Ce que cache la gratuité des photos embarquées de Getty Images (et des autres)

Le Parisien nous annonce que YouTube a connu une panne mondiale hier soir 13 mars 2014, entraînant avec lui la pléthore de sites qui proposent ses vidéos à mêmes leurs pages web via le lecteur embarqué. On remarquera que pour mieux nous informer l’article en question intègre deux tweets (paresse de journaliste ?).

Vidéos YouTube, encarts Twitter, musiques Soundcloud, boutons Facebook… nos pages web deviennent de plus en plus souvent un savant mélange entre notre propre contenu et celui des autres, apporté sur un plateau par des multinationales à forte dominante américaine.

C’est pratique et gratuit. Il y a un juste à faire un copier/coller avec un bout de code pour que, ô magie, le contenu des autres apparaisse instantanément sur votre page, l’enrichissant ainsi à moindre frais.

Mais il y a un risque et un prix à payer. Le risque c’est que comme rien n’est éternel, le jour où YouTube, Facebook, Twitter… disparaîtront (si, si, ça leur arrivera à eux aussi), on se retrouvera avec des pages pleines de zones vides qui n’auront plus de sens. Avant de disparaître, ces sociétés en difficulté auront pris le soin de modifier le contenu même de toutes ces (frêles) embarcations avec, qui sait, toujours plus de publicité. Elles en ont parfaitement le droit, c’est un accord tacite que vous signez avec elles lorsque vous recopiez leur code. Google peut ainsi très bien du jour au lendemain ne faire afficher qu’une seule et unique vidéo dans tous les milliards lecteurs YouTube embarqués avec, disons, une pub pour Coca-Cola : impact marketing garanti !

Quant au prix à payer il est lourd à l’ère de l’informatique post Snowden, c’est celui de votre vie privée car, comme on le verra plus bas, ces intégrations collectent de nombreuses informations vous concernant.

Ici donc c’est au tour de l’énorme banque Getty Images de vous proposer d’embarquer ses photos. Et vous avez le choix parmi… 35 millions d’images ! D’un côté cela rend service et sensibilise au respect du crédit, de la licence et du lien vers le document d’origine. De l’autre ça participe à la fameuse citation « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit »…

À comparer avec ce qu’a fait la British Library, l’équivalent britannique de la BnF, en décembre dernier : verser 1 million d’images du domaine public en haute résolution sur Flickr. Un autre monde, un monde à défendre, promouvoir et encourager.

 

 

Getty Images autorise l’incorporation gratuite, mais quel en est le prix pour la vie privée ?

Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy?

[MàJ du 8 mars 2016] Par recommandé reçu au siège de Framasoft le 07 mars 2016, la société GETTY IMAGE, par l’intermédiaire de son conseil juridique, met Framasoft en demeure de supprimer la majeure partie des éléments du billet de blog présent sur cette page. Sont en particulier concernés les propos issus de la traduction de l’article de Parker Higgins de l’Electronic Frontier Foundation, intitulé « Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy ? ». Le billet ayant été publié en mars 2014 (il y a deux ans !), le délai légal du délit de presse n’ayant pu être retenu, c’est sur le thème du dénigrement que s’attache le cabinet de conseil de GETTY IMAGE.

Nous aurions pu à notre tour nous tourner vers notre propre conseil, qui n’aurait pas manqué, par exemple, de relever les injonctions non conformes au droit présentes dans cette lettre, ou la grande faiblesse des arguments (intimidants en apparence).

Aller au bout d’une procédure se concluant très certainement en queue de poisson ? Cela aurait été de notre part une perte d’énergie, de temps et d’argent ; nous estimons que les généreux dons des contributeurs n’ont pas à servir à de vaines procédures portant sur l’image de telle ou telle société, gagne-pain laborieux de quelques conseils juridiques à défaut d’avoir de vraies causes à défendre.

Nous préférons donc censurer ce billet et laisser nos lecteurs juges de la teneur du courrier en question que nous reproduisons ici. Évidemment, les propos que nous supprimons sur cette page ne sortiront pas pour autant d’Internet, n’est-ce pas ?

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Le web a 25 ans ! Tim Berners-Lee en appelle à une charte de l’Internet

« Le 12 mars 1989, Tim Berners-Lee propose un projet pour en finir avec certaines problématiques rencontrées lors du partage des informations au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire). Sa proposition table sur la mise en place d’un système distribué s’appuyant largement sur les liens hypertexte. Comme on le sait, le principe a rencontré un succès tel qu’il a été généralisé les années suivantes pour toute sorte d’informations publiques. Le web était né. » (source PC Inpact)

Le problème c’est qu’envisagé au départ comme un bien commun à tous, il a subi depuis de nombreuses attaques de ce qu’on pourrait appeler « l’État/marché »…

Remarque : Ne pas confondre web et internet (le premier n’étant qu’une sous-partie du second).

 

Tim Berners-Lee

 

Une Magna Carta en ligne : Berners-Lee en appelle à une déclaration des droits pour le web

Jemima Kiss – 12 mars 2014 – The Guardian
(Traduction : Penguin, Juliette, diab, Achille, Diin, goofy, lamessen, Kcchouette, Mooshka)

An online Magna Carta: Berners-Lee calls for bill of rights for web

L’inventeur du web nous met en garde sur le fait que la neutralité subit des attaques soutenues des gouvernements et des entreprises.

L’inventeur du World Wide Web croit qu’une « Magna Carta » en ligne à l’échelle mondiale est nécessaire afin de protéger et d’ancrer l’indépendance du moyen de communication qu’il a créé et les droits de ses utilisateurs.

Sir Tim Berners-Lee a déclaré au Guardian que le web a fait l’objet d’attaques croissantes de la part des gouvernements et d’influentes sociétés, et que de nouvelles règles s’imposaient pour protéger « l’ouverture et la neutralité » du système.

Parlant exactement 25 ans après qu’il a écrit la première ébauche de la première proposition de ce qui allait devenir le World Wide Web, l’informaticien a déclaré : « Nous avons besoin d’une constitution mondiale – une déclaration des droits ».

L’idée d’une Grande Charte de Berners-Lee s’inscrit dans le cadre d’une initiative appelée Le web que nous voulons, nous invitant à créer un projet de lois numériques dans chaque pays – principes qu’il espère soutenus par des institutions publiques, des fonctionnaires gouvernementaux et des entreprises.

« Sauf à avoir un Internet libre et neutre sur lequel nous pouvons nous appuyer sans nous soucier de ce qui se passe en coulisses, nous ne pouvons pas avoir un gouvernement ouvert, une bonne démocratie, un bon système de santé, des communautés reliées entre elles et une diversité culturelle. Ce n’est pas naïf de croire que l’on peut avoir cela, mais c’est naïf de penser que l’on peut l’obtenir en restant les bras croisés. »

Berners-Lee a été un critique virulent de la surveillance des citoyens américains et anglais à la suite des révélations faites par le lanceur d’alerte de la NSA Edward Snowden. Compte tenu de ce qui a vu le jour, dit-il, les gens sont à la recherche d’une profonde révision dans la façon dont les services de sécurité ont été gérés.

Ses opinions font également écho dans l’industrie de la technologie, où il est particulièrement en colère sur les efforts fournis par la NSA et le GCHQ anglais pour saper les outils de sécurité et de cryptage – ce que beaucoup d’experts de sécurité affirment comme étant contre-productif et compromettant vis-à-vis de la sécurité de chacun.

Les principes de la vie privée, liberté d’expression et l’anonymat responsable seront étudiés dans cette Grande Charte. « Ces problèmes nous ont pris par surprise » a déclaré Berners-lee. « Nos droits sont bafoués de plus en plus souvent de tous les côtés et le danger est que nous nous y habituons. Je tiens donc à utiliser ce 25e anniversaire pour nous inviter à mettre la main à la pâte afin de reprendre la main et définir le web que nous voulons pour les 25 prochaines années. »

La proposition pour la constitution du web devrait aussi examiner l’impact des lois sur le copyright et les problèmes socio-culturels en rapport avec les éthiques de la technologie.

Alors que la régulation régionale et les sensibilités culturelles du web peuvent varier, Berners-Lee affirme croire en un document partagé sur les principes que pourrait apporter une norme internationale sur les valeurs d’un web ouvert.

Il demeure optimiste sur le le fait que cette campagne Le web que nous voulons puisse atteindre le grand public, malgré son manque apparent de prise de conscience dans l’affaire Snowden.

« Je ne dirais pas que les gens au Royaume-Uni sont indifférents. Je dirais qu’ils ont plus confiance en leur gouvernement que dans d’autres pays. Ils optent pour l’attitude : Comme nous avons voté pour eux, laissons les agir et faire leurs preuves. »

« Mais nous avons besoin que nos avocats et nos politiciens comprennent la programmation, comprennent ce qui peut être fait avec un ordinateur. Nous avons également besoin de revoir une grande partie de la législation, comme ces lois sur le copyright qui mettent les gens en prison pour protéger les producteurs de films. Il s’agit également de préserver et protéger l’expression des individus et la démocratie quotidienne dont nous avons besoin pour gérer le pays », poursuit-il.

Berners-Lee se prononce fermement en faveur du changement de l’élément à la fois clé et controversé de la gouvernance d’Internet qui supprimerait une petite, mais symbolique, partie du contrôle américain. Les États-Unis s’agrippent au contrat IANA, qui contrôle la base de données principale de tous les noms de domaines, mais ont fait face à une pression de plus en plus importante à la suite de l’affaire Snowden.

Il explique: « Notre demande du retrait du lien explicite menant vers la chambre du commerce des États-Unis est en souffrance depuis longtemps. Les États-Unis ne peuvent pas avoir une place prépondérante dans quelque chose qui n’est pas national. Il y a grand élan vers une séparation et une indépendance même si les États-Unis conservent une approche qui maintient les gouvernements et les entreprises à l’écart. »

Berners-Lee réitère aussi son inquiétude quant au fait que le web pourrait être balkanisé par des pays et des organisations qui morcelleraient l’espace numérique pour travailler selon leurs propres règles, qu’il s’agisse de censure, de régulation ou de commerce.

Nous avons tous un rôle à jouer dans ce futur, dit-il en citant les récents mouvements de résistance aux propositions de régulation du droit du copyright.

Il dit : « Le point-clé c’est d’amener les gens à se battre pour le web, de les amener à voir les dommages qui seraient causés par un web fracturé. Comme tout système humain, le web a besoin d’une régulation et bien-sûr que nous avons besoin de lois nationales, mais nous ne devons pas transformer le réseau en une série de cloisonnements nationaux. »

Berners-Lee fit également une apparition lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012, en écrivant les mots “this is for everyone” (NdT : « Ceci est pour tout le monde ») sur un ordinateur au centre du stade. Il est demeuré fermement attaché au principe d’ouverture, d’inclusion et de démocratie depuis son invention du web en 1989, en choisissant de ne pas commercialiser son modèle. Il rejette l’idée qu’un contrôle gouvernemental ou commercial sur un moyen de communication aussi puissant soit inévitable, « Tant qu’ils ne m’auront pas ôté les mains du clavier, je continuerai à défendre cela. »

Le créateur du web accessible à tous

Ayant grandi dans le sud-ouest de Londres, Tim Berners-Lee était un fervent ferrovipathe, ce qui l’a amené à s’intéresser au modèle des chemins de fer puis à l’électronique.

Cela dit, les ordinateurs étaient déjà un concept familier dans la famille – ses deux parents ayant travaillé à la création du premier ordinateur commercialisé du monde, le Ferranti Mk1.

Berners-Lee sortit major de sa promotion en physique à Oxford et a ensuite travaillé à divers postes d’ingénieur. Mais ce fut au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire à Genève, qu’il prit part aux projets qui mèneront à la création du world wide web.

Son but était de permettre aux chercheurs du monde entier de partager des documents et ses premières propositions furent jugées « vagues mais intéressantes » par un directeur au CERN.

Il a combiné des technologies existantes telles que l’Internet et l’hypertexte pour produire un immense système interconnecté de stockage de documents. Berners-Lee l’appela le world wide web (NdT : la toile d’araignée mondiale), bien que ses collaborateurs francophones trouvaient cela difficile à prononcer.

Le web a d’abord été ouvert aux nouveaux utilisateurs en 1991. puis, en 1992, le premier navigateur a été créé pour parcourir et sélectionner les millions de documents déjà existants.

Bien que le web ait vu la création et la perte de fortunes innombrables, Berners-Lee et son équipe se sont assurés qu’il était libre d’utilisation pour tous.

Berners-Lee travaille maintenant, par le biais de diverses organisations, à s’assurer que le web soit accessible à tous et que le concept de neutralité du net soit respecté par les gouvernements et les entreprises.

Crédit photo : Wikimédia Commons




Framapad : 3 tutoriels vidéos en situation d’éducation

Il y a un peu moins d’un an nous faisions le constat que Framapad était de plus en plus souvent utilisé dans l’éducation. En illustrant cela avec, entre autres, un billet sur l’expérience de Frédéric Véron, professeur de SVT dans l’Académie de Créteil.

Il nous propose ici, merci à lui, 3 tutoriels vidéos récemment mis en ligne.

Découverte et utilisation de Framapad (pads publics)

Comparaison et avantages de la création d’un compte (pads privés)

Attention : La création de compte risque d’être bientôt suspendue parce que non maintenue, nous vous invitons plutôt à utiliser les pads publics.

Exemple de travail collaboratif avec des élèves de Sixième




Bye bye Google Groups, bonjour Framalistes !

Framalistes

Après un premier billet pour se mettre en ordre de marche et un article d’au revoir à Gmail, Framasoft poursuit sa « chronique d’une migration annoncée ».

Or si la messagerie concernait avant tout notre popote interne, c’est toute notre communauté qui est impactée ici puisque ces listes constituent notre principal outil de travail pour coordonner nos nombreux projets (les Frama***).

Confier nos listes à Google, c’était déjà un problème en soi avant l’affaire Snowden (il fallait ainsi avoir un compte Gmail par exemple pour accéder aux archives) et ça l’est devenu plus encore après. Vous étiez quelques uns à nous le faire remarquer à juste titre, avec plus ou moins de bienveillance et d’impatience 😉

Nous venons donc de passer au moteur de listes Sympa. Voici nos nouvelles listes déjà en production (pour s’inscrire par exemple à Framalang c’est par ici). Cela donne plus de travail à nos serveurs et notre équipe technique mais nous nous sentons d’un coup plus légers, pour ne pas dire plus libres.

Rendez-vous le mois prochain pour de nouvelles aventures…

EDIT : notre Sympa ne servira que pour nos listes, au moins dans un premier temps.
Si par la suite nous constatons que notre infra tourne parfaitement bien et que nous avons quelqu’un qui se sent de gérer ça, nous réfléchirons à ouvrir la création de listes à plus de monde… mais clairement pas maintenant alors qu’on commence seulement le test en conditions réelles.




L’affaire Brandon Mayfield : une surveillance terrifiante

Dans l’œil du cyclone…

Au lendemain de « la journée de la riposte », nous vous proposons une édifiante histoire qui peut arriver à chacun d’entre nous.

Fabbio - CC by-sa

L’affaire Brandon Mayfield : une surveillance terrifiante

Face aux excès de la NSA, plus personne n’est à l’abri du biais de confirmation.

The terrifying surveillance case of Brandon Mayfield

Matthew Harwood – 8 février 2014 – America Aljazeera
(Traduction : bouzim, amha, Nemecle, Diab, Achille, Scailyna, z1tor, Robin Dupret, sinma, peupleLà + anonymes)

Fin janvier, dans un webchat en direct, Edward Snowden le lanceur d’alertes de la NSA, a exposé l’un des dangers les moins débattus à propos de la surveillance de masse. En balayant aveuglement les enregistrements de toutes les conversations téléphoniques et communications internationales des États-Uniens, le gouvernement a la possibilité d’initier une enquête rétroactive, autrement dit de rechercher dans les données passées des cibles n’importe quelle preuve d’activité suspecte, illégale ou seulement embarrassante. C’est une possibilité qui a de quoi déranger : même ceux qui sont persuadés d’être eux-mêmes des gens honnêtes devraient y réfléchir à deux fois avant de proclamer haut et fort : « Qu’ai-je à craindre puisque je n’ai rien à cacher ».

Mais il y a un autre danger que Snowden n’a pas mentionné, inhérent au fait que le gouvernement dispose facilement d’un accès aux énormes volumes de données que nous générons chaque jour : il peut insinuer la culpabilité là où il n’y en a pas. Quand des enquêteurs ont des montagnes de données sur une cible donnée, il est facile de ne retenir que les éléments qui confirment leurs théories — en particulier dans les enquêtes de contre-terrorisme où les enjeux sont si importants — tout en ignorant ou minimisant le reste. Nul besoin d’une quelconque malveillance de la part des enquêteurs ou des analystes, même s’il ne fait aucun doute que les préjugés sont de la partie : il s’agit seulement de preuves circonstancielles et de cette dangereuse croyance en leur intuition. Les chercheurs en sciences sociales nomment ce phénomène « biais de confirmation » : lorsque des personnes sont submergées de données, il est bien plus simple de tisser ces données dans une trame narrative qui confirme les croyances auxquelles elles adhèrent déjà. Le criminologue D. Kim Rossmo, un inspecteur de la police de Vancouver à la retraite, était tellement soucieux du biais de confirmation et des échecs qu’il entraîne dans les enquêtes qu’il a incité les officiers de police dans le Police Chief Magazine à toujours se montrer vigilants sur le sujet. « Les éléments du biais de confirmation », écrit-il, « comprennent le fait de ne pas chercher de preuves qui démantèleraient une théorie, de ne pas utiliser une telle preuve s’ils en trouvaient, de ne pas envisager d’hypothèses alternatives et de ne pas évaluer la recevabilité de la preuve ».

Pour nous faire une meilleure idée de ces dangers, examinons l’affaire Brandon Mayfield.

Une erreur d’identité

Le 11 mars 2004 à Madrid, des terroristes proches de la mouvance d’Al-Qaïda ont coordonné un attentat à la bombe sur plusieurs trains de banlieue durant l’heure de pointe matinale. 193 personnes furent tuées et environ 1 800 furent blessées. Deux empreintes digitales partielles découvertes sur un sac de détonateurs au cours de l’enquête par la Police Nationale Espagnole (PNE) furent partagées avec le FBI par le biais d’Interpol. Les deux empreintes furent entrées dans la base de données du FBI, qui retourna vingt concordances possibles pour l’une d’entre elles : sur ces vingt concordances, l’une appartenait à Brandon Mayfield. Ancien chef de peloton de l’armée américaine, Mayfield officiait alors à Portland, dans l’Oregon, comme avocat spécialisé dans les gardes d’enfants, les divorces et les lois sur l’immigration. Ses empreintes étaient répertoriées dans le système du FBI parce qu’il avait fait son service militaire mais aussi parce qu’il avait été arrêté sur un malentendu vingt ans auparavant. Les charges avaient ensuite été abandonnées.

Il se trouvait que l’empreinte de Mayfield ne concordait pas exactement avec l’empreinte laissée sur le sac de détonateurs. Malgré cela, les spécialistes des empreintes au FBI fournirent des justifications aux différences, selon un rapport du Bureau de l’inspecteur général du département de la Justice (OIG). D’après la règle de divergence unique, le laboratoire du FBI aurait dû conclure que Mayfield n’avait pas laissé les empreintes trouvées à Madrid — c’est la conclusion à laquelle était parvenu le PNE et qu’il avait communiquée au FBI à plusieurs reprises. Pourtant, le bureau local du FBI à Portland se servit de cette correspondance d’empreinte pour commencer à fouiller dans le passé de Mayfield. Certains détails de la vie de l’avocat ont convaincu les agents qu’ils tenaient leur homme. Mayfield s’était converti à l’Islam après avoir rencontré sa femme, une égyptienne. Il avait offert son aide juridique sur une affaire de garde d’enfant à l’un des « Portland Seven », un groupe d’hommes qui avait essayé d’aller en Afghanistan afin de combattre pour Al-Qaïda et les Talibans contre les États-Unis et leurs forces alliées. Il fréquentait aussi la même mosquée que les militants. À la suite des événements du 11 Septembre, ces innocentes associations et relations, quoique approximatives, étaient devenues pour les enquêteurs des preuves que Mayfield n’était pas un bon citoyen américain, mais un terroriste sanguinaire déterminé à détruire l’Occident.

Les détails biographiques de Mayfield, en particulier sa religion et l’image de terroriste qu’on lui prêtait, ont contribué à ce que les laboratoires du FBI se montrent réticents au réexamen de l’identification erronée. Selon l’OIG, « l’un des inspecteurs a clairement admis que si la personne identifiée n’avait pas eu ces caractéristiques, le laboratoire aurait pu revoir l’identification en se montrant plus sceptique et repérer l’erreur. »

Comme les agents du FBI n’avaient aucune preuve concrète que Mayfield était impliqué dans l’attentat à la bombe des trains de Madrid, ils décidèrent de ne pas faire une demande de mise sur écoute, qu’il faut justifier par un motif suffisant de croire à une activité ou intention criminelle. À la place, ils ont donc fait appel à un mandat FISA (NdT : Foreign Intelligence Surveillance Act, loi décrivant les procédures de surveillance sur des puissances étrangères) en affirmant qu’ils avaient des motifs suffisants de croire que Mayfield agissait pour le compte d’un groupe terroriste étranger. Ainsi, le FBI pouvait contourner le Quatrième Amendement : s’ils découvraient accidentellement au cours de leur activité de renseignement la preuve d’une activité criminelle; ils pourraient la partager avec les procureurs et les enquêteurs. La cour confidentielle de la FISA approuva la demande, comme elle le fait presque toujours, et c’est ainsi que le FBI a pu commencer la surveillance sous couverture de Mayfield et de sa famille, de manière clandestine et incroyablement intrusive.

Des théories inventées de toutes pièces

Des agents du FBI pénétrèrent par effraction dans la maison de Mayfield et dans son cabinet d’avocat. Ils fouillèrent dans des documents protégés par le secret professionnel entre un avocat et son client, ils mirent sur écoute ses téléphones, ils analysèrent sa comptabilité et son historique de navigation Internet, ils fouillèrent même ses poubelles. Ils le suivirent dans tous ses déplacements. Malgré tout cela, le FBI ne trouva pas le moindre indice qui puisse le relier aux événements de Madrid. Ils trouvèrent cependant, des recherches Internet sur des vols vers l’Espagne et découvrirent qu’il avait pris une fois des leçons de pilotage d’avion. Pour ces agents du FBI, d’ores et déjà convaincus de sa culpabilité, tout cela était la preuve que Mayfield était un terroriste en puissance. Ses recherches sur le web étaient cependant tout à fait banales : sa fille devait organiser des vacances fictives pour un projet scolaire. Quant aux leçons de vol, elles témoignaient de l’intérêt de Mayfield pour le vol en avion, et rien de plus.

Il peut sembler qu’il y a là un nombre bizarre de coïncidences. Mais quand on présenta les preuves qui démontraient l’innocence de Mayfield au FBI, le Bureau les déforma pour pouvoir soutenir la thèse première qui faisait de lui un coupable. Le passeport de Mayfield avait expiré, et le dernier enregistrement d’un passage de frontières remontait à son service militaire en 1994. En l’absence de preuves d’un voyage à l’étranger depuis des années, le FBI a tout simplement élaboré une théorie selon laquelle il avait forcément voyagé sous une fausse identité dans le cadre de ce complot terroriste .

Du fait des erreurs commises par le FBI — ils avaient laissé des empreintes de chaussures sur le tapis de la maison de Mayfield et fait irruption un jour où son fils était seul à la maison —, Mayfield en conclut qu’il était sous la surveillance des autorités fédérales. La paranoïa s’installa. Quand il était au volant, il vérifiait s’il n’était pas suivi par une voiture jusqu’à son domicile ou jusqu’à son bureau. Le FBI interpréta sa nervosité comme une preuve supplémentaire de culpabilité. Pensant que leur couverture avait sauté, les agents du FBI placèrent Mayfield en détention comme témoin matériel dans l’attentat de Madrid, au motif qu’ils craignaient un risque de fuite. Ils ne pouvaient pas l’arrêter car malgré leur surveillance intrusive ils n’avaient toujours aucune preuve tangible d’aucun crime. Il passa deux semaines en prison, terrifié à l’idée que ses codétenus apprennent qu’il était impliqué d’une manière ou d’une autre dans les attentats de Madrid et qu’ils ne l’agressent.

Lorsque l’OIG examina comment l’affaire Mayfield avait été traitée, il établit que les demandes déposées par le FBI pour auditionner des témoins matériels et pour obtenir des mandats de perquisitions « contenaient plusieurs inexactitudes qui reflétaient un manque regrettable d’attention aux détails ». Malgré toutes les preuves contraires, le FBI était tellement convaincu de tenir son homme qu’il fournit de fausses déclarations sous serment devant un juge. La seule raison pour laquelle Mayfield est un homme libre aujourd’hui, c’est que la police espagnole a répété à plusieurs reprises au FBI que l’empreinte récupérée sur le sac de détonateurs ne correspondait pas à celles de Mayfield. Pourtant, le FBI s’en est tenu obstinément aux résultats de ses laboratoires jusqu’à ce que les autorités espagnoles identifient de manière concluante les empreintes du vrai coupable, Ouhane Daoud, de nationalité algérienne. Ce n’est qu’alors que le voyage traumatisant de Mayfield dans les entrailles de la sécurité nationale prit fin.

Un récit édifiant

L’épreuve qu’a vécue Mayfield est un récit édifiant de ce qui peut arriver lorsqu’un gouvernement s’acharne sur ses suspects et refuse de desserrer son étau. Heureusement, dans le cas de Mayfield, le gouvernement a fini par le relâcher mais non sans que la procédure ait chamboulé son existence.

Près d’une décennie plus tard, les capacités du gouvernement en matière de surveillance confidentielle n’ont fait que croître, grâce aux médias sociaux, téléphones connectés et autres technologies. La collecte massive de données personnelles des États-Uniens augmente le risque que des faux positifs — des Mayfield innocents tombant sous l’examen approfondi du gouvernement – se produisent . Et quand ce faux positif est un musulman américain ou un anarchiste ou un féroce activiste écologiste, les agents du gouvernement et les analystes auront-ils la capacité de mettre de côté leurs préjugés et leur nervosité afin de soupeser chaque information, particulièrement les preuves contradictoires, avant de condamner ces quelques malheureux à des charges bidons et à la vindicte publique ?

Le biais de confirmation devrait nous rendre sceptiques quant à cette possibilité.

Crédit photo : Fabbio (Creative Commons By-Sa)




Framasoft fights everyday back

The Day We Fight Back

Avec La Quadrature, Mozilla et tant d’autres organisations, nous nous associons à l’opération de riposte The Day We Fight Back[1], journée de mobilisation contre la surveillance de masse, également journée hommage à Aaron Swartz[2] et date anniversaire du succès remporté contre SOPA.

Nous n’avons pas prévu d’actions d’éclat particulières aujourd’hui dans la mesure où nous estimons, comme l’April en campagne actuellement, que nous y participons au quotidien, par la défense et la promotion du Libre en général et du logiciel libre en particulier.

Nous agissons pour re-décentraliser le Web[3] en offrant nos libres services en ligne que chacun peut installer sur son propre serveur ou utiliser librement sur notre portail. Ils sont regroupées sous le projet global « Framacloud » : Framapad, Framadate, Framindmap, Framanews, le petit dernier Framabag, etc.
Comme annoncé, nous avons aussi récemment entrepris notre « libération de Google », en commençant par le mail.
Brique après brique, construisons des alternatives à GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ces géants du Net parfaitement transparents pour la NSA.

Tous ensemble, faisons en sorte que notre optimiste slogan se concrétise chaque jour davantage : La route est longue mais la voie est libre.

Le jour de la riposte - Simon Gee Giraudot - CC by-sa




Mobilisons-nous le 11 février : The Day We Fight Back, contre la surveillance de masse

Comme nous l’avions annoncé il y a un mois ici, demain c’est la journée d’action The Day We Fight Back.

On peut toujours gloser sur la réelle portée d’un tel événement, mais il a le mérite de mettre le focus sur un sujet fondamental, pas assez relayé par les médias et peu pris à bras le corps par nos politiques. L’occasion justement d’en parler autour de nous et de faire avancer la sensibilisation.

Greenoid - CC by-sa

Le jour de la contre-attaque : un appel à la communauté internationale pour lutter contre la surveillance de masse

The Day We Fight Back: A Call To the International Community to Fight Against Mass Surveillance

Katitza Rodriguez – 27 janvier 2014 – EFF.org
(Traduction : nitot, Asta, amha, piero, GregR, maxauvy)

Les révélations de Snowden ont confirmé nos pires craintes au sujet de l’espionnage en ligne. Elles montrent que la NSA et ses alliés ont construit une infrastructure de surveillance globale pour « contrôler Internet » et espionner les conversations mondiales. Ces groupes de l’ombre ont sapé les normes de chiffrement de base, et criblé la dorsale Internet avec des équipements de surveillance. Ils ont collecté des centaines de millions d’enregistrements téléphoniques de personnes qui n’étaient soupçonnées d’aucun crime. Ils ont écouté les communications électroniques de millions de personnes, chez elles et à l’extérieur, sans distinction aucune, en exploitant les technologies numériques que nous utilisons pour échanger et nous informer. Ils espionnent les populations alliées, et partagent ces informations avec d’autres organisations, au mépris le plus complet des lois.

Nous n’allons pas laisser la NSA et ses alliés détruire Internet. Inspirée par la mémoire d’Aaron Swartz, alimentée par la victoire contre SOPA et ACTA, la communauté numérique tout entière est unie pour retourner au combat.

Le 11 février, le jour de la contre-attaque (NdT : The Day We Fight Back), le monde va exiger la fin de la surveillance de masse dans tous les pays, tous les états, quels que soient les frontières et les régimes politiques. Les manifestations contre SOPA et ACTA ont été un succès car nous avons tous participé en tant que communauté. Comme le disait Aaron Swartz, tout le monde est devenu « le héros de sa propre histoire ». Nous pouvons choisir une date, mais nous avons besoin de tout le monde, de tous les utilisateurs de l’Internet, pour faire de ceci un mouvement.

Voici une partie de notre plan (mais ce n’est que le début). L’an dernier, avant qu’Ed Snowden ne fasse ses révélations au monde, les militants des droits numériques se sont entendus sur 13 Principes. Ces Principes expliquaient clairement en quoi la surveillance généralisée représente une violation des Droits de l’Homme, et donnaient aux législateurs et juges une liste de correctifs qu’ils pouvaient appliquer aux barbouzes de l’Internet. Ce jour de la contre-attaque, nous voulons que le monde adhère à ces principes. Nous voulons que les politiciens s’engagent à les respecter. Nous voulons que le monde voie que nous sommes concernés.

Voici comment vous pouvez rejoindre le mouvement :

1. Nous encourageons les sites web à faire un lien vers le site The Day We Fight Back. Cela permettra à des personnes du monde entier d’apposer leur signature sous nos 13 Principes, en riposte à la surveillance de masse de la NSA, du GCHQ et d’autres agences de renseignement. Si vous pouvez informer vos collègues sur cette campagne et le site avant la fin de la journée, nous pourrons envoyer de l’information à ce sujet dans chaque pays.

2. Dites à vos amis de signer les 13 Principes ! Nous (NdT : EFF) sommes en train de nous organiser pour nous associer à la journée d’action. Nous allons continuer à utiliser ces Principes pour montrer à ceux qui nous gouvernent que le respect de la vie privée est un droit pour chacun et doit être protégé sans tenir compte des frontières.

3. Courriels : Si vous avez besoin d’un prétexte pour en parler à vos collègues ou à vos proches à ce sujet, le 11 février est pile le bon moment pour leur dire de contacter les politiques locaux sur des sujets comme l’espionnage via Internet. Il faut les encourager à agir et à comprendre l’importance du combat contre la surveillance de masse.

4. Réseaux sociaux : touittez ! Postez sur Facebook et Google Plus ! Nous voulons faire autant de bruit que possible. Nous voulons vraiment une campagne à l’échelle du globe, où tous les pays sont impliqués. Plus nous serons nombreux à signer les Principes, plus ceux qui nous gouvernent entendront nos exigences visant à arrêter l’espionnage de masse chez nous et dans d’autres pays.

5. Outils : développez des mèmes, des outils, des sites web et tout ce que vous pouvez pour encourager d’autres personnes à participer.

6. Soyez créatifs (NdT : exemple) : préparez vos propres actions et vos propres engagements. Descendez dans la rue. Faites la promotion des Principes dans votre pays. Ensuite, dites-nous ce que vous comptez faire, de façon à ce qu’on fasse un lien vers vos efforts et qu’on leur donne de la visibilité.

Ce serait génial si vous participiez de ces six façons (ou plus encore !) mais franchement, tout ce que vous pourrez faire aidera le mouvement.

Les espions d’Internet ont passé trop de temps à écouter nos pensées et peurs les plus privées. Il est maintenant temps qu’ils nous entendent vraiment à leur tour. Si vous partagez notre colère, partagez aussi nos principes et contre-attaquez.

Crédit photo : Greenoid (Creative Commons By-SA)




Bye bye Gmail !

Nous l’avions dit lors de notre campagne de don 2013 : 2014 sera l’année du « Moins de Google et plus de Libre »

Un semblant de planning a été dévoilé dans le récent billet intitulé « Manger la pâtée de son chien ». C’est le 1er février que nous devions nous séparer de Gmail, et nous l’avons fait !

L'enregistrement MX de framasoft.org

Nous sommes maintenant complètement autonomes pour la gestion de nos mails. Comme annoncé précédemment, nous avons choisi la solution BlueMind.

Il nous fallait un groupware pour remplacer Gmail : nous avions besoin de la gestion des mails, mais aussi de celle des agendas et des contacts, le tout en permettant le partage de ceux-ci, au moins entre nous.

Pendant notre recherche du Graal du groupware libre kivabien, nous en avons testé un bon nombre. Si certains n’étaient pas sans attraits, aucun n’avait la simplicité d’installation, de configuration et de maintenance de BlueMind tout en proposant une interface sympa et une synchronisation Exchange Active Sync[1] sans devoir allonger la monnaie[2].

Après avoir choisi BlueMind, un tweet de ma part nous a réservé une belle surprise : la souscription — facultative — auprès de BlueMind est offerte pour les associations du libre.
Même si nous étions partis pour nous débrouiller seuls, cette nouvelle était bienvenue car la souscription apporte un outil permettant de faire les mises à jour aussi simplement que l’installation[3] (qui tient en deux lignes de commande).

Du temps en moins pour des mises à jour, c’est autant de temps en plus pour nos projets :D.

Les framasoftiens au travail

Bref, séduits par Bluemind, nous l’avons installé sur une machine virtuelle de notre nouvelle infrastructure[4].

La formation des utilisateurs framasoftiens à la nouvelle interface ainsi que leur migration fut longue et pleine de mails de questions, de réponses, d’incompréhension… mais couronnée de succès.
La possibilité (récente) de pouvoir exporter sa boîte Gmail au format mbox a même donné lieu à une petite séance de modification d’un script python, IMAP Upload pour l’adapter aux labels de Gmail : les labels deviennent des dossiers lorsqu’ils passent dans gmail-mbox-to-imap et les mails y sont consciencieusement rangés. Peut-être ce script vous sera-t-il utile ?

Ce fut une belle migration. L’adminsys et le serveur se portent bien 😉 Nous pouvons donc aujourd’hui vous annoncer fièrement que nos mails sont libres et nous espérons que vous aurez envie de nous suivre dans cette voie.

Ce premier jalon dans notre entreprise de libération ne fait qu’ouvrir la voie à la ribambelle de changements que nous opérerons cette année.
Le prochain épisode sera celui du passage des Google Groups à notre propre serveur de listes de diffusion basé sur Sympa (1er mars si tout se passe comme prévu).

Librement,
Sky, pour Framasoft

Crédits photo:

Notes

[1] Oui, le protocole a été inventé par Microsoft, mais c’est le meilleur protocole de synchronisation avec les téléphones et on peut implémenter son propre serveur Exchange Active Sync.

[2] Nous vous rappelons que Framasoft ne vit que par vos dons (déductibles des impôts). Merci d’avance pour votre soutien.

[3] Ainsi que d’autres choses, mais dont nous n’avions pas besoin. Un connecteur Outlook par exemple :p

[4] Notre nouvelle infrastructure de virtualisation repose sur Ganeti, comme évoqué dans le billet « Manger la pâtée de son chien »