Laissez le yoga libre et en paix !

Sir Mervs - CC byC’est notre ligne de front à nous. À Framasoft on n’est pas de gauche ou de droite mais on est clairement pour la défense des biens communs que certaines logiques économiques tentent de s’approprier à grands coups de lois et de brevets dont on ne me fera plus croire qu’ils sont nécessairement là pour protéger et favoriser l’innovation.

Le bien commun qui nous est cher c’est évidemment le logiciel libre mais fort de notre expérience et de notre culture, il est difficile de ne pas être également sensible aux autres champs qui sont mis à mal actuellement, à commencer par l’écologie qui sur le même modèle humaniste et résistant tente de préserver rien moins que notre planète.

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui est une illustration aussi malheureuse qu’emblématique de ces trop nombreux jusqu’où iront-ils ? puisqu’on touche ici directement à notre patrimoine, à notre bien-être et à notre santé. Il s’agit d’évoquer les tentatives de captation marchande du… yoga, avec une pertinente mise en parallèle sur le situation de l’industrie pharmaceutique[1].

L’occasion pour moi de rappeler la sortie en poche de l’excellent livre Du bon usage de la piraterie de Florent Latrive dont le sujet est au cœur même de ce qui est exposé ici et qu’il est donc tout à fait recommandé de parcourir pour aller plus loin et ne pas se réveiller un jour pour constater que nos moindres faits et gestes appartiennent désormais à un je-ne-sais-quel-obscur ayant droit ![2]

Pouvez-vous breveter la sagesse ?

Can you patent wisdom?

Suketu Mehta – International Herald Tribune – 7 mai 2007
(Traduction Framalang : Mben, Penguin, Olivier et Daria)

J’ai grandi en voyant mon père se tenir sur la tête tous les matins. Il faisait le sirsasana, une position de yoga qui explique qu’il ait l’air si jeune à 60 ans passés. Maintenant il serait peut-être obligé de payer une redevance à un détenteur de brevet américain s’il enseignait le secret de sa bonne santé aux autres.

L’office des brevets et des marques américain a publié 150 copyrights liés au yoga, 134 brevets sur des accessoires de yoga, et 2315 marques de yoga. Il y a beaucoup d’argent à gagner en se tordant comme un bretzel — 3 milliards par an dans la seule Amérique. C’est un mystère pour la plupart des Indiens que quelqu’un puisse faire autant d’argent en enseignant un savoir qui n’est pas supposé être acheté ou vendu tel de vulgaires saucisses.

Le gouvernement indien prend la chose au sérieux. Il a mis en place une cellule qui est en train de cataloguer la connaissance traditionnelle, y compris les remèdes ayurvédiques et les centaines de poses de yoga, pour les empêcher d’être piratés et copyrightés par les revendeurs étrangers. Les données seront traduites à partir du Sanskrit ancien et des textes tamouls, stockées numériquement, et disponibles dans cinq langues internationales, de sorte que les offices des brevets des autres pays puissent voir que le yoga n’est pas originaire d’une communauté de San Francisco.

Il est important de remarquer que les premiers à breveter la sagesse traditionnelle indienne sont des Indiens, la plupart du temps à l’étranger. Nous savons saisir une occasion lorsqu’elle se présente et nous avons exporté des générations de gourous, experts dans la vente ambulante de l’épanouissement pour un dollar. Mais, en tant qu’Indiens, ils devraient savoir que l’idée même de faire breveter la connaissance est une grossière violation de la tradition du yoga.

En Sanskrit, « yoga » signifie « union ». Les Indiens croient en un esprit universel — brahman — dont nous sommes tous une partie, et qui médite éternellement. Chacun a accès à cette connaissance.

La connaissance dans l’Inde antique a été protégée par les règles des castes, et non celles de la loi ou de l’argent. Le terme « propriété intellectuelle » était un oxymore : l’intellect ne pouvant être la propriété de quiconque. Peut-être est-ce pour cette raison que les Indiens ne se sentent pas obligés de payer pour la connaissance. Des copies pirates de mon livre sont ouvertement vendues dans les rues de Bombay, pour le quart de son prix officiel. La plupart des intrigues et des musique des films de Bollywood sont tirées d’Hollywood.

Pourtant, les Indiens sont irrités à chaque fois qu’ils entendent les rapports – souvent pompeux – des Occidentaux volant leur sagesse ancienne à travers le mécanisme du droit d’auteur. Leurs craintes sont peut-être exagérées, mais elles sont répandues et reflètent l’expérience mitigée de l’Inde avec la mondialisation.

Les entreprises pharmaceutiques occidentales se font des milliards avec des médicaments qui ont souvent été au départ découvert dans des pays en voie de développement. Mais les plantes médicinales comme la margose ou le curcuma, qui sont connus pour être efficaces contre tout, du diabète aux hémorroïdes, ne rapportent rien aux pays dont les sages en ont en premier isolés les vertus. Le gouvernement indien estime que dans le monde, 2000 brevets basés sur des médicaments traditionnels indiens, sont déposés chaque année.

Les médicaments et le hatha yoga ont le même but : nous aider à mener une vie en meilleure santé. L’Inde a offert au monde le yoga gratuitement. Il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes dans le pays trouve que le monde devrait rendre la politesse en rendant disponible à faible coût des médicaments pouvant sauver des vies, ou au moins laisser les entreprises indiennes fabriquer des génériques à faible coût. Si la position du lotus appartient à tout l’humanité, alors la formule du Glivec doit l’être aussi, le médicament pour la leucémie dont le brevet sert de base au procès d’une entreprise pharmaceutique Suisse contre le gouvernement indien.

Pendant des années, la loi indienne a autorisé ses entreprises pharmaceutiques à répliquer des médicaments brevetés en Occident et les vendre à un prix plus faible aux pays trop pauvres pour pouvoir se les offrir autrement. De cette façon, l’Inde a fourni la moitié des médicaments utilisés par les personnes séropositives dans les pays en voie de développement. Mais en mars 2005, le parlement indien, sous la pression de mettre le pays en accord avec les lois sur la propriété intellectuelle de l’Organisation Mondiale du Commerce, a voté une loi déclarant illégale la production de copie générique de médicaments brevetés.

Cela a mis des médicaments anti-rétroviraux pouvant sauver des vies hors de portée de la majorité des 6 millions d’Indiens qui ont le SIDA. Les multinationales du médicament qui protègent bec et ongles leur brevets s’opposent aux tentatives de l’Inde de modifier les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce pour protéger leurs remèdes traditionnels. Il y a plus que simplement de l’argent dans la bataille. Il y a aussi la perception que le système commercial mondial est injuste, que les dés sont pipés en défaveur des pays en voie de développement. Si la copie des médicaments occidentaux est illégal, alors le brevetage du yoga doit l’être aussi. Il s’agit également de piratage intellectuel, ou alors la propriété intellectuelle marche sur la tête.

Suketu Mehto est l’auteur de "Maximum City: Bombay Lost and Found."

Notes

[1] Sur cette problématique du yoga qui se propriétarise on pourra lire cet article du Courrier International Yoga : breveter les postures, une belle imposture ? parcourir le site anglophone au titre qui en dit long Open Source Yoga Unity et attendre la diffusion de Yoga Inc. un tout récent documentaire qui dénonce la commercialisation du yoga.

[2] Crédit photo : Sirv Mers (Creative Commons By)




Ne signez pas chez une grande maison de disque !

Much Music - RossinaBossioB - Creative Commons BY

Traduction[1] d’un article issu du blog des Cobra Punchers. Je suis loin d’adhérer à tout ce qui est dit mais je crois qu’aucun musicien aujourd’hui ne peut faire l’économie de s’interroger sur les évolutions liées à internet et aux nouvelles technologies. Quid des licences aposées à ma musique ? Quid de sa diffusion ? Quid des contrats avec les sociétés de gestion des droits d’auteur.(type SACEM) ? Quid des contrats avec les maisons de disques (type Majors) ?

Pour ce groupe très rock’n roll ça donne un témoignage que d’aucuns trouveront peut-être excessif voire naïf mais qui a cependant le mérite de poser de bonnes questions en proposant une alternative qui pourrait bien à l’avenir être de plus en plus crédible.[2]

The Cobra Punchers - Blog - screenshot

La nouvelle industrie musicale

The New Music Industry

Ce n’est plus un secret, l’industrie musicale va mal. Ils ont changé leur modèle économique, leur principale source de revenus n’est plus la vente de musique mais les procès intentés à leurs clients. Chacun peut voir que c’est un modèle économique ridicule. Pourtant, ceux qui devraient être les mieux informés à propos du bateau en perdition qu’est l’industrie musicale aujourd’hui ignorent complètement tous les signes et grimpent à bord du Titanic avec un abandon désespéré.

Je parle des groupes, ces pauvres groupes naïfs qui pensent toujours que signer d’un contrat est comme passer la ligne d’arrivée en tête et se voir offrir tous ses rêves sur un plateau d’argent. Ces pauvres groupes naïfs qui ne lisent pas les petits caractères et qui ne parviennent pas à comprendre la partie commerciale de l’industrie dont ils désirent tant faire partie. Ces groupes qui vendent deux millions d’albums et qui se retrouvent avec une dette de centaines de milliers de dollars envers leur maison de disque qui devait rendre tous leurs rêves les plus fous réalité.

Ce sont ces gens qui devraient apprendre la nouvelle première règle de l’industrie musicale. Ne signez pas chez une grande maison de disque. J’irai même jusqu’à conseiller de ne signer avec aucune maison de disque. Je ne pense pas en avoir besoin, mais je vois très bien en quoi de nombreux groupes tireraient profit d’un contrat avec un label indépendant plus petit. Tout musicien n’a pas forcément le sens des affaires et vice versa, mais je pense que nous entrons dans une ère de la musique où le pouvoir reposera uniquement dans les mains des musiciens qui peuvent voir leur musique différemment et voir comment gagner de l’argent en faisant ce qu’ils aiment.

Voilà quelques concepts que tous les musiciens aujourd’hui devraient comprendre

1. Les gens vont partager votre musique entre eux – Ne voyez pas le partage de fichiers comme du vol. La plupart de ceux qui téléchargent de la musique ne se voient pas comme des voleurs, ils ne se voient pas comme des pirates, ils veulent juste écouter votre musique. Le but final de l’industrie de la musique est que le plus de gens possible écoutent votre musique. Quand les gens échangent de la musique entre eux, ils rendent service à ce musicien en augmentant le nombre de personnes qui l’écoutent. C’est difficile de voir le partage de fichier comme un bienfait pour les musiciens puisque la plupart des musiciens voient leur musique comme un produit à vendre sous la forme d’un album. Si les gens partagent votre musique entre eux gratuitement, comment un musicien peut-il gagner sa vie ?

2. La musique n’est plus un produit, c’est un contenu – Lorsque la musique était liée au support qui la jouait, c’était un produit de la même manière qu’un lave vaisselle ou un aspirateur est un produit. Vous achetez un aspirateur parce que c’est un produit qui nettoie votre sol. Vous achetiez un CD parce que c’est un produit qui fait des sons plaisants.

Maintenant le contenu est séparé du produit. Vous n’avez désormais plus besoin du CD pour entendre les beaux sons. Maintenant que la musique est retirée du produit, la musique existe seulement en tant que contenu. Le dilemme de comment faire de l’argent à partir de la musique devient bien plus simple à résoudre une fois que vous voyez la musique comme un contenu et pas comme un produit. Beaucoup de médias différents ont utilisé du contenu pour faire de l’argent. Le meilleur exemple est l’industrie de la télévision qui a utilisé des contenus gratuits de qualité pour faire de l’argent pendant des années.

3. Soyez le fournisseur de votre propre contenu – Il y a des centaines de sites de torrent qui amassent des fortunes en fournissant du contenu gratuit. Ils passent de la pub aux milliers de gens qui visitent leurs site. Ils attirent des milliers de visiteurs en offrant du contenu gratuit. Du contenu créé par d’autres personnes.

C’est cet argent qui devrait arriver directement dans les poches des musiciens. Les musiciens devraient être moins énervés par le fait que les gens écoutent leurs chansons gratuitement que par le fait que le trafic se dirige vers les sites de torrent plutôt que vers leur propre site web.

Le meilleur moyen de récupérer l’argent de la publicité est d’entrer directement en compétition en proposant votre propre contenu gratuitement. Placé devant deux choix, celui de naviguer dans les eaux troubles des sites de torrent peu scrupuleux à la recherche de votre dernier single ou celui de le télécharger directement depuis le site de l’artiste gratuitement, le client téléchargera le contenu depuis votre site web de manière certaine.

4. Le contenu n’est plus limité par le produit lui-même – Un CD contient 70 minutes de musique. La plupart des CD sortis par les musiciens font environ 45 minutes et contiennent entre 10 et 15 chansons. Chaque CD est vendu avec une jolie couverture, une liste des chansons, des photos du groupe et les paroles. C’est le format que presque tous les groupes ont suivi depuis que je pouvais atteindre le bouton “Play” sur la chaine HiFi de mon père.

Puisque le contenu du CD n’est plus lié à ce disque brillant de 70 minutes, la façon dont la musique est commercialisée et vendue est maintenant libérée de ce vieux format usé. Je pense qu’iTunes a commencé à paver la route pour le retour des singles. Les groupes sortent leurs chansons à un rythme plus soutenu et constant, ils pondent une chanson tous les deux mois depuis l’intimité de leur maison.

L’artiste n’aura plus besoin de faire du “remplissage” pour allonger artificiellement la durée de leur album. Les fans n’auront plus à acheter 9 chansons qu’ils n’aiment pas afin d’en avoir 3 qu’ils adorent. Les fans n’auront plus à attendre des années entre deux albums. Les fans auront une nouvelle dose du groupe qu’ils aiment à chaque fois qu’il écrit une nouvelle chanson.

Ceux qui adopteront cette idée rapidement bénéficieront grandement du fait que leur groupe sera dans les médias plus souvent. Les groupes auront plus souvent l’occasion de faire leur promotion s’ils sortent une chanson tous les mois. Les singles profiteront aussi aux musiciens qui génèrent leurs revenus par les bénéfices de la publicité. S’ils sortent plus de chansons dans l’année, leur site web aura un trafic plus constant.

Beaucoup de musiciens et de maisons de disques grinceront des dents à l’idée de distribuer la musique gratuitement, mais cela ne peut pas être évité. Grâce à Internet, partager la musique que vous aimez est devenu plus simple que d’aller au magasin l’acheter. La prochaine étape pour les groupes est de rendre le téléchargement de leur musique encore plus aisé aux fans pour qu’ils puissent contrôler le contenu qu’ils créent et gagner de l’argent par la même occasion.

Notes

[1] Merci à Olivier, Daria et Yostral pour la traduction made by Framalang.

[2] L’illustration est une photographie de RossinaBossioB intitulée Much Music issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Trois petits tours et puis s’en va, SACEM je ne t’aime pas !

Naïfs que nous sommes…

Dans un récent billet j’annonçais un peu hâtivement le projet de faire un album sous licence Art Libre avec les fonds de tiroir d’une chanteuse que j’apprécie tout particulièrement et que je présentais dans un petit clip diaporama en guise de découverte.

Cela risque d’être un peu plus compliqué que prévu pour cause d’affiliation de la dite chanteuse à la SACEM (je subodorais cependant qu’il pouvait y avoir potentiellement un problème en me gardant bien de citer son nom). En fait cela risque même d’être tout simplement impossible à réaliser puisque le contrat SACEM est une cession de droits exclusifs pour le passé, le présent et le futur.

Et déjà rien que la mise en ligne du clip est illégale.

C’est d’autant plus dommage que ces fonds de tiroirs ne sont pas des morceaux au rabais. Ce sont des créations antérieures au groupe actuelle de la chanteuse (et antérieures à son inscription à la SACEM qui plus est). Elle ne comptait tout simplement plus les exploiter, les jouer et/ou les réenregistrer avec sa nouvelle formation et du coup elle m’avait contacté pour savoir si ça m’interessait de les verser dans le pot commun de la culture libre via Framasoft.

Vous m’en voyez contrarié (pour ne pas dire plus) parce que cela signifie que les morceaux vont rester définitivement dans les tiroirs contre la réelle volonté de leur auteur. Je veux bien que, comme ils disent, la SACEM protège les artistes et la création mais en ce moment, je ne sais pas si vous avez remarqué, plus on parle de nous protéger et plus on finit par nous vérouiller.

Allez, un dernier petit clip (toujours aussi illégal) en guise d’au revoir pour vous faire partager ma frustration.

Il s’agit d’une chanson traditionnelle irlandaise In search of a rose reprise notamment par The Waterboys. Les photos sont sous licence Creative Commons BY et ont toutes été faites dimanche dernier dans un parc à Rome.




Aimez-vous cette chanson ?

Un peu de teasing

Une auteur-compositeur-interprète serait prête à sortir quelques morceaux originaux et inédits de ses cartons pour en faire un album sous licence Art Libre.

Se sentir soutenue et encouragée par le communauté la motiverait encore davantage 😉

En voici un échantillon que j’ai un peu massacré auditivement parlant avec ma première mais piètre tentative d’en faire un clip diaporama (photographies BY myself sous Creative Commons BY).

Malgré la faible qualité sonore du montage, appréciez-vous quand même le potentiel ?

edit : j’ai refait le diaporama en améliorant la qualité d’image (et les transitions) mais le revers de la médaille c’est que c’est plus lourd à se charger




Les DRM sont inefficaces d’après Mark Shuttleworth d’Ubuntu

Eliminate DRM - semaphore_ - Flickr - CC-BY

Deuxième traduction[1] du blog de Mark Shuttleworth connu entre autres choses pour être à l’initiative de la célèbre distribution GNU/Linux Ubuntu.[2]

Il devient de plus en plus difficile pour les partisans des DRM de défendre et justifier leurs positions.

Combien de temps tiendront-ils encore ?

Mark Shuttleworth - blog - screenshot

Note aux ayant-droits : les DRM sont inefficaces

Note to content owners: DRM doesn’t work

Mark Shuttleworth – 7 avril 2007

Certaines idées sont vouées à l’échec, mais suffisamment séduisantes pour certaines personnes pour qu’elles soient condamnées à être essayées encore et encore.

Les DRM en font partie.

Je me suis réjouis de voir, il y a peu, que les clés de chiffrement pour *tous* les disques HD émis jusqu’à aujourd’hui avaient été découvertes et publiées. J’ai espoir que cela aboutira au dévoilement des schémas de protection de contenu des Blu-Ray et HD-DVD avant que ces lecteurs n’aient atteint 1% de leur marché potentiel. C’est en effet une bonne nouvelle puisqu’elle pourrait amener les gens qui implantent de telles protections à reconsidérer leur position.

On est déjà passé par là. Le système de chiffrement DVD-CSS a été cracké très rapidement, avec style et légalement. Les ayant-doits, Hollywood Inc, étaient scandalisés et ont poursuivi toute personne faisant simplement référence au logiciel libre qui pouvait accomplir ce décryptage simple. Ils ont utilisé le DMCA pour renforcer les lois sur le droit d’auteur bien au delà de son but originel. Ils se sont comportés comme un cerf pris dans les phares, aveuglés par la vision apocalyptique d’un monde où leur contenu circule rapidement et efficacement, sans pouvoir entrevoir une issue sûre alors que les phares se rapprochent. Leur marché changeait, ouvrant de nouvelles possibilités et de nouvelles menaces, et ils voulaient ralentir le rythme de ce changement.

Les ayant-droits pensent que les DRM peuvent ralentir l’évolution naturelle du marché.

En ce qui concerne les films, une des raisons principales de l’adoption des DRM a été le refus de l’industrie de sortir de l’ère de l’anologique. Les films sont en général envoyés aux salles de cinémas sous forme de films en celluloïd, de grosses bobines de celluloïd. L’impression et la distribution de ces films aux cinémas qui vont les montrer coûtent très cher. La stratégie de sortie de la plupart des films était donc définie par les contraintes du monde réel. Les studios imprimaient donc un certain nombre de pellicules et les envoyaient aux cinémas dans quelques pays. Quand la diffusion est achevée ici alors ces films sont envoyés dans de nouveaux pays. C’est la raison pour laquelle les films sortent en général à des dates différentes dans différents pays. C’est purement et simplement dû à des contraintes physiques liées à l’organisation des déplacements de morceaux de celluloïd et cela n’a plus sa place dans notre ère de distribution numérique, instantanée, mondiale.

Evidemment, quand les DVD sont apparus, les ayant-droits ne voulaient pas que les gens achètent le DVD aux USA et se le fassent envoyer en Australie avant même que le film ne passe dans les cinémas là-bas. D’où la lésion cérébrale que nous appelons zonage, les ayant-droits ont implanté la protection CSS afin que le DVD ne soit pas seulement chiffré mais aussi pour qu’il contienne un marqueur de zone qui est censé l’empêcher d’être lu ailleurs que sur le marché pour lequel il a été prévu. Si vous vivez en dehors des USA et que vous avez déjà essayé de lire un por^Wo petit documentaire des USA vous saurez de quoi je parle en disant lésion cérébrale : vous ne pouvez pas le lire en dehors des USA et la demande dans votre zone n’est pas suffisante pour justifier une version spécifique à votre région, alors tant pis pour vous.

La vérité est que la survie sur un marché dépend de votre capacité à vous adapter aux possibilités. L’industrie cinématographique doit faire de gros efforts pour adopter une distribution numérique mondiale, cela leur permettra d’organiser des sorties mondiales le même jour (modulo la traduction), de la même manière que vous et moi pouvont tout voir sur Youtube le jour où c’est mis en ligne.

La vérité est aussi que, alors que l’horizon change, la viabilité des modèles économiques se fait et se défait. Ceux-là même qui tentent d’imposer les lois de l’analogique à du contenu numérique vont se retrouver du mauvais côté du raz-de-marée. Tant pis pour vous. Il est nécessaire d’innover (encore, parfois!) et rester à la pointe, peut-être même d’être disposé à cannibaliser vos propres marchés, bien que pour être honnête cannibaliser ceux des autres est bien plus attirant.

Voici quelques vérités :

  • Tous les DRM ayant une clé de chiffrement hors-ligne seront crackés. Peu importe si cette clé est conservée pour la plus grande partie sur du matériel protégé, car tôt ou tard l’un des maillons sera brisé. Et si vous voulez que vos produits soient visibles sur la plupart des PC il vous faudra des logiciels de lecture. Ils sont encore plus facilement crackables. Donc, même si vous essayez de protéger chaque connexion analogique (mon idée préférée est de faire pression pour chiffrer la liaison entre le matériel hifi et les hauts-parleurs!) quelqu’un, quelque part aura accès à votre contenu brut. Le seul effet que cela aura est l’augmentation du prix du matériel. Je me demande quel est le coût de tout le chiffrement associé au HD-DVD/Blu Ray, quand vous prenez en compte la complexité, le design et le coût séparé de l’IP, du matériel et du logiciel pour chaque appareil HD qui existe.
  • L’alternative au stockage hors-ligne de la clé est l’accès uniquement en flux continu et ce n’est pas non plus protégeable. Le système de flux classique, la diffusion par voie hertzienne, a été hacké quand les magnétoscopes sont apparus et c’était vu comme une utilisation normale. Aujourd’hui l’une des radios numériques diffusée par satellite (Sirius ou XM je crois) est accusée par les ayant-droits pour leur soutien à des appareils qui permettent d’enregistrer leur signal de qualité CD sur des lecteurs MP3. Les services de streaming par le web qui ne permettent pas l’enregistrement local du contenu sont une forme inutile de protection, facilement et régulièrement contournés. Et évidemment, tout le monde ne souhaite pas forcément être connecté pour avoir accès à vos programmes.
  • Un crack suffit. Pour n’importe quel fichier numérique, il suffit d’une copie non protégée et vous pouvez être sûr que tous ceux qui le veulent l’auront. Que ce soit un logiciel sur un site de warez ou un MP3 sur un service de téléchargement en Russie ou un réseau de partage de fichiers, vous ne pouvez pas colmater toutes les brèches. Reconnaissez-le, soit les gens veulent vous payer pour vos fichiers soit ils ne veulent pas et la meilleure stratégie que vous puissiez adopter est de rendre les choses aussi simple que possible pour ceux qui veulent rester en accord avec la loi. Cela ne se traduit pas par des poursuites contre des grands-mères ou des enfants, cela se traduit par un accès pratique au contenu qui permet à chacun de faire ce qui est juste, facilement.
  • Quelqu’un trouvera un modèle économique qui ne dépendra pas de l’ancienne conception et si ça n’est pas vous alors ils vous mangeront tout cru. Vous allez sûrement leur intenter une action en justice, mais ça ne sera qu’une manœuvre défensive tandis que l’industrie subira une réforme autour de ce modèle économique, sans vous. Et quand je parle d’industrie je ne parle pas de vos adversaires, ils se trouveront sans doute dans la même impasse, mais de vos fournisseurs et de vos clients. Ce sont les distributeurs de contenu qui courent un risque ici, pas les créateurs ou les consommateurs.

La peur de l’industrie musicale de Napster les a poussé dans le cul-de-sac des DRM. Microsoft, Apple, Sony et d’autres compagnies encore ont développé des systèmes de DRM et les ont présentés à l’industrie musicale comme l’approche "saine" de la distribution de musique en ligne. C’était un bel argument : "Tous les avantages de la distribution en ligne avec tous les avantages économiques des vinyles", en résumé.

Parmi les prétendants, Sony a clairement été écarté parce qu’ils font partie des ayant-droits et il était hors de question que le reste de l’industrie paye une taxe technologique à l’un de leur concurrent (un peu comme le système Symbian de Nokia qui n’a jamais rencontré le succès chez les autres grands groupes comme il était trop lié à Nokia). Microsoft n’entrait pas dans la compétition, parce qu’ils sont évidemment trop puissants et que l’industrie musicale pouvait voir un coup d’état venir à des kilomètres. Mais le mignon petit Apple ne pouvait faire de mal à personne! Alors iTunes et AAC ont été accueillis les bras ouverts et Apple a réussi à s’approprier un quasi-monopole sur la distribution et la lecture de musique numérique légale. Apple a magnifiquement joué le jeu et a su profiter pleinement de la peur de l’industrie musicale.

L’appel récent de Steve Jobs, à l’intention de l’industrie musicale pour abandonner les DRM, a apporté une douce touche d’ironie, donnant à Apple l’avantage moral. Très très bien joué en effet !

Il y a quelques années j’étais à Davos, au Forum Economique Mondial. Ça devait être en 2002 ou 2003, quelques années après que la bulle Internet ait éclatée. C’était le tout début de l’iPaq, chacun à la conférence s’en était vu prêter un. Je me souviens très bien assister à une session qui était plus ou moins un confessionnal pour dirigeants, une sorte de fête de l’absolution par reconnaissance de stupidité. Les uns après les autres, des grands noms se sont succédés pour raconter des histoires d’épouvantes à propos de comment ils ont laissé les internés diriger l’asile et autorisé des jeunes, de vingt ans et quelques, à leur dire comment dépenser le capital de leurs actionnaires sur des projets .com. J’ai vraiment trouvé ça intéressant puisque j’ai passé toute la période .com à dire aux grandes entreprises de ne PAS sur-investir et se concentrer sur leurs relations avec leurs clients et partenaires de l’époque en utilisant le net, pas de conquérir le monde du jour au lendemain.

Mais le meilleur vint à la toute fin, quand le chef de Sony USA, également en charge de la division musicale, Sir Stringer, s’est présenté pour soulager sa conscience. Il pavoisait avec éloquence sur comment Sony n’avait PAS investi dans les .com et donc sur comment on se sentait en étant la seule personne dans la salle qui ne s’était pas fait avoir par des enfants. C’était un discours très amusant, très fin qui lui a valu des applaudissements et des rires. J’étais là à me demander s’il avait la moindre idée de combien de chansons pouvaient tenir dans l’iPaq dans sa poche ou combien de temps ça prendrait de les télécharger. Je ne pense pas. De tous les directeurs qui ont parlé ce jour là, j’ai pensé que ce serait probablement lui qui sera fortement touché, et rapidement, par la locomotive numérique.

Sir Stringer est maintenant Chef de la direction de Sony monde. Il est amusant alors que la PS3 de Sony ait dû être retardée pour terminer le travail sur son système de DRM.

C’est sûr maintenant, certaines mauvaises idées sont trop attirantes pour mourir.

Notes

[1] Merci à Daria, Olivier et Yostral de Framalang pour cette traduction.

[2] L’illustration est une photographie de semaphore_ issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Donner de la confiture aux cochons

Joshua Bell - Washington DC Métro - Janvier 2007

Relevé sur linuxfr par patrick_g.

Ce long et passionnant article du Washington Post vaut vraiment la lecture.

Il relate une expérience originale qui a été organisé en janvier dernier à Washington.

Prenez un violoniste extrêmement célèbre et acclamé dans le monde entier (Joshua Bell), ajoutez un violon d’une qualité incomparable et d’une valeur de plus de trois millions de dollars (le stradivarius Gibson ex Hubermann) et jouez les pièces les plus sublimes du répertoire (la Chaconne de Bach et l’Ave Maria de Schubert)…tout ceci de façon parfaitement anonyme dans le métro de Washington à l’heure de pointe !

Est-ce que les gens qui passent devant le type en jean, tee-shirt et casquette de baseball qui joue du violon devant le mur de la station de métro, près de la poubelle, vont se rendre compte qu’il y a quelque chose de vraiment inhabituel ? Est-ce qu’ils vont stopper net et ressentir l’incomparable beauté de cette musique ?

Sur les 1104 personnes qui vont passer en 45 minutes devant Joshua Bell, combien vont s’arrêter ou même simplement donner de l’argent ? Combien vont passer devant lui, à moins d’un mètre, sans même tourner la tête ?

Vous trouverez la réponse dans l’article ainsi qu’une interview des passants quand on leur a révélé l’expérience.

L’article cite un fragment de poème de W. H. Davies qui résume bien le sentiment qui se dégage à la fin de la lecture :

Quelle est cette vie si, voué au souci,
Nous manque le temps de faire halte et contempler.

What is this life if, full of care,
We have no time to stand and stare.




Licence Art Libre 1.3 – Entretien avec Antoine Moreau

« L’approche de Copyleft Attitude avec la Licence Art Libre est de ne pas donner le choix entre plusieurs licences. Nous avons décidé, dès le départ, de faire le choix du Libre, plutôt que d’avoir le libre choix.»[1]

Expo des LogoLefts - Licence Art Libre

Viva la un point trois !

Plus de trois ans après la 1.2, sortie officielle hier de la nouvelle version de notre licence copyleft préférée : la licence Art Libre millésime 1.3 (lien vers l’ancienne version pour comparaison).[2].

Nous avons voulu en savoir plus sur la génèse collective de cette nouvelle mouture en posant quelques questions à son pygmalion Antoine Moreau[3].

Outre Antoine Moreau, ont participé à sa rédaction Isabelle Vodjdani, Mélanie Clément-Fontaine et tous les membres de la liste de diffusion copyleft_attitude, particulièrement Antoine Pitrou, Benjamin Jean, Jean-Pierre Depétris et Esteban Hache.

Souhaitons donc nous aussi un bel avenir et épanouissement à la licence Art Libre (ou LAL pour les intimes)[4], quitte à la voir disparaître un jour en beauté parce qu’on aura plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres.

Entretien avec Antoine Moreau

Quels sont les changements majeurs par rapport aux version précédentes ?

Cela a été un vrai bon travail de groupe. Les complémentarités du noyau dur de Copyleft Attitude ont pu faire une LAL équilibrée et plus précise. La version 1.3 apporte les améliorations suivantes :

  • une rédaction plus sobre.
  • une terminologie plus explicite.
  • des précisions concernant les droits voisins.
  • des précisions concernant les responsabilités des auteurs.
  • des précisions concernant l’incorporation de l’oeuvre
  • les critères de compatibilités avec les autres licences libres.
  • une dimension internationale et une capacité d’interopérabilité.

Quels ont été les principaux points d’achoppements qui ont nécessité débats voire compromis ?

La rédaction du préambule a été difficile. Il y a eu discussions pour conserver ou non certaines tournures de phrases. Un compromis a été trouvé. Le préambule est moins imagé, moins poétique, moins politique, il est plus sobre.

Quid désormais de la compatibilité avec les autres licences "copyleft" comme la Creative Commons BY-SA ou la GNU GPL/FDL ?

Nous avons établi clairement et précisément les critères de compatibilité. Mais il faut que l’intention soit réciproque de la part des autres licences libres.

La compatibilité entre licences libres n’est le fait pas du seul domaine juridique, c’est une question "politique" entre parties (entre la LAL et la CC by-sa ; entre la LAL et la GNU GPL ou FDL). Nous avons déjà fait une démarche avec CC france dans ce sens et allons poursuivre pour réussir la possibilité d’une réelle compatibilité. Il fallait poser les conditions, la LAL 1.3 le dit maintenant très clairement.

Pourrais-tu préciser en quoi cette double clause "Les auteurs des originaux pourront, s’ils le souhaitent, vous autoriser à diffuser et/ou modifier l’original dans les mêmes conditions que les copies." se distingue des usages liés aux logiciels libres ?

C’est pour les créations non numériques. L’original pourra être diffusé/modifié alors qu’il ne peut être dupliqué à l’infini. C’est aussi une précaution par rapport au droit moral.

Par rapport à d’autres licences similaires on trouve un préambule et un mode d’emploi. Pourrais-tu nous expliquer le pourquoi et l’intention de leur présence ?

Dès le départ nous avons décidé d’écrire un préambule et un mode d’emploi dans la LAL. Le préambule est utile car il explicite les intentions philosophiques et culturelles de la LAL. Le mode d’emploi est utile aussi car il dit comment, pourquoi et quand utiliser la LAL. Notre souci a toujours été de rédiger une licence simple à lire et à comprendre et claire dans ses intentions et dans sa pratique.

Comment vois-tu l’avenir de la LAL ?

Je pense que l’avenir de la LAL c’est de disparaître en beauté. C’est à dire qu’on ait plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres. Cela implique un changement du CPI et il se pourrait bien que la LAL (mais toutes licences libres qui ont déjà fait leurs preuves) influe dans ce sens.

En attendant, la LAL a de l’avenir, elle est devenue une licence de référence pour les contenus libres copyleft. La Free Sofware Foundation la recommande et de plus en plus d’oeuvres (et pas seulement d’auteurs français) sont sous LAL.

Annexe : Comparaison des préambules

Préambule de la nouvelle version 1.3

Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège. Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression.

Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux oeuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise. L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des oeuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun.

Avec le développement du numérique, l’invention d’internet et des logiciels libres, les modalités de création ont évolué : les productions de l’esprit s’offrent naturellement à la circulation, à l’échange et aux transformations. Elles se prêtent favorablement à la réalisation d’oeuvres communes que chacun peut augmenter pour l’avantage de tous.

C’est la raison essentielle de la Licence Art Libre : promouvoir et protéger ces productions de l’esprit selon les principes du copyleft : liberté d’usage, de copie, de diffusion, de transformation et interdiction d’appropriation exclusive.

Préambule de l’ancienne version 1.2

Avec cette Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer les droits de l’auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des oeuvres d’art.
Alors que l’usage fait du droit de la propriété littéraire et artistique conduit à restreindre l’accès du public à l’oeuvre, la Licence Art Libre a pour but de le favoriser.
L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. Dans le respect des auteurs avec la reconnaissance et la défense de leur droit moral.

En effet, avec la venue du numérique, l’invention de l’internet et des logiciels libres, un nouveau mode de création et de production est apparu. Il est aussi l’amplification de ce qui a été expérimenté par nombre d’artistes contemporains.

Le savoir et la création sont des ressources qui doivent demeurer libres pour être encore véritablement du savoir et de la création. C’est à dire rester une recherche fondamentale qui ne soit pas directement liée à une application concrète. Créer c’est découvrir l’inconnu, c’est inventer le réel avant tout souci de réalisme.
Ainsi, l’objet de l’art n’est pas confondu avec l’objet d’art fini et défini comme tel.
C’est la raison essentielle de cette Licence Art Libre : promouvoir et protéger des pratiques artistiques libérées des seules règles de l’économie de marché.

Notes

[1] Citation d’Antoine Moreau extraite d’une intervention le 28 juillet 2005 sur la liste de diffusion Creative Commons France.

[2] L’illustration, sous licence Art Libre of course, est un détail miniaturisé de la page Expo des LogoLefts du site artlibre.org.

[3] D’Antoine Moreau, on pourra lire ou relire les deux articles publiés sur la Tribune Libre de Framasoft : Qu’est-ce que l’art libre ? et La création artistique ne vaut rien.

[4] Ce serait du reste vraiment une bonne idée que, tel Jamendo pour exemple, de sites appréciés comme Flickr (photo) ou Blip.tv (vidéo) proposent à leurs utilisateurs la licence Art Libre en plus des Creative Commons.




« La connaissance libre nécessite le logiciel libre » J. Wales (Wikipédia)

J’ai récemment publié sur ce blog un billet, un peu provocateur, sur la relation entre Wikipédia et le logiciel libre : Wikipédia peut-elle rester neutre lorsque l’on touche au logiciel libre ?. Ce que je tentais (péremptoirement ?) de dire c’est que le logiciel libre sera toujours un champ un peu spécial dans l’encyclopédie de part la filiation étroite qu’il existe entre les deux projets, mouvements et communautés. Et de me permettre d’ajouter que cela me convenait fort bien 😉

Dans la liste de mon argumentaire en faveur d’une accointance entre l’encyclopédie et le logiciel libre, on trouvait cette célèbre citation de Jimbo Wales, fondateur de Wikipédia : « Imaginez un monde dans lequel chacun puisse avoir partout sur la planète libre accès à la somme de toutes les connaissances humaines. C’est ce que nous faisons. ».

J’ai voulu aller encore un peu plus loin ici en demandant à notre groupe de travail Framalang de traduire un article du même Jimbo Wales paru sur son blog en octobre 2004 Free Knowledge requires Free Software and Free File Formats qu’il me sembait intéressant d’apporter à un débat qui pour moi n’est pas (encore) clos.

Mais avant cela je voulais témoigner (une nouvelle fois) de mon admiration pour Wikipédia puisqu’il n’aura fallu que quelques jours à l’encyclopédie pour lever la controverse de neutralité sur la page Linux – 9 avril 2007 (Linux aujourd’hui) qui avait servie de pretexte à mon billet.

Cette controverse portait principalement sur un passage ambigu avec usage a priori non factuel des mots maturité et succès :

Wikipédia - Screenshot - Linux - NPOV

Le passage en question a été à ce jour ainsi modifié (9 avril 2007) :

Wikipédia - Linux - 07/04/07 - screenshot 1

Elle portait également sur l’absence de section Critiques sur la page Linux en comparaison notamment avec la page Windows Vista qui elle en avait une (et plutôt deux fois qu’une !). Cette absence n’est plus puisqu’elle est apparue (9 avril 2007) dans l’intervalle en trois paragraphes : Support matériel, Gestion numérique des droits et Sécurité.

Cet épisode est selon moi tout à fait révélateur de l’excellente réactivité et capacité de Wikipédia à résoudre ses problèmes. Après échanges et communication, parfois assez vifs, sur la page de discussion de l’article Linux (exemple 1 : Pourquoi absence d’une section Critiques et exemple 2 : Comment rédiger cette section Critiques), on se retrouve avec le compromis actuel qui n’est certes pas la panacée mais qui est selon moi effectivement bien meilleur que la situation précédente.

On notera que la concertation ne s’est pas arrêtée là. Elle s’est poursuivie sur une page dédiée à la controverse de neutralité de l’article Linux mais surtout mon humble billet a suscité un fort intéressant sondage spontané au sein de la communauté Wikipédia : Neutralité de Wikipédia et logiciels libres.

Au passage, cet épisode est également révélateur pour moi de la difficulté de parler d’un article de Wikipédia à l’instant t de l’auteur qui dans la plupart des cas ne correspond plus à l’instant t+1 du lecteur (d’où la présence des dates et du recours aux historiques des articles pour figer leur contenu).

Toujours est-il qu’en une semaine (à partir de la date d’emission de mon billet le 1er avril), on relève, sur l’historique de la page Linux, 84 modifications réalisées par 17 contributeurs !

C’est aussi et surtout ça Wikipédia. Et le professeur que je suis demeure pédagogiquement impressionné par le produit de cette mise en relation surtout pour un article tel que Linux où le consensus est une douce chimère.

Le simple spectateur de l’encyclopédie qui visite l’article vitrine Linux ne se rend pas forcément compte de toute l’effervescence collective qu’il y a eu dans les coulisses pour aboutir au résultat qui s’offre à lui à l’instant t. Qu’il ait alors l’envie ou la curiosité de cliquer sur "modifier" et il est susceptible de basculer dans une toute autre dimension, un peu comme Alice et son miroir.

Sinon pour en revenir au sondage, il est en cours de vote et je m’en garderai bien d’en tirer la moindre conclusion si ce n’est pour relever que je ne suis pas le seul à m’interroger sur la relation ténue et privilégiée qui existe entre Wikipédia et le logiciel libre. À commencer par son influent et charismatique fondateur Jimbo Wales qui écrivait il y a un peu plus de deux ans sur son blog un billet au titre évocateur Free Knowledge requires Free Software and Free File Formats dont nous vous proposons la traduction ci-dessous (merci Penguin).

Parce que si la connaissance libre nécessite conceptuellement le logiciel libre (et des formats ouverts) alors tout ce qui le favorise n’est-il pas à encourager et ce qui le freine à décourager ?

Wikipédia - Wales's blog - screenshot

La connaissance libre nécessite le logiciel libre et les formats ouverts

Jimmy Wales – Octobre 2004

Des gens me demandent parfois pourquoi je suis si résolu à ce que Wikipedia utilise toujours des logiciels libres, même si dans certains cas un logiciel propriétaire pourrait être plus commode ou mieux adapté à un besoin particulier.

L’argumentation est la suivante : après tout, notre mission première est de produire de la connaissance libre, pas de promouvoir le logiciel libre, et bien que l’on puisse préférer les logiciels libres pour des raisons pratiques (puisqu’ils sont en général les meilleurs dans le domaine du web), nous ne devons pas faire une fixation là-dessus.

Je pense que cette argumentation est totalement erronée, et pas simplement pour des raisons pratiques, mais par principe. La connaissance libre nécessite le logiciel libre. C’est une erreur conceptuelle que de penser notre mission comme étant distincte de cela.

Qu’est-ce que la libre connaissance ? Qu’est-ce qu’une encyclopédie libre ? Son essence peut être immédiatement saisie par toute personne qui comprend le logiciel libre . Une encyclopédie libre, ou n’importe quelle connaissance libre, peut être lue librement, sans devoir obtenir la permission de personne. La connaissance libre peut être librement partagée avec d’autres. La connaissance libre peut être adaptée à vos propres besoins. Et vos versions modifiées peuvent être partagées librement avec d’autres.

Nous produisons un site web d’un volume très important, rempli d’une variété incroyable de connaissance. Si nous produisions ce site en utilisant un logiciel propriétaire, nous créerions des obstacles potentiellement insurmontables pour ceux qui voudraient prendre notre connaissance et faire la même chose que nous. Si vous devez demander l’autorisation d’un vendeur de logiciel propriétaire afin de créer votre propre copie de nos travaux, alors vous n’êtes pas totalement libres.

En ce qui concerne les formats propiétaires des fichiers, la situation est encore pire. Il est possible d’argumenter, même si ce serait à mon avis peu convaincant, que tant qu’il est possible d’ouvrir assez facilement le contenu Wikimedia dans un logiciel libre existant, alors une utilisation interne d’un logiciel propriétaire n’est pas si mauvaise. Pour les formats propriétaires, même cette séduisante erreur ne peut pas être acceptée. Si nous proposons des informations dans un format propriétaire ou avec la gêne d’un brevet, alors nous ne violons pas seulement notre propre engagement en faveur de la liberté, mais nous forçons ceux qui veulent utiliser notre connaissance prétendument libre à utiliser eux-mêmes des logiciels propriétaires.

Finalement, nous ne devrions jamais oublier en tant que communauté, que nous sommes l’avant-garde d’une révolution de la connaissance qui va transformer le monde. Nous sommes les pionniers et les guides de ce qui devient un mouvement mondial pour libérer la connaissance des contraintes propriétaires. Dans 100 ans, l’idée d’un manuel ou d’une encyclopédie propriétaire sera aussi bizarre et lointaine pour les gens qu’est pour nous l’utilisation de sangsues en médecine.

Grâce à notre travail, chaque personne sur la planète aura un accés aisé et à bas prix, à une connaissance libre qui leur donnera le pouvoir de faire ce qu’ils veulent. Et mon point de vue est qu’il ne s’agit pas d’un fantasme injustifié, mais bien de quelque chose que nous sommes déjà en train d’accomplir. Nous sommes devenus, en taille, l’un des plus grand site du monde, en utilisant un modèle d’amour et de coopération qui est encore presque totalement inconnu du plus grand nombre. Mais nous commençons à être connu, et nous serons connu, à la fois pour nos principes et nos réussites – car ce sont ces principes qui rendent ces réussites possibles.

Dans ce but, ce sera un élément important de fierté pour nous que la fondation Wikimedia ait toujours utilisée des logiciels libres sur tous les ordinateurs que nous possédons, et que nous mobilisions toutes nos forces pour garantir que notre connaissance libre _soit_ réellement libre, en n’obligeant pas les gens à utiliser des logiciels propriétaires pour la lire, la modifier et la redistribuer commme il leur convient.