D’un projet à l’autre, franchissez les frontières (Libres conseils 11/42)

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La collaboration entre projets

Henri Bergius

Henri Bergius est le fondateur de Midgard(1), un dépôt de contenu pour les logiciels libres. Il a aussi été longtemps impliqué dans la géolocalisation d’ordinateurs de bureaux sous Linux ainsi que dans les communautés Maemo et Meego. Il dirige un petit cabinet de conseil nommé Nemein, bidouille CoffeeScript et PHP et passe beaucoup de son temps à faire de la moto dans des régions reculées du continent Eurasien. Il vit dans la froide ville nordique d’Helsinki, en Finlande.

Il se peut qu’il existe un système complètement nouveau dans lequel vous pouvez être défini davantage par qui vous êtes plutôt que par ce que vous possédez, par ce que vous avez créé et partagé, parce que d’autres personnes ont ensuite construit sur cette base

– John Seely Brown, ancien directeur de Xerox PARC dans An Optimist’s Tour of the Future (Mark Stevenson, 2010)

Le monde du logiciel libre est pour l’essentiel divisé en tribus rassemblées autour de choses appelées projets. Il existe des projets majeurs tels que GNOME(2), KDE(3) ou Drupal(4) et il existe bien d’autres projets plus modestes tournant autour d’une seule application ou bibliothèque logicielle.

En fait, les qualifier de « projets » est un peu ridicule.

Selon moi, un projet est l’organisation d’un effort visant un but que l’on puisse atteindre et comprend un calendrier avec dates de début et de fin. Ainsi, GNOME 3.1 serait par exemple un projet tandis que GNOME, pris dans son ensemble, n’en est pas un. Il s’agit d’une communauté d’individus qui entretiennent et créent le corps d’un logiciel par de petits efforts variés ou des projets.

Assez de pédantisme. Le souci avec le concept de projet c’est qu’il finit par maintenir une séparation entre les personnes. Cela crée des communautés isolées souvent réticentes voire incapables de collaborer avec « la concurrence ». Mais en fin de compte, toutes ces communautés sont composées de personnes écrivant des logiciels libres. Et ce sont elles qui décident de l’utilisation possible ou non d’un logiciel dans différents environnements.

En fin de compte, nous voulons tous que le logiciel que nous avons créé soit utilisé par d’autres. Mieux encore : nous voulons que les autres joignent leurs efforts aux nôtres et créent des choses sympa à partir de ce que nous avons créé. Après tout, ceci constitue le cœur même des logiciels libres.

Alors pourquoi érigeons-nous ces murs autour de nous ? Garder une communauté isolée ne fait que favoriser une mentalité de type « nous contre eux ». Les incompatibilités des différents langages de programmation contribuent déjà fortement à notre division. Pourquoi en rajouter ?

La leçon de Midgard

Il est une chose que j’aurais voulu savoir quand j’ai démarré, dans cette période optimiste des « .com » de la fin des années 90 : c’est qu’en réalité le développement de logiciels ne gagne rien à s’isoler. Avec un peu d’efforts nous pouvons partager nos logiciels et nos idées par le biais de communautés, ce qui renforce et améliore à la fois les logiciels et les communautés.

Quand j’ai démarré ma carrière dans le logiciel libre, c’était l’époque des grands projets. Netscape ouvrait son code source, la fondation Apache prenait forme et des sociétés de capital-risque venaient de partout. Tenter de bâtir sa communauté devenait la norme. C’était le chemin assuré vers la gloire, la fortune et la réalisation de choses extraordinaires.

Alors nous avons construit nos propres infrastructures web. À ce moment-là il n’y en avait pas tant que cela, en particulier pour le tout jeune langage PHP. Le PHP n’était même pas notre premier choix. Nous l’avions seulement choisi au terme d’un long débat sur l’utilisation de Scheme(5) que notre développeur principal préférait. Mais le PHP gagnait alors en popularité, devenant le langage de programmation de la Toile. Et nous voulions construire la Toile.

Au début, les choses semblaient prometteuses. Beaucoup de développeurs rejoignaient notre communauté et commençaient à y contribuer. Il y a même eu des entreprises fondées autour de Midgard. Notre infrastructure gagnait en fonctionnalités et devenait de plus en plus liée à Midgard.

Avec le recul, c’est là que nous avons fait une erreur. Nous avons positionné Midgard pour être distinct du PHP lui-même. Quelque chose que vous installeriez séparément, et utiliseriez comme base pour y construire des sites entiers. Il fallait soit suivre notre voie, soit suivre celle de tout le monde.

Avec Midgard, vous deviez utiliser notre interface de dépôt de contenus pour tout, aussi bien pour notre gestion des utilisateurs que pour le modèle de permissions. Vous deviez utiliser notre système de modèles et stocker beaucoup de votre code dans le dépôt au lieu d’utiliser un système de fichiers.

Ceci ne passait évidemment pas très bien auprès de l’ensemble de la communauté PHP. Nos idées leur semblaient étranges, et Midgard, à ce moment-là, était même distribué en tant que gigantesque correctif à la base de code puisqu’on ne pouvait pas charger de modules avec PHP3.

Les années ont passé et la popularité de PHP a connu des hauts et des bas. Pendant ce temps, la communauté Midgard est restée relativement constante : un petit groupe soudé faisant des progrès sur le long terme mais séparé du monde plus large de PHP.

Nous nous sommes toujours demandé pourquoi il était si difficile d’interagir avec le monde PHP. Même d’autres communautés faisant des choses complètement différentes, comme l’environnement de bureau GNOME, semblaient plus faciles à approcher. Ce n’est que récemment, après des années d’isolement, que nous avons pris conscience du problème. En résumé : les infrastructures nous séparent alors que les bibliothèques nous permettent de partager notre code et nos expériences.

À propos des bibliothèques et des infrastructures

En définitive, les logiciels ont pour objectif l’automatisation, la construction d’outils que les autres peuvent utiliser pour résoudre des problèmes ou se connecter entre eux. Avec les logiciels, ces outils comportent plusieurs couches. Il existe des services de bas niveau comme les systèmes d’exploitation, puis les bibliothèques, les infrastructures, les boîtes à outils et enfin les applications elles-mêmes.

Les applications sont toujours écrites pour des usages spécifiques, donc entre elles il existe peu de possibilités de partage de code.

Les possibilités les plus séduisantes se situent au niveau des bibliothèques et infrastructures. Une infrastructure, si elle est suffisamment générique, peut généralement être utilisée pour construire différentes sortes de logiciels. Une bibliothèque, quant à elle, peut être utilisée pour apporter un élément particulier de logique ou de connectivité là où le besoin s’en fait sentir. De mon point de vue, c’est dans cette couche que le plus gros de la programmation devrait être fait, avec des applications spécifiques qui ne sont que des connexions entre diverses bibliothèques au sein d’une infrastructure qui s’occupe alors de faire tourner l’application en question.

Qu’est-ce qu’une bibliothèque et qu’est-ce qu’une infrastructure ? Les gens utilisent souvent ces termes indifféremment bien qu’il existe une règle grossière qui permet de les différencier : une bibliothèque est une ressource à laquelle votre code fait appel, alors qu’une infrastructure est une ressource qui fait appel à votre code.

Si vous voulez que votre code soit utilisé et amélioré, le meilleur moyen est de maximiser le nombre de ses utilisateurs et contributeurs potentiels. Avec le logiciel libre, cela fonctionne en s’assurant que votre code peut être adapté à de multiples situations et environnements.

En définitive, ce que vous voulez développer c’est une bibliothèque. Les bibliothèques c’est cool.

Comment faire en sorte que la collaboration fonctionne

Le plus difficile est de franchir la barrière du « eux-contre-nous ». Les développeurs de l’autre communauté sont des bidouilleurs concevant du logiciel libre, tout comme vous. Il suffit donc de franchir le pas et de commencer à leur parler.

Une fois le débat engagé, voici quelques points que j’ai trouvés importants quant à l’application effective des idées communes ou des bibliothèques au-delà des frontières du projet

  • Utilisez des licences permissives et essayez d’éviter les cessions de droits d’auteurs et autres exigences que les utilisateurs potentiels trouveraient onéreuses. Hébergez le projet en terrain neutre. Pour les projets web, Apache est un assez bon havre. Pour les projets bureautiques, Freedesktop est probablement le meilleur choix. Utilisez des technologies qui n’imposent pas trop de contraintes. Les bibliothèques doivent être de bas niveau, ou fournir des API (interfaces de programmation) D-Bus utilisables avec n’importe quel système.
  • Évitez les dépendances spécifiques à une infrastructure. KDE a, par exemple, trouvé GeoClue difficile à adopter parce qu’il utilise des paramètres spécifiques à l’interface GNOME. Rencontrez les autres. Si vous venez du projet GNOME, allez à l’aKademy et donnez-y une conférence. Si vous êtes développeur KDE, allez parler au GUADEC. Après avoir partagé une bière ou deux, la collaboration par IRC vient beaucoup plus naturellement.
  • Enfin, vous devez accepter que votre implémentation ne soit pas utilisée par tout le monde. Mais si, au moins, d’autres mettent en œuvre les mêmes idées, alors une collaboration reste possible.

Bonne chance pour abattre les frontières du projet ! Dans la plupart des cas, cela fonctionne si vos idées sont bonnes et présentées avec un esprit ouvert. Mais même si vous ne trouvez pas de terrain d’entente, tant que votre application remplit sa fonction pour vous, ça n’a pas été fait en vain. Après tout, ce qui compte c’est de proposer des logiciels et d’offrir la meilleure expérience utilisateur possible.

(1) http://midgard-project.org/

(2) gnomefr.org

(3) fr.kde.org

(4) drupalfr.org

(5) http://fr.wikipedia.org/wiki/Scheme

Crédit photo : mommy peace – (CC BY-NC-SA 2.0)




Comment s’attaquer aux problèmes (Libres conseils 10/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

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L’art de résoudre les problèmes

Thiago Madeira

Thiago Macieira est doublement diplômé. Il a une maîtrise en administration des affaires (MBA) et un diplôme d’ingénieur. Mais son implication dans le mouvement open source, depuis près de 15 ans maintenant, est antérieur à ses diplômes. Participant actif des communautés KDE, Qt et MeeGo, il a été ingénieur logiciel et responsable produit pour Qt, il a fait des conférences et il a écouté les gens. À présent, Thiago vit à Oslo en Norvège et quand il ne travaille pas sur Qt, il essaye — sans grande réussite — d’améliorer son skill à StarCraft 2.


Les problèmes forment une routine à laquelle nous sommes confrontés presque tous les jours ; nous les résolvons et c’est tellement habituel que bien souvent nous n’en avons même pas conscience. Cela peut être des situations aussi simples que chercher le meilleur chemin pour arriver à destination ou trouver la meilleure façon de tout faire tenir dans le réfrigérateur. Ce n’est que lorsque nous ne parvenons pas à les résoudre immédiatement que nous remarquons les problèmes car nous devons alors nous arrêter et y réfléchir. Notre vie professionnelle n’échappe pas à cette règle et la résolution de problèmes commence à faire partie de la description du poste à pourvoir.

La résolution de problèmes était le sujet de mon premier cours quand j’ai commencé ma formation d’ingénieur. Dans cet amphithéâtre bondé du siècle dernier, notre professeur expliquait à environ 700 étudiants de première année en quoi les ingénieurs étaient des solutionneurs de problèmes et comment nos vies professionnelles consisteraient à enchaîner les problèmes à résoudre. Certains seraient des problèmes faciles résolus en deux temps trois mouvements ; d’autres seraient tellement difficiles que nous aurions besoin d’une structure de projet et d’une équipe pour les résoudre — mais la plupart se situeraient entre ces deux extrêmes. Puis il commença à donner des exemples sur la façon dont sa propre mentalité de « solutionneur de problèmes » l’avait aidé dans sa vie professionnelle et personnelle, et nous offrit même un exemple en direct quand tout à coup le projecteur nous tomba dessus.

La faculté de résoudre des problèmes est un talent que nous pouvons affiner par la pratique et un travail de fond. La pratique est quelque chose que l’on ne peut acquérir que par l’expérience, par succession d’essais et d’erreurs (1) ; ce n’est donc pas quelque chose qu’on peut apprendre dans un livre. Se mettre en situation de résoudre des problèmes, en revanche, est quelque chose que l’on peut apprendre. Face au problème, l’expérience est comme notre boîte à outils, et les techniques de résolution le mode d’emploi des outils.

Formuler correctement la question

La question à laquelle nous essayons de répondre fournit la direction que nous allons prendre en essayant de résoudre le problème. Posez la mauvaise question et les réponses seront peu pertinentes, invalides ou juste complètement fausses. Par conséquent, poser la bonne question est essentiel. De plus, poser correctement la bonne question est important, car cela apporte des indices quant à ce que nous recherchons. La manière la plus inutile d’énoncer un problème qu’on puisse rencontrer est : « ça marche pas », c’est pourtant un grand classique. Certes, l’énoncé est juste, puisque manifestement quelque chose a planté. Néanmoins, cette façon de présenter le problème n’apporte aucun indice sur le point de départ pour rechercher des solutions.

Les systèmes de gestion de bogues imposent souvent au rapporteur du bogue de préciser les actions effectuées qui ont conduit à ce problème, la description de ce qui s’est passé (c’est-à-dire le symptôme) et une description du comportement attendu. La comparaison entre le symptôme et le comportement attendu est un bon point de départ pour poser la question fondamentale : «  pourquoi cela s’est-il produit, pourquoi cet autre comportement ne s’est-il pas produit ? ». Même si ce n’est pas la seule manière d’y arriver, appliquer cette technique à des problèmes peut certainement aider à formuler la question.

Formuler correctement le problème et la question, dans ses moindres détails, est aussi une manière de décrire davantage le problème tel qu’il s’est manifesté. En premier lieu, nous devons avoir conscience que le problème ne se trouve probablement pas où nous nous attendons à le trouver — si c’était le cas, nous l’aurions probablement déjà résolu. Présenter tous les détails du problème permet à l’assistance technique d’avoir plus d’informations pour travailler. De plus, même si c’est contre-intuitif, le fait de décrire le problème dans sa totalité conduit souvent à trouver la solution, si bien que de nombreux groupes de développement ont besoin que des développeurs se concentrent sur cette tâche, soit en discutant avec un collègue soit en s’adressant à un être innocent, tel qu’un canard en caoutchouc ou M. Patate.

De plus, il faut revenir régulièrement à la question afin de garder l’objectif dans le viseur. Lors de la résolution du problème, il convient de faire attention à ne pas se concentrer exclusivement sur l’une de ses parties en perdant de vue l’objectif global. Pour la même raison, il est nécessaire de reprendre la question de départ lorsqu’on a trouvé une solution éventuelle, pour pouvoir s’assurer qu’elle couvre bien l’intégralité du problème. Là encore, cela prouve bien la nécessité de poser la bonne question, qui décrira le problème dans son intégralité : sans la question complète, la solution pourrait être également incomplète.

Diviser pour mieux régner (2)

L’expérience que j’ai acquise en aidant des utilisateurs en ligne à résoudre leurs problèmes m’a appris que la plupart des personnes considérent leurs difficultés comme des blocs d’achoppement, monolithiques et indivisibles, qu’il faut traiter comme un tout. Vu sous cet angle, un vaste problème pose une question à laquelle il est très difficile de répondre entièrement.

À vrai dire, la grande majorité de ces problèmes peut se décomposer en plusieurs petits problèmes qu’il est donc plus facile de traiter séparément afin de déterminer s’ils sont la cause originelle du problème, sans parler de la possibilité qu’il y ait plusieurs origines au symptôme rapporté. Répéter cette opération, ne serait-ce qu’un petit nombre de fois, revient à s’attaquer à des problèmes mieux circonscrits, et amène par conséquent à des solutions plus rapides.

Cependant, plus nous sommes obligés de décomposer, plus nous devons connaître le fonctionnement interne du système que nous avons sous la main. De fait, celui qui doit résoudre un problème ne pourra le décomposer qu’aussi loin que sa connaissance du sujet le lui permettra, et c’est depuis ce point qu’il pourra ensuite traiter la question.

Pour ce qui concerne le développement logiciel, les sous-systèmes utilisés sont souvent de bons indices pour trouver comment décomposer le problème. Par exemple, si le problème implique une transmission de données par TCP/IP, deux subdivisions possibles sont l’expéditeur et le destinataire : il ne sert à rien de chercher le problème du côté du destinataire si l’expéditeur ne transmet pas les données correctement. De même, une application graphique qui n’affiche pas les données appelées dans une base de données a une division claire : ce serait une bonne idée de vérifier d’abord que l’accès à la base de données fonctionne avant d’enquêter sur la cause du mauvais affichage. Par ailleurs, on pourrait également envoyer des informations quelconques aux fonctions d’affichage et vérifier que ces données s’affichent correctement.

Même quand les regroupements ne sont pas faciles à faire, diviser le problème peut tout de même contribuer à éclairer la question. En fait, les divisions sont presque toujours utiles, car elles réduisent la quantité de code à inspecter et le niveau de complexité à gérer. Au pire, le simple fait de diviser le code en deux parties et de chercher le problème dans l’une des deux peut être utile. Cette technique, nommée bissection, est recommandée si les divisions créées à partir des sous-systèmes et des interfaces n’ont pas encore apporté de solution.

Une succession de divisions appropriées aura pour résultat final un petit exemple autonome qui expose le problème. À ce stade, l’une des trois options suivantes est habituellement la bonne : le problème peut être identifié et localisé ; le code est en fait correct et c’était ce que l’on en attendait qui était faux ; ou bien un bogue a été trouvé dans la couche de code de plus bas niveau. Un des avantages de ce procédé, c’est qu’il génère un scénario de test à joindre à un rapport de bogue, pour peu qu’un bogue soit en cause.

Conditions aux limites (3)

Une question similaire à la division du problème est celle des conditions aux limites. En mathématiques et en physique, les conditions aux limites sont l’ensemble des valeurs qui déterminent la région de validité des équations résolues. Pour le logiciel, les conditions aux limites sont l’ensemble des conditions qui doivent être satisfaites pour que le code s’exécute correctement. Habituellement, les conditions aux limites sont loin d’être simples : à la différence des mathématiques ou de la physique, les variables des systèmes logiciels sont beaucoup trop nombreuses, ce qui signifie que leurs conditions aux limites sont également légion.

Dans les systèmes logiciels, les conditions aux limites sont souvent nommées « conditions préalables », c’est-à-dire des conditions qui doivent être satisfaites avant qu’une certaine action ne soit autorisée. Vérifier que ces conditions prélalables ont été satisfaites est un bon exercice dans la recherche d’une réponse, car leur violation est clairement un problème qui doit être résolu — quand bien même ce n’est pas la cause première du problème initial. Des conditions préalables peuvent tout simplement prendre la forme d’un pointeur qui doit être valide avant qu’on puisse le déréférencer, ou d’un objet qui ne doit pas être éliminé avant de pouvoir être utilisé. Les conditions préalables complexes seront très probablement documentées en vue de l’utilisation du logiciel.

Un autre groupe intéressant de conditions aux limites se caractérise, curieusement, par ce qui n’est pas autorisé : le comportement indéfini. Ce type de conditions aux limites est très commun lorsque l’on traite des spécifications qui essaient d’être très explicites sur la manière dont le logiciel est censé se comporter. Les compilateurs et les définitions de langage en sont un bon exemple. À strictement parler, déréférencer un pointeur null est un comportement indéfini : la conséquence la plus commune en est l’enregistrement d’une exception du processeur et l’arrêt du programme, mais d’autres comportements sont aussi autorisés, y compris le fonctionnement sans faille.

Le bon outil pour le bon usage

Si les ingénieurs sont des solutionneurs de problèmes, la devise de l’ingénieur est « Utilise le bon outil pour le bon usage ». Cela peut sembler évident, étant donné qu’on ne s’attend pas à ce que quelqu’un utilise un marteau pour résoudre un problème électronique. Cependant, les cas d’utilisation du mauvais outil sont plutôt fréquents, souvent parce qu’on ignore qu’il existe un meilleur outil.

Certains de ces outils sont la base du développement logiciel, comme le compilateur et le débogueur. L’incapacité à se servir de ces outils est impardonnable : le professionnel qui se retrouve dans un environnement d’outils nouveaux ou inconnus, si par exemple il change de poste ou d’emploi, doit consacrer du temps à apprendre à les utiliser, à se familiariser avec leurs fonctionnalités et limitations. Par exemple, si un programme plante, être capable de déterminer l’endroit du plantage ainsi que les variables appelées dans cette portion du code peut aider à trouver la cause du problème et donc la solution.

D’autres outils peu connus sont plus évolués, prévus pour des emplois spécifiques, ou encore ne sont disponibles qu’à un prix ou sous des conditions que l’ingénieur ne peut réunir. Ils peuvent toutefois être incroyablement utiles pour contribuer à la résolution de problèmes. Il peut s’agir de vérificateurs de code statique ou de processus, de débogueurs de mémoire, d’enregistreurs d’événements matériels, etc. Par exemple, le matériel de développement inclut souvent un système permettant de le contrôler à l’aide d’une interface spéficique comme JTAG ou de lister toutes les instructions exécutées et l’état des processeurs. Mais cela nécessite d’avoir du matériel et des outils spécifiques, qui ne sont pas facilement accessibles et coûtent plus cher que les machines et périphériques grand public. Un autre exemple est la suite d’outils Valgrind (4), qui comprend un vérificateur de processus et des débogueurs de mémoire. L’ensemble est gratuit, facilement disponible, mais fait partie de ces outils spécifiques de haut niveau dont l’usage n’est pas enseigné à l’école.

Connaître le contenu de sa boîte à outils est un savoir précieux. L’utilisation d’un outil spécialisé pour chercher un problème va probablement donner un résultat plus rapide, qu’il soit positif — et confirme le problème — ou négatif, et oriente la recherche dans une autre direction. Par ailleurs, il est important de savoir comment utiliser ces outils, ce qui justifie le temps passé à lire la documentation, à  s’entraîner ou simplement à expérimenter ces outils avec des problèmes connus pour comprendre comment ils fonctionnent.

Conclusion

Résoudre  les problèmes est un art accessible à tous. Comme pour tous les arts, certaines personnes semblent avoir une telle facilité qu’ils semblent être nés avec cette compétence. Mais en réalité, avec assez d’expérience et de pratique, la résolution des problèmes devient une activité insconsciente.

Quand on est confronté à un problème qui n’est pas évident à résoudre, il faut s’asseoir et le considérer dans son intégralité. Quel problème avons-nous ? Pouvons-nous formuler la question à laquelle nous devons répondre ? Une fois que nous savons ce que nous cherchons, nous pouvons commencer à examiner où peut être situé le problème. Peut-on le décomposer en parties plus petites et plus maniables ? Quels sont les meilleurs outils à utiliser pour chaque partie ? Avons-nous vérifié que nous utilisions correctement les fonctionnalités et services disponibles ?

Après avoir résolu de nombreux problèmes, on commence à repérer des schémas. Il devient plus facile de détecter des indices subtils à partir des symptômes et de diriger les recherches vers le problème réel. Un correcteur de problèmes expérimenté peut même ne pas se rendre compte que cette action a lieu. C’est un signe que l’expérience et les automatismes se sont si bien mis en place qu’il n’y a plus besoin d’effort conscient pour accéder à ces compétences.

Bien sûr il, y aura toujours des problèmes qui seront difficiles à résoudre dans la vie : problèmes professionnels, existentiels, philosophiques ou même ceux qui sont causés par la pure curiosité. Là encore, c’est le défi qui nous stimule, le besoin de comprendre toujours plus et mieux. Sans cela, la vie serait trop triste.

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage#Apprentissage_par_essais_et_erreurs

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Diviser_pour_régner_(informatique)

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Condition_aux_limites

(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Valgrind

Crédit photo Luxuryluke (CC BY-NC-ND 2.0)




Geektionnerd : Firefox 16

It’s not a bug, it’s a feature 😛

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Firefox 16 : diffusion interrompue à cause d’une faille de sécurité (Tasse de Café)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




12 bonnes raisons d’être un administrateur systèmes fainéant

On l’appelle sysadmin, adminsys ou plus correctement administrateur systèmes. Il a la lourde charge de s’occuper des serveurs d’une organisation.

Si vous avez l’impression qu’il bulle toute la journée, ne le critiquez pas ! Vous êtes en réalité en face d’un excellent administrateur systèmes 🙂

Anita Hart - CC by-sa

12 raisons pour lesquelles tous les administrateurs système devraient être paresseux

12 Reasons Why Every Linux System Administrator Should be Lazy

Ramesh Natarajan – 12 juillet 2011 – GeekStuff.com
(Traduction : Husi10, Ag3m, Gatitac, Kathryl, Thur, M0tty, Ag3m, Dominique, minimoy)

Un administrateur systèmes fainéant est un bon administrateur systèmes
Anonyme

Le travail d’un administrateur systèmes n’est généralement pas visible des autres services informatiques ou par les utilisateurs finaux. La plupart du temps, ils regardent les administrateurs systèmes en se demandant pourquoi ils n’ont pas l’air de faire grand chose.

Quand vous voyez un administrateur systèmes qui est tout le temps en train de courir dans tous les sens, à essayer d’éteindre le feu, en prise constante avec des problèmes de production, vous pourriez penser qu’il travaille dur et fait vraiment bien son boulot. Mais en réalité il ne fait pas bien son job.

Quand vous voyez un administrateur système (UNIX/Linux, base de données, réseau), qui apparemment n’a pas l’air de se fouler beaucoup au bureau, semble toujours relax et n’a pas l’air d’avoir une activité visible, vous pouvez être certain qu’il fait bien son job.

Voici 12 raisons qui font d’un administrateur systèmes paresseux le meilleur des administrateurs systèmes :

1. Qui est le chef ? La principale raison pour laquelle un administrateur systèmes paresseux est le meilleur administrateur système possible tient à son attitude. Ils ne voient pas tout à fait les machines comme les autres services informatiques. Il y a une différence entre les développeurs et les administrateurs systèmes. Les développeurs pensent qu’ils sont là pour servir les machines en écrivant du code. Il n’y a rien de mal dans cette démarche puisque les développeurs prennent beaucoup de plaisir à écrire du code. Mais les administrateurs systèmes pensent tout autrement. Ils pensent au contraire que les machines sont à leur service. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est nourrir la machine, la rendre heureuse et laisser la machine faire tout le dur labeur pendant qu’ils se relaxent et paressent. La première étape pour devenir un administrateur systèmes paresseux demande parfois un léger changement d’attitude : il s’agit de faire savoir à la machine que vous êtes le patron.

2. Écrire des scripts pour des tâches récurrentes. Être fainéant, c’est être malin. Un administrateur systèmes intelligent est passé maître dans tous les langages de script (bash, awk, sed, etc.). Chaque fois qu’il sera obligé de faire une tâche, et s’il y a une vague possibilité qu’on puisse avoir besoin de ce même travail plus tard, il écrira un script pour faire le boulot. Ainsi, lorsqu’on lui demandera plus tard de refaire le même travail, il n’aura pas à réfléchir ; il aura simplement à exécuter le script puis à retourner paresser.

3. Tout sauvegarder. Être fainéant signifie tout sauvegarder. Un administrateur systèmes paresseux sait qu’il doit donner un peu de temps dans la création de processus de sauvegarde, et donc écrire des scripts de sauvegarde pour toutes les applications et tous les systèmes critiques. Quand l’espace disque n’est pas un problème, il planifie la sauvegarde pour toutes les applications même si elles ne sont pas critiques. Ainsi, dès que quelque chose se passe mal, il ne se met pas à transpirer de stress, il a simplement besoin de restaurer une sauvegarde pour pouvoir retourner aux trucs paisibles qu’il faisait juste avant.

4. Prévoir un plan de reprise d’activité. Les administrateurs systèmes n’aiment pas avoir à gesticuler dans tous les sens en cas d’urgence. Quand tout se passe bien, ils prennent un peu de temps pour créer un plan de reprise d’activité et de récupération de données.Comme ça, quand les choses tournent mal, ils peuvent le suivre, faire revenir rapidement les choses à la normale, puis retourner encore à leur rythme d’administrateur paresseux.

5. Configurer un sytème à haute redondance. Les administrateurs sysèmes fainéants n’aiment pas être réveillés au beau milieu de la nuit à cause d’une bête panne materielle. Ils font donc en sorte que les periphériques soient hautement redondants. Cela inclut à la fois le matériel et les logiciels : ils ont deux cartes réseaux configurées, une double alimentation, deux disques durs, bref tout en double. Comme ça, si l’un des équipements vient à flancher, le système fonctionnera toujours et notre fainéant d’administrateur pourra se concentrer à la réparation de l’équipement défaillant lorsqu’il se lèvera le matin, à la même heure que tous les autres matins.

6. Laisser de la place pour une croissance inattendue. Un administrateur systèmes paresseux ne permet jamais à son système de tourner à plein régime. Il garde toujours de la place libre en cas d’imprévus. Il s’assure que le système ait assez de CPU, ainsi que de l’espace disque et de la RAM disponibles. Lorsque le service commercial décide de larguer des tonnes de données pendant la nuit, il n’a pas besoin de réfléchir à la façon de gérer cette croissance inattendue.

7. Être proactif. Être paresseux ne veut pas dire que vous devez juste vous assoir et vous tourner les pouces. Être paresseux signifie être proactif. Les administrateurs systèmes paresseux détestent être réactifs. Ils anticipent toujours les difficultés et l’expansion. Lorsqu’ils ont du temps libre à disposition (et ils en ont donc beaucoup), ils gardent un œil attentif sur les projets afin de gérer la future croissance et éviter que des problèmes non prévus adviennent.

8. Adorer les raccourcis clavier. L’administrateur systèmes fainéants connaît tous les raccourcis clavier de toutes ses applications favorites. S’il passe quotidiennement un temps significatif sur une application, la première chose qu’il fait est de maîtriser les raccourcis clavier de cette application. Il tient à passer le moins de temps possible sur l’application pour parvenir à ses fins, et ainsi redevenir paresseux.

9. Passer maître de la ligne de commande. Tous les administrateurs systèmes paresseux sont des pros des lignes de commande. Cela s’applique aux administrateurs systèmes Linux, aux administrateurs de bases de données, aux administrateurs réseaux, etc. Si vous voyez un administrareur systèmes lancer une interface graphique alors que la même tâche peut être effectuée en ligne de commande, alors vous savez qu’il n’est pas un administrateur systèmes paresseux. Il y a deux raisons pour lesquelles les administrateurs systèmes paresseux adorent les lignes de commande. D’une, il peut faire les choses rapidement en ligne de commande. Et d’autre, ça lui donne l’impression que c’est lui le patron et non pas le système. Quand vous utilisez les lignes de commande, vous avez le contrôle, vous savez exactement ce que vous voulez faire. Quand vous utilisez une interface graphique, vous êtes à sa merci sans être sûr à 100% de ce qu’il va produire après votre clic.

10. Apprendre de ses erreurs. Les administrateurs systèmes fainéants n’aiment jamais faire les mêmes erreurs deux fois. Ils détestent travailler sur des problèmes imprévus, mais quand ils apparaissent, ils travaillent à le corriger, réfléchissent à comment cela est arrivé, et mettent immédiatement le nécessaire en place pour que cela n’arrive pas de nouveau. Travailler sur le même problème deux fois est considéré comme un véritable péché pour un administrateur système fainéant. Il aime travailler sur le problème une seule fois, faire ce qu’il faut pour prévenir l’apparition de la même erreur dans le futur, et retourner tranquillement paresser.

11. Se former en continu aux nouvelles technologies. Il n’y a rien de mal à apprendre de nouvelles technologies pour avoir un meilleur travail ou juste pour se tenir à jour des progrès dans le domaine. Mais un administrateur systèmes paresseux n’apprend pas de nouvelles technologies pour cette raison. Il s’y forme parce qu’il aime garder le contrôle sur les systèmes en permanence. Il sait que c’est lui le chef et non pas la machine. Ainsi, quand arrive une nouvelle technologie, il prend le temps de l’étudier. À présent, il a de nouveaux outils pour occuper le système tandis qu’il continue à paresser. C’est la paresse qui est la principale motivation de sa formation.

12. Tout documenter. C’est ce qui distingue les bons administrateurs systèmes des meilleurs administrateurs systèmes. Voyez-vous, l’administrateur systèmes paresseux déteste être dérangé lorsqu’il est sur la plage à profiter de ses vacances. Donc, que fait-il ? Il documente tout, de manière à ce que lorsqu’il n’est pas là, d’autres puissent faire le boulot de base à sa place, et fassent tourner les choses sans le déranger pendant ses vacances. Il y a une autre raison pour laquelle l’administrateur systèmes paresseux documente tout : parce qu’il oublie des choses. Comme il est fainéant, il a tendance à oublier ce qu’il a fait le mois précédent. Puisqu’il n’aime pas du tout réfléchir deux fois sur le même sujet, il documente tout, et quand il aura besoin de faire la même chose dans le futur, il reviendra à sa documentation pour comprendre ce qu’il avait fait la fois précédente.

Voilà. Être un administrateur systèmes fainéant, ce n’est pas si simple en fait, c’est même beaucoup de travail. Si vous n’en êtes pas, vous saurez désormais les reconnaître. Si vous en êtes et que vous courez toujours partout, vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire.

Crédit photo : Anita Hart (Creative Commons By-Sa)




De Linux à Mac OSX – 1 an plus tard

Allez, on ne va pas se mentir, non seulement Apple séduit les jeunes, mais il séduit de plus en plus souvent les geeks.

Et même certains libristes qui, comme ici, abandonnent lâchement leur premier amour GNU/Linux pour s’en aller vers le Mac.

Un témoignage cinglant qui devrait faire couler un peu d’encre électronique dans les commentaires…

Terry Johnston - CC by

De Linux à OSX – 1 an plus tard

From Linux to OSX – 1 Year Later

Bozhidar Batsov – 9 septembre 2012 – Blog personnel (think)
(Traduction : geeckodev, Louson, tibs, X, amyrit, nanoPlink, Kiwileaks, cpt_p, Unagi)

Prélude

Il y a un peu plus d’un an j’ai écrit mon post coup de gueule « The Linux Desktop Experience is Killing Linux on the Desktop » et pour la première fois en 8 ans, je n’étais plus un utilisateur de Linux. J’ai passé plus d’un mois à me bagarrer contre Windows 7, mais reconnaissons-le, Windows est mal conçu pour des programmeurs Ruby professionnels comme moi (et il est mal conçu pour la plupart des programmeurs, sauf peut-être Java et .Net je suppose).

De toute façon, rester sous Windows n’a jamais été mon intention, je faisais juste mon transfert vers Mac. Maintenant, avec plus d’un an d’utilisation d’OSX, j’aimerais partager avec vous mon expérience jusqu’à aujourd’hui.

De Linux à OSX

La transition fut pénible au départ, j’avais une sensation très bizarre lorsque je devais glisser une icône de programme dans le dossier Applications pour l’installer. Pour être honnête, j’étais plutôt perdu la première fois que j’ai dû installer une application de cette manière (Il n’y avait pas ces aides avec les flèches qu’ont la plupart des applications). La gestion de paquets de Linux est incontestablement bien meilleure, ou en tout cas elle l’est de mon point de vue. Heureusement la plupart des outils que j’utilise sont disponibles dans le gestionnaire de paquets homebrew pour OSX. Ça ressemble à une version extrêmement basique de portage du légendaire Gentoo, mais en général le programme fait du bon travail.

Pour être plus positif, j’ai été impressionné par la qualité et la réactivité du bureau de OSX et l’utilisation par défaut des raccourcis clavier d’Emacs dans l’éditeur de texte (mais perplexe concernant le manque d’une touche Control à droite du clavier – et si j’osais, comment peut-on taper Control + a ?). Une application en particulier, Spotlight, m’a carrément impressionné , surtout après avoir eu affaire aux copies bas de gamme disponibles sur Linux telles que beagle. Spotlight trouve à peu près tout, a son propre langage de requête ressemblant à SQL et est étonnamment rapide.

J’ai rapidement trouvé un bon terminal (qui est iterm2, et qui est en fait le meilleur terminal au monde, à mon humble avis) et la plupart des outils en ligne de commande que j’utilisais jusqu’à maintenant étaient déjà là (après tout, OSX est Unix), et à ma grande surprise, certains trucs comme PostgreSQL (seulement sur OSX Server) et zsh étaient préinstallés. La plupart des autres applications dont j’avais vraiment besoin avaient des ports natifs pour OSX.

Ayant détesté OpenOffice.org durant plusieurs années, j’ai été agréablement surpris par la qualité d’applications telles que Keynote et Words.

Étant le genre de type qui prêche l’utilisation du clavier à l’église Das Keyboard j’étais un peu déçu au début par tout ce micmac autour du multi-touch, mais après un certain temps j’en suis venu à la conclusion qu’Apple a les seuls trackpads et souris qui valent la peine d’être utilisés (même si je préfère toujours utiliser le clavier).

Pour résumer, je me suis habitué assez rapidement, mais cela n’a pas été de tout repos.

Voici quelques détails…

Les choses que j’adore chez OSX

Le bureau

C’est joli, c’est rapide, c’est stable. KDE4 et GNOME3 ressemblent à des projets d’étudiants à côté. Ai-je mentionné que les polices de OSX sont même plus belles que celles de Windows ?

Les applications « à la OSX »

Sparrow est le premier client e-mail que j’aie jamais aimé (Google, honte à vous de l’avoir tué).

iTerm2 est le terminal ultime. Lui seul justifie l’achat d’un Mac.

Keynote est le meilleur logiciel de présentation que j’aie pu utiliser jusqu’à présent.

Parallels Desktop est à des années-lumière de VirtualBox et KVM (si l’on ne considère que la virtualisation de type desktop).

Je pourrais continuer comme ça pendant un moment, mais je vais arrêter tout de suite.

Il est évident que les utilisateurs de Mac ont développé un certain goût pour les logiciels extrêmement raffinés.

Compatibilité matérielle

Si quelque chose est supposé marcher avec OSX – ça marche à merveille directement. J’en ai presque oublié les jours de bataille contre le matériel non supporté. La mise en veille fonctionne parfaitement. La durée de vie de la batterie est exceptionnelle (grâce à la gestion de l’énergie très avancée).

Il est certain que sélectionner le matériel pour le système d’exploitation aide beaucoup, mais il faut tout de même reconnaître le travail d’Apple.

Stabilité

Un an, trois Macs – seulement un ou deux plantages. Pour un développeur qui aime bricoler un peu plus qu’il ne le devrait, c’est impressionnant.

Ceci dit, j’ai eu quelques distributions Linux qui ont fonctionné pendant plus de 6 mois sans redémarrer (et les redémarrages étaient causés par les pannes électriques ou les mises à jour de la distribution et/ou du noyau). La stabilité de Linux sur un ordinateur portable (plutôt récent) ? C’est une autre histoire…

Les bonnes choses

Les applications par défaut

Les applications fournies avec OSX ne sont pas mauvaises du tout, mais pas particulièrement excellentes. Safari reste un très bon navigateur, Mail est un bien meilleur client que Evolution/Thunderbird, Calendar est un bon organisateur (mais un peu buggé quand il s’agit de synchroniser Google Calendar), Messages est moyen.

Le vrai problème est qu’il est possible d’aller très loin avec les applications fournies, mais qu’elles ne sont pas parfaites. Mon conseil : chercher des alternatives (qu’elles soient libres ou propriétaires).

Le Mac App Store

C’est une manière convenable de distribuer des applications propriétaires, mais avec toutes les restrictions d’Apple sur le sandboxing des applications, il n’y a pas vraiment d’applications intéressantes. Espérons que cela s’améliore avec le temps. La possibilité de mise à jour vers la nouvelle version d’OSX en l’achetant sur l’App Store est vraiment bien (pour un OS propriétaire, bien sûr).

Emacs

Le port Cocoa d’Emacs est un peu jeune et il y a quelques bugs visuels (essayez M-x linum-mode par exemple), mais ils sont pardonnables. Je regrette l’intégration forte d’Emacs avec Linux. Et quel est l’idiot qui a conçu tous les claviers officiels Mac sans une touche Control à droite ? J’ai finalement compris pourquoi tant d’utilisateurs de Mac utilisent vim 🙂

De toute façon, remapper la touche Caps pour Control n’est pas la solution. Je le fais maintenant, je le faisais déjà sur Linux. Mais vous n’êtes pas supposé avoir à taper Control + une autre touche avec la même main. C’est perturbant pour la frappe… mais une fois encore, vous devriez probablement écrire avec un clavier pleine taille 🙂

Développement logiciel

OSX ne nourrit pas le développement logiciel autant que Linux, mais il arrive juste en seconde position. Tous les outils que vous connaissez et que vous aimez sont disponibles, mais leur installation et leurs réglages nécessitent un peu plus d’implication sur OSX. Ce n’est pas un hasard si la plupart des livres de programmation montrent des captures d’écran d’OSX.

Administration système

Il y a clairement un recul par rapport à Linux. Les programmes comme launchctl (par exemple) ne sont pas très agréables à utiliser, mais ils font ce qu’on leur demande. Je n’utiliserais jamais un OSX pour autre chose qu’un ordinateur de bureau. Modifier un $PATH n’est pas aussi trivial que sous Linux (/etc/paths et quelques plists que j’ai oubliés me viennent à l’esprit).

Ce que je déteste

Les touches spéciales

Pas exactement une particularité de OSX, mais tout de même…

Un an et je hais toujours Command et Option, option est en fait Alt mais à un endroit étrange et Command est totalement inutile, à mon avis. Je ne les haïrais pas tant s’il y avait de l’espace restant sur les claviers Apple (sans parler du vieux clavier Apple câblé) pour une touche Control en plus. Heureusement pour moi j’utilise un clavier externe Das Keyboard Ultimate la plupart du temps…

Command et Option ont des avantages, je les aurais probablement appréciées si elles ne ne prenaient pas la place de la touche Control à droite (je suppose qu’elle ne doit manquer qu’aux utilisateurs d’Emacs).

Aucun gestionnaire de paquets tout-puissant de base

Sur Linux j’avais aptitude, yum, portage et pacman, tous exceptionnels dans leur domaine. Sur OSX, homebrew est une option décente mais c’est tout autre chose comparé à la puissance des gestionnaires de paquets de Linux.

D’horribles fichiers de configuration XML

Ici et là sur OSX vous devez ecrire d’épouvantables fichiers de configurations XML. Je pensais que je n’aurais plus jamais à voir affaire avec eux après avoir abandonné le développement Java :-).

XCode

Est-il vraiment nécessaire d’installer un IDE usine à gaz juste pour avoir accès à quelques outils de développement en ligne de commande ? C’est l’une des choses les plus ennuyeuses que j’ai pu rencontrer sur OSX jusqu’à maintenant.

Oui, je connais depuis peu quelques outils disponibles séparément, mais demander une licence développeur Apple me semble un peu trop.

Épilogue

Suis-je maintenant plus heureux sans Linux ? Certainement ! OSX est-il un meilleur OS que Linux ? Absolument pas !

Il offre une bien meilleure expérience utilisateur et depuis que je passe la plupart de mon temps sur un ordinateur en interagissant avec le bureau, c’est une grande victoire pour moi. Bien sûr, je n’en voudrais pas à Linux d’arriver à ce niveau de maturité et de stabilité pour son environnement graphique 🙂

Faut-il lâcher Linux et me rejoindre dans les ténèbres ? Comment le saurais-je ? 🙂 Je n’ai fait que partager mon avis – Si vous êtes heureux avec Linux, vous devez incontestablement y rester. Ce n’était évidemment pas mon cas et il n’y avait pas tant d’alternatives que ça.

Ne pas avoir à s’occuper de problèmes matériels et des applications immatures est une grande bouffée d’air pour moi et cela compense largement les quelques lacunes d’OSX. Rien ne compense le manque de la touche Control droite sur la plupart des claviers, mais après tout ce n’est pas un problème de l’OS 😉

Il y a une grande communauté de hackers autour d’OSX et c’est une des forces de l’OS. Il y a aussi malheureusement une grosse pression d’Apple, mais comme vous le savez déjà, le perfection n’est pas de ce monde, il y a toujours des compromis à faire. Je préfère utiliser un OS propriétaire qui me laisse en paix plutôt qu’un OS libre sur lequel je me cogne à chaque virage.

Crédit photo : Terry Johnston (Creative Commons By)




Microsoft Office 2013 supportera le format ODF (et PDF) : Victoire du Libre ?

Grande et bonne nouvelle, d’après Microsoft la prochaine version 2013 de la célèbre suite bureautique Office intégrera le format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans sa version 1.2. Elle sera également capable d’ouvrir, enregistrer et même éditer du format PDF (voir le tableau comparatif issu de Microsoft en fin d’article).

Cela fait des années que les partisans d’une réelle interopérabilité le demandent. Et cela fait des années aussi que le format PDF est présent sur la suite bureautique libre OpenOffice.org / LibreOffice.

Du coup le journaliste Simon Phipps y voit clairement une victoire de l’open source. Et vous ?

Camknows - CC by-nc-sa

Comment Microsoft été forcé d’ouvrir Office

How Microsoft was forced to open Office

Simon Phipps – 17 août 2012 – InfoWorld.com
(Traduction : Damz, ehsavoie, Patchidem, Calexo, Nek, Fe-lor, Grummfy, Sylvain, Gatitac, Skhaen, ProgVal, Bohio, joe, HgO, Cypher, Jimmy)

Dans Office 2013, la prochaine version de sa célèbre suite bureautique, Microsoft a été contraint de prendre en charge totalement le véritable format ODF, au même titre que le format PDF. Voici comment l’open source a gagné.

Plus tôt cette semaine dans un article de blog, le responsable des standards Office, Jim Thatcher, a décrit les changements à venir dans Office :

Dans la prochaine version d’Office, nous avons ajouté l’utilisation de deux formats supplémentaires : Strict Open XML et Open Document Format (ODF) 1.2. Nous avons aussi intégré la possibilité d’ouvrir des documents PDF afin de pouvoir les modifier dans Word et de les enregistrer dans n’importe quel format. En ajoutant la prise en charge de ces formats de document standardisés, Microsoft Office 2013 offre à ses utilisateurs de nouvelles possibilités quant à l’intéropérabilité des documents bureautiques.

Dans ces quelques mots arides, nous pouvons trouver les échos d’une leçon d’histoire qui nous démontre le pouvoir de l’open source pour garantir la concurrence et favoriser l’innovation, tous deux précieuses sur les marchés du logiciel. Les formats de fichiers ne sont manifestement pas le sujet le plus excitant, mais cette annonce apporte une lumière sur deux faits importants à propos de l’open source : dans un premier temps, le logiciel open source peut être celui qui impose son rythme à la concurrence. Puis, dans un second temps, l’innovation open source fournit les bases solides sur lesquelles d’autres peuvent s’appuyer.

Le triomphe de l’ODF

Au tout début de la dernière décennie, Microsoft Office a quasiment chassé toute concurrence des logiciels bureautiques. Dans ce quasi-monopole, Sun Microsystems a lancé un projet open source en 2000, basé sur la suite bureautique de niche « StarOffice ». Connue sous le nom d’OpenOffice.org, la suite a progressivement pris de l’ampleur pour devenir l’alternative open source à Microsoft (NdT : Cf cet article du Framablog De StarOffice à LibreOffice 28 années d’histoire).

Alors que certaines personnes ont été promptes à accuser OpenOffice.org d’être un dérivé d’Office, elle égale la première version de Word de Microsoft (en 1983 pour Xenix) puisqu’elle a été créée en 1984, visant les ordinateurs personnels populaires de cette époque : le Commodore 64 et l’Amstrad CPC sous CP/M. Elle a ensuite évolué en une suite bureautique pour DOS, OS/2 Warp d’IBM et Microsoft Windows. Quand Sun Microsystems a acquis OpenOffice.org en 1999, il s’agissait d’une application complète et multifonction disponible sur toutes les plates-formes populaires de l’époque.

À leur arrivée chez Sun, les développeurs de StarOffice/OpenOffice.org ont accéléré le projet de créer un format moderne, basé sur XML, pour leur suite. En utilisant un format basé sur XML, il était plus facile de promouvoir l’interopérabilité avec d’autres outils bureautique, ainsi que de maintenir la compatibilité d’une version à l’autre.

Ce problème de l’omniprésence du format .doc ou .xls était le fléau de tous les utilisateurs d’outils bureautique, aussi Sun a pris l’initiative d’aller voir l’OASIS et a proposé une solution : un format de fichier standardisé pour le travail bureautique. J’ai été impliqué dans cette activité et je sais de source sûre que Sun a approché d’autres membres de l’OASIS pour qu’ils contribuent au projet. Toutefois, Microsoft a refusé, en qualifiant cette proposition de « superflue », préférant garder son juteux marché captif d’utilisateurs conditionnés à ses propres formats propriétaires.

OASIS a accepté la proposition et le résultat fut le standard OpenDocument, l’ODF. Malgré un départ difficile, l’adoption de l’ODF a fait boule de neige ; aujourd’hui, le format est un standard ISO et est approuvé/homologué à travers le monde. La pression sur Microsoft est devenue suffisamment forte pour que l’entreprise manipule le monde des standards internationaux afin de créer un format de fichiers XML standard concurrent basé de très près sur les formats utilisés dans Microsoft Office. Il a finalement été accepté par l’ISO en 2008.

Il aura fallu presque 7 ans, mais Microsoft a cédé. En avril, la société a annoncé qu’elle implémenterait complètement dans Office 15 à la fois le standard basé sur Office qu’elle a fait passer en force à l’ISO (standard ISO/IEC 29500, communément appelé OOXML) et les standards poussés par la communauté qu’elle émulait (standard ISO IEC 26300, communément appelé ODF).

L’open source a changé le marché, forçant Microsoft à réagir et à mettre en place la compatibilité de version à version et le concept d’interopérabilité. Sans l’open source, rien de cela ne serait arrivé. Avec l’open source, même si vous n’utilisez pas vraiment le format ODF vous-même, vous bénéficiez d’un marché compétitif et revigoré.

PDF a « presque » son dû

Le second point que souligne le blog de Microsoft est le pouvoir de l’innovation ouverte. La communauté OpenOffice.org a majoritairement migré en 2010 – avec le code – vers un nouveau projet open source nommé LibreOffice. Les projets OpenOffice.org et LibreOffice ont longtemps pris en charge la création de fichiers de type Portable Document Format (PDF). Microsoft Office a fini par copier cette fonctionnalité, d’abord comme une extension à Office 2007, puis comme une fonctionnalité intégrée par défaut. Cependant, LibreOffice inclut aussi la possibilité intéressante de pouvoir créer des fichiers Hybrid PDF qui peuvent ensuite être ré-ouverts et réédités avec LibreOffice. Si vous souhaiteriez essayer vous-même d’éditer des Hybrid PDF, cette vidéo vous expliquera comment faire.

Il semblerait que cette fonctionnalité soit sur le point d’arriver également dans Office :

Avec cette version, Microsoft introduit l’option, que nous appelons « PDF Reflow », qui permet d’ouvrir des fichiers PDF en tant que documents de bureautique éditables. Comme Tristan Davis, responsable du développement de Word, l’expliquait : « avec cette fonctionnalité, vous pouvez retransformer vos PDF en documents Word entièrement éditables, rendant alors modifiables les titres, les listes à puces ou numérotées, les tableaux, les notes de bas de page, etc. en analysant les contenus des fichiers PDF ».

À l’heure actuelle, le seul problème éventuel est de voir Microsoft limiter l’interopérabilité et la compatibilité de la prise en charge de l’ODF et de sa version de PDF hybrides. Pour des raisons inexpliquées, la société ne va pas proposer la possibilité d’enregistrer les fichiers comme un fichier ODF rétro-compatible (la version prise en charge actuellement dans Office 2012, le format ODF 1.1), donc il sera plus difficile dans un environnement mixte d’utiliser l’ODF. De la même façon, j’ai été conforté dans l’idée que, malgré la prise en charge de l’ouverture de fichiers PDF pour édition, Microsoft ne prend pas en charge l’ouverture des fichiers hybrides PDF de LibreOffice. Peut-être que la menace concurrentielle des logiciels open source est encore trop grande ?

À l’instar de la gestion initiale de l’enregistrement au format PDF, l’ajout de l’édition de documents PDF est un signe de bienvenue à ce qui a été essayé et testé en tant qu’open source. Telle est la dynamique de l’innovation. Les idées créent des idées, et l’innovation est le résultat de l’innovation.

Ici, la différence est que les communautés open source diffusent librement leurs idées à tout le monde, il n’y aura donc pas de menaces juridiques, pas de procès pour violation de brevets, et pas de licence d’utilisation coercitive (et confidentielle). C’est la façon dont les choses doivent se passer si nous voulons voir l’innovation continuer à germer grâce à un marché sain et compétitif.

Formats supportés - Microsoft Office 2013

Crédit photo : Camknows (Creative Commons By-Nc-Sa)




Geektionnerd : RMLL 2012, c’est déjà demain !

Et n’hésitez pas à venir nous passer le bonjour sur notre stand Framasoft (mais pas trop tôt le matin quand même, surtout au lendemain du Repas du libre !).

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Entretien avec trois candidats du Parti Pirate aux legislatives 2012

Le dimanche 10 juin prochain aura lieu le premier tour des élections législatives françaises.

Dans plus d’une centaine de circonscriptions, vous avez le choix entre aller à la pêche, voter pour un parti traditionnel ou, et c’est nouveau, apporter votre voix au Parti Pirate (PP) et ainsi donner de la voix aux thèmes qu’ils soutiennent et qui nous sont chers.

Rencontre avec Carole Fabre (candidate pour la 3ème circonscription de Haute-Garonne), Pierre Mounier et David Dufresne (respectivement candidat et suppléant pour la 15ème circonscription de Paris) que nous connaissions avant qu’ils ne se présentent et qui ont bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions.

Espoir et énergie communicative. À force de pousser de tous les côtés, nous finirons bien par faire bouger les lignes 🙂

Carole Fabre

Bonjour à tous les trois, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Carole Fabre (CF) : Actuellement, je fais du conseil formation autour des usages du web, j’essaie d’amener le partage, la collaboration, la réciprocité, les liens, l’éthique, la responsabilité numérique, que ce soit pour la veille, pour l’identité numérique, pour les médias sociaux, pour le management, etc … Je donne aussi des cours ponctuellement.

David Dufresne (DD) : Punk un jour, punk toujours. Je suis aussi journaliste à l’ancienne, et réalisateur de webdocumentaires. Incapable de tenir une guitare, je pianote sur mon clavier toutes la journée. Ma première connexion remonte à 1994. Je passais par un prestataire américain, CompuServe. On payait en dollars. Et certains mois, la parité franc/dollar jouait de sales tours.

Pierre Mounier (PM) : Je suis professeur de lettres ; je travaille aujourd’hui dans l’édition numérique de sciences humaines et sociales en libre accès.

Qu’est-ce qui, dans votre CV, peut expliquer cet engagement ? Est-ce votre premier pas en politique ? Et dans la vie associative ?

CF : Dès la fin des années 80, j’ai eu un ordinateur personnel et je suis connectée à Internet depuis 1996. J’ai rapidement compris que le numérique allait changer considérablement nos façons de faire et qu’Internet nous ouvrait des voies inédites pour plus de partage et de collaboration.

Petit à petit, il s’est dessiné un chemin nouveau, une autre façon d’envisager les relations humaines, les liens sociaux; la puissance du réseau des réseaux est devenue incontournable. Elle nous a montré une autre voie possible en nous connectant aux autres dans le monde entier, un accès inépuisable aux connaissances, une entraide pour apprendre, l’autonomie pour publier, une voie plus libre, plus responsable !

Mais cette liberté fait peur, surtout à ceux qui dirigent, aux experts, aux enseignants, …, à tous ceux qui pensent avoir autorité sur d’autres. Alors ils reculent et je n’ai pas envie de reculer mais d’avancer. C’est pourquoi j’ai rejoint le Parti Pirate. Je n’avais jamais envisagé avant de rejoindre un parti politique, les trouvant tous à mille lieues des préoccupations essentielles, les regardant fonctionner avec leurs petits pouvoirs, leurs petites visions, leurs fonctions à privilégier.

Non, la politique ce n’était pas pour moi. Mais la virulence qui s’est accentuée, et cela dans le monde entier, contre les libertés acquises, numériques ou pas numériques, a fait que j’ai sauté le pas. Insidieusement, certains tentent de faire d’Internet une simple télévision pour consommateur, certains tentent de surveiller et de punir la liberté d’expression, certains tentent de nous mettre en fichiers, certains tentent d’empêcher le partage. Et toutes ces tentatives ricochent par effet induit dans la vie de tous les jours. Vidéosurveillance, vidéo-protection, fichage biométrique, scanners corporels dans les aéroports, brevetage du vivant … bientôt les marchandises seront plus libres que les humains.

Je ne peux cautionner cela et rester à attendre sans rien faire. La société qui advient est basée sur le numérique, que ce soit la création monétaire, les logiciels boursiers, le vote électronique, …, toute la communication, tous les échanges. Il est temps de décider ce que l’on désire vraiment comme société.

Une autre raison m’a poussée à me porter candidate. Je milite activement depuis 3 ans pour l’instauration d’un revenu de base pour tous. Et le Parti Pirate français le propose en mesure compatible avec le programme national.

DD : Il y a très longtemps, en 2000, l’un de mes livres était intitulé « Flics et Pirates du Net » (écrit avec Florent Latrive)… Autant dire que la question du « piratage » me travaille depuis un certain temps. A dire vrai, depuis 18 ans maintenant, mon travail se partage entre le Net et les questions liées aux libertés (individuelles, collectives).

La nuit, je milite pour un Net ouvert et non marchand; le jour, je réalise des films et écrit des enquêtes sur la police, la justice. Le Parti Pirate rejoint mes deux préoccupations, en quelque sorte. Oui, premier engagement au sens engagement-parti-politique; oui, première carte politique. Pour être franc: je suis le premier étonné, moi qui suis d’ordinaire si réfractaire à toute idée de hiérarchie. Mais le PP est assez foutraque, et plein d’énergie, pour être excitant.


PM : je me suis intéressé aux enjeux politiques et sociaux d’Internet et du numérique à partir de la fin des années 90. J’ai créé un site, Homo Numericus, qui m’a permis d’explorer la révolution numérique dans ses différentes dimensions. J’ai bien vu lors des premières lois qui ont été adoptées sur la sujet qu’il y avait un décalage considérable entre les usages réels des internautes et la manière dont la classe politique traditionnelle considère et prétende réguler ces usages.

J’ai été proche de plusieurs associations de défense des libertés sur Internet et j’ai participé à plusieurs des mobilisations à l’occasion du vote sur ces lois. Et à chaque fois, j’ai été déçu par la faiblesse et le manque de retentissement de ces mobilisations. Tout se passe encore comme si les questions politiques liées au numérique relevaient encore d’un autre monde virtuel sans prise avec la vie réelle. C’est pour cela que j’ai cherché une autre forme d’engagement, qui cherche à prendre pied dans le réel, sur le terrain même des politiques, en établissant un rapport de force, en présentant des candidats aux élections.

Pas n’importe quel engagement : le Parti Pirate. Alors pourquoi lui et pas un autre ? Où se situe son originalité et son espoir ?

CF : Comme une vague générationnelle, le Parti Pirate, présent dans 64 pays, déferle sur le monde ancien. Ce n’est pas un parti enfermé dans ses frontières, il y a quelque chose de beaucoup plus fort, beaucoup plus important que les vaines revendications des autres partis politiques complètement sclérosés, incapables de lever le nez hors de leurs privilèges; Je ressens un souffle de liberté avec le Parti Pirate, d’ailleurs les libertés sont au cœur du programme politique. Liberté, un mot, que l’on a très rarement entendu pendant les présidentielles…

DD : Comme Carole, parce que je crois que le PP peut déferler sur le monde ancien, le bousculer, le hacker et le hâcher menu. Il faudra du temps, il faudra même passer — peut-être ? — par une forme de durcissement du discours, mais c’est jouable. Et plus que tentant. Certains adhérents du PP revendiquent le ni droite ni gauche. Pas moi. Je comprends bien l’idée (« ni droite ni gauche, devant ! »), qui est séduisante sur bien des points, elle reste pour l’heure trop floue. Personnellement, je suis venu au PP pensant y trouver un levier pour hacker la gauche de gauche.

PM : j’ai été conquis par cette idée de démocratie directe qui est au cœur du Parti Pirate. Le Parti Pirate est né de l’Internet. Il en porte la culture politique : horizontal, peu de délégation, ouvert aux contributions de tous, se coordonnant de manière flexible et réactive.

Peut-on vous qualifier de « power user » d’Internet et si oui en quoi cela a pu faciliter le rapprochement avec le Parti Pirate et ses thèmes de prédilection ?

CF : Oui, je dois être « power user », c’est ça 🙂 (voir réponses plus haut)

DD : Je suis Interneto-dépendant, littéralement. C’est affreux, et délicieux. J’imagine que bien des lecteurs du Framablog ressentent la même chose. Ma grande (et bonne) surprise a été de voir, en arrivant au PP, que ce n’était pas, justement, les Internautes Anonymes. Tous les sympathisants ne sont pas forcément des « power users ». On est loin de l’image des réunions de Geeks parfois, et c’est très bien ainsi. Ça montre que le PP fédère large.

PM : Oui, c’est évident. Je travaille avec Internet, je vis sur Internet et je considère le cyberespace comme ma patrie d’adoption. Mais en même temps : n’est-ce pas le cas d’un très grand nombre de personnes ? Ne sommes-nous pas tous des power users ?

La plupart des enquêtes le montrent : les usages des nouvelles technologies sont très répandus et intensifs, souvent sur un mode de communication particulier. Tout le secteur tertiaire travaille en permanence sur ordinateur. Les services de communication en ligne ont des millions d’utilisateurs, les smartphones ont un taux de pénétration considérable.

Ce qui est caractéristique de nos trois profils en revanche, c’est que nous sommes des médiateurs : formateur, journaliste et enseignant. Nous ne sommes donc pas nécessairement plus « geeks » que d’autres, mais je crois que nous sommes dans des positions qui nous amènent à avoir une conscience plus aiguë de ces nouveaux usages et de leurs implications politiques.

La « grande presse » a consacré de nombreux articles à la présence du Parti Pirate lors de ces élections. Est-ce déjà un succès en soi et êtes-vous satisfait de la manière dont les journalistes ont parlé de vous ?

DD : La presse a besoin de nouveauté, et il ne faut pas s’y tromper: l’incroyable couverture récente du PP doit beaucoup à cet aspect des choses. Les résultats de dimanche, bien sûr, seront importants pour la suite que la presse voudra bien accorder, ou non, au PP. L’essentiel est que le nom ait circulé dans les rédactions, que le PP se soit fait une petite place, que nous ayons, par exemple, été repris du Figaro à TF1, du Monde à Europe 1, sur la question du vote par Internet des Français de l’étranger, au point que le Quai d’Orsay se soit senti contraint de nous répliquer. Ou que Marianne, en nous rangeant dans les « farfelus », se soit vu immédiatement contredit sur Twitter.

Malgré le retentissement récent, tout reste à faire. Je pense qu’on peut être plus inventifs, plus percutants, plus pirates. D’autant que nous butons sur un sacré conservatisme de la part des journalistes politiques. Ne pas comprendre que ce qui se joue aujourd’hui d’un point de vue technologique est aussi crucial que les combats écologiques lancés par les Verts est, au mieux, une preuve de cécité de leur part; au pire, une faute professionnelle.

CF : C’est un premier pas. Il est vrai que les succès électoraux en Allemagne nous ouvrent la voie. Localement, c’est assez amusant, la première fois que la Dépêche du Midi nous a cité, ils ont mis PP Parti Populaire… ils n’avaient jamais entendu parler du Parti Pirate !

En général, nous sommes encore trop qualifiés de geeks et d’informaticiens à lunettes, les journaliste ont du mal à voir que nos revendications dépassent largement Internet. Peu signalent par exemple que nous nous engageons à suivre la charte anti-corruption de Anticor. Dès qu’on parle de transparence politique ils sont assez surpris et tentent de nous faire revenir sur le téléchargement 😉

PM : Oui, et je dois avouer que c’est une surprise pour moi. La plupart des mouvements politiques et mouvements sociaux d’un type nouveau traversent une longue période à leurs débuts au cours de laquelle les médias ne leur donnent aucune visibilité et, pire, déforment leur positionnement et leurs propositions. Je trouve que cela n’a pas été trop le cas au cours de cette campagne. J’ai noté beaucoup de curiosité de la part des journalistes qui ont cherché à comprendre sincèrement ce qu’était ce mouvement.

Le meilleur exemple pour moi est l’article d’Yves Eudes dans le Monde qui établit une coupe sociologique objective du mouvement et qui a appris, je crois, beaucoup aux adhérents du Parti Pirate eux-mêmes… Par contre, cet article a été classé dans la rubrique…. Technologies. C’est caractéristique.L’engouement médiatique a beaucoup été le fait des secteurs culture et technologies de la presse, mais n’a pas encore touché le cœur du cœur du système médiatique : les journalistes politiques de la presse nationale qui ne nous ont pas encore repérés dans leur radar.

Le Parti Pirate a été très actif pour dénoncer le vote électronique des français de l’étranger. En quoi est-ce une affaire importante pragmatiquement et symboliquement parlant ?

CF : Encore une fois, nous comprenons et maîtrisons le numérique et savons que le numérique c’est piratable 🙂 … A partir de ce constat, il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Le vote électronique est incontrôlable. Peut-être un jour arriverons nous à sécuriser le vote électronique mais pas actuellement. Au-delà des problèmes techniques et de la non vérification possible par les citoyens, l’ironie est que c’est une entreprise privée d’Espagne qui s’occupe de gérer ce vote …

DD : À mes yeux, cette affaire constitue un enjeu majeur dans le sens où c’est un peu de la démocratie qu’on confisque, avec des dysfonctionnements patents, une privatisation partielle du vote, une opacité réelle. C’est bien parce que nous défendons Internet que nous nous devons de traquer les abus des pouvoirs publics et des sociétés privées. Le vote électronique des français de l’étranger est apparu au fil des jours pour ce qu’il est : un cheval de Troie.

Les Partis Pirates suédois et allemand ont une longueur d’avance. De plus lors des récentes manifestations contre ACTA on a pu voir l’Est de l’Europe beaucoup plus mobilisée que l’Ouest, France incluse. Y a-t-il une raison à cela et n’est-ce pas un indicateur défavorable quant à ces prochaines élections ?

CF : Même si nous parlons beaucoup d’ACTA entre acteurs du numérique sur Internet et que l’on sent tout de même un revirement positif de la situation au niveau européen, le problème est que la plupart des citoyens n’en ont jamais entendu parler ! Il faut expliquer encore et encore. En tout cas ce n’est vraiment pas au cœur des débats des autres partis politiques pour ces élections, que dis-je au cœur, c’est complètement absent. Et oui, c’est défavorable, car le grand public ne comprend pas encore l’importance de ces enjeux.

DD : La France est un pays terriblement passéiste et passablement frileux. Avec un Front National si fort, et une gauche parlementaire qui a si peur de son ombre, tout semble bloqué. Depuis déjà un paquet de temps, et pour longtemps. Nos voisins, moins auto-centrés, ont compris bien avant nous l’importance de la… révolution numérique. Sincèrement, oui, la bataille ne fait que commencer de ce côté_-ci du Rhin. C’est ce qui en fait, aussi, sa beauté: tout est à faire.

PM : Nous sommes un pays technophobe et c’est une malédiction qui nous frappe de manière renouvelée. Beaucoup de gens pensent que la politique s’arrête aux déclarations de principe (le « fétichisme des principes » est une autre de nos malédictions) et ne voient pas du tout comment il peut y avoir des enjeux politiques dans ce qu’ils considèrent comme des « affaires de garagistes » (sic, citation réelle).

Il y a bien une tradition intellectuelle française qui s’intéresse à la chose technique et à ses enjeux sociaux et politiques ; les encyclopédistes, Saint Simon, Simondon, Latour, Serres. Mais elle est isolée et minoritaire, rarement dominante à chacune des époques considérées. Or, c’est un vrai handicap, alors que nous vivons à une époque complètement dominée par des enjeux techno-scientifiques. Peut-on faire évoluer les mentalités et intéresser les français aux enjeux politiques des choix technologiques ? Je pense que la montée en puissance d’un Parti Pirate en France peut y contribuer.

David Dufresne

Cory Doctorow a pu dire qu’il est fondamental de gagner la bataille actuelle contre le copyright car elle fait figure de laboratoire pour les autres batailles à venir entre le citoyen, les multinationales et les états affaiblis. D’accord pas d’accord ?

CF : Entièrement d’accord. Si les droits d’auteur et les brevets ont pu être profitables au XIXème siècle, ils sont maintenant complètement obsolètes. Nous devons repenser tout cela.

Quand on voit que certains tentent maintenant de breveter aussi le vivant … c’est impensable de s’approprier nos biens communs, breveter des gènes humains, des gènes animaux, des gènes de plantes. Quelle société cela préfigure t-il ? Avons-nous envie de tout marquer et de tout jouer en bourse ? Les dégâts sont bien déjà assez suffisants avec le marché des matières premières et des matières alimentaires.

PM : Oui, absolument. La conférence de Cory Doctorow devant le Chaos Computer Club si mes souvenirs sont bons est un moment historique qui a donné un sens politique général a un combat qui pouvait sembler à la fois pointu et un peu secondaire parce que concernant seulement la consommation culturelle.

Le logiciel libre est un des pionniers et un des piliers de la révolution à venir. Délire ou prophétie ?

CF : Prophétie, oui ! Quand on voit que près de 95% des serveurs dans le monde sont sous Unix et non pas sous Windows, nous nous devons de demander pourquoi c’est mieux fabriqué. Et comment ça se fabrique. Là encore, la pédagogie est indispensable, peu de personnes savent.

L’autre jour, je me demandais : « et si on ouvrait les codes de la loi et qu’on puisse les améliorer, et même en faire un fork pour simplifier, repartir sur des bases saines et non pas un empilement où plus personne ne comprend plus rien. » 🙂

Mais sans aller aussi loin, on constate déjà que des initiatives voient le jour dans d’autres domaines que les logiciels : des plans partagés et améliorés de moteur, des systèmes agricoles, des systèmes d’eau potables, etc.

C’est en fait naturel à l’être humain, pouvoir comprendre, contribuer, améliorer, cela s’est toujours fait. La propriété généralisée à toute chose est finalement assez récente dans l’histoire de l’humanité. Si le silex avait été breveté et privatisé, nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui. 🙂 Et la roue, hein, la roue…

DD : C’est moins l’outil libre que sa confection qui importe. Ce que le logiciel libre bouleverse, c’est cette forme de société de contribution qu’il annonce. Cette notion de pot commun, de partage, de désintéressement parfois provisoire, qu’importe. Mais nous avons un effort de pédagogie à mener: seule la communauté du Libre sait de quoi il s’agit. Hors de celle-ci, libre et free, gratuit et open source, sont des notions encore mal comprises et qui semblent vidées de leur caractère politique.

PM : Ni l’un ni l’autre : le logiciel libre est aujourd’hui un des piliers fondamentaux de la révolution en cours (et non à venir). Mais cela implique de devoir résoudre des problèmes que pose ce mouvement continu d’élargissement du « libre » à d’autres secteurs d’activités que la conception logicielle.

Et sur ce chemin, la voie est étroite entre une forme d’intransigeance aristocratique et parfois puriste qui empêche la greffe de prendre d’un côté, et ce qui constituerait une dilution tellement importante qu’on n’y retrouverait plus l’esprit originel de l’autre : logiciel libre, art libre, culture libre, creative commons, libre accès, open data, on a là une galaxie qui témoigne d’une dynamique positive. Cette dynamique ne peut exister que parce qu’une certaine souplesse est permise, mais aussi parce qu’un sens et des limites sont données.

Occupy, Anonymous, Indignados, Wikileaks sont des mots clés qui vous parlent ?

CF : Yep ! Tous ces mouvements dénoncent les opacités, les corruptions qui entachent notre civilisation et chacun à leur manière agit soit par Internet, soit dans la rue. Au Parti Pirate, on attaque par un autre biais, on tente de hacker la politique.

DD : + 1, Carole. Le Parti Pirate est un allié, sincère, de tous ces mouvements. Ils sont le signe du changement réel, d’une prise de conscience à la fois mondiale et citoyenne. Non violente pour certains, intrusives et hors la loi pour d’autres. Le phénomène des casseroles à Montréal s’inscrit aussi dans cet élan. Et ce n’est pas pour rien que les Anonymous ont infiltré les serveurs de la police canadienne dans le même temps ou diffusé des vidéos gênantes sur la collusion médias-politiques.

PM : Oui. Mais je me permets d’insister sur un fait : toutes ces initiatives qui procèdent de mouvements sociaux de fond n’ont pas encore trouvé de débouché politique. Je crois qu’on a tous un peu vécu sur le mythe qu’un pouvoir en place ne peut résister longtemps à des manifestations, occupations, assemblées populaires, mobilisations citoyennes, révélations compromettantes.

L’expérience politique de ces dernières années est que ce n’est pas tout à fait le cas. Et même lorsqu’il y a alternance, cela ne signifie pas nécessairement que les revendications que portent ces mouvements soient mieux représentées. Il y a donc une situation potentielle de danger avec des mouvements sociaux d’un côté qui se développent, bouillonnent, élaborent des propositions, et de l’autre un monde politique qui tourne en rond et continue sa petite musique sans que l’un n’arrive à embrayer sur l’autre.

Je ne dis pas que la Parti Pirate soit aujourd’hui en mesure d’être le débouché politique des ces mouvements. Ce serait très prétentieux et inexact. Mais je pense que c’est la direction dans laquelle nous devons aller. Pour moi, un des enjeux après les élections pour le Parti Pirate est de construire patiemment des liens solides avec ces mouvements, et d’autres, pour nourrir sa réflexion et son programme de l’expertise citoyenne qui s’y développe.

L’Europe semble bloquée par « la crise », une économie financiarisée injuste et incontrôlable et des mouvements identitaires de repli sur soi. Est-ce la bonne période pour « faire de la politique autrement” ?

CF : Plus que jamais, et il y a même urgence, tant que nous avons les moyens. La pauvreté, l’injustice amènent aux révoltes et aux guerres, et après il est beaucoup plus difficile d’agir.

DD : Si nous n’avons pas peur de nous-mêmes, si nous arrivons à nous regrouper autour de thèmes forts et précis, c’est déjà le cas en partie, tout est possible. Justement parce que nous sortons totalement des clivages et des raisonnements classiques, tous porteurs de repli.

PM : PLUS QUE JAMAIS. La crise financière et économique est d’abord une crise de la démocratie. La véritable question est moins de savoir quelles seraient les « bonnes » mesures à prendre que de savoir comment faire en sorte que les mesures qui sont prises soient voulues et soutenues par l’ensemble de la population ; en un mot : légitimes. J’ai écrit un billet à ce propos sur notre site de candidats ; je me permets d’y renvoyer.

Il a été dit que la France sous Sarkozy n’aura pas été spécialement brillante du côté d’Internet et des libertés. Votre avis ? Doit-on penser que vous accordez la même défiance au nouveau gouvernement en vous présentant ou bien est-ce au contraire pour le pousser à mettre en avant les thèmes que vous portez ?

CF : Les deux mon capitaine ! Si on peut interagir, aider à la réflexion tant mieux. Nous verrons bien. Personnellement, je n’ai guère confiance en ce nouveau gouvernement. Même si j’espère qu’il y aura moins de fracture sociale, j’ai bien peur que la notion de liberté et de partage leur échappe. Pierre Lescure, nommé pour la Hadopi, voyons, comment dire … Et que feront-ils des fichiers de citoyens, des caméras de surveillance, de la biométrie ?

DD : Sur la question des libertés individuelles et collectives, il n’y a aucune raison de laisser un blanc seing à la gauche socialiste. La nomination de Manuel Valls à l’Intérieur est assez claire: il n’y aura pas de rupture ou alors à la marge. J’ai en partie rejoint le PP pour travailler sur ces questions et c’est la raison pour laquelle avec Pierre Mounier, nous avons explicitement défendu notre point de vue dans notre profession de foi.


« Exiger que les procédures parlementaires de contrôle de services comme la Direction centrale du renseignement intérieur soient complètes et renforcées. Faire cesser les dérives d’une police politique au service de l’appareil d’Etat. Ouvrir le débat sur la privatisation du Renseignement (officines, mais pas seulement) et le jeu malsain entre « Services » et opérateurs de téléphonie (ex: fadettes, relevés téléphoniques, etc) / FAI. ». J’ai publié dans Le Monde une tribune sur le sujet.

PM : Pour ma part, je ne parlerai pas (encore) de défiance. Plutôt de méfiance. Le candidat devenu président ne s’est pas beaucoup engagé sur la question et il a même été en net retrait par rapport au programme de son propre parti. Les premiers signes qui ont été envoyés, les premières nominations, comme dit Carole, ne sont pas encourageantes. J’ai bien peur que ce gouvernement ait besoin d’un aiguillon qui constitue une menace électorale suffisamment importante pour qu’il se sente concerné par la question d’Internet et des libertés. On aura compris qui pourrait être cet aiguillon…

Vous donnez-vous le moindre objectif chiffré ou bien, comme disait De Coubertin, l’important ici c’est d’abord de participer car ça n’est qu’une première étape ?

CF : Comme Coubertin, c’est un galop d’essai !

DD : Un tour de chauffe, un moyen de s’aguerrir, d’expérimenter, de se compter, d’apprendre à se connaître, à partager, à travailler ensemble.

PM : C’est bien un galop d’essai, mais aussi un peu plus que cela : nous avons gagné une certaine visibilité dans l’espace public, du fait de la campagne électorale (il faut savoir que nous diffusons grâce à cela un spot télévisé visionné par tous les français, c’est absolument énorme comme caisse de résonance). Du coup, si, au moins dans certaines circonscriptions, nous faisons un score non négligeable, voire gênant pour d’autres formations politiques, cela va changer beaucoup de choses pour la suite. Bref, il y a un vrai enjeu en termes de résultats sur cette élection. Cela vaut le coup de se mobiliser.

Une fois les législatives passées, quel sera le prochain rendez-vous et comptez-vous personnellement poursuivre l’aventure avec le Parti Pirate ?

CF : Si le Parti Pirate continue sur la même lancée avec ouverture, transparence, liberté de chacun des membres, oui ! En 2014, il y a les municipales et surtout les européennes. Il devrait y avoir un programme commun européen, et là nous serons bien plus préparés !

DD : Le PP a vu dans ses rangs arriver de plus en plus de quadras et plus. On peut s’attendre à ce que le PP se dote bientôt d’une épine dorsale qui pourrait faire très mal. Connaissance des rapports de force + énergie bouillonnante = formule magique.

La prochaine étape sera donc interne: comment fusionner toutes ces énergies, les fédérer ? Ensuite, il faudra que le PP prenne part à la vie politique de manière constante, pas uniquement lors des échéances électorales. Pour ce qui est de mon implication, tout va dépendre des discussions et des orientations qui seront prises. Pour l’heure, comment dire, c’est bien parti, quelle aventure !

PM : Oui, j’ai très envie de continuer avec le Parti Pirate au delà de l’échéance. Il y a clairement une dynamique, un élargissement de la base militante, des perspectives de pouvoir faire bouger les choses, enfin !

En conclusion, dimanche 10 juin prochain, le « vote utile » c’est le Parti Pirate ?

CF : C’est le vote de ceux qui n’ont pas froid au yeux et qui arrêtent de penser « de toute façon, on ne peut rien faire ». Le Parti Pirate, c’est la reprise en main de la démocratie.

DD : Utile, heu… j’en sais rien. Protestataire et constructif, pirate et novateur, oui, vraiment.

PM : Le seul vote utile est celui qui est au plus proche des convictions de celui qui vote. que chacun s’informe et vote selon ses convictions. C’est tout ce que nous demandons.

Vous pouvez suivre nos trois candidats sur Twitter : Carole Fabre, Pierre Mounier et David Dufresne.

Affiche PP