Le Mozilla Service Week nous attend en septembre

Woodley Wonderworks - CC byMême si elle y réussit fort bien, la mission de Mozilla dépasse celle de nous proposer un navigateur et quelques autres logiciels de qualité. C’est écrit noir sur blanc dans leur Manifesto : « nous créons des communautés qui s’impliquent pour rendre l’utilisation d’Internet meilleure pour chacun de nous ».

L’initiative Mozilla Service Week (que nous avons traduit par « Semaine d’Entraide Mozilla »), qui aura lieu en septembre prochain, s’inscrit dans la droite ligne de cette démarche.

Certains s’étonneront peut-être de voir Mozilla aller au delà du logiciel et faire, pour ainsi dire, « dans le social ». Je pense au contraire que c’est non seulement louable mais nécessaire. Ici on utilise sa notoriété, son influence, son impact et son marketing au service d’une action qui demande une implication forte de la part des participants[1].

Lorsque vous vous rendez sur le site de la campagne, deux choix s’offrent à vous : Je souhaite aider et J’ai besoin d’aide. À comparer avec la récente opération Microsoft : Combattre la faim en téléchargeant Internet Explorer 8.

Faites la différence : La semaine d’entraide Mozilla !

Be the Difference: Mozilla Service Week!

Mary Colvig – 15 juin 2009 – The Mozilla Blog
(Traduction Framalang : Poupoul2)

Mozilla lance aujourd’hui la toute première Semaine d’Entraide Mozilla. Dans la semaine du 14 au 21 septembre 2009, nous demandons au gens de se rapprocher et de faire la différence en utilisant le Web pour améliorer leur communauté. Mozilla est une communauté qui a une mission de rendre le Web meilleur pour tout le monde. Lorsque des membres de notre communauté décident de lancer une action, ils ont la capacité de faire une sérieuse différence.

Nous recherchons des gens qui souhaitent partager, donner, s’engager, créer et collaborer en donnant leur temps et leur talent à des organisations caritatives publiques locales, à des ONG ou à ceux qui ont besoin de leur aide. Notre objectif est de soutenir des initiatives comme :

  • Enseigner aux séniors l’usage du Web
  • Montrer aux ONG comment utiliser les réseaux sociaux pour agrandir leur base d’adhérents.
  • Installer un réseau sans fil dans une école
  • Créer des tutoriaux sur les réseaux d’ordinateurs de bibliothèques
  • Récupérer et ré-utiliser du matériel pour un centre informatique local
  • Aider une ONG à mettre à jour son site Web ou sa base de données
  • Et plus encore…

Chacun devrait avoir la possibilité d’apprendre comment utiliser Internet, d’y avoir un accès facile, et d’avoir une bonne expérience lorsqu’il est connecté. Aussi, si vous avec du talent pour l’écriture, la conception, la programmation ou le développement, ou tout savoir faire technique associé, rejoignez La Semaine d’Entraide Mozilla ! Mais Mark Surman (Directeur exécutif de la Fondation Mozilla) affirme également : « Nous invitons les gens à s’impliquer de manière active avec Mozilla, même s’ils ne savent pas coder, tester ou localiser. Cela permet à tout un chacun d’avoir l’impression de contribuer à construire un Internet meilleur. » Ensemble nous pouvons faire du Web un endroit meilleur pour tout le monde !

Durant les semaines à venir, la Semaine d’Entraide Mozilla sera disponible dans de nombreuses langues et avec des partenaires supplémentaires, grâce à l’aide de la communauté Mozilla.

Pour en savoir plus sur comment faire la différence en vous portant volontaire ou en écoutant les besoins de votre organisation, rendez-vous sur mozillaservice.org. Vos compétences Internet, peu importe que vous soyez novice ou utilisateur avancé, peuvent changer la vie des gens et rendre le Web meilleur pour chacun.

Suivez-nous sur Twitter pour infos et mise à jour.

Notes

[1] Crédit photo : Woodley Wonderworks (Creative Commons By)




Mon compte Facebook sait-il que je n’ai plus de toit ?

Hrvoje Go - CC byOn n’y pense pas toujours mais en France près de la moitié des « foyers » n’est toujours pas connectée à Internet. Et que se passe-t-il si on n’a carrément pas de foyer ?

Doit-on renoncer à la « vie numérique » ? Pas forcément, mais on imagine sans peine les difficultés rencontrées.

C’est l’objet d’un récent reportage du Wall Street Journal. On peut se passer de télé, de radio, de journaux mais plus difficilement d’Internet, nous dit l’un des protagonistes. A fortiori quand on l’utilisait « comme tout un chacun » avant notre mise à la rue. A fortiori quand la crise est désormais susceptible d’atteindre plus encore les jeunes et les classe moyennes précarisées[1].

Dans la rue et sur Facebook : sans-abri mais branché sur le Web

On the Street and On Facebook: The Homeless Stay Wired

Phred Dvorak – 30 mai 2009 – Wall Street Journal
(Traduction Framalang : Cheval Boiteux, Tyah, Don Rico)

M. Pitts n’a pas d’adresse postale. Mais il a un ordinateur et anime un forum sur Internet.

Comme la plupart des habitants de San Francisco, Charles Pitts a une vie en ligne. M. Pitts, 37 ans, a un compte sur Facebook, MySpace et Twitter, il anime un forum Yahoo, lit les journaux en ligne et garde le contact avec ses amis par courriel. Le plus difficile pour lui, c’est d’organiser sa vie numérique depuis son lieu de résidence : sous un pont d’autoroute.

« Pas besoin de télé, pas besoin de radio, même pas besoin de journaux papier », explique M. Pitts, poète amateur à la casquette violette et au blouson en polaire jaune, qui dit être SDF depuis deux ans. « Internet, par contre, c’est indispensable. »

L’exemple de M. Pitts démontre à quel point les ordinateurs et l’Internet ont imprégné la société. Il y a quelques années, certains craignaient qu’une « fracture numérique » sépare ceux qui ont accès aux nouvelles technologies et les autres. Les plus démunis n’ont certes pas les moyens de s’offrir un ordinateur et un accès à Internet. Pourtant, de nos jours aux États-Unis, même ceux qui n’ont pas de toit ressentent la nécessité d’avoir une adresse électronique.

La ville de New-York a installé quarante-deux ordinateurs dans cinq des neuf foyers qu’elle gère et projette d’équiper les quatre autres dans le courant de l’année. Environ la moitié des 190 autres foyers de la ville permettent d’accéder à un ordinateur. Selon le président de Central City Hospitality House, une association à but non lucratif de San Francisco, la moitié des visiteurs utilisant ces huit ordinateurs sont des sans-abri. Il y a une telle demande pour l’accès à ces postes que leur temps d’utilisation est limitée à 30 minutes.

D’après le personnel des foyers, le nombre de sans-abri équipés d’un ordinateur portable, qui reste faible, est en augmentation. SF Homeless (NdT : Sans-Abri de San Francisco), forum créé il y a deux ans, compte 140 membres. On y trouve les dates et horaires des réunions pour les logements sociaux et des informations provenant de groupes similaires actifs au Nouveau-Mexique, en Arizona, et dans le Connecticut. Il est complété par un blog qui propose des sondages en ligne sur la vie dans les foyers.

Les prix de plus en plus bas des ordinateurs et l’accès gratuit à Internet alimentent ce phénomène, ainsi que la maîtrise de l’outil informatique de plus en plus généralisée au sein de la population. Pour répondre à une offre d’emploi ou faire une demande de logement, les démarches se déroulent de plus en plus souvent en ligne. Selon certains membres d’associations d’aide aux sans-abri, la crise économique va jeter à la rue de nombreuses personnes issues de la classe moyenne habituées à l’Internet.

Âgé de 29 ans, Paul Weston se destine à une carrière de programmeur. Son Powerbook Macintosh, nous confie-t-il, est pour lui un véritable « canot de sauvetage » depuis qu’il a dû s’installer dans un foyer après avoir perdu son poste de réceptionniste d’hôtel en décembre dernier. Installé dans un magasin Whole Foods qui propose un accès Internet gratuit, M. Weston cherche du travail et écrit un programme informatique qu’il espère réussir à vendre. Il a envoyé des courriels aux élus de la ville pour demander l’amélioration des conditions de vie dans les foyers.

Lisa Stringer, qui dirige une formation où l’on apprend aux SDF et aux habitants défavorisés à chercher un emploi et à se servir de l’outil informatique, explique que certains de ses étudiants, alors qu’ils ne savent ni lire ni écrire, économisent pour se payer un ordinateur. « Dans la société actuelle, posséder un ordinateur signifie qu’on est à la page et connecté », analyse-t-elle. Il lui arrive parfois de conseiller vivement à ses étudiants sans-abri d’attendre que leur situation se soit stabilisée avant d’acheter un portable.

Avoir une vie en ligne lorsqu’on vit dans la rue exige une grande détermination. L’électricité et l’accès à Internet sont des denrées rares. S’ajoutent à ces difficultés les menaces telles que la pluie et le vol.

Robert Livingston, 49 ans, trimballe son portable Asus partout depuis qu’il a perdu son logement en décembre dernier. Homme soigné qui dépense une partie de son allocation mensuelle de 59 dollars chez le coiffeur, M. Livingston raconte qu’il a démissionné d’un poste d’agent de sécurité l’année dernière, et qu’il n’a pas réussi à retrouver du travail à cause de la crise.

Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il allait devenir SDF, M. Livingston a acheté un sac à dos robuste pour ranger son matériel, un cadenas pour son casier du foyer et un compte Flickr Premium à 25 dollars pour diffuser ses photos numériques.

Il y a peu, installé dans un café où les clients peuvent parfois profiter de la connexion sans fil, M. Livingston montrait fièrement sa page personnelle, qui propose des liens pour des leçons de chinois.

M. Livingston affirme que son ordinateur l’aide à rester en lien avec la société et à garder son humanité. « Être dans la rue, c’est effrayant », nous confie-t-il. « Sur Internet, je suis sur un pied d’égalité avec tout le monde. »

Pour Skip Schreiber, philosophe amateur de 64 ans qui vit aujourd’hui dans une camionnette, le plus gros défi pour rester connecté, c’est l’électricité. M. Schreiber était chauffagiste avant que le stress et une dépression liés au travail ne le mettent sur la touche il y a quinze ans.

Pour son 60ème anniversaire, il a puisé dans sa pension d’invalidité mensuelle pour s’offrir un ordinateur portable, branché sur la batterie de son véhicule, et a appris seul à s’en servir. « J’aimais le concept d’Internet », explique M.Schreiber, « cette source illimitée d’opinions et de réflexion ».

Récemment, M. Schreiber a changé de machine pour un Mac parce que celui-ci consomme moins. Quand il le peut, il coupe le ventilateur et l’antenne WiFi, et rafraîchit son portable en le posant sur un chiffon humide. Grâce à ces astuces, affirme-t-il, il réussit à faire durer sa batterie jusqu’à seize heures, à condition de proscrire les vidéos.

Dans sa camionnette où s’entassent caisses à outils, matériel électrique et couchage, M. Schreiber nous montre le contenu de son disque dur, qui comprend l’intégralité des codes civil et pénal de la Californie, ou encore des fichiers sur des penseurs tels que Thomas d’Aquin ou le psychologue Philip Zimbardo. M. Schreiber explique que les écrits sur le comportement et les aspirations des hommes l’aident à mieux appréhender son sort.

« Nul ne se conçoit comme un sans-abri », déclare-t-il. « Nous faisons nos choix au mieux, selon ce qui nous est donné. »

Michael Ross produit lui-même son électricité, grâce à un groupe électrogène installé à l’extérieur de sa tente jaune et bleue. Depuis un an, M. Ross assure la surveillance d’un parking où est entreposé du matériel de construction, grâce à un accord passé avec le propriétaire. M. Ross, qui n’a que sa pension de vétéran pour survivre, estime être SDF depuis une quinzaine d’années.

Sous la tente, ce cinquantenaire taciturne possède un laptop HP pourvu d’un écran de 17 pouces et d’un espace de stockage de 320 Go, ainsi que quatre disques durs externes supplémentaires d’une capacité totale de 1000 Go, l’équivalent de 200 DVDs. M Ross adore les films. Il en loue certains en ligne, sur Netflix et Blockbuster, et en télécharge d’autres grâce à une connection Ethernet à la bibliothèque publique de San Francisco.

L’autre soir, M. Ross s’est installé sur son sac de couchage pour regarder un épisode des X-Men, obligé d’écouter au casque pour couvrir le vacarme du groupe électrogène. Lorsqu’il se rend en ville, il emporte tout son matériel avec lui par sécurité. Son sac-à-dos est plein à craquer de cordons et de gadgets électroniques emballés dans du papier-bulle. Selon M. Ross, le poids ne lui pose pas problème.

M. Pitts, le poète qui vit sous un pont, retient de tête une liste d’endroits où il peut recharger sa batterie et se connecter à l’Internet, endroits parmi lesquels on trouve un coin peu fréquenté d’une des gares de la ville et des cafés équipés du WiFi, dont les patrons tolèrent que l’on s’y installe pour longtemps et avec beaucoup de sacs.

Expulsé de son appartement il y a deux ans, M. Pitts raconte : « Je me suis dit que mon existence et ma vie ne s’arrêtaient pas parce que je n’avais plus de toit ».

Il s’est alors acheté un portable Toshiba. Lorsque celui-ci a rendu l’âme, il l’a remplacé par un Dell d’occasion. Le mois dernier, l’écran du Dell s’est cassé. À présent, pour consulter son courrier électronique et participer à son forum consacré aux problèmes des sans-abri, il se sert des ordinateurs des bibliothèques et des campus universitaires, ou encore d’un portable caché par un de ses copains derrière le comptoir d’un café.

Ayant appris il y a un mois que le Dalaï Lama devait venir en viste dans une soupe populaire des environs, M. Pitts est allé sur Wikipédia faire une recherche sur le chef spirituel bouddhiste et a copié le texte de l’article sur son iPod pour le lire au lit, sous le pont qui l’abrite. « Sous ma couverture, à l’abri d’une bâche plastique, j’apprends des tas de trucs sur le Dalaï Lama. »

M. Pitts compte bientôt réussir à économiser assez d’argent pour se racheter un ordinateur. Il espère pouvoir en trouver un à moins de 200 dollars.

Remarque : Sur le site d’origine du Wall Street Journal, on trouve un diaporama avec une dizaine de photographies « en situation » des personnes citées dans l’article.

Notes

[1] Crédit photo : Hrvoje Go (Creative Commons By)




Près d’un million de dollars pour améliorer techniquement Wikipédia

Manel - CC byParticiper à Wikipédia est semble-t-il d’une simplicité enfantine : il suffit de cliquer sur le bouton « Modifier » qui figure en haut de chaque article.

Sauf qu’apparait alors à l’écran une fenêtre, de prime abord assez déroutante, où se mélangent textes et « signes cabalistiques » propre à la syntaxe wiki de MediaWiki, le logiciel moteur de wiki sur lequel repose l’encyclopédie libre[1].

Cela n’empêche pas les participants de s’y habituer à la longue (surtout que l’on peut compter sur la communauté Wikipédia pour s’épauler les uns les autres). Mais il faut bien reconnaître que cela peut intimider voire carrément parfois rebuter le débutant.

C’est entre autres raisons pourquoi il faut suivre de près la « Usability Initiative » visant justement à améliorer l’expérience utilisateur de l’éditeur mais aussi du simple visiteur wikipédien. Et quand on parcourt par exemple le prototype de test de la version anglaise, on se dit effectivement que c’est en bonne voie.

Avec un budget de 890 000 dollars, MediaWiki deviendra-t-il plus facile à utiliser ?

Can $890,000 Make MediaWiki Useful?

Steven Walling – 12 juin 2009 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Don Rico)

À la fin de l’année dernière, la Wikimedia Foundation (l’association à but non-lucratif qui soutient Wikipédia) a reçu une subvention de 890 000 dollars. Cette somme a été entièrement consacrée à la seule Usability Initiative, projet destiné à l’amélioration de MediaWiki.

Il y a peu, la fondation a rendu publics les premiers chantiers.

Même s’il ne représente qu’une fraction de ce qui se prépare, le travail accompli jusqu’à présent semble très prometteur, non seulement pour l’avenir de Wikipédia, mais aussi pour tous les projets basés sur MediaWiki. En ces temps de crise économique, il y a fort à parier qu’un MediaWiki plus performant pourrait rivaliser avec des solutions de travail collaboratif d’entreprise plus coûteuses et plus lourdes.

La campagne Usability Initiative

La campagne Usability Initiative de Wikipédia a pour but de rendre MediaWiki plus facile d’utilisation afin d’attirer de nouveaux rédacteurs bénévoles vers l’encyclopédie libre. La première étape de cette campagne, une étude approfondie de l’outil, a permis de pointer du doigt les faiblesses qui rendent la version actuelle du logiciel intimidante et décourageante pour le néophyte.

Dévoilés le 2 juin dernier, les premiers projets consistent en améliorations élémentaires de l’interface, des onglets de navigation, des résultats de recherche et de la barre d’outils d’édition. Pour l’heure, ils fonctionnent sur des sites prototypes et devraient être disponibles en option dans les préférences utilisateur de Wikipédia d’ici juillet.

Ce que nous réserve l’avenir

Les premières maquettes ne sont pas vraiment à couper le souffle, mais il ne s’agit encore que des prémices. Naoko Komura, la responsable du programme Usability Initiative, nous a récemment décrit dans les grandes lignes des mesures à venir plus audacieuses. Parmi les pistes explorées, on trouve une mise en ligne facilitée pour le contenu multimédia, un système d’aperçu en temps réel, et (c’est de loin la plus importante) la réduction ou la dissimulation de la syntaxe wiki extrêmement complexe utilisée pour la création des tableaux et des modèles dans MediaWiki.

En revanche, il n’est pas envisagé de supprimer cette syntaxe.

Presque tous les wikis d’entreprise intègrent aujourd’hui un éditeur de texte WYSIWYG. Même ceux qui ont été conçus à partir de MediaWiki, comme Mindtouch, ont vite remplacé la syntaxe wiki par le XHTML. L’Initiative tente de s’inspirer de l’expérience d’entreprises telles que Mindtouch, dont le PDG, Aaron Fulkerson, a confié à ReadWriteWeb qu’il était impressionné par l’Initiative, même si d’après lui « le texte wiki restera toujours inférieur au XHTML ».

Les éditeurs de texte WYSIWYG sont déjà disponibles pour MediaWiki grâce à des extensions, mais le risque d’endommager les données qui constituent le contenu de l’encyclopédie Wikipédia n’est pas négligeable. C’est le souci d’éviter ce scénario catastrophe qui pousse l’Initiative a écarter la possibilité d’un passage au WYSIWYG, en tout cas dans le cadre de ce projet.

MediaWiki de retour en entreprise ?

Malgré ce choix de conserver la syntaxe wiki, il se peut que la Usability Initiative parvienne à rendre Wikipédia plus accessible aux collaborateurs, mais aussi à faire de MediaWiki un outil plus approprié pour une utilisation en entreprise.

Les frais de licence et d’abonnement pour les plateformes de travail collaboratif semblent plus coûteuses que jamais. En 2009, la majorité des entreprises préfèrent mettre à niveau et améliorer les logiciels qu’elles utilisent déjà que repartir de zéro. Des sociétés telles qu’Intel utilisent MediaWiki depuis des années, de façon massive et productive, et ce malgré ses excentricités.

L’objectif principal de la Usability Initiative est l’amélioration du logiciel afin de le rendre moins rebutant pour les nouveaux wikipédiens. Mais ce projet pourrait avoir une conséquence inattendue : un regain de considération pour MediaWiki en entreprise.

Notes

[1] Crédit photo : Manel (Creative Commons By)




Combattre la faim en téléchargeant Internet Explorer 8 !

Franco Folini - CC by-saUne fois n’est pas coutume, nous vous proposons aujourd’hui la traduction d’un communiqué de Microsoft, à destination des USA.

Il faut dire que l’initiative est, comment dire, « originale ». En téléchargeant sur un sité dédié à l’opération, entre le 8 juin et le 8 août, la dernière version d’Internet Explorer (la version 8), vous offrez, d’un simple clic, 8 repas aux déshérités américains, en vertu d’un partenariat contracté pour l’occasion entre Microsoft et l’association caritative Feeding America[1].

Ce site dédié s’intitule « Browser for the Better » que l’on pourrait approximativement traduire par « Un Navigateur pour un Monde Meilleur ».

Elle est pas belle la vie ? Vous restez tranquillement assis le cul sur votre chaise, vous appuyez sur le bouton de votre souris. Et vous contribuez à réduire la faim dans le monde !

Certaines mauvaises langues vous diront peut-être que Microsoft trouve là matière à se racheter une vertu à peu de frais, au moment même où son navigateur (le pire que le Web n’ait jamais connu) bat de l’aile face à la concurrence. Mais ne les écoutez pas, ce ne sont que des égoïstes qui ne se soucient pas des nécessiteux !

Microsoft et Feeding America joignent leur force dans le combat contre la faim

Microsoft and Feeding America Join Forces to Fight Hunger

Communiqué de Microsoft – 10 juin 2009 – Redmond
(Traduction Framalang : Dryt)

La campagne de Microsoft Browser for the Better s’engage à donner l’équivalent de huit repas pour chaque téléchargement de Windows Internet Explorer 8.

Plus de 17 millions d’enfants aux États-Unis reçoivent au sein même de leurs écoles publiques un petit déjeuner et un déjeuner gratuit ou à prix réduit. Lorsque ces écoles ferment pendant l’été, ces enfants perdent l’accès à ces aides. C’est pourquoi Microsoft Corp. et Feeding America allient leurs forces pour combattre la faim aux États Unis à travers la campagne Browser for the Better. Pour chaque téléchargement complet d’Internet Explorer 8, Microsoft s’engage jusqu’au 8 août 2009 à donner l’équivalent de 8 repas au réseau des 206 banques alimentaires de l’association Feeding America, association qui permet chaque année de nourrir plus de 25 millions d’américains.

« Cet été, plusieurs millions de familles aux USA souffriront de la faim. la demande en nourriture n’a jamais été si forte pendant ces dix dernières années. La campagne Browser for the Better permet d’un coté de sensibiliser au problème de la faim et de l’autre coté, il donne aux gens une possibilité simple d’aider leur voisin sans débourser d’argent. C’est un arrangement gagnant-gagnant entre Microsoft, Feeding America et les internautes participant à l’opération à travers le pays » déclare Vicki Escarra, Président et PDG de Feeding America, la plus importante organisation de lutte contre la pauvreté aux USA.

(…)

« Nos clients nous ont dit qu’ils voulaient avoir un impact sur la vie de leurs amis et de leurs voisins » explique Amy Barzdukas, directrice principale de la section Internet Explorer chez Microsoft. « La campagne Browser for the Better permet facilement aux gens de faire la différence. Ils ne sont pas seulement en train de contribuer à la société, ils obtiennent également un navigateur moderne, plus sûr, et conçu pour l’usage qu’en font les gens aujourd’hui. »

La campagne Brower for the Better met l’accent sur les qualités d’Internet Explorer 8. Lancé en mars dernier, Internet Explorer 8 offre une sécurité accrue, associée à grande simplicité d’utilisation et des performances techniques reconnues. Une étude récente du NSS Labs montre qu’Internet Explorer 8 est le n°1 dans la protection des logiciels malveillants et l’intégration de la protection de la vie privée propose plus de choix et un meilleur contrôle aux utilisateurs.

Plus d’information à propos de Browser for the Better et Internet Explorer 8 : http://browserforthebetter.com.

Notes

[1] Crédit photo : Franco Folini (Creative Commons By-Sa)




Mozilla 1.0 : 7 ans déjà !

Nicubunu - CC by-saNée libre sous les cendres de Netscape le 5 juin 2002, la version 1.0 de l’application Mozilla souffle donc en ce moment sa septième bougie (cf le billet de Tristan Nitot).

Sept ans de bons et loyaux services qui ont fait de ce projet ce qu’il est devenu aujourd’hui, à savoir un pilier du Web et du Libre, ayant remis de l’innovation (et un peu de « morale ») dans le monde si particulier des navigateurs. Âge de raison mais intacte passion.

L’occasion d’un petit retour en arrière sous la plume de Glyn Moody, où l’on constatera que pari était loin d’être gagné d’avance, quand bien même on avait une vision claire, pour ne pas dire prémonitoire, de l’avenir[1].

Joyeux Anniversaire à Mozilla, et merci d’être là !

Happy Birthday, Mozilla – and Thanks for Being Here

Glyn Moody – 5 juin 2009 – ComputerWorld.uk
(Traduction Framalang : Tyah, Goofy et Don Rico)

Il y a sept ans était lancé Mozilla 1.0 :

Mozilla.org, l’organisation qui coordonne le développement Open Source de Mozilla tout en offrant ses services d’assistance à la communauté Mozilla, a annoncé aujourd’hui le lancement de Mozilla 1.0, la première version majeure du logiciel Mozilla. Navigateur complet basé sur les derniers standards Internet doublé d’une trousse à outils multiplateforme, Mozilla 1.0 cible la communauté des développeurs et permet la création d’applications basées sur Internet. Mozilla 1.0 a été développé dans un environnement Open Source et a été produit en exploitant la puissance créatrice de milliers de programmeurs et de dizaines de milliers de testeurs sur Internet, qui lui intègrent leurs meilleures améliorations.

(…) « Mozilla.org a l’immense plaisir de présenter le code de Mozilla 1.0 et les outils de développement à la communauté Open Source, en permettant aux développeurs d’utiliser ces sources pour créer librement et présenter le résultat de cette création sur le Web », a déclaré Mitchell Baker, Lizard Wrangler en chef (general manager) chez Mozilla.org. « Comme le navigateur est devenu l’interface majeure entre les utilisateurs et le Web ces dernières années, le but du projet Mozilla est d’innover et de permettre la création de technologies respectueuses des standards pour que les contenus présents sur le Web restent libres. Étant donné que de plus en plus de programmeurs et de sociétés adoptent Mozilla comme technologie stratégique, Mozilla 1.0 prépare l’avènement d’une plus grande diffusion ainsi que l’adoption de l’Open Source et des logiciels basés sur certains standards du Web. »

On relève plusieurs points remarquables dans ce texte. Premièrement, le projet Mozilla était à l’origine un programme de type suite intégrée, qui outre le navigateur comportait un client de messagerie et un client de chat. Ce qui n’était pas sans évoquer l’ancienne suite Netscape Navigator, sur lequel il reposait.

Il est aussi intéressant de noter que Mitchell Baker était déjà à la tête de Mozilla, elle l’est toujours. C’est dire le rôle central qu’elle a pu jouer dans le succès de Mozilla mais aussi de l’Open Source. Car comme le second paragraphe le prévoit avec clairvoyance, le navigateur est devenu « l’interface principale entre l’utilisateur et le Web ». Et en effet, c’est de nos jours l’interface majeure de l’informatique, de par l’augmentation des services en ligne qui fonctionnent entièrement dans le navigateur. Voilà qui rend le succès de Mozilla d’autant plus remarquable.

Il est aussi louable de se souvenir que le succès de Mozilla était loin d’être assuré. Dans les premiers jours, le projet enchaînait les retards. Jamie Zawinski, celui qui enregistra le domaine mozilla.org, a décrit ce temps à la perfection dans un essai cinglant mais brillant intitulé nomo zilla :

Le premier avril 1999 sera mon dernier jour comme employé de la division Netscape Communication d’America Online, et mon dernier jour de travail pour mozilla.org.

Depuis pas mal de temps, Netscape reste pour moi une grande déception. Au lancement de cette entreprise, nous avions pour mission de changer le monde. Et nous l’avons fait. Sans nous, le changement serait sans doute arrivé de toute façon, peut-être six mois ou un an plus tard, et qui sait si les choses ne se seraient pas passées de façon tout à fait différente. Mais c’est à nous qu’on le doit. Les adresses Internet (les www…) sur les sacs de courses, les panneaux de publicité, l’arrière des camions, au générique des films juste avant le logo du studio… c’est à nous que vous le devez. Nous avons mis l’Internet entre les mains du grand public. Nous avons démarré le moteur d’un nouveau canal de communication. Nous avons changé le monde.

Ça, c’était en 1994 et 1995. Ce que nous avons fait de 1996 à 1999 s’inscrivait dans cette continuité, surfait sur la vague que nous venions de créer.

Il dépeint ensuite le contexte de la genèse de Mozilla :

En juin 1998, Netscape connut l’une de ses périodes les plus noires – sa première série de licenciements. Ce fut comme un signal d’alarme. Netscape, l’enfant chéri de l’industrie informatique, l’entreprise à la plus forte croissance au monde, n’était pas invincible.

Plus concrètement, c’est à cette époque que nous avons compris que nous avions définitivement perdu la "guerre des navigateurs". Microsoft avait réussi à détruire ce marché. Il n’était plus possible pour personne de gagner de l’argent en vendant un navigateur. Notre premier produit, notre produit phare, fonçait droit dans le mur.

Puis l’inattendu se produisit : l’équipe dirigeante décida de libérer le code source. Je ne rabâcherai pas l’historique de la création du projet mozilla.org, mais vous comprendrez aisément que, cela s’étant produit seulement deux semaines après les licenciements, ce fut pour moi une vive lueur d’espoir. On venait de redonner un coup de fouet au projet : nos dirigeants opéraient un changement de stratégie que je ne les croyais pas capable de réitérer. Un acte de désespoir ? Peut-être, mais tout de même diablement intéressant et inattendu. C’était tellement fou que le miracle était possible. Sans me faire prier, j’ai enregistré le nom de domaine le soir-même, conçu la structure de l’organisation, écrit la première version du site Web et, avec mes co-conspirateurs, expliqué aux employés et aux cadres de Netscape, en passant d’un bureau à l’autre, comment fonctionnait le logiciel libre, et ce qu’il fallait faire pour que cela marche.

(…) Je voyais mozilla.org comme une chance de jeter un canot de sauvetage à la mer, de donner au code, sur lequel nous avions tous travaillé d’arrache-pied, une chance de vivre au-delà de la mort de Netscape, une chance d’avoir encore un rôle à jouer.

Pourtant, même cet espoir se révéla illusoire :

Pour une raison quelconque, le projet ne reçut pas l’écho attendu. Il demeura un projet Netscape. Certes, cela restait un changement positif. Cela signifiait que Netscape avait développé ce projet sans se cacher, à la vue de tous, et on lui renvoyait de partout des retours aussi nombreux que constructifs. Grâce à eux, Netscape prenait de meilleures décisions.

Mais cela ne fut pas suffisant.

En fait, les contributeurs du projet Mozilla ayant inclus une centaine de développeurs Netscape à plein temps, et environ une trentaine d’intervenant extérieurs à temps partiel, le projet restait l’entière propriété de Netscape, car seuls ceux qui écrivent le code contrôlent véritablement le projet.

Telle était la situation au bout d’un an. Et nous n’avions toujours pas lancé de version bêta.

Sa conclusion donne une précieuse leçon que beaucoup n’ont toujours pas retenue :

Ma plus grande peur, qui explique en partie pourquoi je me suis accroché autant que j’ai pu, c’est que les gens vont considérer les échecs de mozilla.org comme emblématiques de l’Open Source en général. Je peux vous assurer que, quels que soient les problèmes que rencontre le projet Mozilla, ce n’est pas parce que l’Open Source ne fonctionne pas. L’Open Source fonctionne, mais n’est certainement pas une panacée. S’il y a une morale à cette histoire c’est que l’on ne peut prendre un projet moribond, le toucher avec la baguette magique de l’Open Source, et attendre que la magie opère. Le logiciel, c’est quelque chose de complexe. Il n’est pas si facile que cela de résoudre les problèmes.

On pense encore naïvement que saupoudrer les projets morts ou à l’agonie avec la poudre magique de l’Open Source les fera revenir à la vie. Trop souvent, libérer le code est le dernier refuge des désespérés. Et pourtant, en dépit de ce fait décourageant, l’incontestable succès que connut finalement Mozilla montre aujourd’hui, sept ans plus tard, que la méthode de développement Open Source peut fonctionner, prendre le dessus sur des acteurs historiques propriétaires et l’emporter. Plus important peut-être, cela démontre que même s’ils semblent bien mal engagés à leurs débuts, les projets de logiciels libres peuvent survivre et amener assez de gens déterminés à faire tout leur possible pour qu’ils aboutissent.

Suivez-moi sur Twitter : @glynmoody ou identi.ca.

Notes

[1] Crédit photo : Nicubunu (Creative Commons By-Sa)




Pourquoi je vais voter pour le Parti Pirate

Jon Aslund - CC byDemain c’est jour d’élection pour tous les pays de la communauté européenne. En Suède il est un parti tout à fait original, qui, si l’on en croit les derniers sondages, pourrait bien conquérir un siège au prochain Parlement : j’ai nommé le parti pirate (piratpartiet en suédois).

Wikipédia nous dit : « Le parti pirate est un parti politique de type contestataire, fondé en 2006, dont le leader est Christian Engström. Ce parti s’attache notamment à diminuer les droits de la propriété intellectuelle, comme le copyright, les brevets et la protection des œuvres. Le programme comprend aussi un soutien au renforcement des droits de vie privée (comme la propriété privée et les informations privées), à la fois sur Internet et dans la vie courante. Le parti n’a pas de programme autre que ce sujet et il n’est donc pas possible de lui attribuer une position de droite ou de gauche. »

Si chez nous c’est le débat sur l’Hadopi qui aura notoirement contribué à sensibiliser le grand public sur ces questions, chez eux c’est surtout le récent procès (et son verdict) contre le site d’échange de fichiers torrents The Pirate Bay[1] qui, en défrayant la chronique, a eu pour conséquence indirecte de voir un parti pirate, de plus en plus soutenu, occuper le devant de la scène.

Et parmi ces soutiens, il y a le romancier et professeur Lars Gustafsson, dont la maigreur de sa page Wikipédia en français ne doit pas vous tromper sur sa renommée nationale (et internationale). C’est la traduction (ci-dessous) de sa récente tribune au magazine Expressen qui sert de prétexte à ce billet. Qu’un intellectuel de tel renom achève son article en expliquant que « pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate » a eu son petit effet chez nos amis nordiques et témoigne de l’intérêt que suscite ce parti (et le mouvement qu’il incarne) au sein de la société suédoise.

On notera que ce parti pirate connait de nombreuses déclinaisons dans les autres pays européens, mais aucun n’a le poids du piratpartiet et, de fait, aucun autre ne se présente aux élections.

En France la situation semble un peu confuse, puisqu’on a déjà, au moins, deux « partis pirates » alors même qu’on n’en a pas du tout entendu parler pendant le projet de loi Création et Internet. Il y a en effet un parti pirate canal historique (sic) et un parti pirate tout court. Ce dernier semble le plus crédible a priori, mais je manque d’informations. Peut-être viendront-ils apporter quelques précisions dans les commentaires…

Selon moi, et quand bien même cela ne soit ni son objectif ni sa fonction, une structure emmenée par La Quadrature du Net aurait pu y aller. Avec le risque bien sûr de se planter complètement et que cela se retourne contre elle. Mais elle aurait certainement récupérée pas mal d’abstentionnistes potentiels échaudés par l’épisode Hadopi et tout ce qui, à sa suite, semble se mettre en place. Jusqu’à peut-être, qui sait, gagner un élu, et causer ainsi localement un petit tremblement de terre politico-médiatique.

Mais je vous laisse avec Lars Gustafsson dont nous avons traduit la traduction anglaise de son texte d’origine…

Lars Gustafsson : « Pourquoi je donne mon vote au Parti Pirate »

Lars Gustafsson: “Why my vote goes to the Pirate Party”

Lars Gustafsson – Traduction anglaise Rasmus – 27 mai 2009 – Copyriot
(Traduction Framalang : Olivier)

Introduction du traducteur anglophone

Lars Gustafsson est sans doute l’écrivain suédois en vie le plus prolifique. Depuis les années 1950, il ne cesse de nous abreuver de poésie, de romans et de critiques littéraires. Il y a peu, il officiait encore comme professeur de philosophie à l’Université du Texas. De retour pour de bon en Suède, il vient de commencer à s’auto-publier sur un blog. Il est aussi le lauréat de nombreux prix littéraires, le plus récent date seulement de deux jours lorsque le prix Selma Lagerlöf lui a été remis.

Vous comprendrez donc pourquoi ses récentes déclarations dans le numéro de Expressen publié aujourd’hui ne passent pas inaperçues en Suède. Il y explique que le copyright doit être abandonné et il déclare que son vote ira au parti pirate aux élections européennes toutes proches.

Comme je pense que ce texte pourrait en intéresser plus d’un hors de Suède j’en ai fait une traduction rapide. Elle est sans doute loin d’être parfaite donc je vous demanderai de vous abstenir de poster des commentaires sur les erreurs de traductions, je vous invite plutôt à les corriger vous-mêmes et à indiquer l’adresse dans les commentaires !

Je dois aussi préciser que, personnellement, je ne partage pas entièrement l’analyse de Lars Gustafsson. La dichotomie entre matériel et immatériel particulièrement est problématique. Les technologies numériques offrent en effet la re-matérialisation n’importe où, c’est un point qui fait actuellement débat au sein de l’Embassy of Piracy, débat qui s’intensifiera à la Venice Biennale. Il y a aussi matière à remettre en question le concept de reproductibilité de Walter Benjamin. Cependant Lars Gustafsson, comme Walter Benjamin, a le mérite de réussir à formuler les conflits actuels en termes matérialistes et d’utiliser les références historiques à bon escient. Le débat est lancé. Encore une fois, pardonnez-moi s’il y a des erreurs de traduction…

La tribune de Lars Gustafsson

Därför röstar jag på Piratpartiet

Les écrits anciens qui sont parvenus jusqu’à nous racontent comment l’empereur perse ordonna que les vagues de la mer soient châtiées car une tempête l’empêchait de transporter ses troupes par navire.

Plutôt stupide. De nos jours il se serait sûrement plaint au tribunal d’instance de Stockholm, ou il aurait exigé un entretien avec le juge, peut-être…

La détresse des droits civiques au printemps 2009 me rappelle étrangement les luttes pour la liberté de la presse en France au cours des décennies qui précédèrent la révolution française. Des idées radicalement nouvelles émergent, des idées qui n’auraient jamais vu le jour sans les progrès galopants de la technologie.

Descentes contre les ateliers d’impression clandestins, pamphlets confisqués et même saisie du matériel d’impression. Mises aux arrêts et transports épiques sous le couvert de la nuit à destination de Paris depuis l’enclave prussienne de Neuchâtel – où non seulement une bonne partie de l’Encyclopédie a été produite mais à partir d’où énormément de pornographie osée a circulé également, dissimulée dans des pamphlets athéistes.

Entre les années 1730 et 1780 le nombre de censeurs d’État a quadruplé. Les descentes contre les ateliers d’impression clandestins augmentèrent proportionnellement. Avec le recul maintenant nous savons que ça n’a pas endigué le mouvement en marche. Au contraire, les nouvelles idées se sont encore plus développées et se sont répandues plus rapidement encore, stimulées par la censure toujours plus forte et les descentes dans les ateliers d’impression clandestins.

Le combat porte de nos jours sur la défense de l’essence même d’Internet, un espace de droits civiques et d’échange d’idées. Un espace qui doit rester vierge de toute menace sur la vie privée et de toute influence de puissants intérêts privés.

Le rejet d’une folle proposition de loi franco-allemande au Parlement européen n’est en aucun cas l’assurance que la vie privée en ligne restera un acquis.

Devons-nous vraiment nous inquiéter alors ? Prenons l’exemple de la rivière Dalälven. Au printemps elle est en crue, les pires années elle peut envahir les terres sur 100 voire 200 mètres alentour. Elle inonde alors les quartiers résidentiels et les prairies. Appeler les forces de l’ordre y changera-t-il quelque chose ?

Jusqu’à maintenant, l’Histoire nous montre que les lois n’ont jamais réussi à s’opposer au développement technologique.

Walter Benjamin est l’auteur d’un essai très important, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, dans lequel il tire quelques conclusions très intéressantes sur les évolutions qui doivent accompagner l’avènement de la reproductibilité, malgré son échelle encore modeste à l’époque. La révolution numérique pousse la reproductibilité à un niveau que Walter Benjamin n’aurait pas imaginé même dans ses rêves les plus fous. On peut parler de reproductibilité maximale. Google est sur le point de construire une bibliothèque qui, si on lui permet d’aller au bout de son projet, rendra la plupart des bibliothèques physiques obsolètes ou surannées. Le cinéma et la presse écrite se sont retrouvés les premiers entraînés dans cette nouvelle immatérialité.

Les films, les romans ou les magazines sont facilement reproductibles. Mais ce n’est pas tout, les objets en trois dimensions, comme ceux créés par des machines programmables, peuvent aussi être reproduits, rapidement et sans laisser de trace.

Cette dématérialisation menace naturellement le droit de la propriété intellectuelle. Nous ne parlons pas ici des difficultés que Jan Guillou et une bonne douzaine d’autres auteurs pourraient affronter pour s’acheter une autre maison de campagne encore. C’est un problème social dont, pour être honnête, je me contrefous.

Le droit de la propriété intellectuelle touche à des aspects bien plus sérieux : qu’ont apporté les brevets déposés par les grandes firmes pharmaceutiques sur les trithérapies aux pays du tiers monde ? Et que dire de l’appropriation de plantes et de cochons par Monsanto ?

La société est garante d’un équilibre juste entre des intérêts contraires, l’ignorer serait un non-sens hypocrite. Une armée de défense opérante est plus importante qu’une patinoire ou que des pistes cyclables. Le Net représente une menace pour la propriété intellectuelle ? Et alors ?

La liberté de pensée et la sécurité des citoyens, autrement dit un Internet que les tribunaux aux ordres des lobbies et que les hommes politiques européens bien dressés n’auront pas encore transformé en canal gouvernemental, est sans aucun doute bien plus important que les desiderata d’une scène littéraire et musicale devenue essentiellement industrielle, une industrie que les détenteurs de droits eux-mêmes voient s’effondrer au cours de leur vie. Le souhait de vendre beaucoup de copies ne doit pas prendre le pas sur celui d’être lu, d’influencer ou de décrire son époque. Quand tel est le cas, les intérêts industriels devraient être mis de côté au profit de la défense de l’Art avec un A majuscule.

Le souci premier de tout artiste ou auteur qui se respecte est certainement d’être lu ou entendu par ses contemporains. Les moyens pour atteindre cette fin, c’est-à-dire atteindre son public, de ce point de vue ne sont que secondaires.

Les combats, toujours plus nombreux, pour défendre la formidable liberté de parole offerte par Internet, les droits civiques immatériels, que nous voyons se propager de pays en pays sont les prémices d’un libéralisme porté par la technologie et qui donc accroit notre liberté, à l’instar des changements radicaux qu’a connu le 18ème siècle.

Pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate.

Reportage vidéo de la télévision Suisse Romande

URL d’origine du document
Reportage : François Roulet / Montage : Sandro Milone – 5 juin 2009 – TSR (Nouvo)

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Jon Åslund (Creative Commons By)




La suite de Blade Runner sous licence libre ? C’est presque vrai !

Psd - CC byLa photo ci-contre s’intitule « Room With a Blade Runner View »[1]. Si ce titre fait une référence directe au célèbre film de science-fiction Blade Runner, c’est que son esthétique a marqué toute une génération.

En fait, et au delà de sa forme, ce film, inspiré d’un roman de Philip K. Dick et réalisé en 1982 par Rydley Scott (avec Harrison Ford dans le rôle principal), est considéré par beaucoup comme l’un des films cultes de l’histoire du cinéma.

Or une série vidéo s’en inspirant fortement est en préparation, série dont la société de production appartient à Ridley Scott en personne.

Il n’en fallait pas plus pour émouvoir les fans (de la première et de la dernière heure). D’autant que, excellente et originale initiative, tous les épisodes seront placées sous la très libre licence Creative Commons By-Sa, avec tout ce que cela suppose comme appropriation et remix !

De plus en en plus de monde attiré par la « culture libre » ? Ce n’est pas de la science-fiction, c’est la réalité 😉

Une série inspirée de Blade Runner en préparation

Web Series Tied to Blade Runner Is In the Works

Brad Stone – 4 juin 2009 – New-York Times (blog)
(Traduction Framalang : Don Rico)

Voici une nouvelle qui va donner des frissons d’anticipation ou d’appréhension aux fans de Blade Runner, le film de science-fiction culte sorti en 1982.

Ridley Scott, le réalisateur du film, a annoncé jeudi 4 mai qu’une nouvelle branche de sa société de production, RSA Films, travaillait à une série vidéo intitulée Purefold. L’action de cette série constituée d’épisodes de 5 à 10 minutes, tout d’abord destinés à une diffusion sur Internet puis peut-être à la télévision, se déroulera à une époque située avant 2019, date à laquelle le film dont Harrison Ford tenait le premier rôle se passait dans un Los Angeles cauchemardesque.

Ridley Scott, son frère Tony et son fils Luke sont en train de développer ce projet en partenariat avec le studio indépendant Ag8, que dirige un des créateurs de Where are the Joneses?, sitcom Web britannique qui sollicitait la participation du public pour l’élaboration des épisodes. De le même façon, Purefold récoltera les idées de scénario des téléspectateurs, par le biais du site social FriendFeed.

Mais la série ne collera pas trop près aux personnages ou aux situations que l’on a pu voir dans Blade Runner, en partie tirés de la nouvelle de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, sur laquelle les auteurs de Purefold ne possèdent aucun droit.

« Nous n’utiliserons aucun des éléments du film placés sous copyright », explique David Bausola, co-fondateur de Ag8, qui espère un lancement de la série dans le courant de l’été, avec des premiers épisodes dont les évènements devraient se dérouler dans un futur très proche (environ deux ans). « On y développera les mêmes thèmes que dans Blade Runner. La quête pour savoir ce que ça signifie d’être humain et comprendre la notion d’empathie. On s’inspire beaucoup de Blade Runner. »

Parmi les partenaires du projet, on compte les agences de publicité et de marketing WPP, Publicis, Aegis Media et Naked Communications. Celles-ci apporteront des annonceurs dont les produits et les marques – ou leurs versions futures hypothétiques – seront susceptibles d’apparaître dans la série.

Signe que l’exploration d’un nouveau genre de créativité collective et interactive intéresse les cinéastes à l’origine du projet, les épisodes de la série seront diffusés sous une licence Creative Commons, fait sans précédent puisque ce sera la première fois qu’un réalisateur majeur d’Hollywood choisit cette solution alternative au copyright. Grâce à cette licence, les fans de la série pourront transformer et adapter les épisodes à leur guise, et même exploiter commercialement leur propre version placée sous la même licence.

Notes

[1] Crédit photo : Psd (Creative Commons By)




Trop de Flash sur l’autoroute du Net

Garryknight - CC by-saCe bougre de Tristant Nitot le sait bien, il ne faut pas provoquer notre groupe de traducteurs Framalang sous peine de les voir se plier en quatre pour rester fidèle à leur réputation.

Ainsi mardi dernier, on pouvait lire sur son blog, dans un énième (et toujours pertinent) billet En vrac, le lien et le commentaire suivant : « Quand vous voyez Flash (un éclair) mettez vous à couvert. Mon petit doigt me dit que c’est un bon candidat pour la traduction par les infatigables bénévoles de Framalang ! »

Et la machine se mit en branle, pour un résultat que nous vous proposons ci-dessous.

Mais au fait, de quoi s’agit-il sur le fond ? Du fameux format Flash d’Adobe dont l’association « propriétaire + incontournable » n’est pas sans poser problème. L’auteur fait état de la situation et se demande comment en sortir en évoquant des solutions endogènes (pousser Adobe à « libérer » son format) et exogènes (s’en détourner et mettre au point nos propres alternatives).

Pour vous en donner une idée, voici la dernière phrase de l’article : « Tant qu’Adobe n’aura pas rendu le Flash plus accessible, ses utilisateurs n’auront pas d’autre choix que de se jeter dans la gueule du loup en espérant qu’il n’aura pas faim. »

Ce n’est qu’un volet de la problématique mais notons cependant que, pour ce qui concerne la vidéo en streaming Flash[1], les choses devraient évoluer positivement sous les coups de boutoir du HTML 5 (et sa balise vidéo), de Firefox 3.5[2] et du format Ogg Theora poussé par des poids-lourds comme Wikipédia et Dailymotion.

Si vous voyez du Flash, planquez-vous !

When you see Flash, Duck and Cover

29 mai 2009 – A High School Student’s Views on Software Freedom
(Traduction Framalang : Goofy, Daria et Don Rico)

La meilleure chose à faire si l’on veut continuer à enfermer Internet dans des restrictions barbelées d’interdictions, c’est d’utiliser Adobe Flash tel qu’il existe aujourd’hui. Internet a été conçu pour qu’un réseau ouvert et sans limites puisse partager des informations. Pourtant, on l’utilise de nos jours dans un but diamétralement opposé : pour interrompre cet immense flot d’informations. Beaucoup de gens ne considèrent pas le Flash comme un problème, et ne perçoivent pas Adobe comme un dictateur nuisible. En réalité, le Flash est le pire goulot d’étranglement qui menace l’efficacité d’Internet, tout comme l’immense diversité des langues parlées dans le monde entier est le pire goulot d’étranglement du réseau social planétaire. Un changement de stratégie commerciale d’Adobe en ce qui concerne le Flash est la seule façon de transformer ce bridage inutile du potentiel de la communauté connectée à Internet, pour en faire une véritable technologie innovante et favorable aux synergies.

Certains n’ont peut-être pas remarqué à quelles restrictions nous sommes confrontés au quotidien. L’une d’elles est due à des logiciels comme le Flash. Dans le seul secteur de la vidéo, le Flash est la méthode numéro un qu’on utilise pour contrôler l’accès à la « propriété intellectuelle ». Et pourtant, le Flash ne se contente pas de limiter les contenus vidéo. À la différence du HTML et du Javascript, qui sont enregistrés sous un format lisible par un être humain, les fichiers en Flash sont dans un format que seuls les ordinateurs savent lire, si bien que personne ne peut savoir exactement ce que fabriquent ces fichiers dans nos ordinateurs. Pour cette raison, tout le monde peut limiter l’accès au contenu des fichiers eux-mêmes, ou encore injecter des virus et autres codes malveillants grâce à l’utilisation du Flash Player.

Ce qui est contraignant au plus haut point, toutefois, c’est que les consommateurs sont obligés d’utiliser le logiciel distribué par Adobe s’ils veulent profiter pleinement des fichiers en Flash. C’est un problème crucial, parce qu’avec un taux de pénétration du marché de 99%, Adobe peut faire tout ce qui lui plaît. Adobe Flash est installé sur plus d’ordinateurs que Windows de Microsoft, ce qui lui confère naturellement un énorme pouvoir. Notre dépendance à Flash Player est telle qu’Adobe pourrait d’un jour à l’autre décider de désactiver toutes les installations de Flash Player tant que l’utilisateur n’aura pas versé une rançon de 40$. Si jamais Adobe venait à manquer d’argent, ce serait un moyen pratique et sans souci de gagner gros, en considérant que la plupart des gens finiraient par payer la note pour avoir accès aux jeux, aux vidéos, et une myriade d’autres services en ligne que nous considérons souvent comme allant de soi. Et ce n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Adobe pourrait bloquer les logiciels concurrents, espionner les usagers, ou encore se servir d’un « back door » (un accès secret) pour permettre à ses employés de prendre le contrôle à distance de n’importe quel ordinateur. Avec le gigantesque parc installé dont il dispose, Adobe pourrait techniquement faire ce que bon lui semble de votre ordinateur.

Des bénévoles dévoués ont commencé à développer des solutions alternatives en passant par la rétro-ingénierie, avec des projets comme « Gnash » et « swfdec», mais il est encore impossible de les mener à leur terme en raison du refus de coopération d’Adobe. Adobe a lancé le projet « Open Screen » pour se donner l’air de promouvoir le choix des plateformes et apaiser les craintes à l’égard du contrôle obsessionnel de sa part, alors qu’en réalité il s’agit simplement de récupérer le savoir-faire déjà acquis par des techniques de rétro-ingénierie existantes. Seul bénéfice du projet Open Screen : Adobe s’est engagé à ne poursuivre pénalement aucun projet alternatif au Flash, bien que cet engagement, en réalité, ne fasse qu’affirmer le contrôle démesuré qu’exerce Adobe sur la plateforme. Récemment, Adobe a envoyé une mise en demeure à SourceForge, une entreprise qui héberge des projets développés de façon collaborative, à propos d’un projet appelé « rtmpdump ». Ce dernier procurait aux utilisateurs lambda les fonctionnalités du Flash qui n’étaient auparavant disponibles qu’avec le lecteur Flash d’Adobe. En dépit des déclarations d’Adobe sur la transparence et la neutralité, SourceForge a été contraint de retirer le projet rtmpdump de son site, confirmant une fois de plus l’énorme pouvoir dont dispose Adobe.

Un autre problème que pose le format Flash est sa dépendance à des logiciels brevetés par de multiples sociétés. Ces brevets rendent vaines les promesses d’Adobe, puisque d’autres sociétés ont elles aussi le pouvoir de mener des poursuites si leurs droits sont violés. La loi sur les brevets a été créée pour encourager l’innovation, mais quand les ordinateurs sont entrés en scène, les entreprises y ont vu une occasion de tirer bénéfice du vide juridique qui permettait aux logiciels d’être placés sous licence. Finalement, essayer de breveter autant de concepts élémentaires que possible est alors devenu une stratégie commerciale, et toute entreprise qui ne suivait pas cette stratégie s’exposait à des poursuites judiciaires. Les brevets logiciels ont porté sur tout, depuis les tests en ligne jusqu’aux fenêtres pop-up en passant par les hyperliens et les barres de progression. Comme vous l’imaginez facilement, pratiquement tous les logiciels informatiques sont couverts par de multiples brevets détenus par diverses sociétés. Les plus grandes entreprises mettent en commun leurs brevets et s’entendent pour ne pas se faire de procès mutuellement, en échange d’un accès aux brevets des autres entreprises. C’est ainsi qu’Adobe ne peut être poursuivi pour l’utilisation de certains composants du Flash, alors que tous les autres risquent des poursuites s’ils utilisent ces mêmes composants.

Dans la mesure où les consommateurs sont dans l’impossibilité d’utiliser un quelconque lecteur de Flash autre que celui d’Adobe, on pourrait s’attendre à ce que le lecteur officiel soit d’excellente qualité, non ? Des études ont prouvé tout le contraire. Non seulement le Flash comporte un nombre élevé de failles de sécurité, mais il ralentit aussi les ordinateurs de façon significative, particulièrement ceux qui utilisent d’autres systèmes d’exploitation que Windows. Le Flash consomme en moyenne 50 à 80 % des ressources système sous Mac OSX. La principale cause de plantage du navigateur Mozilla Firefox, selon les rapports de envoyés par les utilisateurs, est le plugin Flash. Cependant, l’efficacité peut être mesurée autrement que par la performance. Les utilisateurs de Flash soucieux de réduire leur bilan carbone risquent d’être mécontents d’apprendre à quel point le Flash plombe leur consommation énergétique. Le Flash, et particulièrement dans les bannières publicitaires, provoque une surconsommation d’énergie pour l’ordinateur. Rien qu’en désactivant le Flash on économise autant d’énergie qu’en éteignant une ampoule électrique.

La solution la plus rationnelle de ce problème serait qu’Adobe permette de lire, modifier et distribuer le code, de sorte que les programmeurs puissent comprendre comment développer en Flash. Cette stratégie aurait de multiples avantages, non seulement pour les consommateurs et l’entreprise Adobe, mais aussi pour la société tout entière. Dans un même mouvement, les consommateurs auraient le plaisir de bénéficier d’une meilleure navigation, et Adobe ferait autant de profits que possible. Chacun de ces intérêts particuliers y trouverait son compte.

Si Adobe autorisait la modification et la distribution sans restriction de sa plateforme, les consommateurs en tireraient un grand bénéfice. Ils n’auraient plus à se soucier de ce qui pourrait se passer si Adobe essayait d’abuser de son pouvoir de contrôle sur eux, parce que tout le monde serait capable de modifier le Flash pour désactiver les fonctions indésirables. Si les choses se passaient ainsi, Adobe y perdrait à coup sûr sa réputation détestable. Si cela devait arriver aujourd’hui, cependant, il est possible que personne ne le découvrirait. On a pu le constater dans des projets comme celui du noyau Linux : ceux qui peuvent modifier un logiciel le feront pour leur intérêt personnel. Les entreprises feront naturellement avancer les choses pour contribuer au développement collaboratif du logiciel seulement lorsque ce sera utile à leurs propres produits. Une multitude de sociétés dépendent du Flash, et sont donc à même d’aider au développement du lecteur de Flash pour le plus grand bien de tous. La vitesse est importante pour tout le monde, en particulier pour les entreprises prospères qui veulent que leurs employés soient les plus productifs possible. Comme on l’a vu avec le noyau Linux, les problèmes de stabilité et de sécurité sont réglés à une vitesse incroyable dans le monde du logiciel développé de façon collaborative.

C’est Adobe qui serait le plus grand bénéficiaire s’il ouvrait le code du Flash. La stratégie commerciale d’Adobe en ce qui concerne le Flash consiste à développer une énorme quantité de technologies gravitant autour du Flash, puis de vendre à prix d’or un logiciel de création vidéo en Flash. La plupart de ces technologies ont un code ouvert pour inciter à l’usage et séduire ceux qui aiment le logiciel modifiable et distribuable. Malheureusement pour Adobe, elles n’ont pas réussi à gagner une part du marché cible parce que le produit dont elles dépendent, le Flash, ne permet ni modification ni redistribution. L’autre source de revenus d’Adobe découlant du Flash consiste à vendre des licences du lecteur de Flash pour les plateformes embarquées, comme dans les téléphone mobiles. Alors qu’il est logique d’espérer une manne financière venant des grandes entreprises lorsqu’on les autorise à utiliser le lecteur Flash, des problèmes surviennent quand ces entreprises choisissent de ne pas payer la licence. Le cas du iPhone en donne une remarquable illustration. Le manque de coopération des entreprises finit par faire perdre le contrôle du marché à Adobe, parce qu’il limite l’accès des utilisateurs potentiels au logiciel. En exploitant son énorme cœur de cible (tous les utilisateurs connectés à Internet) le Flash a le potentiel d’un authentique standard. Dans ce cas, Adobe détiendrait la clé de la création de contenus pour ce standard avec son produit phare : « Adobe Creative Suite 4 ». La seule façon pour une entreprise d’augmenter ses parts de marché, c’est d’autoriser l’accès public et la modification d’un logiciel aux autres sociétés, afin qu’elles l’aident à le développer. Par exemple, le Flash pourrait être amélioré par des sociétés qui conçoivent des moteurs de recherche, le contenu pourrait être plus facilement indexé, au profit de toutes les sociétés impliquées qui pourraient aller vers d’autres standardisations encore.

Il existe d’autres solutions possibles à ce problème, mais elles ne sont guère élégantes ni efficaces. Il est possible par exemple que certains activistes dévoués à la cause lancent un nouveau projet de logiciel qui remplacerait le Flash. Il aurait des fonctionnalités comparables, mais serait incompatible avec les scripts Flash déjà existants. Bien qu’apprécié de beaucoup, ce type de projet n’avancerait que très lentement, par rapport à ce que nous pouvons espérer des technologies modernes en ligne. Cela constituerait aussi un nouveau casse-tête pour le consommateur, en l’obligeant à installer un énième plugin pour son navigateur. Finalement, cette solution détournerait du temps de développement de projets alternatifs tels que Gnash et swfdec, qui deviennent de plus en plus nécessaires, et rendrait impossible le parcours dans la jungle des scripts en Flash déjà existants.

Une autre solution, encore moins crédible, serait que les consommateurs cessent tous ensemble d’utiliser le Flash. Les problèmes liés à cette solution sont cependant évidents. Avant tout il est quasi impossible de provoquer une prise de conscience en faveur d’une cause, en particulier quand celle-ci est difficile à comprendre. De plus, le Flash est devenu tellement inhérent aux habitudes de navigation de tant d’usagers du Web qu’ils ne pourront tout simplement pas « l’abandonner ». Tellement de choses dépendent de lui, comme les sites de partage vidéo, de matériel pédagogique, de jeux et tant d’autres domaines encore, que seuls les utilisateurs les plus fanatiques seraient capables de résister à la pression. Cette solution serait bien plus efficace comme technique de protestation pour convaincre Adobe d’autoriser les modifications que comme une solution par elle-même.

Comme vous le voyez, le Flash n’était au départ qu’une sorte d’insecte légèrement pénible, mais avec le temps il est devenu le monstre que l’on connaît aujourd’hui. Adobe exerce un pouvoir de contrôle excessif sur le logiciel. À cause de ce contrôle, les contenus disponibles sur Internet ne sont pas réellement accessibles à tous, et les utilisateurs n’ont d’autre choix que de se soumettre à Adobe. Cette situation entraîne aussi un grand nombre de problèmes qu’Adobe ne cherche pas à résoudre, tant que les résoudre ne lui permet pas d’accroître ses parts de marché. En autorisant les modifications et la redistribution du Flash, Adobe, tout comme les consommateurs, serait bénéficiaires de la synergie qui se mettrait en place. Personne ne peut construire un gratte-ciel tout seul. Tant qu’Adobe n’aura pas rendu le Flash plus accessible, ses utilisateurs n’auront pas d’autre choix que de se jeter dans la gueule du loup en espérant qu’il n’aura pas faim.

Notes

[1] Crédit photo : Garryknight (Creative Commons By-Sa)

[2] Concernant Firefox 3.5 et la balise vidéo permettant de lire nativement le format Ogg, on pourra parcourir les billets suivants : Building the world we want, not the one we have, Quand Mozilla participe à la libération de la vidéo et Démo Firefox 3.5 : le Rich Media collaboratif.