Al Jazeera, Gaza et la plus libre des licences Creative Commons

BohPhoto - CC byÉvoquer le conflit à Gaza pour ne parler que de licences données à quelques unes de ses vidéos par une chaîne de télévision va peut-être vous choquer mais il n’en demeure pas moins que c’est une grande première dans le monde des grands médias. Il s’agit en l’occurrence de la chaîne Al Jazeera qui vient d’inaugurer un espace vidéo sous licence Creative Commons avec douze de ses récents reportages sur Gaza.

C’est intéressant parce que Al Jazeera est clairement ici la chaîne d’information la mieux à même de nous fournir des images. C’est également intéressant parce que le choix s’est porté sur la plus libre permissive des licences Creative Commons, à savoir la Creative Commons Attribution (ou Paternité) autorisant alors non seulement la diffusion mais également la modification et l’exploitation commerciale des vidéos en question (qui sont proposés au format Flash mais aussi dans un format en haute résolution). On peut bien entendu s’interroger sur ce qui pousse Al Jazeera à souhaiter que ses vidéos se diffusent ainsi largement mais le fait est que ce choix de licence est le meilleur moyen pour y arriver[1].

Al Jazeera inaugure un dépôt d’archives vidéos sous licence Creative Commons

Al Jazeera Launches Creative Commons Repository

Fred Benenson – 13 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

Al Jazeera vient de mettre en ligne douze vidéos de qualité radiodiffusion tournées à Gaza et placées sous la licence Creative Commons Attribution la moins restrictive. Chaque vidéo, enregistrée par des professionnels, est associée à une page de renseignements détaillée et hébergée sur blip.tv, permettant ainsi le téléchargement facile des fichiers originaux et leur intégration dans Miro. Pour se faire une meilleure idée de la valeur de ces images, voici un extrait d’article paru dans l’International Herald Tribune et le New York Times :

« Dans un conflit où il est presque impossible aux médias d’information occidentaux de tourner des reportages dans Gaza à cause des restrictions imposées par l’armée israélienne, Al Jazeera possède un avantage indéniable : elle se trouvait déjà sur place. »

Plus important encore, grâce aux choix d’une licence CC-BY permissive, tout un chacun peut réutiliser ces vidéos, y compris les chaînes concurrentes, les réalisateurs de documentaires et les blogueurs, à la condition d’indiquer qu’elles proviennent d’Al Jazeera.

Vous trouverez de plus amples renseignements sur le dépôt d’archives CC d’Al Jazeera, et dans notre communiqué de presse. Vous pouvez aussi ajouter le dépôt d’archives d’Al Jazeera à vos flux Miro en cliquant ici.

Notes

[1] Crédit photo : BohPhoto (Creative Commons By)




Le fabuleux destin de Windows Vista

Johnsu01 - CC by-saLa campagne BadVista de la Free Software Foundation est close. Initiée au même moment que la sortie de Windows Vista, il s’agissait d’informer et de mettre en garde contre les dangers du nouveau système d’exploitation de Microsoft. Les arguments éthiques ont fait mouche mais reconnaissons que les piètres qualités intrinsèques de Vista ont bien aidé (surtout après une si longue attente). Toujours est-il que les objectifs ayant été atteints, félicitons-nous et passons à autre chose, tel est le résumé de cette nouvelle traduction[1].

Il faut dire que l’échec est retentissant surtout si on le mesure à l’aune des moyens marketings sans précédents mis en œuvre à l’échelle mondiale par Microsoft pour le faire adopter par les utilisateurs (avec la complicité des constructeurs qui voyaient là une manière de vendre de nouvelles machines puisque Vista, à performances égales que XP, nécessitait bien plus de puissance). Je n’ai pas de chiffres exacts mais j’ai comme l’impression qu’en deux ans, le Mac et GNU/Linux ont pour ainsi dire doublé leurs parts de marché (à la louche, les uns passant de 5% à 10% et les autres de 0,5% à 1%). Cela aura également mis en avant le caractère nuisible de la venté liée sans lequel Microsoft n’aurait pu éviter le naufrage. Et ne parlons pas du phénomène des netbooks totalement incapables d’accueillir le mammouth Vista et qui aura rallongé d’autant l’existence de XP à la mort maintes fois programmée et maintes fois repoussée. Soit dit en passant, quelle dommage que l’école française ait fait comme si de rien n’était et n’en ait pas profité pour l’étudier de plus près et en tirer quelques salutaires enseignements comme le rapport Becta le suggérait en Angleterre.

Aujourd’hui sortent à la hâte les premières versions bêtas publiques du prochain système d’exploitation de Microsoft, Windows 7, qui donne un peu le coup de grâce à Vista puisque nombreux vont être les utilisateurs restés sous XP à l’attendre sans passer par la case Vista. Nous verrons bien ce que cela donnera mais nul doute que Vista aura grandement contribué à ce que le colosse Microsoft se découvre encore plus vite que prévu des pieds d’argile.

BadVista : Bref mais intense

Badvista: We hardly knew ye

John Sullivan – 9 janvier 2009 – BadVista.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

Le 15 décembre 2006, la FSF lançait sa campagne BadVista.org pour défendre la liberté des utilisateurs, se dresser contre l’adoption du nouveau système d’exploitation Windows Vista de Microsoft, et promouvoir les alternatives libres. Deux ans plus tard, notre campagne a mobilisé près de 7000 partisans enregistrés, aux yeux du public le nom de Vista est synonyme de fiasco, et aujourd’hui nous déclarons victoire.

À l’instar de Joan Benoit Samuelson, championne olympique de marathon, nous considérons les victoires comme des « jalons le long d’une très longue route ». Nous n’avons pas encore convaincu tous les utilisateurs de Windows, ni même les utilisateurs de Vista, de passer à un système d’exploitation totalement libre tel que gNewSense. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche et de nombreuses bornes à franchir. Néanmoins, la campagne BadVista a été initiée avec des objectifs précis, et tandis que nous y mettons un terme, nous tenons à faire connaître et à célébrer ce que cette campagne et ceux qui l’ont soutenue ont permis d’accomplir.

En premier lieu, nous avons réussi à créer un point d’entrée où les personnes intéressées par Vista pouvaient apprendre l’existence de solutions alternatives libres. Les utilisateurs potentiels de Vista qui tapaient « windows vista » dans un moteur de recherche populaire obtenaient et obtiennent toujours BadVista.org sur la première page de résultats. Par sa tentative de forcer les utilisateurs à abandonner les versions antérieures de Windows pour Vista, Microsoft nous a fourni l’occasion de suggérer aux utilisateurs que s’ils étaient prêts à prendre la peine de changer de système d’exploitation, décision contre laquelle la crainte du changement œuvre souvent, alors ils feraient bien mieux d’opter pour GNU/Linux.

Nous avons ainsi réussi à transformer le pilonnage marketing sans précédent de Microsoft en occasion de faire découvrir le logiciel libre à des milliers de personnes. La preuve en est, sur notre page Free Software Free Society, un appel publié dans le cadre de notre campagne contre Vista qui a été signé par plus de 1600 particuliers, mais aussi par des organisations extérieures au monde du logiciel, tels le Green Party, Friends of the Earth International, People & Planet, New Internationalist et Legambiente.

Nous avons également contribué à dénoncer les restrictions que Vista impose à ses utilisateurs. Dans notre section Vista Watch, nous avons regroupé plus de 250 articles de presse évoquant le nouveau système de Gestion des Restrictions Numériques Digital Restrictions Management de Vista, ses failles de sécurité, ainsi que les multiples problèmes inhérents à son statut de logiciel propriétaire. Outre rassembler ces articles, nous avons joué un rôle de source d’informations aux journalistes qui écrivaient sur Vista, leur fournissant des réponses franches concernant ses restrictions qu’ils n’auraient jamais obtenues de Microsoft.

Les actions menées lors de cette campagne, parmi lesquelles des manifestations dans Times Square à New York et près du Fenway Park à Boston, on contribué a maintenir ces inquiétudes au cœur de l’actualité et à contrer la propagande servie à ceux qui assistaient aux évènements organisés par Microsoft. Grâce aux opérations organisées d’étiquetage que nous avons menées sur Amazon, ceux qui envisageaient d’acquérir une copie de Vista sur ce site ne pouvaient passer à côté des renseignements concernant les restrictions qu’il impose.

Deux ans plus tard, il est évident que Vista a manqué le coche pour bénéficier d’une adoption massive. Particuliers, gouvernements, grandes entreprises, universités et organisations, tous ont massivement fait l’impasse sur Vista, voire carrément abandonné Microsoft. Une étude récente, par exemple, indique un taux d’adoption de 6% seulement par les entreprises. Le fait que Microsoft ait à maintes reprises repoussé la fin de la commercialisation de XP et publie déjà une bêta publique de Windows 7 constitue la preuve irréfutable de l’échec de Vista. Pour les entreprises qui ont adopté Vista, elles l’ont souvent fait contraintes par des contrats de support coercitifs imposés par Microsoft. Il va falloir du temps aux utilisateurs pour se libérer de ces accords, et c’est un aspect de notre mission à long terme que de les y aider.

Merci à tous pour avoir fait de cette campagne un succès. Nous retirons à présent le site du Web et mettons un terme à cette campagne pour consacrer nos efforts et nos ressources à de nouvelles campagnes qui nous permettront d’atteindre les prochains jalons sur la route menant à un monde où tout un chacun pourra choisir sans risque le logiciel libre. Galvanisés par cette réussite, nous aurons besoin que vous continuiez à nous prêter votre énergie et votre créativité afin que nous puissions ensemble empêcher les logiciels propriétaires d’empiéter sur nos libertés. BadVista.org aura non seulement permis de faire avancer cette cause mais également permis de mesurer nos forces pour les actions à venir.

Notes

[1] Crédit photo : Johnsu01 (Creative Commons By-Sa)




Libérons le matériel informatique : la lutte continue…

Bohman - CC byNous savons tous que le plus gros frein à une adoption plus importante des systèmes GNU/Linux, c’est l’incompatibilité matérielle. Qui en effet n’a pas rencontré de problèmes de pilotes ou cherché des heures sur les forums pour faire fonctionner sa webcam ? Comment convaincre facilement quelqu’un de passer à Linux tout en devant le prévenir que tout ne fonctionnera peut-être pas sur sa machine[1] ? Pas forcément évident.


Certes, de grandes avancées ont été accomplies dans le monde du libre, comme l’évoque la FSF dans son appel pour 2009, et bon nombre de machines et périphériques tournent aujourd’hui à merveille sous GNU/Linux, d’une part grâce aux efforts de la communauté pour créer des pilotes, et d’autre part grâce aux fabricants qui en fournissent plus volontiers pour les systèmes Linux.

Hélas, trop nombreux sont ceux qui ne proposent pas de pilotes libres et ouverts. Une des priorités établies par la FSF pour 2009 est d’ailleurs l’obtention de pilotes libres pour les routeurs. Rappelons au passage que c’est d’une histoire de pilote d’imprimante que tout est parti.

Même s’il peut être séduisant d’avoir des pilotes et des programmes propriétaires portés sous Linux, qui permettent de bénéficier d’une bonne prise en charge de notre matériel ou d’applications Web à grand succès, cela ne résoud pas les problèmes inhérents aux programmes dont le code n’est pas accessible, puisqu’on ne peut ni l’améliorer, ni l’adapter à ses besoins, ni l’examiner pour éviter les mauvaises surprises (côté applications, on pense à Skype, qui a le fâcheux réflexe d’aller fouiner dans vos données personnelles… et ô surprise, développer un logiciel de remplacement pour Skype est la troisième des priorités de la FSF).

Alors pour illustrer la question, voici un article dénonçant la politique de Nvidia, qui refuse de publier des pilotes ouverts pour ses cartes graphiques, contrairement à ATI, qui le fait depuis son rachat par AMD.

PS : Merci à Antistress pour le lien concernant les pratiques douteuses de Skype.

Nvidia dit non aux pilotes de périphérique libres, je dis non à Nvidia

Nvidia says no to free drivers, I say no to Nvidia

Libervisco – 27 juin 2008 – Nuxified
(Traduction Framalang : Siltaar, Olivier et Don Rico)

Les développeurs du noyau Linux ont plébiscité une motion signée par une centaine de développeurs indiquant qu’ils considèrent les modules non-libres du noyau comme indésirables et dangereux. Comme ils l’expliquent « de tels modules vont à l’encontre de l’ouverture, de la stabilité, de la flexibilité et de la maintenabilité du modèle de développement de Linux et coupent leurs utilisateurs de l’expertise de la communauté de Linux. Les fabricants qui fournissent des modules de noyau à source-fermée forcent leurs clients à abandonner certains avantages clés de Linux ou à choisir de nouveaux fabricants. »

Ils sont allés jusqu’à critiquer spécifiquement Nvidia, qui ne fournit pas de pilotes de périphériques libres. Nvidia a répondu. Ils s’y refusent car, comme ils le disent, les pilotes contiennent « une propriété intellectuelle qu’Nvidia souhaite protéger », et ont de plus expliqué qu’ils fournissent déjà d’excellents services pour Linux, qu’ils ont une équipe chargée de la conception du pilote non-libre, essayant en fait de nous faire croire qu’ils proposent déjà à leurs clients sous GNU/Linux une offre honnête.

Donc mettons les choses au clair : quelle est cette offre ? Vous achetez une carte graphique, obtenez un CD de pilotes qui contient, ou non, une version Linux des pilotes (si c’est non, vous devez vous rendre sur leur site Web pour les télécharger), puis vous les installez et ça marche. Ça a l’air bien, non ? Et si vous pouviez faire mieux ? Et si vous étiez un programmeur qui souhaite améliorer un aspect particulier du pilote ? Ça vous est impossible. Donc, la question qui se pose est : possédez-vous vraiment et entièrement la carte que vous avez achetée ? Peut-être. Mais qu’en est-il de ce truc qui la fait fonctionner, ce truc qui lui fait faire ce pour quoi vous l’avez achetée ?

Eh bien, visiblement, ça ne vous appartient pas. Vous avez tout juste le droit de l’utiliser tel quel, et c’est bien le problème. Si vous pensez que quelque chose ne fonctionne pas à cause d’un bogue dans le pilote, non, vous ne pouvez pas le réparer. Vous ne pouvez que contacter leur super service après-vente et les supplier d’y remédier.

En résumé, l’offre c’est donc : vous achetez une carte, mais la seule façon de l’utiliser c’est de louer un pilote auquel vous n’avez qu’un accès incomplet, rendant ainsi votre fructueuse utilisation de la carte constamment dépendante de Nvidia et limitant évidemment de ce fait le contrôle que vous devriez avoir en tant que supposé propriétaire.

Qui leur donne le droit d’imposer de telles pratiques ? Eh bien, pour être franc, c’est vous, tant que vous achetez la carte. J’ai dit dans mon dernier post ici même que je ne considérais plus forcément leur proposition (répugnante) comme une offre immorale, mais la question est de savoir si vous êtes prêt à l’accepter ? Estimez-vous qu’acheter un produit et en obtenir un contrôle limité constitue une offre honnête à vos yeux ?

C’est une question à laquelle chacun doit répondre pour lui-même. De mon point de vue, alors que je projetais d’acheter une Nvidia, vu que le projet de rétro-conception « nouveau » semble avancer à bonne allure, je pense désormais (avec une certaine rancœur) y renoncer. AMD participe au développement d’un pilote libre pour ses cartes récentes, c’est donc par conséquent la voie à suivre.

Conclusion : Nvidia, vous dites non aux pilotes libres, alors je vous dis non. Pas mal, non ? Peut être que si suffisamment d’acheteurs agissaient de la sorte, la précieuse « propriété intellectuelle » d’Nvidia deviendrait subitement superficielle (cette « propriété » étant la recette qui fait fonctionner MA carte ! (si tant est que je l’achète)) Merci.

Notes

[1] Crédit photo : Bohman (Creative Commons By)




De l’évidence du choix Microsoft à l’Éducation Nationale

Outre la question des formats, le problème avec les sites de vidéos en ligne c’est qu’on ne sait jamais trop bien d’où provient la ressource et sous quelle licence est autorisée la diffusion (quand elle est autorisée !). Toujours est-il que je suis tombé sur une vidéo qui s’apparente fort à un reportage de promotion interne de Microsoft dans le secteur éducatif.

La société nous présente là en effet sa solution ENT-E dans le cadre des Espaces numériques de travail (ENT) qui commencent à se déployer un peu partout dans les académies.

Il y a aurait beaucoup à dire sur ces ENT, à commencer par rappeler qu’on en parle depuis plus de cinq ans, mais ce sera l’objet d’un futur billet. En attendait je vous laisse juge de la manière dont Sylvain Geron, Manager Éducation et Recherche chez Microsoft France, nous vend le sien :

Concrètement l’ENT-E c’est un portail web qui permet au chef d’établissement, à l’élève, à ses parents d’échanger entre eux des contenus. Par exemple le professeur peut mettre des contenus relatifs à un TP sur internet, l’élève peut les préparer depuis chez lui, peut poser des questions, le parent peut suivre le travail de l’élève, regarder ses notes… Le chef d’établissement peut faire des statistiques sur les notes ou vérifier les taux de présence des différents élèves dans l’établissement. Finalement l’ENT-E permet à toutes ses catégories de personnes de se retrouver ensemble autour de l’élève sur internet.

Puis une voix off qui tourne brillamment autour du pot du logiciel libre :

Microsoft propose aux collectivités territoriales une solution adaptée à leurs besoins grâce à un code spécifiquement développé pour créer un ENT. La preuve en est la mise à disposition gratuite de ce code spécifique, la possibilité de modification et de distribution dans les académies.

Et Sylvain Geron d’ajouter :

L’ENT-E s’appuie sous le code qui a été développé sur des briques de bases des produits Microsoft, et bien évidemment plus de gens utiliseront l’ENT-E plus les produits Microsoft sous-jacents seront utilisés.

Cela va sans dire mais cette franchise vous honore…

Mais ce qui a provoqué la rédaction de ce billet c’est l’ultime intervention que nous devons à Claudine Colomina, conseillère pour les TIC à l’académie de Montpellier, qui répondait visiblement à la question du choix Microsoft :

Pourquoi Microsoft ? Heu… Le problème ne s’est… on en a souvent discuté… le problème ne s’est absolument pas posé dans l’Académie. Il était évident que l’on voulait travailler sur des outils pérennes, sur du solide, que nous n’avions pas d’équipes de développement qui nous permettaient de travailler sur du libre par exemple, qu’il fallait un suivi dans toutes les activités, dans tout ce que l’on allait construire. Et il n’a jamais été question d’envisager un autre partenariat qu’avec Microsoft pour ce faire.

Et voici enfin la vidéo dont il est question dans tout ce billet :

Si un enseignant initié de Montpellier (ou d’ailleurs) passe par là, nous le remercions par avance des précisions qu’il pourrait apporter, parce que cette histoire « d’équipes de développement permettant ou non de travailler sur du libre » ne me semble pas très claire…

Edit du lundi 12 janvier : « L’initié » est bien intervenu en la personne de Benjamin Clerc qui précise dans les commentaires : « Je suis dans l’académie de Montpellier, chargé de mission à la Matice. Cette vidéo date … Mme Colomina est à la retraite depuis plus d’un an et c’est bien une solution libre qui a été retenue dans l’académie de Montpellier (en relation avec les académies de Bordeaux, Orléans et Lille), basée sur e-sup portal. »




En 2009 avec la Free Software Foundation

Angela7dreams - CC byCertains critiquent leur radicalité, d’autres les admirent pour cela. Quoi qu’il en soit, nous sommes de ceux qui pensent que la situation actuelle du logiciel libre doit beaucoup au travail de la Free Software Foundation et de son président Richard Stallman.

C’est pourquoi nous avons choisi de traduire et relayer leur récent appel à soutien dans un article qui en profite pour faire le point sur de nombreuses actions passées et à venir (DRM, Vista, formats OGG et ODF, brevets, matériels…) qui sont autant de témoignages du dynamisme et du volontarisme de la fondation[1].

La Grande offensive 2009 – Appel de la Free Software Foundation

The Big Push 2009 – Free Software Foundation Appeal

Peter T. Brown – 14 décembre 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Olivier)

Chers partisans du Logiciel Libre,

Notre communauté a accompli d’immenses avancées en créant des outils qui favorisent la communication et la liberté, et qui influent en profondeur sur la vie de tout un chacun. Le logiciel libre est devenu un modèle démontrant que notre société peut avancer de façon collaborative et, parmi ceux qui défendent ces idéaux, les membres de notre communauté sont à la pointe de la lutte.

La revendication, la diplomatie et l’éducation représentent une composante essentielle du travail qu’effectue la Free Software Foundation pour la communauté, mais afin d’ouvrir la voie à une adoption plus large du logiciel libre, notre œuvre doit aussi dépasser les frontières de cette seule communauté. Nous parvenons à toucher un public plus large grâce à des campagnes d’envergure touchant aux questions éthiques associées à nos préoccupations, telles que Defective by Design, campagne visant à faire disparaître les DRM, qui a eu une grande portée sur la perception qu’a le public des verrous numériques appliqués à la musique, aux jeux, aux livres électroniques et aux vidéos. Par ailleurs, tandis qu’applications Internet et autres services en ligne gagnent en popularité et en commodité, nous œuvrons pour qu’on n’impose pas aux utilisateurs de l’outil informatique d’abandonner leur liberté afin d’en bénéficier. La publication de notre licence GNU Affero General Public Licence (AGPL) et les pourparlers que nous menons actuellement avec le groupe autonomo.us constituent des fondations solides pour aborder cette question et aider la communauté à développer davantage d’alternatives libres pour le bien de la société.

La communauté du logiciel libre doit aujourd’hui se pencher sur de nombreuses problématiques : votre employeur ou votre établissement scolaire exige-t-il de vous que vous utilisiez des logiciels Microsoft ? Exige-t-on de vous l’utilisation de formats propriétaires lors de vos échanges avec votre banque ou certaines administrations ? Forme-t-on vos enfants à l’utilisation de produits Microsoft ou Apple au lieu de leur apprendre à avoir le contrôle de leur ordinateur ?

En tant que défenseurs du logiciel libre, nous pouvons bousculer ce statu quo et contester l’argument fallacieux voulant qu’il soit plus commode d’utiliser les outils intrusifs des entreprises de logiciel propriétaire, car nos chances d’obtenir de grands changements n’ont jamais été meilleures :

La Free Software Foundation, dans le cadre de sa campagne End Software Patents (ESP) (NdT : Non aux brevets logiciels) a remis un dossier d’amicus curiae à la cour d’appel du Tribunal Fédéral des États-Unis (CAFC) lors de son audience en banc dans l’affaire Bilski, au terme de laquelle le jugement Bilski a battu en brèche, voire rendu techniquement nul, le jugement State Street qui en 1998 avait ouvert les vannes de la brevetabilité des logiciels et des idées commerciales. Les légions de brevets logiciels utilisés pour menacer les développeurs qui écrivent des logiciels destinés aux distributions GNU/Linux fonctionnant sur les ordinateurs personnels ont, en théorie, été balayées. Le jugement Bilski représente sans nul doute une percée capitale pour le logiciel libre et une victoire pour notre campagne, et grâce à ce jugement nous sommes en mesure de réduire les menaces auxquelles sont confrontées les institutions qui envisagent de passer au logiciel libre.

Des distributions 100% libres, telle la distribution gNewSense, soutenue par la FSF, sont désormais opérationnelles, ce qui semblait hors d’atteinte il y a quelques années à peine. Grâce au travail que nous avons accompli en 2008 auprès de SGI, on peut enfin bénéficier de l’accélération graphique 3D avec des logiciels libres et gNewSense.

Après la mise à jour de notre liste de projets prioritaires, il ressort que le nombre de logiciels propriétaires pour lesquels il n’existe pour l’instant pas de solution de remplacement libre et pour lesquels les utilisateurs estiment qu’on leur force la main se réduit. Une nouvelle preuve si elle était nécessaire que nous attaquons ce problème sur tous les fronts.

Des fabricants de matériel favorables au logiciel libre nous ont offert le premier smartphone sous logiciel libre, le Neo FreeRunner. Le projet OLPC, quant à lui, a débouché sur la création du premier ordinateur portable tournant sous logiciel libre, le XO, lequel a rapidement crée un marché pour les ultraportables à bas prix, marché sur lequel les contraintes économiques ont fait de GNU/Linux une solution incontournable. Depuis quelques mois, les administrateurs système de la FSF travaillent sur le prochain portable Lemote, machine adaptée aux logiciels libres qu’utilise Richard Stallman et qui, nous l’espérons, sera bientôt largement disponible dans le commerce. La possibilité d’acheter du matériel adapté au logiciel libre n’a jamais été aussi grande.

La FSF ne cesse de mener des campagnes pour promouvoir les formats et les standards libres et ouverts. Notre campagne en faveur des codecs audio et vidéo libres porte ses fruits, et le navigateur de Mozilla, Firefox, prendra bientôt nativement en charge le format Ogg, nous offrant ainsi une possibilité sans précédent de promouvoir les codecs libres. Notre action en association avec de nombreux partenaires en faveur du format OpenDocument (ODF) et contre l’OOXML de Microsoft a été couronnée de succès, de nombreux pays ayant adopté des politiques pro-ODF.

Nous avons fêté en 2008 le 25ème anniversaire du projet GNU, avec une vidéo du comédien britannique Stephen Fry qui a fait un tabac. Stephen Fry y fournit un rappel salutaire de notre conception alternative de la technologie, selon laquelle on ne troque pas sa liberté contre une certaine commodité mais on soutient au contraire le développement d’outils qui rendent la société meilleure. Plus d’un million de personnes ont visionné ce film, traduit en 32 langues.

Mises bout à bout, ces percées sont importantes car elles nous donnent l’occasion d’écarter les arguments de ceux qui avancent un soi-disant côté pratique pour promouvoir les outils intrusifs des sociétés à visées monopolistiques, et de soulever des questions vitales auprès de nos employeurs. Pourquoi utilisons-nous ce logiciel propriétaire qui nous rend dépendants de cette entreprise alors que nous pourrions utiliser des logiciels libres qui nous rendraient la maîtrise de nos outils ? Ces avancées nous permettent d’exiger des administrations qu’elles fonctionnent avec des outils ouverts. Pourquoi les administrations de mon pays me forcent-elles à acquérir le logiciel d’une entreprise commerciale alors qu’il existe des formats ouverts fonctionnant avec des logiciels libres ? Et pourquoi tel ou tel établissement scolaire accepte-t-il qu’une entreprise commerciale lui offre des logiciels propriétaires qui mettent des chaînes à l’éducation de mes enfants au lieu d’utiliser des logiciels libres qui leur donneraient la possibilité d’avoir la maîtrise de la technologie dont ils se servent pour apprendre ?

Soutenez dès à présent notre grande offensive pour porter ces questions au premier plan en 2009.
Devenez membre ou faites un don.

Cordialement,

Peter T. Brown
Directeur exécutif de la Free Software Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Angela7dreams (Creative Commons By)




Vivre libre ou mourir, ou s’adapter pour survivre ?

Wili Hybrid - CC byQuand un petit malin demande à Richard Stallman ce qu’il pense de la piraterie, on peut s’attendre à une réponse bien sentie… et on aura raison ! Avec l’humour qu’on lui connaît, Stallman en profite pour dénoncer les licences restrictives, les pratiques intrusives des éditeurs de logiciels propriétaires (ou comme il se plaît à les appeler, "privateurs"), et l’amalgame entre partage et vol.

Mais la question, plus vaste, que pose cet article du Deccan Herald, est celle du rapport entre logiciel libre et logiciel propriétaire, et de l’opposition entre deux conceptions assez opposées. À l’avis tranché de Stallman (rejet pur et simple des logiciels propriétaires), s’oppose celui de Jimmy Wales, créateur de Wikipédia, selon qui l’un doit se nourrir de l’autre.[1]

Alors, refus de tout compromis ou adaptation pour la survie de l’espèce, tel est le sujet de réflexion que nous vous proposons avec cette traduction signée Framalang.

Darwinien ou marxiste ?

Darwinian or Marxist

L. Subramani – 17 décembre 2008 – Deccan Herald
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico et Olivier)

Que pensez-vous de la piraterie ? Richard Stallman, considéré comme le père du mouvement pour le logiciel libre, a donné à cette question une réponse amusante et qui donne à réfléchir. « La piraterie, » a déclaré Stallman lors d’une conférence à Bangalore au mois de décembre 2008, « c’est très mal, parce que c’est mal de s’attaquer à des bateaux en mer. »

Comme la personne qui l’interrogeait était tenace et précisait que la question portait sur la piraterie dans le sens de piratage de logiciels et de musique, Stallman a donné une réponse meilleure encore : « Les pirates ne s’attaquent jamais à des navires avec des logiciels et de la musique, mais avec des canons. »

D’après Stallman, le piratage est un des termes inventés pour attaquer la liberté et la « solidarité d’une communauté », et ce terme doit être rejeté. « Rompre un accord n’est pas correct, mais si un distributeur de logiciels assimile votre désir de partager ce que vous aimez avec vos amis à l’attaque d’un navire, cette idée mérite d’être dénoncée. » a-t-il déclaré, sous les applaudissements de l’assistance.

Sans nul doute, l’idée de logiciel « libre » invite à concevoir le développement et la distribution de logiciel du point de vue de l’utilisateur. La liberté d’utiliser le code, d’en étudier la source, de la modifier, de la partager, d’en distribuer des copies à d’autres, voilà qui s’adresse à l’utilisateur. Mais dans quelle mesure de telles libertés peuvent-elles être exigées dans une ère dominée par les marques déposées et les technologies « juteuses », voilà une question toujours en suspens après tous les arguments convaincants donnés çà et là.

En fait, Stallman lui-même n’a rien contre l’idée de faire du profit en vendant des logiciels, mais il veut que ceux qui développent et distribuent ces produits s’en tiennent rigoureusement à cet ensemble de « libertés ». Il est possible qu’il ait raison de prétendre que les gens sont tellement préoccupés d’acheter ce qui peut tourner sur leur machine qu’ils en oublient leurs droits. Mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment condamnable que des vendeurs de produits surveillent le système de leurs clients pour s’efforcer de mieux les satisfaire ou pour les empêcher de distribuer leur copie – ce qui est le seul moyen dont ils disposent pour s’assurer de la vente du logiciel.

Comme le fait remarquer Stallman lui-même, on ne se soucie que trop rarement des implications de la licence d’un logiciel. Jusqu’à une période assez récente, beaucoup ne se préoccupaient pas, lorsqu’ils revendaient leur vieux PC, de ce qu’ils risquaient en négligeant d’effacer toutes leurs données personnelles de disque dur. Les experts ont souvent signalé les dangers encourus en signant la « politique de confidentialité » des services en ligne sans la lire vraiment. Mais devrions-nous être « radicaux » dans notre réaction, comme le suggère Stallman, au point de rejeter les logiciels propriétaires et de nous abandonner corps et âme au logiciel libre ? La réponse est venue le même soir de Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, la plus grande base de connaissance au monde. Wales a élaboré la meilleure application pratique des idées de Stallman en faisant de Wikipedia une plateforme ouverte pour créer, partager et modifier des contenus.

Bien que Wales admette être tout à fait « Stallmanien » dans ses convictions, il reconnaît être moins radical dans le développement d’un système d’accès au savoir en ligne qui comporte des contenus en plus de 200 langues, et rivalise avec de très puissantes institutions comme l’Encyclopædia Britannica.
« Le logiciel libre est une façon de concevoir la création et la distribution de contenu », déclare Wales. « Il existe souvent une tension entre les deux modèles (le libre et le propriétaire). Nous ne pouvons concevoir, par exemple, qu’un individu seul puisse créer un système de logiciels qui serait vendu des millions de dollars. C’est aussi absurde que de croire que de grands distributeurs vont créer des logiciels complètement Open Source. Donc d’une manière ou d’une autre ils doivent apprendre à co-exister. »

Et il existe des raisons de penser que les modèles du logiciel libre et celui du logiciel propriétaire peuvent co-exister. Il est difficile, par exemple, de rejeter l’argument de Stallman suivant lequel l’enseignement dispensé aux enfants à l’école devraient s’appuyer sur les logiciels libres de telle manière qu’ils ne soient pas excessivement dépendants d’un seul système propriétaire.
De la même façon qu’ils apprennent ce que sont les feuilles des plantes en les observant de près, ils peuvent apprendre le fonctionnement d’un logiciel en étudiant son code source, ce qui est possible avec un logiciel libre.

Mais il est aussi difficile de concevoir le développement de logiciels sans un modèle propriétaire. Une solution serait qu’une majorité d’utilisateurs insistent auprès des fabricants de logiciels pour qu’ils soient moins intrusifs. Stallman prétend que les entreprises commerciales devraient faire plus que protéger leurs propres intérêts.

« Les entreprises commerciales doivent fournir des produits utiles aux utilisateurs sans les tenir en otage au moyen de pratiques inacceptables », dit Stallman. « Aujourd’hui, les logiciels installent des programmes espions pour savoir ce que fait l’utilisateur, et les fabricants contraignent les usagers à créer du contenu avec leurs programmes, au lieu de leur vendre une copie de leur logiciel. De telles pratiques compromettent les droits de l’utilisateur, et nous devons insister auprès des fabricants pour qu’ils soient au contraire respectés. » À quel point les fabricants seront-ils réceptifs à ces propos, voilà ce que tout le monde se demande.

Notes

[1] Crédit photo : Wili Hybrid (Creative Commons By)




Quand l’album de Nine Inch Nails bouscule toute l’industrie musicale

Notsogoodphotography - CC byOn risque d’en parler longtemps. Imaginez-vous en effet un album de musique sous licence Creative Commons, disponible gratuitement et légalement sur tous les sites de partage de fichiers, et qui arrive pourtant en tête de meilleurs ventes 2008 sur la très fréquentée plate-forme de vente en ligne Amazon !

Voilà une nouvelle qui fait du bien et qui va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues véhiculées notamment par certaines pontes de l’industrie culturelle (et leurs amis politiques). Une véritable petite bombe en fait, surtout en temps de crise. Les mentalités et les comportements évoluent et cela bénéficie indirectement aux logiciels libres qui sont « gratuits » ou « payants » selon que vous décidez ou non de soutenir le logiciel libre considéré[1].

Nine Inch Nails : l’album MP3 sous licence Creative Commons s’est vendu comme des petits pains

NIN’s CC-Licensed Best-Selling MP3 Album

Fred Benenson – 5 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

L’album de Nine Inch Nails (NIN) diffusé sous licence Creative Commons, Ghosts I-IV, a fait un bon nombre de gros titres.

Pour commencer, l’opus a été salué par la critique et récompensé par deux nominations aux Grammy Awards, ce qui atteste la qualité musicale de cette œuvre. Mais ce qui nous emballe vraiment, c’est le formidable accueil qu’a reçu cet album chez les adeptes de musique. En plus d’avoir généré plus d’un 1,6 million de dollars de gains pour Nine Inch Nails dès la première semaine et d’avoir atteint la première place du classement de Billboard dans la catégorie musique électronique, Ghosts I-IV figure à la quatrième place des albums les plus écoutés de 2008 sur Last.fm, fort de 5 222 525 écoutes.

Mais le plus enthousiasmant, c’est que Ghosts I-IV a été l’album MP3 le plus vendu en 2008 sur la plateforme de téléchargements de MP3 d’Amazon.

Songez un peu à ce que ça signifie.

Les fans de NIN auraient pu utiliser n’importe quel réseau de partage de fichiers pour télécharger légalement l’album entier, puisqu’il est sous licence Creative Commons BY-NC-SA. Beaucoup l’on d’ailleurs fait, et des milliers continueront à le faire. Alors pourquoi les fans prendraient-ils la peine de payer des fichiers identiques à ceux qui sont disponibles sur les réseaux P2P ? On peut d’abord l’expliquer la facilité d’accès et d’utilisation des pages de téléchargements de NIN et d’Amazon. Mais il y a aussi le fait que les fans ont compris qu’acheter des fichers MP3 allait directement profiter à la musique et à la carrière d’un groupe qu’ils apprécient.

La prochaine fois qu’on tentera de vous convaincre que produire de la musique sous licence Creative Commons entamerait les ventes de musique numérique, souvenez-vous que Ghosts I-IV a prouvé le contraire, et soumettez cet article à votre interlocuteur.

Notes

[1] Crédit photo : Notsogoodphotography (Creative Commons By)




Licences Creative Commons, reprise des débats !

Kevindooley - CC byDans un billet précédent, aKa constatait que les utilisateurs des licences Creative Commons (ou CC) optaient dans leur grande majorité pour les clauses les plus restrictives qu’elles proposent.

C’est justement le cas de Ryan Cartwright, auteur régulier de billets sur le Free Software Magazine (FSM), surtout connu pour The Bizarre Cathedral, sa série de comic strips ayant pour sujet le monde de GNU/Linux et des logiciels libres. Cartwright a choisi de publier ses vignettes sous la licence CC BY-NC-SA, c’est-à-dire en bon français Attribution / Pas d’utilisation commerciale / Partage à l’identique[1].

Certains ont reproché ce choix à Cartwright, avançant que ces clauses restrictives allaient à l’encontre de l’esprit du logiciel libre et de ses quatre libertés. Dans un billet publié sur le FSM, dont nous vous proposons la traduction, Cartwright a répondu à ces critiques et justifié son choix, expliquant que selon lui des licences adaptées au code et aux logiciels ne pouvaient pas forcément s’appliquer à des œuvres de création, et que ces clauses permettaient surtout de protéger « l’utilisateur final », dans ce contexte le lecteur de The Bizarre Cathedral.

En bonus, je vous livre une traduction à la volée d’une précision sur les arguments de Cartwright publiée sur le site des Creative Commons par Rob Myers (dessinateur, auteur et bidouilleur membre de la FSF et du CC Network) :

Définir la clause SA comme une restriction comparable à la clause NC est une rengaine à la mode, mais erronée. Cartwright en convient mais finit tout de même par écrire que les deux clauses reviennent au même.
Ce n’est pas de la perspicacité, c’est un vieux bobard éculé. La clause SA empêche que soient ajoutées plus tard des restrictions supplémentaires, et la clause NC est une restriction supplémentaire. Qu’y a-t-il de difficile à comprendre ?

Pourquoi la licence de The Bizarre Cathedral est-elle « non libre » ?

Why is the Bizarre Cathedral Licence "Non-Free"

Ryan Cartwright – 21 octobre 2008 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Joan, Don Rico et Olivier)

Depuis plusieurs semaines je crée les petites bandes dessinées The Bizarre Cathedral pour le magazine Free Software Magazine. Chacun d’entre eux est mis à disposition sous une licence Creative Commons BY-NC-SA : Paternité – Pas d’utilisation commerciale – Partage des conditions initiales à l’identique. J’ai récemment reçu quelques mails arguant du fait que c’est une licence « non-libre » et remettant en question l’usage que j’en fais ici. Certains de ces mails sont très polis, d’autres m’ont demandé de changer immédiatement la licence (sous-entendu « ou sinon… »). Je ne vais pas modifier la licence, et voici pourquoi.

Les quatre libertés s’appliquent au logiciel, pas à l’art

Les quatre libertés ne peuvent s’appliquer aux travaux créatifs – et particulièrement à quelque chose comme une bande dessinée. Il n’y a pas de code source que les utilisateurs pourraient étudier et modifier. Le copyleft par contre peut s’appliquer aux projets artistiques et les licences Creative Commons sont la forme la plus courante de licences copyleft appliquées à des œuvres artistiques. La FSF (à laquelle la plupart de mes correspondants semblent faire référence dans leurs arguments) indique que les licences Creative Commons sont incompatibles avec la GNU GPL ou la GNU FDL.

Chacun de ceux qui m’ont écrit à propos du choix de la licence pense que le problème réside dans la clause « Pas d’utilisation commerciale » (NC). Apparemment je passe du côté « non-libre » en stipulant aux lecteurs qu’ils ne doivent pas vendre mes travaux. Ce que je ne comprends pas, c’est comment les clauses « Partage des conditions initiales à l’identique » et « Paternité » sont plus libres. En 2004, quand le projet Xfree86 – serveur graphique X-Window – à l’époque omniprésent – a ajouté une nouvelle clause à sa licence indiquant qu’une mention de paternité dans le code ne pouvait être retirée, la communauté du logiciel libre s’est mise en action. Il me semble me souvenir que « scandale » était un mot très en vogue à l’époque. Le projet (libre) X.Org fit un fork et devint le serveur de choix. Pourquoi donc une clause de paternité est-elle libre dans le monde de l’art mais pas dans celui du logiciel ?

Tant qu’on y est, la clause « Partage des conditions initiales à l’identique » ne restreint-elle pas également la liberté ? Ne devrait-on pas avoir le droit de distribuer The Bizarre Cathedral sous la licence de son choix ? Certains clament que la licence GNU-GPL n’est pas vraiment libre car le copyleft restreint la liberté des utilisateurs à redistribuer le logiciel. La même chose peut s’appliquer aux licences CC.

Au bout du compte, la recherche de la liberté absolue pour une licence débouche sur une seule conclusion : pas de licence ou domaine public. « Faites-en ce que vous voulez », tel est le message des travaux du domaine public.

Pourquoi j’utilise cette licence « non-libre »

Il existe parfois de bonnes raisons de limiter les libertés de certains pour assurer une plus grande liberté pour tous. C’est la raison pour laquelle on met les assassins en prison – leur liberté est réduite pour assurer au plus grand nombre la liberté de vivre sans être assassiné (en tous cas, c’est la théorie). Le copyleft procède de la même logique, en réduisant certaines libertés lors de la redistribution, il assure une plus grande liberté pour les utilisateurs finaux. C’est pourquoi j’ai choisi la licence CC BY-NC-SA pour The Bizarre Cathedral.

  • BY car je souhaite que les personnes qui obtiennent un seul épisode puissent venir apprécier les autres ici, à FSM.
  • SA car je souhaite que tout le monde ait le même accès aux comic strips.
  • NC car je souhaite que les gens puissent les apprécier sans aucune dépense. Je suis payé pour les faire, donc je veux qu’ils puissent être appréciés sans coût.

Pour préciser davantage mon sentiment sur la clause NC, je ne suis pas foncièrement opposé à la revente de mes travaux, mais par le passé j’ai découvert que certains se les appropriaient et en demandaient des sommes indécentes. Cela a réduit la portée et l’impact du projet. Plus jamais ça. Les licences CC permettent de retirer chaque restrictions que j’impose sur mes travaux sur simple demande. Donc, si vous souhaitez en vendre un, ou une œuvre dérivée, contactez-moi et nous en discuterons. Comme mentionné plus haut, je n’ai pas d’objections à ce qu’on demande de l’argent pour ce que je fais, j’exige simplement qu’on obtienne d’abord ma permission expresse.

Certains ont été un peu troublés par tout ce ramdam autour de la catégorisation « non-libre » due à la clause NC. Pour résumer, voici ce que vous pouvez faire avec les comic-strips The Bizarre Cathedral :

  • Les redistribuer et les partager
  • Les traduire
  • Les utiliser dans d’autres projets
  • Les étudier et les savourer

Vous pouvez faire tout ça à condition de :

  • indiquer la source des originaux
  • ne pas faire payer ceux à qui vous les proposez

La liberté a énormément de valeur à mes yeux : j’écris du logiciel libre, j’écris pour Free Software Magazine, et j’encourage la liberté dans la vie de tous les jours. Je suis en désaccord sur le fait que la clause NC à elle seule rend « non-libre » cette licence. Je dirais plutôt « moins libre » mais je maintiens qu’en soi elle n’est pas vraiment moins libre que les clauses BY ou SA ou que le copyleft. La GPL est-elle « non-libre » parce qu’on ne peut pas l’associer avec une librairie non copyleftée, ou est-elle seulement moins libre que la LGPL ?

Pour finir, et pour que ce soit clair pour tout le monde, The Bizarre Cathedral restera sous licence CC BY-NC-SA pour l’instant.

Notes

[1] Crédit photo : Kevindooley (Creative Commons By)