Première démonstration « open source » d’un théorème mathématique

Robynejay - CC by-saEst-ce uniquement par leur licence qu’un noyau Linux et une encyclopédie Wikipédia sont identifiés comme étant libres ?

Juridiquement parlant oui, mais s’en tenir là serait passer à côté du modèle collaboratif particulier que ce sont donnés ces deux fleurons de la culture libre pour développer leur projet.

Conséquence de la licence, c’est aussi voire surtout la puissance de ce modèle qui caractérise le Libre. Et ce modèle commence à se diffuser un peu partout dans la société…

Les mathématiques sont « libres » depuis la nuit des temps (enfin depuis que les pythagoriciens ont cessé de se cacher, pour être plus précis)[1]. Chacun est libre des les étudier, les copier et les améliorer en étant fortement encouragé à rendre évidemment publiques ces améliorations, dans la plus pure tradition universitaire.

C’est absurde, mais si il fallait a posteriori leur accoler une licence issue de la culture libre, ce pourrait être la plus simple des Creative Commons, la CC-By, puisque cette notion de paternité est très importante dans un monde scientifique avant tout motivé par la reconnaissance des pairs et la place laissée dans l’Histoire de leur champ disciplinaire.

On retrouve d’ailleurs souvent les crédits et les hommages dans les noms que l’on donne aux résultats. On parlera ainsi de la preuve selon Euclide du théorème de Thalès.

Les mathématiques seraient donc « libres », les professeurs également (enfin surtout en France dans le secondaire avec Sésamath), mais quid des mathématiciens eux-même et de leurs pratiques ? Et si ils s’organisaient à la manière d’un projet de développement d’un logiciel libre pour chercher et éventuellement trouver ensemble des résultats importants ?

Entendons-nous bien. Les mathématiciens ne vivent bien entendu pas dans une tour d’ivoire. Ils sont habitués à travailler et échanger ensemble au sein d’un laboratoire, lors d’un séminaire… et évidemment sur Internet. Mais l’aventure intellectuelle et collective du « Projet Polymath » que nous avons choisi de vous narrer ci-dessous est un peu différente, en ce sens que ses auteurs eux-mêmes la définissent comme une expérience « open source ».

Ne vous arrêtez surtout pas à la complexité mathématique de ce qu’ils cherchent à accomplir (à savoir une « meilleure » preuve d’un théorème déjà démontré !), c’est totalement secondaire ici. Ce qui nous intéresse en revanche c’est comment ils y sont arrivés (désolé d’avoir vendu la mèche) et les enseignements qu’ils en tirent pour l’avenir.

Parce qu’il se pourrait que cet mode opératoire, original et efficient, fasse rapidement des émules, et ce bien au delà des mathématiques.

Remarque : C’est le terme « open source » qui a été choisi tout du long par les auteurs et non « free software ». Contrairement au domaine logiciel, il ne s’agit pas d’un choix ou d’un parti pris mais tout simplement d’une question de sens : « open source mathematics » étant largement plus signifiant que « free software mathematics » !

Mathématiques massivement collaboratives

Massively collaborative mathematics

Timothy Gowers[2] et Michael Nielsen[3] – 24 octobre 2009 – Nature.com (Opinion)
(Traduction Framalang : Olivier et Goofy)

Le « Projet Polymath » est la preuve que l’union de nombreux cerveaux peut résoudre des problèmes mathématiques complexes. Timothy Gowers et Michael Nielsen nous livrent leurs réflexions sur ce qu’ils ont appris des sciences open source.

Le 27 janvier 2009, l’un d’entre nous, Gowers, a lancé une expérience inhabituelle par l’intermédiaire de son blog (NdT : avec ce billet Is massively collaborative mathematics possible?). Le Projet Polymath s’était fixé un but scientifique conventionnel : s’attaquer à un problème mathématique irrésolu. Mais son but plus ambitieux était d’innover dans la recherche en mathématiques. Reprenant l’idée des communauté open source comme Linux et Wikipédia, le projet s’appuyait sur des blogs et des wikis pour canaliser une collaboration complètement ouverte. Libre à tout un chacun d’en suivre la progression et s’il le désire d’apporter sa contribution. Les blogs et wikis étaient en quelque sorte une mémoire à court terme collective, un brainstorming ouvert à grande échelle dédié à l’amélioration des idées.

Le résultat de la collaboration dépassa de loin les espérances de Gowers, offrant une belle illustration de ce que nous pensons être une dynamique formidable pour les découvertes scientifiques : la collaboration de nombreux cerveaux connectés par Internet.

Le Projet Polymath visait à trouver une preuve élémentaire d’un cas particulier du théorème de Hales-Jewett sur la densité (NdT : DHJ pour Density Hales-Jewett), théorème central de l’analyse combinatoire, une branche des mathématiques qui étudie les structures discrètes (voir Morpion à plusieurs dimensions). Ce théorème avait déjà été démontré, mais les mathématiciens ne se contentent pas toujours d’un seul chemin. De nouvelles preuves peuvent déterminantes pour une meilleure compréhension du théorème. Trouver une nouvelle démonstration du théorème DHJ était important pour deux raisons. Tout d’abord il fait partie d’un ensemble de résultats fondamentaux possédant plusieurs démonstrations, alors que le théorème DHJ n’en avait jusqu’alors connu qu’une seule, longue, complexe, et très technique. Seul un élan de nouvelles idées pouvait amener à une preuve plus simple, s’appuyant sur des concepts de base plutôt que sur des techniques compliquées. Ensuite, du théorème DHJ découle un autre théorème important, le théorème de Szemerédi. La découverte de nouvelles preuves de ce théorème a conduit à de grandes avancées au cours de la dernière décennie, on pouvait donc raisonnablement s’attendre à ce qu’un même phénomène accompagne la découverte d’une nouvelle démonstration du théorème DHJ.

À l’origine du projet on retrouve Gowers. Il publia une description du problème, indiqua quelques ressources et établit une liste préliminaire de règles régissant la collaboration. Grâce à ces règles, les échanges sont restés polis et respectueux, elles encourageaient les participants à proposer une et une seule idée par commentaire, même sans la développer complètement. Ces règles stimulaient ainsi les contributions et aidaient à conserver le caractère informel de la discussion.

Mettre le projet sur les bons rails

La discussion collaborative a vraiment commencé le 1er février, doucement : il a fallu attendre plus de 7 heures avant que Jozsef Solymosi, un mathématicien de l’Université de la Colombie Britannique à Vancouver, fasse le premier commentaire. Quinze minutes après, un nouveau commentaire était posté par Jason Dyer, enseignant dans un lycée de l’Arizona. Trois minutes après, c’est Terence Tao (lauréat de la médaille Fields, la plus haute distinction en mathématiques), de l’Université de California à Los Angeles, qui écrivit son commentaire.

Au cours des 37 jours qui suivirent, ce sont pas moins de 27 personnes qui ont apporté leur contribution au travers d’environ 800 messages, pour un total de 170 000 mots. Personne n’a été spécialement invité à participer : la discussion était ouverte à tout le monde, des doctorants aux experts mathématiciens. Nielsen a mis en place un wiki pour mettre en avant les contributions importantes apparues dans les commentaires du blog. Au moins 16 autres blogs ont parlé du projet, il s’est hissé à la première page de l’agrégateur Slashdot technology et a donné naissance à un projet assez proche sur le blog de Tao.

Tout s’est déroulé sans accroc : pas de « trolls » (ces adeptes des posts non constructifs, voire malveillants), ni de commentaires bien intentionnés mais complètement inutiles (on peut malgré tout signaler que le wiki a été spammé). Le rôle de modérateur pris par Gowers se résumait essentiellement à corriger les fautes.

Le projet progressa bien plus rapidement qu’attendu. Le 10 mars, Gowers annonça qu’il était assez sûr que les participants au projet Polymath avaient découvert une preuve élémentaire d’un cas particulier du théorème DHJ et, qu’étonnamment (compte tenu des expériences avec des problèmes similaires), cette preuve pouvait être généralisée assez facilement pour prouver le théorème entier. La rédaction d’un article décrivant cette preuve est entreprise, ainsi que celle d’un second papier décrivant des résultats liés. De plus, alors que le projet était encore actif, Tim Austin, doctorant à l’Université de Californie, Los Angeles, publia une autre preuve (non élémentaire celle-ci) du théorème DHJ en s’appuyant largement sur les idées développées dans le projet Polymath.

Les archives du projet Polymath constituent une ressource exceptionnelle pour les étudiants en mathématiques, les historiens et autres philosophes des sciences. Pour la première fois, on peut suivre le cheminement intellectuel complet à l’origine d’un résultat mathématique sérieux. On y voit les idées naître, grandir, changer, s’améliorer ou être abandonnées, et on y découvre que la progression de la compréhension ne se fait pas nécessairement par un unique pas de géant, mais plutôt par le regroupement et le raffinement de plusieurs petites idées.

C’est un témoignage direct de la persévérance dont il faut faire preuve pour résoudre un problème complexe, pour progresser malgré les incertitudes et on réalise que même les meilleurs mathématiciens peuvent faire des erreurs simples et s’entêter à creuser une idée vouée à l’échec. Il y a des hauts et des bas et on ressent une vraie tension à mesure que les participants s’approchent d’une solution. Les archives d’un projet mathématique peuvent se lire comme un thriller, qui l’eût cru ?

Des implications plus larges

Le projet Polymath ne ressemble pas aux collaborations à grande échelle traditionnelles, comme on peut en trouver dans l’industrie ou dans les sciences. En général, ces organisations sont divisées hiérarchiquement. Le projet Polymath était complètement ouvert, chacun était libre d’apporter sa pierre à l’édifice… n’importe quelle pierre. La variété des points de vue a parfois apporté des résultats inattendus.

Se pose alors la question de la paternité : difficile de décréter une règle de paternité stricte sans heurt ou sans décourager des contributeurs potentiels. Quel crédit accorder aux contributeurs apportant uniquement une idée perspicace, ou à un contributeur très actif mais peu perspicace ? Le projet a adopté une solution provisoire : il signe ses articles du pseudonyme « DHJ Polymath » suivi d’un lien vers les archives (NdT : cf cette première publication ainsi signée A new proof of the density Hales-Jewett theorem). Grâce à la collaboration ouverte privilégiée par le projet Polymath, on sait exactement qui a fait quoi. Au besoin, une lettre de recommandation peut isoler les contributions d’un membre du projet en particulier, comme c’est déjà le cas en physique des particules où il est courant de voir des articles avec des centaines d’auteurs.

Se pose aussi le problème de la conservation. Les archives principales du projet Polymath sont dispersées sur deux blogs (1 et 2) et un wiki, le rendant très dépendant de la disponibilité de ces sites. En 2007, la bibliothèque du Congrès américain a initié un programme de conservation des blogs tenus par les professionnels du droit. De la même manière, mais à plus grande échelle, un programme similaire est nécessaire pour conserver les blogs et wikis de recherche.

D’autres projets, ayant vu le jour depuis, permettront d’en apprendre plus sur le fonctionnement des mathématiques collaboratives. Il est en particulier crucial de savoir si ce genre de projet peut être élargi à plus de contributeurs. Bien qu’il ait rassemblé plus de participants qu’une collaboration classique en mathématiques, le projet Polymath n’est pas devenu la collaboration massive que ses créateurs espéraient. Ceux qui y ont participé s’accordent sur le fait que pour grandir, il faudrait que le projet adapte sa manière de procéder. La narration linéaire du blog posait, entre autre, problème aux nouveaux arrivants. Difficile pour eux, parmi la masse d’informations déjà publiées, d’identifier où leur aide serait la plus précieuse. Il y avait également le risque qu’ils aient loupé un « épisode » et que leur apport soit redondant.

Les projets de logiciels libres utilisent des logiciels de suivi de version pour organiser le développement autour des « problèmes », des rapports de bogues ou des demandes de fonctionnalités en général. Ainsi, les nouveaux arrivants ont une vision claire de l’état du projet, ils peuvent concentrer leurs efforts sur un « problème » particulier. De même, la discussion est séparée en modules. Les futurs projets Polymath pourraient s’en inspirer.

Bientôt, les sciences ouvertes

L’idée derrière le projet Polymath est potentiellement applicable à tous les défis scientifiques, mêmes les plus importants comme ceux pour lesquels le Clay Mathematics Institute de Cambridge, Massachussets offre un prix d’un million de dollars. Même si certaines personnes souhaiteront toujours garder tout le mérite pour elles-mêmes et être pour ainsi dire refroidies par l’aspect collaboratif, d’autres au contraire pourraient y voir une excellente opportunité d’être associés à la résolution de l’un de ces problèmes.

Dans d’autres disciplines, l’approche open source ne gagne que très lentement du terrain. Un domaine s’y est ouvert avec succès : la biologie synthétique. Les informations ADN d’organismes vivants sont enregistrées numériquement et envoyées à un dépôt en ligne, comme celui du MIT Registry of Standard Biological Parts. D’autres groupes peuvent utiliser ces informations dans leur laboratoire et, s’ils le souhaitent, reverser leurs améliorations au dépôt. qui compte actuellement plus de 3 200 contributions, apportées par plus de 100 entités différentes. Les découvertes qui en découlent ont fait l’objet de nombreux articles comme par exemple Targeted Development of Registries of Biological Parts. La biologie open source et les mathématiques open source montrent comment la science peut progresser grâce aux diverses contributions apportées par des gens aux compétences variées.

On pourrait, de la même manière, employer ces techniques open source dans d’autres domaines, telle la physique et l’informatique théoriques, où les données brutes contiennent de nombreuses informations et peuvent être partagées librement en ligne. Appliquer les techniques open source aux travaux pratiques est plus délicat, les conditions expérimentales étant difficilement reproductibles. Quoiqu’il en soit, le partage libre des données expérimentales permet néanmoins leur analyse libre. Adopter ces techniques open source à grande échelle ne sera possible que grâce à un changement profond des mentalités en science et au développement de nouveaux outils en ligne. Nous croyons à un fort développement de la collaboration de masse dans de nombreux domaine des sciences, et que cette collaboration massive repoussera les limites de nos capacités à résoudre des problèmes.

Notes

[1] Crédit photo : Robynejay (Creative Commons By-Sa)

[2] Timothy Gowers appartient au Departement of Pure Mathematics and Mathematical Statistics de l’Université de Cambridge, Wilberforce Road, Cambridge CB3 0WB, UK et il est Royal Society 2010 Anniversary Research Professor.

[3] Michael Nielsen est écrivain et physicien, il habite à Toronto et travaille sur un livre sur le futur de la science.




Google se conjugue au futur et Microsoft au passé ?

Google sfida Microsoft con Chrome - Copyright Federico FieniOn le sait, Microsoft n’a pas vu venir le Web et ne porte pas le logiciel libre dans sa culture (c’est le moins que l’on puisse dire).

À partir de là comment s’étonner qu’un Google lui fasse aujourd’hui concurrence et menace demain d’attaquer frontalement ses deux plus beaux fleurons (et source colossale de revenus) que sont le système d’exploitation Windows et la suite bureautique MS Office.

Un Google qui a massivement investi dans le cloud computing, l’informatique dans les nuages, Un Google qui non seulement ne méprise pas le logiciel libre mais sait très bien l’utiliser quand ça l’arrange, par exemple pour faire s’y reposer son navigateur Chrome ou son prochain et très attendu Google OS (histore de boucler la boucle)[1].

À propos de Google OS, un petit coup de Wikipédia : « Google Chrome OS est un projet de système d’exploitation qui sera fondé sur son navigateur Web Chrome et un noyau Linux. À destination des netbooks dans un premier temps, il serait capable, à terme, de faire tourner des ordinateurs de bureau traditionnels. Google laisse à penser que son OS fonctionnerait en ligne sur tout ou partie, comme ses applications (Google Documents, Gmail, etc.). Après sa suite gratuite Google Documents concurrent de la suite payante Microsoft Office, puis Android face à Windows Mobile, ce nouveau système d’exploitation gratuit attaque le cœur du business Microsoft. »

La fin d’un cycle, si ce n’est d’une époque ?

Google est en compétition pour le futur; Microsoft, pour le passé

Google competes for the future; Microsoft, the past

Matt Asay – 23 octobre 2009 – CNET News
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Goofy)

Google est né sur le Web, et provoque de plus en plus de quintes de toux chez Microsoft en contraignant le géant séculaire du logiciel à se battre en utilisant les règles de Google. Comme avec l’open source. Comme avec l’informatique dans les nuages.

Microsoft pourrait se reposer sur ses lauriers dans l’immédiat grâce au lancement réussi de Windows 7. Mais à long terme son plus grand succès que représentent ses vieux logiciels de bureautique menace de céder le marché à Google.

Ce n’est pas très équitable pour Microsoft. Microsoft est victime de son propre succès, en ayant besoin de s’adresser à sa clientèle existante à chaque nouvelle version, coincé qu’il est par le « dilemme de l’innovateur ». Microsoft continue de remplir ses caisses, mais ses deux derniers trimestres ont vu ses forces traditionnelles telles que le système d’exploitation Windows devenir un frein pour ses revenus, tandis que les entreprises dépensent toujours plus d’argent auprès de Google, Red Hat et quelques autres.

L’absence d’héritage de Google lui permet d’innover rapidement à large échelle, comme le suggère Todd Pierce, directeur technique de Genentech et client de Google :

Le rythme d’innovation de Google…, enfin bon, le cycle de production d’Oracle, SAP et Microsoft est de cinq ans, celui de Google est de cinq jours. C’est incrémental. En cinq jours, vous ne pouvez pas supprimer toutes vos licences de Microsoft Office, mais d’ici cinq ans, vous n’aurez plus de Microsoft Office.

Microsoft, de son côté, est tellement préoccupé par la compatibilité ascendante, « Ce produit ou cette fonctionnalité sont-ils compatibles avec notre capacité à monétiser notre monopole sur la bureautique des années 80 ? », qu’ils continuent à se battre pour comprendre le Web. Dave Rosenberg, blogueur sur CNET, note que Windows 7 aurait dû être la tête de pont de Microsoft sur l’informatique dans les nuages, mais qu’il n’en a rien été.

Il y a beaucoup de « aurait dû être » chez Microsoft, lorsqu’on parle du Web.

Dans l’intervalle, personne ne ralentit pour attendre Microsoft. Arrêtons-nous un instant sur l’informatique dans les nuages. VMware domine la virtualisation, et a de grandes ambitions dans l’informatique dans les nuages, alors que les rivaux open source Eucalyptus et VMops menacent de contester la suprématie de VMware et Microsoft, en cherchant à dominer l’informatique dans les nuages.

Et arrive alors Google, qui fournit une gamme de services d’informatique dans les nuages toujours plus large aux entreprises qui cherchent à se détacher de l’ordinateur de bureau. Dans une interview donnée à CNET News, Eric Schmidt, PDG de Google, soutient que le navigateur peut être à la fois orienté entreprise et consommateur. L’architecture est dirigée par le navigateur. C’est toute l’histoire de l’informatique d’entreprise actuelle.

En d’autres termes, le bureau est simplement un moyen pour l’utilisateur de lancer son navigateur. C’est une passerelle. Il n’y a plus de valeur dans le bureau. Elle se trouve dans le navigateur, qui devient le nouveau bureau, en termes de fonctionnalités réelles disponibles

La meilleure opportunité pour Microsoft de contrecarrer la menace de Google et des autres s’appelle SharePoint. Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, l’a décrit comme le nouveau système d’exploitation de Microsoft, mais ce n’est que dans un entretien récent avec Forrester qu’il lui a donné tout son sens :

Dans mon esprit, je compare SharePoint au PC, le PC est venu à la vie comme machine à tableau, puis est devenu une machine à développer, une machine à traiter du texte, SharePoint est une infrastructure à objectif global qui connectera les gens aux gens, et les gens à l’information…

Je crois que SharePoint est considéré par les administrateurs informatiques et les développeurs comme une plateforme de développement très sérieuse pour les développement rapide d’application (NdT : RAD, Rapid Application Development).

SharePoint est la meilleure tentative de Microsoft pour connecter les applications de bureau telles qu’Office, avec des outils collaboratifs et de stockage centralisé ou dans les nuages. Bien sûr, Microsoft a d’autres initiatives telles qu’Office en ligne, mais aucune ne marie aussi bien ses centres de profits historiques et l’innovation future.

SharePoint pourrait alors être le meilleur espoir de Microsoft pour marier son héritage à la future informatique en ligne.

Microsoft a besoin de cela. Ils perdent dans le marché des mobiles, et pas uniquement face à Apple. Android, le système dédié de Google, est déjà efficient et opérationnel, avec par exemple ses données AdMob qui situent aujourd’hui la pénétration des smartphones Android à 10 % au Royaume Uni.

Si nous prenons l’hypothèse que le mobile sera de plus en plus une plateforme de choix pour le client, alors nous voyons Google harceler Microsoft par le haut (les nuages de services) et par le bas (le client).

Dans les deux cas, l’open source est une arme de choix pour Google, et c’en est une que Microsoft va devoir comprendre rapidement s’ils veulent devenir un acteur de poids sur le Web. Le Web est trop grand pour que Microsoft le contrôle, et le Web est incroyablement open source, tel que le remarque Mitch Kapor, fondateur de Lotus :

La victoire de l’open source est qu’il constitue le fondement du Web, la partie invisible, celle que vous ne voyez pas en tant qu’utilisateur.

Les majorité des serveurs utilisent Linux comme système d’exploitation avec Apache comme serveur Web sur lequel tout le reste est construit. Les principaux langages sur lesquels les applications Web sont construites, qu’il s’agisse de Perl, de Python, de PHP ou de n’importe quel autre langage, sont tous open source. Donc l’infrastructure du Web est open source. Le Web tel que nous le connaissons est totalement dépendant de l’open source.

Kapor suggère que la guerre que Microsoft livre à l’open source est terminée, ou devrait l’être : l’open source a gagné. Il s’agit désormais d’une infrastructure essentielle, et quelque chose que Microsoft doit arriver à comprendre, plutôt que de le combattre. Il ne s’agit pas de « religion open source », il ne s’agit que de pragmatisme. Un pragmatisme que Microsoft peut s’approprier aussi bien que n’importe qui d’autre.

Google utilise le futur (l’open source, les nuages) pour se battre pour l’avenir, et ses tactiques menacent de frapper Microsoft au cœur de ses vaches à lait tels que Windows.

Microsoft, cependant, semble être embourbé dans son passé. Windows 7 a l’air d’une mise à jour sérieuse de son prédécesseur Vista, mais dans dix ans, cela aura-t-il une importance pour nous ? Peut-être aurons-nous changé, oubliant ces jours pittoresques où nous nous soucions du système d’exploitation et des applications telles qu’Office ?

Notes

[1] Crédit illustration : Copyright Federico Fieni




Windows 7 comme les 7 « péchés » de Microsoft

Copie d'écran - Windows7Sins en françaisLe 26 août dernier la Free Software Foundation (FSF) lançait la campagne Windows7sins en vue d’alerter l’opinion sur le fait que Windows avait beau avoir changé, (le symbole du logiciel propriétaire qu’est) Microsoft demeurait toujours le même.

Grâce aux efforts communs et conjoints de Framasoft (traduction Framalang) et de l’April (relecture et mise en ligne[1]), le site de la campagne est désormais traduit en français.

Cette campagne joue sur le numéro du dernier système d’exploitation pour se décliner en sept « péchés », malheureusement « capitaux » à freiner le développement et la diffusion du logiciel libre :

  1. Empoisonnement de l’éducation
  2. Invasion de la vie privée
  3. Comportement monopolistique
  4. Verrouillage
  5. Blocage abusif des standards
  6. Soutien des DRM
  7. Menaces sur la sécurité de l’usager

Vous en trouverez quelques extraits ci-dessous mais nous vous invitons surtout à parcourir le site.

Remarque : Cette campagne a été diversement reçue par les internautes anglophones. Encore une critique de Microsoft, occupez-vous plutôt de mettre en avant les qualités du logiciel libre, envoyer une lettre aux 500 plus grandes sociétés américaines ne sert à rien[2], a-t-on ainsi pu entendre ça et là. À vous ne nous dire (avec écoute et courtoisie) dans les commentaires si nous avons néanmoins bien fait de traduire le site.

Les 7 « péchés » de Windows 7

Péché 1 : Empoisonnement de l’éducation

À ce jour, on apprend à la plupart des enfants, dont l’éducation implique des ordinateurs, à utiliser le produit d’une seule entreprise : Microsoft. Cette firme dépense de fortes sommes pour que les groupes de pression et les commerciaux corrompent les services d’éducation. Une éducation qui mise sur la puissance des ordinateurs devrait ouvrir la voie de la liberté et de l’autonomie, et non ouvrir un boulevard au monopole insidieux d’une entreprise.
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Péché 2 : Invasion de la vie privée

Microsoft utilise des logiciels avec des noms fallacieux comme Windows Genuine Advantage pour inspecter le contenu des disques durs de ses utilisateurs. Les termes de la licence utilisateur que l’on est obligé d’accepter avant de pouvoir utiliser Windows préviennent bien que Microsoft se réserve le droit de faire ça sans avertissement.
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Péché 3 : Comportement monopolistique

Pratiquement tous les ordinateurs achètés sont vendus avec Windows pré-installé, et non par un libre choix. Microsoft impose ses dictats aux revendeurs de matériel informatique, pour qu’ils ne proposent pas de PC sans Windows pré-installé, bien que de très nombreux clients le leur demandent. Même les ordinateurs disponibles avec d’autres systèmes d’exploitations pré-installés tel que GNU/Linux incluaient souvent Windows au départ.
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Péché 4 : Verrouillage

Microsoft essaie régulièrement de contraindre ses utilisateurs à faire des mises à jour, en supprimant le support des versions précédentes de Windows et d’Office, et en augmentant le niveau du matériel requis. Pour beaucoup de gens, cela signifie qu’ils doivent mettre leur ordinateur au rebut juste parce qu’il n’est pas à la hauteur des exigences techniques requises par les nouvelles versions de Windows.
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Péché 5 : Blocage abusif des standards

Microsoft a essayé de bloquer le passage au standard libre pour les formats de documents, parce que des standards comme OpenDocument Format menaceraient le contrôle exercé pour le moment sur l’utilisateur avec les formats propriétaires de Word. Elle s’est lancée dans des manoeuvres en sous-main, qui peuvent aller jusqu’à la corruption de fonctionnaires, pour essayer de stopper de telles initiatives.
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Péché 6 : Soutien des DRM (Digital Restrictions Management)

Avec Windows Media Player, Microsoft collabore avec les grandes firmes des médias pour imposer des restrictions sur la copie de médias avec leur système d’exploitation. Par exemple, à la demande de NBC, Microsoft est capable d’empêcher les utilisateurs de Windows d’enregistrer des émissions télévisées qu’ils ont pourtant le droit d’enregistrer légalement.
Pour en savoir plus..

Péché 7 : Menaces sur la sécurité de l’usager

Windows a une longue histoire de failles de sécurité, ouvrant la porte à la diffusion des virus et permettant à des utilisateurs distants de prendre le contrôle des ordinateurs d’autres usagers et de les transformer en robots spammeurs. Puisque le logiciel est secret, tous les utilisateurs dépendent de Microsoft pour régler ces problèmes – mais Microsoft tient à ses propres intérêts en matière de sécurité, pas à ceux de ses usagers.
Pour en savoir plus..

Extraits du site Windows7Sins en version française.

Notes

[1] Voir le communiqué de presse de l’April pour l’occasion. Sur le même site et en insistant sur la vente liée, l’April propose également un flyer de 8 pages, qu’elle s’est amusée à distribuer à l’entrée du tout nouveau Windows Café à Paris le jour de son inauguration.

[2] En fait non pas 500 mais 499 car la FSF n’a pas jugé pertinent d’écrire à Microsoft, arguant que la société ne comprendrait pas !




Coup de gueule : Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista !

L'actu en patates - Copyright Martin VidbergTiens, on ne vous avait pas encore causé de la sortie du nouveau système d’exploitation Windows 7 !

Enfin « nouveau », c’est un bien grand mot puisqu’il s’agit avant tout de faire oublier l’ancien système d’exploitation, le désastreux Windows Vista, qui a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui.

Et bien c’est chose faite avec ce billet d’humeur non dénué d’un certain humour[1].

Dans tout autre domaine que l’informatique, on aurait affaire à un pur scandale où tout le monde serait monté au créneau. Bravo à Microsoft pour son travail de sape sur le consommateur, qui ne sait visiblement plus distinguer la vessie de la lanterne.

PS : Mention spéciale au malicieux Goofy qui s’est bien amusé pour la traduction, et nous avec !

Que tout le monde s’éclate avec Windows 7 !

Let’s all be overjoyed about Windows 7

Dwasifar – 24 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Goofy)

Microsoft a réussi un joli coup.

Ils ont réussi à convaincre des millions de gens dans le monde de sortir leur argent pour se payer une merde enveloppée de papier de soie appelée Windows Vista, et voilà que trois ans plus tard, au lancement de Windows 7, Microsoft s’est arrangé pour que les gens tombent pratiquement en extase à l’idée de payer encore plus pour ne plus avoir à utiliser Vista. Et c’est ainsi que les gens considèrent Microsoft comme une sorte de héros salvateur. Comment diable ont-il réussi ce coup-là ? « On vous a fait payer un max pour un truc merdique déglingué, et maintenant voici une version vaguement réparée un peu moins merdique, et vous allez nous l’acheter encore plus cher ! » « Ouaaaiiis, super, merci Microsoft ! Vous êtes les meilleurs ! On vous adore ! » Mais bon dieu qu’est-ce qui se passe, là ?

C’est vrai, quoi : est-ce vous achèteriez n’importe quoi d’autre dans ces conditions ? Mettons que vous ayez acheté une voiture qui se révèle être une caisse à roulettes ; rien que des ennuis pendant trois ans. Au bout de ces trois ans, vous retourneriez chez le même concessionnaire pour acheter le même modèle, tout content de la bonne affaire parce qu’ils auraient éliminé quelques défauts de fabrication ? « Super, une Clio, c’est tellement mieux que la vieille 404 pourrie qui a calé au milieu des carrefours pendant trois ans ! Quelle magnifique offre promotionnelle vous me faites là en me la vendant plein pot ! Non, je ne veux rien de plus pour ce prix-là ! Tenez, mettez-la moi bien profond tout de suite, je vous ai apporté un peu de vaseline, mais vous êtes pas obligé de l’utiliser ! »

Eh bien ça se passe comme ça chez Microsoft. Ils vendent de la merde, et lorsqu’ils vendent quelque chose qui n’est pas tout à fait de la merde, ils deviennent des héros. Ça défie l’entendement. À quel niveau est-on tombé si en faisant payer quelqu’un encore une fois pour résoudre les problèmes causés par un premier achat, on devient Superman ? Et ce n’est pas la première fois que ça se produit. Ils nous ont déjà fait le coup, en passant de WinMe à XP. Je crois même qu’ils avaient déjà fait le coup aussi avec MS-DOS, mais je ne me souviens plus trop de quelles versions il s’agissait. Ce qui est flagrant et incompréhensible, c’est qu’on puisse encore vendre aux gens des produits moins merdiques après leur avoir vendu des produits vraiment merdiques.

Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista. De n’importe quelle version de Vista, qu’elle soit Familiale ou Intégrale, qu’on l’ait achetée ici ou là. Microsoft a reconnu clairement que Windows 7 est ce que Vista aurait dû être. En fait, c’est même comme ça qu’ils en font la promo. Bon, si c’est la version qui aurait dû être fournie, alors il n’est pas trop tard : donnez-la aux clients auxquels vous l’avez promise il y a trois ans.

Et pendant qu’on y est, je n’arrive pas à croire qu’il est impossible de créer une mise à jour de XP vers Windows 7. Microsoft sait parfaitement que les gens ont évité Vista et conservé XP, particulièrement dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sortent Windows 7 à toute vitesse. Vous pourriez croire qu’une mise à niveau serait une priorité. Eh bien non, les gens sont contents de nettoyer leur machine et de faire une réinstallation complète du système d’exploitation pour avoir le privilège de passer à la version supérieure. Je suppose qu’avec l’habitude de réinstaller un système d’exploitation, on finit par considérer comme normal de le faire périodiquement.

C’est tellement trop la classe de faire ça en ce moment qu’on pourrait croire que Windows 7 est à la pointe des systèmes d’exploitation, tous les problèmes sont derrière, pas vrai ? Bon d’accord, et si on essayait de le faire tourner sans antivirus pendant disons une journée, hein ? Vous feriez ça ? Non ? Moi non plus, parce qu’il y a encore de tout petits problèmes de sécurité avec Windows 7. Au fait, et la défragmentation du disque ? Vous voulez essayer Windows 7 pendant un an sans défragmenter ? Moi non plus. Je pourrais continuer, mais à quoi bon. Tout le monde connaît tous ces problèmes, et pourtant tout le monde est tellement content de voir que Microsoft a réglé quelques-uns des problèmes de régression apparus lors du passage de XP à Vista, que personne ne s’inquiète des énormes défauts de conception inclus dans chaque édition de Windows, version 7 comprise.

Et pendant ce temps-là, Linux évolue tranquillement, même si les fanatiques de Windows bêlent en choeur que Windows 7 va écraser Linux. Eh non, les gars, désolé, ça va pas marcher. Dès que le battage médiatique va diminuer, vous allez encore vous retrouver avec Windows et ses classiques faiblesses intrinsèques. Et le développement de Linux est bien plus rapide que celui de Windows. Linux a rattrapé et dépassé XP il y a trois ans au moment où Vista est sorti. Il est au même niveau que Windows 7 aujourd’hui, et avant que Windows 8 ne se profile, Linux en sera déjà bien plus loin. Tant mieux pour Microsoft s’ils améliorent des trucs, c’est ce qu’ils devaient faire. Et ça risque de leur prendre du temps. Mais il n’y aucune raison de penser qu’ils vont pouvoir continuer indéfiniment à surfer sur une vaste base d’utilisateurs avec une technologie de deuxième choix, même s’ils ont pour le moment réussi à convaincre ces utilisateurs de se faire escroquer avec le sourire.

Notes

[1] Illustration de Martin Vidberg, le dessinateur de L’actu en patates, avec son aimable autorisation.




Drupal à la Maison Blanche !

Copie d'écran - WhiteHouse.gov - DrupalGrande nouvelle pour le logiciel libre : le site de la Maison Blanche, Whitehouse.gov, vient de basculer sous Drupal ! Du coup, son créateur et principal animateur, Dries Buytaert, s’enthousiasme ci-dessous sur son blog et il a bien raison.

Et d’ailleurs si vous avez la curiosité de vous promener un peu sur le site (sous Creative Commons By !), vous constaterez peut-être avec moi qu’en terme d’ergonomie et vélocité, c’est très impressionnant.

À des années-lumière du site d’une Segolène Royal « par exemple », mais aussi et surtout très loin du site de l’Élysée.

Pour ce qui concerne sa politique en général, je ne saurais m’exprimer et m’engager, mais il est évident que l’administration Obama est en train de faire beaucoup pour la reconnaissance, la diffusion et la légitimité du logiciel libre et/ou open source, d’autres billets du Framablog peuvent en témoigner.

Whitehouse.gov utilise Drupal

Whitehouse.gov using Drupal

Dries Buytaert – 25 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Vincent)

Une grande et sensationnelle nouvelle ! Le site phare du gouvernement des USA, Whitehouse.gov, vient d’être relancé sous Drupal. C’est un grand jour pour Drupal, et pour l’Open Source dans le gouvernement, et quelque chose dont chacun peut être très fier dans notre communauté.

Tout d’abord, je pense que Drupal est en parfaite adéquation avec la volonté du président Barack Obama d’avoir un gouvernement ouvert et transparent. Drupal fournit un mélange remarquable de fonctions de gestion de contenu web traditionnel et de fonctionnalités « sociales » qui permettent une participation et une communication ouverte. Cette combinaison est ce que nous appelons la « publication sociale » et c’est ce pourquoi autant de personnes utilisent Drupal. De plus, je pense que Drupal rentre bien dans l’optique de réduction des coûts et d’action rapide du président Barack Obama. La flexibilité et la modularité de Drupal permettent aux organisations de construire rapidement des sites, à un coût inférieur à d’autres systèmes. Autrement dit, Drupal correspond bien au gouvernement des USA.

Deuxièmement, ceci est un signal fort parce que les gouvernements se rendent compte que l’open source ne comporte pas de risques supplémentaires par rapport au logiciel propriétaire, qu’en quittant un logiciel propriétaire, ils ne sont plus enfermés dans une technologie particulière, et qu’ils peuvent bénéficier de l’innovation résultant des milliers de développeurs qui collaborent à Drupal. Cela prend du temps de comprendre ces choses et d’amener ce changement, et je félicite l’administration Obama de prendre cet important rôle de leader en considérant des solutions open source.

Etant l’un des plus grands utilisateurs de logiciels au monde, le gouvernement des USA n’est pas un nouvel utilisateur de Drupal. Plusieurs agences comme par exemple le Département de la Défense, le Département du Commerce, le Département de l’Education et l’Administration des Services Généraux utilisaient Drupal antérieurement. L’adoption de Drupal croît rapidement chez le gouvernement des USA. Toutefois, la transition de Whitehouse.gov sur Drupal va plus loin et au delà de toute autre installation de Drupal dans le gouvernement, et constitue un formidable témoignage pour Drupal et pour l’open source. Ceci va donner de la visibilité à Drupal à tout le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, et à d’autres gouvernements à travers le monde.

Personnellement, je suis enchanté par l’idée que Drupal puisse ainsi contribuer à aider les gouvernements à fournir une plus grande transparence, une plus grande vitesse et une plus grande flexibilité.




Prix Nobel de la paix : libre détournement du discours d’Obama

ChrisAC - CC by-saNul ne l’ignore, Barack Obama a reçu récemment le prix Nobel de la paix 2009, déclenchant au passage une petite polémique quant à la légitimité d’un choix représentant alors bien plus un encouragement à poursuivre une action qu’une récompense couronnant l’ensemble d’une longue et fructueuse carrière.

Certains, parmi les plus critiques, sont même allés jusqu’à affirmer que Barack Obama méritait bien plus le « prix Nobel des discours » que celui de la paix ! Loin de moi l’idée de participer au débat, mais force est de reconnaitre qu’effectivement côté discours, Barack Obama est souvent au dessus de la mêlée. Je garde ainsi encore en mémoire l’exceptionnel discours de Philadelphie (vidéo 1 et 2) sur la question raciale le 18 mars 2008, lorsqu’en pleine campagne il était contesté par la découverte des propos radicaux de son ancien pasteur Jeremiah Wright.

Le discours de remerciement du président américain apprenant qu’on lui avait fait l’honneur du prix Nobel de la paix n’a pas fait exception : sobre, humble et rassembleur.

Soit, mais où veut-il en venir à nous parler d’Obama sur un blog censé nous parler de logiciel libre ?

Point d’impatience, nous y voilà. Il se trouve que le célèbre informaticien Jon « maddog » Hall[1] s’est amusé, ci-dessous, à transposer ce dernier discours au logiciel libre. Et vous constaterez peut-être avec moi que loin d’être anachronique, cette émouvante substitution est porteuse de sens…

Je n’ai jamais gagné le Prix Nobel de la Paix

I never won a Nobel Peace Prize

Jon maddog Hall – 11 octobre 2009 – Linux-Magazine.com
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

C’est à mon réveil, le 9 octobre que j’ai appris que le président Obama avait gagné le Prix Nobel de la Paix.

Les discussions allaient bon train quant au « mérite » du président Obama, on argumentait beaucoup sur le fait que le Prix Nobel de la Paix n’est pas nécessairement décerné comme une récompense pour un accomplissement passé, mais plutôt comme un encouragement à poursuivre les efforts déjà entrepris.

En lisant son discours de remerciement, j’ai joué à un petit jeu en le transposant à mon sujet de prédilection : les logiciels libres et open source.

« Soyons clair, ce prix n’est pas pour moi la reconnaissance de mes mérites propres. »

Beaucoup de personnes m’ont déjà dit « merci pour tout ce que vous faites pour le logiciel libre ». Je leur réponds que je suis juste la bonne personne au bon endroit, au bon moment. J’ai simplement fait fait ce que je pensais qu’il fallait faire, ce pour quoi j’avais les compétences.

Et s’ils veulent voir la personne la plus importante du monde des logiciels libres, je leur dis qu’ils n’ont qu’à regarder dans le miroir… le logiciel libre a besoin de tout le monde… chacun peut apporter sa contribution.

« Des hommes et des femmes qui m’ont inspirés, moi comme le reste du monde. »

Moi aussi j’ai été inspiré par certains des meilleurs ingénieurs informatiques de tous les temps, j’ai même eu la chance de pouvoir rencontrer et discuter avec la plupart d’entre eux. Le contre-amiral Grace Murray Hopper, Maurice Wilkes, Douglas McIlroy, Ken Thompson, Dennis Ritchie… et la liste ne s’arrête pas là.

Ce sont, eux aussi, des héros contemporains… tout comme chaque programmeur sacrifiant sa nuit pour corriger ce vilain bogue dans un logiciel libre. Celui qui traduit la documentation pour permettre à d’autres d’utiliser le programme est un héros. Tout comme celui qui organise une démonstration pour faire découvrir les logiciels libres aux autres et qu’ils puissent eux aussi les partager. Ce sont tous des « héros » pour moi.

« Ce prix reflète le monde que ces hommes et ces femmes, ainsi que tous les américains, veulent bâtir. »

Un monde de collaboration, où les gens bâtissent, en s’appuyant sur les travaux de leurs prédécesseurs… où ils ne « réinventent pas la roue » et où ils ne perdent pas leur temps à contourner les brevets logiciels. La Liberté d’étudier le fonctionnement des programmes et d’essayer de les améliorer.

« Il a aussi servi à donner une nouvelle dynamique à des causes déjà existantes. »

Le président Obama énumère alors une liste de causes, que nous connaissons tous, mais certaines d’entre-elles sont pour moi plus marquantes :

  • accepter nos responsabilités et modifier notre manière de consommer l’énergie
  • le droit à l’éducation et à une vie honorable
  • la crise économique mondiale

Je pense que les logiciels libres peuvent jouer un rôle dans ces domaines et je vais m’employer à les traiter grâce aux logiciels libres.

« Je sais que nous pouvons vaincre ces difficultés, du moment que nous reconnaissons qu’elles ne pourront être vaincues par une seule personne ou par un seul pays. Cette récompense ne couronne pas simplement les efforts de mon administration, elle couronne les efforts courageux de gens partout dans le monde. C’est pourquoi cette récompense revient également à chaque personne œuvrant pour la justice et la dignité. »

Nous ne pourrons affronter les difficultés actuelles sans l’effort de toute la communauté du logiciel libre. Nous ne pouvons évidemment pas régler les problèmes du monde tous seuls, mais le principe de collaboration régissant le logiciel libre se diffuse et sera l’une des clés de ces problèmes.

Peut-être un jour y aura-t-il un « Prix Logiciel Libre de la Paix ».

Carpe Diem !

Notes

[1] Crédit photo : ChrisAC (Creative Commons By-Sa)




Logiciel libre : L’analogie de la voiture

Hamed Saber - CC byLe concept de logiciel libre n’étant pas toujours très simple à expliquer, la tentation est alors forte de lui trouver quelques comparaisons plus parlantes et signifiantes aux yeux du grand public.

La plus cèlèbre d’entre elles est la comparaison dite de la recette de cuisine. Selon le principe du libre, vous avez obtenu légalement cette recette par différentes sources (des revues, le bouche à oreille…), vous avez le droit de préparer cette recette à qui vous voulez et vous pouvez la modifier puis la redistribuer comme il vous plaît. Selon le principe du logiciel non libre, vous n’avez pas accès à la recette, mais uniquement au plat déjà fait, vous ne pouvez manger le plat que dans une seule cuisine, et personne d’autre que vous ne peut en manger. Quand bien même la recette serait fournie avec le plat, toute copie ou modification serait interdite[1]

Nous vous proposons aujourd’hui une comparaison avec l’achat et l’utilisation d’une voiture[2], que nous devons à Tal Schechter de la Free Software Foundation. Comparaison d’autant plus pertinente que, dans le monde automobile, l’électronique a pris désormais le pas sur la mécanique avec toutes les conséquences que cela implique sur la réparation, la garantie et le contrôle de la marque.

La comparaison avec une voiture

The car analogy

Tal Schechter – 13 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Kovalsky et Goofy)

Et si nous comparions l’achat d’une nouvelle nouvelle voiture avec l’utilisation de logiciels non libres ? Même si l’exemple suivant peut sembler quelque peu tiré par les cheveux, c’est une très bonne analogie pour comprendre l’importance de la liberté des utilisateurs dans les logiciels.

Imaginez que vous voilà parti pour acheter une nouvelle voiture. Après avoir choisi une marque, vous allez chez le concessionnaire et commencez à regarder ce qu’on peut vous proposer. Vous vous décidez pour un modèle qui vous plaît, et le vendeur essaie de vous vendre toutes sortes de choses dont vous n’avez pas besoin, et d’autres qui vous laissent sceptique. Une sous-couche de peinture ? Est-ce bien nécessaire ? Après avoir signé un contrat avec le vendeur, vous avez vos clés en mains.

Vous avez refusé de payer pour l’usage du coffre. Comme il y a un coffre intégré, ils ont essayé de vous vendre l’option d’avoir une copie de la clé, « Je n’ai pas réellement besoin d’un coffre », pensez-vous. « Je l’ajouterai plus tard si j’en ai besoin »

En ouvrant la porte, vous trouvez une énorme pile de papiers attachés par une pince au siège avant. La première page dit « Merci d’avoir acheté cette nouvelle voiture PaLibre. Nous espérons que vous l’apprécierez pendant de nombreuses années à venir. En déverrouillant et en ouvrant la porte, vous avez implicitement accepté les termes de ce contrat. Merci de prendre le temps de lire la notice d’utilisation ». Outré, vous retournez au bureau du vendeur. « Qu’est ce que ça veut dire, que j’ai implicitement accepté les termes du contrat ? Ne suis-je pas supposé lire le contrat avant de le signer ? ». Il vous répond que tout le monde trouve que le contrat est très ennuyeux, et que pour satisfaire pleinement la clientèle, on le signe à votre place. Satisfait de cette réponse, vous ramenez votre voiture flambant neuve à la maison.

Quelques mois passent sans aucun problème, et vous appréciez généralement votre voiture. Un jour, en conduisant, vous faites un saut sur l’autoroute. Vous aimez le son que fait votre voiture lorsque vous poussez un peu le moteur. Attendez une minute, vous ne semblez pas pouvoir aller à plus de 90 kms/heure ! Vous entendez une voix de synthèse qui vous dit : « À cause d’une mise à jour de sécurité du constructeur, vous ne pouvez pas dépasser 90 kms/heure. Bonne conduite ». Vous haussez les épaules et pensez, « Bon d’accord, c’est pour la sécurité. Ça pourrait être pire ». Vous prenez la sortie et rentrez chez vous.

Le matin suivant en allant au boulot, vous remarquez de drôles de bruits venant de sous le capot. Vous avez une amie qui s’y connaît en voiture, donc vous lui demandez si elle peut passer après le travail. Quand elle voit votre voiture, elle vous dit « Non. Je ne peux rien faire pour toi. C’est une de ces voitures PaLibres. Je ne peux même pas ouvrir le capot ».

Donc vous l’amenez chez votre garagiste, et il ne prend même pas la peine de vous faire payer un devis. « Désolé Monsieur. C’est une voiture PaLibre. Même si j’avais les bon outils, je ne pourrais pas déverrouiller le capot, et encore moins voir ce qui ne va pas. C’est contre la loi ». Estomaqué, vous retournez chez le concessionnaire pour demander « Quel est le problème? »

Après avoir attendu une éternité, finalement une employée du service après-vente appelle votre nom. Vous expliquez le bruit que fait la voiture et toutes les étapes que vous avez franchies pour essayer de la faire réparer. Elle explique que pour préserver la bonne image de PaLibre, ils ne laissent pas n’importe qui s’occuper de leurs voitures. Vous devez avoir une formation et une accréditation. Vous demandez à voir le contrat que vous avez signé. Une des clauses précise que tout ajout de pièce détachée non-homologuée annulera la garantie. Vous demandez à l’employée à quoi cela s’applique, et elle vous explique que même repeindre votre voiture avec une couleur non approuvée par le concessionnaire supprimerait la garantie.

Votre voiture va au garage du concessionnaire. Ils vous font payer un devis, ainsi qu’une « surtaxe de licence de réparation homologuée ». Ils vous appellent pour que vous alliez récupérer votre voiture, et ils vous disent qu’il n’ont rien trouvé. Vous récupérez votre voiture, et elle continue à faire ce bruit désagréable. Vous demandez au garagiste qui vous répond « Oh, parfois les voitures PaLibres font ce bruit. Il n’y a pas à s’inquiéter».

Même si l’histoire peut sembler ridicule, c’est exactement ce qu’il se passe lorsqu’une personne choisit d’utiliser un logiciel non libre. Vous choisissez le logiciel qui correspond le mieux à vos besoins, et parfois un vendeur vous aide. Vous acceptez un contrat que vous n’avez probablement pas lu, et parfois vous acceptez implicitement les termes d’utilisation du programme. Vous utilisez le logiciel. Cependant, vous pouvez utiliser le logiciel uniquement comme l’éditeur l’a autorisé (conduire dans notre comparaison). Quand le logiciel dysfonctionne, ou même lorsque vous voulez améliorez quelque chose, vous ne pouvez aller nulle part ailleurs que chez l’éditeur. Vous ne pouvez pas aller chez un ami qui s’y connaît en informatique. Vous ne pouvez pas demander à une autre entreprise de vous régler ça. Vous devez aller chez les développeurs. Lorsque vous leur expliquez votre problème, ils vous répondent peut-être « Nous ne pouvons pas faire ça pour vous ». Ils peuvent dire « On y pensera pour la prochaine version ». Il est plus probable encore qu’ils disent « C’est une fonctionnalité, il n’y a rien à réparer ».

Les logiciels libres, de leur côté, proclament les libertés des utilisateurs. Les logiciels libres sont définis ainsi : des logiciels que vous pouvez utiliser dans n’importe quel but (pour conduire, servir de presse-papier, d’objet d’art, etc.) ; des logiciels que vous avez la liberté d’étudier et de modifier si vous voulez, avec l’accès au code source (ouvrir le capot et regarder ce qu’il y a à l’intérieur, réparer et modifier de la façon dont vous l’entendez) ; des logiciels qui peuvent être redistribués ; des logiciels auxquels vous pouvez apporter des améliorations que vous pouvez publier (ajouter un évent sur le capot et un turbocompresseur, et mettre les plans de ce que vous avez fait sur votre site favori).

Nous n’acceptons pas les violations de nos libertés lorsque nous achetons une voiture, donc pourquoi devrions-nous le faire avec les logiciels ?

Notes

[1] Source Wikipédia.

[2] Crédit photo : Hamed Saber (Creative Commons By)




Quand la Fondation Codeplex de Microsoft déchire la communauté

A priori nous devrions tous nous réjouir de voir Microsoft faire un pas significatif vers le logiciel libre avec la toute récente création de la Fondation Codeplex, dont l’objectif affiché dès la page d’accueil du site est de « permettre l’échange de code et une entente entre les éditeurs de logiciels et les communautés open source ».

Sauf que, le diable est dans les détails, l’entente proposée concerne donc explicitement les communautés open source et non la communauté du logiciel libre.

A partir de là, méfiance et vigilance nous dit Richard Stallman[1] dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, en égratignant au passage le mythique Miguel de Icaza[2] (GNOME, Mono…), membre initial de la Fondation, qui en prend pour son grade en étant qualifié « d’apologiste Microsoft ».

Réponse immédiate de l’intéressé (toujours traduite ci-dessous) qui reproche vertement à Stallman de s’attaquer ainsi à ses propres alliés et de se complaire dans la paranoïa Microsoft, pratique pour fédérer ses troupes mais néfaste si l’on souhaite réellement aller de l’avant.

Au delà du conflit personnel qui frise parfois l’outrage, nous sommes face à une énième opposition entre le logiciel libre et l’open source.

L’avantage de l’open source c’est qu’il rend le logiciel libre enfin fréquentable pour des sociétés comme Microsoft qui l’ont longtemps ignoré puis dénigré. L’inconvénient, rappelé en exergue de ce blog, c’est d’aboutir à ce que le logiciel libre ne finisse par ne plus rien libérer d’autre que du code…

Codeplex… Perplexe ?

Lest CodePlex perplex

Richard Stallman – 5 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Eneko Astigarraga - CC by-saLa Codeplex Foundation ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté. En effet, le fait que des employés, ou ex-employés de Microsoft, plus l’apologiste Miguel de Icaza, dominent le comité de direction n’a rien de rassurant. Mais l’habit ne fait pas nécessairement le moine.

Le jour viendra où nous pourrons juger l’organisation pour ses actions (ainsi que sa communication). À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons seulement essayer d’anticiper ses actions, d’après ses déclarations et celles de Microsoft.

On remarque premièrement que l’organisation évite soigneusement de parler de la liberté des utilisateurs, elle emploie le terme « open source » et ne fait pas mention de « logiciel libre ». Ces deux termes définissent deux philosophies qui n’ont pas les mêmes valeurs : le logiciel libre promeut la liberté et la solidarité alors que l’open source s’intéresse uniquement aux aspects pratiques, telle que l’efficience et la fiabilité du logiciel par exemple. Voir Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre pour plus d’informations.

Il est évidemment préférable pour Microsoft d’affronter l’adversité concrète que représente l’open source plutôt que la position éthique que défend le mouvement du logiciel libre. En ne reconnaissant, et en ne critiquant, que l’open source, comme la société le fait depuis si longtemps, Microsoft poursuit deux objectifs : attaquer un concurrent tout en détournant l’attention d’un autre.

Codeplex applique strictement la même tactique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciels commerciaux » de contribuer davantage à l’open source. Comme presque tous les logiciels open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront certainement libres, mais la philosophie « open source » n’enseigne pas aux développeurs à défendre leurs libertés. S’ils ne comprennent pas l’importance de cette liberté, les développeurs seront plus enclins à succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles, ce qui reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage, à accepter la cooptation de brevets et à rendre ainsi les logiciels libres dépendant d’éléments privateurs.

Cette fondation n’est pas le premier projet Microsoft à porter le nom de « Codeplex ». On retrouve aussi codeplex.com, une forge qui ne recense pas parmi les licences autorisées, la troisième version de la GNU GPL. Peut-être est-ce dû au fait que la GNU GPL v3 a été créée pour protéger les logiciels libres de la menace que représentent les brevets Microsoft au travers d’accords comme celui conclu entre Novell et Microsoft. Les intentions de la Codeplex Foundation vis à vis de la GPL v3 nous sont encore inconnues, mais le passif de Microsoft n’incite pas à l’optimisme.

Le terme « éditeurs de logiciels commerciaux » est lui-même ambigu. Par définition, toute entreprise a un but commercial, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu’il soit libre ou privateur, est automatiquement commercial. Mais beaucoup associent faussement « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir Termes prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution)).

Cette confusion est grave, puisqu’elle implique qu’on ne peut pas faire commerce de logiciels libres. De nombreux éditeurs de logiciels contribuent déjà aux logiciels libres, et ces contributions commerciales sont très utiles. Peut-être que Microsoft souhaite ici renforcer cette fausse impossibilité dans l’esprit des gens.

Toutes ces considérations prises en compte, il nous apparait que Codeplex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Il instillera subtilement l’idée que le commerce de logiciel libre ne peut se faire sans l’appui des éditeurs de logiciels privateurs commme Microsoft. Il pourrait aussi, cependant, convaincre certains fabricants de logiciels privateurs de publier plus de logiciels libres. Cette contribution servira-t-elle la liberté des utilisateurs ?

Ça ne pourra être le cas que si le logiciel libéré fonctionne correctement sur des plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c’est à l’opposé de ce que Microsoft cherche à accomplir.

Sam Ramji, maintenant président de Codeplex, annonçait il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d’alors) souhaitait promouvoir le développement d’applications libres qui encourageaient l’usage de Microsoft Windows. Peut-être que Codeplex cherche à corrompre les développeurs de logiciels libres pour qu’ils fassent de Windows leur plateforme principale. Codeplex.com héberge désormais de nombreux projets qui sont des extensions de logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire au Piège Java (voir Libre mais entravé – Le Piège Java).

Mais, même en cas de succès, les implications seraient limitées puisqu’un programme qui ne fonctionne pas (ou mal) dans le Monde Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non-libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter de se retrouver ainsi lésés, nous devons rejeter les systèmes privateurs ainsi que les applications privatrices. Les extensions libres pour des programmes privateurs que l’on trouve sur Codeplex accroissent notre dépendance vis à vis de ces programmes privateurs, l’exact opposé de ce dont nous avons besoin.

Les développeurs de logiciels libres sauront-ils résister à ce travail de sape de nos efforts pour gagner plus de liberté ? C’est là que leur éthique devient cruciale. Les développeurs adeptes de la philosophie « open source », pour laquelle la liberté n’est que secondaire, n’attachent peut-être que peu d’importance à la liberté de l’environnement dans lequel leur logiciel est exécuté. Mais les développeurs se battant pour la liberté, la leur comme celle des autres, peuvent reconnaître le piège et l’éviter. Pour rester libre, la liberté doit être notre but.

Si la Codeplex Foundation souhaite devenir un vrai contributeur de la communauté du logiciel libre, elle ne peut se contenter d’extensions libres pour des paquets non-libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur des plateformes libres basées sur GNU/Linux et d’autres systèmes d’exploitation libres. Si elle essaie de nous leurrer dans une direction opposée, il nous faut absolument nous y refuser.

Mais que les actions de la Codeplex Foundation soient bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent excuser les actes d’agression dont Microsoft s’est rendu coupable envers notre communauté. De sa tentative récente de vendre des brevets à des intermédiaires pour qu’ils fassent le sale boulot contre GNU/Linux, à sa croisade pour la promotion des menottes numériques (DRM), Microsoft n’a de cesse de s’en prendre à nous. Nous serions bien naïfs de le perdre de vue.

Copyright 2009 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Chacun sa vision

World Views

Miguel de Icaza – 5 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Storem - CC by-saApparemment, Richard Stallman n’a rien de mieux à faire que de m’attaquer personnellement. Dans son dernier texte, il s’est trouvé une nouvelle lubie : me traiter d’apologiste de Microsoft car je ne participe pas à sa chasse aux sorcières.

J’ai simplement un point de vue différent du sien au sujet de Microsoft. Certains de ses employés sont des personnes vraiment bien, et je sais qu’ils sont nombreux au sein de l’entreprise à essayer de lui faire prendre une meilleure voie. Cela fait maintenant quelques années que j’en parle sur mon blog.

Au fond, nous voulons tous les deux la même chose : le succès du logiciel libre. Mais Richard, plutôt que d’utiliser son temps pour défendre sa cause, s’en prend à ses propres alliés car ils ne sont pas pareils que lui. À ses yeux, débiter des inepties, telles que Linus « ne croit pas en la Liberté », est tout à fait normal[3].

Tout est une question de point de vue

Il y a de cela quelques années, j’ai eu la chance d’échanger avec Benjamin Zander sur son monde des possibles. Son livre, « L’art des possibilités » m’a profondément marqué.

Benjamin y raconte cette histoire :

Deux vendeurs de chaussures sont envoyés en Afrique au début du XXe siècle en prospection.

Le premier envoie son télégramme : « Situation désespérée. Stop. Personne ne porte de chaussures ».

L’autre envoie : « Opportunité d’affaires. Stop. Ils n’ont pas de chaussures ».

Notre temps sur Terre étant limité, j’ai décidé d’occuper le mien à essayer de faire comme le deuxième vendeur. J’essaie de voir des possibilités quand d’autres ne voient aucun débouché.

J’aime mon boulot pour cette raison précise, parce que je travaille avec des amis qui défient sans cesse les probabilités et parce que nous avons toujours su faire mentir ceux qui nous critiquent. Chacun de mes collègues veut changer le monde et aucun d’entre nous ne se laisse décourager par la peur.

La peur est un frein puissant et empêche trop souvent les gens de proposer des solutions créatives. Je préfère largement travailler à l’élaboration de solutions constructives plutôt que de me plaindre.

La paranoïa est un secteur très actif. C’est la solution de facilité pour ceux qui ne savent pas mener leurs troupes en donnant l’exemple. Créez un bouc émissaire, enrobez votre histoire, mentez, ou propagez des semi-vérités, satanisez, voilà une bonne recette pour fédérer votre base.

La paranoïa de Richard

Le documentaire « Le pouvoir des cauchemars » offre une description passionnante de l’économie de la « sécurité », de ces entreprises qui vendent de la « sureté » aux personnes effrayées, de ces dirigeants qui se servent de la peur des gens pour atteindre leurs buts. La paranoïa de Richard n’est en rien différente.

Richard Stallman fait souvent appelle à des bouc émissaire pour rassembler ses troupes. Parfois il s’en prend à Microsoft, d’autres fois il invente des faits, ou sinon il s’en prend à sa propre communauté[4]. Ses élocutions simplistes n’ont rien à envier à celle de Georges W. Bush : le Bien contre le Mal, Nous contre Eux.

La Codeplex Foundation est née de l’effort de ceux, chez Microsoft, qui croit en l’open source. Ils s’acharnent, au sein de l’entreprise, à la changer. Encourager Codeplex est une formidable opportunité d’encourager Microsoft dans la bonne direction.

Mais Richard n’arrive pas à le comprendre.

Aux yeux de Richard, il n’y a rien de bon à tirer de ce monde. Moi, à l’opposé, j’y vois des possibilités et des opportunités.

Non seulement on a jamais attrapé de mouches avec du vinaigre, mais il y a aussi beaucoup de chaussures à vendre.

Notes

[1] Crédit photo : Eneko Astigarraga (Creative Commons By-Sa)

[2] Crédit photo : Storem (Creative Commons By-Sa)

[3] Votre ami Google vous donnera de nombreux exemples d’attaques contre les défenseurs et développeurs de l’open source / logiciel libre.

[4] Le problème « open source » contre « logiciel libre » qui n’en est pas un et la guerre « Linux » contre « GNU/Linux » débutée dans les années 90 mais qui nous poursuit encore.