S’intégrer au projet par l’action, sans attendre (Libres Conseils 31/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : merlin8282, goofy, Corentin, lerouge, Asta, peupleLà, Alpha, lamessen, Julius22

Trouver ses marques dans une équipe de promotion

Stuart Jarvis

Stuart Jarvis a commencé à travailler avec l’équipe de promotion de KDE en 2008 en écrivant des articles pour le site web d’actualités de KDE. Il a appris à la dure comment faire bouger les choses dans une communauté du logiciel libre et participe davantage aux activités de l’équipe de promotion en écrivant les annonces des nouvelles versions de KDE et en rédigeant des articles sur les logiciels KDE dans la presse Linux. Il siège maintenant dans le groupe de travail marketing de KDE, contribue à définir la ligne de conduite pour la promotion de KDE et les activités marketing et aide les nouveaux contributeurs à trouver leurs marques. Il fait maintenant aussi partie de l’équipe éditoriale de KDE.News, là où il a commencé à participer.

« C’est celui qui code qui décide » est le mantra du développement dans le logiciel libre. Mais que faire quand il n’y a pas de code ?

Rejoindre l’équipe de promotion et de marketing de votre projet de logiciel libre préféré représente un défi particulier. Pour les nouveaux codeurs, la plupart des projets ont des systèmes de révision du code, des mainteneurs et des pré-versions du logiciel qui les aident à mettre en évidence les erreurs dans le code, ce qui rend moins effrayante la contribution à leur premier correctif.

La promotion peut nécessiter que votre travail soit visible par le public, après une relecture minimale, parfois immédiatement. La nature non-hiérarchisée des communautés de logiciel libre implique qu’il y a rarement une unique personne vers qui vous pouvez vous tourner et qui pourra vous dire si vos idées sont bonnes et prendre des responsabilités à votre place.

Obtenir un consensus versus obtenir des résultats

J’ai d’abord commencé à contribuer à KDE en écrivant des articles pour le site d’actus officiel, KDE.News. J’avais déjà écrit pour des organes de presse, mais j’avais toujours affaire à une personne bien identifiée à qui j’envoyais un brouillon pour avoir un retour et faire les corrections demandées. Dans l’équipe de promotion de KDE, il n’y avait pas une seule personne ou un seul groupe de personnes pour assumer cette tâche. Je devais essayer, juger aux réponses que j’avais sur les brouillons d’articles et décider si j’avais tous les retours dont j’avais besoin et si l’article était prêt pour une publication.

Avec les conseils de contributeurs plus expérimentés, j’ai finalement appris à proposer quelque chose et à le publier en quelques jours s’il n’y avait pas d’objection majeure. Cette approche peut être utilisée par n’importe quel contributeur d’une équipe de promotion de logiciel libre, qu’il soit nouveau ou ancien.

Tout d’abord, travaillez sur la façon dont vous feriez quelque chose, que ce soit écrire un article, changer le texte d’un site web ou donner une conférence dans votre école locale. Planifiez, écrivez l’article ou le nouveau texte. Envoyez vos idées, pour relecture, sur la liste de diffusion de l’équipe de promotion de votre organisation. Surtout, ne demandez pas aux gens ce qu’ils en pensent — vous pourriez attendre des jours ou des semaines sans obtenir de réponse définitive. Signalez plutôt que vous allez publier ou soumettre votre texte, ou mettre en œuvre votre programme à telle date précise, en attendant les objections d’ici là.

Lorsque vous soumettez une date limite, pensez au temps nécessaire à chaque membre actif de l’équipe pour lire ses messages et évaluer votre proposition. Vingt-quatre heures est un minimum absolu pour un simple oui ou non en réponse à une question fermée. Lorsqu’il s’agit de quelque chose nécessitant une lecture ou une recherche, vous devriez envisager un délai de réponse de plusieurs jours.

Si la date limite que vous fixez ne rencontre pas une forte opposition, vous pouvez avancer. S’il existe de gros problèmes par rapport à votre projet, quelqu’un vous le dira. Les choses se font, en réalité. Vous ne serez pas frustré par un manque de progrès et vous aurez la réputation de mener à bien les tâches.

Finalement, c’est vous qui décidez

Les communautés du logiciel libre peuvent facilement devenir des groupes de discussion. Tout le monde a son opinion. Si vous n’êtes pas prudent, les discussions peuvent s’éterniser, s’évanouir au fur et à mesure que les personnes s’en désintéressent et finir sans conclusion convaincante. Cela peut paraître assez difficile à gérer lorsque vous faites partie de la communauté depuis quelque temps : vous avez l’habitude de prendre vos propres décisions et d’avoir votre propre idée sur ceux dont les avis vous importent. Quand vous débutez, cela peut être très déroutant.

Si vous voulez que votre propre travail aboutisse, vous allez probablement devoir faire des choix entre des points de vue opposés. Vous pouvez mettre un terme au débat en donnant un résumé des points principaux et en donnant votre opinion sur ces points. Essayez de ne pas laisser de questions ouvertes en suspens, à moins que vous ne souhaitiez un débat plus long — donnez simplement vos conclusions et dites ce que vous allez faire. Dès lors que vous êtes correct, les autres personnes respecteront probablement votre avis, même si elles ne sont pas d’accord.

Soyez proactif – n’attendez pas qu’on vous demande

Le premier contact avec l’équipe de promotion que vous voulez rejoindre peut très bien être l’envoi d’un courriel sur leur liste de diffusion leur offrant vos compétences. Je pensais pouvoir énumérer mes points forts et espérer que les gens me suggéreraient des choses à faire. En pratique, ça ne fonctionne pas tout à fait comme ça.

La plupart des communautés manquent de volontaires et ont vraiment besoin de vos compétences. Mais comme elles manquent de volontaires, elles peuvent aussi manquer de temps pour donner de bons conseils et encadrer. Si vous voulez travailler sur une partie spécifique du projet, dites-le. Il est beaucoup plus facile pour quelqu’un du projet de dire simplement « Vas-y ! » plutôt que d’essayer d’arriver avec un projet qui correspond à vos compétences.

Même quand vous avez travaillé sur quelques projets et prouvé vos compétences, il y a peu de chances que vous soyez contacté directement pour une tâche. Ceux qui coordonnent l’équipe marketing ne connaîtront pas votre situation personnelle et peuvent donc être mal à l’aise à l’idée de vous demander quelque chose de particulier sur votre temps libre, gratuitement. Une communauté idéale va poster régulièrement — que ce soit sur une liste de diffusion ou une page web — les tâches que des volontaires peuvent prendre en charge. Si ce n’est pas le cas, trouvez vous-même des choses à faire et prévenez la liste de diffusion que vous êtes en train de les faire. Les gens vont le remarquer et cela augmente les chances que vous soyez directement contacté dans le futur.

Si vous êtes proactif, vous pouvez rapidement vous rendre compte que vous êtes l’une des personnes expérimentées de la communauté vers qui les nouveaux venus se tourneront pour avoir des conseils ou du travail à réaliser. Essayez de vous souvenir comment c’était quand vous avez commencé et faites en sorte de faciliter au maximum leur vie de nouveau contributeur.




Geektionnerd : Liberté de la presse (loi 1881)

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




L’appel GNU/Linux d’un fanboy Microsoft dégoûté par la licence Office 2013

Comme le soulignait PCInpact récemment Microsoft interdit le transfert de la licence Office 2013 vers un autre PC.

L’arrivée de la nouvelle version de la célèbre suite bureautique s’accompagne en effet d’un contrat de licence encore plus restrictif qu’auparavant, ce qui revient bien moins à acheter un logiciel qu’à le louer sur un seul et unique ordinateur en priant pour que ce dernier n’expire pas tout de suite (malgré son obsolescence programmée, ce qui est un autre sujet).

Du coup, certains utilisateurs, même parmi les plus fidèles, réalisent (enfin) qu’on les prend vraiment pour des vaches à lait et lorgnent (enfin) du côté de GNU/Linux et LibreOffice.

Pcs007 - CC by-sa

Microsoft perd un fanboy de plus

Microsoft loses yet another fanboy

Jack Wallen – 19 février 2013 – TechRepublic.com
(Traduction : jay91, lukkas35, Goodbox, aKa, nepski, VIGNERON, RavageJo, goguette, Texmix, Kyriog, Penguin, QC, chdorb, Norore, maxlath + anonymes)

Un autre mord la poussière pendant que Microsoft (et son utilisation déplaisante des licences) fait fuir un fan de longue date. Jack Wallen jette un œil à ce qui attend Microsoft.

Non, ce n’est pas quelqu’un de connu. Ce n’est même pas quelqu’un qui soit déjà apparu dans les médias, dans un mème, ou qui aurait participé à un hashtag ou une flashmob. Microsoft a perdu un des fanboys avec lesquels je travaille. Cette personne est un de ces types qui comprennent les choses à plusieurs niveaux. Non seulement il est incroyablement intelligent, mais c’est aussi un brillant électronicien.

Mais lorsque Microsoft a commencé à annoncer leurs termes de licence pour Office 2013 — il a commencé à me poser des questions. Elles commençaient toutes par « Au fait Jack, parle moi de Linux ». Et c’est ce que j’ai fait. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il installe Ubuntu 12.10 à la place de Windows 7 et qu’il soit heureux de travailler, sans Microsoft, et ce sans perdre le rythme.

Vous devez vous demander en quoi exactement les nouveaux termes du contrat de licence d’Office 2013 peuvent faire changer d’avis un fan Microsoft de longue date ? Laissez-moi vous lister les points les plus importants :

  • Chaque licence est liée à un compte Microsoft Live (qu’il vous faut posséder) ;
  • Seules cinq licences peuvent être liées à un même compte (nous avons des clients qui en passent par une dizaine de versions d’Office par semaine — ça pourrait causer quelques problèmes) ;
  • Chaque licence sera définitivement assignée à une seule machine.

Ces points sont seulement les plus néfastes, des points qui vont faire mal aux utilisateurs à différents niveaux. Ces conditions de licence partent du principe que les machines ne tombent jamais en panne – et que si elles le font, les utilisateurs ne verront pas d’inconvénient à sortir à nouveau la liasse de billets pour racheter la licence.

Faux et archi faux.

Les ordinateurs tombent en panne, certains sont parfois d’emblée défectueux avec des défauts qui ne seront parfois visibles qu’après plusieurs jours (ou semaines) d’utilisation. Que vont faire ces utilisateurs là ? Acheter Office 2013 deux fois en l’espace de quelques semaines ?

À cela, Microsoft va répondre, « Vous pouvez souscrire à Office 365 ». À ça, je répondrai d’utiliser gratuitement Google Docs pour n’avoir plus aucun problème.

Au cours de l’année dernière, Microsoft en a fait plus pour pousser les gens vers des solutions alternatives qu’il ne l’avait fait pendant très longtemps. D’abord, il a mis sur le marché l’une des interfaces graphiques les moins intuitives qui soit. Aujourd’hui, c’est la licence de Microsoft Office qui change. En bref, Microsoft est en train de perdre des fans et des utilisateurs. Vers quoi se tournent-t-il ? Linux. De plus en plus de gens se rendent finalement compte qu’il y a une alternative et que cette alternative est en fait MEILLEURE !

« Toutes ces années gâchées. » disais-je, secouant ma tête, tentant de cacher ma joie.

Les entreprises et les consommateurs ont beaucoup dépensé dans les produits Microsoft. Comment sont-ils remerciés de leur fidélité ? Une baffe en plein visage, et un trou dans le porte-monnaie ! Cette pagaille ne va pas bien se finir pour Microsoft. En revanche, cela va dans le bon sens pour les systèmes d’exploitation et logiciels comme Ubuntu et LibreOffice.

Beaucoup d’entre nous ont dit qu’il serait inévitable d’en arriver là. À un moment, on a vu venir le côté binaire — Microsoft allait brûler le seul pont qu’il ne pouvait se permettre de brûler — celui qui se trouvait entre Redmond et ses légions de fanboys. Cela ne se fera sans doute pas en une nuit, mais les aficionados d’une des plus grosses entreprises à avoir jamais honoré les bits et les octets vont lui tourner le dos et chercher de plus (ou)vertes pâtures. Quand cela va se produire, Linux aura enfin ce qui lui est dû. L’effet cascade forcera Microsoft à re-calibrer ses pratiques commerciales dans l’urgence.

Bien sûr, on a déjà entendu cet air-là avant. Microsoft va probablement tenter de mener le combat devant les tribunaux, mais pas là où il devrait : dans les cœurs et les esprits de ses consommateurs.

Crédit photo : Pcs007 (Creative Commons By-Sa)




10 propositions pour débuter dans le Libre (sans avoir rien à coder)

Il fut un temps ou débuter dans « le Libre » se résumait avant tout à coder ou plus modestement installer une distribution GNU/Linux. Aujourd’hui les choses ont bien changé et il existe de multiples autres façons d’y entrer. Framasoft est d’ailleurs là pour en témoigner 😉

Une invitation à venir nous rejoindre en somme…

Remarque : Il s’agit d’une traduction et donc les liens renvoient vers des ressources anglophones. Si vous avez des liens plus locaux à proposer, surtout ne pas hésiter.

Open Here - The Open Source Way - CC by-sa

10 façons de commencer dans l‘open source

10 ways to get started with open source

Jason Hibbets – 29 janvier 2013 – OpenSource.com
(Traduction : goofy, Tibo_R, XeO2, Steph, Alpha, Sylvie, jtanguy, aKa, Liaz, Norore + anonymes)

Par expérience, je sais qu’un grand nombre de personnes veulent découvrir et participer à l‘open source, mais ne savent pas par où commencer ; et l’idée que l’on est obligé d’écrire du code pour contribuer à un projet open source constitue une véritable barrière. J’ai donc esquissé 10 façons de commencer avec l‘open source et ce sans jamais écrire une seule ligne de code.

Je suis ouvert à toutes idées et ajouts ; il y a sans doute beaucoup plus que 10 façons de contribuer.

10 façons de commencer à utiliser l‘open source

1. Utiliser de l‘open source dans votre travail quotidien. Téléchargez et installez un navigateur web, un client de messagerie, ou une suite bureautique libres — peu importe le système que vous utilisez. C’est l’une des façons les plus simples de commencer à utiliser des logiciels libres. Je conseillerai Firefox pour la navigation internet et Thunderbird pour les emails. Utilisez LibreOffice pour votre traitement de texte, vos tableurs et vos diaporamas, vous aurez un équivalent de Microsoft Office gratuit ! J’appelle ces logiciels des applications porte d’entrée, parce qu’une fois que vous commencez à les utiliser, vous allez découvrir d’autres outils open source (et vous n’aurez pas envie de revenir en arrière !)

2. Rejoindre un projet open source. Je sais que rejoindre un projet open source peut faire peur, mais les contributeurs de tous niveaux sont les bienvenus. Les communautés open source utilisent des chefs de projets, des graphistes, des communicants, des commerciaux et beaucoup d’autres compétences dans leurs travaux. Si vous souhaitez présenter l’open source aux étudiants, voilà une très bonne façon de commencer. On ne sait jamais, s’impliquer et participer activement à un projet open source peut améliorer un CV et mener à un emploi.

3. Lire un livre à propos de l‘open source. Voici un choix de quelques titres auxquels vous pouvez jeter un coup d’oeil : Open Advice (NdT : que nous sommes en train de traduire), Coding Freedom, The Power of Open, ou l’un de nos livres numériques. (NdT : En français il y a évidemment tous les titres de la collection Framabook)

4. Apprendre à créer et nourrir des communautés de contributeurs. Parcourez le livre en ligne The Open Source Way, et partagez vos nouvelles connaissances en créant une communauté ou en en rejoignant une existante.

5. Commencer à utiliser les licences Creative Commons. Avant de créer votre nouvelle œuvre d’art, photographie, écrit ou musique, utilisez un copyleft au lieu d’un copyright. En utilisant des licences Creative Commons, vous pouvez partager votre travail avec le monde entier. Vous devrez d’abord choisir celle qui vous correspond, vous pourrez ensuite trouver intéressant de découvrir comment les Creative Commons sont utilisées dans des environnements aussi variés que les gouvernements, les entreprises ou le journalisme. (NdT : Voir aussi L’éducation utilise une licence Creative Commons défectueuse, par R. Stallman sur le Framablog)

6. Commencer l’exploration. Regardez le projet OpenROV et explorez l’océan ou un lac local. Si vous ne voulez pas être mouillé, enfilez une combinaison spatiale et regardez ce que ça fait d’explorer Mars.

7. Bricoler par soi-même et créer quelque chose. Les petites cartes Linux, comme la Raspberry Pi, font des choses incroyables. Découvrez les autres cartes électroniques de création comme les « Makey Makey » (cf cette vidéo) ou une variété de produits électroniques de « SparkFUN ». Si vous êtes dans l’impression 3D, assurez-vous de savoir comment vous pourriez utiliser Inkscape.

8. Devenir créatif. Remplacez Photoshop par GNU Image Manipulation Program (GIMP), InDesign par Scribus, ou utilisez d’autres outils comme MyPaint, Inskape, Audacity et Blender. Si cela vous intéresse, regardez notre présentation en 7 minutes des outils créatifs open source. Puis découvrez l’étendue des outils de design en 2012. Assurez-vous d’avoir pris connaissance de nos autres outils tels que Dream Studio, TuxPaint et KDEnlive pour vos besoins créatifs.

9. Apprendre la programmation. Remarquez que je n’ai pas dit « Apprendre à coder ». Différents outils sont pré-installés sur certains Raspberry Pi et sont utilisés pour apprendre aux enfants à programmer. J’aurais aimé avoir ce genre de choses quand j’ai appris la programmation au lycée.

10. Suivre un cours en ligne. Le mouvement OpenCourseWare, mené par MITOCW, est en train de changer notre mode d’apprentissage. Commencez par regarder ce Webcast sur le MIT OpenCourseWare. Il y a tellement d’événements open source dans le champ éducatif: « Moodle » et « School management software for teachers and students » sont deux de ces nombreuses ressources fantastiques. (NdT : Exemple en France la présentation du MOOC ITyPA)

Le fait est qu’il y a énormément de manières de commencer dans l‘open source. Vous souvenez-vous de la façon dont vous avez débuté ? Partagez l’histoire de votre première expérience avec l‘open source ou comment vous l’avez présentée à quelqu’un d’autre.




Apprenez de vos utilisateurs (Libres conseils 21/42)

21/42 ! Tiens, nous voilà déjà à mi-chemin de la traduction d’Open Advice.

Deux ou trois articles petits ou grands chaque jeudi, traduits en un temps record par une bande de furieux, ceux qui sont là depuis le début et ceux qui débarquent et demandent s’ils peuvent participer, ceux qui travaillent d’arrache-clavier et ceux qui en profitent pour déconner échanger des propos sur le chat du pad, ceux qui choisissent un pseudo et ceux qui restent anonymous, ceux qui négligent tranquillement l’orthographe et les grammar nazis qui rectifient, ceux qui traduisent avec Google translate et ceux qui se battraient pour une majuscule à Libre… on rencontre tout un peuple là, et jusqu’à présent tout se passe dans l’enthousiasme et la bonne humeur, l’échange et l’entraide devant un passage un peu ardu sur lequel on s’amuse à chinoiser…

Mais cette fois-ci c’est l’auteur de l’article lui-même qui nous a fait le plaisir de nous rejoindre pour contribuer à la traduction, ce qui est tout de même assez confortable. Merci Guillaume !

Malgré nos relectures croisées, nul doute que des coquilles auront échappé à notre vigilance et que nous trouverons des lecteurs pour les signaler, ce qui nous est précieux car la révision avant l’édition du framabook en sera d’autant facilitée.

D’ici là, en avant pour la deuxième moitié : chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : Nyx, Sphinx, peupleLà, Kalupa, Guillaume Paumier, Husi10, lenod, Sky, Julius22, Alpha, RavageJo, KoS, Sputnik, goofy, lamessen

Apprenez de vos utilisateurs

Guillaume Paumier

Guillaume Paumier est photographe et physicien, il habite à Toulouse. Wikipédien depuis longtemps, il travaille actuellement pour la Wikimedia Foundation, l’organisation à but non lucratif qui héberge Wikipédia. En tant que responsable de l’ergonomie multimédia, il a notamment étudié le comportement des utilisateurs afin de créer un nouveau système d’import de fichiers pour Wikimedia Commons, la médiathèque libre associée à Wikipédia.

Vous connaissez Wikipédia, l’encyclopédie libre et gratuite que tout le monde peut modifier ? Elle a été créée en 2001 et a récemment fêté son dixième anniversaire. Bien qu’elle soit l’un des dix sites les plus visités au monde, son interface reste très « 1.0 » quand on la compare aux possibilités qu’offrent les technologies web modernes. Certains peuvent trouver ça bien : Wikipédia est un « truc sérieux » et les utilisateurs n’ont pas à être distraits par des « paillettes » dans l’interface. Pourtant, si Wikipédia a eu du mal à recruter de nouveaux contributeurs ces dernières années, c’est en partie à cause de son interface que certains considèrent comme archaïque. Ceci explique peut-être pourquoi les enquêtes sur les participants à Wikipédia ont montré à maintes reprises qu’il s’agit principalement d’une population d’hommes jeunes, attirés par la technologie, la plupart ayant une formation en informatique et en ingénierie. En dehors du fait que la connaissance libre et les licences libres sont issues du terreau fertile du logiciel libre et open source, l’interface compliquée a découragé beaucoup de contributeurs éventuels.

En 2011, alors que la majorité des plates-formes de publication collaboratives en ligne (comme WordPress, Etherpad et Google Documents) offrent un éditeur graphique, même rudimentaire, Wikipédia utilise toujours, par défaut, un ancien éditeur de texte wiki qui utilise des guillemets (“”) et des crochets ([[]]) pour la mise en forme. Des efforts sont en cours afin de passer à un éditeur graphique par défaut en 2012, mais ce n’est pas un défi facile à relever.

Mais laissons l’éditeur de côté un moment. L’interface de Wikipédia demeure assez compliquée. Et de nombreuses fonctionnalités utiles sont difficiles à découvrir. Savez-vous que Wikipédia possède un système de contrôle de versions intégré ? Et que vous pouvez voir toutes les anciennes versions d’une page ? Savez-vous que vous pouvez voir la liste de toutes les modifications effectuées par un contributeur ? Savez-vous que vous pouvez créer un lien vers une version donnée d’une page ? Savez-vous que vous pouvez exporter une page en PDF ? Savez-vous que vous pouvez créer un vrai livre personnalisé à partir du contenu de Wikipédia ? Et que vous pouvez le faire livrer chez vous ?

Le modèle d’implémentation

La plupart des lecteurs de Wikipédia y arrivent via des moteurs de recherche. Les statistiques montrent qu’ils passent peu de temps sur Wikipédia une fois qu’ils ont trouvé l’information qu’ils cherchaient. Un petit nombre seulement s’attarde et explore les outils que propose l’interface. Par exemple, on critique régulièrement Wikipédia sur sa qualité et sur sa fiabilité. Nombre de ces outils rarement explorés et presque cachés pourraient s’avérer bien utiles aux lecteurs pour les aider à vérifier la fiabilité de l’information, telles que les « pages de discussion » qui témoignent des discussions (passées et en cours) entre les différents contributeurs de chaque article ayant abouti à son contenu actuel.

Wikipédia et ses projets frères (tels que Wikisource et Wikimedia Commons) sont propulsés par le moteur de wiki MediaWiki — et sont soutenus par la Wikimedia Foundation ; rien que ces noms, dans leur confusion, sont un péché contre l’ergonomie. Pendant longtemps, le développement de MediaWiki a été conduit par des développeurs de logiciels. La communauté MediaWiki est forte de nombreux développeurs ; à vrai dire, la communauté est presque exclusivement composée de développeurs. Ce n’est que récemment que des designers ont rejoint la communauté, et ils ont été recrutés par la Wikimedia Foundation pour ce rôle. Il n’y a quasiment aucun designer bénévole dans la communauté. De ce fait, l’application a été construite et « maquettée » exclusivement par des développeurs. Par conséquent, la forme de l’interface a naturellement suivi de très près le « modèle d’implémentation », c’est-à-dire la manière dont le logiciel est implémenté dans le code et les structures de données. Le modèle d’implémentation ne correspond que rarement au « modèle utilisateur », c’est-à-dire à la manière dont l’utilisateur imagine que le logiciel fonctionne.

Il serait injuste de dire que les développeurs ne se soucient pas des utilisateurs. Quand on crée un logiciel, le but — outre le plaisir d’apprendre des choses, d’écrire du code et de résoudre des problèmes — c’est de le publier afin qu’il puisse être utilisé. Ceci est particulièrement vrai dans le monde du logiciel libre et open source, où la plupart des développeurs donnent bénévolement de leur temps et de leurs connaissances. On pourrait avancer que les développeurs sont, de fait, des utilisateurs de leurs propres produits, notamment dans le monde du logiciel libre et open source. Après tout, ils les ont créés ou ont rejoint leurs équipes pour une bonne raison, et c’est rarement l’argent. Par conséquent, les développeurs de ce type de logiciels devraient être dans une position idéale pour savoir ce que veulent leurs utilisateurs.

Mais soyons honnêtes : si vous êtes en train de lire ceci, c’est que vous n’êtes pas votre utilisateur lambda.

Le point de vue du développeur

Si vous êtes développeur, il vous est particulièrement difficile de vous mettre à la place de l’utilisateur. Tout d’abord, votre connaissance du code et de l’implémentation du logiciel vous force à observer ses fonctionnalités et son interface à travers un prisme très particulier. Vous connaissez chacune des fonctionnalités de l’application que vous avez créée. Vous savez où trouver chaque menu. Si quelque chose paraît légèrement bizarre dans l’interface, il est possible que vous l’ignoriez sans le vouloir, parce que vous savez inconsciemment que c’est lié à la façon dont la fonctionnalité est implémentée.

Imaginons que vous soyez en train de créer une application qui enregistre des données sous forme de tableau (par exemple, dans une base de données). Quand vous devrez ensuite afficher ces données pour les montrer à l’utilisateur, il est très probable que vous les représentiez comme un tableau, car c’est la façon dont vous avez implémenté leur stockage. Il vous paraîtra logique d’afficher les données dans un format qui est cohérent avec le format de stockage. Vous aurez probablement le même réflexe pour tout autre type de structure de données séquentielles : vous aurez tendance à l’afficher sous forme de séquence dans l’interface, peut-être comme une liste. Et pourtant, un autre format d’affichage aurait peut-être été plus pertinent et facile d’utilisation pour les utilisateurs, par exemple sous forme d’une série de phrases, d’un graphique ou d’une autre représentation visuelle.

Un autre défi est votre niveau d’expertise. Comme vous souhaitez que votre application soit extraordinaire, vous allez probablement vous documenter sur le sujet pour la concevoir. En fin de compte, vous n’allez pas seulement connaître votre application sur le bout des doigts, vous allez également devenir un expert dans le domaine lui-même. Un grand nombre de vos utilisateurs n’auront pas ce niveau d’expertise — ou n’en auront pas besoin. Ils pourraient être perdus par le niveau de détail de certaines fonctionnalités ou ne pas être familiers avec des termes inconnus des profanes.

Alors, que pouvez-vous faire pour arranger cela ?

Observez les utilisateurs. Vraiment

Observer les utilisateurs à l’œuvre avec votre application est une expérience réellement révélatrice.

Bon, pour observer comment les gens utilisent votre application, vous pouvez faire appel à une société de conseil en ergonomie ; cette société va alors recruter des volontaires avec des profils différents au sein d’un vivier de plusieurs milliers de testeurs, elle va mettre au point une grille d’entretien, louer une salle dédiée aux tests d’ergonomie qui comprendra un dispositif pour enregistrer ce qui se passe sur l’écran et une caméra pointée vers le testeur, et vous serez derrière une vitre sans tain, dans une salle d’observation, à vous taper la tête contre les murs et à jurer à chaque fois que l’utilisateur fait quelque chose qui, selon vous, n’a aucun sens. Si vous avez les moyens de le faire, alors n’hésitez pas, foncez. Ce que vous y apprendrez vous permettra de complètement changer votre point de vue. Si vous n’avez pas les moyens de recourir à une procédure de test professionnelle, tout n’est pas perdu ; vous allez juste devoir le faire par vous-même. Asseyez-vous derrière un utilisateur pendant qu’il vous montre comment il effectue ses tâches et les intègre à son mode de travail. Soyez un observateur silencieux : votre but est d’observer et de noter tout ce qui se passe. Beaucoup de choses vont vous surprendre. Une fois que l’utilisateur a terminé, vous pouvez relire vos notes et lui poser des questions afin de mieux comprendre comment il fonctionne.

Pour vous aider à conduire ces tests vous-même, il existe d’excellents ouvrages comme Don’t Make Me Think: A Common Sense Approach to Web Usability [NdT: Traduit en français : Je ne veux pas chercher: Optimisez la navigation de vos sites et menez vos internautes à bon port], écrit par Steve Krug, About Face 3: The Essentials of Interaction Design, d’Alan Cooper, Robert Reimann et David Cronin, et le projet OpenUsability. Être observé peut être un peu intimidant pour les utilisateurs, mais je parie qu’ils seront nombreux à se porter volontaires pour vous aider à améliorer votre application. Les utilisateurs qui ne peuvent pas contribuer au code sont généralement heureux de trouver d’autres façons de contribuer au logiciel libre : vous montrer comment ils utilisent le logiciel est une manière simple de le faire. Les utilisateurs sont reconnaissants du temps que vous avez donné pour développer le logiciel et veulent vous rendre la pareille.

Vous devrez garder un esprit critique et ne pas forcément accepter toutes les modifications demandées par vos utilisateurs. Écoutez attentivement leurs histoires : elles vous donneront l’occasion d’identifier des problèmes. Mais ce n’est pas parce qu’un utilisateur réclame une fonctionnalité qu’il en a absolument besoin ; peut-être que le meilleur moyen de résoudre le problème sous-jacent est de mettre en place une fonctionnalité complètement différente. Gardez du recul par rapport aux commentaires de vos utilisateurs. Mais cela, vous le saviez probablement déjà.

Et au passage, ne faites pas non plus appel à votre famille.

Je ne dis pas ça méchamment, je suis sûr que vos parents, frères et sœurs sont des gens très bien. Mais si vous créez une application comptable et que votre sœur n’a jamais tenu la moindre comptabilité, elle sera sans doute perdue. Vous perdrez plus de temps à lui expliquer ce qu’est la comptabilité en partie double qu’à tester votre logiciel. Par contre, votre mère, qui s’est acheté un appareil photo numérique l’année dernière, pourrait être un cobaye idéal si vous travaillez sur une application de gestion de photos numériques ou d’envoi sur un site de partage en ligne populaire. Pour votre application de comptabilité, il vaut mieux demander à l’un de vos collègues ou amis qui a déjà quelques notions de comptabilité.

Variez vos cobayes

Pour des raisons qui resteront éternellement mystérieuses, les gens trouveront toujours d’innombrables façons d’utiliser et de maltraiter votre application. Ils trouveront des manières de la casser que vous n’auriez même pas imaginées dans vos pires cauchemars. Certains mettront en place des processus et des méthodes de travail avec votre application qui n’ont absolument aucun sens à vos yeux. Et, de désespoir, vous vous cognerez la tête contre les murs. D’autres utiliseront votre application avec tellement d’intelligence que vous vous en sentirez idiot. Essayez de rencontrer des gens qui utilisent votre application avec des objectifs différents.

Les utilisateurs sont de drôles d’oiseaux. Mais ils sont de votre côté. Apprenez d’eux.

Si vous ne retenez rien d’autre…

… alors retenez ceci :

  • Vous serez tenté de modeler l’apparence et le comportement de votre interface sur la façon dont le logiciel fonctionne en coulisses. Vos utilisateurs peuvent vous aider à éviter ce piège.
  • Les utilisateurs sont des oiseaux capricieux. Ils vont casser, maltraiter et optimiser votre application à un point que vous ne pouvez pas même pas imaginer.
  • Apprenez de vos utilisateurs. Améliorez votre application en fonction de ce que vous avez appris. Vous avez tout à y gagner.



Apprendre à déléguer (Libres conseils 19/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : Nyx, lamessen, Sphinx, peupleLà, lerouge, Sky, Julius22, Astalaseven, Alpha, HgO, michel, Sputnik, goofy, HanX, KoS

Ne vous inquiétez pas, faites confiance

Shaun McCance

Shaun McCance est impliqué dans la documentation de GNOME depuis 2003 en tant que rédacteur, chef de la communauté et développeur d’outils. Il a passé la plupart de ce temps à se demander comment inciter davantage de personnes à écrire une documentation de meilleure qualité, avec un certain succès à long terme. Il propose son expérience de la documentation communautaire à travers sa société de conseil, Syllogist.

Alors que je m’apprêtais à écrire cet article, il s’est passé quelque chose d’énorme : GNOME 3 est sorti. C’était la première version majeure de GNOME depuis neuf ans. Tout était différent et toute la documentation existante devait être réécrite. Au même moment, nous changions notre façon de l’écrire. Nous avions jeté nos vieux manuels et étions repartis sur une nouvelle base, avec un système d’aide dynamique par sujet, en utilisant Mallard.

Quelques semaines avant la sortie, une partie d’entre nous s’est réunie pour élaborer la documentation. Nous passions nos journées à travailler, à planifier, à écrire et à réviser. Nous avons écrit des centaines de pages malgré les changements incessants liés aux ultimes modifications du logiciel. Nous avions des contributeurs en ligne qui proposaient de nouvelles pages et corrigeaient ce qui existait déjà. Je n’avais jamais vu notre équipe de documentation aussi productive.

À quoi avons-nous finalement abouti ? Beaucoup de facteurs sont entrés en jeu, et je pourrais écrire un livre entier sur les nuances de la documentation open source. Mais ce que j’ai fait de plus important a été de m’effacer et de laisser les autres faire le travail. J’ai appris à déléguer ; et à déléguer dans les règles de l’art.

Revenons huit ans en arrière. J’ai commencé à m’impliquer dans la documentation de GNOME en 2003. Je n’avais pas vraiment d’expérience en tant que rédacteur technique à cette époque. Mon emploi m’amenait à travailler sur des outils de publication et j’ai commencé à travailler sur les outils et sur le visualiseur d’aide utilisés par la documentation de GNOME. Peu de temps après, je me suis retrouvé à la rédaction de la documentation.

En ce temps-là, la majeure partie de notre documentation était entre les mains de rédacteurs techniques professionnels de chez Sun. Ils s’occupaient d’un manuel, l’écrivaient, le relisaient et l’envoyaient sur notre dépôt CVS. Après quoi nous pouvions tous le regarder, y apprendre quelque chose et lui apporter des corrections. Mais il n’existait pas d’efforts concertés pour impliquer les gens dans le processus d’écriture.

Ce n’est pas que les rédacteurs de Sun essayaient de protéger ou de cacher quoi que ce soit. Ils étaient avant tout rédacteurs techniques. Ils connaissaient leur travail et le faisaient bien. D’autres personnes auraient pu les remplacer pour d’autres manuels mais ils auraient écrit leurs travaux d’une manière habituelle. Utiliser un groupe de collaborateurs novices, aussi enthousiastes soient-ils, pour chaque page, revient à perdre un temps inimaginable sur des détails. C’est tout simplement contre-productif.

De manière inévitable, le vent a tourné chez Sun et leurs rédacteurs techniques ont été affectés à d’autres projets. Cela nous a laissés sans nos rédacteurs les plus prolifiques, ceux qui disposaient des meilleures connaissances. Pire que cela, nous étions laissés sans communauté et personne n’était là pour ramasser les morceaux.

Il y a des idées et des processus standards dans le monde de l’entreprise. J’ai travaillé dans le monde de l’entreprise. Je ne crois pas que quiconque remette ces idées en cause. Les gens font leur travail. Ils choisissent des missions et les terminent. Ils demandent aux autres de faire une relecture, mais ils n’ouvrent pas leur travail aux nouveaux venus et aux rédacteurs moins expérimentés. Les meilleurs rédacteurs écriront sans doute le plus.

Ces idées sont d’une plate évidence, mais elles échouent lamentablement dans un projet communautaire. Vous ne développerez jamais une communauté de contributeurs si vous faites tout vous-même. Dans un projet de logiciel, vous pouvez avoir des contributeurs compétents et suffisamment impliqués pour contribuer régulièrement. Dans la documentation, cela n’arrive presque jamais.

La plupart des gens qui s’essayent à la documentation ne le font pas parce qu’ils veulent être rédacteur technique ni même parce qu’ils aiment écrire. Ils le font parce qu’ils veulent contribuer. Et la documentation est la seule manière qu’ils trouvent accessible. Ils ne savent pas coder. Ils ne sont artistiquement pas doués. Ils ne maîtrisent pas assez une autre langue pour faire de la traduction. Mais ils savent écrire.

C’est là que les rédacteurs professionnels lèvent les yeux au ciel. Le fait que vous soyez instruit ne signifie pas que vous puissiez écrire une bonne documentation pour l’utilisateur. Il ne s’agit pas simplement de poser des mots sur le papier. Vous devez comprendre vos utilisateurs, ce qu’ils savent, ce qu’ils veulent, les endroits où ils cherchent. Vous avez besoin de savoir comment présenter l’information de façon compréhensible et savoir où la mettre pour qu’ils puissent la trouver.

Les rédacteurs techniques vous diront que la rédaction technique n’est pas à la portée de tous. Ils ont raison. Et c’est exactement pourquoi la chose la plus importante que les rédacteurs professionnels puissent faire pour la communauté est de ne pas écrire.

La clé pour construire une communauté efficace autour de la documentation, c’est de laisser les autres prendre les décisions, faire le travail et en récolter eux-mêmes les fruits. Il ne suffit pas de leur donner du travail en continu. La seule solution pour qu’ils s’intéressent suffisamment et s’accrochent au projet, c’est qu’ils se sentent investis personnellement. Le sentiment de faire partie intégrante d’un projet est une source puissante de motivation.

Mais si vous ne travaillez qu’avec des rédacteurs débutants et que vous leur donnez tout le travail à faire, comment pouvez-vous avoir l’assurance que la documentation ainsi créée sera de qualité ? Une participation massive mais incontrôlée n’aboutit pas à de bons résultats. Le rôle d’un rédacteur expérimenté au sein de la communauté est d’être un professeur et un mentor. Vous devez leur apprendre comment rédiger.

Commencez par impliquer les gens tôt dans le planning. Planifiez toujours du bas vers le haut. La planification du haut vers le bas n’incite pas à la collaboration. Il est difficile d’impliquer les gens dans la réalisation d’une vue d’ensemble de haut niveau si tous n’ont pas la même perception de cette vue d’ensemble. Mais les gens sont capables de travailler sur des segments. Ils peuvent réfléchir à des sujets particuliers d’écriture, à des tâches que les gens réalisent, à des questions que les gens peuvent se poser. Ils peuvent regarder les forums de discussion et les listes de diffusion afin de voir ce que les utilisateurs demandent.

Écrivez vous-même quelques pages. Cela donne un exemple à imiter. Il faut ensuite répartir tout le reste du travail. Laissez à d’autres la responsabilité de rubriques ou de chapitres entiers. Précisez-leur clairement quelles informations ils doivent fournir, mais laissez-les écrire. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

Soyez constamment disponible pour les aider ou répondre aux questions. Au moins la moitié de mon temps consacré à la documentation est passée à répondre à des questions afin que les autres puissent effectuer leur travail. Quand des brouillons sont soumis, relisez-les et discutez des critiques et des corrections avec leurs auteurs. Ne vous contentez pas de corriger vous-même.

Cela vous laisse tout de même le gros du travail à faire. Les gens complètent les pièces du puzzle, mais c’est toujours vous qui les assemblez. Au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, les gens s’occuperont de pièces de plus en plus grandes. Encouragez-les à s’impliquer davantage. Donnez-leur davantage de travail. Faites en sorte qu’ils vous aident à aider plus de rédacteurs. La communauté fonctionnera toute seule.

Huit ans plus tard, GNOME a réussi à créer une équipe de documentation qui se gère elle-même, résout les problèmes, prend des décisions, produit une bonne documentation et accueille constamment de nouveaux contributeurs. N’importe qui peut la rejoindre et y jouer un rôle. Telle est la clé du succès pour une communauté open source.




Geektionnerd : 140 euros

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Documenter c’est s’enrichir (Libres conseils 18/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : lamessen, lerouge, Kalupa, Sky, Astalaseven, Alpha, LuD-up, CoudCoudpeupleLa, goofy

La documentation et moi, avant et après

Anne Gentle

Anne Gentle est une rédactrice technique acharnée et la coordinatrice de la documentation communautaire à Rackspace pour OpenStack, un projet open source d’informatique dans le nuage. Avant de rejoindre OpenStack, Anne travaillait en tant que consultante de publication communautaire, en donnant une direction stratégique aux rédacteurs professionnels qui veulent produire du contenu en ligne sur des wikis contenant des pages et des commentaires générés par les utilisateurs. Sa passion pour les méthodes communautaires de documentation l’a amenée à écrire un livre sur les techniques de publication collaborative pour la documentation technique intitulé Conversation et communauté : la documentation dans le web social. Elle s’occupe aussi bénévolement de la maintenance de la documentation pour les manuels FLOSS qui proposent de la documentation open source pour les projets open source.

Voilà une prémisse bien étrange : vider mes tripes sur ce que j’aurais voulu savoir de l’open source et de la documentation. Plutôt que de vous dire ce que je veux que vous sachiez sur l’open source et la documentation, je dois vous dire ce que j’aurais aimé que mon moi antérieur sache. Cette demande suscite un sentiment de nostalgie ou de remords voire cette horrible énigme : « à quoi pouvais-je bien penser ? ».

En ce qui me concerne, avec juste cinq ans de moins, mon moi antérieur était une trentenaire bien installée dans sa vie professionnelle. D’autres, au contraire, se souviennent qu’ils n’étaient qu’adolescents lors de leurs premières expériences open source. Jono Bacon dans son livre L’art de la Communauté, raconte comment il s’est tenu devant la porte d’un appartement, le cœur battant, alors qu’il était sur le point de rencontrer quelqu’un à qui il n’avait jamais parlé que sur le réseau, par le biais d’une communauté open source. J’ai moi aussi fait cette expérience de la première rencontre physique de gens que j’avais découverts en ligne, mais ma première incursion dans le monde de la documentation open source s’est produite lorsque j’ai répondu à une demande d’aide par courriel.

Le courriel provenait d’un ancien collègue qui me demandait de l’aide pour la documentation de l’ordinateur portable XO, le projet fondateur de l’organisation One Laptop Per Child (un portable pour chaque enfant). J’ai réfléchi à ce que je pensais être une proposition intéressante, j’en ai parlé à mes amis et à mon époux en me demandant si ce n’était pas une bonne occasion d’expérimenter de nouvelles techniques de documentation et d’essayer une chose que je n’avais jamais faite auparavant : une documentation basée sur un wiki. Depuis cette première expérience, j’ai rejoint OpenStack, un projet open source sur une solution d’informatique dans le nuage, et je travaille à plein temps sur la documentation et le support communautaires.

Je pense immédiatement aux nombreuses contradictions que j’ai rencontrées tout au long de la route. J’ai découvert que pour chaque observation il existe des champs et contre-champs surprenants. Par exemple, la documentation est absolument indispensable pour l’aide aux utilisateurs, l’éducation, la possibilité de choisir ou bien la documentation promotionnelle qui amène à adopter un logiciel. Pourtant, une communauté open source pourra continuer d’avancer malgré le manque de documentation ou de la doc complètement défectueuse. Voici une autre collision apparente de valeurs : la documentation pourrait être une très bonne tâche pour démarrer, un point de départ pour les nouveaux volontaires, pourtant les nouveaux membres de la communauté savent si peu de choses qu’il ne leur est pas possible d’écrire ni même d’éditer de manière efficace. En outre les petits nouveaux ne sont pas bien familiers des différents publics auxquels doit servir la documentation.

Ces derniers temps on entend dire un peu partout : « les développeurs devraient écrire la doc de développement » parce qu’ils connaissent bien ce public et par conséquent cela lui serait aussi utile qu’à eux-mêmes. D’après mon expérience, un regard frais et neuf est toujours le bienvenu sur un projet et certaines personnes ont la capacité d’écrire et de partager avec d’autres ce regard frais et empathique. Mais vous n’allez sûrement pas vous mettre à créer une culture « réservée aux novices » autour de la doc parce qu’il est important que des membres essentiels de la communauté technique apportent leur contribution aux efforts de documentation, et qu’ils encouragent aussi les autres à y participer.

Une partie du vilain petit secret sur la documentation des projets open source est qu’il n’existe qu’une frontière pour le moins floue entre leur documentation officielle et leur documentation officieuse. Si seulement j’avais su que les efforts de documentation devraient être sans cesse renouvelés et que de nouveaux sites web pourraient apparaître là où il n’y en avait pas… Une documentation extensive n’est pas le moyen le plus efficace pour s’initier à des projets ou des logiciels mais un parcours sinueux dans les méandres de la documentation sur le Web peut s’avérer plus instructif pour ceux qui veulent lire entre les lignes et avoir ainsi une idée de ce qui se passe dans la communauté grâce à la documentation. Avoir beaucoup de forks(1) et des publics variés peut indiquer que le produit est complexe et qu’il est très suivi. Cela peut aussi signifier que la communauté n’a mis en place aucune pratique quant à la documentation de référence ou que les efforts désorganisés sont la norme.

À mes débuts, j’aurais aimé avoir la capacité de ressentir la « température conviviale » d’une communauté en ligne. Quand vous entrez dans un restaurant rempli de tables nappées de blanc, de couples qui dînent et de conversations feutrées, l’information visuelle et auditive que vous recevez détermine l’ambiance et vous donne quelques indices sur ce que vous vous apprêtez à vivre lors de votre repas. Vous pouvez tout à fait transposer ce concept de température conviviale à une communauté en ligne.

Une communauté open source vous donne quelques indices dans ses listes de discussion, par exemple. Une page de présentation de la liste qui commence par de nombreuses règles et conventions sur la manière de poster indique une gouvernance très stricte. Une liste de discussion qui contient de nombreuses publications mettant l’accent sur le fait qu’il « n’y a pas de question bête » est plus accueillante pour de nouveaux rédacteurs de documentation.

J’aurais aussi aimé connaître un moyen de faire non seulement de l’audit de contenu, c’est-à-dire lister le contenu à disposition pour le projet open source, mais aussi de l’audit de communauté, donc lister les membres influents de la communauté open source, qu’il s’agisse ou non de contributeurs.

Pour terminer, une observation à propos de l’open source et de la documentation que j’ai pu vérifier avec plaisir, c’est l’idée que la rédaction de la documentation peut s’effectuer via des « sprints » — grâce à des de brusques dépenses d’énergie avec un public ciblé et un but précis, pour aboutir à un ensemble documentaire de référence.

J’ai été très contente d’entendre lors d’une conférence à SXSW Interactive que les sprints sont tout à fait acceptables pour la collaboration en ligne, qu’il faut s’attendre à des fluctuations du niveau d’énergie de chacun et que c’est OK. La documentation des logiciels est souvent faite à l’arrache dans les moments d’accalmie d’un cycle de release(2) et ça ne pose aucun problème dans la documentation open source qui est basée sur la communauté. Vous pouvez adopter une approche stratégique et coordonnée et continuer tout de même de proposer des évènements de grande intensité autour de la documentation. Ce sont des moments exaltants dans l’open source et mon ancien moi les a pleinement ressentis. C’est une bonne chose que vous continuiez à passer de votre moi antérieur à votre moi actuel avec un paquet de conseils en poche.

(1) Un fork est un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant.

(2) La release est la publication d’un logiciel.