Que répondriez-vous à PropriCorp, éditeur du logiciel éducatif PropriSoft ?

Jeremybarwick - CC byLe Framablog vous invite à participer à un petit débat autour des arguments d’une société de logiciels propriétaires spécialisée en éducation. En admettant bien entendu que la problématique soit correctement exposée…

C’est bientôt la fin de l’année pour nos charmantes têtes blondes. C’est également la période où les établissements scolaires préparent et budgétisent la rentrée suivante.

Les éditeurs ne l’ignorent pas et nous abreuvent (nous les profs) de courriers publicitaires vantant les mérites de leurs produits.

C’est l’un de ces courriers qu’a récemment reçu l’un de nos fidèles lecteurs (et néanmoins collègue). Nous vous en proposons un extrait ci-dessous, non pas pour dénoncer de tels agissements mais parce que nous estimons qu’il y a là matière à discussion.

Bien que professionnel et non sollicité, il s’agissait d’un mail privé. C’est pourquoi nous avons délibérément choisi de changer les noms de la société (appelons-là « PropriCorp ») et de son logiciel (« PropriSoft »), ainsi que du logiciel libre « concurrent » dont il est fait mention (« LibroSoft »).

Je précise que je connais un peu le logiciel « PropriSoft » en question, qui est effectivement d’une grande qualité. Mais je connais encore mieux le logiciel « LibroSoft », qui n’a pas grand chose à lui envier (et qui figure d’ailleurs dans notre annuaire de logiciels libres Framasoft). Pour information ce logiciel libre a été créé et est maintenu principalement à l’étranger, ceci expliquant aussi un peu cela[1].

Mais il est temps de vous faire lire le passage où la société « PropriCorp » fait réponse à sa propre question.

Pourquoi PropriSoft n’est-il pas gratuit ? A quoi sert l’argent des licences PropriSoft ?

PropriCorp maintient (…) une douzaine d’emplois très qualifiés. La totalité des revenus issus des ventes de licences des logiciels PropriSoft sert à financer les salaires, charges et toutes les dépenses d’investissement dans de nouveaux logiciels pédagogiques.

Le Fondateur (…) commente :

« Il y a un contrat moral fort entre PropriCorp et la communauté enseignante qui est souvent très consciente des limites des logiciels gratuits, dont certains comme LibroSoft ont copié PropriSoft. Fondamentalement, ils n’innovent pas et ne créent pas d’emplois, ni en France ni ailleurs, et vivent de subventions publiques.

En optant pour les logiciels PropriSoft et en soutenant une petite entreprise française comme PropriCorp, les enseignants savent qu’ils soutiennent l’innovation et les outils pédagogiques sur le long terme, et cela dans l’intérêt de la qualité du système éducatif.

Rapporté à la durée d’utilisation, le coût d’une licence PropriSoft est inférieur à 0.09 euros par élève et par an, ce qui est souvent marginal au regard des investissements des collectivités en équipement TICE pour les établissements scolaires.

Malgré le contexte économique actuel difficile et la tentation de quelques-uns de privilégier les outils gratuits, nous comptons sur ce contrat moral avec les enseignants prescripteurs pour poursuivre les projets engagés, créer de nouveaux emplois qualifiés en 2009 et 2010, et apporter de nouveaux logiciels PropriSoft. Ces outils innovants devraient concrètement faciliter le quotidien des enseignants et des élèves, au niveau primaire, collège et lycée.

En 2009 plus que jamais, nous leur disons merci et leur souhaitons un bon enseignement avec PropriSoft ! »

Si votre établissement ne dispose pas encore de licences PropriSoft, vous trouverez ci-joint une offre promotionnelle pour bien préparer la rentrée.

Voilà. D’un côté les limites, le copiage, le manque d’innovation, les subventions publiques… Et de l’autre côté la qualité, le soutien à l’investissement, à la création d’emplois et à la PME nationale, sur fond de « contrat moral » avec les enseignants. Il y aurait bien quelque chose à dire, non ?

À commencer peut-être par se demander pourquoi ne parle-t-on que de logiciels gratuits alors que le concurrent cité, « LibroSoft », est bel et bien un logiciel libre. N’est-ce pas alors omettre l’essentiel et se priver d’évoquer les modèles économiques naissants autour de ce type si particulier de logiciels, a fortiori quand on se situe dans le secteur si particulier de l’éducation ?

Notes

[1] Crédit photo : Jeremybarwick (Creative Commons By)




Cinq millions d’euros qu’on eût pu dépenser autrement

Une billet quelque part révélateur de la « mentalité propriétaire » qui règne en haut lieu au sein de l’Éducation nationale…

Le 31 mar dernier, Xavier Darcos lançait officiellement le plan de développement du numérique dans les écoles rurales (c’est moi qui souligne) :

Ce programme, doté d’un budget de 50 millions d’euros, prévoit l’équipement de 5 000 écoles situées dans les communes rurales de moins de 2 000 habitants dans le cadre du Plan de relance.

(…) Une école numérique interactive comprendra nécessairement des ordinateurs en nombre suffisant (classe mobile de plusieurs ordinateurs), un tableau blanc interactif, un accès internet de haut débit, une mise en réseau des équipements, une sécurisation des accès internet, des ressources numériques reconnues de qualité pédagogique.

(…) Chaque école bénéficiera également d’un droit de tirage de 1 000 euros pour l’acquisition de ressources numériques éducatives, mises à disposition par le ministère.

Avec ce plan de relance en faveur de l’équipement numérique des écoles rurales, Xavier Darcos veut donner à chaque élève, partout sur le territoire, les mêmes chances de maîtriser les techniques d’information et de communication et développer des outils nouveaux au service de l’enseignement.

Difficile de ne pas acquiescer à ce dernier paragraphe, et j’espère vivement que ces écoles profiteront pleinement de ce plan[1].

Mais, le diable se cachant dans les détails, j’ai été étonné par cette histoire « d’acquisition de ressources numériques éducatives ». Faisons en effet le calcul… 5 000 écoles qui vont dépenser chacune 1 000 euros… cela fait une certaine somme, pour ne pas dire une somme certaine !

J’ai eu envie d’en savoir plus.

Dans le cahier des charges de l’opération[2], que l’on trouve sur le site Educnet, il y a un paragraphe dédié à ces ressources numériques :


Les ressources numériques seront adaptées aux besoins des cycles de l’école primaire. Elles pourront faire l’objet d’une utilisation en classe entière, en petits groupes ou individuelle. Une sélection de ressources numériques payantes sera proposée et fournie par le ministère.

Les ressources numériques seront présentées et diffusées à partir d’une plate-forme nationale. La contribution destinée à l’acquisition de ressources numériques par chaque école (1000 euros par école) sera prise en charge directement par le ministère de l’Éducation nationale. Les ressources numériques diffusées par abonnement seront disponibles durant trois années.

J’ai hâte de voir cette « plate-forme nationale » dont on nous dit qu’elle sera « disponible en ligne courant mai ». Mais quel que soit ce site accessible par abonnement, il semblerait donc qu’on ait à faire avec des ressources payantes disponibles pendant trois ans.

Ressources dont on peut affirmer sans risque qu’elles seront placées sous licence propriétaire, et qui devraient ressembler peu ou prou à l’opération Une clé pour les nouveaux enseignants, avec sa « liste des ressources habituellement payantes auxquelles la clé donne un accès exceptionnellement gratuit pendant deux ans » et son interdiction de la partager avec des collègues qui ne soient pas nouveaux !

Changeons de paradigme l’espace d’un instant, et rêvons haut en couleur en nous imaginant carrément chef de projet de cette « opération ressources numériques ».

Avec uniquement un seul petit million, on peut sur un an prendre par exemple quinze profs du primaire à temps-plein (ou trente à mi-temps) plus cinq informaticiens (ou profs qui ont des compétences informatiques), pour développer une structure qui ressemblerait un peu à ce que fait Sésamath : des ressources pédagogiques libres et collaboratives disponibles sous formats ouverts sur des sites propulsés par des logiciels libres.

Une fois la structure mise en place, il n’y aurait plus besoin de dépenser autant d’argent l’année suivante, puisque la dynamique aura été lancée et que les autres collègues participeront d’autant plus facilement que le projets aura été initié par leur pairs et que les ressources ainsi créées auront été placées sous licence libre, c’est-à-dire mises une fois et à jamais dans le pot commun des ressources pédagogiques librement disponibles, utilisables et adaptables par tous.

Cela vaut le coup d’être tenté non ? D’autant, rappelons-nous, que le communiqué annonçait sa volonté de « développer des outils nouveaux au service de l’enseignement ».

Il ne s’agit plus ici de dépenser cinq mille fois et pour seulement trois ans un accès aux mêmes ressources disponibles en « lecture seule ». Il s’agit d’impulser la mise en place et les premières créations d’une sorte de forge mutualisée de ressources éducatives libres, disponibles bien entendu pour tous en « lecture / écriture ». Ce n’est pas tout à fait la même chose, surtout pour des deniers publics !

Tout ceci ne niant pas la réalité de l’utilité des partenariats commerciaux de l’Éducation nationale, dont il resterait tout de même quatre beaux millions d’euros.

Mais réveillons-nous. La réalité est autre. Par exemple sur le même site Educnet où l’on a choisi sciemment de ne pas modifier les drôles de conseils donnés aux visiteurs à propos justement des contenus éducatifs libres (c’est eux qui soulignent) :

Conseil : Il est par contre déconseillé au milieu scolaire d’utiliser ce type de contenus si on envisage de valoriser ses travaux en s’associant avec un partenaire privé pour une exploitation commerciale.

C’est triste à lire mais c’est en cohérence avec le plan.

N’oublions pas du reste que ce plan ne concerne qu’un dixième de toutes les écoles : les rurales dans les communes de moins de deux milles habitants. Les autres ont-elle aussi accès à ces « services » ? Doivent-elles s’acquitter des mêmes sommes ? (ce qui nous ferait alors non pas cinq mais cinquante millions d’euros pour trois ans d’usage !).

La route est décidément bien longue. Ce n’est pourtant pas être devin que d’annoncer que ces ressources éducatives libres vont exploser dans les prochaines années et qu’il serait peut-être responsable opportun de prendre d’ores et déjà le train en marche en accompagnant le mouvement.

Notes

[1] En passant, je ne saurais trop conseiller à ces écoles d’adopter, dans le cadre du plan, une solution de type RyXéo et son offre basée sur AbulÉdu.

[2] J’ai également été étonné, à la lecture du cahier des charges, de voir mention d’une simple « suite bureautique installée » dans les ordinateurs, sans préciser si elle était libre ou non. Cela va à l’encontre des préconisations du Becta et c’est faire preuve d’une grande « timidité », pour ne pas dire plus ! Plus le temps passe, et plus la « neutralité » de traitement entre solutions libres et propriétaires à l’école devient un choix déguisé et non assumé.




Firefox lorgne-t-il du côté de Facebook et réciproquement ?

Ed Yourdon - CC by-saNavigateurs et réseaux sociaux vont-ils à l’avenir tant et si bien se rapprocher l’un de l’autre qu’on finira par les confondre ?

C’est l’hypothèse émise par Marshall Kirkpatrick qui n’hésite pas à mettre Firefox et Facebook en concurrence, en observant attentivemet les évolutions et innovations récentes de ces deux figures emblématiques du Web[1].

Firefox pourrait bien être un sérieux concurrent pour Facebook

Firefox Could Be the Real Facebook Challenger

Marshall Kirkpatrick – 5 mai 2009 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Goofy, Poupoul2, Tyah)

Firefox ne comptabilise pas le nombre de ses utilisateurs, mais Asa Dotzler, le responsable chargé du développement de la communauté Mozilla, a déclaré aujourd’hui que la Fondation estime à 270 millions le nombre d’usagers du navigateur. C’est 35% de plus que le nombre d’utilisateurs enregistrés sur Facebook (200 millions) et presque trois fois plus que le nombre de gens qui se connectent, selon Facebook, chaque jour sur ce réseau social (100 millions).

Pourquoi comparer le nombre d’utilisateurs d’un navigateur et d’un réseau social ? Parce que tout porte à croire que les deux technologies vont converger à court terme. Voici pourquoi nous pensons que Firefox devrait être le concurrent le plus sérieux de Facebook.

Ces estimations chiffrées pour Firefox sont bien prudentes. Lee Mathew de DownloadSquad estime que le véritable nombre d’utilisateurs de Firefox pourrait être plus proche de 340 millions. C’est trois fois et demie plus que le nombre revendiqué par Facebook de gens connectés quotidiennement à son réseau.

Ce ne sont pourtant pas des choses si différentes

Sans pouvoir être sûrs qu’il a raison de prédire que Google l’emportera sur Firefox, nous trouvons que Jeremiah Owyang de Forrester propose une perspective très convaincante sur l’avenir des navigateurs et des réseaux sociaux dans son excellent rapport sur le Futur du Web social.

«… pour tenter d’étendre la diffusion de son nouveau navigateur, Chrome, nous nous attendons à ce que Google adopte OpenId et ses connexions associées pour son navigateur ; on peut compter sur Firefox et finalement sur Internet Explorer pour copier cette fonctionnalité. Facebook et Myspace vont probablement élaborer aussi des systèmes pour permettre à leurs utilisateurs de naviguer sur le Web depuis une session Facebook, en conservant le réseau social. Ces passerelles ne seront pas parfaites, mais elles permettront aux réseaux sociaux de coloniser des communautés et d’autres secteurs du Web, en étendant leur champ de découverte à d’autres sites, grâce à leur identifiant partagé. Résultat, d’ici deux ans, les identités nomades seront partout présentes en ligne, lorsque le système sera arrivé à maturité. »

Il est logique de déduire de cette analyse que la frontière entre navigateurs et réseaux sociaux sera de plus en plus mince, et que ces deux sortes de logiciels vont très probablement entrer en compétition.

Le navigateur comme réseau social, le réseau social comme navigateur

Dans quelques mois et non dans quelques années, le navigateur Firefox aura vraisemblablement une allure très très différente. La Fondation doit se dépêcher d’innover plus encore qu’on ne peut l’imaginer, maintenant que sa principale source de revenus (Google) a lancé son propre navigateur. Firefox tout comme Facebook doivent sûrement déjà travailler dur à imaginer de nouveaux modèles générateurs de ressources publicitaires – ils en sont tous deux dépendants, mais aucun ne peut les considérer comme garanties.

Il y a trois semaines nous avons écrit un billet sur les projets de la Fondation pour qu’on puisse utiliser les lignes de commande d’Ubiquity dans la barre d’adresse. Ce qui signifie que vos applications seront accessibles et gérables depuis votre navigateur.

Si Facebook tend à se comporter de plus en plus comme un système d’exploitation avec sa plateforme d’applications, c’est aussi le cas pour Firefox – qui a en outre l’avantage de donner accès aux applications sur le bureau, sur le Web, et via des RIA (NdT : Rich Internet Application). Facebook a lancé sa propre interface Web la semaine dernière et nous serions prêts à parier qu’il ressemblera de plus en plus à un navigateur dans un futur proche, mais Firefox a une énorme avance dans ce domaine.

Facebook dispose déjà de pages de cadres pour les liens partagés via le site, ce qui maintient la navigation dans la sphère de Facebook. il n’est pas difficile d’imaginer une barre de recherche placée dans ce cadre.

Dans le billet consacré à Ubiquity, nous avons aussi mentionné les expérimentations de l’équipe chargée de l’ergonomie de Firefox. Il s’agirait de remplacer les onglets par une interface qui ressemble beaucoup à celle de iTunes.

Exactement comme le fait iTunes avec les listes de lecture, c’est-à-dire en organisant le contenu par type et catégorie, Firefox peut commencer à offrir d’autres façons d’organiser des informations que l’on consomme passivement en naviguant. Il y a deux semaines nous parlions des propositions du responsable du design chez Firefox, Alex Faaborg : comment capturer les évènements, la localisation et d’autres informations de microformat et les fournir en coordination avec d’autres applications comme Google Earth et le calendrier.

Est-ce que Facebook aimerait tirer profit des données qu’il collecte pendant que vous parcourez le Web dans tous les sens ? N’ayez aucun doute là-dessus, c’est bien un des objectifs cachés derrière le célèbre Facebook Connect. Cette fonctionnalité exige que les utilisateurs donnent à Facebook leur permission à chaque fois qu’ils souhaitent connecter ce réseau social avec la poignée de pages qui supportent ce système d’identification. Firefox a un avantage important sur ce point, car il dispose de facto de l’autorisation de ses utilisateurs pour interagir avec les données de toutes les pages que nous parcourons avec le navigateur. Facebook ne va pas tarder à vouloir en faire autant.

Firefox tel que le conçoit Faaborg est un concurrent en pole position en termes d’identification comme de nomadisme des données (tout à fait comme le prédisait Owyang plus haut). Tout ce qu’il reste à faire à Firefox c’est d’offrir une messagerie entre ses utilisateurs et un fil de nouvelles branché sur toutes leurs activités déjà existantes sur leur réseau social. Firefox pourrait utiliser Facebook Connect, pour commencer. Comment Facebook pourrait-il rivaliser avec un logiciel social qui permet de démultiplier les identités virtuelles (vos collègues/amis percevant différentes facettes de vous-même) et de s’affranchir des limites bien nettes des réseaux sociaux ordinaires ? Voilà des approches que Facebook devrait sans doute bientôt adopter lui aussi.

Pour couronner le tout, Firefox se bat férocement sur le front du mobile. C’est un secteur sur lequel Facebook a déjà une sérieuse option. Ce sera bientôt un champ de bataille crucial pour les deux entreprises.

Un autre énorme avantage de Facebook est d’avoir une équipe dont les compétences en conception de logiciel foncièrement social ne sont plus à prouver. C’est moins le cas pour Firefox, dont les développeurs et l’écosystème de développement prennent appui sur le navigateur comme outil personnel.

Pensez-y deux minutes, pourtant. Ajoutez la messagerie, des profils publics et des flux d’activités à Firefox et on peut imaginer que la mayonnaise prenne – aucun problème. Firefox pourrait parvenir, ou non, à diffuser ce genre d’idées auprès de tous ses usagers, mais ses chances sont plutôt bonnes, et le navigateur devenu réseau social a davantage d’utilisateurs actifs que le réseau social qui se mue en navigateur.

Notes

[1] Crédit photo : Ed Yourdon (Creative Commons By-Sa)




Kidimath : le nouveau projet Sésamath pour élèves (et parents)

Kidimath - Sésamath« À l’heure où de plus en plus de sites payants d’accompagnement à la scolarité fleurissent sur l’internet, Sésamath a décidé d’ouvrir un espace dédié, entièrement gratuit, sans aucune publicité, dans un esprit de service public. »

C’est ainsi qu’est introduit le projet Kidimath dans la brochure dont j’ai déjà eu l’occasion de parler.

En attendant (impatiemment) l’ouverture officielle du site, prévue le 30 mai, nous avons eu envie d’en savoir plus en interrogeant Noël Debarle, qui anime, entre autres choses, le très intéressant blog de Sésamath.

Vous trouverez ci-dessous en bonus une courte vidéo présentant le projet.

Entretien avec Sésamath

aKa : Bonjour Sésamath, alors comment vous portez-vous après toutes ces années ?

Noël Debarle : Bien ! Officiellement, Sésamath aura 10 ans en 2011. Mais comme les premiers contacts et échanges ont eu lieu dès 1998, 1999, on peut dire que Sésamath a déjà 10 ans : peut-être l’âge de raison !

L’association grandit à tous points de vue, dans un monde de l’éducation qui bouge et qui est passablement compliqué… et donc il faut chaque fois se remettre en question. L’une des maximes fortes de Sésamath « Modestement, mais résolument » n’a sans doute jamais été aussi vraie que maintenant.

Par ailleurs, Sésamath essaie de plus en plus d’expliciter la philosophie qui sous-tend son action. C’est par exemple le cas dans la brochure qui sera envoyée dans tous les collèges français à la fin de ce mois, brochure qui contient une « profession de foi ». Juste une phrase qui permet de bien situer cette philosophie : « Sésamath est une association à but non lucratif dont la philosophie repose sur l’ouverture, la solidarité et l’entraide. »

Mais quel est donc ce nouveau et ambitieux projet « Kidimath » ?

Kidimath est d’abord une réponse à un besoin et une attente. En effet, de nombreux élèves et parents nous écrivent régulièrement pour témoigner de leur utilisation des ressources de Sésamath. Or la mise à disposition de ces ressources a été essentiellement pensée par des profs, pour des profs… et pas directement pour des élèves ou leurs parents.

Créer des ressources et les mettre en ligne est une chose, faire en sorte qu’elles soient accessibles et faciles de prises en main pour différents types d’utilisateurs est clairement une autre chose. C’est l’effort principal de Sésamath cette année. Le corollaire de la mise en place d’un espace réservé au profs (Sésaprof) est la création de cet espace destiné aux familles (Kidimath). Entre les 2, Sésamath fait également évoluer la version réseau de Mathenpoche, remplacée par Labomep en Septembre prochain. Pourquoi entre les 2 ? car Labomep est un espace dans lequel les enseignants peuvent créer des séances pour leurs élèves, qu’ils soient en classe ou à la maison.

Sésaprof, Kidimath et Labomep ont été pensés par rapport aux utilisateurs, en intégrant toutes les ressources crées par Sésamath, et même au-delà : une sorte de Sésamath 2.0

Kidimath, un « espace non marchand » dans le milieu très marchand des sites d’accompagnement scolaire ?

Il y a d’autres initiatives très réussies… Je pense notamment à Cyberpapy. On ressent dans ce genre de site que toute l’énergie est déployée pour une utilité maximale pour les élèves et pas dans la recherche de rentabilité.

Malheureusement, les Maths sont fortement associés à la sélection et on arrive vite à la sélection par l’argent. Il y a ceux qui peuvent éventuellement se payer des cours particuliers… et les autres. C’est d’autant plus paradoxal, d’une certaine façon, qu’il n’y a pas plus ouvert que les Mathématiques, François Elie le rappelle d’ailleurs souvent quand il fait l’analogie entre la libération du logiciel et la libération des Mathématiques il y a plusieurs siècles.

On serait très content dans Sésamath, si les Maths pouvaient plutôt être associées à des notions de solidarité, d’échange et de partage. Sans publicité, gratuit, ouvert à tous, nous espérons que Kidimath y contribuera.

Pour la première fois, vous ne vous adressez plus aux enseignants mais directement aux élèves et aux parents hors temps scolaire, comment avez pris en compte cela dans Kidimath ?

Nous avons eu la chance de travailler avec un collègue documentaliste, qui a fait son mémoire sur ce projet. Et d’ailleurs nous espérons poursuivre nos échanges avec les documentalistes, qui accompagnent très efficacement les élèves.

La difficulté est d’essayer de rendre le contenu accessible sans perdre en rigueur. En effet, l’objectif essentiel de Kidimath est de permettre aux élèves d’améliorer leurs résultats en Maths : pour cela, il est nécessaire de coller assez fortement aux attentes des professeurs sur le terrain. Mais Kidimath a aussi pour ambition de susciter du plaisir à faire des Maths et c’est pourquoi toute une partie du site est consacrée aux jeux en Mathématiques, avec par exemple le passage de ceintures de calcul mental. Si vous avez envie de devenir ceinture noire dixième dan de calcul mental, ce sera bientôt possible sur Kidimath !

Comme tout projet à ses débuts, Kidimath va également nous servir de laboratoire pour tester un certain nombre de choses afin d’améliorer constamment le site. Bref, on est plutôt au début d’une nouvelle aventure.

Pensez-vous que ce site soit susceptible de redonner à certains de « l’appétence » pour les mathématiques ?

Nous l’espérons en effet. C’est d’ailleurs ce que nous disent déjà beaucoup d’élèves et de parents concernant Mathenpoche. Maintenant, un certain nombre de questions restent posées : comment vont s’articuler les passages entre la partie « jeux » et la partie plus scolaire ? Est-ce que d’autres types d’accompagnements seront nécessaires (forums…) ?

Kidimath est amené à évoluer et toutes les bonnes idées seront les bienvenues… en particulier celles des nombreux lecteurs de ce blog !

Kidimath ou Facebook, quel sera le choix des élèves une fois rentrés à la maison ?

Qui sait ?

Ce qui est certain, c’est que Facebook existe, est gratuit et facile d’accès, offre des outils élaborés et est bien connu par nos élèves. Pour que les élèves aient le choix, il faudrait que Kidimath aient les mêmes caractéristiques.

Il est possible aussi que les parents aient leur mot à dire là-dedans… Kidimath leur est aussi destiné. Il est parfois difficile pour les parents d’aider efficacement leurs enfants. Des parents nous disent que Mathenpoche est pour eux une vraie bouffée d’oxygène. Kidimath devrait leur faciliter encore plus la tâche. Du moins nous l’espérons.

Et « le libre » dans tout ça, il se situe où dans Kidimath ? Plus dans l’état d’esprit que dans les outils ? Est-ce que n’importe qui peut télécharger et installer le site sur ses propres serveurs ?

L’ensemble des contenus et le site lui-même sera sous licence libre (mélange GPL, FDL et CCbysa). On va aussi travailler (plus tard) pour mettre l’ensemble en téléchargement.

Il y a beaucoup de contenus en Flash dans Kidimath. C’est un souci qu’on a identifié depuis longtemps. Et d’ailleurs on voit bien tout ce qu’on perd à ne pas avoir utilisé des outils libres à ce niveau. Mais avec le recul, il n’était sans doute pas possible de faire autrement. On espère toujours des alternatives viables !

Kidimath peut aussi être une vitrine d’autres logiciels libres en Mathématiques. Si certains ont des propositions, qu’ils nous contactent !

D’autres « grands projets » après Kidimath ?

Labomep sera ouvert en Septembre.

Sésamath travaille également sur les livrets proposant des activités TICE en Mathématiques, en liaison avec d’autres associations en lettres et en Histoire-Géographie.

Plus globalement, les contacts se multiplient avec les professeurs de Maths à l’étranger et nous espérons que cela conduise à des partenariats. Sésamath souhaite aussi travailler de plus en plus étroitement avec les chercheurs en didactique et en sciences de l’éducation pour améliorer les contenus proposer et étudier leur impact. Là aussi, des projets prometteurs sont en cours… donc on aura encore sans doute le plaisir de revenir discuter sur le Framablog.

Présentation vidéo de Kidimath

—> La vidéo au format webm




De l’art libre et de la Culture Libre par Antoine Moreau

Philippe Jimenez - Licence Art LibreNous sommes toujours ravis d’accueillir en ces lieux la prose d’Antoine Moreau, précurseur et visionnaire de l’Art Libre, à moins que ce ne soit l’art libre.

Justement, le simple fait de mettre ou ne pas mettre de majuscules au concept procède déjà du choix voire du parti pris. Et si le parti est pris, il n’est plus libre (cette dernière phrase étant une tentative maladroite de « faire moi aussi mon Antoine Moreau », mais c’est impossible, il est unique !).

Une conférence donnée à la Biennale de Montréal le 3 mai dernier qui interroge les relations entre l’art et la culture libre[1], en soulignant l’importance du copyleft, cet étrange mais fondatrice « interdiction d’interdire ».

De l’art libre et de la Culture Libre.

URL d’origine du document

Antoine Moreau – 3 mai 2009 – Licence Art Libre

Introduction.

La rupture esthétique a ainsi installé une singulière forme d’efficacité : l’efficacité d’une déconnexion, d’une rupture du rapport entre les productions des savoir-faire artistiques et des fins sociales définies, entre des formes sensibles, les significations qu’on peut y lire et les effets qu’elles peuvent produire. On peut le dire autrement : l’efficacité d’un dissensus[2].

Si l’expérience esthétique touche à la politique, c’est qu’elle se définit aussi comme expérience de dissensus, opposée à l’adaptation mimétique ou éthique des productions artistiques à fins sociales[3].

Avec la venue de l’internet et la généralisation du numérique dans de nombreuses pratiques culturelles nous observons la mise en place d’un nouveau type de culture nommée « Culture Libre »[4] basée sur le partage et la diffusion des productions de l’esprit. « Libre » fait ici référence aux logiciels libres dont le code-source est ouvert. Ils sont définis par quatre libertés fondamentales : liberté d’exécuter le programme, d’en étudier le fonctionnement, de redistribuer des copies et d’améliorer le programme (et de publier ces améliorations).

La question des droits d’auteur est au cœur de cette nouvelle donne culturelle. Un juriste, Lawrence Lessig, en 2001, s’est inspiré des principes de création des logiciels libres pour rédiger des licences dites « libres »[5] pour les œuvres non logicielles. Mais on ne pourrait réduire l’intention d’ouvrir la création à des questions de droit et je vais essayer de vous montrer que c’est le processus de création artistique lui-même qui ouvre et libère la création.
Un an avant l’apparition des licences Creatives Commons, en janvier puis en mars 2000, j’organisais avec un groupe d’artistes[6] les Rencontres Copyleft Attitude. Elles ont donné naissance à la Licence Art Libre, rédigée en juillet 2000[7]. C’est une licence libre de type copyleft, inspirée de la General Public License[8] et recommandée par la Free Software Foundation en ces termes :

We don’t take the position that artistic or entertainment works must be free, but if you want to make one free, we recommend the Free Art License[9].

Voici un extrait du préambule de la Licence Art Libre :

Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.
Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège. Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression. (…) L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des oeuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun.
Elle s’appuie sur le droit français, est valable dans tous les pays ayant signé la Convention de Berne[10].

Cette initiative d’artistes, n’était pas tant motivée par des questions liées au droit d’auteur ou à l’informatique, que par le processus de création qu’ils éprouvaient dans leurs pratiques. Il s’agissait d’observer ce que le numérique et l’internet fait à la création pour en prendre acte et agir en conséquence. Agir en phase avec l’écosystème du net et du numérique qui ne fait, en fait, que confirmer nos pratiques artistiques ordinaires. Le logiciel libre ouvre tout simplement la voie pour formaliser nos intentions de créations libres.
Aujourd’hui, cette préoccupation artistique est devenue une occupation sociale, culturelle, politique et économique. En m’appuyant notamment sur les notions de « société close » et « société ouverte » développées par Bergson[11], je vais tenter de clarifier ce qui se joue entre la « culture libre » et l’« art libre ».
Tout d’abord essayons de comprendre ce que fait la Culture Libre à la Culture.

1. Ce que fait la Culture Libre à la Culture.

Si nous entendons par « Culture » ce qui « permet à l’homme non seulement de s’adapter à son milieu, mais aussi d’adapter celui-ci à lui-même, à ses besoins et à ses projets », alors la « Culture Libre » est une adaptation à cette nouvelle donne naturelle qu’est l’immatériel, mais également ce qui « rend possible la transformation de cette nature »[12] portée par le numérique.

Ce nouveau paradigme, nous devons reconnaître qu’il procède d’une nouvelle dogmatique[13]. Il s’agit, pour la Culture Libre, comme pour toute culture, d’instituer ce qui va faire tenir une société et ses sujets à l’intérieur de celle-ci. Cette nécessité institutionnelle est indéniable et la Biennale de Montréal consacrée à la Culture Libre en est le signe. Voyons maintenant ce que l’Art Libre fait à la Culture Libre.

2. Ce que fait l’Art Libre à la Culture Libre.

Distinguons la culture de l’art. Sans les opposer frontalement, il s’agit de ne pas les confondre, prendre acte du hiatus qu’il y a entre ces deux notions. Disons-le d’une formule simple, qui prend la lettre comme image : la culture est une police de caractères, l’art est du vent dans les glyphes[14]. Le sculpteur Carl André le dit autrement : « La culture, c’est ce que d’autres m’ont fait. L’art, c’est ce que je fais à d’autres[15]. »

Ce qui diffère l’art libre de la Culture Libre, c’est ce je-ne-sais-quoi et presque-rien[16] qui procède davantage de la sensibilité que du raisonnement. L’art libre est une trouée dans la Culture Libre. Car si toute culture peut être comparée à un édifice, l’art est alors une fenêtre ou une porte, toutes ouvertures, tout vide qui laisse passer l’air. L’air de rien, l’art est là dans le passage qui permet la respiration. Ce que fait l’art libre à la Culture Libre, c’est d’ouvrir ce qui s’offre à l’ouverture, de mettre en branle ce qui se met en mouvement, d’émanciper ce qui se libère. Car si la Culture Libre procède d’une intention de liberté, l’art libre procède d’une liberté libre, celle qu’exprime le poète aux semelles de vent lorsqu’il constate : « Que voulez-vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre (…)[17]. »

La « liberté libre » c’est ce qui est imprenable, comme on le dit de la vue imprenable qui offre un paysage protégé des captations propriétaires. C’est ce que fait, précisément, le copyleft en interdisant la prise exclusive des œuvres ouvertes qui s’offrent au bien commun. C’est l’objet de la Licence Art Libre et la licence Creative Commons Attribution-Share Alike[18], licences copyleft pour ce qui concerne les créations hors logiciel.

L’art libre échappe donc très concrètement à l’appropriation exclusive. Comme tous langages, il traverse et nourrit les esprits pour à nouveau se transporter et ainsi de suite, sans cesse et sans fin, de façon à créer au passage, des objets tangibles, traces de langages. Mots, images, sons, gestes, etc. Ainsi, l’art, libre, se renouvelle et demeure vivant. Imprenable définitivement, il ne se prend et ne se comprend que momentanément dans le mouvement même de son apparition et de sa création. Et ce moment là est aussi un moment d’éternité. L’art libre, grâce au copyleft, ne peut pas être captif d’une emprise qui voudrait en arrêter le cours. C’est la raison pour laquelle, par ailleurs, même s’il produit des objets apparemment finis, l’art libre est davantage un mouvement gracieux qu’un objet quand bien même serait-il gratuit. Il ne s’agit pas de nier la production d’objets, mais d’observer l’opération qui se fait entre esprit et matière. Ceci est amplifié avec l’immatériel qui :

(…) trouve sa source dans la séparation du matériel et du logiciel. (…) Tout document informatiquement conservé n’existe que sous forme de bribes disjointes, qu’il peut être dupliqué et multiplié, retouché et transformé. Il ne s’agit pas de matière d’une chose, mais d’un état de la matière, celle des circuits. Il ne s’agit pas des circuits en tant que circuits mais de leur état physique. Il ne s’agit pas de matériel versus immatériel, mais d’état de la matière (…)[19].

En posant le copyleft comme principe conducteur, l’art libre[20] renoue avec ce qu’a toujours été l’art depuis la nuit des temps, avant même que soit reconnue son histoire : une mise en forme de ce que produit l’esprit, insoumise à la culture qui voudrait la comprendre et la dominer. Cet exercice invente des formes qui découvrent l’esprit humain au delà de l’imagination, au delà d’un projet, d’une projection calculée. Sans raison, si ce n’est celle qui excède le raisonnement calculateur. Car il s’agit d’être en présence de ce qui se donne, du don qui élève, sans penser au retour sur investissement. C’est en cela que l’art est une pratique libre par excellence qui émancipe y compris l’idée de liberté quand celle-ci devient un mot d’ordre, un absolu, un fétiche ou une qualité culturelle.
Pour paraphraser Adorno nous dirons alors que : l’art libre c’est ce qui résiste à son assimilation culturellement libre[21].

Mais l’art libre, en trouant la culture libre, en procédant par négativité, n’est pas pour autant iconoclaste et négateur. Il ne détruit pas son cadre d’exercice, il le travaille au corps, il en fait de la dentelle. Plus celle-ci est fine, plus elle est forte. L’art libre porte attention à ce qui fait tenir la fabrique de l’esprit humain : la culture aérée par l’art. Sans ce souci d’aération, c’est l’étouffement, c’est le renfermement. Y compris le renfermement « libre » d’une « Culture Libre ». C’est bien pourquoi l’initiative de Copyleft Attitude, qui a eu pour conséquence la rédaction de la Licence Art Libre, n’a pas été le fruit d’un raisonnement savant mais le passage à l’acte d’une intuition. Car si la Culture Libre est intelligente, on parle même d’intelligence collective, l’art libre, lui, est une pratique qui se passe sans trop de réflexion. C’est ce passage à l’acte qui ouvre et invente la vie et la création qui va avec.

Il est de l’essence du raisonnement de nous enfermer dans le cercle du donné. Mais l’action brise le cercle. Si vous n’aviez jamais vu un homme nager, vous me diriez peut-être que nager est chose impossible, attendu que, pour apprendre à nager, il faudrait commencer par se tenir sur l’eau, et par conséquent savoir nager déjà. Le raisonnement me clouera toujours, en effet, à la terre ferme. Mais si, tout bonnement, je me jette à l’eau sans avoir peur, je me soutiendrai d’abord sur l’eau tant bien que mal et en me débattant contre elle, et peu à peu je m’adapterai à ce nouveau milieu, j’apprendrai à nager (…) Il faut brusquer les choses, et, par un acte de volonté, pousser l’intelligence hors de chez elle[22].

Voyons maintenant de quelle nature est l’art libre en émettant l’hypothèse qu’il est une création qui tend à l’incréé.

3. L’art libre tend à l’incréé.

Décréation : faire passer du créé dans l’incréé.
Destruction : faire passer du créé dans le néant. Ersatz coupable de la décréation.
(…)
La création : le bien mis en morceaux et éparpillé à travers le mal.
Le mal est l’illimité, mais il n’est pas l’infini.
Seul l’infini limite l’illimité[23].

Nous le constatons, l’art libre est un art qui n’a pas forcément les qualités reconnues habituellement à la création artistique. Du fait de son ouverture, il prend aussi le risque d’une destruction. Mais, son mouvement procède d’une décréation qui ouvre sur l’incréé car, s’il œuvre, c’est en passant. Il peut-être passable et fort médiocre comme possiblement génial. Si nous essayons de trouver des repères dans l’histoire de l’art récente nous pourrions dire qu’il relève de l’art brut inventé par Dubuffet et du readymade de Duchamp. Art brut, parce qu’il est fait par « l’homme du commun à l’ouvrage »[24] sans trop de volonté artistique et readymade parce qu’il est déjà fait et qu’il suffit de l’observer avec des yeux d’artiste.

Quel est le plus difficile de tout ? Ce qui te paraît le plus facile : Voir avec tes yeux ce qui se trouve devant tes yeux[25].

Maintenant que nous avons posé l’art libre en rapport avec la Culture Libre, posons-nous la question :

4. Une Culture Libre est-elle possible, est-elle souhaitable ?

Non seulement la Culture Libre est possible mais elle est inévitable, car elle procède d’une logique (im)matérialiste propre à la numérisation de la culture mondiale via les pratiques qui vont avec et notamment via l’internet, mais pas seulement. Par contre, elle n’est souhaitable que si, et seulement si, elle comprend le mouvement imprenable d’une création qui tend à l’incréé. Sinon,

(…) se referme le cercle momentanément ouvert. Une partie du nouveau s’est coulé dans le moule de l’ancien ; l’aspiration individuelle est devenue pression sociale ; l’obligation couvre le tout[26].

Pour maintenir ce qui s’ouvre et ne pas voir refermer le cercle, l’institution du copyleft est nécessaire car il interdit de refermer ce qui a été ouvert. S’agirait-il finalement de modifier le Code de Propriété Intellectuelle de façon à ce que soit inclus, comme droit de l’auteur, la copie, la diffusion et la modification des œuvres sans autoriser la captation exclusive ? Une sorte de domaine public, mais qui reste ouvert et ne peut être refermé. Sans doute, cette piste est-elle à envisager[27].

5. L’art libre : de l’art tout simplement possible.

Et si c’était l’art, activité considérée comme dépassée[28], qui, avec le copyleft comme principe de création, demeurait toujours possible ? Possible car impossible à clore de façon définitive. Un possible toujours à faire, une impossible affaire dont on n’a pas fini de faire le tour. Car la « réelle présence »[29] de l’art (libre) ne se confond pas avec le présent de la Culture (Libre), même s’il peut y prendre part. L’art libre serait alors le fil conducteur ténu mais persistant de ce qu’une Culture Libre promet, mais sans pouvoir le faire tenir durablement : une société ouverte à tous et à chacun et qui ne se referme pas mais poursuit tout simplement son mouvement gracieux d’ouverture.

Ainsi, pour celui qui contemple l’univers avec des yeux d’artiste, c’est la grâce qui se lit à travers la beauté et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. Toute chose manifeste, dans le mouvement que sa forme enregistre, la générosité infinie d’un principe qui se donne[30].

« De l’art libre et de la Culture Libre », Antoine Moreau
Texte de la conférence donnée le 03 mai 2009 lors de la Biennale de Montréal
Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le copier, le diffuser et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre

Notes

[1] Crédit photo : Philippe Jimenez (Licence Art Libre)

[2] Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, Paris, 2008, p 66.

[3] Jacques Rancière, Idem, p 67.

[4] Lawrence Lessig Free Culture, how big media uses technology and the law to lock down culture and control creativity, Penguin USA, 2004, traduction française en téléchargement sur ReadWriteWeb.

[5] Les licences Creatives Commons, au nombre de 11 à l’origine, puis de 6 (sans compter les cas particuliers).

[6] Regroupés autour de la revue Allotopie (François Deck, Emmanuelle Gall, Antonio Gallego, Roberto Martinez).

[7] Par Mélanie Clément-Fontaine, David Geraud (juristes) et Isabelle Vodjdani, Antoine Moreau (artistes).

[8] GPL version 3. Traduction non officielle en français de la version 2.

[9] GNU Operating System, Licenses,

[10] Licence Art Libre.

[11] Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, Quadrige, Paris, 1988.

[12] Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, La découverte, Paris, 1996, 2001, 2004, p.3.

[13] « Dogmatique est le discours occupant la place mythique de la vérité et, de ce fait, servant de fondement aux images identificatoires, pour la société en tant que telle et pour tout sujet ressortissant de cette représentation. » Pierre Legendre, Leçons VI. Les enfants du Texte. Étude sur la fonction parentale des États, Fayard, 1992, p. 68.

[14] « Représentation graphique en variation d’un signe ou caractère typographique. » Wictionary.

[15] Carl André, cité par Boris Groys, Politique de l’immortalité, quatre entretiens avec Thomas Knoefel, Maren Sell Éditeurs, Paris, 2002-2005, p. 77.

[16] Vladimir Jankélevitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien 1/ La manière et l’occasion, Seuil, Essais, 1980.

[17] Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard – 2 novembre 1870.

[18] Attribution-Share Alike 3.0 Unported.

[19] C. Herrenschmidt, Les trois écritures. Langue, nombres, code, Gallimard, 2007, p. 453, 454.

[20] Ne mettons pas de majuscule pour signifier qu’il n’a rien de grandiose.

[21] Cité par Christiane Carlut : « Adorno définissait l’œuvre d’art en tant que résistance à son assimilation au culturel », Copyright \ Copywrong, Éditions MeMo, 2003, p. 18.

[22] Henri Bergson, L’évolution créatrice, PUF, Quadrige, 2006, p.193-195.

[23] Simone Weil, La pesanteur et la grâce, Plon, Agora, 1947 et 1988, p. 81 et p.130.

[24] Jean Dubuffet, L’homme du commun à l’ouvrage, Gallimard, Idées, 1973.

[25] Goethe, Xenien, cité par Pierre Hadot, Le voile d’Isis, Gallimard, Folio, p. 332.

[26] Henri Bergson. Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, Quadrige, Paris, 1988, p. 284.

[27] À notre connaissance, cette piste a été envisagée par Mélanie Clément-Fontaine dans son article « Faut-il consacrer un statut légal de l’œuvre libre ? » PI, n° 26, janvier 2008.

[28] « L’art n’apporte plus aux besoins spirituels cette satisfaction que des époques et des nations du passé y ont cherchée et n’ont trouvé qu’en lui (…). L’art est et reste pour nous, quant à sa destination la plus haute, quelque chose de révolu. Il a, de ce fait, perdu aussi pour nous sa vérité et sa vie authentique. » Hegel, Cours d’esthétique, Tome 1, Aubier, Paris, 1995-1997, p. 17 & 18, cité par Bernard Bourgeois, Le vocabulaire de Hegel, Ellipses, Paris 2000, p. 12.

[29] Référence au livre de Georges Steiner, Réelles présences, les arts du sens, Gallimard Folio, 1994.

[30] Bergson, La pensée et le mouvement, PUF, 2003, p. 280 cité Pierre Hadot, op. cit., Gallimard, Folio, p. 296.




Largage de liens en vrac #16

Pitel - CC by-saNouvelle fournée des liens en vrac autour des (supposées ou avérées) nouveautés logicielles. Si il fallait lui donner une note, je dirais… 16/20.

J’en profite pour lancer un appel à participation parce qu’à Framasoft nous croulons sous le boulot en ce moment.

Y aurait-il de gentils volontaires prêts à maintenir avec moi cette rubrique des Liens en vrac ? Et pourquoi pas aussi pousser la chose plus loin, en effectuant un véritable test lorsque le logiciel semble vraiment intéressant ? Test qui pourrait faire l’objet d’un billet à part entière ici.

Pour le dire autrement, un peu comme sur Facebook, je veux me faire des amis pour ne plus être seul[1] avec cette rubrique qui je sais rend service mais qui prend pas mal de temps à rédiger à chaque fois.

Si vous voulez « être mon ami », il suffit de m’envoyer un message via notre formulaire.

Et c’est parti, mon kiki…

  • SRWare Iron : Justement, à propos de Chrome, la principale raison de ne pas y passer c’est… Google. Voici donc la tentative allemande d’un Chrome sans Google (à partir des sources de Chromium, la version libre de Chrome, je sais c’est compliqué). Toutes les qualités de Chrome moins les problèmes de privacy ?
  • The Open Video Player Initiative : « The Open Video Player Initiative is a community project dedicated to sharing player code and best practices around video player development and monetization. » Pas besoin de traduire non ? Il y a Adobe et Microsoft dans les partners. Doit-on alors se méfier ?
  • Dogma Player : Codé en Flex, un player musical (encore en bêta) pour avoir accès à tout le catalogue Dogmazic.
  • Pixie : Un site web permettant de créer des sites web ! Intituitif et sexy.
  • Papillon : Outil en ligne de réservation de ressource et d’affichage de disponibilité. Un Doodle libre à surveiller de près.
  • Open Font Library : Une sorte de forge spécialement dédiée aux polices de caractères très bien présentée. Piochez mais aussi créez et partagez vos polices libres et ouvertes ! (Mozilla est impliquée dans le projet)
  • LMMS : Acronyme de Linux Multi Media Studio. Sorte d’alternative libre à Cubase (mais à vérifier, je suis pas très calé en création musicale). On pourra lire ce tutoriel sur Linux MAO.
  • Sockso Personal Music Server : Hadopi appréciera moyennement cet outil pour se créer sur son ordi son petit serveur musical que l’on peut partager avec ses amis sur le Net (Java inside)
  • UltraStar Deluxe : Un logiciel de karaoke libre inspiré de Singstar (Playstation).
  • Thematic : Pour que le webmaster blogueur en herbe se fasse un WordPress aux petits oignons.
  • AlbanEye : Un JavaScript qui déroule un coin de page terrifiant sur l’œil de Moscou Christine Albanel. Peut resservir pour d’autres occasions.
  • Monkey Smileys : Des smileys mais sous forme de tête de singe, par notre ami Poupoul2.
  • Circos : Pour visualiser le génome mais par extension toutes sortes de données, le tout dans un cercle dont les points sont liés par des courbes de couleurs. Un truc un peu mutant mais très très joli (si quelqu’un veut nous en dire plus dans les commentaires…).
  • ICEpdf : Ce lecteur de PDF en Java vient de passer Open Source.
  • jsPDF : Pour générer du PDF uniquement en JavaScript (et donc à partir de votre navigateur si vous le souhaitez).
  • Flot : Utilise toujours l’excellente bibliothèque JavaScript jQuery pour faire de bien jolis graphiques.
  • FullCalendar : Encore avec jQuery, j’ai relevé ce calendrier à mettre sur son site web.
  • jCart : Et pour en finir avec jQuery, la petite boutique de vente en ligne avec panier et tout et tout (intègre Paypal).
  • Cinecode : Si j’ai bien compris un encodeur permettant de convertir d’un simple glisser/déposer n’importe quel fichier vidéo (ou presque) en Flash (.flv).
  • Appetizer : Un esthétique lanceur d’applications (ou dock) pour Windows. Existe en version portable.
  • Open Paint : Qui n’a pas connu le logiciel Paint de Windows ? (à l’école, les élèves continuent de l’utiliser dès qu’on a le dos tourné). On tient ici une tentative de clonage Open Source de Paint déjà bien aboutie.
  • Miro Adoption : Miro propose ses lignes de code à l’adoption. Une manière originale de lancer une campagne de dons.
  • Le Wecena ? : Je le signale car j’ai trouvé le mot intéressant (contraction si j’ai bien compris de web et mécénat). « Le wecena met au service de projets d’intérêt général la créativité et le savoir-faire technologiques des meilleurs ingénieurs et informaticiens de la profession. Le wecena, c’est le mécénat de compétences en informatique. »
  • TaskJuggler : Un logiciel de gestion de projet (vous n’en saurez pas plus !)
  • Web Optimizer : Ensemble d’applications permettant de réduire le temps de chargement de vos pages web.
  • Ulteo Virtual Desktop : Philippe Scoffoni nous annonce la sortie en version 1.0 de la solution de bureau virtuel Ulteo Virtual Desktop (je n’arrive pas à comprendre si le projet Ulteo, de Gaël Duval, ex-fondateur de Mandrake, est un espoir ou une déception, vous avez un avis ?).

Notes

[1] Crédit photo : Pitel (Creative Commons By-Sa)




Quand l’Europe est invitée à signer le Pacte du Logiciel Libre

Le pacte du Logiciel Libre - AprilC’est à ce type d’initiatives que l’on mesure pleinement le rôle et l’utilité de l’April et de tous ses adhérents.

En invitant, depuis 2007, les candidats aux élections politiques à signer Le Pacte du Logiciel Libre, l’April sensibilise en effet nos futurs représentants aux enjeux du logiciel libre. Accord, refus ou indifférence constituant alors des éléments d’information à prendre en compte lors du vote 😉

C’est aujourd’hui le tour des élection européennes qui sont souvent le théâtre de décisions lourdes de conséquence pas forcément médiatisées.

Encore faut-il que notre candidat soit au courant. C’est pourquoi l’April vous invite à porter ce Pacte à leur connaissance. Car rien ne se fera sans vous.

Il y a actuellement 72 signataires du Pacte à l’Assemblée nationale. Participons à sensiblement augmenter ce chiffre dans toutes les chambres représentatives et les futures lois Hadopi ne passeront plus.

Vous trouverez ci-dessous la reproduction du Pacte et du communique de presse de l’April.

Le Pacte du Logiciel Libre à la conquête du Parlement européen

URL d’origine du document

Paris, le 31 mars 2009. Communiqué de presse.

À l’occasion des élections européennes de juin 2009, l’April lance une nouvelle campagne sous la bannière de l’initiative Candidats.fr : tous les citoyens attachés au Logiciel Libre sont invités à proposer le Pacte du Logiciel Libre aux candidats. Le Parlement européen est effectivement le théâtre de débats majeurs pour le Logiciel Libre et les standards ouverts. L’April souhaite par cette campagne prévenir le retour des brevets logiciels, les atteintes à la neutralité des réseaux, et favoriser l’interopérabilité et la libre concurrence sur le marché européen du logiciel. L’April souhaitant que cette campagne soit l’occasion de sensibiliser aussi largement que possible les futurs députés européens elle propose à tous les citoyens européens attachés au Logiciel Libre de se joindre à cette campagne. L’April propose donc, avec l’association italienne Associazione per il Software Libero, un portail européen.

L’initiative Candidats.fr de l’April invite les citoyens à contacter les candidats aux élections européennes pour leur proposer le Pacte du Logiciel Libre. Le Pacte du Logiciel Libre est un document simple permettant aux électeurs de savoir quel candidat dans leur circonscription a conscience des enjeux du Logiciel Libre et s’est engagé à promouvoir et défendre les libertés qui y sont associées.

Le Pacte du Logiciel Libre est également un outil permettant à tous les citoyens attachés au Logiciel Libre de sensibiliser les candidats quant à la responsabilité qui sera la leur s’ils sont élus. Le Pacte du Logiciel Libre s’inscrit donc dans une double démarche citoyenne fournir une base au dialogue entre les citoyens et les élus avant les élections autour des enjeux du Logiciel Libre, et disposer d’engagements clairs pris en conscience.

Le Logiciel Libre est une opportunité pour le public, la France et l’Europe mais de nombreuses menaces pèsent sur son avenir. Au niveau européen, il s’agit de prévenir le retour des brevets logiciels, les atteintes à la neutralité des réseaux, et de s’opposer aux tentatives d’imposer le « trusted computing », véritable informatique déloyale, comme norme technique. Mais l’objectif est aussi de mettre un terme à la vente liée des ordinateurs et des systèmes d’exploitation, de réviser la directive EUCD, de mettre en place un véritable droit à l’interopérabilité et de favoriser l’utilisation de logiciels libres et de standards ouverts dans les administrations et établissements publics européens.

« Le Parlement européen vote les directives qui s’appliquent ensuite dans notre droit national, à l’instar de la directive EUCD transposée par la loi DADVSI. Il est donc essentiel que les eurodéputés soient sensibilisés aux enjeux du Logiciel Libre, afin que le droit européen ne soit pas porteur de discriminations pour les développeurs comme pour les utilisateurs, » déclare Benoît Sibaud, Président de l’April.

Des domaines comme le droit de la consommation ou la réglementation des marchés publics sont également concernés : la vente liée des ordinateurs et des systèmes d’exploitation est largement pratiquée en Europe, et les marchés publics y sont trop souvent orientés sur une technologie en particulier. L’établissement de règles claires est une condition incontournable pour mettre un terme aux abus de position dominantes et aux situations de rente.

« Les futurs eurodéputés doivent prendre conscience que le Logiciel Libre est une opportunité pour l’Europe. La mobilisation de chacun est essentielle pour que les candidats prennent la mesure de l’attachement des citoyens au Logiciel Libre et aux libertés qu’il leur offre, » ajoute Frédéric Couchet, Délégué Général.

L’April souhaite que cette campagne soit l’occasion de sensibiliser aussi largement que possible les futurs députés européens. C’est pourquoi, avec l’association italienne Associazione per il Software Libero, elle propose à tous les citoyens européens attachés au Logiciel Libre de se joindre à cette campagne. Les deux associations mettent leurs outils à la disposition de tous. Un portail européen avec un wiki (en anglais) donne accès à toutes ces ressources : http://freesoftwarepact.eu/

Le pacte du logiciel libre

URL d’origine du document

Un bien commun à protéger et à développer

Je suis candidat(e) aux élections européennes 2009

J’ai conscience que

Le travail des acteurs du Logiciel Libre participe à la préservation des libertés fondamentales à l’ère du numérique, au partage du savoir et à la lutte contre la « fracture numérique ». Il constitue également une opportunité pour le public mais aussi pour l’indépendance technologique et la compétitivité de pays et de l’Europe ;

Le Logiciel Libre est un bien commun à protéger et à développer. Son existence repose sur le droit pour un auteur de divulguer son logiciel avec son code source et d’accorder à tous le droit de les utiliser, les copier, les adapter et les redistribuer, en version originale ou modifiée.

Je m’engage donc à

Encourager par des moyens institutionnels les administrations publiques, établissements publics et collectivités territoriales à développer et utiliser prioritairement des logiciels libres et des standards ouverts ;

Soutenir des politiques actives en faveur du Logiciel Libre et m’opposer à toute discrimination à son encontre ;

Défendre les droits des auteurs et des utilisateurs de logiciels libres, notamment en demandant la modification de toute disposition légale fragilisant ces droits et en m’opposant à tout projet ou proposition qui irait dans ce sens.




FramaDVD : une compilation de logiciels libres, mais pas seulement

Logo FramaDVD - Licence Art LibreÀ la rentrée prochaine, Framasoft devrait proposer un nouveau projet de promotion et diffusion du libre, sous la forme d’un DVD proposant sur un même support un best-of des applications libres pour Windows et Mac, une distribution GNU/Linux, et de nombreux contenus culturels libres (vidéos, musique, littérature, photos).

Rapide rappels des faits : en 2004, Framasoft effectuait la traduction d’une compilation de logiciels libres anglophone nommée TheOpenCD. On pouvait trouver au sein de ce CD un panel des meilleurs logiciels libres pour Windows, présentés au travers d’une interface visuellement agréable et ergonomiquement efficace[1]

Avec plus de 200 000 téléchargements, et une large diffusion presse, ce projet a été ce que l’on peut appeler un succès (nous étions en 2004, et le libre n’était pas aussi bien répandu, compris ou accepté qu’aujourd’hui).

Le projet anglophone ayant stagné (départ du développeur principal embauché chez… Canonical, changement de nom du projet pour http://www.theopendisc.com/, tâtonnement techniques, etc), il n’y eu pas réellement de suivi des versions suivantes.

Malgré la présence notable de plusieurs compilations de logiciels libres comme Bureau Libre Free EOS, WinLibre, Chti libre, et des compilations plus spécifiques comme celle de l’Université de Versailles, ou celle de LanPower, Framasoft avait planté la graine d’un projet « FramaDVD » avec ceux que les plus marketeux d’entre vous appelleraient des caractéristiques différenciatrices fortes :

D’abord, sur le support, qui utiliserait le format DVD. Pas pour faire joli, mais pour pouvoir faire un produit fonctionnant sous Windows, MacOS et Linux (en incluant un Live CD pour ce dernier).

Ensuite, sur le contenu, qui ne se limiterait pas uniquement aux logiciels, mais serait largement ouvert à la culture libre (photos, vidéos, textes, musiques, etc).

Enfin, sur le public. Même si la cible reste évidemment Tata Jeannine, le FramaDVD (qui sera évidemment 100% sous licence libre) est conçu pour être un outil facilement adaptable pour les structures souhaitant réaliser des dérivés. Sur le même principe que la Framakey, qui a donné naissance à de nombreux forks (éducation, entreprises, métiers, linguistiques, ou tout simplement personnels) l’appropriation du FramaDVD sera encouragée, sur le principe d’une recette de base que chacun pourra adapter à son envie en ajoutant ou retirant des ingrédients. L’objectif est donc aussi de fournir aux collectivités, médiathèques, écoles, etc un outil de référence de la culture libre. Outil de référence ne signifiant pas qu’il sera meilleur que les autres, mais qu’il sera conçu pour être une base adaptable à de nombreux projets. Par exemple, la base technique du DVD permet d’afficher facilement et librement des vidéos sans plugin Flash, au travers des fonctionnalités de la balise <video>. Ainsi, une mairie qui souhaiterait se baser sur le DVD pour réaliser un produit contenant des vidéos du maire présentant la commune pourrait réaliser cette opération simplement.

Nous espérons aussi que ce DVD pourra être un complément de financement pour les LUGs, qui pourront bien entendu vendre légalement et au prix de leur choix le DVD (modifié ou pas) lors d’install parties.

Le système permettant des mises à jour simples et rapides du master, nous envisageons un système de release bi-annuel (en gros, juin et décembre).

Évidemment, on pourra nous objecter que le support physique est dépassé et peu écologique, ce qui est partiellement vrai. Mais notre expérience sur le terrain nous a montré que le grand public se sentait bien plus rassuré avec un objet physique (évidemment, il pourra toujours le télécharger gratuitement) et nous avons des projets de diffusions vers des pays en voie de développement pour lesquels l’accès haut débit est loin d’être général.

Côté planning, les premières versions alpha devraient arriver d’ici la fin du mois de mai, une beta est prévue pour les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre (Nantes, du 7 au 11 juillet), et la diffusion devrait commencer à compter de septembre.

Notez qu’il sera possible de devenir partenaire du projet, afin de nous aider à financer l’achat des premiers lots de DVD.

Ceux qui connaissent Framasoft pourront être sceptiques sur la date : en effet ce projet a débuté en avril… 2006 ! Il était resté dans les cartons faute de temps et d’énergie (et je souhaite au passage à remercier chaleureusement l’ami ComputerHotline d’avoir maintenu le projet seul sous perfusion pendant ces dernières années. Sans lui, le projet serait probablement mort.). Cependant, en fin d’année 2008, nous avons rencontré une équipe de quatre étudiants du Master Communication et Multimédia de l’Université Paris 2 qui se sont intéressés au projet et lui ont redonné un second souffle. Dans le cadre d’un projet d’études, ils ont donc pour mission de nous botter le derrière aider à réaliser et diffuser ce projet (le logo en illustration, ce sont eux par exemple). La plupart ne connaissant pas le monde du libre avant de s’impliquer dans le projet, leur enthousiasme et leur fraicheur nous a poussé à de salutaires remises en question.

—> La vidéo au format webm

En attendant un prochain billet, qui dévoilera captures écrans et listes des contenus retenus, vous pouvez suivre l’évolution du projet, découvrir les vidéos de l’équipe ou le travail déjà réalisé sur le blog dédié au projet.

Notes

[1] Pour la petite histoire, c’est l’interface de TheOpenCD qui a largement inspiré celle de la Framakey.