Quand le militantisme déconne : injonctions, pureté militante, attaques… (1/8)

Le feuilleton en 8 épisodes dont nous entamons aujourd’hui la publication n’est pas un simple mouvement d’humeur contre certaines dérives du militantisme mais une réflexion de fond sous l’angle de la psychologie sociale, nourrie et illustrée d’exemples analysés.

Comme la question compliquée et parfois houleuse du militantisme nous intéresse depuis longtemps à Framasoft, nous avons demandé à l’autrice, Viciss de Hacking Social, de s’atteler à la tâche.

Voici une première partie introductive de son intéressante contribution, dans laquelle elle explique son cheminement, entre éloge du militantisme et constat lucide de ses dérives toxiques, qui l’ont amenée à adopter un regard analytique qu’elle partage avec vous.

Nous publierons un nouveau chapitre de son travail chaque vendredi à 13:37 sur le Framablog, mais si vous préférez, vous pouvez télécharger dès maintenant l’essai intégral de Viciss qui comprend une bibliographie revue et augmentée :

Toutes les sources sont sous licence Creative Commons CC-BY-SA et disponibles sur ce dépôt.


Introduction – Quand le militantisme déconne

par Viciss

Si vous cherchez un article à charge contre le militantisme en général, je me dois de vous prévenir d’emblée, ce ne sera pas le cas ici : j’ai été militante à trois reprises, dans des milieux radicalement différents (en syndicat, parmi des hackers grey hat1, parmi des youtubeurs) et ces trois expériences ont été mémorables à bien des titres. J’ai appris énormément auprès des autres militant·es, dans l’action, même dans les moments les plus pénibles, comme ces moments de confrontation avec « l’adversaire » (celui qui représentait/défendait le maintien des problèmes structurels pour lesquels on luttait). J’ai eu des opportunités de faire des choses que je ne pensais jamais pouvoir faire dans ma vie. Cela m’a prouvé que même si l’on est officiellement « sans pouvoir », en fait si, on peut choper un pouvoir d’agir, pour transformer les choses, et ensemble ça peut marcher, avoir des effets conséquents. Jamais je ne regretterais d’avoir participé à tout ça, connu de telles expériences, même avec tous les aspects négatifs qu’elles ont pu avoir, que ce soit à travers les pressions, les déceptions, les difficultés, la violence et la paranoïa, les faux pas : parce qu’on était là, ensemble, et on sortait de l’impuissance, on créait quelque chose qui transformait un peu les choses, qui comptait, qui était juste.

J’ai aussi une énorme sympathie pour les milieux militants que je n’ai pas expérimentés. Par exemple, je n’ai jamais milité directement pour le libre, mais j’ai toujours eu plaisir à découvrir les nouveautés libres, à les tester, à les adopter parfois. Et ça vaut pour tout un tas de mouvements très variés.

Pourquoi cette sympathie et gratitude générale pour les militants ? Très sincèrement parce que leurs actions répondent parfois à mes besoins (psychologiques ou non) et ont une résonance particulièrement empuissantante que j’aime ressentir, que ce soit grâce à l’astuce d’une chimiste écolo pour fabriquer ses produits cools, les crises de rire devant le Pap 40, l’appréciation esthétique qu’offre le travail souvent engagé de Banksy, le réseau social libre qui me laisse plus de caractères que Twitter, la sororité féministe qui m’a permis d’éviter mes foutus biais d’internalité, l’accès à l’info rendu possible grâce par des grey hat qui littéralement me permet de travailler pleinement au quotidien (Merci Aaron Swartz, Alexandra Elbakyan, Edward Snowden, et tous les inconnu·es qui bidouillent dans l’ombre à libérer l’info), etc. Et si tout cela répond à mes besoins, résonne, m’augmente, aide à me développer, m’offre des solutions ou m’ouvre l’esprit à d’autres solutions, cela doit avoir cet effet bénéfique chez d’autres. Et c’est effectivement le cas, quand on étudie la militance sous une perspective historique, à travers les décennies.

Le pap’40 en action
Le pap’40 en action (sur dailymotion) ; sa chaîne Youtube

Là, le bénéfice est à un autre niveau que je qualifierais de totalement épique : les changements sociaux proviennent toujours d’abord de collectifs qui militent pour faire avancer les choses.

On découvre que cette puissance de l’action militante résonne à travers les siècles, on peut la sentir lorsqu’on étudie l’histoire des Afro-américains et la conquête de leurs droits, l’histoire des résistances sans armes durant la Seconde Guerre Mondiale, l’histoire du féminisme, l’histoire LGBT, l’histoire des hackers et bien d’autres mouvements !

Tout, de la petite info à la petite innovation, du mouvement massif à l’action solitaire la plus risquée, nous offre un espoir de dingue : on peut changer le monde en mieux, on peut le faire ici et maintenant, on peut avoir ce courage, et ce qu’importe la taille de la destructivité contre laquelle on lutte, que ce soit contre un régime autoritaire, contre une situation de génocide, d’esclavage, de manipulation, de crise, d’oppression, de dangers… On peut tenter quelque chose pour que cette résistance fonctionne au mieux, même si on n’a rien. Et on peut le faire avec une arme de compassion massive qui irradiera pour des générations entières. Franchement, c’est à pleurer de joie et de soulagement prosocial que de lire les histoires des sauveteurs durant la Seconde Guerre Mondiale, c’est ouf la force de construction que transmettent les écrits de Rosa Parks, Martin Luther King, et tant d’autres.

J’ai tellement de gratitude pour toutes ces personnes, pour quantité de mouvements, c’est pourquoi je tente d’en parler quand je le peux, sous l’angle des sciences humaines : je suis partageuse de contenus sur le Net à travers Hacking-social/Horizon-gull depuis plus de 7 ans avec Gull, d’une façon engagée. On vulgarise les sciences humaines d’une façon volontairement non-neutre, c’est-à-dire en prenant parti contre tout ce qui peut détruire, oppresser, exploiter, manipuler les gens, et en partageant tout ce qui pourrait aider à viser plus d’autodétermination.

L’œuvre des militants, des activistes et autres engagés fait donc partie de ma ligne éditoriale depuis la création du site HS.

Mes angles éditoriaux se sont transformés au fil du temps, d’une part pour une raison assez positive qui est une addiction de plus en plus prononcée pour fouiner dans la littérature scientifique, et d’autre part parce que j’ai commencé à rechigner à parler des combats militants actuels, quand bien même je les soutenais, et parce que j’avais plein de choses positives à dire.

Progressivement, j’ai opté pour des compromis, comme parler de militance uniquement si celle-ci avait pu être étudiée au travers de recherches scientifiques en sciences humaines et sociales. C’est ce que j’ai pu faire d’ailleurs en toute tranquillité avec la justice transformatrice, qui aborde en partie le travail de militants abolitionnistes du système pénal, et qui a été bien accueilli sans doute parce que ce n’était pas un sujet ni d’actu, ni français. Ça n’a hurlé que très peu, et seulement sur un réseau social pour lequel je m’attendais à ce genre de réaction épidermique.

Je me rends compte aussi que plus les années ont filé, moins j’ai repartagé de contenus divers sur les réseaux sociaux (tout confondus), moins j’ai fait de posts sur ceux-ci, moins j’ai osé m’exprimer, poser des questions, faire des remarques, etc. Actuellement, je constate que je ne partage que des infos liées à nos thèmes habituels (alors que je croise tout un tas de contenus que je pourrais partager). Parfois, je n’informe même pas de notre activité sur certains réseaux sociaux parce que je n’ai pas l’énergie/la patience de gérer certaines réactions : l’énervement à cause d’une image/ de l’entête pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’article ; le mépris parce que j’ai posté ça aussi sur une plateforme impure liée aux GAFAM2 ; la colère parce que le sujet principal de l’article ne portait pas précisément sur celui que certains auraient voulu ; le dégoût parce qu’il y a un anglicisme/un néologisme ; les injonctions à mettre des TW3 ou autres balises alors que j’ai consacré des paragraphes complets à faire des avertissements dans l’article ; la condescendance pour la recherche/la statistique/l’expert·e citée, car elle a été pointée du doigt un jour par un tribunal pseudo-scientifique/pseudo-zététicien/pseudo-sceptique (que je prenne en compte pendant X pages de critiques scientifiques et que je les discutent ne compte pas, j’aurais dû ne pas en parler tout simplement, car y faire référence c’est déjà trop) ; le rejet par un tribunal grammar-nazi-académique parce que j’ai mis mes sources bibliographiques à la fin de l’article et non dans le corps de texte, etc.

Et dans ma tête, il y a ainsi une liste noire qui grandit au fur et à mesure, de sujets à ne pas ou ne plus aborder sur le Net, quand bien même je les estime avec amour ou qu’ils comptent à mes yeux, que je sens que ça pourrait être utile à autrui, parce que je sais que cela ne sera pas entendu de la sorte, et que, avouons-le, je n’ai pas le courage d’encaisser ce qui va s’ensuivre. J’ai autocensuré notamment des problématiques militantes pour lesquelles je suis directement concernée, parce que lisant comment cela se passait pour d’autres sur les réseaux sociaux, en découvrant la pureté requise pour pouvoir en parler, et la méfiance qu’on aurait d’emblée à mon égard de part mes « endogroupes »4 si je les révélais, je sais d’expérience que les attaques toucheraient trop à ma personne et que, sous le feu de l’émotion, je serais capable de m’auto-annuler, c’est-à-dire détruire mon existence sur le Net, et mon travail avec. Le fait d’avoir vu tant de collègues détruits de la sorte, alors qu’ils avaient un propos doux, juste, socialement tellement utile, créatif, me confirme malheureusement que cette liste noire de sujets, je dois la maintenir pour l’instant si je veux continuer à faire ce que je fais.

« Encore un boomer qui crie “on peut plus rien dire gnagnagnaa” parce que des militants soulignent ses erreurs et qu’il ne veut pas les assumer !! » pourriez-vous me dire ; je comprends tout à fait qu’on puisse avoir ce réflexe quand quelqu’un se plaint du militantisme-correcteur du Net. Mais cette liste noire qu’est la mienne ne veut pas dire que j’estime que je ne peux plus rien dire. Elle veut surtout dire que j’ai dû développer au fil du temps des stratégies et des hacks plus ou moins sournois non pas pour pouvoir m’exprimer sans me prendre des reproches plein la tête, non pas pour convaincre5, mais pour ne pas être dégoûtée de mes propres engagements à cause de quelques militants qui partagent ces mêmes engagements. Pour le dire plus simplement : j’ai peur du jugement des alliés.

Je n’ai pas d’angoisses particulières vis-à-vis des individus que je sais « adversaires » de ce dont je vais parler. Par exemple, je suis assez détendue sur le fait de parler de l’autoritarisme comme quelque chose de problématique et j’attends parfois avec impatience les défenseurs de l’autoritarisme pour discuter avec eux. Comme je ne cherche pas à convaincre, je n’ai absolument pas de problème à ce qu’ils rejettent le contenu avec véhémence, ce qui est d’ailleurs plutôt cohérent de leur part. Je peux même être admirative quand ils arrivent à exprimer pleinement, sans complexes, ce qui les gêne, parce qu’ils s’affichent sincèrement avec leurs valeurs, quand bien même elles sont parfois horribles (au hasard, en appeler à tuer les 3/4 de la population ou envoyer en enfer les gens comme moi). Et dans cette confrontation sincère, je récolte des informations précieuses pour de futurs contenus (les adversaires véhéments sont au fond d’excellents contributeurs involontaires).

Par contre, c’est vraiment dur de se prendre de la haine de la part d’individus qui, je le constate après discussion, ont les mêmes valeurs que celles diffusées dans le contenu qu’ils blâment, ont les mêmes engagements, les mêmes objectifs. Ils me crient dessus parce que je n’ai pas parlé de ceci ou de cela, que j’ai utilisé un mot qui ne leur plaît pas, un en-tête qui aurait dû d’une manière ou d’une autre contenir tout l’article, parce que je n’ai pas utilisé un mot ou cité une référence qui leur paraissait indispensable, etc. Bref, ces reproches et cette colère de la part d’alliés, de camarades, de confrères, j’ai eu beaucoup de mal à les digérer et à les comprendre, d’autant plus qu’ils sont advenus pour des sujets auxquels je ne m’attendais pas le moins du monde.

Un jour j’ai parlé par exemple d’une expérience d’éducation alternative6. Je me suis centrée sur ce qui s’y faisait et était particulièrement cool dans le développement de l’autonomie et de l’empuissantement de l’enfant, au top vis-à-vis de ce qu’on sait en psycho- et neuro-. Puis j’ai fait ce que j’estime à présent une erreur, j’ai repris toutes les critiques disponibles à l’encontre de cette expérience afin de les debunker. C’était du débunkage ultra simple, puisque les 3/4 des critiques portaient sur des éléments qui n’étaient même pas présents dans cette expérience ou encore s’attaquaient personnellement à la personne qui l’avait menée sous forme de procès d’intention, or ces caractéristiques n’avaient strictement aucun lien avec l’expérience elle-même. Plus important à mes yeux, les critiques vantaient parallèlement un mode d’éducation autoritaire, très conservateur (globalement, on revenait 100/150 ans en arrière) basé sur le contrôle ; ils voyaient le plein développement de l’autonomie chez l’enfant comme une menace. Scientifiquement7, on sait pourtant que le contrôle autoritaire sape la motivation et le potentiel des enfants ; le seul « atout » de l’éducation autoritaire est de transformer la personne en pion, contrôlable extérieurement par des autorités, et intérieurement par des normes pressantes.

Les critiques n’ont pas fait gaffe à ça, et se sont plutôt ralliés à ces autoritaires pour tenter de me convaincre à quel point la personne ayant mené l’expérience devait être annulée pour de soi-disant accointances avec le néolibéralisme (ce qui est totalement faux quand on analyse le travail dans les faits), ignorant totalement les détails de l’expérience et ses apports. Et ce type d’accusations venait d’individus qui, très souvent, était des militants actifs menant des expériences éducatives quasi similaires à celles que cette expérience vantait… C’était ouf, et même des années après publication de ce contenu je reçois encore des messages pour tenter de me convaincre que cette personne est mauvaise, donc que l’expérience l’est, et que je devrais annuler mon avis positif.

Tout ceci a été vraiment saoulant, d’autant plus que naïvement je pensais qu’on pouvait espérer une sorte de cohésion contre les modes éducatifs autoritaires/contrôlants, ce qui est le point commun à quasi toutes les expériences d’éducation alternative. Mais non. Ça a été l’article le plus « polémique » du site, je n’en reviens toujours pas.

Depuis ce jour, je n’ai plus parlé d’éducation alternative, même si pourtant d’autres militants m’avaient proposé de façon stratégiquement plus intéressante de faire découvrir leur école et leur mode de fonctionnement. Je suis passée à des sujets plus safe, l’un de mes pare-feux étant désormais de parler d’études, expériences, actions se déroulant hors de notre pays et n’étant pas d’actualité, ou très indirectement.

Aussi, je ne debunke plus rien (du moins, pas de cette façon officiellement affichée), parce que cela n’a strictement aucune résonance constructive8, et j’ai l’impression que certains se servent de ce qui est alors estimé comme « vrai » pour se permettre d’attaquer (de manière disproportionnée) ceux qui sont dans le « faux », ce qui est une dynamique qui ne m’intéresse pas du tout d’alimenter.

À la place, je bidouille pour trouver des sujets à écho et je les tricote d’une façon à ce que, quand même, ils fassent résonance avec ce que nous vivons ici et maintenant. D’un côté, cela aura eu le grand avantage de me pousser à chercher des sujets inédits et à développer une forme de créativité plus hackeuse que je n’aurais peut-être pas eu sans cette saoulance.

Bref, tout ça pour dire que je ne m’autocensure pas par peur des « ennemis », mais davantage par crainte de la punition des alliés et acteurs de cette cause commune que nous défendons. Je constate que d’autres créateurs de contenus partagent cette même crainte de l’endogroupe davantage que de leur ennemi :

L’annulation (le canceling) - ContraPoint
L’annulation (le cancelling) – ContraPoint. Sur Youtube sous-titré en français (ici) et sur Peertube, sous-titré en anglais et en espagnol (ici)

Et ça vaut malheureusement aussi pour le libre : j’ai toujours autant de respect et de sympathie pour le libre, parce que j’ai la chance de connaître des libristes fortement prosociaux que j’adore, et que j’utilise au quotidien du libre – ça répond à mes besoins de compétence et de sécurité numérique –, et, ayant adopté depuis longtemps une certaine éthique hacker, j’adhère au discours libriste qui fait partie de la grande famille hacker.

Mais la campagne de certains militants pour PeerTube a été, malgré tout, extrêmement soûlante.

Au départ, Gull et moi-même étions enthousiastes pour promouvoir et publier sur PeerTube, on s’est vite renseignés, on a été hébergés sur une instance dès que cela a été possible. Parfois, il y avait des down sur l’instance en question, alors selon l’état de la mise en ligne, je partageais ou non le lien des vidéos via PeerTube. Qu’importe notre présence ou absence ponctuelle, on nous a reproché de ne pas être sur PeerTube, on nous a fait de longs messages condescendants pour nous expliquer pourquoi il fallait être sur PeerTube et pourquoi il fallait arrêter d’être sur YouTube, on nous a engueulés parce que l’instance était down et que de fait telle vidéo ne pouvait ponctuellement être vue que sur Youtube. On ne pouvait pas annoncer une vidéo avec joie sans que celle-ci soit instantanément rabattue par un commentaire reprochant notre manque d’éthique à mettre un lien Youtube et non PeerTube (alors qu’au début on partageait prioritairement le lien PeerTube) ou encore rappeler une énième fois ce qu’était PeerTube comme si nous l’ignorions et en quoi nous devions moralement y être. On faisait au mieux, on était déjà convaincus par PeerTube, on se démenait pour trouver des alternatives, même sur YouTube on avait pris le parti dès le départ de démonétiser tout notre contenu, mais visiblement ce n’était pas encore assez parfait.

Un excellent article de framablog à ce sujet et pourquoi la saoulance n’est pas la solution pour promouvoir PeerTube
Un excellent article de framablog à ce sujet et pourquoi la saoulance n’est pas la solution pour promouvoir PeerTube

J’étais également très enthousiaste à notre arrivée sur Mastodon, j’y postais même des trucs que je ne postais pas sur les autres réseaux, j’envisageais de faire là-bas un compte perso. Mais, à part quelques personnes que je connaissais et qui étaient bien sympas, progressivement les retours que j’avais sur un article, un dossier, un bouquin, un live, ne concernaient plus que notre faute à ne pas être des libristes avant toute chose, il y avait suspicion que ce qu’on utilisait était éthiquement incorrect (par exemple, la plateforme lulu pour publier mes livres – c’est sacrément ironique car justement je l’avais choisie exclusivement pour éviter la vague de reproches que des collègues peuvent avoir lorsqu’ils publient via Amazon…).

Et d’autres personnes ont pu rencontrer ce même type d’expérience :

Messages sur Twitter
Messages sur Twitter (source)

C’est terrible, mais d’une plateforme pour laquelle j’étais enthousiaste, j’en suis venue à avoir la même politique de communication que celle que j’avais sur Facebook (plateforme que je déteste depuis des années), c’est-à-dire : un minimum de publications, pas d’interactions même quand il y a des remarques, écriture du message la plus épurée possible par anticipation des quiproquos, etc. Et si on me fait des corrections légitimes sur la forme, mais sur un ton condescendant, je les prends en compte à ma sauce (je n’obéis pas, je transforme d’une nouvelle façon), et je ne fais aucun retour. Je ne fais pas ça contre ce type de critiques, mais davantage pour rester concentrée sur mon travail et ne pas être plongée dans un énième débat où potentiellement je dois me justifier pendant des heures d’un choix incompris, débat qui est totalement infécond pour toutes les parties, et où j’ai l’impression d’être la pire des merdes tant je dois m’inférioriser pour calmer l’individu et lui offrir la « supériorité » morale/intellectuelle qui l’apaise.

J’ai pris des exemples libristes, mais si cela peut vous rassurer, j’ai le même vécu pénible avec des communautés zététiques/sceptiques qui ont été hautement moralisatrices et condescendantes, nous reprochant un manque de détails dans le report des données scientifiques ou suspectant que nous partagions une étude « biaisée » parce qu’ils n’avaient pas compris un résultat (alors qu’il suffisait d’aller simplement jeter un coup œil rapide à la source que nous mettions à disposition). Ça a eu un impact sur notre activité et notre motivation, nous amenant à un perfectionnisme infructueux qui consistait à donner encore plus de détails mais qui étaient pourtant inutiles à préciser, voire nuisibles à une vulgarisation limpide9. Plus grave, j’ai vu des phénomènes dans des communautés zététiques/sceptiques qu’on a décidé de quitter très rapidement tant le climat devenait malsain : des activités marrantes selon eux étaient de se faire des soirées foutage de gueule d’un créateur de la même communauté zététique, faire des débats sans fin inféconds sur l’usage d’un mot, et surtout ne jamais créer ensemble, coopérer, s’attaquer aux problèmes de fond, aux « véritables » adversaires qui ne sont pas tant des individus, mais des systèmes, des structures, des normes, etc. Mais que les zététiciens/sceptiques se rassurent, j’ai aussi vu ces mêmes mécaniques chez des membres de syndicat (par exemple, Gull s’est vu une fois reprocher d’aller simplement discuter avec des membres d’un autre syndicat…), chez des militants antipub (où Gull s’est vu corrigé non sans une pointe de mépris parce qu’il avait osé citer une marque pour la dénoncer car pour ce critique il était interdit de citer une marque…), etc.

Là encore, ce n’est pas qu’un souci qui nous arriverait par manque de bol, une fois de plus Contrapoints explique à merveille ces mécaniques qui arrivent potentiellement dans n’importe quel groupe réuni autour de n’importe quel sujet :

Le Cringe - ContraPoint
Le Cringe – ContraPoint. Sur Youtube, sous-titré en français ; et sur Peertube, en anglais.

Le fait que je considère la culpabilisation, le jugement, le mépris, la condescendance, l’attaque, l’injonction, l’appel à la pureté, comme du militantisme déconnant (à entendre comme dysfonctionnel)10 n’est évidemment pas étranger au fait que je sois fragile, état que j’assume pleinement, parfois même avec fierté : oui je craque en privé devant ce militant pour l’Histoire qui, dans un mail de 3 pages, argumente sur le fait que je suis médiocre, inutile et tellement inférieure aux hommes présents à cette table ronde publique car j’ai osé utiliser le mot « facho », usage qui selon lui prouvait que je n’y connaissais strictement rien parce que X et Y (imaginez un cours d’histoire sur la Seconde Guerre Mondiale). J’ai répondu en partie en assumant l’un de mes défauts (être nulle à l’oral) et en envoyant les liens vers mon bouquin en libre accès sur le fascisme qui justifie en plus de 300 pages pourquoi je garde ce mot et pourquoi il est pertinent pour décrire certains contenus (il ne m’a pas répondu en retour).

J’assume aussi comme mon « problème » la déprime que je peux avoir quand j’ai pour premier commentaire une engueulade sur l’utilisation d’un anglicisme dans un article qui a nécessité des heures de recherches et d’écriture.

J’assume comme mon « problème » mon surmenage et la lâcheté que je me permets à ne plus avoir à me justifier ni répondre aux reproches hors-sujet.

J’ai ma sensibilité, mes faiblesses, mon temps et des capacités limitées, je fais avec, je ne me plains pas de souffrir de ces attitudes militantes qui me sont reloues, et je sais à peu près comment gérer ça et transformer ça11. Je ne me sens pas victime de quoi que ce soit, je ne suis pas à plaindre. Au final, j’estime que nous sommes très chanceux d’avoir une communauté si soutenante, de ne pas avoir été harcelés ou annulés massivement comme d’autres acteurs du Net.

Ce qui m’enrage dans un premier temps avec ces histoires de militance déconnante, c’est que cela a détruit l’œuvre de collègues très talentueux dont j’aurais voulu découvrir encore de nouvelles œuvres, qui avaient un magnifique potentiel d’influences positives, autodéterminatrices, émancipatrices. Mais merde, mais c’était tellement, tellement injuste de s’en être pris à eux, pour un mot, une tournure de phrase. De les avoir détruits pour ça, pas tant avec une seule remarque, mais bien avec cette répétition incessante de chipotage à chaque nouveau contenu. Tellement inapproprié de les voir en adversaire alors qu’il n’y avait pas meilleur allié.

À force de voir cette histoire de déconnance se répéter inlassablement partout dans tous les domaines, je m’inquiète pour les visées fécondes de ces mouvements. J’en viens à avoir peur que ces militants puristes dépensent une forte énergie pour des ennemis qui n’en sont pas, qui ne représentent pas une menace, qui au contraire sont de potentiels alliés qui feraient avancer leur cause. J’ai peur que cette division, voire hiérarchisation, entre personnes potentiellement alliées ne serve finalement qu’à donner davantage de pouvoir à leurs adversaires. Peur que toute cette énergie gaspillée, au fond, ne profite qu’à l’avancée de ce qu’on dénonce pourtant tous et que les acteurs des oppressions, des exploitations, des dominations, des manipulations, aient le champ libre pour développer pleinement leur œuvre destructrice, puisque les personnes pouvant les en empêcher sont plus occupées à s’entre-taper dessus pour ou contre le point médian, pour ou contre l’anglicisme, pour ou contre l’usage de Facebook, et j’en passe.

Au-delà de ces peurs, je me désole aussi que tant d’opportunités de collaboration, de construction commune, de coopération, d’entraide passent alors à la trappe au profit du militantisme déconnant qui ne fait que corriger, sanctionner et contrôler. Parce que toutes les réussites que j’ai pu voir étaient fondées sur une entraide, une cohésion et une convergence entre militants, entre des groupes différents, avec des acteurs qui, de base, ne suivaient même pas le combat, n’avaient pas les mêmes buts. Les réussites les plus belles que j’ai pu avoir la chance d’apprécier regroupaient à la fois des groupes militants assez radicaux (méthodes hautement destructives mais sans violence sur les personnes), des groupes militants faisant du lobbying auprès du monde distal12 (politiques, structures de pouvoir), spectateurs lambda (soutien et sympathie pour la cause), et résultat, une loi injuste ne passait pas, et tout le monde était en sympathie avec tout le monde, ce n’était que joie.

Par exemple, l’action conjointe de la Quadrature du Net, du Parti Pirate (notamment allemand), Anonymous (DoS), de la mobilisation citoyenne (manifestations dans toute l’Europe), et peut-être d’autres acteurs que j’oublie, a permis de stopper ACTA.
Par exemple, l’action conjointe de la Quadrature du Net, du Parti Pirate (notamment allemand), Anonymous (DoS), de la mobilisation citoyenne (manifestations dans toute l’Europe), et peut-être d’autres acteurs que j’oublie, a permis de stopper ACTA. Plus d’infos sur laquadrature.org. Source image : Wikimedia.

C’est pourquoi dans cet article on va tenter de comprendre pourquoi on peut avoir tendance à attaquer, injonctiver et pourquoi ça peut être déconnant vis-à-vis des buts d’un mouvement, et ce qu’on pourrait faire à la place de potentiellement plus efficace.

Avertissements sur ce contenu

Vous l’aurez sans doute compris, mais je précise pour éviter tout malentendu :

Cet article porte sur le militantisme déconnant, ou pureté militante, et non sur le militantisme tout court. Nous nous considérons nous-mêmes comme des personnes engagées à travers notre activité sur Hacking-social/Horizon-gull, et engagées contre l’autoritarisme sous toutes ses formes, et donc par définition, militantes.

Je ne catégorise pas tout le militantisme libriste comme uniquement associé à des pratiques déconnantes, pas du tout, d’autant que nous écrivons sur le Framablog, ce qui serait un comble. Idem, si vous avez des affinités avec un groupe dont je décris la pratique déconnante. N’endossez pas la responsabilité ou la culpabilité des pratiques déconnantes si vous ne les avez jamais faites mais que vous partagez le même groupe que ceux qui y ont recours. On ne peut pas être responsable du comportement des autres individus en permanence, ce serait un fardeau trop lourd à porter et impossible à gérer. La responsabilité incombe à celui qui fait l’acte, sans omettre, bien sûr, les raisons extérieures qui ont poussé celui-ci à faire l’acte (évitons d’internaliser ces problématiques aux seuls individus, nous verrons que c’est plus complexe que cela).

On parlera de militantisme interpersonnel, c’est-à-dire entre personnes ne représentant pas une autorité quelconque. Par exemple, untel corrige unetelle sur un de ses mots sur Internet/lors d’un repas de famille/lorsqu’elle se confie/lorsqu’elle présente une création/etc. ; untel critique untel car il a osé parler de fromages sans mettre de trigger warning13, etc. J’exclus de cette catégorie les rapports de pouvoirs entre personnes, par exemple une négociation entre un syndicat et un DRH autour d’un conflit, le débat public entre un individu fasciste et une personne au combat antifasciste, etc. Les deux derniers cas désignent des porte-paroles d’un groupe et la situation n’a rien du rapport interpersonnel habituel, il est hautement stratégique et préparé en amont pour les deux parties en confrontation.

★ On ne parlera pas du militantisme d’extrême-droite, fasciste ou lié à des poussées de haines sur une personne ciblée (par exemple les raids de harcèlement). Parce que – et c’est terrible à dire – il est cohérent avec l’autoritarisme de droite composé d’une valorisation de l’agressivité autoritaire, de la soumission autoritaire et du conventionnalisme14. Si c’est cohérent au vu de leur combat, alors ce n’est pas déconnant. Ils sont convaincus du bienfait d’attaquer et de soumettre une personne, donc il est logique de s’attendre à ce qu’ils attaquent une personne, qu’ils l’injonctivent, la poussent à rentrer dans des normes conventionnelles ou à fuir la sphère publique. Cependant, si cela vous intéresse : – voici un excellent article qui montre leur méthode militante : Un militant repenti balance les secrets de l’ultra-droite, (Midi Libre, 2012) ; – On a parlé d’autoritarisme aussi dans un dossier ; – et cet article, le résumé des recherches qui ont suivi ; – Et dans cette vidéo qui est le début d’une série.

Les autoritaires, partie 1
Les autoritaires, partie 1 (sur skeptikon.fr, sur Youtube, sur Vimeo)

★ Pour cet article, il serait incohérent que je m’autocensure par peur de la pureté militante, ainsi y aura-t-il des néologismes, des anglicismes, des points médians et parfois une absence de points médians, des liens YouTube ou pointant vers des réseaux sociaux, structures non-libres. Cependant, je justifierai parfois certains de mes choix « impurs » en note de bas de page quand j’estime que cela est nécessaire. J’y mettrai aussi les références. Désolée pour l’énervement futur que cela pourrait vous causer.


  1. J’ai gardé le terme anglais parce qu’on croise rarement des personnes se disant « fouineuse à chapeau gris » comme le recommanderait l’Académie française. Les hackers grey hat désignent les hackers faisaient des actions illégales pour des buts prosociaux/activistes, à la différence des black hat qui vont faire des actions illégales pour leur seul profit personnel par exemple.
  2. GAFAM = Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
  3. TW = Trigger Warning = avertissements.
  4. Endogroupe = groupe d’appartenance. On peut en choisir certains (supporter telle équipe et pas telle autre, être dans une communauté de passionnés pour telle discipline, etc.) et d’autres sont dus au pur hasard comme la nationalité à la naissance, le genre, la génération dans laquelle on appartient, la couleur de peau, etc.
  5. Ça, c’est volontairement hors de mes buts, non pas que je sois défaitiste, mais parce que je ne vois pas l’intérêt de convaincre qui que ce soit : imaginons qu’untel serait par exemple convaincu que la justice réparatrice (un thème que j’aborde) c’est bien. Ok, super. Et ensuite ? Qu’est-ce que ça change ? Strictement rien. Au fond, je ne veux rien d’autre que ce que souhaiterait un blogueur tech : il partage un logiciel qu’il trouve cool et il est content si ça sert à d’autres qui vont l’utiliser pour d’autres besoins. Il peut même être super content de découvrir que ce logiciel qu’il a partagé a été hacké pour en faire un autre truc plus performant qui sert d’autres buts, parce qu’au fond, c’est la tech et son développement qui le font kiffer. Et c’est pas grave si les autres n’aiment pas, ne testent pas. Au fond, lui comme moi, on veut juste partager, c’est tout.
  6. Je n’ai ni envie de donner le lien ni même de référence au sujet de cet écrit ; si le sujet vous intéresse intrinsèquement, vous le trouverez facilement.
  7. Deci et coll. (1999) ; Deci et Ryan (2017) ; Csiszentmihalyi (2014, 2015) ; Della Fave, Massimini, Bassi (2011) ; Gueguen C. (2014, 2018) références non exhaustives.
  8. Je parle de mes articles, je ne critique pas les débunkeurs en général. Il y a certains débunkeurs sur PeerTubeYouTube qui ont du talent, je ne doute pas qu’ils arrivent eux à avoir un écho positif.
  9. Gull a d’ailleurs constaté que cette surenchère à préciser toujours plus de détails en vidéo, sous la demande parfois pesante de certains septiques, contribuaient à dissoudre le discours principal, à ennuyer de nombreux viewers se plaignant désormais d’un contenu « trop académique ».
  10. J’emploie le mot « dysfonctionnel » pour qualifier les comportements militants tels que l’injonction, l’attaque, etc., car la fonction de la militance est, entre autres, de combattre un problème et non d’être perçue comme un problème par ceux que les militants peuvent chercher à convaincre. En cela, ça dysfonctionne, là où un militantisme « fonctionnel » opterait pour des comportements et actions qui résolvent un problème, s’attaquerait à la destructivité et non aux potentielles forces de construction.
  11. Attention ces dernières phrases sont fortement imprégnées de mes biais d’internalité (ignorer les causes extérieures, se responsabiliser pour des problèmes extérieurs), je ne conseille pas du tout de reproduire la même dynamique que la mienne, potentiellement sapante. Si je les ai écrites, c’est parce que c’est ce que je ressens et que ce serait mentir que d’en enlever les biais d’internalité qui ont structuré ces sentiments.
  12. En psycho- sociale, notamment dans le champ de la théorie de l’autodétermination, on emploie le terme d’environnement distal pour décrire des environnements qui sont « distants » des individus (mais pas moins influents), tel que les champs politique, économique, culturel ; il se distingue de l’environnement social proximal (famille, travail, et tout environnement social qui fait le quotidien la personne).
  13. Exemple tiré d’un témoignage réel, disponible sur neonmag.fr.
  14. Ce sont les caractéristiques de l’Autoritarisme de droite (RWA) telles que définies par la recherche en psychologie sociale et politique de ces dernières décennies, notamment par Altemeyer. Si une personne se disant de gauche a pour attitude principale l’agressivité autoritaire, la soumission et le conventionnalisme, alors il serait plus cohérent pour lui de se revendiquer d’un autoritarisme de droite, qui serait plus raccord avec ses attentes et valeurs. Plus d’infos sur hacking-social.com.



[RÉSOLU] : désormais en italien !

Annoncé en juin 2020, [RÉSOLU] est un ensemble de fiches didactiques visant à favoriser et préparer l’adoption des logiciels libres. Elles sont destinées aux association d’éducation populaire et de manière générale à toutes les structures de l’Économie Sociale et Solidaire.

Pour réaliser ce projet, Framasoft s’est associée au Chaton Picasoft et à la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA.

Les structures concernées par [RÉSOLU] n’existent évidemment pas uniquement en France. Et voici annoncée une version italienne qui trouvera sans conteste ses lecteurs et contributeurs ! Le projet de traduction a été initié par Nilocram qui suit et même propage de temps à autre les activités de Framasoft auprès de ses compatriotes italiens.

Nous lui laissons la parole pour l’annonce !

[RESOLU] Une traduction en italien très attendue

Par Nilocram

En décembre de l’année dernière, sur mon blog, j’ai présenté [RÉSOLU], un guide d’utilisation des logiciels libres s’adressant notamment aux organisations qui agissent pour l’économie sociale et solidaire.

Le guide a été créé par Framasoft en collaboration avec d’autres associations et publié en français, en format papier et numérique, par Framabook. Je l’ai trouvé très utile et intéressant. J’ai donc essayé d’en traduire un extrait (ici, en pdf).

Parfois ça m’arrive de traduire mes coups de cœur 🙂

J’ai conclu mon billet en constatant que vu l’intérêt et l’utilité du guide, il aurait été bien de le traduire de manière collaborative.

Reti Etiche e Soluzioni Aperte per Liberare i vostri Utilizzi

Ça peut paraître incroyable, mais cette fois c’est vraiment arrivé !

Les amis de l’association LinuxTrent ont décidé de relever le défi et de traduire l’intégralité du guide en italien.

LinuxTrent est une association qui rassemble un groupe important et actif d’utilisateurs de GNU Linux dans la province de Trente et ses environs. C’est une association à but non lucratif qui promeut le logiciel libre, l’hardware libre, les données ouvertes et les droits numériques des personnes dans la réalité de la région avec une attention particulière aux écoles et à l’administration publique.

Lorsque le président de l’association, Roberto Resoli, a lu l’extrait du guide, il a pensé qu’il s’agissait d’un travail de bonne qualité qui pourrait être d’une grande aide pour éveiller la conscience de ceux qui travaillent dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Il a demandè si quelqu’un avait envie d’aider, et il a obtenu une bonne réponse : c’est ainsi que la traduction a commencé.

Le travail de traduction a été organisé par LinuxTrent à l’aide des logiciels libres Nextcloud et Collabora Online (la version en ligne de LibreOffice).

Un grand merci à Ilario Quinson, Roberto Resoli, Danilo Spada, Daniele Zambelli qui avec leur travail ont permis l’achèvement de la traduction italienne à laquelle j’ai également apporté ma petite contribution.

Un an après la publication de l’édition française, voici enfin la traduction italienne !

[RÉSOLU] est téléchargeable à partir de cette page sur le site de LinuxTrent. Il est disponible en format .pdf et aussi en format .odt pour ceux qui veulent le modifier et le réutiliser, en améliorant peut-être la mise en page.

La traduction italienne, comme l’original, est distribuée sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 internationale.

Note : la version italienne a tout récemment été retranscrite en markdown pour intégrer le dépôt GIT dédié au projet. La version web en italien ne saurait tarder.




Partagez l’inventaire de votre bibliothèque avec vos proches sur inventaire.io

Inventaire.io est une application web libre qui permet de faire l’inventaire de sa bibliothèque pour pouvoir organiser le don, le prêt ou la vente de livres physiques. Une sorte de méga-bibliothèque communautaire, si l’on veut. Ces derniers mois, Inventaire s’est doté de nouvelles fonctionnalités et on a vu là l’occasion de valoriser ce projet auprès de notre communauté. On a donc demandé à Maxlath et Jums qui travaillent sur le projet de répondre à quelques unes de nos questions.

Chez Framasoft, on a d’ailleurs créé notre inventaire où l’on recense les ouvrages qu’on achète pour se documenter. Cela permet aux membres de l’association d’avoir un accès facile à notre bibliothèque interne. On a aussi fait le choix de proposer ces documents en prêt, pour que d’autres puissent y accéder.

Salut Maxlath et Jums ! Pouvez-vous vous présenter ?

Nous sommes une association de deux ans d’existence, développant le projet Inventaire, centré autour de l’application web inventaire.io, en ligne depuis 2015. On construit Inventaire comme une infrastructure libre, se basant donc autant que possible sur des standards ouverts, et des logiciels et savoirs libres : Wikipédia, Wikidata, et plus largement le web des données ouvertes.

Le projet grandit également au sein de communautés et de lieux : notamment le mouvement Wikimedia, l’archipel framasoftien à travers les Contribateliers, la MYNE et la Maison de l’Économie Circulaire sur Lyon, et Kanthaus en Allemagne.

L’association ne compte aujourd’hui que deux membres, mais le projet ne serait pas où il en est sans les nombreu⋅ses contributeur⋅ices venu⋅es nous prêter main forte, notamment sur la traduction de l’interface, la contribution aux données bibliographiques, le rapport de bugs ou les suggestions des nouvelles fonctionnalités.

Vous pouvez nous en dire plus sur Inventaire.io ? Ça sert à quoi ? C’est pour qui ?

Inventaire.io se compose de deux parties distinctes :

  • D’une part, une application web qui permet à chacun⋅e de répertorier ses livres en scannant le code barre par exemple. Une fois constitué, cet inventaire est rendu accessible à ses ami⋅es et groupes, ou publiquement, en indiquant pour chaque livre si l’on souhaite le donner, le prêter, ou le vendre. Il est ensuite possible d’envoyer des demandes pour ces livres et les utilisateur⋅ices peuvent prendre contact entre elleux pour faire l’échange (en main propre, par voie postale, peu importe, Inventaire n’est plus concerné).
  • D’autre part, une base de données publique sur les auteurs, les œuvres, les maisons d’éditions, etc, qui permet à chacun⋅e de venir enrichir les données, un peu comme dans un wiki. Le tout organisé autour des communs de la connaissance (voir plus bas) que sont Wikipédia et Wikidata. Cette base de données bibliographiques permet d’adosser les inventaires à un immense graphe de données dont nous ne faisons encore qu’effleurer les possibilités (voir plus bas).

L’inventaire de Framasoft sur inventaire.io

Inventaire.io permettant de constituer des bibliothèques distribuées, le public est extrêmement large : tou⋅tes celleux qui ont envie de partager des livres ! On a donc très envie de dire que c’est un outil pour tout le monde ! Mais comme beaucoup d’outils numériques, l’outil d’inventaire peut être trop compliqué pour des personnes qui ne baignent pas régulièrement dans ce genre d’applications. C’est encore pire une fois que l’on rentre dans la contribution aux données bibliographiques, où on aimerait concilier richesse de la donnée et facilité de la contribution. Cela dit, on peut inventorier ses livres sans trop se soucier des données, et y revenir plus tard une fois qu’on se sent plus à l’aise avec l’outil.

Par ailleurs, on rêverait de pouvoir intégrer les inventaires des professionnel⋅les du livre, bibliothèques et librairies, à cette carte des ressources, mais cela suppose soit de l’interopérabilité avec leurs outils existants, soit de leur proposer d’utiliser notre outil (ce que font déjà de petites bibliothèques, associatives par exemple), mais inventaire.io nous semble encore jeune pour une utilisation à plusieurs milliers de livres.

Quelle est l’actualité du projet ? Vous prévoyez quoi pour les prochains mois / années ?

L’actualité de ces derniers mois, c’est tout d’abord de nouvelles fonctionnalités :

  • les étagères, qui permettent de grouper des livres en sous-catégories, et qui semble rencontrer un certain succès ;
  • la mise en place de rôles, qui va permettre notamment d’ouvrir les taches avancées d’administration des données bibliographiques (fusions/suppressions d’édition, d’œuvre, d’auteur etc.) ;
  • l’introduction des collections d’éditeurs, qui permettent de valoriser le travail de curation des maisons d’édition.

Pas mal de transitions techniques sous le capot aussi. On n’est pas du genre à changer de framework tous les quatre matins, mais certains choix techniques faits au départ du projet en 2014 – CoffeeScript, Brunch, Backbone – peuvent maintenant être avantageusement remplacés par des alternatives plus récentes – dernière version de Javascript (ES2020), Webpack, Svelte – ce qui augmente la maintenabilité et le confort, voire le plaisir de coder.

Autre transition en cours, notre wiki de documentation est maintenant une instance MediaWiki choisie entre autres pour sa gestion des traductions.

Le programme des prochains mois et années n’est pas arrêté, mais il y a des idées insistantes qu’on espère voir germer prochainement :

  • la décentralisation et la fédération (voir plus bas) ;
  • les recommandations entre lectrices : aujourd’hui on peut partager de l’information sur les livres que l’on possède, mais pas les livres que l’on apprécie, recommande ou recherche. Même si une utilisation détournée de l’outil est possible en ce sens et nous met aussi en joie (oui, c’est marrant de voir des humains détourner une utilisation), on devrait pouvoir proposer quelque chose pensé pour ;
  • des paramètres de visibilité d’un livre ou d’une étagère plus élaborés : aujourd’hui, les seuls modes de partage possible sont privé/amis et groupes/public, or amis et groupes ça peut être des personnes très différentes avec qui on n’a pas nécessairement envie de partager les mêmes choses.

Enfin tout ça c’est ce qu’on fait cachés derrière un écran, mais on aimerait bien aussi expérimenter avec des formats d’évènements, type BiblioParty : venir dans un lieu avec une belle bibliothèque et aider le lieu à en faire l’inventaire.

C’est quoi le modèle économique derrière inventaire.io ? Quelles sont/seront vos sources de financement ?
Pendant les premières années, l’aspect « comment on gagne de l’argent » était une question volontairement laissée de côté, on vivait avec quelques prestations en micro-entrepreneurs, notamment l’année dernière où nous avons réalisé une preuve de concept pour l’ABES (l’Agence bibliographique pour l’enseignement supérieur) et la Bibliothèque Nationale de France. Peu après, nous avons fondé une association loi 1901 à activité économique (voir les statuts), ce qui devrait nous permettre de recevoir des dons, que l’on pourra compléter si besoin par de la prestation de services. Pour l’instant, on compte peu sur les dons individuels car on est financé par NLNet via le NGI0 Discovery Fund.

Et sous le capot, ça fonctionne comment ? Vous utilisez quoi comme technos pour faire tourner le service ?
Le serveur est en NodeJS, avec une base de données CouchDB, synchronisé à un Elasticsearch pour la recherche, et LevelDB pour les données en cache. Ce serveur produit une API JSON (documentée sur https://api.inventaire.io) consommée principalement par le client : une webapp qui a la responsabilité de tout ce qui est rendu de l’application dans le navigateur. Cette webapp consiste en une bonne grosse pile de JS, de templates, et de CSS, initialement organisée autour des framework Backbone.Marionnette et Handlebars, lesquels sont maintenant dépréciés en faveur du framework Svelte. Une visualisation de l’ensemble de la pile technique peut être trouvée sur https://stack.inventaire.io.

Le nom est assez français… est-ce que ça ne pose pas de problème pour faire connaître le site et le logiciel à l’international ? Et d’ailleurs, est-ce que vous avez une idée de la répartition linguistique de vos utilisatrices ? (francophones, anglophones, germanophones, etc.)
Oui, le nom peut être un problème au début pour les non-francophones, lequel⋅les ne savent pas toujours comment l’écrire ou le prononcer. Cela fait donc un moment qu’on réfléchit à en changer, mais après le premier contact, ça ne semble plus poser de problème à l’utilisation (l’un des comptes les plus actifs étant par exemple une bibliothèque associative allemande), alors pour le moment on fait avec ce qu’on a.

Sticker inventaire.io

En termes de répartition linguistique, une bonne moitié des utilisateur⋅ices et contributeur⋅ices sont francophones, un tiers anglophones, puis viennent, en proportion beaucoup plus réduite (autour de 2%), l’allemand, l’espagnol, l’italien, suivi d’une longue traîne de langues européennes mais aussi : arabe, néerlandais, portugais, russe, polonais, danois, indonésien, chinois, suédois, turc, etc. À noter que la plupart de ces langues ne bénéficiant pas d’une traduction complète de l’interface à ce jour, il est probable qu’une part conséquente des utilisatrices utilisent l’anglais, faute d’une traduction de l’interface satisfaisante dans leur langue (malgré les 15 langues traduites à plus de 50%).

À ce que je comprends, vous utilisez donc des données provenant de Wikidata. Pouvez-vous expliquer à celles et ceux qui parmi nous ne sont pas très au point sur la notion de web de données quels sont les enjeux et les applications possibles de Wikidata ?
Tout comme le web a introduit l’hypertexte pour pouvoir lier les écrits humains entre eux (par exemple un article de blog renvoie vers un autre article de blog quelque part sur le web), le web des données ouvertes permet aux bases de données de faire des liens entre elles. Cela permet par exemple à des bibliothèques nationales de publier des données bibliographiques que l’on peut recouper : « Je connais cette auteure avec tel identifiant unique dans ma base. Je sais aussi qu’une autre base de données lui a donné cet autre identifiant unique ; vous pouvez donc aller voir là-bas s’ils en savent plus ». Beaucoup d’institutions s’occupent de créer ces liens, mais la particularité de Wikidata, c’est que, tout comme Wikipédia, tout le monde peut participer, discuter, commenter ce travail de production de données et de mise en relation.

L’éditeur de données, très facile d’utilisation, permet le partage vers wikidata.

Est-ce qu’il serait envisageable d’établir un lien vers la base de données de https://www.recyclivre.com/ quand l’ouvrage recherché ne figure dans aucun « inventaire » de participant⋅es ?
Ça pose au moins deux problèmes :

  • Ce service et d’autres qui peuvent être sympathiques, telles que les plateformes mutualisées de librairies indépendantes (leslibraires.fr, placedeslibraires.fr, librairiesindependantes.com, etc.), ne semblent pas intéressés par l’inter-connexion avec le reste du web, construisant leurs URL avec des identifiants à eux (seul le site librairiesindependantes.com semble permettre de construire une URL avec un ISBN, ex : https://www.librairiesindependantes.com/product/9782253260592/) et il n’existe aucune API publique pour interroger leurs bases de données : il est donc impossible, par exemple, d’afficher l’état des stocks de ces différents services.
  • D’autre part, recyclivre est une entreprise à but lucratif (SAS), sans qu’on leur connaisse un intérêt pour les communs (code et base de données propriétaires). Alors certes ça cartonne, c’est efficace, tout ça, mais ce n’est pas notre priorité : on aimerait être mieux connecté avec celleux qui, dans le monde du livre, veulent participer aux communs : les bibliothèques nationales, les projets libres comme OpenLibrary, lib.reviews, Bookwyrm, Readlebee, etc.

Cependant la question de la connexion avec des organisations à but lucratif pose un vrai problème : l’objectif de l’association Inventaire — cartographier les ressources où qu’elles soient — implique à un moment de faire des liens vers des organisations à but lucratif. En suivant l’esprit libriste, il n’y a aucune raison de refuser a priori l’intégration de ces liens, les développeuses de logiciels libres n’étant pas censé contraindre les comportements des utilisatrices ; mais ça pique un peu de travailler gratuitement, sans contrepartie pour les communs.

En quoi inventaire.io participe à un mouvement plus large qui est celui des communs de la connaissance ?
Inventaire, dans son rôle d’annuaire des ressources disponibles, essaye de valoriser les communs de la connaissance, en mettant des liens vers les articles Wikipédia, vers les œuvres dans le domaine public disponibles en format numérique sur des sites comme Wikisource, Gutenberg ou Internet Archive. En réutilisant les données de Wikidata, Inventaire contribue également à valoriser ce commun de la connaissance et à donner à chacun une bonne raison de l’enrichir.

Une interface simple pour ajouter un livre à son inventaire

Inventaire est aussi un commun en soi : le code est sous licence AGPL, les données bibliographiques sous licence CC0. L’organisation légale en association vise à ouvrir la gouvernance de ce commun à ses contributeur⋅ices. Le statut associatif garantit par ailleurs qu’il ne sera pas possible de transférer les droits sur ce commun à autre chose qu’une association poursuivant les mêmes objectifs.

Si je suis une organisation ou un particulier qui héberge des services en ligne, est-ce que je peux installer ma propre instance d’inventaire.io ?
C’est possible, mais déconseillé en l’état. Notamment car les bases de données bibliographiques de ces différentes instances ne seraient pas synchronisées, ce qui multiplie par autant le travail nécessaire à l’amélioration des données. Comme il n’y a pas encore de mécanisme de fédération des inventaires, les comptes de votre instance seraient donc isolés. Sur ces différents sujets, voir cette discussion : https://github.com/inventaire/inventaire/issues/187 (en anglais).

Cela dit, si vous ne souhaitez pas vous connecter à inventaire.io, pour quelque raison que ce soit, et malgré les mises en garde ci-dessus, vous pouvez vous rendre sur https://github.com/inventaire/inventaire-deploy/ pour déployer votre propre instance « infédérable ». On va travailler sur le sujet dans les mois à venir pour tendre vers plus de décentralisation.

A l’heure où il est de plus en plus urgent de décentraliser le web, envisagez-vous qu’à terme, il sera possible d’installer plusieurs instances d’inventaire.io et de les connecter les unes aux autres ?
Pour la partie réseau social d’inventaires, une décentralisation devrait être possible, même si cela pose des questions auquel le protocole ActivityPub ne semble pas proposer de solution. Ensuite, pour la partie base de données contributives, c’est un peu comme si on devait maintenir plusieurs instances d’OpenStreetMap en parallèle. C’est difficile et il semble préférable de garder cette partie centralisée, mais puisqu’il existe plein de services bibliographiques différents, il va bien falloir s’interconnecter un jour.

Vous savez sûrement que les Chevaliers Blancs du Web Libre sont à cran et vont vous le claironner : vous restez vraiment sur GitHub pour votre dépôt de code https://github.com/inventaire ou bien… ?
La pureté militante n’a jamais été notre modèle. Ce compte date de 2014, à l’époque Github avait peu d’alternatives… Cela étant, il est certain que nous ne resterons pas éternellement chez Microsoft, ni chez Transifex ou Trello, mais les solutions auto-hébergées c’est du boulot, et celles hébergées par d’autres peuvent se révéler instables.

Si on veut contribuer à Inventaire.io, on fait ça où ? Quels sont les différentes manière d’y contribuer ?
Il y a plein de manières de venir contribuer, et pas que sur du code, loin de là : on peut améliorer la donnée sur les livres, la traduction, la documentation et plus généralement venir boire des coups et discuter avec nous de la suite ! Rendez-vous sur https://wiki.inventaire.io/wiki/How_to_contribute/fr.

Est-ce que vous avez déjà eu vent d’outils tiers qui utilisent l’API ? Si oui, vous pouvez donner des noms ? À quoi servent-ils ?
Readlebee et Bookwyrm sont des projets libres d’alternatives à GoodReads. Le premier tape régulièrement dans les données bibliographiques d’Inventaire. Le second vient de mettre en place un connecteur pour chercher de la donnée chez nous. A noter : cela apporte une complémentarité puisque ces deux services sont orientés vers les critiques de livres, ce qui reste très limité sur Inventaire.

Et comme toujours, sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !
Inventaire est une app faite pour utiliser moins d’applications, pour passer du temps à lire des livres, papier ou non, et partager les dernières trouvailles. Pas de capture d’attention ici, si vous venez deux fois par an pour chiner des bouquins, ça nous va très bien ! Notre contributopie c’est un monde où l’information sur la disponibilité des objets qui nous entoure nous affranchit d’une logique de marché généralisée. Un monde où tout le monde peut contribuer à casser les monopoles de l’information sur les ressources que sont les géants du web et de la distribution. Pouvoir voir ce qui est disponible dans un endroit donné, sans pour autant dépendre ni d’un système cybernétique central, ni d’un marché obscur où les entreprises qui payent sont dorlotées par un algorithme de recommandations.

Merci beaucoup Maxlath et Jums pour ces explications et on souhaite longue vie à Inventaire. Et si vous aussi vous souhaitez mettre en commun votre bibliothèque, n’hésitez pas !




J’enseigne, je code et je partage : une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses

J’enseigne, je code et je partage est une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses réalisée par Hervé Baronnet (enseignant) et Jean-Marc Adolphe (journaliste culture et humanités) pour l’association Faire École Ensemble. Déjà 3 de ces portraits-entretiens ont été publiés et on s’est dit que ça pourrait être chouette d’en savoir un peu plus sur cette initiative. Alors, on a demandé aux interviewers s’ils acceptaient d’être interviewés à leur tour.

Bonjour Hervé et Jean-Marc ! Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour,
Hervé Baronnet, je suis enseignant en maternelle depuis 25 ans, toujours en zone d’éducation prioritaire. Utilisateurs des TICE, notamment de logiciels éducatifs libres mais pas exclusivement. J’ai contribué au projet AbulÉdu en tant que bêta-testeur et auteur de documentations pédagogiques. Je suis actuellement membre du conseil collégial de FÉE.

Bonjour,
Jean-Marc Adolphe, journaliste et conseiller artistique, ex-militant FCPE. Je m’intéresse depuis longtemps à l’éducation aux médias, à mes yeux insuffisamment enseignée à l’école. Et en tant que citoyen, l’école m’engage. La question des « biens communs numériques » me semble essentielle dans tout ce qui ressort du service public, particulièrement au sein de l’Éducation nationale.

Vous êtes tous les deux adhérents de l’association Faire École Ensemble. C’est quoi cette asso ?

L’association Faire École Ensemble est une association collégiale qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative tout au long de la pandémie. Fée engage des projets collaboratifs en s’appuyant sur 3 spécificités : la convivialité, la documentation et le recours par défaut aux licences ouvertes.

Concrètement, à l’annonce de la fermeture des écoles et de la mise en place généralisée de l’enseignement à distance en mars 2020, nous avons mobilisé 1000 citoyennes et citoyens pour aider les professeurs peu à l’aise avec le numérique. S’en sont suivies d’autres actions autour de la réouverture progressive des écoles avec un protocole sanitaire drastique, les possibilités de faire école à l’extérieur, la préparation d’une rentrée apaisée en passant une nuit à l’école et une action réflexive sur la place du numérique dans l’enseignement (recherche-action ; états généraux du numérique libre et des communs pédagogiques).

Ce que nous faisons avec Faire École Ensemble relève d’une configuration tiers-lieux telle que définie par Antoine Burret (« le tiers-lieu peut-être défini conceptuellement comme : une configuration sociale où la rencontre entre des entités individuées engage intentionnellement à la conception de représentations communes »). Nos projets réunissent des communautés de personnes diverses (parents, profs, designers, chercheurs, élèves, architectes, juristes, militants associatifs, artistes…) autour d’une intention commune (réaménager sa classe, organiser une nuit à l’école, penser la pédagogique en période de crise…). Nous documentons les conversations (formelles et informelles) pour faire émerger un patrimoine informationnel commun, nous prenons soin des liens entre les personnes, sommes garants de la convivialité et accompagnons celles et ceux qui le souhaitent dans le passage à l’action (nous ne faisons pas à leur place).

J’ai cru comprendre que FÉE souhaitait développer une communauté d’enseignant⋅es développeur·euses en informatique. Quel est l’objectif ? Ça s’organise où et comment ? Quelles sont les modalités pour y participer ?

La création de la communauté d’enseignant⋅es développeur·euses s’inscrit dans le cadre du programme sur le libre et les communs dans l’éducation. Cette action fait suite aux États Généraux du Numérique Libre et des Communs Pédagogiques et vise à réunir les enseignant⋅es développeur·euses en communauté pour penser/agir en faveur d’un numérique éducatif plus coopératif et plus éthique.

C’est une communauté ouverte pour :

  • Comprendre quelles sont les spécificités des enseignant⋅es développeur·euses et favoriser leur mise en visibilité
  • Promouvoir leurs projets de développement
  • Faciliter les contributions et favoriser l’entraide

La communauté s’organise autour d’une catégorie sur le forum de FÉE où l’inscription est libre, et d’une page sur le wiki de FÉE.

Des webinaires « le logiciel libre par des acteurs de l’éducation pour l’éducation » dans le cadre du cycle sur le libre et les communs sont proposés régulièrement. Les enseignant⋅es développeur·euses sont invité⋅es à y participer.

Il est important de souligner que les « enseignant⋅es développeur·euses » ne sont pas nécessairement des spécialistes en informatique. Ce sont avant tout des enseignant⋅es, soucieu⋅ses de trouver des ressources pédagogiques et « techniques » adaptées à leurs élèves.

Dans ce cadre, vous vous êtes lancés dans une série d’interviews d’enseignant⋅es développeur·euses. Quel est l’objectif de ces interviews ?

Le premier objectif de cette série d’entretiens-portraits est de faire connaître l’existence de ces personnes, de les valoriser elleux ainsi que les projets sur lesquels ielles travaillent. Ensuite, un portrait type présentant leurs spécificités va pouvoir naître en croisant les réponses.

Carte heuristique pour mettre en évidence les spécificités des enseignant⋅es développeur·euses.

Il s’agit de faire savoir à d’autres enseignant⋅es développeur·euses qu’ielles ne sont pas seul⋅es. À plus long terme, il s’agit de faire prendre conscience de la valeur de ces acteur⋅ices et de lister les freins et les besoins pour aboutir à un soutien institutionnel.

Sur quels critères sélectionnez-vous les enseignant⋅es développeur·euses pour votre série de portraits ?

Nous avons sollicité dans un premier temps des enseignant⋅es qui s’étaient inscrit⋅es sur le forum de FÉE. Puis nous avons réalisé des portraits de personnes au profil plus étendu, avec la double casquette enseignant et développeur au sens large. Le fait de développer ou de contribuer à des logiciels libres est privilégié dans le choix des entretiens.

#ModeTroll : il y a à ce jour 3 entretiens sur le blog et uniquement des hommes. C’est volontaire de ne pas valoriser la gent féminine ?

Il y en a 3 et bientôt 6, tous des hommes, en effet ! FÉE n’y est pour rien (le conseil collégial de l’association devrait être bientôt à parité hommes / femmes). Il se trouve que seuls des enseignants-hommes se sont manifestés à ce jour. Mais nous profitons de cet entretien pour lancer un appel à des enseignantes-développeuses afin qu’elles participent à cette série d’entretiens et qu’elles puissent rejoindre la communauté qui est en train de se former.

Quelle est la place du logiciel libre dans les pratiques des enseignant⋅es développeur·euses ?

La place du logiciel libre est centrale, car la priorité a été donnée aux enseignant⋅es développeur·euses libristes, cette action étant dans la continuité des États Généraux du Numérique Libre organisés par FÉE.

Des développeur·euses qui utilisent des outils non libres ou développant des applications gratuites propriétaires pourront aussi être sollicité⋅es pour mieux définir ce qui les empêche de basculer vers le libre.

Et comme toujours, sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !

À partir de ces entretiens des caractéristiques communes aux enseignant⋅es développeur·euses peuvent être extraites.

Parmi les points positifs :
+ la motivation à aider les élèves
+ l’éthique comme moteur
+ la valeur ajoutée de leur projet en tant qu’outil métier

Parmi les aspects négatifs :
– le temps, la non-reconnaissance du travail
– le code « amateur » peu ou pas documenté
– l’aspect chronophage des questions des utilisateur⋅ices qui augmente avec le succès des logiciels

Notre contributopie serait de limiter ces freins par l’impulsion de solutions :

  • Que les institutions qui emploient ces enseignant⋅es développeur·euses reconnaissent l’intérêt de leur travail et leur permettent d’y consacrer du temps. Les enseignant⋅es ne veulent pas devenir développeur·euses à temps plein, le côté passion est leur moteur et les expériences de « professionnalisation » ont été des échecs.
  • Que la communauté du libre les aide pour améliorer le code sous forme, par exemple, de formations menées par des développeur·euses professionnel⋅les.
  • La mise en place d’une communauté d’usage permettant de répondre aux questions des utilisateur⋅ices et de créer de la documentation pédagogique.

Merci beaucoup pour vos précisions Hervé et Jean-Marc. Et on espère que de nombreu⋅ses enseignant⋅es et libristes rejoindront votre communauté.




Libres bulles pour que décollent les contributions

Comme beaucoup d’associations libristes, nous recevons fréquemment ce genre de demandes « je vous suis depuis longtemps et je voudrais contribuer un peu au Libre, comment commencer ? »

Pour y répondre, ce qui n’est pas toujours facile, une dynamique équipe s’est constituée avec le soutien de Framasoft et a fondé le projet Contribulle qui propose déjà d’aiguiller chacun⋅e vers des contributions à sa mesure. Pour comprendre comment ça marche et quel intérêt vous avez à les rejoindre, nous leur avons posé des questions…

« Bulles de savon » par Daniel_Hache, licence CC BY-ND 2.0

Bonjour la team Contribulle ! On vous a rencontré⋅e⋅s sur l’archipel de Contributopia, mais pouvez-vous vous présenter, nous dire de quels horizons vous venez ?

– Hello, je suis llaq (ou lelibreauquotidien), je suis dans le logiciel libre depuis quelques années depuis qu’un ami m’a offert un PC sous Linux (bon, quand j’étais sous Windows, j’utilisais déjà des logiciels libres mais c’était pas un argument rédhibitoire).

— Yo ! Oui on se baladait dans le coin, l’horizon qui se présentait à nous paraissait bien prometteur ! Je suis Mélanie mais vous pouvez m’appeler méli, j’ai bientôt 25 ans  et je viens du monde du design UX et UI. En explorant le numérique, j’ai pas mal gravité autour du Libre et mon mémoire de master de l’année dernière m’a bien fait plonger dans ce sujet super passionnant ! Fun fact : je me demandais comment rendre le logiciel libre plus ouvert (!), pour mieux accueillir une diversité de contributions et il faut dire que votre campagne Contributopia m’a pas mal guidée héhé. Le projet Contribulle a en partie émergé à cette période-là et je suis contente de le poursuivre, toujours en tant que designeuse UX/UI !

– Hello ! Je suis Maiwann, membre de Framasoft… une petite asso que vous connaissez peut-être ? Et je suis designer.

Laissez-moi deviner : Contribulle, c’est un dispositif pour enfermer les contributeurs et contributrices d’un projet dans une bulle et alors quand ça monte ça éclate et le projet explose ? Non, c’est pas ça ?

llaq : C’est presque ça. Contribulle est une plateforme qui permet de mettre en relation des projets aux besoins assez spécifiques avec des contributeur·rice·s intéressé·e·s, qu’iels soient dans le domaine technique ou non. Un des buts du site est d’ailleurs de permettre aux non-techniques de contribuer à des projets libres et surtout de démontrer que la contribution, c’est pas seulement pour les codeur·se·s.

méli : Haha, ce nom a été voté par jugement majoritaire ! Perso, j’imagine une bulle qui est amenée à grossir grâce aux contributions des personnes et qui sera tellement géante qu’il sera impossible de la rater. Et peut-être qu’elle pourrait attirer d’autres contributions !

Maiwann : … Et moi j’imagine plein de petites bulles comme un nuage de bulles de savon quand on souffle dans le petit cercle ! Et elles s’envolent… loin… loiiiiiin ! Jusqu’à ce qu’on en fasse une nouvelle fournée 🙂

« Bubbles » by bogenfreund, licence CC BY-SA 2.0

Ah mais c’est tout neuf cette plateforme ? Comment est venue l’idée de proposer ça ? Et d’ailleurs ça paraît tellement utile qu’on se demande pourquoi ça n’existait pas avant.

méli : Pendant mon mémoire, j’avais retenu qu’il était compliqué de s’y retrouver parmi tous les projets libres créés et qu’il était encore plus difficile de savoir où et comment contribuer au Libre, surtout en tant que non-développeur·se. J’avais donc rapidement imaginé un site qui recenserait des projets libres à la recherche de compétences et qui permettrait d’attirer des contributeur·rice·s de tous horizons. Je ne savais pas s’il existait déjà une plateforme de ce type dans laquelle je pourrais m’inscrire.
Quelques déambulations plus tard, je suis tombée sur la restitution du fameux événement coorganisé par Framasoft et la Quadrature du Net « Fabulous Contribution Camp » de novembre 2017. J’y ai trouvé une idée similaire au site que j’imaginais et je contacte donc Maiwann pour avoir des nouvelles sur l’évolution de ce projet. On s’appelle en janvier 2020 (merci BigBlueButton) et il s’avère que rien n’avait été mis en place et qu’il manquait un tremplin pour lancer le projet. C’est donc à partir de là que ça a décollé. Si la suite intéresse : J’ai ensuite réalisé une maquette de la plateforme, qui avait pour nom de code « Meetic du Libre ». J’ai pu la présenter au cours d’un Confinatelier en juin 2020 avec Maiwann. On avait pour objectifs de valider la pertinence du projet et ensuite de mobiliser des personnes qui souhaiteraient bien y contribuer. Les retours nous ont rassuré⋅e⋅s et on a pu monter un groupe de travail rapidement.

Cependant, avec l’été qui se profilait, le site était juste débutant jusqu’à ce que Maiwann nous relance fin octobre. Depuis novembre, l’équipe est un peu plus réduite : on est 2 designeuses, 1 développeur front et 1 développeur back et on s’organise des rendez-vous hebdomadaires pour avancer. Des personnes nous ont aussi aidé⋅e⋅s ponctuellement, que ce soit aux niveaux code, graphisme et design, on leur en est super reconnaissant·e·s ! Grâce aux efforts et la bonne humeur de tou·te·s les contributeur·rices, on a pu mettre en ligne Contribulle en février 2021, une grande fierté !

Est-ce qu’il faut s’inscrire avec ses coordonnées et tout ?

llaq : Pour les personnes qui créent une demande de contribution, il n’est pas nécessaire de créer de compte. Il faut simplement renseigner une adresse email valide et un pseudo pour que les contributeur·rice·s qui le souhaitent puissent contacter la personne qui a créé l’annonce.

Maiwann : On a fait en sorte d’être le plus minimalistes possibles dans le nombre d’infos demandées. Du coup, exit la création de compte pour ne pas se farcir un énième identifiant-mot-de-passe ! En revanche, on demande un moyen de contact aux personnes qui recherchent des contributeurices, pour être sûres qu’elles vont pouvoir s’adresser à un humain !

Combien ça coûte ?

llaq : Rien. Plus sérieusement, dans le projet, nous sommes tou·te·s bénévoles et les ressources techniques servant à l’hébergement de contribulle.org nous ont gracieusement été offertes par notre partenaire Framasoft, donc aucun frais pour nous, aucune raison de faire payer la plateforme donc 🙂

méli : Dans la perspective de mettre en avant des projets qui participent à l’émancipation individuelle et collective des individus et qui sont bien évidemment respectueux de nos libertés, on ne souhaite pas faire payer pour poster une annonce. On veut inviter le plus grand nombre à mettre la main à la pâte donc on préfère éviter de poser des contraintes financières dès le départ !

Maiwann : Ça a coûté du temps et de l’énergie à des gens compétents de se retrouver, de décider d’une direction pour le projet, de faire des choix, de les maquetter / coder, + les frais d’hébergement. Et ça va coûter de l’énergie dans le futur pour faire vivre Contribulle, donc si vous en parlez le plus possible autour de vous, ça nous aidera beaucoup et ça contribuera à faire vivre Contribulle !

Si j’ai un projet génial mais que je ne sais rien faire du tout, je peux juste vous donner mon idée géniale et vous allez vous en charger et tout faire pour moi ?

méli : Mmmh Contribulle n’est pas un service de travail gratuit… mais c’est chouette si tu as une bonne idée de projet, si tu sens qu’elle a du potentiel et qu’elle est valide…

  • À quel(s) besoin(s) répond-elle ?
  • Quelle est sa valeur ajoutée pour les futur·e·s utilisateur·rices ?

…tu peux lister précisément les compétences requises. Contribulle a vocation de faciliter la compréhension de contributions auprès des personnes qui veulent aider. C’est pour ça qu’il nous semble nécessaire dans le formulaire de demande de contribution de bien présenter le projet et de donner plus d’indications sur la contribution souhaitée. Un projet se doit d’être sérieux et conscient du temps et de l’effort qu’un·e contributeur·rice y consacrera.

logo du projet Contribulle : poignée de main sur fond de rond rouge
logo du projet Contribulle

Un point qu’il est important de mentionner est l’accueil des contributeur·rice·s au sein d’un projet. Il ne faut pas prendre l’aide d’une personne externe comme acquise et surtout la surexploiter parce que (friendly reminder) : on a nos vies et nos priorités à gérer.

Un projet doit mettre en place un dispositif pour faciliter l’accès à la contribution, que ce soit une page dédiée, une conversation épistolaire, le format est libre et à adapter selon les parties prenantes !
Attention cependant aux renvois directs vers les forges logicielles comme GitHub ou GitLab qui ne sont pas si accessibles pour les non-techniques. Peut-être qu’un tutorat personnalisé peut s’envisager ?

Bref, soyons plus à l’écoute des contributeur·rice·s ! Et pour les contributeur·rice·s : écoutez-vous et n’hésitez pas à dire quand un truc vous gêne, la communication fait tout.

Comment je vais savoir que d’autres sont intéressée⋅es par mon projet ou que ma contribution intéresse d’autres ?

llaq : On n’a pas de messagerie intégrée, tout se fait par le mail que vous avez indiqué dans votre annonce.
Maiwann : comme ça, pas besoin de revenir sur la plateforme, ouf ! Vous postez et c’est réglé !

Attention c’est le moment trollifère : les projets sur lesquels on peut contribuer c’est du libre ou open source ou bien osef ?

llaq : Nous comptons justement implémenter un bandeau qui s’affichera si le projet est libre ou pas (c’est-à-dire bénéficiant d’une licence libre) ! Mais sa place sur Contribulle va dépendre de l’équipe de modération composée de 4 personnes pour l’instant.

méli : La valeur (politique) des projets publiés sera prise en compte. Parmi les questions à se poser : pour qui est le projet ? Participe-t-il au bien collectif ? Comment permettrait-il à tou·te·s les utilisateur·rices de disposer de leurs appareils ainsi que de leurs données personnelles ?

Maiwann : On voudrait que tous les projets soient sous licence libre, mais on est aussi conscient·es que tout le monde n’est pas forcément au clair sur l’intérêt que ça peut avoir, l’importance… donc on se dit qu’on poussera les personnes à s’y intéresser à l’aide du bandeau, mais sans les disqualifier forcément d’entrée (et on verra ça au cas par cas !)

C’est évalué comment et par qui, le « sérieux » ou la pertinence des projets et contributions ? Chacun⋅e s’autonomise et hop ?

llaq : Nous avons décidé de faire de la modération à posteriori. Ton annonce est directement publiée et visible par tout le monde mais si l’équipe de modération estime que le projet n’a pas sa place sur Contribulle, il sera supprimé de la plateforme.
Maiwann : et si c’est trop relou, on passera à de la modération a priori ! Et pour faire des choix, ça sera sans doute au doigt mouillé, au « comment chacune le sent » et puis on verra sur le tas comment se structure l’équipe de modération ! Pour l’instant, RAS 🙂

« bubbles » par Mycatkins, licence CC BY 2.0

Et donc si je veux contribuller au projet, je peux faire quoi ?

méli : Pour l’instant, nous faire des retours sur vos usages de Contribulle et la promouvoir autour de vous seraient de belles contributions ! On souhaite l’améliorer au mieux selon les besoins ressentis de chacun·e.
La question de rétribution n’a pas encore été abordée mais selon l’évolution de la plateforme et des ressources mobilisées, des formes sont à réfléchir je pense. Qu’il s’agisse de don financier, d’un retour d’utilisateur·rice, ou autre.

Maiwann : Je pense que ce qui va être primordial ça va être de faire vivre Contribulle. Quelqu’un dit qu’il voudrait aider le Libre ? glissez lui un mot sur Contribulle. Quelqu’un vient à un contrib’atelier ? N’oubliez pas de parler de Contribulle. Comme ça le projet vivra grâce aux visites des contributeurices !

Ah mais il y a déjà un paquet de demandes, ça fait un peu peur, je vois bien que je ne vais servir à rien pour tous ces trucs de techies ! Au secours ! (Pour l’instant dans l’équipe c’est orienté web développement non) ?

méli : c’est 50/50 moitié dev et moitié design/conception. Oui, on a dépassé les 20 annonces depuis sa mise en ligne il y a un mois, c’est trop bien ! Et on cherche vraiment à mettre en avant des contributions non-techniques parce que tu es super utile justement ! Prochainement tu pourras filtrer les annonces selon tes propres savoir-faire, en espérant qu’il y aura des demandes à ce niveau-là. En attendant, on te propose des contributions faciles. Tu seras renvoyé·e vers des sites sélectionnés par nos soins et auxquelles tu peux directement contribuer. Bonne contribution !

Maiwann : C’est tout à fait ça, grâce aux filtres tu vas pouvoir plus facilement mettre de côté les choses qui font peur !
Et si je regarde, il y a déjà quelques projets qui sont chouettes et que tu peux aider sans compétences techniques, par exemple :

* si tu t’intéresses aux réseaux sociaux alternatifs mais que ça te fait peur : https://contribulle.org/projects/2
* si tu sais réaliser un logo : https://contribulle.org/projects/8
* si tu aimes faire de la relecture / rédiger des contenus : https://contribulle.org/projects/9
* si tu aimes faire de la traduction : https://contribulle.org/projects/20
* si tu aimes les jeux de société : https://contribulle.org/projects/29

Pour la suite, c’est à vous de jouer !

et voici les liens utiles :




Hadopi dans le formol

Gee et la Hadopi, c’est une histoire d’amour vieille comme le Framablog (ou presque…).

Mais comme la haute autorité n’a toujours pas atterri dans la poubelle de l’histoire à laquelle elle est pourtant destinée, et enfonce encore une fois le clou avec une nouvelle campagne de pub, notre dessinateur remet le couvert également…

Hadopi dans le formol

Cela fait déjà 11 ans que la Hadopi suce de la finance publique, avec un budget de plus 82 millions d’euros depuis sa création (pour 87 000 € d’amendes émises).

Un politicien, pas perturbé : « L'important, ce ne sont pas les amendes mais le fait que les comportements aient changé. On pirate beaucoup moins qu'il y a 10 ans. » Gee, blasé : « Oui, et ça n'a bien sûr rien à voir avec l'apparition d'offres légales bien foutues comme Spotify ou Netflix…  Non non, Hadopi a sauvé l'industrie audiovisuelle MONDIALE.  Cacarico. » Le smiley rigole : « L'Hadopi a aussi vachement aidé les entreprises de VPN en leur créant un marché énorme. »

Récemment, la sangsue a publié une nouvelle campagne de communication tonitruante, #TesImpôts, qui reste dans la grande tradition de la haute autorité d’être toujours à côté de la plaque (ou en retard de 15 ans).

Une affiche Hadopi dit : « Devant un film piraté, le pop-corn sera toujours de meilleure qualité que le film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek commente : « Mais ils sont au courant qu'en général, les films piratés le sont en rippant des Blu-ray, et que c'est souvent très bien fait ?  Enfin j'sais pas, c'est un copain qui m'a dit, j'fais pas ça moi… » La Geekette rigole : « Cette campagne vous est offerte par Jean-Claude Boomer, pour qui le piratage de films, c'est un caméscope dans une salle de ciné et des CD-R gravés… »

Une autre affiche : « À Noël, le Père Noël passe par la cheminée et le cheval de Troie passe par la série piratée. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek rigole : « Ah non pardon, en fait le type va sur des sites de streaming merdissimaux, d'où la qualité et les malwares… » La Geekette répond : « Ouais, pi en termes de sécurité informatique, on pourrait reparler des différents piratages de Netflix, Spotify ou Hulu au cours desquels des milliers d'infos de clientes et clients se sont retrouvées dans la nature… »

Une autre affiche : « Dans un thriller piraté, on ne découvre jamais qui est l'assassin. Parce qu'il manque la moitié du film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, souriant, la larme à l'œil, plein de nostalgie : « Aaah ouais, les MP3 coupés avant le dernier refrain parce que le téléchargement avait stoppé avant la fin, quelle époque…  Sacré Napster, j'me souviens… » La Geekette répond : « C'est nostalgique en fait, ces campagnes qui ciblent des problèmes que les ados d'aujourd'hui n'ont même pas connus. »

Une autre affiche : « Dans un blockbuster piraté, le justicier est toujours masqué. Surtout par la publicité intrusive. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek est mort de dire : « Haha, l'hôpital qui se fout de la charité !  C'est bien le même ministère qui voulait faire passer une loi sur la publicité ciblée à la télé ? » La Geekette rigole aussi : « Je sais pas.  La télé, j'ai arrêté depuis l'introduction de la seconde coupure pub pendant les films…  Films coupés parfois au milieu d'un dialogue… » Le Geek renchérit : « Moi j'ai jamais commencé les Blu-ray, les DVD m'avaient déjà dégoûté des bandes-annonces et messages anti-piratage inzappables au début du disque… »

Une autre affiche : « Dans les sous-titres d'une série piratée, “Blue Monday” serait traduit par “Mardi jaune”. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, assez blasé : « Alors je reconnais que les sous-titres amateurs, y'a à boire et à manger dedans. Mais pardon, les sous-titres régulièrement minables sur Netflix qui sous-traite et sous-paie ses traductions en rémunérant à la minute de film au lieu de la minute de travail…  on en parle ? » La Geekette : « Ouais pi cette accroche moisie quoi… même la plus bourrée des sous-titreuses ne traduira jamais “Blue Monday” par “Mardi jaune”. N'est pas Maurice Chevalier qui veut.  #SousMarinVert » Le smiley commente : « Et se foutre de la gueule des traductions quand on n'est pas foutu d'utiliser des guillemets français… »

Une autre affiche : « À Noël, ce qui est encore plus moche à voir que les pulls moches, ce sont les séries piratées. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek : « On sent quand même l'inspiration qui faiblit, là… » La Geekette : « Ouais, ils avaient hésité avec “ce qui est encore plus moche que les pulls moches, c'est les séries moches”, mais ça faisait 3 fois “moche”.  Cette obstination à vouloir faire “cool” avec des références branchouilles tout en se viandant systématiquement, c'est presque poétique. »

Voilà, Hadopi a 11 ans et comme le dit la chanson, le temps ne fait rien à l’affaire…

Car en matière de nostalgie, je me permets de vous rappeler cette première campagne de pub d’Hadopi, datant de 2011 et présentant Emma Leprince, une chanteuse de grosse soupe insipide « néo-électro » dans le futur…

… mais qui est, en 2011, une gamine qui se prend pour Shakira dans sa chambre.

Le Geek et la Geekette regardent la vidéo sur l'ordinateur. On entend le son : « Mais sans Hadopi, Emma Leprince ne pourra pas sortir ce single dans le futur. La création de demain se défend aujourd'hui.  Adoptez le label PUR. » Le Geek, stupéfait : « Aaaah ouais, le label PUR ! J'me souviens de cette connerie aussi !  C'est devenu quoi, ça, déjà ? » La Geekette : « Enterré en 2013 après avoir labellisé à peu près peau-d'zob. » Le Geek : « Dur. » La Geekette : « Non, PUR. »

Pour finir, notons que dans cette fameuse pub, Emma Leprince est présentée révélation française de l’année…

2022.

Le Geek conclut : « Bon bah on y arrive, à la création de demain. Pas sûr qu'Hadopi ait aidé beaucoup d'Emma Leprince… L'offre légale s'est faite sans elle et les artistes en récoltent, comme d'hab', les miettes.  Tant pis pour la licence globale. » La Geekette, turbo-blasée : « Tu veux dire que la création d'aujourd'hui ne profite pas des gesticulations politiques débiles d'hier ?  Quelle surprise. »

Et puisqu’Emma Leprince n’a pas l’air partie pour être révélation de l’année 2022, je propose qu’on dissolve la Hadopi qui a visiblement failli à sa mission divine.

Bisous, et merci pour que dalle.

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 26 janvier 2021 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




CaptainFact, un service collaboratif de vérification des faits (fact-checking)

La vérification par les faits (fact-checking en anglais) est une pratique journalistique qui a toujours existé. Cependant, l’augmentation massive de la quantité d’informations à disposition des citoyen⋅nes (via les chaînes d’informations en continu, les médias en ligne, les réseaux sociaux, etc.) pose la nécessité de vérifier dans quelle mesure ces informations sont conformes aux faits auxquels elles se réfèrent. C’est pourquoi de nombreux services de fact-checking ont vu le jour ces dernières années, souvent portés par des médias traditionnels.

Il y a déjà quelque temps, on avait entendu parler de CaptainFact, un service collaboratif de vérification des faits, et certain⋅es parmi nous avaient installé l’extension dans leur navigateur. Parce qu’on souhaitait en savoir plus sur leur service, on leur a proposé de répondre à quelques questions.

 

Alors, c’est quoi exactement CaptainFact ?

CaptainFact c’est une plateforme collaborative et open source de vérification des faits. Aujourd’hui elle permet de vérifier les vidéos Youtube et Facebook, en direct ou a posteriori. Demain nous espérons pouvoir vérifier tous types de contenus, comme des articles et d’autres pages web. Le but est de contrer la désinformation et les fake news, au profit de plus d’esprit critique et d’une meilleure qualité de l’information !

présentation de CaptainFact.io en vidéo

C’est pour qui ?

L’outil est intuitif et peut être utilisé par tout le monde. Il s’adresse néanmoins particulièrement :

  • aux spectateurs de Youtube et aux Youtubers vigilants qui souhaitent voir des vérifications sourcées dans leurs vidéos ;
  • aux esprits critiques qui souhaitent s’atteler à la vérification et à la diffusion des faits et des sources, pour lutter contre la désinformation ;
  • aux organisateurs de débats diffusés en vidéo et qui souhaitent mettre à disposition un outil pratique de fact-checking pour vérifier les arguments et la rhétorique des participants ;
  • aux porteurs de revendications, activistes ou militants qui souhaitent renforcer leurs arguments et leur crédibilité grâce à des vérifications collaboratives.

Qui est à l’origine de ce projet ?

Le projet est né de la réflexion de Benjamin Piouffle, développeur, à l’approche des présidentielles de 2017. Il faisait le constat qu’il n’y avait aucun outil permettant d’éclairer le débat politique, aucun moyen pour un votant de vérifier ce que les candidats affirmaient. De ce constat, Il a conçu une version bêta de CaptainFact, avec l’ambition de permettre la vérification de toutes sortes de sujets sur la base d’une vidéo. Puis il s’est entouré d’utilisateurs investis sur la plateforme. Certains sont devenus Ambassadeurs du projet, d’autres ont apporté leurs contributions intellectuelles et d’autres encore ont soutenu le projet par quelques dons.

conférence TEDx de Benjamin Piouffle : Pour mieux décider, reprenons en main l’information

Aujourd’hui, comment fonctionne concrètement CaptainFact ?

Sur CaptainFact, à la manière de ce qui se passe sur Wikipédia, les utilisateurs du site s’entraident pour vérifier des informations en trois étapes :
– la vidéo est ajoutée sur le site
– les informations à vérifier sont extraites de la vidéo
– la communauté confirme ou réfute les citations extraites avec des sources

Ensuite, les vérifications apparaissent à l’écran de tous les utilisateurs de l’extension navigateur de CaptainFact lorsqu’ils regardent une vidéo YouTube. Lorsqu’un contributeur source une information sur CaptainFact, tous les internautes qui consultent cette information voient aussi sa vérification grâce à l’extension navigateur.

Interface des échanges sur un contenu vidéo

C’est quoi cette histoire de points à collecter ? C’est pas un peu infantilisant ? Pis d’abord qui décide de les attribuer et pour quoi faire ? (j’ai rien compris, moi)

Il s’agit de points de réputation. Chaque contributeur obtient des points en fonction de sa participation sur la plateforme. Plus vous obtenez de points et plus vous obtenez de possibilités sur la plateforme. Cette approche permet de donner un certain « crédit » aux utilisateurs qui ont reçu des votes positifs pour la qualité de leurs contributions. Ces points étant pour la plupart obtenus par les votes de la communauté sur les contributions, cela permet aussi de nous prémunir contre les intentions malveillantes, car un utilisateur qui fait de mauvaises contributions sera rapidement sanctionné par la communauté.

Pourquoi la vérification collaborative serait-elle plus fiable que le fact-checking d’équipes dédiées ? Pourquoi devrais-je avoir plus confiance en CaptainFact qu’en d’autres fact-checkers ?

Edward Snowden décrit bien pourquoi le fact-checking mérite tant d’être effectué par tous les citoyens, plutôt que de se reposer seulement sur des groupes d’experts ou sur une autorité de confiance :

Le problème des fake news ne se résout pas par l’action d’une autorité, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous coopérons les uns avec les autres. En débattant et en échangeant nous pourrons isoler ce qui est faux et ce qui est vrai.

Des médias spécialisés dans le fact-checking comme CheckNews ou les Décodeurs sont importants, mais peuvent être sujets à des biais, à cause de leur ligne éditoriale, de la sélection de leurs sujets, leur manque d’exhaustivité, des conflits d’intérêt financier, etc. Aussi, ces initiatives laissent toujours les citoyens spectateurs, passifs et consommateurs de l’information.

Sur CaptainFact, tout le monde peut initier ou contribuer à une vérification. Sans prétendre pouvoir apporter une vérité absolue, le fact-checking collaboratif permet des vérifications tout aussi plurielles qu’il y a de contributeurs, d’opinions et d’horizons différents.

Dans votre manifeste vous vous dites « neutre ». Quelle est la neutralité vers laquelle vous tendez au juste ?

La neutralité sur CaptainFact consiste à ne pas prendre position autrement que par la vérification ou la contextualisation sourcée des informations. CaptainFact met à disposition un outil technique neutre, car il permet à tous de vérifier les informations de son choix, de manière démocratique, sans contraintes éditoriales.

Une grosse proportion des sources controversées sont politiques (au sens étroit ou au sens étendu). Comment rester « neutre » ?

Nos vies sont régies par la politique, au sens de l’organisation de la cité. Toutes les décisions prises sont d’ordre politique, il est donc important d’orienter les personnes sur la teneur des discours, afin de ne pas biaiser leurs choix politiques. Nous avons tous au sein de l’équipe nos idées et convictions, et le potentiel démocratique du projet lui donne une dimension politique, mais nous souhaitons fournir un outil qui permette à l’internaute de se forger sa propre opinion, sans l’influencer. Lorsqu’une vidéo est vérifiée sur CaptainFact, elle n’a pas pour but de tirer une conclusion définitive sur l’intervenant, mais bien de contextualiser ou mettre en évidence ce qui est juste, ce qui est faux, voire ce qui est invérifiable.

Vous ne craignez pas d’être euh… « noyautés » par des groupes d’influence de tous poils ? Comment vous pensez vous préserver de divers biais ?

Le risque existe, mais nous nous efforçons d’attirer différentes communautés pour maintenir une diversité des utilisateurs. Finalement, plus on attirera des groupes de tous bords, plus on aura une richesse des contributions. Et comme tous ces groupes seront soumis aux votes de la communauté des utilisateurs de CaptainFact comme n’importe quelle contribution, nous pensons que le pouvoir de l’intelligence collective saura nous préserver de biais liés à des groupes d’influence.

CaptainFact a fait le choix des logiciels libres pour son site web, mais continue à utiliser de nombreux services proposés par les géants du web (Discord, YouTube, Facebook), il reste encore du chemin à faire, non ?

Et pas qu’un peu ! L’idéal serait effectivement de se passer des géants du Web. Le problème à l’heure actuelle, c’est que ces plateformes sont les plus importantes à fournir du contenu. Pour pouvoir toucher le plus grand nombre d’internautes sur le travail réalisé sur CaptainFact, l’utilisation de ces plateformes nous parait indispensable, en attendant la bascule vers de nouveaux outils plus éthiques, plus respectueux des données privées et plus transparents.

Il faut également tenir compte de l’aspect technique, ajouter la possibilité de vérifier des vidéos sur PeerTube par exemple, nécessite du développement, mais nous manquons de temps et de ressource pour développer cette possibilité. Mais nous essayons de nous affranchir de ces géants étape par étape, par exemple nous utilisons Framapad pour écrire ce fabuleux article de manière fabuleusement collaborative ! Et le forum que nous avons mis en place il y a quelques mois utilise le logiciel Discourse.

Animation de la rédaction collaborative sur Framapad des réponses à cette interview

Quels sont vos projets à venir ?

Nous avons plein d’ambitions pour CaptainFact, mais nos priorités du moment sont de :

  • permettre la vérification de TOUTES les pages du web en collaboration avec DisMoi.io ;
  • permettre la vérification par sujet plutôt que seulement par vidéo pour éviter les doublons ;
  • créer une page dynamique qui liste les citations en cours de vérification ;
  • conclure plus de partenariats avec des créateurs de contenu ;
  • permettre le signalement des arguments fallacieux et autres vilains sophismes ;
  • organiser des ateliers fact-checking collaboratif avec différents publics pour améliorer l’esprit critique.

Et comme souvent sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !

Merci ! En fait on vous cache pas que comme beaucoup de projets libres, pour continuer d’évoluer, CaptainFact est en galère de dev ! Donc si vous connaissez un dev (ou si vous êtes un dev) qui veut à la fois lutter contre la désinformation et jouer avec de l’Elixir, du Phoenix et du React : contactez-nous !

Contact : https://captainfact.io/help/contact
GitHub : https://github.com/CaptainFact




Le Framablog audio est né : enfin quelques bonnes ondes pour faire vibrer la fin de l’année !

Écouter certains des articles de ce blog est désormais possible grâce aux contributions de Sualtam. A l’occasion de la publication de la chaîne Lectures du Framablog sur https://framatube.org/, on vous propose une petite interview de ce lecteur hors pair.

Antoine — aka Sualtam quand il lit — est prof de philo en lycée. Il a créé il y a quelques années le site http://lecture-audio.fr pour y publier ses lectures d’ouvrages classiques, une petite vingtaine à ce jour. Sous licence libre bien entendu.

25 œuvres lues sur http://lecture-audio.fr/

Certains membres de Framasoft avaient pris l’habitude d’écouter sa belle voix grave et envoûtante déclamer Platon, Aurèle, Montaigne, Kant, Nietzsche, Alain… Et puis, une fois n’est pas coutume, nous ne faisons pas preuve de la moindre retenue face aux géants de la pensée. On vous donne le sujet : « L’audace de la Boétie ou les facéties proutesques du framablog, faut-il choisir ? Vous avez quatre heures, aucun document ni appareil électronique n’est autorisé pendant l’épreuve. ».

En tous cas, se retrouver sur des étagères MP3 ou OGG à côté du Discours de la Servitude Volontaire ou du Gai savoir, ça nous allait bien. Alors on a demandé à Sualtam :
— Tu veux pas nous lire ?

Et il a dit :
— OK, je tente.

Et voilà, ça y est, Sualtam nous a lu.es. On aime BEAUCOUP le résultat et on le remercie ÉNORMÉMENT. On espère que vous aussi et que demain, si vous voulez, en voiture, en métro, à pied, en vélo, en faisant la cuisine ou le ménage, juste en restant assis dans un fauteuil, vous vous offrirez quelques minutes du Framablog audio. Mais avant cela, on vous invite à lire cette petite interview de Sualtam.

Bonjour Sualtam ! Est-ce que tu peux nous raconter un peu qui tu es ? Ton parcours, ce qui compose ta vie…
Bonjour, je suis prof de philo dans un lycée du côté de Poitiers. Je suis très content de cet état : j’ai une vie professionnelle riche en aventures diverses et j’espère que ça continuera. J’aime avoir du temps et je le perds volontiers dans des petites choses comme la lecture de livres audio ou l’observation du temps qui passe.

Est-ce que la lecture orale est quelque chose que tu fais depuis longtemps ? Vu la qualité de l’enregistrement, j’aurais tendance à penser que oui… mais qu’en est-il réellement ?
Quelques années en dilettante. J’aime les voix depuis longtemps, j’ai travaillé un peu la mienne en faisant du théâtre. D’un autre côté, je suis tombé sur un site internet qui proposait des livres-audio réalisés par des amateurs de manière bénévole. J’ai d’abord consommé puis j’ai eu envie de leur apporter ma contribution. J’ai fini par développer mon propre site pour proposer mon travail aux auditeurs.

Est-ce que tu peux nous parler de lecture-audio, raconter aux lecteur·ices qui passent par ici ce que c’est ?
J’y propose des versions audio de classiques de la philosophie : Platon, Descartes ou Kant mais aussi des auteurs moins célèbres comme Bakounine (un des penseurs de l’anarchisme). On hésite souvent à se lancer dans la lecture d’un ouvrage de philosophie, on craint l’aridité des concepts. Pour ma part, j’estime qu’il suffit de savoir lire pour découvrir des merveilles au détour de certaines pages. J’ai fait le pari que la lecture-audio dans la mesure où elle empêche le lecteur de revenir en arrière pour s’assurer qu’il a tout compris lui offre des découvertes inattendues.

Et qu’est-ce qui t’as amené à créer cette audiothèque ?
Le peu d’ouvrages de philosophie proposés en livre audio et ma paresse. Je ne lisais plus d’œuvres dans leur intégralité, je puisais ça et là les passages les plus célèbres pour alimenter mes cours. En lisant pour d’autres, je suis contraint de tout lire et comme c’est un travail qui demande du temps et de l’obstination, j’abandonne rarement en chemin.

Est-ce que tu contribues aussi à des audiothèques pour les personnes atteintes d’un handicap visuel ?
Non, je n’ai proposé mon travail à aucune association. Je suis assez peu porté sur la communication et la publicité. Du coup mon auditorat est sans doute très limité. Pour autant, j’ai pu constater que la plupart de mes productions se retrouvaient miraculeusement sur YouTube notamment, ce qui leur donne une visibilité plus grande et leur permettent sans doute de toucher ce type de public.

Un petit point technique : quels matériels et logiciels utilises-tu pour produire tes enregistrements ?
Je fais ça dans mon salon, j’utilise un micro électrostatique relié à un enregistreur Zoom. La qualité de sortie est suffisante pour me permettre de me contenter d’Audacity pour le montage, qui consiste pour l’essentiel à retirer les erreurs de lecture des pistes.

Il est indiqué que l’ensemble des productions de lecture-audio sont diffusées sous la Licence Art Libre. Comment as-tu rencontré les licences libres et qu’est-ce qui fait que tu utilises celle-ci pour tes lectures ?
Un ami, qui est d’ailleurs la cause de ma présence parmi vous, s’intéresse de près à ces questions. C’est à lui que je dois notamment la découverte de cette licence. Pour le reste, je suis heureux qu’existent des communautés qui s’efforcent de développer ce genre d’alternatives au capitalisme. Alors, si je peux apporter ma petite pierre à l’édifice je suis content, d’autant que je profite largement du travail des autres.

Est-ce que tu vois des liens entre ta vie personnelle ou ta pratique professionnelle et le monde du libre ?
Non, pas vraiment. Je suis un peu trop solitaire pour m’investir vraiment dans une communauté. Pour autant je soutiens pleinement ces initiatives. Je suis convaincu que l’appétit démesuré de notre époque pour les données personnelles détourne les individus d’éléments essentiels qui constituent pourtant leur humanité. Des associations comme la vôtre me permettent de résister un peu à cet élan. Dans le cadre de mon enseignement, je ne cache pas à mes élèves mes inquiétudes, je m’efforce de semer des graines qui lèveront je crois chez certains.

Merci ! Un petit mot de la fin ?
Oui, « longue vie à Framasoft », je ne doute pas que votre association continuera à faire des petits.

Les lectures audio de Sualtam sont désormais disponibles sur la chaîne Lectures du Framablog. On y trouve déjà une petite dizaine de titres et la chaîne continuera de s’enrichir au fil du temps.