Souhaitons-nous une société d’illettrés numériques ou une société libre ?

Glitter Feet - CC byOn peut s’extasier béatement devant les prétendues capacités technologiques de la nouvelle génération, née une souris dans la main, et baptisée un peu vite les « digital natives ».

Mais s’il ne s’agit que de savoir manier de nouveaux objets, sans conscience, sans recul, et sans compétence ni curiosité pour en soulever les capots, alors nous nous mettons peut-être en danger[1].

Or, parmi ces nouveaux objets, il y a les logiciels, dont tout le monde aura noté la place croissante qu’ils occupent dans nos sociétés contemporaines. Nous écarterons d’autant plus facilement ce danger que nous serons toujours plus nombreux à accorder de la valeur à la liberté des logiciels.

C’est la thèse que défend ici Hugo Roy en évoquant, par analogie avec la démocratie, une approche systémique de la situation.

PS : Pour l’anecdote, il s’agit d’une traduction que nous avons entamée sans savoir qu’Hugo Roy était… français ! Du coup c’est la première fois qu’on se retrouve avec une traduction relue par l’auteur même de l’article d’origine !

Logiciel Libre, Société Libre : À propos de la Démocratie et du Hacking

Free Software, Free Society: Of Democracy and Hacking

Hugo Roy – 8 novembre 2009 – Blog de la FSFE
(Traduction Framalang : Gilles Coulais et Hugo Roy)

Lorsqu’on explique pourquoi le logiciel libre est important, une question revient souvent :
« Ai-je réellement besoin de la liberté du logiciel ? »

L’utilité de la liberté du logiciel n’est pas évidente pour tous. Tout le monde n’est pas capable de comprendre le code source d’un programme, et ils sont encore moins nombreux à pouvoir le modifier. Seuls les hackers et les développeurs peuvent en effet jouir pleinement des quatre libertés d’un logiciel libre. Il est alors difficile de convaincre quelqu’un d’abandonner le logiciel propriétaire pour le simple bénéfice de la liberté, tant qu’il ne comprend pas l’utilité de cette liberté.

Il est essentiel de penser ce problème non pas comme un simple engagement envers la liberté, mais plus comme un problème de systèmes.

Tout d’abord, ne pas jouir d’une liberté n’implique pas pour autant qu’on ne bénéficie pas des effets de cette liberté. L’analogie la plus évidente ici sont les systèmes politiques. La Constitution est à la souveraineté ce que la licence des logiciels libres est au droit d’auteur. La Constitution qui définit notre système politique donne à chaque citoyen des libertés et des droits, tel que le droit de se porter candidat à une élection.

Tout le monde peut se présenter à une élection, ce qui ne signifie pas pour autant que tout le monde le fera. Tout le monde n’a pas la compétence ou l’envie de devenir politicien. Cela étant, diriez-vous que la démocratie n’a aucune importance juste parce que vous ne souhaitez pas personnellement entrer en politique ? Je crois que la plupart des gens ne diraient pas cela.

C’est la même chose avec le logiciel libre. Chacun peut utiliser, partager, étudier ou améliorer le programme. Mais le fait que vous ne le ferez pas ne doit pas vous amener à penser que ce n’est pas important pour vous. C’est important pour le système lui-même. Et plus le système devient important, plus cette liberté prend de la valeur.

À moins, bien sûr, que vous ne partiez du principe que le logiciel n’est pas important, et par conséquent son degré de liberté également. Mais alors, je suggère que vous éteigniez votre ordinateur et que vous arrêtiez de me lire. Prenez un avion et passez le reste de votre vie sur une île déserte.

Regardons maintenant de plus près l’utilité de la liberté logicielle. Alors que de plus en plus de logiciels sont utilisés dans notre société pour faire toujours davantage, nous devrions être de plus en plus nombreux à être capables de comprendre le logiciel. Sauf à vouloir donner à certains un contrôle total sur vous-même. Et alors les autres façonneront le système à votre place, en vue d’obtenir toujours plus de pouvoir au sein de ce système.

C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de démocratiser le hacking. Et cette démocratisation viendra naturellement si le logiciel libre est largement utilisé. Donnez aux gens la possibilité d’étudier et d’explorer quelque chose, et ils finiront par le faire, au moins par curiosité, de la même manière que l’Imprimerie a donné aux gens la volonté d’être capable de lire puis d’écrire. Il s’agit évidemment d’un long processus. Mais ce processus peut s’avérer beaucoup plus long si nous utilisons du logiciel propriétaire, un logiciel que vous ne pouvez ni lire, ni modifier, ni partager.

Souhaitons-nous une société d’illettrés numériques ou une société libre ?

Notes

[1] Crédit photo : Glitter Feet (Creative Commons By)




La guerre du Web, par Tim O’Reilly

Phault - CC byUn article majeur de l’un des gourous de la Toile, qui met le doigt là où ça peut faire bientôt très mal.

Hubert Guillaud, nous le présente ainsi sur l’agrégateur Aaaliens :

« Tim O’Reilly revient sur la guerre du Web : entre Facebook qui ne transforme par les liens en hyperliens, Apple qui rejette certaines applications menaçant son coeur de métier… Tim O’reilly répète depuis longtemps qu’il y a deux modèles de systèmes d’exploitation de l’Internet : celui de « l’anneau pour les gouverner tous » et celui des « petites pièces jointes de manières lâche », le modèle Microsoft et le modèle Linux.

Allons-nous vers le prolongement du modèle du Web interopérable ? Ou nous dirigeons-nous vers une guerre pour le contrôle du Web ? Une guerre des plateformes (Google, Apple, Facebook…) ? Il est temps pour les développeurs de prendre position : si l’on ne veut pas rejouer la guerre des PC ou celle des navigateurs, il faut prendre fait et cause maintenant pour les systèmes ouverts ! »

La guerre du Web aura-t-elle lieu ?[1] La réponse dépend aussi de la capacité qu’aura « la communauté du Libre » à diffuser et défendre ses valeurs et ses idées.

On notera au passage un étonnante prédiction finale sur Microsoft, notre futur allié de circonstance !

La guerre du Web

The War For the Web

Tim O’Reilly – 16 novembre 2009 – O’Reilly Radar
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Goofy)

Vendredi dernier, mon dernier message sur Twitter a également été publié automatiquement sur Facebook, comme d’habitude. À un détail près : le lien que contenait le message n’était plus actif, comme l’a remarqué Tom Scoville.

En fait, il est loin d’être le seul à l’avoir remarqué. Dès samedi matin, Mashable publiait un article à ce sujet : Facebook retire vos liens Twitter.

Si vous publiez des liens Web (Bit.ly, TinyURL) sur votre compte Twitter et que par le biais d’une application Twitter-Facebook vous les partagez également sur Facebook, ils perdent leur caractère d’hyperliens. Vos amis devront copier et coller l’adresse dans leur navigateur pour qu’ils fonctionnent.

Si Facebook tente d’améliorer son ergonomie, c’est une curieuse décision : il vaudrait mieux que ça soit juste un bogue, nous avons donc contacté Facebook pour en savoir plus. Toujours est-il que tout le site est affecté, et pas seulement vous.

Il se trouve que ce ne sont pas uniquement les liens postés depuis Twitter qui étaient affectés. Tous les liens externes ont été temporairement désactivés si les utilisateurs ne les avaient pas clairement ajoutés avec la fonction « Joindre ». Sur Facebook j’ai essayé de poster un lien direct vers ce blog dans mes nouveautés, mais le résultat est le même : les liens n’étaient plus automatiquement cliquables. Le premier lien de cet article renvoie à une image illustrant ma tentative.

Le problème a été rapidement résolu, les liens apparaissent à nouveau cliquables. On a dit que c’était un bogue, mais certains mettent évidemment cette explication en doute, surtout compte tenu des efforts de plus en plus visibles de Facebook pour prévenir les gens qu’ils quittent Facebook pour se rendre sur le grand méchant Internet.

Tout cela part d’un bon sentiment, je n’en doute pas. Après tout, Facebook met en place un meilleur contrôle de la vie privée, pour que les utilisateurs puissent mieux gérer la visibilité de leurs informations et la visibilité universelle qui fait loi sur le Web n’est pas forcément la mieux adaptée aux informations postées sur Facebook. Mais ne nous voilons pas la face : Facebook est un nouveau type de site Web (ou une ancienne version largement reliftée), un monde à part, avec ses propres règles.

Mais ça ne concerne pas que Facebook.

L’iPhone d’Apple est l’appareil connecté le plus à la mode et, comme Facebook, même s’il est connecté au Web, il joue avec ses propres règles. N’importe qui peut créer un site Web ou offrir une nouvelle application pour Windows, Mac OS X ou Linux, sans demander la permission à qui que ce soit. Vous voulez publier une application pour iPhone ? Il vous faudra obtenir l’approbation d’Apple.

Mais il y a une lacune flagrante : n’importe qui peut créer une application Web et les utilisateurs peuvent y accéder depuis leur téléphone. Mais ces applications connaissent des limitations : toutes les fonctionnalités du téléphone ne leur sont pas accessibles. HTML5 aura beau innover autant qu’il veut, les fonctionnalités principales du téléphone resteront hors de portée de ces applications sans la permission d’Apple. Et si l’on s’en réfère à l’interdiction de Google Voice sur iPhone il y a quelques temps, Apple n’hésite pas à interdire les applications qui menacent leur cœur d’activité et celui de ses partenaires.

Et ce n’est pas tout, une autre salve a été tirée contre les règles tacites d’interopérabilité du Web : Rupert Murdoch menace de retirer le Wall Street Journal de l’index de Google. Même si, de l’avis général, ce serait du suicide pour le journal, des voix contraires s’élèvent pour insister sur l’influence qu’à Murdoch. Pour Mark Cuban, Twitter a maintenant dépassé les moteurs de recherche pour ce qui est des informations en temps réel. Jason Calacanis va même plus loin, quelques semaines avant les menaces de Murdoch, il suggérait déjà que pour porter un gros coup à Google il faudrait que tous les groupes de radio/presse/télévision devraient bloquer Google et négocier un accord d’exclusivité avec Bing pour ne plus apparaître que dans l’index de Microsoft.

Évidemment, Google n’encaisserait pas sans broncher et signerait également des accords de son côté, on assisterait alors à une confrontation qui ferait passer la guerre des navigateurs des années 90 pour une petite bagarre de cours d’école.

Je ne suis pas en train de dire que News Corp et les autres groupes d’information devraient adopter la stratégie prônée par Jason, ni même qu’elle fonctionnerait, mais je vois une se profiler une période de concurrence meurtrière qui pourrait être très néfaste à l’interopérabilité du Web telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Si vous suivez mes commentaires sur le Web 2.0 depuis le début, vous savez que je pense que nous sommes engagés dans un projet à long terme dont la finalité est le système d’exploitation Internet (jetez un œil au programme de la O’Reilly Emerging Technology Conference de 2002 (pdf)). Je soutiens depuis des années qu’il y a deux modèles de systèmes d’exploitation, que je décris comme "Un anneau pour les gouverner tous" et "Des petits morceaux faiblement coordonnés", ce dernier étant illustré par une carte d’Internet.

Dans le premier : malheur au vaincu, c’est le monde que nous avons connu avec Microsoft Windows et le PC, un monde où priment la simplicité et l’accessibilité, mais où le choix de l’utilisateur et du développeur sont réduits au bon vouloir du fournisseur de système d’exploitation.

Le second est une système d’exploitation qui fonctionne comme Internet lui-même, comme le Web et comme les systèmes d’exploitation Open Source comme Linux : un monde certes moins raffiné, moins contrôlé, mais un monde qui est par essence novateur car chacun peut apporter ses idées sans avoir à demander la permission à qui que ce soit.

J’ai déjà expliqué les tentatives des grands pontes comme Facebook, Apple et News Corp de grignoter le modèle « des petits morceaux faiblement coordonnés » de l’Internet. Mais peut-être que le plus grand danger réside dans les monopoles qu’a engendré l’effet réseau du Web 2.0.

Je ne cesse de répéter, à propos du Web 2.0, qu’il s’appuie sur un système auto-entretenu : plus il y a d’utilisateurs, plus l’expérience est intéressante. C’est un système qui tend naturellement vers des monopoles.

Nous nous sommes donc habitués à un monde où un seul moteur de recherche domine, où une seule encyclopédie en ligne domine, un seul cyber-marchand, un seul site d’enchères, un seul site de petites annonces dominent, et nous avons été préparés à un monde où un seul réseau social dominera.

Mais qu’advient-il lorsqu’une de ces entreprises, profitant de son monopole naturel, tente de dominer une activité connexe ? C’est avec admiration et inquiétude que j’ai observé Google utiliser sa mainmise sur la recherche pour tenter d’étendre son emprise sur d’autres activités concentrées sur les données. Le service qui m’a mis la puce à l’oreille était la reconnaissance vocale, mais c’est vraiment les services de géolocalisation qui ont eu le plus gros impact.

Il y a de cela quelques semaines, Google a lancé une application de navigation GPS gratuite pour les téléphones Android. Pour les clients c’est génial puisque auparavant ils devaient opter pour un GPS dédié ou des applications pour iPhone hors de prix. Mais il faut aussi y voir la compétitivité que le Web a acquise et la puissance que Google a gagnée en comprenant que les données sont le nouveau "Intel Inside" de la nouvelle génération d’applications pour ordinateurs.

Nokia a allongé 8 milliards de dollars pour NavTeq, leader de la navigation routière. Le fabricant de GPS TomTom a quant à lui payé 3,7 milliards de dollars pour TeleAtlas, numéro deux du secteur. Google développe un service équivalent dans son coin pour finalement l’offrir gratuitement… mais à ses seuls partenaires. Tous les autres doivent encore payer de lourdes redevances à NavTeq et TeleAtlas. Google va même plus loin puisqu’il y ajoute ses propres services, comme Street View.

Mais surtout, les camps sont maintenant bien établis entre Apple et Google (ne ratez pas l’analyse de Bill Gurley à ce sujet). Apple domine l’accès au Web mobile avec son appareil, Google contrôle l’accès à l’une des applications mobiles les plus importantes et limite son accès gratuit aux seuls terminaux Android pour l’instant. Google ne fait pas des merveilles que dans le domaine de la recherche, mais aussi en cartographie, en reconnaissance vocale, en traduction automatique et dans d’autres domaines adossés à des bases de données intelligentes phénoménales que seuls quelques fournisseurs peuvent s’offrir. Microsoft et Nokia disposent également de ces atouts, mais eux aussi sont en concurrence directe avec Apple et, contrairement à Google, leur économie repose sur la monétisation de ces atouts, pas sur la gratuité du service.

Il se peut qu’ils trouvent un moyen de co-exister pacifiquement, et dans ce cas nous pourrions continuer à jouir du Web interopérable que nous connaissons depuis deux décennies. Mais je parierais plutôt sur l’effusion de sang. Nous sommes à la veille d’une guerre pour le contrôle du Web. Au fond, c’est même plus que ça, c’est une guerre contre le Web en tant que plateforme interopérable. Nous nous dirigeons plutôt vers la plateforme Facebook, la plateforme Apple, la plateforme Google, la plateforme Amazon, les grandes entreprises s’étripant jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une.

C’est maintenant au développeur de s’affirmer. Si vous ne voulez pas voir l’histoire se répéter comme pour les PC, pariez sur les systèmes ouverts. N’attendez pas qu’il soit trop tard.

PS : Une prédiction : Microsoft sera le grand défenseur du Web ouvert, encourageant l’interopérabilité des services Web, tout comme IBM est devenu l’entreprise soutenant le plus Linux.

Je parlerai de ce sujet lors de mon discours d’introduction à la Web 2.0 Expo à New York mardi. J’espère vous y rencontrer.

Notes

[1] Crédit photo : Phault (Creative Commons By)




Méfions-nous du Fauxpen Source !

Stevoarnold - CC byEt si le plus grand danger qui guettait désormais le logiciel libre n’était pas exogène mais endogène ?

Si, comme le pensent certains, ce n’était plus le logiciel propriétaire qui menace, mais une dilution des valeurs et de la culture du logiciel libre dans une soupe open source de… confusion et d’opacité, au grand dam de l’utilisateur qui ne serait plus alors acteur potentiel d’une communauté ?

On aurait même inventé une expression pour caractériser ces logiciels aux processus de développement privés et fermés qui, et je caricature à dessein[1], finissent par n’avoir d’open source que la licence : les « fauxpen source ».

Personnellement j’aime beaucoup ce néologisme. Il a été inventé par Phil Marsosudiro le 2 mai 2009 au cours d’une soirée (arrosée ?) quelque part en Caroline du Nord. Comment le sais-je ? Parce que je me suis rendu sur le site, ou plutôt la page, fauxpensource.org pardi !

Et il est repris ici par Matt Asay[2] dont je ne partage pas forcément l’optimisme (et les contradictions) mais qui évoque une problématique dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.

Quand l’open source ne l’est pas assez (open)

When open source isn’t (open enough)

Matt Asay – 10 novembre 2009 – CNET News (The Open Road)
(Traduction Framalang : Yonnel et Cheval boiteux)

Certains logiciels open source ne sont peut-être pas assez ouverts. Alors que « open source » fait référence à la licence sous-jacente au logiciel et à son adhésion à la définition de l’open source, on trouve de nombreux exemples de projets open source qui offrent une licence ouverte mais un processus de développement relativement fermé.

On a appelé cela « fauxpen source », ou pire encore, mais nous devons peut-être nous y habituer. Cela semble être la nouvelle norme du développement open source. Seules les fondations open source comme Eclipse, Apache Software Foundation et Mozilla semblent en mesure d’y échapper totalement.

Java est souvent cité comme exemple emblématique de « fauxpen source ». Lundi, le directeur technique de SAP, Vishal Sikka, a appelé de ses vœux un processus plus ouvert pour le développement de Java, mettant en avant que Sun exerce un contrôle trop strict sur le développement de Java. C’est un reproche qui mine la communauté Java depuis des années.

Et Java n’est pas le seul. Si Google s’attire les compliments pour ses investissements dans l’open source, certains n’hésitent pas à prétendre que Google garde une communauté Android fermée. Le même genre de plaintes a vu le jour à propos de la gestion de Chrome et de Chrome OS.

Même Red Hat, la quintessence des entreprises open source, est d’abord connue pour ce qu’elle distribue, pas pour ce qu’elle développe. Red Hat, bien sûr, travaille aux côtés d’IBM et d’autres développeurs salariés ou indépendants à l’écriture du noyau Linux, et publie scrupuleusement ses logciels sous licences open source. Mais lorsqu’il s’agit du développement de sa distribution Red Hat Enterprise Linux, de son middleware JBoss ou d’autres technologies (par ex. KVM), bonne chance si vous voulez trouver des contributions externes significatives.

MySQL ? C’est grosso modo la même chose. L’entreprise (maintenant Sun Microsystems) fait virtuellement tous ses développements en interne, ce qui est vrai pour chaque entreprise privée open source qui me vient en tête. C’est une des raisons pour lesquelles Richard Stallman n’a pas à rougir de s’inquiéter de l’avenir de MySQL, même si c’est sa licence GPL préférée qui est utilisée.

La source est peut-être open, mais le processus pas nécessairement.

Il y a de très bonnes raisons pour que Google, Red Hat, MySQL et d’autres agissent de la sorte sur leurs efforts de développement open source. Ils sont responsables, fiscalement et légalement, devant leurs clients, et doivent être en capacité de garantir qualité et sécurité. On peut comprendre qu’ils exercent un certain contrôle pour s’assurer que les produits qu’ils distribuent protègent l’intégrité de leur marque.

Toutefois ceci témoigne d’un réel fossé entre « l’open source » en tant que licence et « l’open source » en tant que mode de développement et de distribution de logiciels complètement transparent. Le premier modèle est simple à mettre en place, le second beaucoup moins et demande une réelle volonté de la part de l’éditeur.

Les entreprises qui semblent mieux réussir sont celles qui ne comptent pas sur un retour sur investissement direct avec les logiciels libres. En d’autres termes, si vous ne vendez pas de l’open source, il est plus facile d’être ouvert. Doc Searls exprime cela de manière tout à fait pertinente quand il dit que « vous gagnez de l’argent grâce à (l’open source), pas de l’open source ».

Les exemples ne manquent pas. IBM en est un, Google également, bien que je sois d’accord avec ceux qui le critiquent car il peut assurément mieux faire. On peut également citer Facebook, Oracle et quelques autres.

À l’avenir, je pense que nous allons voir cette « fauxpen source » décliner, les entreprises séparant clairement leurs efforts dans l’open source et leurs modèles de ventes. L’open source peut offrir une plate-forme directe de gains, mais ce n’est pas le meilleur moyen pour véritablement générer de l’argent. Pas pour la plupart des entreprises en tout cas.

Notes

[1] Crédit photo : Stevoarnold (Creative Commons By)

[2] Pour un aller plus loin on pourra parcourir ce billet similaire de Philippe Scoffoni que je découvre à l’instant. Il y évoque « l’open source Canada Dry » et la tentation d’un « open source washing ». Extrait : « Faire de l’open source en mode licence est relativement facile alors que le faire en mode communautaire est une tout autre chose (…) les éditeurs qui font le choix de l’open source pour la licence cherchent donc avant tout à profiter de l’effet de mode et à monétiser ce qui apparaît aujourd’hui comme un avantage concurrentiel par rapport au modèle propriétaire ».




0,01 % du budget licences Microsoft pour soutenir et déployer OOo4Kids à l’école !

Libre ou pas libre, là où Microsoft Office et OpenOffice.org se rejoignent dans le pire, c’est au niveau ergonomique, avec une interface peu adaptée aux jeunes enfants. Cela les déroute de prime abord et complexifie inutilement leur initiation à cet indispensable outil qu’est une suite bureautique.

Il se trouve qu’un projet, initié par un enseignant français, souhaite justement remédier à cela en optimisant son utilisation pour la tranche d’âge 7-12 ans. Et, tiens donc, il ne peut le faire qu’avec OpenOffice.org, qui elle seule autorise les modifications du code source de par sa licence libre.

Ce projet s’appelle OOo4Kids et nous avions déjà eu l’occasion d’en parler il y a peu en interviewant Éric Bachard, l’enseignant dont nous parlions au paragraphe précédent.

Le projet avance, comme en témoigne cette excellente petite vidéo ci-dessous qui présente tout ce qu’OOo4Kids peut apporter aujourd’hui et demain aux écoliers.

—> La vidéo au format webm

Le projet avance, mais il manque de ressources et de moyens, ainsi que vient nous le rappeller l’appel au don final de la vidéo. Et nous vous invitons tous bien entendu à participer pour soutenir le projet.

Mais, franchement, qui devrait avant tout aider un tel projet ? Qui devrait aider un enseignant et son équipe à développer cette application libre à vocation internationale ayant pour objectif de faciliter l’appropriation et l’usage de l’outil informatique dans les classes ?

L’Éducation nationale, bien sûr, avec nos sous de contribuables. Et j’en serais fier pour mon Institution.

Dans le cas contraire, c’est purement et simplement à désespérer…




Première démonstration « open source » d’un théorème mathématique

Robynejay - CC by-saEst-ce uniquement par leur licence qu’un noyau Linux et une encyclopédie Wikipédia sont identifiés comme étant libres ?

Juridiquement parlant oui, mais s’en tenir là serait passer à côté du modèle collaboratif particulier que ce sont donnés ces deux fleurons de la culture libre pour développer leur projet.

Conséquence de la licence, c’est aussi voire surtout la puissance de ce modèle qui caractérise le Libre. Et ce modèle commence à se diffuser un peu partout dans la société…

Les mathématiques sont « libres » depuis la nuit des temps (enfin depuis que les pythagoriciens ont cessé de se cacher, pour être plus précis)[1]. Chacun est libre des les étudier, les copier et les améliorer en étant fortement encouragé à rendre évidemment publiques ces améliorations, dans la plus pure tradition universitaire.

C’est absurde, mais si il fallait a posteriori leur accoler une licence issue de la culture libre, ce pourrait être la plus simple des Creative Commons, la CC-By, puisque cette notion de paternité est très importante dans un monde scientifique avant tout motivé par la reconnaissance des pairs et la place laissée dans l’Histoire de leur champ disciplinaire.

On retrouve d’ailleurs souvent les crédits et les hommages dans les noms que l’on donne aux résultats. On parlera ainsi de la preuve selon Euclide du théorème de Thalès.

Les mathématiques seraient donc « libres », les professeurs également (enfin surtout en France dans le secondaire avec Sésamath), mais quid des mathématiciens eux-même et de leurs pratiques ? Et si ils s’organisaient à la manière d’un projet de développement d’un logiciel libre pour chercher et éventuellement trouver ensemble des résultats importants ?

Entendons-nous bien. Les mathématiciens ne vivent bien entendu pas dans une tour d’ivoire. Ils sont habitués à travailler et échanger ensemble au sein d’un laboratoire, lors d’un séminaire… et évidemment sur Internet. Mais l’aventure intellectuelle et collective du « Projet Polymath » que nous avons choisi de vous narrer ci-dessous est un peu différente, en ce sens que ses auteurs eux-mêmes la définissent comme une expérience « open source ».

Ne vous arrêtez surtout pas à la complexité mathématique de ce qu’ils cherchent à accomplir (à savoir une « meilleure » preuve d’un théorème déjà démontré !), c’est totalement secondaire ici. Ce qui nous intéresse en revanche c’est comment ils y sont arrivés (désolé d’avoir vendu la mèche) et les enseignements qu’ils en tirent pour l’avenir.

Parce qu’il se pourrait que cet mode opératoire, original et efficient, fasse rapidement des émules, et ce bien au delà des mathématiques.

Remarque : C’est le terme « open source » qui a été choisi tout du long par les auteurs et non « free software ». Contrairement au domaine logiciel, il ne s’agit pas d’un choix ou d’un parti pris mais tout simplement d’une question de sens : « open source mathematics » étant largement plus signifiant que « free software mathematics » !

Mathématiques massivement collaboratives

Massively collaborative mathematics

Timothy Gowers[2] et Michael Nielsen[3] – 24 octobre 2009 – Nature.com (Opinion)
(Traduction Framalang : Olivier et Goofy)

Le « Projet Polymath » est la preuve que l’union de nombreux cerveaux peut résoudre des problèmes mathématiques complexes. Timothy Gowers et Michael Nielsen nous livrent leurs réflexions sur ce qu’ils ont appris des sciences open source.

Le 27 janvier 2009, l’un d’entre nous, Gowers, a lancé une expérience inhabituelle par l’intermédiaire de son blog (NdT : avec ce billet Is massively collaborative mathematics possible?). Le Projet Polymath s’était fixé un but scientifique conventionnel : s’attaquer à un problème mathématique irrésolu. Mais son but plus ambitieux était d’innover dans la recherche en mathématiques. Reprenant l’idée des communauté open source comme Linux et Wikipédia, le projet s’appuyait sur des blogs et des wikis pour canaliser une collaboration complètement ouverte. Libre à tout un chacun d’en suivre la progression et s’il le désire d’apporter sa contribution. Les blogs et wikis étaient en quelque sorte une mémoire à court terme collective, un brainstorming ouvert à grande échelle dédié à l’amélioration des idées.

Le résultat de la collaboration dépassa de loin les espérances de Gowers, offrant une belle illustration de ce que nous pensons être une dynamique formidable pour les découvertes scientifiques : la collaboration de nombreux cerveaux connectés par Internet.

Le Projet Polymath visait à trouver une preuve élémentaire d’un cas particulier du théorème de Hales-Jewett sur la densité (NdT : DHJ pour Density Hales-Jewett), théorème central de l’analyse combinatoire, une branche des mathématiques qui étudie les structures discrètes (voir Morpion à plusieurs dimensions). Ce théorème avait déjà été démontré, mais les mathématiciens ne se contentent pas toujours d’un seul chemin. De nouvelles preuves peuvent déterminantes pour une meilleure compréhension du théorème. Trouver une nouvelle démonstration du théorème DHJ était important pour deux raisons. Tout d’abord il fait partie d’un ensemble de résultats fondamentaux possédant plusieurs démonstrations, alors que le théorème DHJ n’en avait jusqu’alors connu qu’une seule, longue, complexe, et très technique. Seul un élan de nouvelles idées pouvait amener à une preuve plus simple, s’appuyant sur des concepts de base plutôt que sur des techniques compliquées. Ensuite, du théorème DHJ découle un autre théorème important, le théorème de Szemerédi. La découverte de nouvelles preuves de ce théorème a conduit à de grandes avancées au cours de la dernière décennie, on pouvait donc raisonnablement s’attendre à ce qu’un même phénomène accompagne la découverte d’une nouvelle démonstration du théorème DHJ.

À l’origine du projet on retrouve Gowers. Il publia une description du problème, indiqua quelques ressources et établit une liste préliminaire de règles régissant la collaboration. Grâce à ces règles, les échanges sont restés polis et respectueux, elles encourageaient les participants à proposer une et une seule idée par commentaire, même sans la développer complètement. Ces règles stimulaient ainsi les contributions et aidaient à conserver le caractère informel de la discussion.

Mettre le projet sur les bons rails

La discussion collaborative a vraiment commencé le 1er février, doucement : il a fallu attendre plus de 7 heures avant que Jozsef Solymosi, un mathématicien de l’Université de la Colombie Britannique à Vancouver, fasse le premier commentaire. Quinze minutes après, un nouveau commentaire était posté par Jason Dyer, enseignant dans un lycée de l’Arizona. Trois minutes après, c’est Terence Tao (lauréat de la médaille Fields, la plus haute distinction en mathématiques), de l’Université de California à Los Angeles, qui écrivit son commentaire.

Au cours des 37 jours qui suivirent, ce sont pas moins de 27 personnes qui ont apporté leur contribution au travers d’environ 800 messages, pour un total de 170 000 mots. Personne n’a été spécialement invité à participer : la discussion était ouverte à tout le monde, des doctorants aux experts mathématiciens. Nielsen a mis en place un wiki pour mettre en avant les contributions importantes apparues dans les commentaires du blog. Au moins 16 autres blogs ont parlé du projet, il s’est hissé à la première page de l’agrégateur Slashdot technology et a donné naissance à un projet assez proche sur le blog de Tao.

Tout s’est déroulé sans accroc : pas de « trolls » (ces adeptes des posts non constructifs, voire malveillants), ni de commentaires bien intentionnés mais complètement inutiles (on peut malgré tout signaler que le wiki a été spammé). Le rôle de modérateur pris par Gowers se résumait essentiellement à corriger les fautes.

Le projet progressa bien plus rapidement qu’attendu. Le 10 mars, Gowers annonça qu’il était assez sûr que les participants au projet Polymath avaient découvert une preuve élémentaire d’un cas particulier du théorème DHJ et, qu’étonnamment (compte tenu des expériences avec des problèmes similaires), cette preuve pouvait être généralisée assez facilement pour prouver le théorème entier. La rédaction d’un article décrivant cette preuve est entreprise, ainsi que celle d’un second papier décrivant des résultats liés. De plus, alors que le projet était encore actif, Tim Austin, doctorant à l’Université de Californie, Los Angeles, publia une autre preuve (non élémentaire celle-ci) du théorème DHJ en s’appuyant largement sur les idées développées dans le projet Polymath.

Les archives du projet Polymath constituent une ressource exceptionnelle pour les étudiants en mathématiques, les historiens et autres philosophes des sciences. Pour la première fois, on peut suivre le cheminement intellectuel complet à l’origine d’un résultat mathématique sérieux. On y voit les idées naître, grandir, changer, s’améliorer ou être abandonnées, et on y découvre que la progression de la compréhension ne se fait pas nécessairement par un unique pas de géant, mais plutôt par le regroupement et le raffinement de plusieurs petites idées.

C’est un témoignage direct de la persévérance dont il faut faire preuve pour résoudre un problème complexe, pour progresser malgré les incertitudes et on réalise que même les meilleurs mathématiciens peuvent faire des erreurs simples et s’entêter à creuser une idée vouée à l’échec. Il y a des hauts et des bas et on ressent une vraie tension à mesure que les participants s’approchent d’une solution. Les archives d’un projet mathématique peuvent se lire comme un thriller, qui l’eût cru ?

Des implications plus larges

Le projet Polymath ne ressemble pas aux collaborations à grande échelle traditionnelles, comme on peut en trouver dans l’industrie ou dans les sciences. En général, ces organisations sont divisées hiérarchiquement. Le projet Polymath était complètement ouvert, chacun était libre d’apporter sa pierre à l’édifice… n’importe quelle pierre. La variété des points de vue a parfois apporté des résultats inattendus.

Se pose alors la question de la paternité : difficile de décréter une règle de paternité stricte sans heurt ou sans décourager des contributeurs potentiels. Quel crédit accorder aux contributeurs apportant uniquement une idée perspicace, ou à un contributeur très actif mais peu perspicace ? Le projet a adopté une solution provisoire : il signe ses articles du pseudonyme « DHJ Polymath » suivi d’un lien vers les archives (NdT : cf cette première publication ainsi signée A new proof of the density Hales-Jewett theorem). Grâce à la collaboration ouverte privilégiée par le projet Polymath, on sait exactement qui a fait quoi. Au besoin, une lettre de recommandation peut isoler les contributions d’un membre du projet en particulier, comme c’est déjà le cas en physique des particules où il est courant de voir des articles avec des centaines d’auteurs.

Se pose aussi le problème de la conservation. Les archives principales du projet Polymath sont dispersées sur deux blogs (1 et 2) et un wiki, le rendant très dépendant de la disponibilité de ces sites. En 2007, la bibliothèque du Congrès américain a initié un programme de conservation des blogs tenus par les professionnels du droit. De la même manière, mais à plus grande échelle, un programme similaire est nécessaire pour conserver les blogs et wikis de recherche.

D’autres projets, ayant vu le jour depuis, permettront d’en apprendre plus sur le fonctionnement des mathématiques collaboratives. Il est en particulier crucial de savoir si ce genre de projet peut être élargi à plus de contributeurs. Bien qu’il ait rassemblé plus de participants qu’une collaboration classique en mathématiques, le projet Polymath n’est pas devenu la collaboration massive que ses créateurs espéraient. Ceux qui y ont participé s’accordent sur le fait que pour grandir, il faudrait que le projet adapte sa manière de procéder. La narration linéaire du blog posait, entre autre, problème aux nouveaux arrivants. Difficile pour eux, parmi la masse d’informations déjà publiées, d’identifier où leur aide serait la plus précieuse. Il y avait également le risque qu’ils aient loupé un « épisode » et que leur apport soit redondant.

Les projets de logiciels libres utilisent des logiciels de suivi de version pour organiser le développement autour des « problèmes », des rapports de bogues ou des demandes de fonctionnalités en général. Ainsi, les nouveaux arrivants ont une vision claire de l’état du projet, ils peuvent concentrer leurs efforts sur un « problème » particulier. De même, la discussion est séparée en modules. Les futurs projets Polymath pourraient s’en inspirer.

Bientôt, les sciences ouvertes

L’idée derrière le projet Polymath est potentiellement applicable à tous les défis scientifiques, mêmes les plus importants comme ceux pour lesquels le Clay Mathematics Institute de Cambridge, Massachussets offre un prix d’un million de dollars. Même si certaines personnes souhaiteront toujours garder tout le mérite pour elles-mêmes et être pour ainsi dire refroidies par l’aspect collaboratif, d’autres au contraire pourraient y voir une excellente opportunité d’être associés à la résolution de l’un de ces problèmes.

Dans d’autres disciplines, l’approche open source ne gagne que très lentement du terrain. Un domaine s’y est ouvert avec succès : la biologie synthétique. Les informations ADN d’organismes vivants sont enregistrées numériquement et envoyées à un dépôt en ligne, comme celui du MIT Registry of Standard Biological Parts. D’autres groupes peuvent utiliser ces informations dans leur laboratoire et, s’ils le souhaitent, reverser leurs améliorations au dépôt. qui compte actuellement plus de 3 200 contributions, apportées par plus de 100 entités différentes. Les découvertes qui en découlent ont fait l’objet de nombreux articles comme par exemple Targeted Development of Registries of Biological Parts. La biologie open source et les mathématiques open source montrent comment la science peut progresser grâce aux diverses contributions apportées par des gens aux compétences variées.

On pourrait, de la même manière, employer ces techniques open source dans d’autres domaines, telle la physique et l’informatique théoriques, où les données brutes contiennent de nombreuses informations et peuvent être partagées librement en ligne. Appliquer les techniques open source aux travaux pratiques est plus délicat, les conditions expérimentales étant difficilement reproductibles. Quoiqu’il en soit, le partage libre des données expérimentales permet néanmoins leur analyse libre. Adopter ces techniques open source à grande échelle ne sera possible que grâce à un changement profond des mentalités en science et au développement de nouveaux outils en ligne. Nous croyons à un fort développement de la collaboration de masse dans de nombreux domaine des sciences, et que cette collaboration massive repoussera les limites de nos capacités à résoudre des problèmes.

Notes

[1] Crédit photo : Robynejay (Creative Commons By-Sa)

[2] Timothy Gowers appartient au Departement of Pure Mathematics and Mathematical Statistics de l’Université de Cambridge, Wilberforce Road, Cambridge CB3 0WB, UK et il est Royal Society 2010 Anniversary Research Professor.

[3] Michael Nielsen est écrivain et physicien, il habite à Toronto et travaille sur un livre sur le futur de la science.




Le framabook Simple comme Ubuntu nouveau est arrivé !

Framabook - Simple comme Ubuntu 9.10 - Cover Alexandre Mory Art LibreEn avance sur le Beaujolais, nous sommes heureux et fiers d’annoncer la sortie du nouveau framabook Simple comme Ubuntu (ou SCU) dans son millésime 9.10 Karmic Koala.

Comme il a en a pris la bonne habitude, il suit d’à peine quelques jours la sortie de la nouvelle version d’Ubuntu.

C’est la résultante du travail intense de son auteur Didier Roche, accompagné par les remarques et suggestions de toute la communauté, sans oublier la fine équipe de relecteurs et un éditeur InLibroVeritas qui trouve encore le temps d’être prêt malgré La bataille Hadopi qu’il mène sur tous les fronts.

Une petite interview s’imposait. D’autant que, grande et originale nouveauté, il n’est pas courant de trouver un livre « dans » un système d’exploitation !

PS : J’en profite pour rappeler que la collection Framabook a pour slogan « le pari du livre libre » et qu’en commandant (pour vous ou pour offrir à l’approche des fêtes) sa version matérielle chez InLibroVeritas, vous contribuez à soutenir tout le projet.

Entretien avec Didier Roche

Bonjour Didier, peux-tu te présenter brievement et nous décrire tes multiples activités autour d’Ubuntu ?

Didier RocheBonjour Alexis,

Je suis un ingénieur de production informatique de 26 ans travaillant dans une grande boite d’édition logicielle française (propriétaire, mais c’est un bug que je suis en train de corriger hardiment ;)).

Cela fait un peu plus d’une dizaine d’années que j’utilise un système GNU/Linux et j’ai donc connu et utilisé de multiples distributions : Red Hat, Mandrake, Debian pendant plusieurs années pour certaines…

J’ai adopté Ubuntu dès ses débuts (première installation en novembre 2004) et jamais lâché depuis.

Je suis depuis bientôt deux ans secrétaire de l‘association Ubuntu-fr, après avoir été quelques mois administrateur de sa partie documentation. J’aide notamment à l’organisation de l’Ubuntu party parisienne. Participer à une association de ce type fait que l’on se doit d’être présent les nombreux et classiques événements du Libre auxquels Ubuntu-fr participe ou initie.

Enfin, je suis également ce que l’on appelle MOTU (signifiant pompeusement « Master Of The Universe »), groupe de développeurs ayant les droits adéquates qui s’occupe des dépôts universe/multiverse d’Ubuntu. Cependant, je travaille plus particulièrement dans l’équipe « desktop » qui s’occupe principalement de mettre à jour GNOME dans Ubuntu. A ce titre, j’ai eu la chance d’être sponsorisé par Canonical (société principale qui finance de nombreux développeurs Ubuntu) pour aller à l’UDS (Ubuntu Developer Summit) en mai dernier à Barcelone et à Dallas dans une quinzaine de jours. Cela m’a permis d’être le principal développeur de Quickly, projet poussé par Canonical afin de créer une application distribution et technologie agnostique, qui permet de rendre plus aisée la programmation sous GNU/Linux (plus d’information sur LWN).

Ton livre Simple comme Ubuntu (alias le SCU) est une grande réussite de « l’édition libre », et une belle collaboration Ubuntu-fr, InLibroVeritas et Framasoft. Peux-tu nous en raconter la génèse, son évolution et en quoi ce choix de la licence libre est important pour toi ?

Simple Comme Ubuntu a une histoire très singulière que j’évoque rapidement dans sa préface. Lors de mes études d’ingénieur généraliste (comprendre un environnement avec peu de véritables passionnés d’informatique), j’étais en 2005-2006 dans une association au nom d’Afric’Edu dont l’objectif est la récupération, le reconditionnement et l’envoie de matériel informatique dans les écoles d’Afrique. On officie également une formation sur place sur un mois. Voulant installer un système d’exploitation Libre basé sur GNU/Linux (comme l’année précédente), je pensais qu’Ubuntu convenait parfaitement aux besoins. Cependant la connaissance de l’équipe sur GNU/Linux frisait malheureusement l’axe des abscisses, un peu gênant pour ensuite effectuer des formations, non ? 🙂

Ayant vu l’excellente suite de billet de yeKcim sous licence CC By-Sa, je me disais à l’époque qu’il ne manquait pas grand chose pour en faire une documentation complète. J’ai naturellement respecté la licence, conscient de ses bienfaits et publié « Simple Comme Linux » (pour Dapper Drake 6.06), un pdf d’une quinzaine de pages que nous avons utilisé en support de cours au Togo.

Rentré d’Afrique, je l’ai publié sur le forum d’Ubuntu-fr où de nombreux retours et suggestions ont été faites. La documentation s’est ainsi étoffée jusqu’à atteindre environ 70 pages où Alexis Kauffmann m’a alors parlé en novembre 2006 de la collection Framabook qui n’était alors formée que d’un seul opus sur Thunderbird. Le passage d’une documentation à un véritable livre a été particulièrement chronophage, mais le résultat a plu et plaît encore, et c’est ce qui compte !

À nouvelle version d’Ubuntu, nouvelle version du SCU. Quelles en sont les principales nouveautés ? Je crois savoir qu’il y en a une de poids tout à fait originale…

Tout à fait. Depuis la version Karmic, Simple Comme Ubuntu est maintenant… dans Ubuntu ! C’est à dire qu’il fait parti des dépôts universe (il suffit d’installer le paquet simplecommeubuntu) pour avoir accès au livre librement et légalement en version électronique, installé sur sa machine. Les sources en LaTeX permettent de construire le pdf comme tout autre logiciel de la distribution, ce qui permet d’avoir un accès aisé aussi bien aux sources qu’au contenu. Son intégration dans les archives du projet Debian est en cours.

Chaque nouvelle version d’Ubuntu est un réel challenge. Car en plus du surplus d’activité au niveau Ubuntu-fr, il y a également la release d’Ubuntu côté développement qui me prend énormément de temps. Chaque mise à jour du livre (tous les 6 mois) nécessite une moyenne d’une cinquantaine d’heures au niveau des modifications et changement des copies d’écran. La deadline est par conséquent très serrée ! Nous essayons d’être le plus réactif possible. L’excellent comité de relecture de Framabook, que je ne remercierai jamais assez pour l’acharnement de ses membres (certains depuis juin 2006 !), permet d’obtenir un niveau de qualité très satisfaisant.

Aujourd’hui (cela s’est fait graduellement et non sur mon impulsion, bien au contraire), Simple Comme Ubuntu est devenu en quelque sorte le livre officiel de la communauté francophone (il suffit d’aller voir sur le forum le nombre d’échanges le conseillant), nous l’avons donc, à partir de cette version, intégré aux 3 000 CD francophones qu’Ubuntu-fr presse à ses frais et vend sur les divers évènements où nous nous rendons (il sera également sur la clef de la Framakey Ubuntu-fr Remix version Karmic). Rien de mieux que d’avoir ensemble le(s) logiciel(s) et la manière de les utiliser. 🙂

Concernant les nouveautés et dans le plus pur esprit du Libre, je n’ai pu résister à joindre ci-dessous le changelog des changements impactés dans le livre (gérant le livre dans un VCS, je pourrais même fournir un patch) 🙂

Merci Didier pour ces précisions. Tu nous donnes rendez-vous à l’Ubuntu Party de Paris ?

Exactement, il y a des Ubuntu Party dans la France entière, la plus importante en terme de visites (4000 personnes aux deux précédentes éditions) étant à Paris, au Carrefour Numérique, Cité des sciences et de l’industrie les 28 et 29 novembre. De nombreuses associations du Libre (dont Framasoft) y tiendront un stand et il y a de nombreuses conférences et activités proposées pour tous les niveaux, de débutant à confirmé.

N’hésitez pas à venir nous rencontrer et rester informé sur le programme complet bientôt publié sur le site de l’Ubuntu party.

Didier

Découvrir la nouvelle version 9.10 du framabook Simple comme Ubuntu…

Release note de SCU version 9.10

  • Mise à jour des tous les éléments de Jaunty vers Karmic. Nombreuses images également modifées.
  • Revue de la procédure d’installation. Quelques remarques supplémentaires sur l’installation et le chiffrement de partition
  • Modification suite au passage de gdm 2.28
  • Modification des éléments dans Systèmes (un vrai bento de renommage), ajout d’ibus et suppression de SCIM
  • Sources de mises à jour redevient sources de logiciels une énième fois :/
  • Ajout de palimpset
  • Suppression d’évolution dans la barre supérieure par défaut
  • Modifier des éléments du tableau de bord en haut à droite (NM, Icône présente, etc.): une bonne pelletée de changements 🙂
  • Nombreux changements dans l’applet FUSA
  • Remplacement d’ajouter/supprimer par l’App Center d’Ubuntu. Adaptation de la partie dédiée. Beaucoup de modifications tout au long du livre (notamment le fait qu’il n’y ait plus de confirmation pour l’installation d’appli dans universe et également que toutes les applications soient disponibles par défaut). Il n’y a plus d’indicateur de popularité non plus
  • Modifications de la nettoyeur système
  • Suppression de l’installation de la version propriétaire de Java vu que la version libre a bien évolué et permet maintenant d’adresser la plupart des cas.
  • Ajout et modification de l’écran de changement de fond d’écran
  • Le clin d’oeil du thème vista basic a été gardé le temps de trouver un screenshot potable pour faire un seven basic 🙂
  • La nouvelle version de gdm n’est plus thémable graphiquement
  • Gnome-screenshot -> option pour prendre une partie de l’écran.
  • Petite note pour indiquer que tracker n’est pas installé par défaut, idem pour deskbar
  • Changement de l’outil pour gérer la connexion automatique et par défaut de GDM
  • Ajout de exec devant numlock et déplacement au chapitre 7
  • Ajout précision sur ami de root et la notification pour dropper les privilèges
  • Changement de la méthode de notification de connexion wiki/ethernet. Suppression des icônes et modifiant du descriptif correspondant.
  • Ajout d’empathy
  • Rafraichissement de la description de pidgin
  • Racketiciel et detaxe.org ont maintenant fusionnés: un seul lien
  • Le clavier par défaut proposé maintenant en « France – Alternative »
  • Ext4 est maintenant utilisé par défaut
  • Support linguistique: prise en charge des langues
  • Puis prise en charge linguistique -> prise en charges des langues
  • Note sur chiffrement et trousseau qui apparait désormais uniquement si vous utilisez un trousseau de clef.
  • Test du matériel -> Test du système
  • Renommage de certains boutons comme Installer/supprimer des langues -> Installer / supprimer des langues
  • Suppression de la gravure directement par Nautilus
  • Comparaison de Cinelerra avec Adobe Premiere et ajout des dépôts de lprod pour installer ce dernier.
  • Quelques modifications sur la description des onglets dans Firefox
  • La situation des cartes graphiques d’ATI se sont améliorés. Remarque mise à jour
  • Suppression de la remarque sur Waow de Vista vu que maintenant Seven est sorti 😉
  • Modification sur une remarque sur les noyaux (pour 1 Go de RAM, t’as plus rien ;))
  • Des liens de logiciel changés, textes rafraichis
  • Sélectionner avec un motif -> Sélectionner les éléments correspondants à \ldots{}
  • Ajout sur la version électronique du descriptif du projet Framabook
  • Corrections de quelques zillions de coquilles, reformulations, etc. 🙂



Google se conjugue au futur et Microsoft au passé ?

Google sfida Microsoft con Chrome - Copyright Federico FieniOn le sait, Microsoft n’a pas vu venir le Web et ne porte pas le logiciel libre dans sa culture (c’est le moins que l’on puisse dire).

À partir de là comment s’étonner qu’un Google lui fasse aujourd’hui concurrence et menace demain d’attaquer frontalement ses deux plus beaux fleurons (et source colossale de revenus) que sont le système d’exploitation Windows et la suite bureautique MS Office.

Un Google qui a massivement investi dans le cloud computing, l’informatique dans les nuages, Un Google qui non seulement ne méprise pas le logiciel libre mais sait très bien l’utiliser quand ça l’arrange, par exemple pour faire s’y reposer son navigateur Chrome ou son prochain et très attendu Google OS (histore de boucler la boucle)[1].

À propos de Google OS, un petit coup de Wikipédia : « Google Chrome OS est un projet de système d’exploitation qui sera fondé sur son navigateur Web Chrome et un noyau Linux. À destination des netbooks dans un premier temps, il serait capable, à terme, de faire tourner des ordinateurs de bureau traditionnels. Google laisse à penser que son OS fonctionnerait en ligne sur tout ou partie, comme ses applications (Google Documents, Gmail, etc.). Après sa suite gratuite Google Documents concurrent de la suite payante Microsoft Office, puis Android face à Windows Mobile, ce nouveau système d’exploitation gratuit attaque le cœur du business Microsoft. »

La fin d’un cycle, si ce n’est d’une époque ?

Google est en compétition pour le futur; Microsoft, pour le passé

Google competes for the future; Microsoft, the past

Matt Asay – 23 octobre 2009 – CNET News
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Goofy)

Google est né sur le Web, et provoque de plus en plus de quintes de toux chez Microsoft en contraignant le géant séculaire du logiciel à se battre en utilisant les règles de Google. Comme avec l’open source. Comme avec l’informatique dans les nuages.

Microsoft pourrait se reposer sur ses lauriers dans l’immédiat grâce au lancement réussi de Windows 7. Mais à long terme son plus grand succès que représentent ses vieux logiciels de bureautique menace de céder le marché à Google.

Ce n’est pas très équitable pour Microsoft. Microsoft est victime de son propre succès, en ayant besoin de s’adresser à sa clientèle existante à chaque nouvelle version, coincé qu’il est par le « dilemme de l’innovateur ». Microsoft continue de remplir ses caisses, mais ses deux derniers trimestres ont vu ses forces traditionnelles telles que le système d’exploitation Windows devenir un frein pour ses revenus, tandis que les entreprises dépensent toujours plus d’argent auprès de Google, Red Hat et quelques autres.

L’absence d’héritage de Google lui permet d’innover rapidement à large échelle, comme le suggère Todd Pierce, directeur technique de Genentech et client de Google :

Le rythme d’innovation de Google…, enfin bon, le cycle de production d’Oracle, SAP et Microsoft est de cinq ans, celui de Google est de cinq jours. C’est incrémental. En cinq jours, vous ne pouvez pas supprimer toutes vos licences de Microsoft Office, mais d’ici cinq ans, vous n’aurez plus de Microsoft Office.

Microsoft, de son côté, est tellement préoccupé par la compatibilité ascendante, « Ce produit ou cette fonctionnalité sont-ils compatibles avec notre capacité à monétiser notre monopole sur la bureautique des années 80 ? », qu’ils continuent à se battre pour comprendre le Web. Dave Rosenberg, blogueur sur CNET, note que Windows 7 aurait dû être la tête de pont de Microsoft sur l’informatique dans les nuages, mais qu’il n’en a rien été.

Il y a beaucoup de « aurait dû être » chez Microsoft, lorsqu’on parle du Web.

Dans l’intervalle, personne ne ralentit pour attendre Microsoft. Arrêtons-nous un instant sur l’informatique dans les nuages. VMware domine la virtualisation, et a de grandes ambitions dans l’informatique dans les nuages, alors que les rivaux open source Eucalyptus et VMops menacent de contester la suprématie de VMware et Microsoft, en cherchant à dominer l’informatique dans les nuages.

Et arrive alors Google, qui fournit une gamme de services d’informatique dans les nuages toujours plus large aux entreprises qui cherchent à se détacher de l’ordinateur de bureau. Dans une interview donnée à CNET News, Eric Schmidt, PDG de Google, soutient que le navigateur peut être à la fois orienté entreprise et consommateur. L’architecture est dirigée par le navigateur. C’est toute l’histoire de l’informatique d’entreprise actuelle.

En d’autres termes, le bureau est simplement un moyen pour l’utilisateur de lancer son navigateur. C’est une passerelle. Il n’y a plus de valeur dans le bureau. Elle se trouve dans le navigateur, qui devient le nouveau bureau, en termes de fonctionnalités réelles disponibles

La meilleure opportunité pour Microsoft de contrecarrer la menace de Google et des autres s’appelle SharePoint. Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, l’a décrit comme le nouveau système d’exploitation de Microsoft, mais ce n’est que dans un entretien récent avec Forrester qu’il lui a donné tout son sens :

Dans mon esprit, je compare SharePoint au PC, le PC est venu à la vie comme machine à tableau, puis est devenu une machine à développer, une machine à traiter du texte, SharePoint est une infrastructure à objectif global qui connectera les gens aux gens, et les gens à l’information…

Je crois que SharePoint est considéré par les administrateurs informatiques et les développeurs comme une plateforme de développement très sérieuse pour les développement rapide d’application (NdT : RAD, Rapid Application Development).

SharePoint est la meilleure tentative de Microsoft pour connecter les applications de bureau telles qu’Office, avec des outils collaboratifs et de stockage centralisé ou dans les nuages. Bien sûr, Microsoft a d’autres initiatives telles qu’Office en ligne, mais aucune ne marie aussi bien ses centres de profits historiques et l’innovation future.

SharePoint pourrait alors être le meilleur espoir de Microsoft pour marier son héritage à la future informatique en ligne.

Microsoft a besoin de cela. Ils perdent dans le marché des mobiles, et pas uniquement face à Apple. Android, le système dédié de Google, est déjà efficient et opérationnel, avec par exemple ses données AdMob qui situent aujourd’hui la pénétration des smartphones Android à 10 % au Royaume Uni.

Si nous prenons l’hypothèse que le mobile sera de plus en plus une plateforme de choix pour le client, alors nous voyons Google harceler Microsoft par le haut (les nuages de services) et par le bas (le client).

Dans les deux cas, l’open source est une arme de choix pour Google, et c’en est une que Microsoft va devoir comprendre rapidement s’ils veulent devenir un acteur de poids sur le Web. Le Web est trop grand pour que Microsoft le contrôle, et le Web est incroyablement open source, tel que le remarque Mitch Kapor, fondateur de Lotus :

La victoire de l’open source est qu’il constitue le fondement du Web, la partie invisible, celle que vous ne voyez pas en tant qu’utilisateur.

Les majorité des serveurs utilisent Linux comme système d’exploitation avec Apache comme serveur Web sur lequel tout le reste est construit. Les principaux langages sur lesquels les applications Web sont construites, qu’il s’agisse de Perl, de Python, de PHP ou de n’importe quel autre langage, sont tous open source. Donc l’infrastructure du Web est open source. Le Web tel que nous le connaissons est totalement dépendant de l’open source.

Kapor suggère que la guerre que Microsoft livre à l’open source est terminée, ou devrait l’être : l’open source a gagné. Il s’agit désormais d’une infrastructure essentielle, et quelque chose que Microsoft doit arriver à comprendre, plutôt que de le combattre. Il ne s’agit pas de « religion open source », il ne s’agit que de pragmatisme. Un pragmatisme que Microsoft peut s’approprier aussi bien que n’importe qui d’autre.

Google utilise le futur (l’open source, les nuages) pour se battre pour l’avenir, et ses tactiques menacent de frapper Microsoft au cœur de ses vaches à lait tels que Windows.

Microsoft, cependant, semble être embourbé dans son passé. Windows 7 a l’air d’une mise à jour sérieuse de son prédécesseur Vista, mais dans dix ans, cela aura-t-il une importance pour nous ? Peut-être aurons-nous changé, oubliant ces jours pittoresques où nous nous soucions du système d’exploitation et des applications telles qu’Office ?

Notes

[1] Crédit illustration : Copyright Federico Fieni




Ce que nous dit Windows Vista de l’Éducation nationale

Cave Canem - CC by-saRetournons le titre de mon billet du jour en mode interrogatif. Qu’est-ce que nous dit l’Éducation nationale de Windows Vista ?

Rien. Elle ne nous a strictement rien dit, et c’est bien là le problème.

Aujourd’hui, l’arrivée de Windows 7 vient refermer le chapitre du système d’exploitation précédent de Microsoft. On aurait cependant tort de ne pas tenter de tirer le bilan de cet épisode, en particulier au sein de l’Éducation nationale française. Parce qu’il se pourrait bien que cet (assourdissant) silence soit révélateur…

Petit retour en arrière. Windows Vista a vu officiellement le jour en janvier 2007. Et très vite, comme nous le rappelle Wikipédia, « de nombreuses critiques ont fusé concernant la faible compatibilité matérielle, le matériel minimum nécessaire, les mauvaises performances et le peu d’innovations depuis Windows XP ».

Un an plus tard paraissait en Angleterre un rapport, riche et détaillé, de la très sérieuse et officielle agence Becta, sur l’opportunité ou non d’utiliser Windows Vista et MS Office 2007 dans les écoles du pays[1].

Les arguments et conclusions de ce rapport étaient sans équivoque.

Pour rappel en voici quelques extraits (dont je vous laisse juge de leur actualité un an et demi plus tard) :

« Les nouvelles fonctionnalités de Microsoft Vista présentent certes un intérêt, mais ne justifient pas une implantation immédiate dans le domaine de l’éducation : les coûts seraient élevés et les avantages loin d’être évidents. »

« Alors qu’on estime à 66% le nombre de machines du parc informatique scolaire pouvant fonctionner avec Vista (d’après la définition de Microsoft), nous estimons quant à nous à 22% le nombre de machines répondant aux critères pour faire fonctionner Vista de manière correcte. »

« Le coût total du déploiement de Vista dans les écoles anglaises et galloises se situe autour de 175 millions de livres sterling (environ 230 millions d’euros). Si cette estimation n’inclut pas les cartes graphiques supplémentaires nécessaires au fonctionnement de l’interface Aero (ce qui augmenterait nettement le montant minimum) elle tient compte des mises à niveau matérielles nécessaires, du coût des licences, des tests ainsi que du coût de la configuration et du déploiement. Environ un tiers de cette somme est imputable au prix des licences Microsoft. »

« Les machines sous Vista pourraient ne fonctionner qu’avec une autre version d’une application voir même seulement avec des produits différents. Cela peut être source de confusion si le personnel ou les élèves doivent travailler avec les deux systèmes d’exploitation. Il pourrait aussi être nécessaire de dupliquer le travail pour certaines leçons ou pour certains projets pour les adapter à Windows Vista et Windows XP. »

« Nous suggérons que les nouvelles machines achetées avec Windows Vista pré-installé soient remises sous Windows XP en attendant que tout le réseau puisse être mis à jour. »

« une standardisation de fait (par l’utilisation généralisée de produits d’un même fournisseur) peut être néfaste pour la concurrence et le choix, ce qui revient à augmenter les coûts. De plus en plus, les gouvernements, les entreprises et le système d’éducation refusent de voir leurs informations contrôlées par un fournisseur unique. Il en résulte un mouvement qui tend à délaisser les formats de fichiers propriétaires pour s’intéresser aux nouveaux formats de fichiers, plus ouverts, sous le contrôle d’un organisme de normalisation efficace. »

« Si l’on n’intervient pas, ces évolutions vont créer, pour les utilisateurs béotiens, une vision de l’intéropérabilité des documents qui sera complexe et partisane, ce qui serait un échec de l’objectif initial d’aller vers des standards ouverts. Microsoft a une position dominante sur le segment des systèmes d’exploitation pour PC et cette position risque d’être renforcée par son approche actuelle des standards de documents ouverts. »

« Contrairement à d’autres secteurs ou la demande pour des solutions en logiciels libres est visible et croissante, les estimations dans le secteur éducatif montrent une demande faible, Becta est vu comme un facteur clé dans l’instauration de cette demande. »

« Au cours des douze prochains mois Becta prendra un certain nombre de mesures pour encourager un choix plus efficace dans le cadre d’un usage éducatif. Ce travail inclura la publication d’un programme de travail dont le but sera de :
– fournir plus d’informations sur le site de Becta sur ce qu’est un logiciel libre et quels sont ses avantages pour l’éducation en Grande-Bretagne
– compléter la base de recherche actuelle qui recense les usages des logiciels libres dans le secteur éducatif et identifier des déploiements modèles de logiciels libres. Cela engloberait également l’esquisse d’un tableau national des usages des logiciels libres dans les écoles et les universités
– travailler avec la communauté du logiciel libre pour établir un catalogue en ligne des logiciels libres appropriés pour l’usage dans les écoles de Grande-Bretagne. Parmi les informations disponibles on retrouvera les moyens d’obtenir une assistance dédiée à ces logiciels et comment contribuer à leur développement futur. Ce catalogue sera publié sous une licence Creative Commons afin que les fournisseurs puissent le modifier pour leur propre usage
– donner des indications aux sociétés de services en logiciels libres pour qu’elles puissent efficacement participer dans de nouvelles structures compétitives et pour qu’elles puissent proposer des logiciels libres via la structure de fournisseurs existante de Becta »

Si nous pouvons vous proposer ces citations directement en français c’est parce que nous avions décidé de traduire ce rapport dans son intégralité, annoncé en juin 2008 sur le Framablog sous la forme d’une question (dont on a malheureusement aujourd’hui la réponse) : Le débat sur Windows Vista et MS Office 2007 à l’école aura-t-il lieu ?

Et pourquoi avions-nous fait cet effort ? Parce que, Anne, ma sœur Anne, nous ne voyions justement rien de similaire venir en France.

Il y a peut-être eu des mémos internes, quelques craintes exprimées ça et là localement sur des sites académiques, et bien sûr de la perplexité chez certains profs d’en bas. Mais, à ma connaissance, aucune étude digne de ce nom, aucune recommandation ou mise en garde publiée publiquement sur les sites nationaux de l’Education nationale, à commencer par Educnet, le site portail des TICE.

Le ministère de la Défense peut qualifier, avec la diplomatie qui le caractérise (mais tout le monde aura compris), Windows Vista de système qui « manque de maturité » et préconiser l’usage des distributions GNU/Linux Mandriva et Ubuntu, la contagion interministérielle n’aura pas lieu du côté de la rue de Grenelle.

Qu’un Café Pédagogique, soutenu par Microsoft, demeure muet si ce n’est pour annoncer benoîtement la sortie de Vista et de ses mises à jour, c’est dommageable mais compréhensible (et c’est même certainement compris dans le prix du soutien), mais il en va tout autrement pour le ministère.

N’en allait-il pas de sa responsabilité de prévenir tous ses établissements scolaires et toutes les collectivités territoriales pourvoyeuses de nouveaux matériels (susceptibles de subir le phénomène de la vente liée), qu’il était au moins urgent d’attendre ? Attente qu’il aurait pu mettre à profit pour évaluer les alternatives libres et prendre enfin les décisions qui s’imposent (comme par exemple ce qui se fait dans le Canton de Genève).

Au lieu de cela un silence radio pour le moins étonnant. Et trois années de perdues pour le déploiement massif, assumé et coordonné du logiciel libre à l’école ! Avec en prime prolifération de Vista et passage à la caisse.

Étudiants, enseignants, parents d’élèves, contribuables, et plus généralement tous ceux désormais nombreux que le sujet intéresse, sont légitimement en droit de se demander pourquoi, afin que cette politique de l’autruche ne se reproduise plus.

Notes

[1] Crédit photo : Cave Canem (Creative Commons By-Sa)