Geektionnerd : Hadopi Labs-olument navrant

Côté pile (officiel) : « La place de la création sur l’internet est au cœur des missions de la Haute Autorité. L’impact du numérique sur la société en général, la création en particulier, est protéiforme. Les mouvements à comprendre sont multiples, les sources d’information de plus en plus nombreuses. L’enjeu pour la Haute Autorité est de savoir engager un travail durable de recherche capable de s’inspirer des sources existantes et des mouvements émergents, tout comme de contribuer à les enrichir. C’est l’objectif assigné aux Labs Hadopi, ateliers de recherche confiés à des experts indépendants nommés par le Collège de l’Hadopi. »

Côté face, toute la blogosphère qui crie à l’unissons à la mascarade d’indépendance : Les citoyens, alibi des « labs » Hadopi (La Quadrature du Net), Hadopi: Labs Sans (Owni), Lab-mentable Hadopi (Korben) ou encore L’UFC-Que Choisir tacle les labs voulus par la Haute Autorité (Numerama).

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Tu ne partageras pas ta carte marine, nous raconte La Pérouse en 1787

Norman B. Leventhal Map Center at the BPL - CC byQuand on n’y connaît rien en informatique, il est difficile de s’émouvoir du discours passionné d’un utilisateur de logiciels libres détaillant avec emphase les quatre libertés garanties par leur licence.

Le libriste pédagogue aura donc souvent recours à des analogies pour éclairer son auditoire, la plus courue étant sûrement celle de la recette de cuisine. Dans ce billet nous nous proposons d’y ajouter l’exemple, ou plutôt le contre-exemple, des cartes marines[1].

Plongeons-nous, c’est le cas de le dire, plusieurs siècles en arrière pour retrouver un observateur sceptique face aux règles mises en place par les grandes compagnies maritimes de l’époque pour protéger la connaissance et en tirer profit face à la concurrence.

En effet, j’ai lu récemment et avec beaucoup de plaisir le « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole » du grand navigateur Jean-François de La Pérouse qui mena une campagne d’exploration scientifique du Pacifique de 1785 à 1789.

Ce récit est empreint d’humanisme, d’intelligence et de générosité. Le voyage s’est déroulé sur un bateau en bois et à voiles, du temps où ordinateur, GPS et autres balise Argos n’existaient évidemment pas. Mais, d’un certain point de vue, ces marins avaient un savoir et un savoir-faire supérieurs aux nôtres car ils ne pouvaient avoir recours à ces outils en cas de problèmes.

Dans son journal, La Pérouse note que les capitaines hollandais partant de Batavia vers le Japon devaient prêter serment, à leur compagnie, de ne pas divulguer leurs cartes marines. Ces cartes qui compilaient l’ensemble des informations collectées par les voyageurs précédents, dans ces terres inconnues où le moindre récif pouvait amener le naufrage.

La Pérouse - Gallica - Domaine Public

Extrait du livre issu de Gallica, le service numérique en libre accès de la Bibliothèque Nationale de France.

Pour les compagnies, l’enjeu était de taille : elles vivaient du commerce des produits du Japon. Elles cherchaient à avoir une position exclusive, pour s’assurer des bénéfices maxima. Afin d’empêcher la concurrence, elles privaient les autres marins de leurs avancées cartographiques, et elles interdisaient d’éventuels rivaux par des contrats bilatéraux avec les dirigeants locaux.

Le serment des capitaines n’était pas sans conséquence. Un officier de marine convaincu d’avoir permis la consultation de ses cartes à un tiers aurait été dégradé, privé de commandement, banni de son pays.

Mais une autre conséquence c’est que chaque compagnie devait créer ses propres cartes et malheur à celle qui envoyait ses bateaux dans des zones non encore renseignées chez elle.

Le logiciel libre est issu de l’informatique mais aussi de tous ceux qui, avant lui, se sont battus pour la non appropriation des biens communs.

Notes

[1] Crédit photo : Norman B Leventhal Map center at the BPL (Creative Commons By)




Wikipédia ou quand prendre soin peut faire des miracles

Alice Popkorn - CC by-saComme tout miracle il était imprévu, mais en l’occurrence il a bien eu lieu.

C’est que nous rappelle ici Clay Shirky, considéré comme l’une des têtes pensantes du Web.

Parce que « si on pose un regard traditionnel sur le fonctionnement du monde, Wikipédia ne devrait même pas exister ».

Et pourtant cette encyclopédie tourne. Et elle tourne parce que suffisamment de gens se sentent concernés et veulent en prendre soin. C’est le double et joli sens du verbe « to care » (plus proche ici de Bernard Stiegler que de Martine Aubry !).

« Imaginez un mur sur lequel il serait plus facile d’effacer des graffitis que d’en rajouter. La quantité de graffitis dépendrait alors du degré de motivation de ses défenseurs. Il en va de même pour Wikipédia : Si tous ses fervents participants ne se sentaient plus concernés, tout le projet s’écroulerait en moins d’une semaine, envahie par les vandales et autres spammers. Si vous pouvez continuer à voir Wikipédia en ce moment même, cela veut dire qu’une fois de plus le bien a triomphé du mal. »[1]

Cet article vient clore en beauté notre petite série d’articles consacrés à Wikipédia à l’occasion de la célébration de son dixième anniversaire.

Wikipédia – un miracle imprévu

Wikipedia – an unplanned miracle

Clay Shirky – 14 janvier 2011 – The Guardian
(Traduction Framalang : DaphneK)

Depuis sa naissance il y a tout juste dix ans, Wikipédia s’améliore de jour en jour. C’est pourtant incroyable qu’il puisse même exister.

Wikipédia est l’outil de référence le plus utilisé au monde. Cette affirmation est à la fois ordinaire et stupéfiante : c’est le simple reflet du nombre considérable de ses lecteurs et pourtant, si on pose un regard traditionnel sur le fonctionnement du monde, Wikipédia ne devrait même pas exister. Et encore moins avoir atteint un succès aussi spectaculaire en à peine une dizaine d’années.

Grâce à l’effort cumulé des millions de contributeurs de Wikipédia, il suffit d’un clic pour savoir ce qu’est un infarctus du myocarde, connaître les causes de la guerre de la Bande d’Agacher, ou encore découvrir qui était Spangles Muldoon.

Il s’agit d’un miracle imprévu, comme lorsque « le marché » décide de la quantité de pain disponible en magasin. Wikipédia est cependant encore plus bizarre que le marché : Non seulement tout le contenu est rédigé gratuitement, mais il est aussi disponible gratuitement. Même les serveurs et systèmes d’administration sont financés par des dons. On aurait pourtant eu du mal à imaginer un tel miracle à ses débuts. C’est pourquoi, à l’occasion du dixième anniversaire du site, cela vaut la peine de revenir sur l’invraisemblable histoire de sa genèse.

Il y a dix ans jour pour jour, Jimmy Wales et Larry Sanger s’efforçaient en vain de créer Nupedia, une encyclopédie en ligne dotée d’un système de publication en sept étapes. Malheureusement, cela représentait aussi sept endroits où les choses pouvaient s’immobiliser. Et après presque un an de travail, pratiquement aucun article n’avait encore été publié.

Alors il y a dix ans et un jour, Wales et Sanger décidèrent d’opter pour un wiki, afin de raccourcir une partie du processus. Sanger a alors envoyé un mail aux collaborateurs de Nupedia en les informant de cette nouveauté : « Faites-moi plaisir. Allez-y et ajoutez un petit article. Cela prendra cinq ou dix minutes, grand maximum. »

Le « Faites-moi plaisir » était nécessaire car le wiki est le média social par excellence. Inventé au milieu des années 90 par Ward Cunningham, le wiki n’a qu’une fonction primordiale : produire immédiatement du contenu. Pas besoin de permission pour ajouter, modifier ou supprimer du texte, et une fois le travail terminé, pas besoin de permission non plus pour le publier.

Mais ce qui est plus intéressant, c’est qu’au centre du wiki se trouve une seule action sociale qui pourrait se résumer à : je me sens concerné (NdT : I care, que l’on aurait aussi pu traduire par « J’en prends soin »). Les gens qui rédigent des pages sont ceux qui se sentent assez concernés pour les rédiger. Confier le travail à ces gens plutôt qu’aux sacro-saints experts était quelque chose de tellement audacieux, que Wales et Sanger décidèrent de ne pas remplacer Nupedia par le wiki, ce dernier n’étant là que comme une sorte de brouillon pour Nupedia.

Les participants, cependant, ne l’entendaient pas ainsi. La possibilité de créer un article en cinq minutes et d’en améliorer un autre encore plus rapidement devint une pratique si communicative qu’en quelques jours à peine, il y eut plus d’articles sur le wiki nouveau-né que sur Nupedia. Le wiki fut tellement performant et si différent de Nupedia qu’il migra vite sur un site à part entière. Wikipédia était né (quelques mois plus tard, Nupedia ferma définitivement et Sanger abandonna le projet).

C’est ce processus qui se poursuit aujourd’hui, transformant Wikipédia en un miracle ordinaire pour plus de 250 millions de personnes par mois. Chaque jour de ces dix dernières années, Wikipédia s’est amélioré car quelqu’un – plusieurs millions de quelqu’un en tout – a décidé de l’améliorer.

Parfois il s’agit de commencer un nouvel article. La plus souvent il faut juste retoucher un texte déjà rédigé. Parfois il faut défendre Wikipédia contre le vandalisme. Mais il faut toujours se sentir concerné. La plupart des participants se sentent un peu concernés, ne rédigeant qu’un article. Une poignée se sent toutefois très concernée, produisant des centaines de milliers de lignes à travers des milliers d’articles au fil des années. Le plus important c’est que dans l’ensemble, nous avons tous produit assez pour faire de Wikipédia ce qu’il est aujourd’hui. Ce qui nous apparaît comme quelque chose de stable est en fait le résultat d’incessantes tentatives pour préserver ce qui est bon et améliorer ce qui ne l’est pas. Ainsi, Wikipédia ne se définit pas comme un objet, fut-il virtuel, soutenu par une organisation, mais comme une activité qui entraîne une encyclopédie dans son sillage.

Ce glissement de l’objet vers l’activité a entraîné une des plus incroyables expansions de révisions jamais vue : Le rédacteur en chef de Wikipédia est un quorum tournant composé d’individus particulièrement attentifs. Beaucoup de critiques de Wikipédia se sont concentrées sur le fait que le logiciel laisse n’importe qui écrire n’importe quoi. Ce qui leur échappe, c’est que les liens sociaux entre ces éditeurs motivés permet justement de contrôler cette fonctionnalité. Si le logiciel permet facilement de causer des dégâts, il permet tout aussi facilement de les réparer.

Imaginez un mur sur lequel il serait plus facile d’effacer des graffitis que d’en rajouter. La quantité de graffitis dépendrait alors du degré de motivation de ses défenseurs. Il en va de même pour Wikipédia : Si tous ses fervents participants ne se sentaient plus concernés, tout le projet s’écroulerait en moins d’une semaine, envahie par les vandales et autres spammers. Si vous pouvez continuer à voir Wikipédia en ce moment même, cela veut dire qu’une fois de plus le bien a triomphé du mal.

Bien sûr, Wikipédia n’est pas parfait. Beaucoup d’articles médiocres ont besoin d’être améliorés. L’âge, le sexe ou le groupe ethnique des rédacteurs ne sont pas assez variés et les biographies des personnes vivantes sont continuellement truffées d’erreurs. De plus, les protections mises en place contre les vandales et les spammers font bien souvent fuir les novices et épuisent les anciens. Mais Wikipédia n’est pas seulement une activité au niveau des articles. Partant de la production individuelle pour atteindre la culture de tous, Wikipédia est un bien commun créé par le public. C’est donc aux gens qui se sentent concernés d’essayer aussi de résoudre ces problèmes. Tant que cette culture continuera de considérer « soyez audacieux » comme valeur principale, le site demeurera l’un des actes collectifs de générosité les plus importants de l’Histoire.

Souhaitons donc un joyeux anniversaire à Wikipédia, accompagné de chaleureux remerciements aux millions de personnes qui ont ajouté, modifié, discuté, rectifié, ces gens qui ont créé l’outil de référence le plus utilisé au monde. Merci de nous raconter l’histoire des émeutes de Stonewall et comment Pluton a été reléguée au rang de « planète naine », merci de nous parler de la vallée du grand rift et du tsunami de l’Océan Indien, des rascasses volantes, des « Tiger teams » et du « Bear Market ».

Et avec nos meilleurs vœux pour ce dixième anniversaire, souhaitons d’être assez nombreux à nous sentir concernés pour permettre à Wikipédia de souffler ses vingt bougies en parfaite santé.

Notes

[1] Crédit photo : AlicePopkorn (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Sortie de LibreOffice 3.3 – Démarrage en cours…

Ça y est, la version 3.3 de la suite bureautique libre LibreOffice (LibO pour les intimes) vient de voir le jour !

Pour rappel, elle est appelée à remplacer OpenOffice.org dans le cœur et les ordis de la communauté. Quant à savoir si elle va en conserver les qualités mais aussi les défauts, notre ami Gee a momentanément et malicieusement tranché !

PS : Et pour le tutoriel LaTeX, c’est ici 😉

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Tout ça pour ça ? Création Libre dans un Internet Libre de Roberto Di Cosmo

Shiv Shankar Menon Palat - CC by« Le moment est venu de siffler la fin de la recréation: ne vous laissez plus culpabiliser par le discours ambiant qui veut vous faire porter des habits de pirates, alors que vous êtes le public sans qui les artistes ne seraient rien; lisez ce qui suit, téléchargez le Manifesto, emparez-vous de ses idées, partagez-les avec vos amis, vos députés, vos artistes préférés; parlez-en avec vos associations, vos employés, vos employeurs; demandez que la Licence Globale soit rémise à l’ordre du jour, et que l’industrie culturelle arrête une fois pour toutes de s’attaquer à nos libertés de citoyens de l’ère numérique. »

Cette pugnace introduction est signée Roberto Di Cosmo qui vient de mettre en ligne un document d’une cinquantaine de pages au titre prometteur : Manifesto pour une Création Artistique Libre dans un Internet Libre.

Nous en avons recopié ci-dessous le préambule et il va sans dire que nous vous invitons à le lire et à le diffuser, car la question mérite toujours et plus que jamais d’être débattue[1].

Pour rappel Roberto Di Cosmo est chercheur informaticien, membre de l’AFUL et auteur de plusieurs ourages dont Le hold-up planétaire ré-édité chez InLibroVeritas.

Mise à jour : Attention, nous sommes allés un peu vite en besogne, l’auteur nous signale qu’il ne s’agit que d’un version préliminaire publiée pour commentaires, ne pas copier ailleurs pour l’instant.

Tout ça pour ça

URL d’origine du document

Roberto Di Cosmo – 25 janvier 2011
Extrait de Manifesto pour une Création Artistique Libre dans un Internet Libre
Licence Creative Commons By-Nc-Nd

Depuis les vacances de Noël, on ne compte plus les articles dans la presse, écrite et en ligne, qui parlent du téléchargement non autorisé de musique et de la crise du marché du disque. En les lisant, on a comme une sensation de déjà vu : cela fait quand même des années qu’on assiste à la même mise en scène médiatique autour du Marché International du Disque et de l’Edition Musicale qui se tient à Cannes tous les mois de janvier. Cela se termine toujours, sans surprise, sur la même conclusion : il faut sévir contre les méchants internautes adeptes du téléchargement illégal pour revitaliser la création française.

Il faut dire que, pour sévir, ils ont un peu tout essayé.

D’abord les procès individuels au cas par cas, approche vite abandonnée parce-que chère, peu généralisable, et soumise à l’appréciation du juge, pas toujours prêt à faire l’impasse sur notre droit à la copie privée.

Ensuite les DRM (Digital Rights Management), instruments de protections numériques contre la copie, qui ont fait l’objet d’une farouche bataille juridique en 2005, gagnée avec la loi DADVSI par l’industrie du disque, qui les a pourtant abandonnés tout de suite après, face aux déconvenues qu’ils causaient aux consommateurs qui n’arrivaient plus à transférer leur musique entre deux baladeurs différents.

Enfin, depuis peu, voici la riposte graduée et l’HADOPI, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, une entité créée par la loi dite Création et Internet, et dont l’effet le plus visible pour l’instant est le reversement des centaines de milliers de courriers électroniques dans les boites à lettres d’internautes accusés, à tort ou à raison, d’avoir permis que des téléchargements illégaux s’opèrent à travers leur connexion Internet.

L’idée géniale de ce dernier jouet d’une industrie d’intermédiaires qui a toujours du mal à se mettre à Internet, c’est de couper massivement les abonnements Internet qui ont été identifiés comme ayant servi à télécharger de la musique sans autorisation. Pour être efficace, ce dispositif doit couper beaucoup, mais alors, vraiment beaucoup d’abonnements, donc, pas question de passer devant des juges : on émet des avertissements en masse, puis des lettres recommandées, toujours en masse, puis on passe nos connexions aux ciseaux.

Bien évidemment, toujours au nom de l’efficacité, on ne se soucie pas trop de vérifier le bien fondé des accusations de téléchargement illégal, qui sont produites automatiquements et peuvent être erronées, ni d’identifier qui a été à l’origine du téléchargement, qui pourraît être aussi le fait d’un des multiples virus qui infestent la plupart des ordinateurs de nos concitoyens, ou une tierce personne qui s’est branché sur le reseau Wifi de l’abonné.

Cette violation des droits élémentaires des citoyens à l’ère d’Internet, perpetrée dans un pays qui pour beaucoup était le symbole des « droits de l’homme », nous a valu le triste honneur d’être mis dans les même panier que les régimes totalitaires, dans un bel article de Tim Berners Lee, paru sur Scientific American en Novembre 2010[2].

L’argument juridique utilisé pour justifier cet horreur est fort amusant : formellement on ne punit pas l’abonné pour avoir téléchargé, mais pour « défaut de sécurisation de son accès Internet » ; on en est presque à la double peine : l’abonné moyen qui lutte déjà avec les services après vente des fournisseurs d’accès, qui passe pas mal de temps à faire tourner des antivirus chers dans l’espoir de se débarasser de tous les intrus qui se logent dans son ordinateur, et qui n’a aucune idée de ce que ça peut vouloir dire « sécuriser son réseau », va maintenant être puni s’il est victime d’un piratage informatique.

Cette situation hubuesque a déjà créé un joli marché pour des pseudosolutions pour se protéger de l’Hadopi : les internautes vont depenser plusieurs euros par mois soit pour des logiciels qui réduisent les fonctionnalités de leurs ordinateurs dans l’espoir d’empêcher le téléchargement, comme le « logiciel de sécurisation » proposé par Orange à deux euros par mois en Juin 2010, qui ne garantit en rien contre Hadopi, soit en s’abonnant à de sites centralisés de partage de fichiers qui fleurissent sur la toile, et contre lesquels Hadopi est inopérant. Tout cet argent qui sortira des poches des internautes n’apportera le moindre centime ni aux artistes ni à l’industrie culturelle, qui est en train de rééditer ici, mais en pire, l’idiotie des DRM: compliquer la vie du public, en lui faisant perdre de l’argent et du temps, alors qu’une fraction de cet argent perdu, recoltée sous forme de licence globale, suffirait à redonner le sourire à bien d’artistes, sans besoin de s’attaquer à cet accès Internet qui est devenu un besoin fondamental de tous les citoyens.

On parle de dizaines de milliers d’avertissements par jour, qui pour espérer être efficaces, vont devoir produire au moins des milliers de coupures d’Internet par jour, en semant la pagaille dans un grand nombre de foyers qui ont déjà pas mal d’autres problèmes à régler aujourd’hui ; en désorganisant nos fournisseurs d’accès Internet, qui vont perdre du temps d’abord à couper les accès, puis à répondre aux appels des clients furieux au service après-vente ; et en mettant un frein à l’économie Internet qui grandit à une vitesse spectaculaire et dépasse aujourd’hui en France les 25 milliards d’euros.

Tout ça pour espérer redonner du souffle à un marché de gros de la musique qui pèse, selon les chiffres du SNEP présentées à Cannes il y a quelques jours, 554,4 millions d’euros, et qui a commercialisé en 2010 moins de 1000 albums.

Tout ça, on nous explique, pour défendre la création artistique et protéger les artistes, compositeurs et autres créateurs… Ces artistes, compositeurs et créateurs ne touchent pourtant qu’une toute petite fraction de ces 554,4millions d’euros, et gagneraient beaucoup plus si, plutôt que les obliger à recueillir les miettes d’un système dépassé, on nous permettait de les rémunérer directement, ce qu’Internet rend possible, comme nous allons expliquer dans la suite.

Tout ça pour ça ?

Lire la suite en téléchargeant le Manifesto en ligne.

Notes

[1] Crédit photo : Shiv Shankar Menon Palat (Creative Commons By)

[2] Il écrit : « Les gouvernements totalitaires ne sont pas les seuls à violer les droits d’accès au réseau de leurs citoyens. En France, une loi de 2009, nommée Hadopi, a permis à une nouvelle l’agence du même nom de déconnecter un foyer d’Internet pendant un an si quelqu’un dans le foyer a été désigné par une société (privée représentant des ayant droit) comme ayant copié illégalement de la musique ou de la vidéo. »




Quand Wikpédia rime avec le meilleur des USA

Stig Nygaard - CC byNous avons déjà publié des articles sur Wikipédia à l’occasion de son dixième anniversaire, mais aucun qui n’avait cette « saveur si américaine », et c’est justement ce qui nous a intéressé ici.

L’auteur se livre ici à une description pertinente mais classique de l’encyclopédie libre, à ceci près qu’il y fait souvent mention des États-Unis[1].

Si le récent massacre de Tucson symbolise le pire des USA, alors Wikipédia est son meilleur. Et merci au passage à la liberté d’expression toute particulière qui règne dans ce pays.

En lecture rapide, on aurait vite fait de croire que l’encyclopédie est américaine en fait !

Or le contenu du Wikipédia n’appartient à personne puisqu’il appartient à tout le monde grâce aux licences libres attachées à ses ressources. Mais que le créateur, les serveurs (et donc la juridiction qui en découle), le siège et la majorité des membres de cette Fondation, aient tous la même origine n’est ni neutre ni anodin.

On a vu le venin de l’Amérique – Saluons désormais Wikipédia, pionnier made in US du savoir-vivre mondial.

We’ve seen America’s vitriol. Now let’s salute Wikipedia, a US pioneer of global civility

Timothy Garton Ash – 12 janvier 2011 – Guardian.co.uk
(Traduction Framalang : DaphneK)

Malgré tous ses défauts Wikipédia, qui vient de fêter ses dix ans, est le meilleur exemple d’idéalisme à but non-lucratif qu’on puisse trouver sur Internet.

Wikipédia a eu dix ans samedi dernier. C’est le cinquième site Web le plus visité au monde. Environ 400 million de gens l’utilisent chaque mois. Et je pense que les lecteurs de cet article en font certainement partie. Pour vérifier une information, il suffit désormais de la « googliser » puis, la plupart du temps, on choisit le lien vers Wikipedia comme meilleure entrée.

Ce que cette encyclopédie libre et gratuite – qui contient désormais plus de 17 millions d’articles dans plus de 270 langues – a d’extraordinaire, c’est qu’elle est presque entièrement écrite, publiée et auto-régulée par des volontaires bénévoles. Tous les autres sites les plus visités sont des sociétés commerciales générant plusieurs milliards de dollars. Facebook, avec juste 100 millions de visiteurs en plus, est aujourd’hui évalué à 50 milliards de dollars.

Google à Silicon Valley est un énorme complexe fait de bureaux et de bâtiments modernes, comme une capitale surpuissante. On peut certes trouver des pièces de Lego en libre accès dans le foyer, mais il faut signer un pacte de confidentialité avant même de passer la porte du premier bureau. Quant au langage des cadres de Google, il oscille curieusement entre celui d’un secrétaire de l’ONU et celui d’un vendeur de voitures. On peut ainsi facilement passer du respect des Droits de l’Homme au « lancement d’un nouveau produit ».

Wikipédia, par contraste, est géré par une association à but non-lucratif. La Fondation Wikimedia occupe un étage d’un bâtiment de bureau anonyme situé au centre de San Francisco et il faut frapper fort à la porte pour pouvoir entrer. (On parle d’acheter une sonnette pour fêter les dix ans.) A l’intérieur, la fondation ressemble à ce qu’elle est : une modeste ONG internationale.

Si Jimmy Wales, l’architecte principal de Wikipedia, avait choisi de commercialiser l’entreprise, il serait sans doute milliardaire à l’heure actuelle, comme le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg. Selon Wales lui-même, placer le site sous licence libre était à la fois la décision la plus idiote et la plus intelligente qu’il ait jamais prise. Plus que n’importe quel autre site international, Wikipedia fleure encore bon l’idéalisme utopique de ses débuts. Les Wikipédiens, comme ils aiment se définir eux-mêmes sont des hommes et des femmes chargés d’une mission. Cette mission qu’ils endossent fièrement, pourrait se résumer par cette phrase presque Lennonienne (de John, pas Vladimir) prononcée par celui que tout le monde ici appelle Jimmy : « Imaginez un monde dans lequel chacun puisse avoir partout sur la planète libre accès à la somme de toutes les connaissances humaines ».

Insinuer que ce but utopique pouvait être atteint par un réseau d’internautes volontaires – travaillant pour rien, publiant tout et n’importe quoi, sachant que leurs mots sont immédiatement visibles et lisibles par le monde entier – était, bien entendu, une idée totalement folle. Pourtant, cette armée de fous a parcouru un chemin remarquablement long en dix ans à peine.

Wikipédia a toujours de très gros défauts. Ses articles varient généralement d’un sujet ou d’une langue à l’autre en termes de qualité. En outre, beaucoup d’articles sur des personnalités sont inégaux et mal équilibrés. Ce déséquilibre dépend en grande partie du nombre de Wikipédiens qui maîtrisent réellement une langue ou un sujet particulier. Ils peuvent être incroyablement précis sur d’obscurs détails de la culture populaire et étonnement faibles sur des sujets jugés plus importants. Sur les versions les plus anciennes du site, les communautés de rédacteurs volontaires, épaulées par la minuscule équipe de la Fondation, ont fait beaucoup d’efforts afin d’améliorer les critères de fiabilité et de vérifiabilité, insistant particulièrement sur les notes et les liens renvoyant aux sources.

Pour ma part, je pense qu’il faut toujours vérifier plusieurs fois avant de citer une information puisée sur le site. Un article sur Wikipédia paru dans le New Yorker notait à ce propos la fascinante distinction entre une information utile et une information fiable. Dans les années à venir, l’un des plus grands défis de l’encyclopédie sera de réduire l’écart qui pouvant exister entre ces deux notions.

Un autre grand défi sera d’étendre le site au-delà des frontières de l’Occident, où il est né et se sent le plus à l’aise. Un expert affirme qu’environ 80% des textes proviennent du monde de l’OCDE. La fondation vise 680 millions d’utilisateurs en 2015 et espère que cette croissance sera principalement issue de régions comme l’Inde, le Brésil et le Moyen-Orient.

Pour percer le mystère Wikipédia, il ne s’agit pas de pointer ses défauts évidents, mais de comprendre pourquoi le site fonctionne si bien. Les Wikipédiens offrent plusieurs explications : Wikipédia est né assez tôt, alors qu’il n’existait pas encore autant de sites dédiés aux internautes novices, une encyclopédie traite (principalement) de faits vérifiables plutôt que de simples opinions (ce qui est monnaie courante mais aussi un des fléaux de la blogosphère), mais c’est surtout avec sa communauté de rédacteurs-contributeurs que Wikipedia a trouvé la poule aux oeufs d’or.

Par rapport à l’échelle du phénomène, la masse des rédacteurs réguliers est incroyablement faible. Environ 100 000 personnes rédigent plus de cinq textes par mois mais les versions les plus anciennes comme l’anglais, l’allemand, le français ou le polonais sont alimentés par un petit groupe de peut-être 15 000 personnes, chacune effectuant plus de 100 contributions par mois. Il s’agit en grande majorité d’hommes jeunes, célibataires, qui ont fait des études. Sue Gardner, Directrice Executive de la Fondation Wikimedia, affirme qu’elle peut repérer un Wikipédien-type à cent mètres à la ronde. Ce sont les accros du cyberespace.

Comme la plupart des sites internationaux très connus, Wikipédia tire avantage de sa position privilégiée au sein de ce que Mike Godwin, Conseiller Général chez Wikipédia jusqu’au mois d’octobre dernier, décrit comme « un havre de liberté d’expression appelé les États-Unis » Quel que soit le pays d’origine du rédacteur, les encyclopédies de toutes les langues différentes sont physiquement hébergées par les serveurs de la Fondation situé aux États-Unis. Ils jouissent des protections légales de la grande tradition américaine qu’est la liberté d’expression.

Wikipédia a cependant été remarquablement épargnée par la spirale infernale particulièrement bien résumée par la Loi de Godwin (que l’on doit au même Mike Godwin). Cette règle affirme en effet que « lorsqu’une discussion en ligne prend de l’ampleur, la probabilité d’une comparaison faisant référence au Nazis ou à Hitler est environ égale à 1 ». Ceci est en parti dû au fait qu’une encyclopédie traite de faits, mais aussi parce que des Wikipédiens motivés passent énormément de temps à défendre leurs critères de « savoir-vivre » contre les nombreuses tentatives de vandalisme.

Ce savoir-vivre – traduction française du « civilty » anglais – est l’un des cinq piliers de Wikipédia. Depuis le début, Wales soutient qu’il est possible de réunir honnêteté et politesse. Toute une éthique en ligne, une nétiquette – pardons, une wikiquette – s’est développée et mise en place autour de cette notion, donnant naissance à des abréviations telles que AGF (Assume Good Faith) qu’on pourrait traduire par « Supposez ma Bonne Foi ». Les personnes manquant de savoir-vivre sont courtoisement interpelées puis mises en garde, avant d’être exclues si elles persistent. Mais je ne suis pas en position de juger si tout ceci se vérifie dans les versions sorabe, gagaouze et samoanes du site. Wikipédia a peut-être sa part de propos déplacés, mais si une communauté a tendance à dégénérer, la Fondation a au final le pouvoir d’ôter les tirades incriminées du serveur. (Wikipédia est une marque protégée par la loi, alors que Wiki-autre-chose ne l’est pas ; D’ailleurs Wikileaks n’a rien à voir avec Wikipedia et n’est même pas un « wiki » au sens collaboratif du terme.)

Nous ne sommes toujours pas en mesure de savoir si la fusillade de Tucson, en Arizona, est le produit direct du détestable climat qui règne actuellement sur le discours politique américain, tel qu’on a pu l’entendre sur des émissions de radio et de télévisions comme Fox news. Un fou est peut-être tout simplement fou. Mais le venin servi chaque jour par la politique américaine est un fait indéniable. Pour lutter contre ce climat déprimant, il est bon de pouvoir célébrer une invention américaine qui, malgré ses défauts, tente de propager dans le monde entier une combinaison d’idéalisme bénévole, de connaissance et de savoir-vivre acharné.

Notes

[1] Crédit photo : Stig Nygaard (Creative Commons By-Sa)




Je suis amoureux de Joss Stone !

Interrogée en 2008 par la chaîne de télévision argentine Todo Noticias sur ce qu’elle pensait du « piratage » de la musique sur Internet, la pétulante chanteuse Joss Stone a eu cette réponse pleine de naturel et spontanéité.

« La musique est faite pour être partagée », rien de plus simple et de plus vrai. Et pourtant certains ne l’entendent pas de cette oreille…

Cela méritait bien un petit sous-titrage maison signé Framalang 😉

PS : Drôlement pétillants ses yeux quand même…

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

URL d’origine du document

Le journaliste : Vous êtes chanteuse et faites partie du show-business maintenant, alors que pensez-vous du piratage de musique sur Internet ?

Joss Stone : Je trouve ça génial.

Le journaliste : Génial ?

Joss Stone : Oui, j’adore ça. Je trouve ça brillant et je vais vous dire pourquoi.

La musique devrait être partagée. Je crois que la musique est devenue un business dingue. La seule chose que je n’aime pas dans la musique, c’est le business qu’il y a autour. Par contre, si la musique est gratuite, il n’y a plus de business, seulement de la musique. Donc, j’aime ça. Je crois que nous devrions partager.

Si un seul l’achète, ça me convient. Gravez-le, partagez-le entre amis, je m’en fiche. Je me fiche du moyen de l’écouter, tant que vous l’écoutez. Tant que vous venez à mon concert, et que vous prenez du bon temps en y assistant, c’est parfait. Je m’en fiche. Je suis contente qu’ils l’écoutent.

Le journaliste : Je pense que vous êtes la première chanteuse à me répondre ça.

Joss Stone : Car la plupart des gens ont subi un… lavage de cerveau.




Geektionnerd : MegaUpload ou le dommage collatéral de la loi Hadopi

Le site d’hébergement de fichiers en ligne Megaupload (et son pendant en streaming Megavideo) est dans l’œil du cyclone actuellement.

Une planche directement inspirée de cet article du Numerama : Merci Hadopi : MegaUpload en plein boom en France depuis Hadopi 2.

Un tel succès qu’il semblerait qu’Orange tente de le brider artificiellement mettant ainsi à mal la neutralité du Net.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)