PeerTube v5 : le résultat de 5 ans de travail artisanal

Fin 2017, nous annoncions notre volonté de créer un outil alternatif à YouTube qui soit libre, décentralisé et fédéré.

Cinq ans plus tard, nous publions la v5 de PeerTube, un outil utilisé par des centaines de milliers de personnes sur un millier de plateformes interconnectées pour partager ensemble plus de 850 000 vidéos.

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »
Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Illustration PeerTube V5
Illustration CC BY David Revoy

Cinq années à façonner PeerTube

Depuis 5 ans, notre unique développeur consacré à PeerTube (et à d’autres tâches dans Framasoft) a publié une nouvelle version majeure par an :

  • PeerTube v1 (oct. 2018) permet de créer une plateforme vidéo avec fédération, diffusion en pair à pair, redondance, outils de recherche et interface multilingue.
  • PeerTube v2 (nov. 2019) apporte les notifications, les playlists, les plugins.
  • PeerTube v3 (jan. 2021) ajoute la recherche fédérée, mais surtout le streaming en direct et en pair à pair.
  • PeerTube v4 (dec. 2021) permet de personnaliser l’accueil de sa plateforme, de trier et filtrer les vidéos affichées, et de les gérer plus facilement.

Tout au long de ces années, ce développeur a pris soin d’améliorer les outils de modération et de fédération, le lecteur vidéo, l’interface, le code, l’accessibilité et de réparer les bugs tout en répondant aux questions et besoins exprimés par la communauté.

L’écosystème PeerTube

PeerTube est un travail artisanal, au sens noble du terme. C’est un outil façonné à la main, qui sert aujourd’hui un vaste écosystème alternatif pour les vidéos en ligne. En voici les détails :

Une fois encore, nous tenons à rappeler que notre petite association crée et maintient tout cela avec un seul développeur sur le projet, aidé :

  • par des salarié·es et bénévoles de Framasoft pour la communication, la stratégie, l’administratif ;
  • par la communauté qui contribue régulièrement sous forme de code, de plugin, de traductions, de suggestions, de partages et de dons (merci et plein de datalove à vous <3) ;
  • par des prestataires qui vont intervenir sur des domaines spécialisés (design UX ou UI, accessibilité, création d’applications mobiles, etc.).

Pourtant, PeerTube n’est qu’un projet parmi les dizaines que nous maintenons, à Framasoft, même si c’est l’un des projets les plus conséquents.

Et comme tout ce que nous faisons, PeerTube est principalement financé par vos dons (et des dons de fondations telles que NLnet).

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Un an de travail pour faciliter les usages

Depuis le début de l’année 2022, nous continuons le travail sur PeerTube afin qu’il devienne de plus en plus facile à aborder pour les vidéastes et leurs publics.

En février, la version 4.1 apporte plusieurs améliorations attendues : de l’interface, du lecteur vidéo sur les mobiles, du système de plugins, des filtres de recherches, ou de la personnalisation des instances.

En juin, la version 4.2 présente deux grandes nouveautés : le Studio, pour modifier des vidéos directement depuis PeerTube ; et la publication de replay pour les directs « à la Twitch ». Notons aussi les statistiques vidéos détaillées, la gestion de la latence pour les directs et l’édition de sous-titres directement depuis l’interface.

En septembre, avec la version 4.3, on peut enfin automatiser l’import des vidéos depuis une chaîne YouTube (ou Viméo). Nous avons aussi complètement retravaillé l’interface de création de compte PeerTube et amélioré l’affichage des directs sur un site externe.

Le studio PeerTube

PeerTube v5 : améliorer et sécuriser pour mieux vous empuissanter

Nous sommes en décembre 2022, et la v5 de PeerTube est désormais disponible ! C’est une version qui renforce la sécurité de plusieurs manières.

Le système de fichiers a été repensé afin de sécuriser les vidéos internes et privées. C’était un travail de fond assez complexe qui pose les bases pour de futures fonctionnalités très demandées.

Autre amélioration technique très émancipatrice : la possibilité de stocker les directs « sur le cloud », avec le système « object storage ». Ainsi, les plateformes PeerTube hébergées sur un serveur avec peu d’espace disque ne sont plus limitées pour proposer du live.

Il est désormais possible d’utiliser l’authentification à deux facteurs afin de se connecter à sa plateforme PeerTube. Nous utilisons ici la méthode OTP (One Time Password) qui permet, via une application externe, de générer un code unique pour valider la connexion à son compte.

Cette nouvelle version vient aussi avec son lot de corrections de bugs et d’améliorations. Ainsi, nous avons ajouté plus de possibilités au niveau de l’API, afin que les contributrices PeerTube puissent développer des plugins toujours plus puissants.

De même, l’interface de PeerTube a reçu de nombreuses évolutions, avec par exemple, dans l’espace Mes Vidéos, l’apparition des chaînes, ou la mention de la playlist dans laquelle se trouve une vidéo.

Enfin, nous avons pu détailler la documentation d’OpenTelemetry (fonctionnalité apparue dans la version 4.2) qui permet d’obtenir des statistiques de maintenance et d’observation avancées.

Soutien, stagiaire, défis techniques et questions à l’horizon

Illustration : David Revoy (CC-By)

D’une part nous avons cette année encore soutenu le travail de John Livingston sur le plugin PeerTube Live Chat, et on peut vous annoncer que l’installation facilitée arrive très prochainement !

Début 2023, nous comptons travailler sur une fonctionnalité assez technique mais très enthousiasmante, qui devrait permettre d’alléger la charge sur les serveurs et donc abaisser la puissance nécessaire pour créer une plateforme PeerTube : on vous en dévoile plus dès qu’on aura avancé dessus.

Toujours en 2023, nous allons accueillir un stagiaire en développement. Nous souhaitons en effet que de plus en plus de personnes se familiarisent avec le cœur du code de PeerTube. Nous allons ainsi expérimenter d’agrandir, temporairement, l’équipe qui travaille dessus.

Enfin, dès le lendemain de la parution de cet article, nous répondrons, en anglais, à toutes vos questions sur reddit. Rejoignez nous le 14 décembre dès 16h (Heure de Paris) sur r/opensource pour une AMA (Ask Me Anything – demandez-nous ce que vous voulez) sur PeerTube et Framasoft !

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Partagez vos idées pour PeerTube v6 !

Le futur proche de PeerTube est clair à nos yeux, mais pour la suite, ce sont vos suggestions qui vont nous guider. Nous n’avons pas d’idée de ce que sera la feuille de route de PeerTube en 2023. Pour la définir, nous avons besoin de vous !

Allez proposer vos idées (et voter pour les idées qui vous enthousiasment) sur Let’s Improve PeerTube (en anglais uniquement). Nous voulons savoir quels sont les besoins, quelles sont les envies du public de PeerTube, et plus particulièrement le public « non-geek », qui se fiche éperdument des mots « serveur » ou « instance », et qui souhaite juste voir et partager des vidéos sur cet outil.

Plus de 90 suggestions sont déjà présentes sur Let’s improve Peertube. ajoutez la vôtre !

Début 2023, nous irons voir les suggestions les plus plébiscitées et nous sélectionnerons celles qui correspondent à notre vision de PeerTube et à nos capacités de développement, afin de construire la feuille de route de PeerTube v6.

C’est donc à vous de nous dire quel avenir vous souhaitez pour PeerTube !

Un outil international…

Cette année, nous avons eu la chance d’avoir deux prestations en développement qui nous ont aidés à financer une partie de notre travail sur PeerTube.

Le ministère de l’Éducation nationale a financé le Studio (outil pour modifier les vidéos) afin de l’implémenter sur sa plateforme d’outils libre apps.education.fr (si vous dépendez du MEN, pensez à utiliser et promouvoir cette plateforme !).

Howlround, un média universitaire de Boston autour des arts scéniques, a, quant à lui, financé les statistiques détaillées des vidéos et des directs, ainsi que le replay pour les live permanents.

Enfin, nous avons bénéficié d’une bourse exceptionnelle de la fondation Néerlandaise NLnet pour le travail sur la v5 de PeerTube.

…financé par les dons francophones

Mises bout à bout, ces sommes représentent une petite moitié de notre budget annuel consacré à PeerTube (que nous estimons à 70 000 €). Le reste de l’argent provient donc du budget de Framasoft, c’est-à-dire des dons que notre association reçoit de son public principalement francophone. Cela nous semble presque injuste que ce soit majoritairement les francophones qui financent un outil qui a une véritable portée internationale

Mais voilà : le fait est qu’on n’est déjà pas hyper douées pour « se vendre », promouvoir notre travail et aller chercher les dons, alors s’il faut faire du marketing international, on n’est pas rendus !

Nous n’avons pas de service marketing : nous n’avons que vous.

Nous avons donc besoin de votre aide. Faites marcher le bouche-à-oreille pour faire connaître notre campagne de dons autour de vous, spécifiquement hors de la francophonie.

N’hésitez pas à partager l’adresse soutenir.framasoft.org autour de vous, sur vos plateformes PeerTube, dans vos communautés qui bénéficient de cette alternative.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque un peu plus de 115 000 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

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Le Fédivers est tellement plus grand que Mastodon

Mastodon fait partie du Fédivers. Tous les serveurs Mastodon se parlent ainsi entre eux mais ils ne composent qu’une toute petite partie de cet écosystème qui comporte de nombreux autres services :

 

Tous ces réseaux sociaux, tous leurs contenus, tous leurs utilisateurs sont connectés entre eux sans qu’aucun intermédiaire ne soit impliqué. Et ça c’est grand.

 

Avec toute l’effervescence actuelle autour de Twitter, Mastodon est aujourd’hui n°1 des tendances Twitter en France. À nouveau.

C’est donc le moment d’écrire un article sur Mastodon, Castopod et le Fédivers. Castopod est connecté à Mastodon depuis avril 2021 (lire « Votre podcast est votre propre réseau social » et « Vers le Fédivers et au-delà ! ».)

Interest-over-time_Mastodon (Source: Google Trends)

La première fois que nous avons été témoins d’un tel enthousiasme pour Mastodon, c’était lorsque nous l’avons vu émerger en 2017. Beaucoup s’y sont créé un compte à l’époque, y voyant un refuge contre tout ce que l’on reprochait à Twitter. Depuis, nombreux sont restés, certains sont partis. Mais au final, il n’a pas remplacé Twitter. Et comme il ne le remplacera probablement pas cette fois non plus, mettons tout de suite les choses au clair : Mastodon n’est pas l’alternative ultime à Twitter.

Néanmoins, ce que nous pouvons lire ces jours-ci à propos de Mastodon – que ce soit dans un article, un fil de discussion ou un article de blog – part généralement du principe que Mastodon vise à remplacer Twitter, et 9 fois sur 10, le propos tombe dans l’une de ces deux catégories :

#1 “Mastodon est notre Sauveur, quittez Twitter sur le champs et rejoignez immédiatement Mastodon et vous connaîtrez alors le Bonheur éternel ! 😍”

ou bien…

#2 “Mastodon c’est tout pourri, c’est super compliqué et les messages privés ne sont pas chiffrés de bout en bout et les admins ont le pouvoir de vous bannir quand ils le veulent et ils vont manger vos enfants ! 💀”

Alerte divulgâchage : Ces deux déclarations sont un tantinet exagérées et tout autant inexactes l’une que l’autre.

Mastodon est un outil de microblogage, comme Twitter, mais la comparaison pourrait s’arrêter là.

Twitter est une propriété privée. Lorsque vous créez un compte sur Twitter, vous vous engagez à respecter les CGU de son propriétaire. Si vous ne les acceptez pas, vous pouvez – et vous devriez – partir. Mais Twitter est aussi une plate-forme fermée : rien n’entre, rien ne sort.


(Tiré de « Comment le podcast sauvera le Web ouvert »)

De l’autre côté, Mastodon est un logiciel. Il n’y a pas un serveur Mastodon. Il y a plein d’instances. Chacune de ces instances appartient également à quelqu’un — cette personne pourrait être vous — qui a installé le logiciel Mastodon, l’exécute et paie les factures du serveur. Comme sur Twitter, lorsque vous créez un compte sur un serveur Mastodon (ou instance Mastodon), vous vous engagez à respecter les CGU de son propriétaire. Encore une fois, si vous ne les acceptez pas, vous pouvez – et vous devriez – partir.

Mais la grande différence est que tandis que Twitter est une plate-forme fermée, Mastodon est une plate-forme ouverte du Fédivers : tout peut entrer dedans, tout peut en sortir. Tous les serveurs Mastodon peuvent se connecter entre eux. Tous les serveurs Mastodon peuvent se connecter à n’importe quel serveur du Fédivers.

(Tiré de « Comment le podcast sauvera le Web ouvert »)

Vous voyez la différence ?

Si vous êtes banni de Twitter, c’est la fin de la partie. Si vous êtes banni d’une instance de Mastodon, vous pouvez en rejoindre une autre. Ou vous pouvez lancer votre propre instance avec vos propres règles.

Pour autant, avoir votre propre instance Mastodon privée ne signifie pas que vous serez seul. Comme Mastodon est fédéré, chaque utilisateur de chaque serveur Mastodon pourra interagir avec chaque utilisateur de toutes les autres instances. Bien sûr, en tant qu’utilisateur ou administrateur, vous pouvez bloquer qui vous voulez. Ce choix vous appartient.

La nature ouverte du Fédivers, son interopérabilité, vous donne le pouvoir de comparer, de sélectionner et de choisir. Cela vous permet de quitter un service qui ne répondrait pas à vos critères.

Lorsque vous avez besoin de dentifrice, vous devez choisir celui que vous allez mettre dans votre bouche. Il en va de même pour le Fédivers : non seulement vous avez le pouvoir de choisir une instance, mais vous devez en choisir une.
Les écosystèmes que les GAFAM bâtissent sont comme l’Europe de l’Est des années 80 : l’absence de choix peut être rassurante mais elle dénote surtout une absence de liberté.

On se prive aussi de conditions loyales de concurrence. Des lois visant à empêcher les monopoles ont été mises en place au XXe siècle. Pourquoi n’applique-t-on pas la même logique au monde des plateformes ?

(De la Tribune « Il est urgent de reprendre le contrôle sur nos plateformes numériques »)

Alors quelle instance choisir pour créer un compte ? Je n’en ai aucune idée. Selon votre pays, votre langue, vos centres d’intérêt, et caetera, vous devriez trouver celle qui est faite pour vous. Cela nécessite un peu de recherche de votre part. joinmastodon.org/fr/servers peut être un bon endroit pour commencer la quête.

Notez que vous pouvez également avoir plusieurs comptes sur différentes instances. Cela peut être utile si vous avez plusieurs centres d’intérêt, parlez plusieurs langues… L’expérience en sera meilleure pour vous et pour vos abonnés. Par exemple, j’écris principalement en Anglais à propos de Podcasting 2.0 depuis mon compte @benjaminbellamy@podcastindex.social, alors que j’écris principalement en Français à propos d’open-source depuis mon autre compte @benjaminbellamy@framapiaf.org. Tout ce qui concerne Castopod est posté depuis notre propre instance : @castopod@podlibre.social. Ainsi personne ne peut bannir Castopod de Mastodon. (De la même manière que toutes les entreprises ont leur propre nom de domaine pour leur e-mail, elles devraient avoir leur propre instance. Ou alors cela revient à utiliser hotmail.com pour tous ses employés.)

Si vous utilisez une application mobile, telle que Fedilab, il y a de fortes chances que vous puissiez vous connecter à plusieurs comptes en même temps.

Mais le véritable avantage du Fédivers est l’interopérabilité totale entre des réseaux sociaux hétérogènes. Lorsque vous êtes sur Mastodon, vous pouvez lire les posts de vos voisins et des voisins de vos voisins, mais surtout vous pourrez voir, entendre, toucher, sentir ou goûter (pourquoi pas ?) des contenus provenant de plates-formes extérieures à Mastodon.

Lorsque vous publiez un tweet avec un lien vers une vidéo que vous avez mise sur Youtube, tous les likes, RT ou commentaires resteront sur Twitter et sur Twitter uniquement. Si Twitter supprime votre compte Twitter, toutes ces interactions seront perdues. Tout ces contenus ne vous appartiennent pas : il appartiennent à Twitter. Twitter fournit son audience. Ce n’est pas la vôtre.

Sur le Fédivers, les choses sont totalement différentes : si vous postez une vidéo sur Peertube, cette vidéo apparaîtra également sur Mastodon, et tous les likes, RT ou commentaires faits sur Mastodon iront également sur votre instance Peertube. Mastodon ne fournit pas l’audience, il apporte juste la connexion. Par conséquent, votre audience est vraiment la vôtre.

Revenons-en au podcasting, c’est la même chose : si votre podcast est hébergé sur Anchor et que vous demandez à votre public de poster des commentaires sur Apple Podcasts, ces commentaires appartiennent à Apple, pas à vous. Si Apple décide de dé-référencer votre podcast, vous perdrez tout contact avec votre audience et tous les commentaires qui y avaient été postés seront perdus.
En revanche, si votre podcast est hébergé sur Castopod et que vous demandez à votre audience de poster des commentaires sur Mastodon (ou n’importe quel autre réseau social du Fédivers), ces commentaires se retrouveront sur votre serveur et n’appartiendront à aucun intermédiaire. Personne ne pourra couper votre contenu de votre audience.

Le même mécanisme s’applique à tous les formats de contenus : Pleroma (microblogage), Peertube (vidéos), Pixelfed (photographies), Funkwhale (musiques), Mobilizon (événements), WriteFreely (blogging), BookWyrm (critiques littéraires), Castopod (podcasts)…

De le même manière que vous pouvez avoir un compte pour chaque usage (Twitter, Instagram, Soundcloud, Youtube…) vous pouvez avoir un compte sur chacune de ces plateformes, toutes connectées les unes aux autres. (Et gardez à l’esprit que chacune d’elles a plusieurs instances.)

@axbom@social.xbm.se a dessiné un très bel arbre pour représenter le Fédivers : fediverse-branches-axbom-12-CC-BY-SA (axbom.com/fediverse)

Alors devriez-vous envisager d’aller faire un tour sur le Fédivers dès maintenant ?
Si vous entendez garder le contrôle sur les contenus que vous créez, assurément oui.

Photo par Pixabay.

 

English version of this article: The Fediverse is so much bigger than Mastodon

Edit du 18/11/2022: Ajout de Pleroma




Nextcloud Sorts : un prototype d’application Nextcloud pour naviguer plus facilement dans vos fichiers

Et si Framasoft se penchait un peu sur la solution collaborative libre Nextcloud ?

NB : cet article existe aussi en version anglaise (traduction automatique)

 

Dans notre Lettre d’informations #28 (Automne 2021), nous vous parlions de Romain, stagiaire à Framasoft, dont nous savions que le sujet de stage allait tourner autour du logiciel libre Nextcloud.

Quelques semaines plus tard, nous invitions les structures « engagées » et utilisatrices de Nextcloud à répondre à un questionnaire (aujourd’hui fermé), conçu avec la designer Marie-Cécile Godwin, et La Fabrique à Liens.

Puis, une fois les résultats analysés (nous vous en proposons une version brute anonymisée et une analyse synthétique en fin d’article), nous avons pu identifier un besoin utilisateur non satisfait, sur lequel pourrait travailler Romain.

En effet, Nextcloud comporte de (très) nombreuses fonctionnalités, mais celle qui demeure centrale est probablement le stockage et partage de fichiers. Or, la navigation parmi les fichiers dans l’interface web est assez fastidieuse : un clic à chaque fois que l’on change de dossier, et donc un rechargement plus ou moins rapide de la page et de l’arborescence des dossiers et fichiers. Et parfois de nombreux clics pour passer d’un rameau de l’arborescence à l’autre.

Il y avait sans doute moyen de faire plus accessible et plus naturel.

Romain, qui ne connaissait ni le langage informatique PHP ni la solution Nextcloud au début de son stage, s’est donc lancé dans le développement d’un prototype d’application tierce, qui permettrait non seulement de pouvoir « développer l’arborescence de fichiers » au sein d’une même interface, mais aussi de pouvoir faire des recherches avancées.

Deux mois plus tard naissait le plugin « Sorts », dont nous vous racontons l’histoire ci-dessous.


Bonjour Romain, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Romain et j’ai 24 ans. J’ai grandi en Guadeloupe avant de venir étudier à Villeurbanne, à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon, dont je serai diplômé en 2022 en tant qu’Ingénieur Télécom.

Quand je ne suis pas occupé par mes études, je passe pas mal de temps à bricoler et réparer des vieilles machines, et à m’investir dans des projets collectifs ! Je suis notamment très engagé au Karnaval Humanitaire, une asso étudiante qui organise un festival de musique dont j’ai été le régisseur site en 2021 et 2022.

Photographie de Romain, stagiaire INSA Lyon à Framasoft de Septembre 2021 à Février 2022

Concernant ton stage, tu as choisi Framasoft. Pourquoi ?

Je voulais un stage en accord avec mes valeurs de libre partage des connaissances, et en rupture avec le capital et les grandes entreprises !

Je connaissais déjà un peu les actions de Framasoft et notamment les services en ligne et le développement logiciel, et je savais que j’y trouverais des projets intéressants dans un cadre super… et je n’ai pas été déçu !

Venons-en au sujet de ton stage. Quel était l’objectif général ?

Mon stage s’est déroulé au début d’un projet plus large, dont le nom de code est « Framacloud » [Note de Framasoft : on vous reparlera de ce projet ambitieux à la rentrée], dont l’objectif est de permettre aux structures luttant pour le progrès social et la justice sociale de s’approprier, maîtriser et contrôler les processus de collaboration numérique.

Ce projet de Framasoft est centré sur un logiciel de collaboration en ligne et de partage de fichiers : Nextcloud.

Cependant, bien que ce soit une des solutions libres les plus abouties et complètes dans ce domaine, il est avant tout conçu pour répondre aux besoins des clients de « Nextcloud GmbH« , la société allemande éditrice du logiciel. Ces clients, ce sont de grosses structures, publiques, universitaires ou privées. Du coup, il y a un risque de différences entre les attentes des petites structures associatives et les priorités de développement de Nextcloud GmbH.

Le but de mon stage était donc de trouver comment améliorer ce logiciel afin de le rendre plus utile et plus accessible pour les structures alternatives.

OK, c’est un vaste sujet ! Comment t’y es-tu pris ?

Eh bien d’abord, il fallait à la fois que je me forme sur le développement de Nextcloud, et qu’on en apprenne davantage sur ce logiciel : son fonctionnement, ses défauts et surtout ce qui manquait aux utilisateurs qu’on visait.

Après plusieurs tests du logiciel et plusieurs hypothèses sur comment l’améliorer, on a décidé de se rapprocher de nos utilisateurs cibles. On a donc mis en place une enquête visant des personnes faisant parties de structures engagées pour le progrès social et la justice sociale qui utilisaient déjà Nextcloud. Cette enquête questionnait leurs usages de l’informatique collaborative au sein du collectif, leurs usages de Nextcloud, leurs frustrations et leurs attentes.

C’est grâce aux presque 200 réponses de cette enquête qu’on a décidé des développements logiciels que j’ai réalisés au cours de ce stage et qui ont abouti à la création d’un plugin Nextcloud appelé « Sorts » !

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Arrêtons nous déjà sur ce travail d’enquête. Quels en ont été les résultats ?

Les préoccupations principales qui ressortaient de cette enquête étaient, au final, des préoccupations d’ordre plutôt général sur l’outil Nextcloud. Mais ça nous a permis de voir ce qui est important pour le public qu’on souhaite impacter.

Parmi la vingtaine de sujets que j’ai pu identifier dans les réponses, les deux premiers étaient des sujets sur lesquels on ne pouvait pas faire grand-chose : l’édition collaborative de documents et la « lenteur » générale de l’outil.
Par contre, parmi les sujets qui suivaient on avait plus de perspective pour aider à changer les choses en quelques mois de stage : prise en main et ergonomie du logiciel, problèmes de synchronisation ou encore aide aux utilisateurs pour s’y retrouver parmi les fichiers du collectif.

C’est cette dernière préoccupation de s’y retrouver dans l’arborescence des fichiers qui m’intéressait le plus, et qui m’a mené au développement de « Sorts« .

Pour ceux qui souhaitent jeter un œil aux détails de l’enquête, nous avons publié les résultats anonymisés, ainsi qu’une synthèse des différents sujets abordés que j’ai réalisée pour affiner le sujet du stage (c’est sans doute plus digeste que le tableur de résultats bruts).

[Note de Framasoft : Retrouvez les résultats de l’enquête en fin d’article]

Donc, tu es parti sur la création de l’application Nextcloud « Sorts » . Mais… il fait quoi, ce plugin, en fait ?

L’idée derrière Sorts, c’est d’aider les gens à retrouver les fichiers qu’ils cherchent et à comprendre comment les dossiers et les fichiers ont été organisés par le collectif dont ils font partie.

Pour régler le premier problème on a profité de toutes les informations relatives à chaque fichier que Nextcloud stockait déjà (date de modification, poids, « étiquetage » du fichier par l’utilisateur, …) et on a codé une interface qui permet de faire une recherche qui mélange ces différents attributs. Par exemple « Trouve-moi tous les fichiers dans le dossier « Subvention » et ses sous-dossiers qui sont marqués comme étant importants, et qui sont des .pdf ».

Recherche par filtres dans Sorts
Recherche par filtres dans Sorts

 

Pour régler le deuxième problème on a décidé de présenter les dossiers, sous-dossiers et fichiers d’une manière qui n’était pas encore présente dans Nextcloud : en liste arborescente. C’est-à-dire que lorsqu’on clique sur un dossier, au lieu de « rentrer » dans ce dossier et de ne voir que son contenu direct, le dossier est « déroulé » et on voit son contenu ainsi que les dossiers et fichiers qui sont « à coté » de lui. Cette liste arborescente prend plus de place qu’une liste simple mais elle permet de bien comprendre où on se situe dans les dossiers, ce qui aide à comprendre la façon dont ils sont rangés.

Navigation par arborescence
Navigation par arborescence : un clic sur un dossier ouvre le contenu de ce dossier sous forme arborescente.

 

Techniquement, tu as rencontré des soucis ?

Oui, comme dans tout processus de développement. Je pense qu’une des grosses difficultés a été de trouver quelle partie des API de Nextcloud utiliser, quelles étaient ses limites et comment faire avec. La recherche Nextcloud est pensée autour d’une recherche « groupée » (« unified search ») où l’utilisateur cherche une chaîne de caractères, et Nextcloud renvoie comme résultats tout ce qui correspond à cette chaîne de caractères parmi les ressources diverses et variées de Nextcloud (fichiers, todo, évènements, mails, conversations, …). Autant dire que ça ne correspond pas du tout à ce qu’on souhaite faire : chercher parmi les fichiers uniquement selon plusieurs conditions, dont certaines ne sont pas des chaînes de caractères (dates, nombres, …). Mais, heureusement pour nous, il y avait une autre API de recherche propre aux fichiers. Cette autre API paraissait très prometteuse parce qu’elle était déjà pensée pour permettre de combiner des conditions de recherches sur des attributs propres aux fichiers. Cependant, cette API était assez vieille et peu utilisée, ce qui m’a parfois donné un peu de fil à retordre.

De plus, je me suis rendu compte assez tard que l’API ne prenait pas en compte deux des différents attributs des fichiers : les « étiquettes » (tags) et les informations sur les partages de fichiers. Ces informations sont gérées dans des API totalement séparées. Je me suis donc retrouvé face à un dilemme : soit je réécris une API qui fait elle-même les requêtes en base de données avec tous les attributs, soit je complète l’API présente, soit je bricole quelque-chose où je fais 3 requêtes en base de données par recherche et je combine les résultats. La première solution m’aurait pris trop de temps et la deuxième solution aurait été refusée par Nextcloud GmbH (on ne modifie pas les APIs de Nextcloud à la légère), donc j’ai bricolé quelque-chose, et tant pis pour les performances de l’application.

As-tu eu des contacts avec la communauté Nextcloud ou son entreprise éditrice (Nextcloud Gmbh), et si oui, comment ça s’est passé ?

Oui bien sûr, lorsqu’on a commencé à avoir une bonne idée de ce qu’on souhaitait faire de Sorts j’ai écrit une note d’intention avec un lien vers un prototype sur le forum dédié au développement de plugin Nextcloud. Ça a mené à quelques échanges avec des développeurs salariés de Nextcloud qui étaient intéressés par le projet et qui m’ont fait quelques retours constructifs. On a même fait une réunion en visio avec eux pour discuter du plugin mais aussi du projet plus large, mais avec les plannings des uns et des autres cette réunion a eu lieu assez tard dans le développement de Sorts et elle n’a pas beaucoup impacté le plugin.

Et donc, la question qui pique : Sorts, ça marche ou pas ?

Eh bien OUI ! Sorts propose une vue de l’arborescence des fichiers « dépliante » et permet déjà de faire des recherches combinées sur une bonne variété des caractéristiques que peuvent avoir des fichiers !

Cependant, il s’agit d’une version Bêta qui présente quelques limites… J’ai dû faire quelques arrangements avec les problèmes techniques évoqués dans la question précédente, et si la version actuelle fonctionne sur des petites instances Nextcloud, elle aura sans doute du mal à « passer à l’échelle » pour fonctionner avec des instances réelles avec des centaines d’utilisateurs et des milliers de fichiers.

 

Vidéo de démonstration des fonctionnalités de Nextcloud Sorts 0.1.0-beta (source)

 

Et la suite ? C’est quoi à ton avis, et pour quand ?

Sorts est disponible sur https://packages.framasoft.org et sur l’app store Nextcloud en version beta !

Nous souhaitons continuer à maintenir cette application et à traiter et accepter toutes les contributions éventuelles, mais ni moi ni Framasoft n’avons prévu de développer à plein temps dessus pour le moment. Sorts rentre maintenant dans le monde du développement bénévole, ce qui veut dire que les développements portés par Framasoft et moi-même se feront au fil des envies et des disponibilités, sans agenda particulier (ce qui veut aussi dire que nous n’annoncerons pas de « date de sortie » quelconque).

On arrive à la fin de cette interview. Souhaites-tu nous partager un sentiment sur le travail effectué pendant ce stage ?

Résumer un stage en une émotion ? C’est difficile ! Développer un programme, c’est passer de la frustration quand ça ne marche pas, à l’excitation d’enquêter sur pourquoi ça ne marche pas, à la satisfaction de voir la fonctionnalité fonctionner quand on a trouvé.

Non, plus sérieusement, il y a eu quelques frustrations comme ne pas avoir beaucoup de temps pour développer ou ne pas retrouver autant de temps et de motivation que ce que j’aurais souhaité pour boucler le projet après le stage, mais je suis satisfait. Satisfait d’avoir fait quelque-chose qui marche mais surtout d’avoir pu concevoir ce plugin du presque début à la presque fin, en prenant le temps d’identifier ce qu’on pouvait faire d’utile, de réfléchir à quoi ça devait ressembler, et d’ensuite réfléchir à comment le réaliser techniquement.

Dernière question, récurrente dans nos interviews : quelle est la question que tu aurais aimé qu’on te pose, et quelle serait ta réponse ?

Mais pourquoi ne pas avoir publié Sorts plus tôt ?

C’est mon grand regret ! Et je pense que les personnes qui s’étaient intéressées à l’application lors de la note d’intention se sont aussi posées la question. Mais ma vie associative et personnelle était assez chargée après le stage et ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour m’occuper de Sorts, c’est aussi ça le développement bénévole.

Merci Romain ! Ainsi qu’à toutes les personnes qui auront rendu ce travail possible, notamment en répondant au questionnaire !

Rappel des différents liens évoqués dans l’article :




Elon Musk et Twitter VS Mastodon et le Fédiverse

Le potentiel rachat de Twitter par Elon Musk inquiète les membres de ce réseau, qui cherchent des alternatives et se créent en masse des comptes sur Mastodon, dans le fédiverse. Vous n’avez rien compris à tous ces mots ? Tout va bien, on vous explique tout ça dans cet article et en vidéo !

Cette nouvelle qui agite le monde des affaires de la Silicon Valley illustre une certitude qui nous habite depuis des années : derrière le choix des outils numériques, il y a un choix de société.

Twitter, le choix du capitalisme de surveillance

Que ce rachat de Twitter par le milliardaire conservateur se finalise ou non, au final peu importe : le danger a toujours été là.

Elon Musk joue avec un lance flamme
Elon Musk jouant avec nos attentions (allégorie).

C’est le trop grand pouvoir des géants du web. C’est le danger de l’accumulation des informations et des attentions de centaines de millions d’êtres humains. Lorsqu’on centralise tout le monde sur une plateforme, lorsqu’un outil numérique peut accéder à votre cerveau, alors les personnes qui s’achètent un accès à ces outils s’achètent un accès à nos cerveaux.

Cumulez des accès précis à suffisamment de cerveaux et vous pouvez manipuler une société vers vos intérêts.

C’est ce que Steve Bannon a fait lorsqu’il a utilisé Cambridge Analytica et son site d’information/fake news BreitBart News pour viraliser l’extrême droite et polariser les USA (voir l’excellent dossier de Hacking Social sur Cambridge Analytica, dont l’article consacré au travail de manipulation culturelle réalisé par Steve Bannon et financé par des milliardaires).

conférence de presse de marine le pen et steve bannon
Cliquez sur l’image pour lire le dossier de Hacking Social sur Cambridge Analytica
(Photo © Sylvain Lefevre/Getty Images)

Car Twitter, comme Facebook mais aussi comme Framapad, n’est pas neutre. Aucun outil n’est neutre, mais c’est encore plus vrai pour les logiciels, qui sont des outils complexes. Le code fait loi, car il permet de déterminer quelles actions seront possibles ou pas, donc d’influencer l’expérience que vous vivrez en utilisant cet outil.

L’architecture d’un logiciel, c’est (par exemple) faire le choix de fonctionner avec une unique plateforme centralisatrice ou de multiples instances fédérées. Ces choix d’architecture déterminent la politique du logiciel, l’organisation sociale qu’il induit, donc le choix de société qui est porté par l’outil numérique sur lequel vous passez les précieuses minutes de votre vie.

Mastodon, le choix de la fédération des libertés

Si vous désirez tester une alternative indépendante, résiliente et conviviale à Twitter, nous vous recommandons de faire des « pouets » sur un drôle d’éléphant : Mastodon.

Mastodon, ce n’est pas une plateforme qui cumule tous les gens, toute l’attention et donc tout le pouvoir (coucou Twitter 😘) : c’est une fédération de fournisseuses qui se connectent ensemble (un peu comme l’email).

dessin illustrant Mastodon
Sur mastodon, on ne tweete pas, on pouette (ou « toot » en anglais)

Ces fournisseuses hébergent une installation du logiciel Mastodon sur leur serveur : si vous vous y créez un compte, vos données se retrouveront sur ce serveur, chez cet hébergeuse. Vous pouvez imaginer que c’est une propriétaire qui vous loue une chambre, ou un stand à la foire : est-ce que vous voulez être chez la méga propriétaire de la foire immensissime et déshumanisée (Twitter) ou chez la petite propriétaire de la petite foire qui s’est connectée avec les foires des villages voisins ? (Mastodon)

Votre mission, c’est de trouver où vous créer un compte. Vous avez donc le choix entre plusieurs fournisseuses de Mastodon, qui ont chacune des motivations, des moyens, des conditions d’utilisations différentes.

  • L’avantage, c’est que Elon Musk ne peut pas toutes les acheter.
  • L’inconvénient, c’est de trouver celle qui vous plaît.

C’est important de dire que votre compte Mastodon ne sera pas hébergé par une méga entreprise déshumanisée qui vous considérerait comme une vache-à-données. Les personnes qui fournissent du Mastodon le font par passion, sur leur temps à elles, et c’est du boulot !

sepia, mascotte de peertube, entretenant son jardin
Faire la modération, c’est au moins autant de travail que de désherber un jardin.
Illustration de David Revoy (CC-By)

Beaucoup de fournisseuses auront des règles (modération, fake news, pornographie…) liées à leurs motivations : vous avez donc tout intérêt à vous demander si leur politique de modération et de publication correspond à vos valeurs. Car liberté ne veut pas dire fête du slip de l’inconséquence : si vous êtes libres d’utiliser Mastodon comme vous voulez (sur votre serveur à vous), les personnes qui vous offrent un compte sur leur hébergement Mastodon n’ont pas pour devoir de vous offrir une plateforme… D’autant plus si elles estiment que vous ne vous arrêtez pas là où commence la liberté des autres.

En fait, on ne s’inscrit pas chez une telle fournisseuse comme on rentre dans un hypermarché, car vous n’êtes ni une cliente ni un produit.

Par ailleurs, il est souvent demandé (ou de bon ton) de se présenter lorsqu’on demande à rentrer sur une instance, ou lorsqu’on vient d’y être acceptée. Ainsi, n’hésitez pas à ce que votre premier pouet inclue le hashtag #introduction pour vous présenter à la communauté.

Faire ses premiers pas chez un hébergeur de confiance

Pour vous aider, on va vous faire une sélection juste après, parmi les amies des CHATONS. Car ce collectif d’hébergeuses alternatives s’engage à appliquer des valeurs de manière concrète (pas de pistage ni de GAFAM, neutralité, transparence) qui inspirent la confiance.

Mais avant de vous créer un compte, souvenez-vous que c’est toujours compliqué de tester un nouveau réseau social : il faut se présenter, se faire de nouvelles amies, comprendre les codes… 🤯 Vous vous doutez bien que Twitter veut garder les gens chez lui, et n’offrira aucune compatibilité, ni moyen de retrouver des personnes. Bref, il faut prendre Mastodon comme un nouveau média social, où on recommence à construire sa communauté de zéro.

Des animaux sur deux planetes voisines se disent bonjour
Se dire bonjour, c’est un bon début quand on veut communiquer 😉 Illustration CC-By SA LILA

Soyez choues avec vous : donnez-vous le temps, et n’hésitez pas à garder Twitter en parallèle, au moins au début. Il existe même des outils qui permettent de prendre vos pouets sur Mastodon et de les copier sur votre compte Twitter, histoire que ce soit pas trop dur de maintenir vos deux comptes pendant votre transition.

Bonne nouvelle : si vous ne choisissez pas la bonne fournisseuse du premier coup, c’est pas si grave : on peut migrer son compte d’une fournisseuse à l’autre. Peu importe chez qui vous vous inscrivez, vous pourrez communiquer avec tout cet univers fédéré (« federated universe » = fédiverse : on vous explique ça plus bas en vidéo !)

Des animaux sur plusieurs planetes forment un univers fédéré, avec l'inscription "Fediverse" au milieu
Ne loupez pas la vidéo à la fin de cet article, réalisée par LILA (CC-By SA)

Créer votre compte Mastodon chez une des CHATONS

À Framasoft, nous hébergeons Framapiaf, notre installation de Mastodon. Mais il y a déjà beaucoup trop de monde d’inscrit dessus : nous n’y acceptons plus de nouveaux comptes. Grossir indéfiniment pourrait créer des déséquilibres dans la fédération et surcharger les épaules de notre petite équipe de modération !

Parce que le but, c’est de garder des « instances » Mastodon (c’est le nom qu’on donne au serveur d’une fournisseuse de Mastodon), à taille humaine, dont l’équipe, les choix, les motivations, etc. vous inspirent confiance. Et qu’à cela ne tienne, il en existe beaucoup !

Voici donc notre sélection, mais qui n’est pas exhaustive : il y en a plein d’autres des super bien, et vous pouvez en trouver la plupart sur le site joinmastodon.org.

join th federation - Mastodon

Vous pouvez aller chez Zaclys, une association franc-comtoise qui, pour professionnaliser ses services, est devenue une SARL, mais avec la même équipe et la même éthique.

Underworld, en revanche, c’est une personne sur Paris qui héberge des services avec amour, pour le plaisir et le savoir, et qui vous aide si vous lui payez l’apéro 🍻

Immaeu, c’est une petite entreprise d’une personne, qui ne cherche pas à faire de profit sur ses services (mais qui accepte les tips ou fait payer les grosses demandes spécifiques).

G3L est une association en Drôme-Ardèche qui promeut les logiciels libres. Elle vit principalement des dons et cotisations de ses membres.

FACIL est une association québecoise qui œuvre à l’appropriation collective de l’informatique libre. Leur instance Mastodon a le plus beau nom au monde : « Jasette ».

Si vous voulez qu’on vous installe votre propre instance Mastodon en quelques clics (moyennant quelques sous), Ethibox est la micro entreprise là pour vous !

Enfin, Chapril, c’est le chaton de l’APRIL, l’association de défense et de promotion du logiciel libre. Elle vit grâce aux cotisations et dons de ses membres : rejoignez-là !

C’est quoi, le Fediverse ? [vidéo]

Les pouets de Mastodon, les vidéos de PeerTube, les événements et groupes de Mobilizon, etc., toutes ces informations se retrouvent dans le « Fédiverse ».

Mais c’est quoi, le fédiverse ? Pour vous répondre, nous avons travaillé avec l’association LILA afin de produire une courte vidéo en anglais (déjà sous-titrée en français : aidez nous à la traduire depuis l’anglais dans d’autres langues sur notre plateforme de traduction).

Nous profitons donc de cet article pour vous dévoiler cette vidéo, que vous pouvez partager massivement autour de vous !


Vidéo What is the Fediverse – CC-By SA LILA



Frama, c’est aussi des services en ligne

Il y a bien plus de gens qui utilisent les Framapad, Framaforms, Framadate… que de personnes qui connaissent l’association Framasoft. C’est logique : ces services sont si pratiques que de nombreuxses bénéficiaires les intègrent dans leur quotidien sans forcément savoir comment ça se passe en coulisses.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Héberger les 16 services en ligne requiert une petite partie de notre temps, nos énergies, nos ressources… et une grande partie de notre attention. Il vaut mieux, quand on sait que vous êtes plus d’un million chaque mois à en bénéficier. (Cette estimation d’un million par mois vous est offerte par la Pr. Lalouche de l’Institut du Doigt Mouillé : on ne vous traque pas, donc on ne peut pas vraiment le savoir.)

Ces services sont ouverts à toute personne qui aura pris 5 minutes (pas plus !) pour lire nos CGU et qui aura accepté notre charte de modération. Nous espérons qu’ils vous sont utiles, mais que vous n’en dépendez pas. En effet, à nos yeux, ils restent une première étape sur la route de votre émancipation numérique qui peut vous mener ensuite vers les mêmes outils mais sur des hébergements mutualisés ou de l’auto-hébergement.

jeu de cartes Framasoft "des services en ligne"

Framadate, pour planifier des réunions

À l’instar de Doodle, Framadate vous permet de créer un mini-sondage, par exemple pour déterminer collaborativement la meilleure date et heure d’une réunion (mais vous pouvez aussi vous en servir pour savoir qui prendra quelle pizza).

Carte "framadate" avec le texte "Qu'il s'agisse de déterminer collaborativement la meilleure date et heure d’une réunion, ou de créer un mini-sondage très simplement, Framadate est l'outil qu'il vous faut. Avec plus 38 000 sondages créés par mois, notre alternative à Doodle est très appréciée."

Plus de 38 000 sondages sont créés chaque mois sur notre hébergement de Framadate. Pourtant, le logiciel est très facile à installer sur un serveur, et vous pouvez le retrouver chez beaucoup d’hébergeurs alternatifs du collectif CHATONS.

D’ailleurs, nous espérons que le code de ce logiciel (un poil vieillissant, avouons-le !) sera bientôt repris/refondu, en restant toujours aussi accessible.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Framapad, pour rédiger à plusieurs en même temps

Imaginez une page d’écriture en ligne, à la Google docs, mais sans avoir besoin de créer un compte ni de vous inscrire ! Framapad vous permet de rédiger un texte en ligne, à plusieurs et en temps réel. Ne cherchez pas le bouton « enregistrer », car chaque modification (même minuscule) est automatiquement enregistrée, et se retrouve dans l’historique du document. Vous pouvez aussi ajouter des commentaires sur le texte écrit ensemble, en discuter sur le tchat…

carte Framapad avec le texte "Framapad sert à rédiger un texte en ligne, à plusieurs et en temps réel, avec l’aide d’un historique, du tchat, des commentaires… Cette alternative à Google Docs peut fonctionner sans compte ni inscription. Framasoft héberge environ 380 000 pads."

Pas besoin de s’inscrire ni de donner son email pour créer et utiliser les pads temporaires (qui s’effacent automatiquement au bout d’un jour, une semaine, un mois, etc. d’inactivité). Il suffit de partager le lien du pad pour que d’autres le rejoignent ! Créer un compte sur MyPads, en revanche, vous permet de conserver vos pads dans des dossiers, de les supprimer, de gérer qui y aura accès…

Si l’on tient compte de toutes ces possibilités, Framasoft héberge une moyenne de 380 000 à 400 000 pads simultanément. Cependant, vous restez libres d’adopter le même outil chez d’autres hébergeurs du collectif CHATONS !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Framaforms, du mini formulaire au questionnaire complexe

Du petit formulaire d’inscription à la longue enquête détaillée, Framaforms vous permet de créer des formulaires facilement. L’outil est relativement puissant, à tel point que nous avons listé de nombreuses fonctionnalités et astuces dans notre documentation.

carte Framaforms avec le texte "Framaforms sert à créer des questionnaires en ligne, qu'ils soient simples ou complexes. Framasoft vous garantit de les héberger sur une plateforme respectueuse des données de chacune et des réponses de chacun. Framaforms abrite environ 120 000 formulaires."

Une fois votre formulaire publié, vous pouvez en partager le lien à vos répondant·es. Les résultats vous sont accessibles sous diverses formes (tableau, graphique, export utilisable par un tableur, etc.)

Avec près de 10 500 formulaires créés chaque mois, Framaforms est un de nos services les plus utilisés. Et pour cause, les formulaires récoltent des informations parfois sensibles, que peu de monde a envie de confier aux géants du Web.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Dégooglisons Internet

Dégooglisons Internet, c’est aujourd’hui une boite à outils de 16 services en ligne, comprenant ceux qu’on vient de mentionner plus haut mais aussi :

Carte Dégooglisons Internet avec le texte "Framapad, Framadate, Framaforms… font partie des 16 services en ligne du projet Dégooglisons Internet. De la visio conférence à l'agenda en passant par les listes de discussion, Framasoft ouvre ces services à plus d'un million de bénéficiaires, chaque mois."

Vous pouvez accéder à l’ensemble de ces outils, à une sélection d’outils complémentaires maintenus par des hébergeurs de confiance ainsi qu’à toute une liste d’alternatives directement sur le site Dégooglisons Internet.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série, publiés entre octobre et décembre 2021, en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framadate ! Cependant, la quinzaine de services en ligne proposés par Framasoft reste l'action la plus populaire de l’association. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

 

Pour aller plus loin :

 




Comment se faire 10 000 boules sur le dos d’un artiste libre

Oui, ce titre sent le piège à clics bas de plancher, mais si on vous dit que la réponse est –roulements de tambours– « avec de la blockchain », vous admettrez que le titre est bien moins vulgaire que l’abus que vous allez lire ici.

David Revoy est un artiste de la culture libre, connu pour son webcomic Pepper&Carrot, pour ses innombrables contributions au libre (de ses tutoriels pour le logiciel libre de dessin Krita, aux illustrations de notre Contributopia).

Hier, il a publié sur son blog un article en anglais expliquant comment un cupide malotru vient de se faire plus de dix mille euros en parasitant son travail, grâce à de la blockchain. L’histoire est tellement injuste et minable que nous avons vite répondu à David que s’il voulait qu’on traduise et diffuse son histoire, il n’avait qu’un mot à dire (et il l’a dit ^^).

Les personnes qui gloseront sur la « bonne » ou la « mauvaise » licence pour le protéger d’une telle mésaventure risquent de passer à côté d’un élément central de ce témoignage : ceci n’est pas un dilemme légal, mais un dilemme artistique. Que cette spéculation soit légale ou non, ne change rien au fait que ce soit immoral. Ouvrir une partie de ses droits au public (par le biais d’une licence libre), ce n’est pas s’interdire de gueuler lorsqu’on trouve qu’un usage de son œuvre est nul, moche, qu’il salit nos valeurs.

Ce n’est pas un problème légal, mais artistique. David Revoy réagit comme le fait un·e artiste, en s’exprimant.

Nous vous proposons donc de l’écouter.

  • Article original sur le blog de l’auteur : Dream Cats NFT: don’t buy them
  • Traduction Framalang : Cpm, Bullcheat, retrodev, Pouhiou, Julien / Sphinx, mo, et les anonymes

10 000 euros de NFT avec mes œuvres, CC-by David Revoy

N’achetez pas les NFT « Dream Cats »

— par David Revoy

Voici une autre histoire de NFT (et il ne s’agit pas de la suite de la dernière en date, en mars dernier, après que quelqu’un a publié mon « Yin and Yang of world hunger » sur OpenSea…). Aujourd’hui, il s’agit de la publication officielle du catalogue « Dream Cat » sur OpenSea par ROPLAK, une variante de mon générateur CatAvatar de 2016 sous licence Creative Commons Attribution. Cela a été annoncé hier dans ce tweet, [edit : iel a effacé son tweet et en a fait un nouveau) et la page de catalogue OpenSea compte déjà 10 000 éléments et en a déjà vendu pour une valeur de 4,2 ETH (NdT : l’Etherneum est une crypto-monnaie), soit environ 10 000 euros en deux jours…

NFT… (Kesako ? )

Si le principe de NFT ne vous est pas familier, voyez-le comme un unique « jeton » (par exemple, un identifiant numérique) écrit dans la base de données décentralisée d’une crypto-monnaie, dans notre cas Ethereum. Ce jeton peut être attaché à n’importe quoi – souvent à une image artistique, mais cela peut être à un service, un document, une arme dans un jeu vidéo, etc. ; vous pouvez vendre cet identifiant unique sur une place de marché NFT, comme OpenSea dans notre cas. Cet identifiant peut donc avoir un propriétaire, peut prendre de la valeur avec le temps, valoir de plus en plus cher, par exemple.

Si vous préférez, c’est un peu comme le commerce des cartes rares de Magic, de Pokémon ou de Base-ball, tout cela étant payé avec de la crypto-monnaie. Les investisseurs peuvent en acheter de nouvelles, prédire celles qui seront plébiscitées, qui prendront de la valeur, pour ensuite avec celles-ci transformer leur argent en… encore plus d’argent. Nous avons ici le pur produit du capitalisme et de la spéculation, mêlé à une technologie produisant de l’ « unicité » et qui n’est pas connue pour être éco-responsable.

Pour faire court, un mélange de concepts que je hais.

C’est bon, pourquoi tant de haine ?

Je suis né dans les années 1980 et j’ai grandi dans un monde où l’accès à l’information était limité – librairies, bibliothèques, télévision. Puis, quand Internet est apparu dans ma vie, j’ai cru que cela allait ouvrir un âge d’or, parce que l’information pouvait être répliquée sur des millions de terminaux pour un coût très faible. J’ai créé un portfolio, rencontré d’autres artistes, réalisé des films sous licence libre, travaillé pour de grandes entreprises et je poursuis, en ce moment même, la création d’une série de webcomics, Pepper&Carrot, suivie par des millions de personnes. J’ai adopté la licence Creative Commons afin que d’autres puissent réutiliser mes créations graphiques sans demander d’autorisation et sans avoir à payer.

Le CatAvatar est né d’un projet personnel, développé sur mon temps libre afin de supprimer tous les CDN (NdT : réseaux de distribution de contenu) de mon site web. Comme je l’expliquais dans un billet de blog publié en 2016, je souhaitais me débarrasser du service Gravatar dans mon système de commentaires, et ce simple objectif m’a coûté plusieurs jours de travail. Il était inspiré par un désir de liberté, un désir d’offrir une alternative belle et choupi sur Internet. J’ai décidé de partager les sources et les illustrations de Catavatar gratuitement, sous la licence Créative Commons Attribution, très permissive.

À l’opposé, un système tel que NFT est une tentative d’attribuer un identifiant à chaque fichier, chaque création, pour créer une unicité artificielle afin que tout puisse être acheté. C’est un fantasme capitaliste : faire de chaque chose une propriété unique, afin que tout puisse être vendu. Vous comprenez maintenant la raison pour laquelle je déteste voir Catavatar utilisé comme NFT ? Cela va à l’encontre de la raison même pour laquelle mes créations se sont retrouvées là initialement.

Déclaration personnelle à propos des NFT :

Voir mes créations utilisées pour des NFT va à l’encontre de mon droit moral (NdT : l’auteur fait ici référence au respect de l’intégrité de l’œuvre, composante du droit moral dans le droit d’auteur français). Je vais donc être clair :

N’achetez pas de NFT fait avec mes créations.

Ne faites pas de NFT avec mon travail artistique disponible sous Creative Commons.

Si vous respectez mon œuvre, souvenez-vous de ces recommandations et appliquez-les.

Revenons maintenant au sujet du jour : le catalogue de NFT « Dream Cats ».

L’affaire des NFT « Dream Cats »

capture d'écran du catalogue Dream Cats sur OpenSea
capture d’écran du catalogue Dream Cats sur OpenSea

Tout d’abord, je ne fais aucune marge ni aucun profit sur le catalogue DreamCats d’OpenSea. Je sais que mon nom est sur chaque produit, je sais que mon nom est dans le titre du catalogue, etc. Je reçois déjà des emails à ce propos. Et, pour être clair, ce n’est pas un problème d’argent : je ne veux pas toucher le moindre pourcentage d’une vente de NFT. L’auteur, ici ROPLAK, est le seul à bénéficier des ventes, déjà 4,2 ETH, soit environ 10 000 euros, en deux jours. Il ne s’agit pas d’une poignée de dollars, c’est un marché réellement rentable, dans lequel mon nom est écrit sur chaque produit.

Les Catavatars ne sont pas utilisés tels qu’ils ont été dessinés : l’auteur a ajouté à mes dessins originaux une distorsion, un filtre généré par l’algorithme DeepDream. Cela sert à déformer les chats, mais surtout à s’assurer que chaque pixel de l’image soit modifié, permettant à l’auteur ROPLAK de revendiquer légalement cette œuvre en tant qu’œuvre dérivée.

Mais je vous laisse juger ici de la qualité artistique de « l’amélioration » de cette œuvre dérivée. DeepDream n’est pas difficile à installer, si vous savez comment exécuter un script Python ; vous pouvez vous amuser avec sur un système Ubuntu en moins de 15 minutes. Je m’y étais essayé en 2015.

L'effet DeepDream est juste un filtre. Moi aussi, je peux le faire…
L’effet DeepDream est juste un filtre. Moi aussi, je peux le faire…

Voilà, c’est tout. La valeur ajoutée que nous avons ici est celle d’un filtre apposé sur un travail que j’ai passé des heures à concevoir avec soin, à dessiner, à affiner, pour l’offrir sur le web. ROPLAK a probablement créé un script et automatisé la génération de 10 000 de ses chats de cette manière. En possédant un DreamCat, tout ce que vous possédez c’est un avatar de chat généré aléatoirement, avec un filtre par dessus.

Dream Cats et droit d’auteur

Du point de vue légal, les Dream Cats sont légitimes, car j’ai publié la bibliothèque d’images Catavatar selon les termes de la licence Creative Commons Attribution.

  • L’usage commercial est autorisé (donc pas de problème pour les vendre).
  • Les œuvres dérivées sont autorisées (donc pas de problème pour ajouter un filtre).
  • L’attribution est respectée (car correctement mentionnée).

Une seule chose n’est pas correcte : il s’agit d’une infraction à mon droit moral.

Pour moi, les NFT représentent le point culminant du capitalisme et de la spéculation. Et cette idéologie ne me convient pas. J’invoquerais probablement le respect de mon « droit moral » si mon œuvre était utilisée pour de la propagande raciste ou pour faire du mal à quiconque.

Les « droits moraux » ne sont pas transférés par une licence Creative Commons Attribution.

Je demande donc ici à ROPLAK et OpenSea, en vertu de mon droit moral, de retirer les DreamCats dès aujourd’hui. Gardez l’argent que vous avez généré avec ça, je n’en ai rien à loutre. Je refuse simplement que mon nom soit associé à quelque fraction que ce soit de l’empire NFT.

Infraction au droit moral ! Youpi ! Loi ! Tribunal !

Hummm… Non… Rien.

Je ne vais pas lancer de mots inutiles ici ou proférer de vaines menaces : je n’attaquerai ni ROPLAK ni OpenSea au tribunal.

Même si je peux prouver que les DreamCats ou n’importe quel NFT enfreignent mon droit moral. Même si, en théorie, la loi est « de mon côté ». Je n’ai pas les moyens, en temps ou en argent, d’obtenir justice.

Consulter un avocat coûterait des centaines d’euros par visite et l’étude de cette affaire demanderait beaucoup de temps. Je ne peux pas me le permettre et, pour être honnête, je n’ai pas envie de vivre cela. La vie est courte, tôt ou tard je serai mort. Je ne veux pas utiliser ainsi le temps précieux qui me reste. J’ai des dessins à partager, j’ai des histoires à écrire, je dois être là pour ma famille, mes amis et pour les projets que j’aime.

Conclusion

En France, nous avons le proverbe : Bien mal acquis ne profite jamais. C’est ce que je souhaite à toutes les personnes ayant participé à ce NFT. Je leur souhaite également de lire cet article.

Voilà, c’est tout. Ce matin, je voulais faire un tutoriel vidéo sous licence Creative Commons, pour partager des astuces et aider d’autres artistes sur le dessin et le line-art. Mais maintenant, je vais devoir méditer pour me calmer, parce que chaque fois que je retrouve cette histoire sur mon chemin, cela m’affecte et m’entrave dans la création de tutoriels, d’histoires joyeuses et d’univers colorés… Certains matins, c’est vraiment difficile d’être un artiste Libre.

Liens :




Le projet Rust et sa gestion collaborative

La gestion d’une communauté de développeurs d’un projet open source est assez délicate. Le langage de programmation Rust, conçu et développé de façon ouverte au sein de Mozilla depuis une bonne dizaine d’années, fait largement appel à sa communauté dans sa structure et son mode de développement.

Son originalité par rapport au management de projet en entreprise apparaît de façon intéressante dans le témoignage et les réflexions de Mara Bos, une jeune développeuse impliquée dans le projet dont Framalang a traduit ci-dessous les propos.

Article original sur le blog de l’autrice : Rust is not a company

Traduction Framalang : Fabrice, Côme, goofy

Rust n’est pas une entreprise

par Mara Bos

Mara Bos alias m-ou-se (son dépôt de code)

L’année dernière, en tant que contributrice occasionnelle au projet Rust, je n’ai pas trop réfléchi à la structure organisationnelle de l’équipe derrière le projet. J’ai vu une hiérarchie d’équipes et de groupes, de chefs d’équipe, etc. Tout comme n’importe quelle autre organisation. Cette année, après m’être davantage impliquée, et devenue membre de l’équipe Library 1 puis cheffe d’équipe, j’ai pris le temps de me demander pourquoi nous avons cette structure et à quoi servent ces équipes.

Pas une entreprise

Dans la plupart des entreprises, on trouve des directeurs et des actionnaires et autres trucs dans le genre en haut de la hiérarchie, qui définissent les buts de l’entreprise. Objectifs, jalons, dates limites, et autres choses qui vont sûrement mener l’entreprise vers le but final quel qu’il soit ; généralement l’argent.

Ensuite il existe plusieurs niveaux de management répartis en départements et en équipes pour diviser la charge de travail. Chaque niveau prend en charge une part des objectifs et s’assure que sa part est faite, en assignant des tâches aux employés en bas de la hiérarchie, tous travaillant d’une manière ou d’une autre à atteindre l’objectif principal commun.

Alors que la structure derrière un gros projet open source comme Rust peut sembler similaire, vue de loin, c’est souvent complètement l’inverse. Dans un tel projet, les objectifs et buts ne sont pas ceux des équipes d’en haut, mais effectivement ceux des contributeurs.

En tant qu’équipe library, nous pourrions par exemple essayer de décider que le mécanisme de formatage (std::fmt) devrait être réécrit pour être plus petit et plus efficace. Mais prendre cette décision ne provoque pas la réécriture. Et nous n’avons pas d’employés à qui assigner les tâches. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.

Au lieu de cela, un contributeur passionné d’algorithmes de formatage pourrait se manifester, et commencer à travailler sur le problème. Notre travail en tant qu’équipe library est de faire en sorte que cette personne puisse travailler. S’assurer que son projet est en accord avec le reste de la bibliothèque standard, relire son travail et fournir un retour utile et constructif. Si davantage de personnes interviennent pour collaborer sur ce projet, mettre en place un groupe de travail pour aider à tout organiser, etc.

Les entreprises ne font pas travailler le premier venu sur quelque chose. C’est ce qui fait que l’open source est particulier et si génial, si on s’y prend bien.

Objectifs personnels

Idéalement, l’objectif d’un projet open source comme Rust est simplement la combinaison des buts personnels de toutes les personnes travaillant dessus. Et là est la difficulté. Parce que quand une nouvelle personne arrive, on ne lui assigne pas une tâche qui correspond à nos objectifs. Cette personne arrive plutôt avec ses propres objectifs et ses propres idées, les ajoutant à un ensemble déjà assez varié d’objectifs potentiellement conflictuels.

Et c’est pourquoi un projet open source piloté par des bénévoles a besoin d’une structure de management. On ne peut pas juste mettre ensemble une centaine de personnes avec chacune ses propres buts et espérer que tout se passe bien.

Donc ce que fait le management, c’est prendre en considération tous les buts personnels de toutes les personnes travaillant sur un sujet, et essayer de les guider de manière à ce que les choses fonctionnent. Ça peut impliquer le fait de dire non à des idées quand elles seraient incompatibles avec d’autres idées, ou ça peut impliquer beaucoup de discussions pour harmoniser les idées afin qu’elles soient compatibles. C’est exactement l’opposé de la manière dont fonctionne une entreprise typique, où les objectifs viennent d’en haut, et où le management décide de la manière de les répartir et les assigner aux personnes qui effectuent le travail technique.

Alors que beaucoup de projets open source, dont Rust, ont un cap ou un plan d’action, ces derniers doivent reposer sur les objectifs des contributeurs individuels du projet pour que ça fonctionne. Dire « notre objectif principal en 2021 est d’améliorer les mécanismes de formatage dans la bibliothèque standard » devrait faciliter le travail des personnes travaillant déjà dessus, et attirer les personnes qui voulaient déjà travailler sur quelque chose de ce genre. Ça devrait les aider parce que nous priorisons toutes les décisions de management et les révisions de code dont ils ont besoin. Ça devrait permettre aux personnes de se concentrer et d’avancer davantage. Mais sans ces contributeurs, mettre en place de tels objectifs n’a pas de sens. Contrairement à une entreprise, nous n’avons pas à choisir ce sur quoi les personnes passent leur temps, et nous n’employons pas de personnes auxquelles assigner des tâches.

Et c’est une bonne chose.

Le logo du langage de programmation Rust

C’est la raison pour laquelle les gens veulent travailler sur Rust.

Je ne prétends pas qu’un langage de programmation ne pourrait pas être géré « d’en haut » comme une entreprise le ferait. Beaucoup de langages de programmation ont été et sont développés de cette manière avec beaucoup d’efficacité. Ce que je dis, cependant, c’est que personnellement je ne veux pas que le projet Rust fonctionne de cette manière.

Je ne veux pas gérer le département library de l’entreprise Rust. Je veux aider les personnes qui veulent améliorer les bibliothèques du langage Rust.

Un espace pour s’épanouir

Différents contributeurs ont des objectifs très différents, travaillent avec des méthodes très variées, et ont des besoins très différents des structures de management.

Pour certains d’entre eux, nous avons des processus en place destinés à leur rendre le travail plus facile. Une personne qui veut travailler sur une nouvelle fonctionnalité du langage peut soumettre ses idées via une RFC 2 et prendre part dans une discussion avec l’équipe library pour des conseils et de l’aide. Quelqu’un qui veut améliorer une grande partie du code du compilateur 3 peut soumettre une proposition de changement majeur (MCP) et en discuter avec l’équipe du compilateur. Et quelqu’un qui veut résoudre un problème dans la bibliothèque standard peut soumettre une proposition de modification et la voir relue et évaluée par des personnes qui connaissent le contexte.

En d’autres termes, nous avons créé un espace pour ces types de contributeurs. De l’espace pour faire leur travail, de l’espace pour obtenir des retours, de l’espace pour obtenir de l’aide, de l’espace pour obtenir une reconnaissance, tout l’espace dont ils ont besoin pour réussir.

Cependant, il existe malheureusement beaucoup de types de contributeurs pour lesquels nous n’avons pas créé un espace, ou pas le bon espace.

Jusqu’à une époque récente, l’équipe library était principalement concentrée sur la conception de l’API. Les problèmes critiques d’implémentation étaient gérés par l’équipe du compilateur par nécessité. Les modifications de code plus modestes étaient relus et évalués par des relecteurs individuels de l’équipe library. Mais il n’y avait pas de gestion prévue pour de plus gros changements de code. Ça signifiait qu’il n’y avait pas d’espace pour une personne qui aurait voulu remettre à neuf le code de std::fmt. Il n’y avait pas d’équipe qu’elle aurait plus rejoindre pour travailler là-dessus, rendant beaucoup plus difficile, voire impossible, d’atteindre son but.

C’est pourquoi j’ai lancé la nouvelle équipe Library.

Faire de la place pour quelque chose peut souvent amener à (accidentellement) retirer de la place pour autre chose. Une personne qui n’est pas très impliquée dans le code mais qui veut appliquer son expérience dans la conception d’API et qui se soucie beaucoup de l’interface de la bibliothèque standard ne s’épanouirait pas dans une équipe qui aime avoir des réunions hebdomadaires à propos des problèmes de correction du code et de la manière avec laquelle résoudre ces problèmes avant la prochaine version publique.

Voilà pourquoi nous avons à présent l’équipe Library API

Nous avons maintenant aussi une équipe de « Contributeurs à Library ». Un endroit pour les personnes qui sont plus impliquées dans le projet que les contributeurs occasionnels, mais qui ne font pas partie des équipes qui prennent les décisions finales. Ça fait de l’espace pour les personnes qui veulent, par exemple, travailler sur seulement un aspect particulier de la bibliothèque, ou aider à relire les modifications proposées. Jusqu’à il y a environ un an, il n’y avait pas d’espace particulier pour qu’une personne relise les changements ou qu’elle s’implique davantage d’autres manières, sans faire directement partie d’une équipe avec beaucoup plus de responsabilités.

J’ai réussi à effectuer ces changements de structure d’équipe avec l’aide des membres des équipes Core et Library, qui m’ont mise en capacité de le faire. En retour, ces changements vont, je l’espère, permettre à des membres de ces nouvelles équipes de s’épanouir, et ainsi permettre à encore plus de personnes de contribuer, pour que finalement cela soit bénéfique pour tous les utilisateurs et utilisatrices du langage.

La mascotte de Rust

Continuer à changer

Je n’ai pas l’impression que nous ayons maintenant un espace pour toute personne souhaitant contribuer. Mais une fois que la poussière de la réorganisation se sera dispersée, je pense que le résultat sera une amélioration par rapport à ce que nous avions auparavant, et que ça correspond mieux au projet tel qu’il est aujourd’hui.

« Aujourd’hui » est le mot important ici. Ces équipes sont faites autour des membres actuels et des personnes qui, je pense, pourraient devenir des membres dans un futur proche. Mais ce groupe de personnes et leurs besoins changent, parfois à une vitesse surprenante. Et dans un projet qui est entièrement défini par les personnes qui y contribuent, ça change le projet en lui-même et la structure dont il a besoin, tout aussi rapidement.

En 2018, l’équipe Library était très impliquée dans l’aide aux auteurs des bibliothèques 4 populaires de l’écosystème. L’équipe a publié un ensemble de guides, et va réviser les bibliothèques et travailler conjointement avec leurs auteurs pour les implémenter. Tout cela pour améliorer la cohérence et la qualité de l’écosystème de librairies Rust.

Il y a quelques jours encore, c’était toujours techniquement une partie des buts affichés de l’équipe, même si en pratique ça n’était plus vraiment le cas ; particulièrement depuis qu’Ashley Mannix a quitté le projet il y a un moment. Sans les personnes qui ont pour but personnel de faire que des choses se produisent, les choses ne se produisent pas.

Et c’est très bien comme ça.

Tout le monde a une longue liste de vœux pour Rust, de choses qui ne se font pas parce que personne ne travaille dessus. Nous ne sommes pas une entreprise avec des dates limites et des jalons qu’il nous faut absolument atteindre. Nous sommes un groupe, divers et fluctuant, de personnes qui essaient de gérer tout ça avec passion, en s’efforçant de faire en sorte que tous les efforts aboutissent harmonieusement.

Il y a beaucoup de choses pour lesquelles nous devrions avoir de l’espace, mais pour lesquelles nous n’avons encore de place. Mais si nous continuons à essayer, si nous continuons à effectuer de petites améliorations. À nous adapter. À prendre en compte les personnes autour de nous qui veulent contribuer elles aussi ; si nous continuons à réfléchir à la façon dont nous pouvons les aider, eux et tous les autres. Alors chaque pas sera un pas dans la bonne direction, ainsi Rust prospérera et toutes les nombreuses personnes qui travaillent sur Rust et avec Rust s’épanouiront.

Photo « Rusty but pretty »  par Jeanne à vélo, licence CC-BY-SA




À Quimper en juillet,
entrée libre au carré

Partout en France, des personnes dynamiques s’investissent pour accompagner celles et ceux qui le désirent vers davantage de maîtrise et d’émancipation dans leurs usages numériques.

Framasoft a choisi de mettre en lumière et de soutenir l’activité exemplaire de celle qui se fait appeler « la Reine des Elfes » sur son média social favori. Si nous la connaissons bien et l’apprécions, c’est parce qu’au-delà de son activité régulière au Centre des Abeilles à Quimper, elle a organisé une première session d’Entrée libre, qui a réuni des intervenants du monde du Libre pour 3 jours en août 2019, un événement ouvert à toutes et gratuit « pour comprendre internet, découvrir les logiciels libres et protéger sa vie privée » (voir l’affiche 2019).

Avatar de la Reine des Elfes sur Mastodon

Eh bien voilà que notre chère « rainette » bretonne récidive cette année ! Voici dans l’interview ci-dessous les raisons qui la poussent à organiser et réussir un événement qui nous est cher. Et puis comme le budget est plus important cette année, elle a lancé un appel aux dons auquel nous vous invitons à répondre comme nous venons de le faire…

 

Mat ar jeu, Brigitte ?
Demat Framasoft. Tu te colles au brezhonneg ? Je ne te suivrai pas dans cette langue, car même si j’habite en terre bretonnante, je ne le maîtrise pas. Je te répondrais donc en Gallec : je vais bien ! 🙂

D’où est venue l’idée d’Entrée Libre ?
Ouh là ! Il faut revenir à la première édition en 2019. Je voulais faire un cadeau à mon pote @reunigkozh qui a initié les distributions gratuites d’ordinateurs au Centre des abeilles. Cela faisait 10 ans en 2019. Et je trouvais que nous devions fêter cela.

Mon expérience personnelle m’avait montré que tout le monde ne comprend pas ce qu’iel fait lors de l’utilisation d’un ordinateur. C’est compliqué de comprendre qu’alors que l’on est seul face à un écran, il se passe plein d’autres choses. De comprendre aussi qu’il peut y avoir aussi de l’éthique dans le numérique et qu’on peut choisir quoi utiliser, si on est suffisamment informé.
Le premier Entrée Libre était donc axé sur une présentation d’assos ou de logiciels qui pouvaient aider à prendre sa vie numérique en main.

Est-ce que c’est facile de faire venir des intervenant·e·s de qualitay à Quimper ? (question de Parisien-tête-de-chien qui se croit au centre du monde… libre 🙂 )

J’ai eu beaucoup de chance d’utiliser le Fédiverse, en l’occurrence, Mastodon. Avant, j’étais surtout sur Diaspora* et quand Framasoft a dit « ça vous dit d’essayer un nouvel outil de microblogging ? » ben, je suis allée tester !… et j’y ai rencontré des gens super, qui m’ont appris plein de trucs et qui répondaient à mes questions de noob. Alors, quand j’ai parlé de mon projet d’informer les gens de ce qui existait, Iels ont répondu présent. C’était très émouvant de voir que non seulement personne ne démontait ce projet mais qu’en plus il y avait du monde à répondre à mon appel. J’suis ni connue ni de ce monde-là… Et iels sont forcément de qualitay puisque ce sont mes mastopotes ! 😀

 

C’est le numéro 2, pourquoi ? Le 1 ne t’a pas suffi ? 😀

J’avais dit que je ne referai plus ! 😛 . C’est beaucoup de boulot mine de rien et beaucoup de stress ! Mais voilà, suite au premier confinement, j’ai rencontré beaucoup de gens « malades du numérique ». Je veux dire que beaucoup de personnes ont été obligées d’utiliser des outils qu’iels ne comprenaient pas. C’était devenu une obligation et iels ont galéré pensant que c’était de leur faute… « parce que je suis nul ! ». J’aimerais donc qu’iels comprennent que ce n’est pas le cas. Qu’il existe des outils plus accessibles que d’autres. Qu’iels ne vont pas casser Internet en allant « dessus ».

Quelles attentes est-ce que tu perçois lors des ateliers que tu réalises ? (je pense à la fois aux tiens et aux distributions d’ordis de LinuxQuimper)

Vaste question !
Pour les distributions, c’est facile. Les gens veulent s’équiper ! Leur besoin est simple, pouvoir accéder aux mails et pour beaucoup, pouvoir s’actualiser à Pôle Emploi. Mais nous n’avons pas beaucoup de retour quand à leur utilisation par la suite.
Pour les ateliers que j’anime, en tant que salariée maintenant, je mets bien les choses au clair. Je ne donne pas de cours, je fais un accompagnement. C’est-à-dire que je ne touche que très peu à la machine, sauf pour voir parfois où sont cachés les trucs (ben oui, n’utilisant qu’Ubuntu, je ne sais pas forcément utiliser un Windows ou un Mac.).

L’avantage de leur montrer cela, c’est que du coup, iels s’aperçoivent qu’il n’y a pas de science infuse et que non, l’apposition des mains ne leur fera pas venir le savoir. Quant à leurs attentes, une fois qu’iels ont compris cela , elles deviennent plus sympas. Les discussions sur la vie privée arrivent très vite, d’autant que j’ai accroché les belles affiches de la Quadrature du net dans la salle où je suis . Et une fois les angoisses passées, la curiosité arrive et tu les vois passer le curseur sur les icônes, pour savoir ce que c’est avant de cliquer. Et faire la différence entre Internet et leur machine. C’est génial !
Et puis ensuite, quand je les accompagne sur Internet, il y a plein de questions auxquelles je les force à trouver la réponse par rapport à leurs attentes. Notamment pour les cookies… Je leur explique que ce n’est pas à moi de décider pour elleux, cela leur semble étonnant au début, et puis je les vois décider, se demander pourquoi telle ou telle extension a été ajoutée la dernière fois qu’iels ont amené leur ordi à réparer… C’est très sympa !

D’où te vient cette curiosité pour apprendre et progresser en compétences dans un domaine qui ne t’était pas trop familier il y a peu d’années encore ?
Je crois que je suis curieuse par nature. Pas de cette curiosité pour savoir qui fait quoi. Mais de comment ça marche et du pourquoi, cela épuisait parfois mes instits même si elles aimaient bien cela.
J’ai toujours démonté mes machines, pas quand j’étais enfant, « les filles ne font pas ça » (déjà que je jouais au foot et que je grimpais aux arbres !), pour essayer de les réparer car souvent ce n’était pas grand-chose qui les empêchait de fonctionner (un tout petit jouet glissé dans le magnétoscope par exemple). Et on va dire que c’est grâce ou à cause de Windows que j’ai rencontré le Libre. Puisque j’en avais assez de le casser parce que je retirais des fichiers qui ne me semblaient pas clairs et de ces virus qui revenaient malgré les antivirus qu’ils soient gratuits ou payants. J’ai donc commencé par chercher sur internet « par quoi remplacer Windows ». À l’époque je ne connaissais pas le mot « système d’exploitation » et j’ai lu des trucs qui parlaient d’un bidule qui s’appelait Linux. J’ai fouillé, cherché, et au bout d’un an j’ai dit à un de mes fils : « tu te débrouilles mais je veux ça sur l’ordi ». Il a gravé un disque et la libération est arrivée. 😀

Puis j’ai vu qu’il existait un groupe LinuxQuimper (sur FB à l’époque où je l’utilisais) et qu’il y avait au centre social des Abeilles des gens de ce groupe (j’ai appris plus tard qu’on disait un GUL) distribuaient des ordis sous Linux. Je les ai donc contactés et je suis entrée dans l’équipe de distribution. Et j’ai recommencé à poser des questions ;-). Et un jour, ils m’ont parlé de Diaspora* où j’ai créé un compte…

Pour nous, tu es la figure de proue d’Entrée Libre, mais est-ce que tu es soutenue et aidée localement pour cette opération par une association ?

Le centre social est effectivement géré par une association « Centre des abeilles ».
Pour la prépa, je suis toute seule à bord, avec l’aval des intervenants et des aides ponctuelles sur les mises en forme. Je prépare cela bénévolement, et ensuite je me fais aider pour la diffusion et tous les petits détails pratiques.
Quand le projet prend forme, le directeur du centre le présente au conseil d’administration du Centre des Abeilles qui valide ou pas le projet. C.A où je suis convoquée pour le présenter aussi.

C’est donc toujours beaucoup d’incertitude et cette année j’ai trouvé cela plus compliqué que la première année. Un C.A. en visio manque de chaleur et d’interaction. En plus le budget est plus lourd que la dernière fois…

Le budget est/a été difficile à boucler, est-ce parce que les frais d’hébergement et déplacement de tous les invités sont trop importants cette fois-ci ?
Déjà on a plus du double d’intervenants. La dernière fois Entrée Libre finissait à 18h chaque soir sur 3 jours. Ce coup-ci , ça commence à la même heure mais ça va finir à 20h30, voire 21h le temps de tout ranger pour le lendemain, pour les bénévoles. Il y a donc un repas supplémentaire à prévoir.
Ce n’est pas tant les déplacements et l’hébergement (iels sont nombreux à ne pas vouloir de défraiement et d’hébergement, ouf !) qui vont coûter le plus mais bien les repas pour plus de trente personnes midi et soir (mon premier prévisionnel comptait tout le monde et arrivait à 9868,05€ t’imagines la tête des gens du CA 😛

Entrée Libre N°2 bénéficie d’une subvention du fonds de soutien à la vie associative, mais il reste de l’argent à trouver…

 

Est-ce qu’il y aura des crêpes ?

Au moins pour les intervenantes et intervenants ! Pourquoi vous croyez qu’iels viennent ? 😀
Mais je crois bien que j’ai un mastopote qui veut en faire pour le public aussi ! J’ai même prévu des repas et des crêpes véganes pour les bénévoles et le public.

On te laisse le mot de la fin !

Personnellement je trouve que c’est un beau projet que celui de permettre à des gens de s’émanciper, de pouvoir comprendre ce qui se passe avec leurs données numériques, de pouvoir choisir des outils respectueux. Mais pour pouvoir choisir il faut avoir du choix et sans informations on n’en a pas !

Parce que cette belle phrase « si tu ne sais pas demande, et si tu sais, partage » n’a de sens que si il y a du monde pour poser des questions et du monde pour recevoir les partages.

Si ce projet a du sens pour vous aussi n’hésitez pas, si vous le pouvez, à faire un don au « Centre des Abeilles » . Pour plus d’infos sur le programme n’hésitez pas à aller visiter sa page.
Merci à mes mastopotes et à Framasoft de m’avoir permis de tester plein de trucs et de croire en moi. Et bien sûr, un grand merci à celles et ceux qui ont déjà participé à la collecte de dons.

Pour assurer le succès de l’événement, Framasoft, qui animera plusieurs conférences et ateliers, a mis la main à la poche et contribué financièrement. Vous pouvez consulter le détail du budget prévisionnel.

Contribuez à votre tour par un don sur la page Helloasso d’Entrée Libre #2