’édition qui détient les droits sur les articles.

Les chercheurs et le public doivent s’abonner à ces journaux (ils doivent payer l’éditeur) pour avoir accès aux informations obtenues grâce à l’argent public. Et le prix des journaux a commencé à augmenter au point que certaines universités parmi les plus aisées dans les pays industrialisés ont de plus en plus de mal à s’abonner à tous les journaux qui traitent de leurs activités. C’est dans ces conditions que les scientifiques ont commencé leur révolte. On attribue la naissance du mouvement à une pétition de 2001 à l’initiative de Patrick Brown et de Michael Eisen même si des voix isolées les précédaient.

Ainsi, Prof. Donald Knuth, auteur du classique Art of Computer Programming et inventeur de Tex, un langage de traitement de texte pour documents techniques, écrit : « J’adore ma bibliothèque et les autres bibliothèques que je visite fréquemment et ça me met en rage de voir les prix qu’ils imposent aux bibliothèques. J’ai donc écrit une lettre salée à Elsevier en août 2001 pour leur faire part de ma grande inquiétude quant à leur future politique de prix pour le Journal of Algorythms. Elsevier a cependant ignoré ma lettre et ne m’a pas répondu. » (source)

La pétition de Brown et Eisen appelait tous les scientifiques à s’engager à partir de septembre 2001 à ne plus soumettre leurs papiers aux journaux qui ne rendaient pas le texte complet de leurs travaux accessible à tous, librement et sans entraves, que ce soit immédiatement ou après un délai de quelques mois.

La fondation de la Public Library of Science (PLoS) a été la grande étape suivante du mouvement vers la libération des éditions scientifiques. Malgré le soutien d’un éminent prix Nobel, Dr. Harold Varmus, ils ont dû patienter quelques temps avant de devenir complètement opérationnels et de publier le journal PLoS Biology en 2003.

Maintenant ils éditent sept journaux dont le contenu est disponible librement sur Internet. Ils ont adopté un modèle où les auteurs des articles paient pour être publiés. Ils conservent un fond, comme le font d’autres journaux du même type, pour affranchir de tout paiement les auteurs de pays émergents ou les auteurs qui n’ont pas les moyens suffisants.

En Europe, la Budapest Open Access Initiative, qui est à la fois une déclaration d’intention, de stratégie et d’engagement, a été signée par plusieurs scientifiques lors d’une réunion organisée par l’Open Society Institute en décembre 2001. Aujourd’hui des milliers de scientifiques sont signataires de l’initiative. Elle a eu un impact très fort dans le monde entier, en particulier en Europe.

Plusieurs agences de recherche et de financement, comme le Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire (CERN) et le National Institutes of Health (NIH), ont imposé l’accès libre pour toutes les publications issues de recherches qu’ils ont financées.

L’Accès Libre (AL) signifie que toutes les publications sont librement accessibles par les autres scientifiques et par le public. En fait, il offre toute liberté aux utilisateurs et demande simplement que l’auteur soit reconnu et que l’intégrité des documents soit conservée. Bien sûr il ne permet pas la ré-édition des documents, dans leur forme originale ou modifiée, comme les licences CC le font. Mais L’Accès Libre aux publications scientifiques est une avancée très importante dans des pays comme l’Inde.

Le gouvernement d’Inde devrait par conséquent imposer l’Accès Libre pour toutes les publications issues de recherches financées par l’argent public. Cela peut-être réalisé de deux manières : soit l’auteur affiche l’article sur son site Web, sur le site de son institut ou sur un site de centralisation (les revues qui permettent cela sont appelés AL vert) soit il peut publier dans des revues Accès Libre qui affichent leur contenu sur leur propre site Web (appelées AL d’or). Heureusement, une grande partie des journaux indiens sont AL. Mais la plupart des bons articles d’Inde sont publiés dans des journaux étrangers qui ne sont pas nécessairement AL.

La liberté dans le commerce

Nous allons parler ici d’une nouvelle expérience menée en Inde. L’idée est de parvenir à une transparence totale du commerce. Une entreprise technologique nommée WikiOcean a vu le jour à Pune. L’entreprise est unique de part le fait qu’elle expose tout son fonctionnement sur son site Web, même ses transactions financières. Ils appellent ce genre de système un wékosystème, un jeu de mot entre wiki et écosystème. Comme l’explique le site Web : « WikiOcean est une organisation participative, non-propriétaire où les professionnels rejoignent un modèle de partage des bénéfices comme expliqué dans le wékosystème. »

Cette entreprise a été inspirée par la transparence des logiciels libres et, en fait, l’un de ceux que l’on pourrait appeler les catalyseurs (ceux qui régulent la structure et la dynamique de Wékosystème) est le président de la Free Software Foundation of India, Prof. G. Nagarjuna. L’entreprise travaille déjà sur quelques projets. Mais il est encore trop tôt pour juger des chances de survie d’une telle entreprise. Souhaitons que tout se passe pour le mieux.

Une autre idée complètement exotique est de copier le modèle des logiciels libres pour d’autres produits. En d’autres termes rendre tous les besoins librement disponibles pour tous. Bien que ça puisse sembler absurde il ne faudrait pas rejeter cette idée puisque certains efforts à petite échelle ont été lancés et semblent fonctionner.

Cette idée est envisagée par un groupe pas si petit que ça qui s’appelle Oekonux (dérivé de oekonomie, le terme allemand pour économie et Linux). Vous pourrez en apprendre plus sur www.oekonux.org et vous pouvez rejoindre leur liste de diffusion si vous êtes vraiment intéressés.

Comme nous l’avons vu, les nouvelles technologies apportent de nouveaux défis, de nouvelles idées. Et nous serons peut-être amenés à ré-écrire de vieilles lois qui avaient été créées pour des situations complètement différentes, un autre paradigme technologique.

Quand de nouvelles technologies apparaissent il nous faut changer nos lois pour nous adapter à la nouvelle donne afin que la société puisse pleinement bénéficier de la nouvelle technologie ou alors seule une petite portion de la société en récoltera tous les bienfaits. Et au rythme auquel la technologie évolue il ne va pas être facile de suivre toutes ses implications. Nos technocrates et nos législateurs vont devoir suivre le rythme.

Cet article (et sa traduction) est publié sous licence Creative Commons Attribution Share Alike 2.5.