Apollinaire, domaine public et… Romaine Lubrique !

Hier, Apollinaire est (enfin) entré dans le domaine public !

Personne, ou presque, n’était au courant. Du coup, l’article Rebonds paru dans Libération du 30 septembre, et reproduit ci-dessous, a pour ainsi dire fait l’actu en étant repris par de nombreux autres médias : Le Point, Le Nouvel Observateur, Télérama, L’Express ou encore France Inter.

Ils ont cependant des excuses car il n’était pas évident de savoir que Guillaume Apollinaire s’élèverait dans le domaine public très exactement 94 ans et 272 jours après sa mort (sic !). Et d’en profiter au passage pour s’interroger sur le pourquoi du comment d’une si longue attente.

L’article de Libération a été co-signé par Lionel Maurel (Calimaq), Véronique Boukali et moi-même.

L’occasion également de vous présenter brièvement une nouvelle initiative soutenue par Framasoft[1] : le projet « Romaine Lubrique », qui comme son nom l’indique plus ou moins, s’intéresse à la valorisation culturelle du domaine public, vaste zone à dépoussiérer où le piratage n’existe plus et devient pleinement partage.

Vous y trouverez déjà une sélection de films, de photographies et évidemment une rubrique dédiée à Apollinaire avec un ePub d‘Alcools spécialement créé pour l’événement ainsi qu’une lecture audio des… Onze mille verges ! Romaine Lubrique a également récemment participé à deux émissions radios : Apollinaire’s not dead ! de Polémix et La Voix Off et une spéciale domaine public sur Divergence FM.

Une affaire à suivre donc, et pas seulement sur Twitter 😉

Apollinaire enfin dans le domaine public - Libération

Apollinaire enfin dans le domaine public !

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De l’eau a coulé sous le pont Mirabeau depuis la disparition de Guillaume Apollinaire. Et nous aurions pu patienter quelques années supplémentaires pour fêter en 2018 le centenaire de sa mort. Mais il nous semble plus opportun de célébrer comme il se doit ce 29 septembre 2013 car cela correspond très précisément à son entrée dans le domaine public.

On parle beaucoup plus en France du droit d’auteur que du domaine public. Pourtant, l’entrée d’une œuvre dans le domaine public constitue un événement d’importance, qui ouvre de larges possibilités en termes d’appropriation et de diffusion de la culture.

Durant leur période de protection, les œuvres font en effet l’objet de droits exclusifs, appartenant aux auteurs et à leurs ayants droit. Avec l’entrée dans le domaine public, l’extinction des droits de reproduction et de représentation va permettre à tout un chacun de citer, copier, diffuser et adapter l’œuvre d’Apollinaire. Un tel accès simplifiera la vie des enseignants et des chercheurs. Ses œuvres pourront faire l’objet de nouvelles éditions et traductions. De telles productions seront facilitées et pour cause : il ne sera plus nécessaire de demander une autorisation ni de verser de droits pour les faire. L’adaptation sous toutes ses formes devient également possible, qu’il s’agisse d’interpréter musicalement ses poèmes, de mettre en scène ses pièces de théâtre ou de réaliser des films à partir de ses contes et romans. Au-delà, les écrits d’Apollinaire pourront être librement diffusés sur Internet et c’est tout le champ de la créativité numérique qui s’ouvre pour son œuvre.

Contrairement à des idées reçues, l’arrivée dans le domaine public est souvent l’occasion de redécouvrir des œuvres et de leur donner une nouvelle vie. On ne « tombe » pas dans le domaine public, on y entre… voire on s’y élève. Nul doute que le passage dans le domaine public assurera à l’œuvre vaste et composite d’Apollinaire un nouveau rayonnement.

« Zone », « La Chanson du mal-aimé », « Le Pont Mirabeau » , les Poèmes à Lou, quelques uns de ses Calligrammes… Voilà à peu près ce que nos souvenirs d’adolescence nous ont laissé d’Apollinaire. Des formes nouvelles, un rythme si particulier, des images à la fois simples et saisissantes… Ce qui a fait de cet auteur le « poète de la modernité ». À partir de lundi, il sera plus aisé d’explorer l’étendue de son œuvre mais aussi de découvrir derrière l’Apollinaire des manuels scolaires une personnalité fascinante et polymorphe.

Certes, Apollinaire est bien sûr un poète, mais, on le sait moins, c’est aussi un journaliste chroniqueur, un critique d’art qui se rend aux expositions de ses contemporains, et même un scénariste de cinéma (La Bréhatine). Certes, Apollinaire a écrit une pièce d’avant-garde annonçant et baptisant le Surréalisme (Les Mamelles de Tirésias), mais il est aussi l’auteur de petits vaudevilles (À la cloche de bois). Certes, Apollinaire fut un amoureux transi réinventant le lyrisme poétique, mais c’était aussi un infatigable promeneur, observateur amusé se passionnant pour tout ce qui s’offrait à ses yeux gourmands (Le Flâneur des deux rives). C’était même l’auteur de plusieurs romans érotiques pleins de fantaisie et de drôlerie (on pourra relire, entre autres, le début réjouissant des Onze mille verges).

Mais pourquoi aura-t-il fallu attendre si longtemps ici ? Le cas Guillaume Apollinaire montre bien la situation complexe de la législation en la matière.

Aujourd’hui en France un auteur passe dans le domaine public le 1er janvier suivant les 70 ans de sa mort. Il n’en a pas toujours été ainsi, sans remonter au début du XIXe siècle avec son droit d’auteur réduit à 14 ans après la publication d’une œuvre, la période précédente était plus raisonnablement fixée à 50 ans post mortem (comme rien n’est simple le Canada en est resté lui à 50 ans, ce qui explique qu’on trouve déjà par exemple sur des sites québécois des œuvres d’Apollinaire que ne peuvent être légalement téléchargés depuis la France). En 2006, allongement de la peine donc, une directive européenne a fait passer la durée de protection de 50 à 70 ans… Mais ce n’est pas fini : il peut en outre y avoir des exceptions. On accorde ainsi un bonus à vos ayants droits si la période d’exploitation des œuvres traversent l’une ou les deux guerres mondiales (comme rien n’est simple cette prorogation repose sur l’ancienne durée légale de 50 ans) et si vous êtes « mort pour la France ».

Apollinaire fut blessé au front en 1916 par un éclat d’obus à la tempe alors qu’il était en train de lire dans sa tranchée. Il succomba deux ans plus tard de la terrible grippe de 1918. Jugeant que sa blessure l’avait affaibli, on reconnut cependant le sacrifice fait à la Nation. Résumons donc : né d’une mère polonaise et d’un père italien, Apollinaire est mort pour la France d’une grippe espagnole !

Et l’on obtient ainsi la longue somme suivante : 50 ans (durée classique) + 30 ans (mort pour la France) + 6 ans et 152 jours (1ère Guerre mondiale) + 8 ans et 120 jours (2nde Guerre mondiale). Soit un total de 94 ans et 272 jours qui s’en vont pour qu’enfin sonne l’heure de ce dimanche 29 septembre 2013. Ouf, il était temps…

L’œuvre du grand poète est désormais déposée dans le bien commun de notre patrimoine culturel : profitons-en pour la découvrir, la redécouvrir, la partager et s’en inspirer, comme le fait le site RomaineLubrique.org, et comme le feront bien d’autres à sa suite. Mais une question reste posée : celle de l’équilibre bien fragile entre le droit des auteurs (et de leurs héritiers) et ceux d’un public qui, à l’ère d’Internet, souhaite légitimement accéder plus facilement et rapidement à leurs œuvres.

Un domaine public plus vivant pour nos morts ? Le rapport Lescure, remis au ministère de la Culture en mai dernier, recommande de consacrer davantage la notion de domaine public et de favoriser son application. Fier d’avoir été in extremis naturalisé français, Apollinaire afficherait certainement la même volonté, et avec lui tous nos anciens, connus ou moins connus, qui attendent leur renaissance numérique.

Véronique Boukali, professeur de lettres modernes et co-fondatrice de RomaineLubrique.org
Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques et fondateur de Framasoft.org
Lionel Maurel, auteur du blog S.I.Lex, co-fondateur du collectif SavoirsCom1 et membre de la Quadrature du Net

Notes

[1] Parmi les autres projets soutenus par Framasoft, il y a Veni Vidi Libri et le Geektionnerd.




Participons au financement d’une fonctionnalité de GIMP !

Jehan est un contributeur actif de l’excellent logiciel libre d’édition et de retouche d’image GIMP. Il se propose ici de développer la fonctionnalité « peinture en miroir » et s’en explique (fort bien) ci-dessous.

Il ne demande pas la lune mais quelques deux mille euros. Parce qu’il a besoin de temps et que le temps c’est souvent de l’argent.

Non, logiciel libre ne veut pas dire gratuit, et comme le rappelle François Elie, le logiciel libre est gratuit une fois fois qu’il a été payé (en temps et/ou en argent). L’avantage ici c’est qu’on le paye une seule fois et qu’il s’en va direct dans le pot commun.

L’occasion également de mettre en avant le projet (français) Open Funding, nouvelle et prometteuse plateforme de financement participatif du logiciel libre.

GIMP Peinture Symétrique

Proposition de Financement Participatif de Peinture Symétrique dans GIMP

Jehan – 16 septembre 2013

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Salut à tous,

comme vous vous en souvenez peut-être, je suis un des développeurs de GIMP. Je propose ce jour de co-financer une fonctionnalité qui m’intéresse, et qui intéresse apparemment d’autres personnes, d’après ce que j’ai pu voir: la peinture en miroir (ou plus largement « symétrique »).

Introduction

Sur la liste de diffusion de GIMP et ailleurs, j’ai vu plusieurs personnes demandant du financement collaboratif pour améliorer GIMP. J’ai donc décidé d’appliquer l’idée et de tester la viabilité du financement collaboratif pour améliorer du Logiciel Libre.

Notez que je suis un développeur avec un bon passif et partie de l’équipe principale du programme. Cela signifie qu’en cas de financement, j’implémenterai la fonctionnalité complète et m’arrangerai pour qu’elle soit intégrée dans le logiciel final. Ce ne sera donc pas un énième fork qui disparaîtra dans quelques années, mais une fonctionnalité faite pour durer.

La Fonctionnalité

Proposition

Implémentation d’un fonctionnalité de peinture en symétrie/miroir instantanée dans GIMP.

Description

GIMP est l’un des principaux outil de traitement d’image multi-usage et multi-platerforme (Windows, OSX, Linux, BSD…). Pour la peinture en particulier, certaines fonctionnalités manquent. L’une d’elle est de pouvoir dessiner en symétrie instantanée.

À l’heure actuelle, les seule possibilités sont soit de dessiner des formes très simples, soit d’utiliser des filtres ou plug-in après coup, soit de dupliquer puis retourner les calques. Toutes sont de loin moins pratiques que de pouvoir dessiner et voir son dessin apparaître en miroir en temps réel.

Usage

J’ai rencontré au moins un artiste qui utilisait un mode de miroir vertical dans un autre programme pour rapidement conceptualiser des personnages, lors des premières étapes du design de personnages, période pendant laquelle le temps vaut plus que l’art. Je peux aussi aisément imaginer que cela simplifiera la création de designs symétriques complexes (logo, etc.).

Et probablement de nombreux autres usages. Par exemple, jetez un œil au dessin original dans la vidéo ci-dessous. La dessinatrice, Aryeom Han, a testé ma première (instable et encore loin de la perfection) implémentation pour dessiner la réflexion d’un lac, ensuite redimensionnée, puis ajout de gradient et utilisation du nouvel outil warp pour donner un effet liquide.

Implémentation

Idée 1 Ma dernière implémentation de test implémentait la symétrie comme une option d’outil de peinture. Néanmoins je prévois de tester d’autres implémentations en même temps. Par exemple lier les axes de symétrie à l’image pourrait être une implémentation plus appropriée pour un travail de longue durée. Le design final n’est pas encore fixe.

Idée 2 Il doit y avoir des raccourcis pour rapidement activer/désactiver les symétries.

Idée 3 L’idée de base est d’avoir au moins 3 modes de symétries (horizontale, verticale, centrale) à utiliser ensemble ou séparément. Évidemment en allant plus loin, on devrait pouvoir faire faire des rotations sur les axes pour avoir une rotation d’angle arbitraire. Je n’implémenterai peut-être pas cette option avancée (à moins que le financement ait un succès phénoménal), mais si possible j’essaierai de rendre le système suffisamment générique pour être plus tard étendu et permettre la rotation des axes dans le futur.

Idée 4 Les axes/centres de symétrie doivent pouvoir être rendus visibles ou invisibles.

Idée 5 Les axes/centres de symétrie doivent pouvoir être déplaçables sur le canvas par simple drag’n drop, de manière similaires aux guides. J’ai une implémentation en cours, comme vu dans la vidéo et les photos d’écran. Mais le gros du travail pour rendre la fonctionnalité solide n’a pas encore débuté.

Ce à quoi s’attendre

  • J’écouterai les commentaires.
  • Le design peut évoluer pendant le développement. Je ne peux promettre exactement la forme finale car cela nécessite aussi discussion et approbation de mes pairs de l’équipe de GIMP. Je ne suis pas seul à décider.
  • Puisqu’il s’agit d’une toute nouvelle fonctionnalité, elle sortira avec GIMP 2.10 (pas de date de sortie encore), voire même plus tard si ce projet ne peut être financé correctement, ou toute autre raison hors de mon contrôle. Néanmoins dès que les patchs seront prêts, quiconque pourra compiler le projet lui-même à partir de la branche de développement. Notez aussi que si certains attendent vraiment cette fonctionnalité impatiemment et si j’ai obtenu un financement exceptionnel, j’essaierai de proposer des binaires à télécharger.
  • En fonction du succès du financement, s’il dépasse mes espérances, j’implémenterai éventuellement des options plus avancées de la fonctionnalité (comme le fait de pouvoir faire une rotation des axes de symétrie, etc.).
  • Je donnerai des nouvelles de l’avancée sur la page de nouvelles du Studio Girin, c’est à dire ce même site web.

À Mon Propos

Je suis un développeur de GIMP, indépendant, et travaillant dernièrement beaucoup avec une dessinatrice. J’ai participé aux deux dernières versions de correction de bug de GIMP (2.8.4 et 2.8.6) et suis une part active de la prochaine sortie majeure (2.10). Vous pouvez avoir une idée de mon activité dans le logiciel Libre sur Ohloh et sur le suivi de ticket de GNOME.

Liste non-exhaustive de fonctionnalités et corrections déjà intégrées dans GIMP :

  • support du XDG dans GIMP (fichiers de configurations dans $XDG_CONFIG_HOME) sur Linux ;
  • configuration dans le « Roaming Application Data folder » (répertoire utilisateur) sur Windows ;
  • support du standard de gestion des miniatures (Freedesktop’s Thumbnail Management Standard) ;
  • plusieurs améliorations de l’interface et corrections de bugs ;
  • plusieurs corrections de crashs sévères (en particulier le crash quand vous déconnectiez votre tablette graphique ! À partir de GTK+ 2.24.19, vous n’aurez plus à vous en soucier !) ;
  • amélioration de la liste de langages pour localisation (les noms de langages sont self-traduits) ;
  • déja plusieurs améliorations du plugin « Animation Playback » (scroll, zoom, refresh, sélection de la disposition des frames, pas en arrière, raccourcis…) ;
  • encore plus de travail-en-cours sur le plugin « Animation Playback » (dont je suis maintenant mainteneur) afin d’en faire un outil indispensable aux animateurs 2D ;
  • etc.

Je contribue aussi sur d’autres projets divers comme vous pouvez le voir sur la page Ohloh (pas tout n’y est listé, en particulier pour les projets qui utilisent encore CVS ou svn, qui perdent donc la paternité des patchs. Par exemple Blender, etc.).

Et Après ?

Si j’obtiens un financement, je proposerai d’autres fonctionnalités, pour GIMP principalement, mais probablement aussi pour d’autres logiciels que j’utilise. Je travaille actuellement en indépendant, et avoir la communauté des Logiciels Libres et OpenSource comme boss serait un job idéal. J’adorerais travail pour vivre sur des Logiciels Libres et faire du monde un endroit bien à vivre. Pas vous ?

Donc même s’il ne s’agit pas forcément de votre fonctionnalité préférée, je dirais que vous pouvez tout de même y gagner en finançant, si cela me fait continuer à travailler sur des fonctionnalités avancées de GIMP, peut-être même à temps-plein dans le futur, qui sait ? Bien sûr, je prévois de continuer à améliorer GIMP même sans financement, mais il y a des limites à ce qu’il est possible de faire quand on a besoin de vivre par ailleurs.

Une liste possible, non-exhaustive encore, de fonctionnalités qui m’intéressent, et que je pourrais éventuellement proposer dans de futurs projets de financement collaboratifs, est par exemple: faire du plug-in « animation-playback » un outil indispensable pour les créateurs d’animation, les macros, unlimited-sized layers, les images extérieures « liées » comme calques (proche du concept de Smart Object, mais encore plus proche des objets liés de Bender, ce qui est à mon avis bien plus puissant), édition non-destructive, sélection de plusieurs calques pour des modifications de masse, améliorations des options d’export (par exemple redimensionner à l’export sans toucher l’original), et bien plus.

Notez aussi que si cela fonctionne, ce serait aussi un bon précédent pour d’autres développeurs qui pourraient aussi penser à travailler ainsi et améliorer GIMP (et d’autres logiciels Libres et OpenSource). Je pense que c’est gagnant-gagnant ! 🙂

Pour conclure, sachez que je ne travaille pas seulement sur GIMP, mais aussi avec GIMP, ou en particulier avec la dessinatrice talentueuse qui a dessiné le « lapin près d’un lac » dans la vidéo, et nous prévoyons de produire des BDs et des animations, le tout avec des Logiciels Libres et sous des licenses d’Art Libre (comme CC by-sa). Donc en me finançant, vous financez aussi l’Art Libre. Juste au cas où vous ayez besoin de plus d’encouragement ! 😉

Vous n’avez pas encore cliqué sur le lien ?

Co-financez la Peinture en Symétrie dans GIMP !




iPhone 5C et 5S : les deux nouvelles cellules de la prison (dorée) d’Apple

Chouette deux nouveaux modèles d’iPhone, le 5C et le 5S !

Sauf que comme nous le rappelle ici le site DefectiveByDesign, rien ne change au pays d’Apple…

iPhone 5 - Prison dorée

Les nouveaux iPhone : coup de vernis sur les limitations d’Apple

New iPhones put more polish on Apple’s restrictions

Wtheaker – 10 septembre 2013 – DefectiveByDesign.org
(Traduction : BlackSheep, Genma, le_chat, aKa, Sky, Monsieur Tino, RyDroid, MFolschette, cryptomars, Asta, Amargein + anonymes)

L’annonce du nouvel iPhone d’Apple fait d’un lancement de produit un évènement très important pour le géant de la technologie. Comme attendu, le nouvel iPhone est plus rapide, plus puissant, et continue de masquer les nombreuses limitations imposées à l’utilisateur derrière une interface graphique séduisante. À chaque sortie d’un produit ou d’un système d’exploitation, Apple nous offre ce qu’il y a de meilleur et de plus innovant, y compris des technologies de gestion des droits numériques (DRM) toujours plus fortes.

La beauté des produits Apple tient à l’utilisation intelligente de courbes douces et d’un design épuré dans le but d’enfermer les utilisateurs dans une expérience contrôlée par une seule entreprise. Le fonctionnement (ou non-fonctionnement) interne de l’OS, la disponibilité des applications et le contrôle de bas niveau du matériel sont tous inaccessibles au public et sont tenus secrets par Apple.

Comme pour les versions précédentes de l’iPhone, les applications et les appareils sont livrés avec une fonction d’arrêt à distance (NdT : contrôlée par Apple), les périphériques tiers sont restreints arbitrairement, les livres et autres médias achetés via iTunes contiennent des DRM (NdT : dénommé FairPlay, donc contrôlé par Apple), et tout logiciel doit être approuvée et signée numériquement par Apple. Les iPhone 5S et 5C continuent de rendre les consommateurs à la merci d’Apple.

La plus avant-gardiste des nouvelles fonctionnalités de l’iPhone 5S est l’implémentation d’un lecteur d’empreinte digitale. Présenté comme une amélioration de la sécurité, il se base sur une plate-forme logicielle qui manque de transparence et n’inspire pas confiance.

Plutôt que d’améliorer la confidentialité et la sécurité en encourageant les consommateurs de la dernière version de l’iPhone à utiliser leurs empreintes digitales pour déverrouiller leur appareil, Apple s’octroie la possibilité de vérifier de façon biométrique qui utilise un iPhone et à quel moment.

Nous avons vu Apple grandir de plus en plus et de plus en plus verrouiller leurs matériels et leurs logiciels, enfermant par là même leurs utilisateurs. Les consommateurs des produits Apple devraient être alertés sur les dangers que crée Apple et devraient être informés des alternatives et solutions existantes, afin de résister au contrôle d’Apple. Nous invitons les activistes anti-DRM à venir sur la page du site iPhone action de la Free Software Foundation et à envoyer un e-mail au PDG d’Apple, Tim Cook, afin de lui faire savoir que vous n’achèterez pas un appareil iOS car il contient un logiciel privateur et des DRM. Étudiez aussi voire surtout les moyens d’utiliser des téléphones portables et autres smartphones sans renoncer à votre liberté, avec des solutions alternatives comme Replicant (version libre d’Android) ou encore F-Droid (dépôt d’applications libres).




Le chiffrement, maintenant (2)

Voici la deuxième partie du guide sur le chiffrement que nous vous avons présenté la semaine dernière.

Ces derniers jours, les révélations distillées par Snowden n’ont fait que confirmer l’ampleur considérable des transgressions commises par la NSA : le protocole https est compromis, et même un certain type de chiffrement a été « cassé » depuis 2010…

Il est donc d’autant plus justifié de rechercher les moyens de se protéger de ces intrusions de la surveillance généralisée dans nos données personnelles. À titre d’introduction à notre chapitre de la semaine, j’ai traduit rapidement 5 conseils donnés ce vendredi par Bruce Schneier, spécialiste de la sécurité informatique, dans un article du Guardian. Il reconnaît cependant que suivre ces conseils n’est pas à la portée de l’usager moyen d’Internet…

1) Cachez-vous dans le réseau. Mettez en œuvre des services cachés. Utilisez Tor pour vous rendre anonyme. Oui, la NSA cible les utilisateurs de Tor, mais c’est un gros boulot pour eux. Moins vous êtes en évidence, plus vous êtes en sécurité.

2) Chiffrez vos communications. Utilisez TLS. Utilisez IPsec. Là encore, même s’il est vrai que la NSA cible les connexions chiffrées – et il peut y avoir des exploits explicites contre ces protocoles – vous êtes beaucoup mieux protégés que si vous communiquez en clair.

3) Considérez que bien que votre ordinateur puisse être compromis, cela demandera à la NSA beaucoup de travail et de prendre des risques – il ne le sera donc probablement pas. Si vous avez quelque chose de vraiment important entre les mains, utilisez un « angle mort ». Depuis que j’ai commencé à travailler avec les documents Snowden, j’ai acheté un nouvel ordinateur qui n’a jamais été connecté à l’internet. Si je veux transférer un fichier, je le chiffre sur l’ordinateur sécurisé (hors-connexion) et le transfère à mon ordinateur connecté à Internet, en utilisant une clé USB. Pour déchiffrer quelque chose, j’utilise le processus inverse. Cela pourrait ne pas être à toute épreuve, mais c’est déjà très bien.

4) Méfiez-vous des logiciels de chiffrement commerciaux, en particulier venant de grandes entreprises. Mon hypothèse est que la plupart des produits de chiffrement de grandes sociétés nord-américaines ont des portes dérobées utiles à la NSA, et de nombreuses entreprises étrangères en installent sans doute autant. On peut raisonnablement supposer que leurs logiciels ont également ce genre de portes dérobées. Les logiciels dont le code source est fermé sont plus faciles à pénétrer par la NSA que les logiciels open source. Les systèmes qui reposent sur une clé « secrète » principale sont vulnérables à la NSA, soit par des moyens juridiques soit de façon plus clandestine.

5) Efforcez-vous d’utiliser un chiffrement du domaine public qui devra être compatible avec d’autres implémentations. Par exemple, il est plus difficile pour la NSA de pénétrer les TLS que BitLocker, parce que les TLS de n’importe quel fournisseur doivent être compatibles avec les TLS de tout autre fournisseur, alors que BitLocker ne doit être compatible qu’avec lui-même, donnant à la NSA beaucoup plus de liberté pour le modifier à son gré. Et comme BitLocker est propriétaire, il est beaucoup moins probable que ces changements seront découverts. Préférez le chiffrement symétrique au chiffrement à clé publique. Préférez les systèmes basés sur un logarithme discret aux systèmes conventionnels à courbe elliptique ; ces derniers ont des constantes que la NSA influence quand elle le peut.

Type de menace

D’après Encryption Works

(contributeurs : audionuma, goofy, lamessen, Calou, Achille Talon)

La NSA est un puissant adversaire. Si vous êtes sa cible directe, il vous faudra beaucoup d’efforts pour communiquer en toute confidentialité, et même si ce n’est pas le cas, des milliards d’innocents internautes se retrouvent dans les filets de la NSA.

Bien que les outils et conseils présentés dans ce document soient destinés à protéger votre vie privée des méthodes de collecte de la NSA, ces mêmes conseils peuvent être utilisés pour améliorer la sécurité de votre ordinateur contre n’importe quel adversaire. Il est important de garder à l’esprit que d’autres gouvernements, notamment la Chine et la Russie, dépensent d’énormes sommes pour leurs équipements de surveillance et sont réputés pour cibler spécifiquement les journalistes et leurs sources. Aux États-Unis, une mauvaise sécurité informatique peut coûter leur liberté aux lanceurs d’alerte, mais dans d’autres pays c’est leur vie même que risquent à la fois les journalistes et leurs sources. Un exemple récent en Syrie a montré à quel point une mauvaise sécurité informatique peut avoir des conséquences tragiques.

Mais la modification de certaines pratiques de base peut vous garantir une bonne vie privée, même si cela ne vous protège pas d’attaques ciblées par des gouvernements. Ce document passe en revue quelques méthodes qui peuvent vous servir dans les deux cas.

Systèmes de crypto

Nous avons découvert quelque chose. Notre seul espoir contre la domination totale. Un espoir que nous pourrions utiliser pour résister, avec courage, discernement et solidarité. Une étrange propriété de l’univers physique dans lequel nous vivons.

L’univers croit au chiffrement.

Il est plus facile de chiffrer l’information que de la déchiffrer.

— Julian Assange, in Menace sur nos libertés : comment Internet nous espionne, comment résister

Le chiffrement est le processus qui consiste à prendre un message textuel et une clé générée au hasard, puis à faire des opérations mathématiques avec ces deux objets jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une version brouillée du message sous forme de texte chiffré. Déchiffrer consiste à prendre le texte chiffré et sa clé et à faire des opérations mathématiques jusqu’à ce que le texte initial soit rétabli. Ce domaine s’appelle la cryptographie, ou crypto en abrégé. Un algorithme de chiffrement, les opérations mathématiques à réaliser et la façon de les faire, est un ensemble appelé « code de chiffrement ».

Pour chiffrer quelque chose vous avez besoin de la bonne clé, et vous en avez aussi besoin pour la déchiffrer. Si le logiciel de chiffrement est implémenté correctement, si l’algorithme est bon et si les clés sont sécurisées, la puissance de tous les ordinateurs de la Terre ne suffirait pas à casser ce chiffrement.

Nous développons des systèmes de cryptographie qui relèvent de problèmes mathématiques que nous imaginons difficiles, comme la difficulté à factoriser de grands nombres. À moins que des avancées mathématiques puissent rendre ces problèmes moins complexes, et que la NSA les garde cachées du reste du monde, casser la crypto qui dépend d’eux au niveau de la sécurité est impossible.

La conception des systèmes de chiffrement devrait être complètement publique. Le seul moyen de s’assurer que le code de chiffrement ne contient pas lui-même de failles est de publier son fonctionnement, pour avoir de nombreux yeux qui le scrutent en détail et de laisser les  experts des véritables attaques à travers le monde trouver les bogues. Les mécanismes internes de la plupart des cryptos que nous utilisons quotidiennement, comme le HTTPS, cette technologie qui permet de taper son code de carte bancaire et les mots de passe sur des formulaires de sites internet en toute sécurité, sont totalement publics. Un attaquant qui connaît parfaitement chaque petit détail du fonctionnement du système de chiffrement ne réussira pas à le casser sans en avoir la clé. En revanche, on ne peut pas avoir confiance dans la sécurité d’une cryptographie propriétaire et dans son code sous-jacent.

Voici une question importante à se poser lors de l’évaluation de la sécurité d’un service ou d’une application qui utilise la crypto : est-il possible pour le service lui-même de contourner le chiffrement ? Si c’est le cas, ne faites pas confiance à la sécurité du service. Beaucoup de services comme Skype et Hushmail promettent un chiffrement « de bout en bout », mais dans la majorité des cas cela signifie aussi que les services eux-même ont les clés pour déchiffrer le produit. Le véritable chiffrement « de bout en bout » signifie que le fournisseur de service ne peut pas lui-même regarder vos communications, même s’il voulait le faire.

Un aspect important du chiffrement est qu’il permet bien plus que la protection de la confidentialité des communications. Il peut être utilisé pour « signer électroniquement » les messages d’une manière qui permette de prouver que l’auteur du message est bien celui qu’il prétend être. Il peut également être utilisé pour utiliser des monnaies numériques comme Bitcoin, et il peut être utilisé pour produire des réseaux qui permettent l’anonymat comme Tor.

Le chiffrement peut aussi servir à empêcher les gens d’installer des applications pour iPhone qui ne proviennent pas de l’App Store, à les empêcher d’enregistrer des films directement à partir de Netflix ou encore les empêcher d’installer Linux sur une tablette fonctionnant sous Windows 8. Il peut aussi empêcher des attaques de type « homme du milieu » (NdT : attaque consistant à intercepter les communications entre deux terminaux sans que ces derniers se doutent que la sécurité est compromise) d’ajouter des malwares pour compromettre les mises à jour légitimes de logiciels.

En bref, le chiffrement englobe de nombreux usages. Mais ici nous nous contenterons de regarder comment nous pouvons l’utiliser pour communiquer de façon sécurisée et privée.

(à suivre…)

Copyright: Encryption Works: How to Protect Your Privacy in the Age of NSA Surveillance est publié sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.




Il libère ses logiciels et c’est la catastrophe !

Bryan Lunduke est développeur. En faisant passer ses logiciels de propriétaires à libres, il a fait une bien triste constatation.

Non seulement il ne gagne plus assez d’argent pour trouver le temps de continuer à les développer (et personne d’autres ne semble intéressé à le faire sauf lui) mais en plus les téléchargements ont drastiquement baissé, alors même qu’ils sont mis gratuitement à disposition.

Un billet un peu troll qui se demande quand même si on peut faire de ce cas particulier une généralité.

Retis - CC by

Regard attristé sur les chiffres de l’open source

Very sad looking Open Source charts

Bryan Lunduke – 27 août 2013 – Blog personnel
(Traduction : schiste, Genma, brihx, mokas01, @zessx, MFolschette, Asta, elfabixx, La goule, Beij, goofy, Penguin + anonymes)

Depuis un certain temps déjà, chaque ligne de code que j’écris est placée sous licence libre GPL (la plupart de ce que j’ai publié avant était sous licence propriétaire) parce que j’aime l’open source. Mais il y a un souci sur lequel je planche et bloque. Et j’ai besoin de votre avis. Je vous explique rapidement :

Lorsque mes logiciels étaient sous licences privatives, et leur développement financé à l’ancienne par la vente de copies, les mises à jour étaient plutôt fréquentes (en général plusieurs versions par mois). Les bénéfices retirés des ventes allaient directement dans le financement de temps de développement dédié. Ça fonctionnait assez bien. Pas 100 % parfait, mais le développement avançait à un bon rythme.

Maintenant que le logiciel est libre, on ne peut espérer plus de 200 $ par mois en dons. Je ne peux du coup raisonnablement passer que quelques heures par mois sur ce logiciel. Ce qui n’est même pas assez pour tester une version et en faire un package à publier (et certainement pas assez pour ajouter des fonctionnalités notables).

Donc, pour faire simple, ma production de code s’est tout bonnement arrêtée (par nécessité).

Mais j’ai choisi de laisser le logiciel libre dans l’espoir que d’autres personnes se plongent dedans et aident à faire avancer les choses en donnant de leur temps et de leur énergie.

Malheureusement, ça ne s’est pas produit. Une personne plutôt sympa a filé un coup de main en créant des packages pour plusieurs distributions Linux. Mais c’est tout. En fait, personne n’a exprimé le moindre intérêt à coder activement sur l’un de ces projets.

Et maintenant, les téléchargements ont également chuté. De manière significative. Regardons quelques graphiques sur l’évolution des statistiques.

MonthlyDownloads.jpg

Ce chiffre représente le nombre total de téléchargements pour tous mes logiciels (jeux, outils de développement, tout). Ce qu’il faut retenir :

  1. Quand le logiciel est propriétaire (et vendu comme shareware), les téléchargements sont bons.
  2. Quand le logiciel est open source (et disponible gratuitement), les téléchargements chutent à 1/30e de ce qu’ils étaient pour du logiciel propriétaire.
  3. Curieusement, les téléchargements des versions Linux sont les plus touchés (ils ont chuté à 1/50e de ce qu’ils étaient).

MonthlyRevenue.jpg

Le revenu mensuel a aussi pris un sacré coup. Voilà ce qu’on peut déduire de ces chiffres :

  1. Lorsque le logiciel était propriétaire (et un shareware), les ventes étaient suffisantes pour financer le développement à temps plein.
  2. Maintenant que le logiciel est open source, le financement (en grande partie par les dons) a chuté à, et je ne blague pas, à peine plus de 2 % des ventes moyennes par mois du logiciel propriétaire. 2. Pour. Cent.

Aujourd’hui, je peux clairement comprendre la raison de la chute des revenus. Le logiciel est disponible gratuitement – supprimant ainsi l’incitation à dépenser de l’argent. Ce que je ne comprends pas, c’est la chute significative des téléchargements. Peut-être y a-t-il un aspect psychologique en jeu.

Donc la question est, que puis-je faire ?

Si je laisse le logiciel en open source, comme c’est le cas actuellement, il va complètement stagner.

Je suppose que je pourrais essayer encore une autre méthode de financement open source… mais cela me semble un peu être une cause perdue, pour être honnête. J’aime l’open source. Vraiment. Je pourrais y passer toute la nuit. Mais il n’y a pas vraiment beaucoup d’histoires où de petits développeurs indépendants arrivent à vivre de l’open source sans avoir à intégrer une entreprise beaucoup plus grande (qui est souvent financée par la vente de logiciels propriétaires ou par des contrats de maintenance/support utilisateurs – ce qui n’a aucun sens pour le logiciel que je développe).

Je pourrais toujours revenir à une licence propriétaire pour les futures versions du logiciel. Cela permettrait au moins d’avoir les fonds nécessaires pour financer du développement concret – ce financement pourrait être utilisé pour payer des gens pour travailler dessus (à temps plein ou à temps partiel). Mais dans ce cas… ce ne serait pas de l’open source.

C’est un problème difficile. Un problème pour lequel je ne trouve pas de solution évidente.

L’avantage pour moi est qu’aujourd’hui je ne dépends pas des ventes du logiciel (ou des dons) pour vivre (mes revenus proviennent de l’écriture). Ce qui m’enlève une bonne part de stress. Néanmoins, je détesterais voir ce logiciel qui, quand il était propriétaire, était utilisé par des dizaines de milliers de personnes, disparaître. J’ai fait ce logiciel parce que personnellement, j’en avais besoin. Et ça me dépiterait de le voir mourir.

Alors… que faire ? Que feriez-vous pour être sûr que ce genre de logiciel indépendant continue d’être régulièrement mis à jour? Si vous avez des idées, je suis tout ouïe.

Crédit photo : Retis (Creative Commons By)




Tux Paint, interview du créateur du célèbre logiciel libre de dessin pour enfants

C’est la rentrée !

L’occasion de mettre en avant Tux Paint, l’un des meilleurs logiciels (évidemment libre) de dessin à destination des petits, mais aussi des grands 😉

HeyGabe - CC by-sa

Tux Paint en appelle à l’aide

Desperate times call for Tux Paint

Jen Wike – 25 juin 2013 – OpenSource.com
(Traduction : Antoine, Shanx, Asta)

Bill Kendrick a codé Tux Paint en seulement quelques jours. Un ami lui avait demandé pourquoi il n’existait pas un programme de dessin pour enfants libre et gratuit, comme GIMP. Bill fit un grand sourire, parce que beaucoup d’adultes ont des difficultés à apprendre à utiliser GIMP, alors que les enfants en ont beaucoup moins. Il répondit : « Je peux probablement créer quelque chose. »

C’était il y a 11 ans (la première bêta a été publiée en juin 2002). Aujourd’hui, Tux Paint est largement utilisé à travers le monde, dans les maisons, à des goûters d’enfants, et plus évidemment dans les écoles en général et celles plus défavorisées en particulier.

Une nouvelle étude publiée cette année et menée par le Conseil des Relations Étrangères rapporte que les États-Unis ont perdus 10 places ces 30 dernières années dans le classement du taux d’élèves diplômés sortant des collèges et universités. « Le véritable fléau du système d’éducation étasunien, et sa plus grande faiblesse compétitive, est le profond écart entre les groupes socio-culturels. Les étudiants riches réussissent mieux, et l’influence de la situation sociale parentale est plus forte aux États-Unis que nulle part ailleurs dans le monde développé. » affirme ainsi Rebecca Strauss, directrice associée des publications CFR’S Renewing America.

Tux Paint est un programme simple avec de profondes implications car il est libre, gratuit et facile à utiliser. Récemment, un enseignant d’une école située dans une région défavorisée a utilisé le programme de crowdfunding EdBacker pour mettre sur pied un cours estival de remise à niveau en utilisant Tux Paint. Brenda Muench rappelle qu’avant Tux Paint, elle n’a jamais rencontré, au cours de ses 16 années d’enseignement à l’école élémentaire d’Iroquois West, de logiciels de dessin véritablement adaptés pour les enfants .

Les fonds publics devenant plus rares, Bill a remarqué que les systèmes scolaires sont désormais plus souples et favorables que par le passé lorsqu’il s’agit d’utiliser ce genre de logiciel. Et les éducateurs du monde entier discutent les uns avec les autres des ressources qu’ils utilisent se passant volontiers les bons tuyaux.

Entretien avec Bill Kendrick

Comment avez-vous créé Tux Paint ?

J’ai opté pour la bibliothèque Simple DirectMedia Layer (libSDL), que j’avais déjà utilisée pour la conception de mes jeux au cours des 2-3 années précédentes (avant cela, j’avais connu des difficultés avec Xlib), et basée sur une combinaison de limitations et capacités qui a bien fonctionné : une seule fenêtre (qui garde la simplicité) et la possibilité d’utiliser le plein écran (ce qui contribue à empêcher les enfants de faire autre chose et des bêtises sur le bureau).

Un autre avantage était que Tux Paint pouvait être facilement porté vers Windows, Mac OS X et d’autres plateformes, et c’est exactement ce qui est arrivé. Je n’imaginais pas que je pouvais avoir un impact pour ces plateformes, étant donné qu’il existait déjà un grand nombre de programmes pour enfants, notamment le populaire et ancien (depuis les premiers jours de Mac) Kid Pix. Ce que je n’avais pas vu tout de suite c’est que, comme Tux Paint est libre, il est devenu une alternative peu chère (comprendre : gratuite) aux applications commerciales pour toutes les plateformes, et non pas que pour GNU/Linux. Cela s’est avéré très pratique pour les écoles, dont nous connaissons tous les problèmes actuels de financement.

Pourquoi l’interface est-elle facile d’utilisation pour les enfants de la maternelle jusqu’au primaire ?

Il y a une variété de choses que j’ai appliquées pour garder une interface simple d’utilisation :

  • de gros boutons qui ne disparaissent pas, même si vous ne les utilisez pas ;
  • toutes les actions ont une icône, ainsi qu’un texte descriptif ;
  • Tux le Pengouin fournit quelques indices, infos et états en bas de la fenêtre ;
  • des effets sonores, qui ne sont pas juste amusants, mais qui fournissent un feedback ;
  • un seul type de pop-up de dialogue, avec seulement deux options (ex. « Oui, imprimer mon dessin », « Non, retour »)
  • pas de défilement.

La raison pour laquelle Tux Paint ne vous demande pas : « Quelle taille pour votre dessin ? » est que lorsque les enfants s’asseyent avec un morceau de papier pour dessiner, ils ne commencent pas par le couper à la bonne taille. La plupart du temps, ils se contentent de commencer, et si vous leur demandez de décider quelle taille de papier ils souhaitent avant de commencer à dessiner, ils vont se fâcher et vous dire que vous ne les laissez pas dessiner !

Des effets sonores amusants et une mascotte dessinée sont importants et motivants pour les enfants, mais est-ce que les adultes utilisent Tux Paint ?

Oui, j’ai eu certaines suggestions comme quoi on l’utiliserait davantage s’il y avait un moyen de désactiver le manchot Tux. Je comprends à quel point les logiciels pour enfants peuvent parfois être énervants, c’est pourquoi j’ai créé une option « couper le son » dès le premier jour.

Quelles belles histoires à nous raconter ?

Un hôpital pour enfants a mis en place une sorte de borne d’arcade utilisant Tux Paint avec des contrôleurs spéciaux (plutôt qu’une souris).

Des élèves de CP ont utilisé la vidéo-conférence et des screencasts pour apprendre aux enfants de maternelle d’une autre école comment utiliser Tux Paint. Ces mêmes écoles utilisent aussi Tux Paint pour créer ensemble des images à partir des histoires sur lesquelles les enfants travaillent. Ils font ensuite des vidéos en intégrant ces histoires.

J’ai mis en ligne les textes de présentation de ces histoires et d’autres travaux pour encourager d’autres éducateurs à essayer et utiliser Tux Paint : « Oui, ce truc fou, libre et gratuit est génial pour les écoles ! » Bien sûr, une décennie plus tard, ce n’est plus la même bataille que d’expliquer ce qu’est le logiciel libre et quels sont ses avantages, ce qui est excellent.

Est-ce que les éducateurs utilisent Tux Paint en dehors des arts plastiques ?

Oui, tout à fait, et c’est exactement ce que j’imaginais.

Je n’ai pas créé Tux Paint pour qu’il soit uniquement utilisé en cours de dessin. Je l’ai créé pour être un outil, comme une feuille de papier et un crayon. Certaines écoles réalisent donc des vidéos à partir de contes racontés. D’autres l’utilisent en mathématiques pour apprendre à compter.

Ironie du sort, ces jours-ci, après avoir vu des choses comme M. Crayon sauve Doodleburg sur le Leapster Explorer de mon fils (qui, en passant, tourne sous Linux !), je commence à penser que Tux Paint nécessite des fonctionnalités supplémentaires pour aider à enseigner les concepts de l’art et de la couleur.

Comment les enseignants, l’administration scolaire, les parents et les contributeurs intéressés peuvent s’investir dans Tux Paint ?

Par exemple, envoyez un message à Bill pour contribuer à Tux Paint sur Android.

Il y a une liste de diffusion pour les utilisateurs (parents, enseignants, etc.) et une page Facebook, mais il y a assez peu d’activité en général car Tux Paint est vraiment facile d’utilisation et tourne sur un large panel de plateformes.

Nous avons besoin d’aide :

  • chasse aux bogues ;
  • test d’assurance qualité ;
  • traductions ;
  • œuvres d’art ;
  • idées d’amélioration ;
  • documentation ;
  • cursus scolaire ;
  • faire passer le mot ;
  • portage vers d’autres plateformes.

Crédit photo : HeyGabe (Creative Commons By-Sa)




Vous n’avez pas peur que quelqu’un vous pique votre idée ?

Daniel Solis est un concepteur de jeux de société. Il n’a jamais hésité à publier ses idées sur son blog avant même qu’elles ne soient susceptibles de se concrétiser un jour.

Le pari de l’ouverture en somme et il s’en explique ci-dessous.

Michael Elleray - CC by

Vous craignez que quelqu’un vous pique votre idée ?

Afraid someone will steal your idea?

Daniel Solis – 27 août 2013 – OpenSource.com
(Traduction : Asta, toufalk, audionuma, Slystone, KoS, Pouhiou, goofy + anonymes)

Je suis concepteur de jeux de société. C’est un boulot amusant, créatif et effrayant, à des années-lumière de ma carrière précédente dans la publicité. Dans ces deux domaines, on attribue une haute valeur aux idées, particulièrement aux idées « nouvelles ». Personne n’aime se faire doubler. Que ce soit une campagne publicitaire ou un jeu de société, vous voulez être le premier à le sortir.

Il pourrait donc paraître étrange que j’aie passé dix ans à bloguer mon processus de conception de jeux. Chacun de mes concepts foireux et de mes prototypes finalisés est mis en ligne, visible par tout le monde.

La question qui revient le plus souvent est : « Vous n’avez pas peur que quelqu’un vous pique votre idée ? »

À ceux qui posent cette question, ce que je vous entends dire c’est : « J’aurais peur qu’on me pique mon idée ».

Je comprends ! Vous êtes vraiment fier de votre mécanisme de jeu novateur, de votre thème si original, ou d’autre chose issu de votre propriété intellectuelle qui vaudra des millions. C’est bien d’être fier de son travail ! Ça vous aide à persévérer durant ces heures sombres où vous vous demandez si vous ne feriez pas mieux d’avoir un autre passe-temps, genre le golf sur omelette.

Mais cette fierté peut aussi vous donner d’étranges inquiétudes, par exemple que quelqu’un d’autre s’intéresse à peu près autant que vous à votre idée. Ce n’est pas une insulte à votre idée, mais simplement nécessaire dans le domaine de la création. Si quelqu’un s’intéressait autant que vous à votre idée de jeu, il y passerait déjà ses nuits… toutes ces longues heures qu’il faut pour tester le jeu, développer, pleurer, réviser, pleurer, et tester le jeu à nouveau jusqu’à ce que l’idée devienne un jeu digne de ce nom.

Attendez : vous y passez déjà ces longues heures, n’est-ce pas ? Par pitié, ne me dites pas que vous êtes angoissé par le vol de votre idée avant même d’y avoir investi ce temps de développement. Ne me dites pas que vous avez fait des recherches sur les brevets, les droits d’auteur, les clauses de confidentialité et le dépôt de marque avant même de vous mettre à tester le jeu. Ne me dites pas que vous ne testez le jeu qu’avec des proches, qui ont donc tout intérêt à ne pas vous briser le cœur. Vous ne faites pas tout cela, n’est-ce pas ? Bien sûr que non, ce serait idiot. Cette paranoïa n’est qu’un prétexte pour ne pas se mettre au travail.

Voici quelques petites choses que j’ai apprises après des années à concevoir des jeux en public. J’espère que ces observations seront pertinentes dans votre propre processus créatif.

Gadl - CC by

La vérité sur les idées

Les idées ne sont pas si particulières.

Sérieusement, une idée sympa ne peut pas en elle-même constituer un jeu. Antoine Bauza a récemment reçu le « Prix du Jeu de l’Année » au festival du jeu d’Essen, en Allemagne. Il a reçu ce prix pour Hanabi, un petit jeu de cartes collaboratif dans lequel les joueurs tiennent leurs cartes à l’envers et dépendent des autres pour recueillir des informations précises sur leur propre main. Il ne s’est pas juste réveillé un matin en disant « Hé, je veux faire un jeu où on tient ses cartes à l’envers et où on doit collaborer » et a reçu alors le prix « Spiel de Jahres ». Non, il y a eu une masse de travail et deux éditions distinctes avant qu’Hanabi soit reconnu pour son inventivité et devienne un succès commercial.

Les idées ne dévoilent pas l’émergence.

Même si votre idée est à 100% originale, l’idée seule ne vaut rien. C’est le travail de dévoilement des propriétés émergentes qui rend l’idée valable. Reprenons l’exemple du jeu Hanabi de Bauza : pour obtenir un jeu aussi élégant, il a fallu consacrer beaucoup de temps à chaque décision lors de la conception. Avec si peu de règles du jeu, tout devient beaucoup plus important. Combien de couleurs devrait-il y avoir dans le jeu ? Combien de cartes de chaque rang ? Quel est le score moyen sur une centaine de parties ? Comment les joueurs communiquent-ils entre eux pendant une partie ? Aucune de ces questions ne trouve de réponse tant que l’ « idée » n’est pas matérialisée sur la table. Il y a d’innombrables propriétés émergentes qui ne se révèlent qu’après des parties tests.

Vos idées sont piquées… à quelqu’un d’autre.

J’ai un placard rempli d’idées qui n’ont jamais abouti, pour diverses raisons. Des idées partout ! Sérieusement, tenez, prenez-en, j’en ai trop. Nous les avons toutes et il y a des chances qu’aucune d’entre elles ne soit originale. Pas les miennes, ni probablement les vôtres. Nous ne pouvons pas échapper aux déterminants de notre époque, nous pouvons seulement y réagir, et les répéter. Nous baignons dans un courant d’influences, qu’on le réalise ou non. Un simple exemple : essayez de penser à une nouvelle pièce de jeu d’échecs. Allez-y, peut-être qu’elle se déplace comme un fou, mais en étant limité à deux cases ? Peut-être qu’elle se déplace comme un roi, mais de deux cases seulement si elle se déplace en avant et peut seulement capturer en diagonale ? Ok, maintenant considérez les centaines de pièces d’échecs qui sont quelque part dans le monde, et voyez s’il vous reste de la place pour innover. Est-ce que c’est dégrisant ? Oui. Est-ce que c’est décourageant ? Foutrement non.

Votre idée toute seule ne constitue pas un jeu.

Prenons le temps de regarder les choses calmement. Si un jeu n’est pas joué, est-ce que c’est toujours un jeu ? Est-ce que c’est seulement un jeu quand il est joué ? Voilà les questions que je vous pose si vous vous préoccupez de garder jalousement vos préééécieuses idées pour vous, au lieu de les confronter vraiment au regard du plus de monde possible. Votre idée n’est pas un jeu. Seul votre jeu en est un. Il en est un seulement si les gens y jouent. Cela signifie que vous devez faire des prototypes, écrire des règles, et affronter la gêne sociale de demander à des étrangers de jouer le jeu, avec une règle supplémentaire : cela pourrait ne même pas être amusant. C’est ce qui rendra votre idée précieuse. Et devinez quoi ? Quand le jeu est amusant, la victoire en sera d’autant plus savoureuse.

La valeur, ça prend du temps, beaucoup de temps.

Tout ça pour dire… Non, je ne suis pas effrayé par l’idée que quelqu’un me vole mes idées. En fait, c’est exactement le contraire. Je ne serais pas là si je n’étais pas si ouvert au sujet de mes processus de création. Je le fais publiquement depuis maintenant une dizaine d’années. Mais quand j’ai commencé, oui, j’avais peur !

Tout a commencé autour de 1999 quand j’ai créé un jeu de fan dérivé du jeu de rôle World of Darkness à propos de zombies doués de sensations. Il s’appelait Zombie: the Coil. Je pensais pouvoir combler un trou dans la mythologie de WoD. Et punaise, je l’ai farci de tout ce que je pensais qu’un bon RPG devait contenir : faits artificiels, mécanismes inconsistants, postures punk-rock, complainte gothique. J’avais juste copié la structure des propriétés des jeux White Wolf (NdT: la société d’éditon de World of Darkness) de l’époque, je l’avais écrit avec ces contraintes et posté le résultat sur mon site pourri.

J’ai alors été effrayé par le fait que White Wolf pourrait me voler mon idée. J’ai appris qu’ils sortaient Hunter: the Reckoning et que ça parlait de zombies. Oh non, des zombies dans World of Darkness ? Merde ! Tout ce que j’avais écrit partait en fumée ! Peu importe que je n’aie pas essayé de contacter White Wolf en premier lieu. Pouvez-vous imaginer ma naïve audace ? Je pique pas mal de trucs dans les bouquins de White Wolf et après je suis inquiet qu’ils se penchent sur mon travail ? Remets ça à l’endroit, jeune Daniel. Zombie: the Coil, ça craint. Mais continue, tu trouveras ton processus de conception dans presque 15 ans (et aussi, jeune Daniel, arrête de porter des manteaux en Floride, tu as l’air d’un parfait idiot). Pas la peine de préciser que White Wolf a fait son chemin dans les année 90 sans ma petite contribution. Mais dépasser cette peur, être à l’aise pour montrer mon travail aux autres et affronter les critiques, ça, ça a de la valeur. Et alors, j’ai continué à concevoir plein de jeux débiles.

Ni génie, ni mysticisme. Seulement le travail.

Ne croyez pas cette mythologie du génie. C’est un mirage. Peut-être qu’il existe des génies, mais vous ne pouvez pas partir du principe que vous en êtes un. C’est comme vivre en croyant qu’on va régulièrement gagner au loto. Non, la valeur vient du travail et personne n’en fera autant que vous. Achetez une pizza aux testeurs de votre jeu. Crevez-vous à trouver la terminologie du jeu. Assemblez et finalisez trois prototypes d’affilée puis recommencez de zéro. Là réside l’artisanat, le métier de conception de jeux. Alors on s’y remet !

JD Hancock - CC by

Crédit photos : Michael Elleray, Gadl et JD Hancock (Creative Commons By)




Concurrence déloyale des logiciels libres en Europe ? La réponse de la FSFE

Le groupe de pression « FairSearch » (Microsoft, Nokia, Oracle…) prétend que Android fausse la concurrence parce qu’il est libre et gratuit et vient s’en plaindre à la Commission Européenne.

Traduite par nos soins, une réponse de la Free Software Foundation Europe s’imposait.

Laihiu - CC by

Les objections de la FSFE aux prétendues pratiques de « prix prédatoires » des logiciels libres

FSFE objects to claims of ‘predatory pricing’ in Free Software

(Traduction : Asta, GregR, Kiwileaks, KoS, Rinzin, Scailyna, Slystone, Tentate, aKa, audionuma, hugo, lamessen, lu, madalton + anonymes)

À :
Commission Européenne
DG Concurrence
B-1049 Bruxelles
Belgique

Juillet 2013

Selon des informations publiées dans un media spécialisé en ligne, la coalition dénommée « FairSearch » (composée de Microsoft, Nokia, Oracle et un certain nombre de fournisseurs de services en ligne) prétend dans sa dernière demande à la Commission Européenne que la distribution gratuite d’Android, un système d’exploitation libre[1] pour mobiles développé par Google, constitue une pratique de prix prédatoires. Suggérer que la distribution gratuite de logiciels libres pénalise la concurrence est d’une part faux en soi, et constitue d’autre part un danger pour la concurrence et l’innovation.

Nous exhortons la Commission à examiner les faits comme il se doit avant d’admettre les allégations de FairSearch comme établies. Nous vous écrivons aujourd’hui afin d’expliquer comment la distribution de logiciels libres, qu’elle soit gratuite ou contre rémunération, promeut la concurrence plutôt que de la mettre à mal.

La Free Software Foundation Europe (FSFE) est une organisation associative indépendante et à but non lucratif qui se consacre à la promotion du logiciel libre. La FSFE défend l’idée que les libertés d’utiliser, de partager et d’améliorer les logiciels sont essentielles pour assurer une participation de tous à l’ère informatique. Nous travaillons en faveur d’une compréhension et d’un soutien global vis-à-vis du logiciel libre en politique, en droit et dans la société en général. Nous promouvons également le développement des technologies, telles que le système d’exploitation GNU/Linux, qui assurent ces libertés à tous les participants de la société numérique. Pour atteindre ces buts, nous avons une longue histoire d’implication active dans les processus de concurrence qui affectent le logiciel libre.

Le logiciel libre est une question de liberté, pas de prix.

Le terme « libre » dans logiciel libre évoque la notion de liberté, et non celle de prix (NdT la fameuse ambiguité sur le mot anglais free). Plus précisément, le logiciel libre offre aux utilisateurs les libertés suivantes :

  • exécuter le programme, sans limitation ;
  • étudier le code source du programme et comprendre comment il fonctionne ;
  • partager le programme avec d’autres, que cela soit gratuitement ou moyennant finance ;
  • améliorer le programme et distribuer ses améliorations.

Prises ensemble, ces quatre libertés font du modèle du logiciel libre une force puissante et disruptive pour la concurrence. Le logiciel libre a contribué de façon considérable à la rupture d’anciens monopoles construits par les fabricants de logiciels propriétaires tels que Microsoft.

Dans de nombreux domaines, les logiciels libres sont depuis longtemps les applications majeures, ou les alternatives concurrentes les plus puissantes. Cela inclut les serveurs web[2], la navigation web (Firefox), les suites bureautiques (LibreOffice, OpenOffice), et les systèmes d’exploitation de serveurs. 93% des 500 supercalculateurs mondiaux sont basés sur des systèmes d’exploitation libres.

Le logiciel libre est la norme pour les fabricants de périphériques embarqués, comme les télévisions « intelligentes », les routeurs DSL, et les ordinateurs de bord des voitures, pour ne citer qu’eux. De nos jours, des entreprises leaders du web, comme Facebook, Amazon et Google, s’appuient fortement sur le logiciel libre pour construire leurs offres. Le logiciel libre fait aussi fonctionner pléthore de startups et de concurrents avec des architectures et des services qui constituent des alternatives aux prestataires établis.

La tendance dans le mobile et ailleurs est irrémédiablement aux logiciels libres

Selon les sources accessibles au public, le fond de la revendication de FairSearch est qu’en « distribuant Android gratuitement », Google empêche les systèmes d’exploitation concurrents d’obtenir un retour sur investissement dans leur concurrence de « la plate-forme mobile dominante de Google ».

La FSFE s’oppose fermement à cette qualification : le logiciel libre est un moyen très efficace de produire et distribuer du logiciel. La vente de licences n’est que l’un des nombreux moyens de monétiser le logiciel.

Android est une plateforme logicielle construite autour du noyau Linux et de Java, par le fork Dalvik, ce qui est possible parce que Java et le noyau sont disponibles sous licence libre. N’importe qui peut prendre Android et le transformer en quelque chose de meilleur et de plus libre, avec ou sans liens avec Google, et ce aussi longtemps que le code source sera disponible, comme il l’est actuellement. Replicant et CyanogenMod sont simplement deux exemples notables, tous deux installés sur des millions de terminaux. L’adoption d’Android par Facebook pour ses propres besoins montre à quel point la plateforme est véritablement ouverte, au point qu’un concurrent peut proposer une interface graphique (GUI) alternative qui est essentiellement destinée aux services d’un concurrent.

En ce qui concerne Java, la Commission a déjà constaté la forte valeur d’une plateforme non fragmentée et reconnaît qu’il existe de fortes motivations à la prévention de sa fragmentation[3]. À tout le moins, Android a attiré les critiques du fait que ses conditions de licence et d’ouverture favorisent la fragmentation, contre ses propres intérêts. La fragmentation est une menace liée à la liberté de « forker ». Dans un contexte propriétaire, le contrôle étroit sur le droit d’auteur, les marques et les brevets empêche facilement la fragmentation. À l’inverse, dans un environnement libre, la fragmentation est évitée par le consensus, le l’autorité fondée sur le mérite, et parfois par l’utilisation de marques (Red Hat, Mozilla). Linux, le noyau commun aux systèmes d’exploitation Android et GNU/Linux a échappé jusqu’à présent à la fragmentation non pas parce qu’elle est impossible ou interdite ? elle ne l’est certainement pas ?, mais parce qu’elle ne rimerait à rien. Au sein d’une plateforme, assurer la plus large compatibilité et un haut degré de standardisation est une préoccupation constante de tout projet, et constitue d’une part une incitation forte pour éviter les abus de la communauté, et d’autre part une pression constante sur le ou les chefs de file du projet pour qu’ils avancent par consensus[4].

Afin de bien illustrer la façon dont le logiciel libre favorise la concurrence, nous faisons remarquer que tous les ajouts récents à la liste des systèmes d’exploitation mobiles sont largement du logiciel libre. Bien que les appareils Android représentent actuellement aux alentours de 70% des ventes de téléphones portables et tablettes, plusieurs autres systèmes d’exploitation mobiles libres basés sur le noyau Linux émergent pour entrer en concurrence avec Android. Les exemples incluent Firefox OS (soutenu par la fondation Mozilla), Jolla (issu des cendres de Maemo, un projet de la société Nokia interrompu suite à l’alignement stratégique de celle-ci sur Microsoft), Tizen (soutenu par Samsung, Intel et plusieurs opérateurs téléphoniques tels que Vodafone et NTT Docomo), et UbuntuMobile (soutenu par Canonical).

La distribution libre du code n’a rien a voir avec les prix prédatoires

Dans sa demande, la coalition FairSearch affirme que la disponibilité gratuite d’Android rend difficile ou impossible la concurrence sur le marché des systèmes d’exploitation mobiles.

Cependant, la vente de licences n’a jamais été une stratégie importante dans le marché du mobile. À la base, le constructeur de Blackberry, RIM, vendait des appareils et des logiciels et services pour les serveurs dans le secteur des entreprises. Apple a financé son iOS propriétaire grâce à ses services et composants vendu à la fois par Apple et par des entreprises tierces réduisant considérablement les revenus générés par le magasin en ligne iTunes. Nokia a essayé de maintenir deux systèmes d’exploitations différents, tous deux finalement libres (Symbian et Maemo, ensuite renommé en Meego, et maintenant forké par Jolla et son SailFish). Seul Microsoft a réussi à garder une position de vendeur de logiciel indépendant, arguant de l’avantage tiré de l’intégration avec ses services réseaux.

Il semblerait donc que le seul motif envisageable à la plainte de la coalition FairSearch soit que l’existence d’un certain nombre de systèmes d’exploitations mobiles libres, dont Android, rende la tache plus difficile à Microsoft pour reproduire son modèle économique dans le marché mobile. En soi, la demande de FairSearch à la commission revient à favoriser un modèle économique plutôt qu’un autre. C’est exactement à l’opposé de ce qu’une autorité de concurrence devrait appliquer pour maintenir un marché concurrentiel.

La FSFE a toujours clairement affirmé qu’une licence propriétaire est un système de production de logiciel obsolète et inefficace. De notre point de vu, Google n’a ni l’intention ni les moyens de monopoliser le marché du système d’exploitation mobile, tout simplement parce qu’il n’y a pas de marché des licences de systèmes d’exploitations propriétaires.

La pratique de prix prédatoires alléguée par FairSearch est clairement inadaptée à la réalité d’un marché où il n’y a pas de prix, et d’un produit qui, étant un logiciel libre, peut être littéralement pris par n’importe qui et « forké », ce qui est une pratique que la Commission avait déjà abordée précédemment. Il n’y a pas de distribution « à perte » pour le logiciel libre, parce que le prix des copies sur le marché du système d’exploitation mobile dans ces circonstances est précisément de zéro.

Les logiciels sont faciles à copier pour un coût quasi-nul. En termes économiques, cela signifie qu’il n’y a par définition pas de rareté dans les logiciels. Une telle rareté ne peut être introduite qu’artificiellement, l’utilisation d’une licence propriétaire étant le moyen le plus courant.

Au contraire, le logiciel libre crée un bien commun, auquel chacun peut participer, mais que personne ne peut monopoliser. Les logiciels libres créent ainsi de la richesse et augmentent les possibilités de croissance pour nombre de compagnies et de modèles économiques. Par exemple, Red Hat est une entreprise dont le chiffre d’affaire annuel atteint les 1.3 milliards de dollars, uniquement par la fourniture de services autour d’une distribution GNU/Linux. Android a sans nul doute créé un avantage compétitif pour Google ; mais, contrairement à Microsoft, Google ne se focalise pas sur les logiciels et la monopolisation de plateforme, mais sur les services, proposés sur n’importe quelle plateforme utilisée par le consommateur. Au contraire, des analystes estiment que Microsoft gagne plus d’argent grâce à Android qu’il n’en gagne à partir de Windows pour les appareils mobiles. Après l’engagement d’une politique de licence d’exploitation de ses brevets agressive à l’égard des fabricants d’appareils Android.

L’avantage compétitif de Google est essentiellement éphémère : la seule voie pour rester devant la concurrence dans les logiciels libres est de concevoir de meilleurs produits ou services et de gagner la confiance des utilisateurs. Le coût à l’entrée dans cette environnement concurrentiel est extrêmement bas. En effet, cette plateforme accepte des marchés d’applications alternatifs. Les différentes fondations du logiciel libre font campagne pour « libérer les Android » (Free Your Android) et sollicite l’adoption d’un marché d’application alternatif appelé F-Droid où sont uniquement proposés des logiciels libres.

Conclusion

Dans cette demande, la coalition FairSearch semble supposer que les régulateurs européens n’ont pas pris conscience des évolutions du marché du logiciel au cours de cette dernière décennie. Au lieu de mettre en évidence une menace réelle à la concurrence dans le marché du mobile, la demande de FairSearch donne l’impression que Microsoft (une entreprise condamnée pour son comportement anti-concurrentiel dans des procès de premier plan sur trois continents) essaye de revenir en arrière. L’entreprise est en fait en train de soutenir que la Commission devrait protéger son modèle économique dépassé dans le marché du mobile par un innovateur plus efficace. Nous nous permettons, avec votre respect, de ne pas être de cet avis.

La qualité d’Android comme ressource commune le rend très précieux pour les fabricants, précisément parce que Google ne peut le contrôler qu’à travers son impulsion, pas à travers une main de fer et un enfermement propriétaire, comme c’est le cas avec les alternatives propriétaires. Ce fait même devrait être considéré comme une grande incitation à la concurrence.

Nous recommandons à la Commission européenne d’écarter ce recours sans même ouvrir formellement de procédure. Éventuellement, si une déclaration de communication des griefs devait être notifiée, elle devrait éviter toute référence à la licence du logiciel libre comme source d’entrave à la concurrence. En effet, la qualité de logiciel libre d’Android devrait être considérée comme un outil puissant pour réduire les freins à une concurrence libre et améliorée.

À la FSFE, nous continuerons à travailler avec la Commission européenne pour promouvoir le logiciel libre comme un moyen de créer et maintenir la concurrence sur les marchés. Nous nous tenons prêts à assister la Commission dans toutes les affaires qui se rapportent au logiciel libre.

Bien à vous,

Karsten Gerloff, Président
Carlo Piana, Conseil général
Free Software Foundation Europe

Crédit photo : Laihiu (Creative Commons By)

Notes

[1] Souvent mentionné sous le nom « open source ». « Logiciel libre » est le nom original et plus précis qui reflète tous les aspects de ce phénomène.

[2] Au mois de Juin 2013, pas moins de 68% des sites internet actifs tournent grâce aux logiciels libres Apache et Nginx.

[3] Decision in Case No COMP/M.5529 – ORACLE/ SUN MICROSYSTEMS, paragraph 935.

[4] Decision in Case No COMP/M.5529 – ORACLE/ SUN MICROSYSTEMS, paragraph 655.