Projet Shtooka – Interview de Nicolas Vion

Cesarastudillo - CC byDans l’expression Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, il y a le mot rencontre. Et c’est ainsi que nous avons fait connaissance avec Nicolas Vion, fondateur du fort intéressant Projet Shtooka qu’il nous a semblé judicieux de mettre en avant sur ce blog à la faveur de cette courte interview.

L’objectif du projet vise la création de matériel audio libre pour l’apprentissage des langues étrangères en mettant en place un ensemble de collections sonores de mots et expressions telle la base audio libre de mots français (cf démo en ligne) ainsi que les outils logiciels capables d’en tirer parti. Outre le français, on trouve aussi des corpus pour d’autres langues telles que le russe, l’ukrainien, le biélorusse, le wolof, le tchèque ou le chinois[1].

Un entretien réalisé par Emmanuel Poirier (alias LeBidibule) pour Framasoft.


Bonjour Nicolas, je vais te demander de te présenter.

Je m’appelle Nicolas Vion, je m’intéresse depuis quelques années aux langues slaves. Après une licence de russe, je suis actuellement en licence d’ukrainien et travaille comme développeur système. Je m’occupe du Projet Shtooka depuis son origine.

En quoi consiste ton projet ?

Le projet Shtooka consiste à enregistrer des collections audio libres de mots, d’expressions idiomatiques et d’éléments du langage avec des locuteurs natifs pour toutes les langues.

C’est aussi un ensemble de logiciels permettant d’enregistrer, d’organiser et d’exploiter ces collections. Cela permet, par exemple, d’ajouter l’audio dans des dictionnaires électroniques (les fichiers sont d’ores et déjà utilisés pour le Wiktionnaire), mais aussi de faciliter l’apprentissage du vocabulaire d’une langue étrangère en se faisant des fiches de vocabulaire audio à l’aide d’outils comme le Kit Shtooka (ou bientôt les SWAC Tools) et ainsi de réviser son vocabulaire à l’aide d’un baladeur MP3 ou Ogg Vorbis en baladodiffusion. Il est également possible de créer à partir de ces fiches de vocabulaire des activités pédagogiques au format JClic pour les plus petits…

Au delà de l’aspect pédagogique, ces collections représentent, à mon sens, un intérêt linguistiques et scientifique en regroupant en un ensemble cohérent un tel matériel audio qui, je pense, comptera à l’avenir.

Depuis quelque temps, le Projet Shtooka s’est monté en association, ce qui a permis au projet de s’agrandir un peu. Nous sommes aujourd’hui environ quatre personnes actives dans le projet, de plus cela va nous permettre de contacter différents organismes en tant qu’association.

Quelles est la différence entre le Kit Shtooka et les SWAC Tools ?

Le Kit Shtooka, qui est un ensemble de programmes pour Microsoft Windows (mais qui marche aussi sous GNU/Linux avec Wine), est en quelque sorte l’héritier du petit programme à l’origine du projet. Ce petit programme était une sorte de «bidouille» que j’avais écrit pour mes besoins personnels alors que je me trouvais en Russie, où les connexions Internet ne sont pas forcément bon marché. Aussi, j’ai trouvé un CD de Delphi et ai donc commencé à coder pour cet environnement.

Le Kit Shtooka est en fait issu d’une refonte de ce programme originel. Il est mûr et utilisable, l’ayant moi-même utilisé au cours de mes études de Russe, mais des limitations sont apparues liées au choix techniques initiaux… Il y a maintenant un an j’ai commencé un travail de ré-écriture du Kit Shtooka en C++ et utilisant des libraires standards telles que GTK+ et QT, ce qui permet une meilleure portabilité entre plate-formes et une plus grande modularité.

A l’heure actuelle, si le Kit Shtooka est pleinement utilisable, les SWAC Tools sont encore assez jeunes et d’utilisation plutôt difficile (NdR : il manque notamment le logiciel d’enregistrement, le logiciel exerciseur « Repeat ») mais devraient à terme remplacer les vieux outils. C’est en quelque sorte la nouvelle génération du Kit Shtooka.

Quand as-tu pensé à utiliser des licences libres pour vos productions et vos logiciels ?

A l’origine, je n’imaginais pas qu’il serait aussi facile d’enregistrer la prononciation d’autant de mots. Tout a commencé par intérêt personnel. Je faisais enregistrer la prononciation de mots russes par mes amis afin de me faciliter l’apprentissage du vocabulaire, sans penser à la licence de ces enregistrements.

Au bout d’un an, je me suis rendu compte que je disposais d’un corpus important (NdR : mais inutilisable pour le futur projet, faute d’accord avec les locuteurs de l’époque), et j’ai pensé faire une base de mots audio en français afin d’aider des professeurs de français FLE (Français Langue Étrangère), ou encore pour les étudiants en auto-apprentissage.

C’est au cours de ces enregistrements que j’ai amélioré la technique d’enregistrement (grâce à quelques modifications de l’interface, je pouvais désormais enregistrer plus de 1500 mots de suite sans me fatiguer). J’ai alors décidé de diffuser cette première collection qui regroupait plus de 7000 enregistrements sur une site Internet sous une licence libre (la Creative Commons By) et un ami m’a soufflé l’idée de faire une dépêche sur le site d’information LinuxFr.

Très vite, j’ai été contacté par Eric Streit qui était enthousiasmé par le projet et qui a rapidement enregistré une collection de mots russes avec sa femme originaire du Kazakhstan. Un ami chinois m’a également permis de réaliser le corpus chinois : le projet Shtooka était bel et bien lancé.

À mon sens, la licence libre s’imposait car c’était la seule façon de permettre la créativité. En effet, on ne peut imaginer soi-même toutes les applications possibles à partir d’une telle « matière première » sonore.

Enfin en voulant proposer mon outil d’enregistrement à des contributeurs du projet Wiktionnaire (entre autre Betsy Megas) j’ai eu à ré-écire cet outil, pour en faire un programme séparé, plus facile à utiliser. Cela m’a permis par la même occasion de formaliser la façon des stocker les informations sur les mots enregistrés et les locuteurs, et ai proposé l’adoption des « SWAC Metatags ». En effet, s’il est possible d’enregistrer dans les fichiers audio Ogg Vorbis des informations pour les collections musicales (nom de l’album, nom de la chanson, style de musique) les « SWAC Metatags » permettent de faire la même chose avec les collections linguistiques grâce à une quarantaine de champs d’information : nom du locuteur, sa langue maternelle, région d’origine…

Avez-vous eu beaucoup de retours jusqu’alors ?

Jusqu’à présent, les retours d’expérience ont été peu nombreux; mais je remercie les personnes, notamment les professeurs de Langues Vivantes qui ont permis de faire évoluer le logiciel, et faire remonter les problèmes liés à la formation de l’outil.

Il est vrai que l’outil a été plus pensé pour des apprenants autonomes que pour des professeurs. Les RMLL 2009 ont d’ailleurs été l’occasion de rencontrer des gens d’autres projets qui utilisent nos collections. Nous avons également pris contact avec des libristes marocains qui ont l’intention de développer le Projet Shtooka dans leur pays (nous avons d’ailleurs pu enregistrer avec eux une petite collection de mots arabes durant les RMLL).

Quelles sont les aides que l’on peut vous apporter si l’on souhaite participer au projet ?

Les aides sont les bienvenues !

Tout d’abord, si l’on a des compétences pour une langue en particulier, il est possible de créer des listes de mots et expressions qui serviront lors de sessions d’enregistrements avec un locuteur natif. Pour cela il suffit de rassembler les éléments à enregistrer dans un simple fichier texte. Pour ce travail il faut quand même avoir une bonne connaissance de la langue en question : par exemple, pour le corpus français, se pose la question : faut-il prononcer les substantifs avec ou sans article ? Si oui, lesquels : définis ou indéfinis ? Pour d’autres langues se pose le problème des déclinaisons, du déplacement des accents toniques, des mutations, ou encore des cas d’homographie… Ce travail préparatoire peut être fait par un professeur, mais aussi par un apprenant.


Ensuite vous pouvez participer au projet en tant que « locuteur natif » de votre langue maternelle en enregistrant des mots ou expressions. Ceci-dit, il est important d’avoir un matériel d’enregistrement de qualité convenable, quelques connaissances sur la prise de son avec un ordinateur, et de disposer d’un endroit calme. Le logiciel d’enregistrement est très pratique et permet d’enregistrer plus de 1000 mots par heure. Ici, la communauté Shtooka peut aider (dans la mesure du possible) en trouvant le matériel, en organisant l’enregistrement…

Les professeurs de langues peuvent également nous aider en proposant des listes de vocabulaire bilingues organisées par thèmes ou par leçons, car en fait chaque collection audio est indépendante. De même, tous les travaux dérivés (exercices interactifs, imagiers pour les écoles primaires…) sont intéressants et bienvenus, et peuvent donner des idées pour compléter les collections audio.

Si vous êtes développeur C++ (ou autre) vous pouvez aider au développement des nos logiciels. Les développeurs Web et les graphistes peuvent nous donner un coup de main sur le site Internet…

Globalement, nous cherchons des aides ponctuelles mais aussi dans la durée. Il nous faudrait, par exemple, des personnes pour s’occuper du développement de telle ou telle langue (au passage, nous aurions besoin de quelqu’un qui puisse s’occuper de la collection espagnole), alors n’hésitez pas !

Notes

[1] Crédit photo : Cesarastudillo (Creative Commons By)




Le socialisme nouveau est arrivé

Copyleft FlagLe socialisme est mort, vive le socialisme ? À l’instar de Is Google making us stupid? c’est une nouvelle traduction de poids que nous vous proposons aujourd’hui.

Un socialisme nouveau, revu et corrigé, est en train de prendre forme sur Internet. Telle est l’hypothèse de Kevin Kelly, célèbre éditorialiste du célèbre magazine Wired. Et l’on ne s’étonnera guère d’y voir le logiciel libre associé aux nombreux arguments qui étayent son propos.

Vous reconnaissez-vous dans ce « socialisme 2.0 » tel qu’il est présenté ici ? Peut-être oui, peut-être non. Mais il n’est jamais inutile de prendre un peu de recul et tenter de s’interroger sur ce monde qui s’accélère et va parfois plus vite que notre propre capacité à lui donner du sens.

Le nouveau Socialisme : La société collectiviste globale se met en ligne

The New Socialism: Global Collectivist Society Is Coming Online

Kevin Kelly – 22 mai 2009 – Wired
(Traduction Framalang : Poupoul2, Daria et Don Rico)

Bill Gates s’est un jour moqué des partisans de l’Open Source avec le pire épithète qu’un capitaliste puisse employer. Ces gens-là, a-t-il dit, sont « une nouvelle race de communistes », une force maléfique décidée à détruire l’incitation monopolistique qui soutient le Rêve Américain. Gates avait tort : les fanatiques de l’Open Source sont plus proches des libertariens que des communistes. Il y a pourtant une part de vérité dans son propos. La course effrénée à laquelle on se livre partout sur la planète pour connecter tout le monde avec tout le monde dessine doucement les contours d’une version revue et corrigée du socialisme.

Les aspects communautaires de la culture numérique ont des racines profondes et étendues. Wikipédia n’est qu’un remarquable exemple de collectivisme émergeant parmi d’autres, et pas seulement Wikipédia mais aussi toute le système des wikis. Ward Cunningham, qui inventa la première page web collaborative en 1994, a recensé récemment plus de cent cinquante moteurs de wiki différents, chacun d’entre eux équipant une myriade de sites. Wetpaint, lancé il y a tout juste trois ans, héberge aujourd’hui plus d’un million de pages qui sont autant de fruits d’un effort commun. L’adoption massive des licences de partage Creative Commons et l’ascension de l’omniprésent partage de fichiers sont deux pas de plus dans cette direction. Les sites collaboratifs tels que Digg, Stumbleupon, the Hype Machine ou Twine poussent comme des champignons et ajoutent encore du poids à ce fantastique bouleversement. Chaque jour nous arrive une nouvelle start-up annonçant une nouvelle méthode pour exploiter l’action communautaire. Ces changements sont le signe que l’on se dirige lentement mais sûrement vers une sorte de socialisme uniquement tourné vers le monde en réseau.

Mais on ne parle pas là du socialisme de votre grand-père. En fait, il existe une longue liste d’anciens mouvements qui n’ont rien à voir avec ce nouveau socialisme. Il ne s’agit pas de lutte des classes. Il ne s’agit pas d’anti-américanisme. Le socialisme numérique pourrait même être l’innovation américaine la plus récente. Alors que le socialisme du passé était une arme d’État, le socialisme numérique propose un socialisme sans État. Cette nouvelle variété de socialisme agit dans le monde de la culture et de l’économie, plutôt que dans celui de la politique… pour le moment.

Le communisme avec lequel Gates espérait salir les créateurs de Linux est né dans une période où les frontières étaient rigides, la communication centralisée, et l’industrie lourde et omniprésente. Ces contraintes ont donné naissance à une appropriation collective de la richesse qui remplaçait l’éclatant chaos du libre marché par des plans quinquennaux imposés par un politburo tout puissant.

Ce système d’exploitation politique a échoué, c’est le moins que l’on puisse dire. Cependant, contrairement aux vieilles souches du socialisme au drapeau rouge, le nouveau socialisme s’étend sur un Internet sans frontières, au travers d’une économie mondiale solidement intégrée. Il est conçu pour accroître l’autonomie individuelle et contrecarrer la centralisation. C’est la décentralisation à l’extrême.

Au lieu de cueillir dans des fermes collectives, nous récoltons dans des mondes collectifs. Plutôt que des usines d’État, nous avons des usines d’ordinateurs connectées à des coopératives virtuelles. On ne partage plus des forêts, des pelles ou des pioches, mais des applications, des scripts et des APIs. Au lieu de politburos sans visage, nous avons des méritocracies anonymes, où seul le résultat compte. Plus de production nationale, remplacée par la production des pairs. Finis les rationnements et subventions distribués par le gouvernement, place à l’abondance des biens gratuits.

Je reconnais que le terme socialisme fera forcément tiquer de nombreux lecteurs. Il porte en lui un énorme poids culturel, au même titre que d’autres termes associés tels que collectif, communautaire ou communal. J’utilise le mot socialisme parce que techniquement, c’est celui qui représente le mieux un ensemble de technologies dont l’efficience dépend des interactions sociales. L’action collective provient grosso modo de la richesse créée par les sites Web et les applications connectées à Internet lorsqu’ils exploitent du contenu fourni par les utilisateurs. Bien sûr, il existe un danger rhétorique à réunir autant de types d’organisation sous une bannière aussi provocatrice. Mais puisqu’il n’existe aucun terme qui soit vierge de toute connotation négative, autant donner une nouvelle chance à celui-là. Lorsque la multitude qui détient les moyens de production travaille pour atteindre un objectif commun et partage ses produits, quand elle contribue à l’effort sans toucher de salaire et en récolte les fruits sans bourse délier, il n’est pas déraisonnable de qualifier ce processus de socialisme.

À la fin des années 90, John Barlow, activiste, provocateur et hippie vieillissant, a désigné ce courant par le terme ironique de « point-communisme » (NdT : en référence au point, dot, des nom de domaines des sites Web comme framablog point org). Il le définissait comme une « main d’œuvre composée intégralement d’agents libres », « un don décentralisé ou une économie de troc où il n’existe pas de propriété et où l’architecture technologique définit l’espace politique ». En ce qui concerne la monnaie virtuelle, il avait raison. Mais il existe un aspect pour lequel le terme socialisme est inapproprié lorsqu’il s’agit de désigner ce qui est en train de se produire : il ne s’agit pas d’une idéologie. Il n’y a pas d’exigence de conviction explicite. C’est plutôt un éventail d’attitudes, de techniques et d’outils qui encouragent la collaboration, le partage, la mise en commun, la coordination, le pragmatisme, et une multitude de coopérations sociales nouvellement rendues possibles. C’est une frontière conceptuelle et un espace extrêmement fertile pour l’innovation.

Socialisme 2.0 - HistoriqueDans son livre publié en 2008, Here Comes Everybody (NdT : Voici venir chacun), le théoricien des médias Clay Chirky propose une hiérarchie utile pour classer ces nouveaux dispositifs. Des groupes de personnes commencent simplement par partager, puis ils progressent et passent à la coopération, à la collaboration et, pour finir, au collectivisme. À chaque étape, on constate un accroissement de la coordination. Une topographie du monde en ligne fait apparaître d’innombrables preuves de ce phénomène.

I. Le partage

Les masses connectées à l’Internet sont animées par une incroyable volonté de partage. Le nombre de photos personnelles postées sur Facebook ou MySpace est astronomique, et il y a fort à parier que l’écrasante majorité des photos prises avec un appareil photo numérique sont partagées d’une façon ou d’une autre. Sans parler des mises à jour du statut de son identité numérique, des indications géographiques, des bribes de réflexion que chacun publie çà et là. Ajoutez-y les six milliards de vidéos vues tous les mois sur Youtube pour les seuls États-Unis et les millions de récits issus de l’imagination de fans d’œuvres existantes. La liste des sites de partage est presque infinie : Yelp pour les critiques, Loopt pour la géolocalisation, Delicious pour les marque-pages.

Le partage est la forme de socialisme la plus tempérée, mais elle sert de fondation aux niveaux les plus élevés de l’engagement communautaire.

II. La coopération

Lorsque des particuliers travaillent ensemble à atteindre un objectif d’envergure, les résultats apparaissent au niveau du groupe. Les amateurs n’ont pas seulement partagé plus de trois milliards de photos sur Flickr, ils les ont aussi associées à des catégories ou des mots-clés ou les ont étiquetées (NdT : les tags). D’autres membres de la communauté regroupent les images dans des albums. L’usage des populaires licences Creative Commons aboutit à ce que, d’une façon communautaire, voire communiste, votre photo devienne ma photo. Tout le monde peut utiliser une photo, exactement comme un communiste pourrait utiliser la brouette de la communauté. Je n’ai pas besoin de prendre une nouvelle photo de la tour Eiffel, puisque la communauté peut m’en fournir une bien meilleure que la mienne.

Des milliers de sites d’agrégation emploient la même dynamique sociale pour un bénéfice triple. Premièrement, la technologie assiste directement les utilisateurs, en leur permettant d’étiqueter, marquer, noter et archiver du contenu pour leur propre usage. Deuxièmement, d’autres utilisateurs profitent des tags et des marque-pages des autres… Et tout ceci, au final, crée souvent une valeur ajoutée que seul le groupe dans son ensemble peut apporter. Par exemple, des photos d’un même endroit prises sous différents angles peuvent être assemblées pour former une reproduction du lieu en 3D stupéfiante. (Allez voir du côté de Photosynth de Microsoft). Curieusement, cette proposition va plus loin que la promesse socialiste du « chacun contribue selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins », puisqu’elle améliore votre contribution et fournit plus que ce dont vous avez besoin.

Les agrégateurs communautaires arrivent à d’incroyables résultats. Des sites tels que Digg ou Reddit, qui permettent aux utilisateurs de voter pour les liens qu’ils souhaitent mettre en évidence, peuvent orienter le débat public autant que les journaux ou les chaînes de télévision (pour info Reddit appartient à la maison mère de Wired, Condé Nast). Ceux qui contribuent sérieusement à ces sites y consacrent plus d’énergie qu’ils ne pourront jamais en recevoir en retour, mais ils continuent en partie à cause du pouvoir culturel que représentent ces outils. L’influence d’un participant s’étend bien au-delà d’un simple vote, et l’influence collective de la communauté surpasse de loin le nombre de ses participants. C’est l’essence même des institutions sociales, l’ensemble dépasse la somme de ses composants. Le socialisme traditionnel visait à propulser cette dynamique par le biais de l’État. Désormais dissociée du gouvernement et accrochée à la matrice numérique mondiale, cette force insaisissable s’exerce à une échelle plus importante que jamais.

III. La collaboration

La collaboration organisée peut produire des résultats dépassant ceux d’une coopération improvisée. Les centaines de projets de logiciel Open Source, tel que le serveur Web Apache, en sont le parfait exemple. Dans ces aventures, des outils finement ciselés par la communauté génèrent des produits de haute qualité à partir du travail coordonné de milliers ou dizaines de milliers de membres. Contrairement à la coopération traditionnelle, la collaboration sur d’énormes projets complexes n’apporte aux participants que des bénéfices indirects, puisque chaque membre du groupe n’intervient que sur une petite partie du produit final. Un développeur motivé peut passer des mois à écrire le code d’une infime partie d’un logiciel dont l’état global est encore à des années-lumière de son objectif. En fait, du point de vue du marché libre, le rapport travail/récompense est tellement dérisoire (les membres du projet fournissent d’immenses quantités de travail à haute valeur ajoutée sans être payés) que ces efforts collaboratifs n’ont aucun sens au sein du capitalisme.

Pour ajouter à la dissonance économique, nous avons pris l’habitude de profiter du fruit de ces collaborations sans mettre la main à la poche. Plutôt que de l’argent, ceux qui participent à la production collaborative gagnent en crédit, statut, réputation, plaisir, satisfaction et expérience. En plus d’être gratuit, le produit peut être copié librement et servir de socle à d’autres produits. Les schémas alternatifs de gestion de la propriété intellectuelle, parmi lesquelles Creative Commons ou les licences GNU, ont été créés pour garantir ces libertés.

En soi, la collaboration n’a bien sûr rien de spécialement socialiste. Mais les outils collaboratifs en ligne facilitent un style communautaire de production qui exclut les investisseurs capitalistes et maintient la propriété dans les mains de ceux qui travaillent, voire dans celles des masses consommatrices.

IV Le collectivisme

Socialisme 2.0 - Ancien / NouveauAlors qu’une encyclopédie peut être rédigée de façon coopérative, nul n’est tenu pour responsable si la communauté ne parvient pas au consensus, et l’absence d’accord ne met pas en danger l’entreprise dans son ensemble. L’objectif d’un collectif est cependant de concevoir un système où des pairs autogérés prennent la responsabilité de processus critiques, et où des décisions difficiles, comme par exemple définir des priorités, sont prises par l’ensemble des acteurs. L’Histoire abonde de ces centaines de groupes collectivistes de petite taille qui ont essayé ce mode de fonctionnement. Les résultats se sont révélés peu encourageants (quand bien même on ne tienne pas compte de Jim Jones et de la « famille » de Charles Manson).

Or, une étude approfondie du noyau dirigeant de Wikipédia, Linux ou OpenOffice, par exemple, montre que ces projets sont plus éloignés de l’idéal collectiviste qu’on pourrait le croire vu de l’extérieur. Des millions de rédacteurs contribuent à Wikipédia, mais c’est un nombre plus restreint d’éditeurs (environ mille cinq cents) qui est responsable de la majorité de l’édition. Il en va de même pour les collectifs qui écrivent du code. Une myriade de contributions est gérée par un groupe plus réduit de coordinateurs. Comme Mitch Kapor, membre fondateur de la Mozilla Open Source Code Factory, le formule : « au cœur de toutes les anarchies qui marchent, il y a un réseau à l’ancienne ».

Ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Certaines formes de collectivisme tirent avantage de la hiérarchie, alors que d’autres en souffrent. Des plateformes tels qu’Internet et Facebook, ou même la démocratie, qui servent de substrat à la production de biens ou à la fourniture de services, profitent de l’absence quasi totale de hiérarchie, laquelle réduit les obstacles à l’intégration et permet la répartition équitable des droits et responsabilités. Lorsque des acteurs puissants émergent, la structure dans son ensemble souffre. D’un autre côté, les organisations bâties pour créer des produits ont souvent besoin de dirigeants forts, et de hiérarchies organisées capable de se projeter dans l’avenir : l’un des niveaux se concentre sur les besoins immédiats, l’autre sur les cinq années à venir.

Par le passé, il était quasi impossible de construire une organisation qui exploitait la hiérarchie tout en maximisant le collectivisme. Désormais, les réseaux numériques fournissent l’infrastructure nécessaire. Le Net donne la possibilité aux organisations concentrées sur le produit de fonctionner collectivement, tout en empêchant la hiérarchie d’en prendre totalement le pouvoir. L’organisation qui conçoit MySQL, une base de données Open Source, n’est pas animée par un refus romantique de la hiérarchie, mais elle est bien plus collectiviste qu’Oracle. De la même manière, Wikipédia n’est pas un bastion d’égalité, mais elle est largement plus collectiviste que l’encyclopédie Britannica. Le cœur élitiste que nous trouvons au centre des collectifs en ligne est en fait un signe que le socialisme sans État peut fonctionner à grande échelle.

La plupart des occidentaux, moi y compris, ont été endoctrinés par l’idée que l’extension du pouvoir des individus réduit forcément le pouvoir de l’État, et vice versa. Pourtant, dans la pratique, la plupart des politiques socialisent certaines ressources et en individualisent d’autres. Les économies de marché ont pour la plupart socialisé l’éducation, et même les sociétés les plus socialisées autorisent une certaine forme de propriété privée.

Plutôt que de voir le socialisme technologique comme une sorte de compromis à somme nulle entre l’individualisme du marché libre et une autorité centralisée, on peut le considérer comme un système d’exploitation culturel qui élève en même temps l’individu et le groupe. Le but, largement désarticulé mais intuitivement compréhensible, de la technologie communautaire consiste à maximiser l’autonomie individuelle et le pouvoir de ceux qui travaillent ensemble. Ainsi, on peut voir le socialisme numérique comme une troisième voie rendant les vieux débats obsolètes.

Ce concept de troisième voie est également rapporté par Yochai Benkler, auteur de The Wealth of Networks (NdT : La richesse des réseaux), qui a probablement réfléchi plus que quiconque aux politiques des réseaux. Il affirme voir « l’émergence de la production sociale et de la production collective comme une alternative aux systèmes propriétaires et fermés, basés sur l’État ou le marché », notant que ces activités « peuvent accroître la créativité, la productivité et la liberté ». Le nouveau système d’exploitation, ce n’est ni le communisme classique et sa planification centralisée sans propriété privée, ni le chaos absolu du marché libre. C’est au contraire un espace de création émergeant, dans lequel la coordination publique décentralisée peut résoudre des problèmes et créer des richesses, là où ni le communisme ni le capitalisme purs et durs n’en sont capables.

Les systèmes hybrides qui mélangent les mécanismes marchands et non marchands ne sont pas nouveaux. Depuis des décennies, les chercheurs étudient les méthodes de production décentralisées et socialisées des coopératives du nord de l’Italie et du Pays Basque, dans lesquelles les employés sont les propriétaires, prennent les décisions, limitent la distribution des profits et sont indépendants du contrôle de l’État. Mais seule l’arrivée de la collaboration à bas prix, instantanée et omniprésente que permet Internet a rendu possible la migration du cœur de ces idées vers de nombreux nouveaux domaines telle que l’écriture de logiciels de pointe ou de livres de référence.

Le rêve, ce serait que cette troisième voie aille au-delà des expériences locales. Jusqu’où ? Ohloh, une entreprise qui analyse l’industrie de l’Open Source, a établi une liste d’environ deux cent cinquante mille personnes travaillant sur deux cent soixante-quinze mille projets. C’est à peu près la taille de General Motors et cela représente énormément de gens travaillant gratuitement, même si ce n’est pas à temps complet. Imaginez si tous les employés de General Motors n’étaient pas payés, tout en continuant à produire des automobiles !

Jusqu’à présent, les efforts les plus importants ont été ceux des projets Open Source, dont des projets comme Apache gèrent plusieurs centaines de contributeurs, environ la taille d’un village. Selon une étude récente, la version 9 de Fedora, sortie l’année dernière, représenterait soixante mille années-homme de travail. Nous avons ainsi la preuve que l’auto-assemblage et la dynamique du partage peuvent gouverner un projet à l’échelle d’une ville ou d’un village décentralisé.

Évidemment, le recensement total des participants au travail collectif en ligne va bien au-delà. YouTube revendique quelques trois cent cinquante millions de visiteurs mensuels. Presque dix millions d’utilisateurs enregistrés ont contribué à Wikipédia, cent soixante mille d’entre eux sont actifs. Plus de trente-cinq millions de personnes ont publié et étiqueté plus de trois milliards de photos et vidéos sur Flickr. Yahoo héberge près de huit millions de groupes sur tous les sujets possibles et imaginables. Google en compte près de quatre millions.

Ces chiffres ne représentent toujours pas l’équivalent d’une entière nation. Peut-être ces projets ne deviendront-ils jamais grand public (mais si Youtube n’est pas un phénomène grand public, qu’est-ce qui l’est ?). Pourtant, la population qui baigne dans les médias socialisés est indéniablement significative. Le nombre de personnes qui créent gratuitement, partagent gratuitement et utilisent gratuitement, qui sont membres de fermes logicielles collectives, qui travaillent sur des projets nécessitant des décisions collectives, ou qui expérimentent les bénéfices du socialisme décentralisé, ce nombre a atteint des millions et progresse en permanence. Des révolutions sont nées avec bien moins que cela.

On pourrait s’attendre à de la démagogie de la part de ceux qui construisent une alternative au capitalisme et au corporatisme. Mais les développeurs qui conçoivent des outils de partage ne se voient pas eux-mêmes comme des révolutionnaires. On n’est pas en train d’organiser de nouveaux partis politiques dans les salles de réunions, du moins pas aux États-Unis (en Suède, le Parti Pirate s’est formé sur une plateforme de partage, et il a remporté un piètre 0,63% des votes aux élections nationales de 2006).

En fait, les leaders du nouveau socialisme sont extrêmement pragmatiques. Une étude a été menée auprès de deux mille sept cent quatre-vingt-quatre développeurs Open Source afin d’analyser leurs motivations. La plus commune d’entre elles est « apprendre et développer de nouvelles compétences ». C’est une approche pratique. La vision académique de cette motivation pourrait être : « si je bosse sur du code libre, c’est surtout pour améliorer le logiciel ». En gros, la politique pour la politique n’est pas assez tangible.

Même ceux qui restent et ne participent pas au mouvement pourraient ne pas être politiquement insensibles à la marée montante du partage, de la coopération, de la collaboration et du collectivisme. Pour la première fois depuis des années, des pontes de la télévision et des grands magazines nationaux osent prononcer le mot tabou « socialisme », désormais reconnu comme une force qui compte dans la politique des États-Unis. À l’évidence, la tendance à la nationalisation de grosses portions de l’industrie, à l’établissement d’un système de santé public et à la création d’emplois avec l’argent du contribuable n’est pas dû en totalité au techno-socialisme. Ainsi les dernières élections ont démontré le pouvoir d’une base décentralisée et active sur le Web, dont le cœur bat au rythme de la collaboration numérique. Plus nous tirons les bénéfices d’une telle collaboration, plus nous nous ouvrons la porte à un avenir d’institutions socialistes au gouvernement. Le système coercitif et totalitaire de la Corée du Nord n’est plus, le futur est un modèle hybride qui s’inspire de Wikipédia et du socialisme modéré de la Suède.

Jusqu’où ce mouvement nous rapprochera-t-il d’une société non capitaliste, Open Source, à la productivité collaborative ? Chaque fois cette question apparue, la réponse a été : plus près que nous le pensons. Prenons Craigslist, par exemple. Ce ne sont que des petites annonces classées, n’est-ce pas ? Pourtant, ce site a démultiplié l’efficacité d’une sorte de troc communautaire pour toucher un public régional, puis l’a amélioré en intégrant des images et des mises à jour en temps réel, jusqu’à devenir soudain un trésor national. Fonctionnant sans financement ni contrôle public, connectant les citoyens entre eux sans intermédiaire, cette place de marché essentiellement gratuite produit du bien et du lien social avec une efficacité qui laisserait pantois n’importe quel gouvernement ou organisation traditionnelle. Bien sûr, elle ébranle le modèle économique des journaux, mais en même temps il devient indiscutable que le modèle de partage est une alternative viable aux entreprises à la recherche permanente de profits et aux institutions civiques financées par les impôts.

Qui aurait cru que des paysans précaires pourraient obtenir et rembourser des prêts de cent dollars accordés par de parfaits étrangers vivant à l’autre bout du monde ? C’est ce que réussit Kiva en fournissant des prêts de pair-à-pair. Tous les experts de santé publique ont déclaré sous le sceau de la confidentialité que le partage, ça convenait pour les photos, mais que personne ne partagerait son dossier médical. Pourtant, PatientsLikeMe, où les patients mettent en commun les résultats de leurs traitements pour échanger et mieux prendre soin d’eux-mêmes, a montré que l’action collective peut contredire les médecins et leurs craintes concernant la confidentialité.

L’habitude de plus en plus répandue qui consiste à partager ce que vous pensez (Twitter), ce que vous lisez (StumbleUpon), ce que vous gagnez (Wesabe), bref tout et n’importe quoi (le Web) est en train de prendre une place essentielle dans notre culture. En faire de même en créant des encyclopédies, des agences de presse, des archives vidéo, des forges logicielles, de façon collaborative, dans des groupes rassemblant des contributeurs du monde entier sans distinction de classe sociale, voilà ce qui fait du socialisme politique la prochaine étape logique.

Un phénomène similaire s’est produit avec les marchés libres du siècle dernier. Chaque jour, quelqu’un demandait : « Y a-t-il quelque chose que les marchés ne peuvent pas faire ? ». Et on établissait ainsi une liste de problèmes qui semblaient nécessiter une planification rationnelle ou un mode de gouvernance paternaliste en leur appliquant une logique de place de marché. Dans la plupart des cas, c’était la solution du marché qui fonctionnait le mieux, et de loin. Les gains de prospérité des décennies récentes ont été obtenus en appliquant les recettes du marché aux problèmes sociaux.

Nous essayons aujourd’hui d’en faire de même avec la technologie sociale collaborative, en appliquant le socialisme numérique à une liste de souhaits toujours plus grande (jusqu’aux problèmes que le marché libre n’a su résoudre) pour voir si cela fonctionne. Pour l’instant, les résultats ont été impressionnants. Partout, la puissance du partage, de la coopération, de la collaboration, de l’ouverture, de la transparence et de la gratuité s’est montrée plus pragmatique que nous autres capitalistes le pensions possible. À chaque nouvelle tentative, nous découvrons que le pouvoir du nouveau socialisme est plus grand que nous ne l’imaginions.

Nous sous-estimons la capacité de nos outils à remodeler nos esprits. Croyions-nous réellement que nous pourrions construire de manière collaborative et habiter des mondes virtuels à longueur de temps sans que notre perception de la réalité en soit affectée ? La force du socialisme en ligne s’accroît. Son dynamisme s’étend au-delà des électrons, peut-être même jusqu’aux élections.




L’académie en ligne ou la fausse modernité de l’Éducation nationale

Dustpuppy - CC byUne formidable occasion manquée pour notre cher ministère de l’Éducation nationale de se rapprocher de la culture des biens communs ? C’est l’hypothèse développée dans ce billet. Et c’est d’autant plus dommage et frustrant que tout semblait réuni pour que la rencontre ait bel et bien lieu.

Cet épisode révélateur vient clore une nouvelle année plus que fade pour le logiciel libre et son état d’esprit à l’école, puisque, à notre connaissance, pas une mesure sérieuse d’envergure a été officiellement prise en sa faveur, au cours de l’exercice 2008/2009 (on aura ainsi attendu en vain l’équivalent d’un rapport Becta de chez nous).

Logiciels, formats, et surtout, comme nous le verrons plus bas, ressources devront encore patienter pour s’engager pleinement sur le chemin de la liberté. Malgré les efforts de nombreuses personnes, la rue de Grenelle a tranché : c’est une fois de plus le redoublement !

Un projet ambitieux : l’académie en ligne

Comme souvent, il y a au départ une louable intention répondant à un réel besoin avec ce projet d’académie en ligne, inauguré officiellement le 19 juin dernier par l’ex-ministre Xavier Darcos.

L’académie en ligne est un site de ressources gratuites proposés par le CNED pour aider les jeunes dans leur scolarité et permettre aux parents de mieux les accompagner sur la voie de la réussite.

L’académie en ligne doit mettre à la disposition de tous l’intégralité des contenus d’enseignement des programmes de la scolarité obligatoire. Les cours d’école primaire seront en ligne à partir du 15 septembre et ceux de collège et lycée à partir de fin octobre.

Dès à présent, il propose des cours d’été, aux élèves du C.P. à la terminale, pour réviser les notions essentielles de l’année écoulée et préparer la rentrée.

De nombreuses séquences s’appuient sur des documents audio, iconographiques ou des activités interactives. On peut y accéder par matière, par classe ou par mot-clé grâce à un moteur de recherche.

Excellente et exaltante idée que de vouloir ainsi « mettre à la disposition de tous l’intégralité des contenus d’enseignement ».

Voilà qui sera d’une grande utilité non seulement aux élèves mais aussi à tous ceux qui sont un peu curieux de que l’on apprend à l’école (et parmi les effets secondaires positifs, on en profitera au passage pour réduire l’influence croissante et lucrative du parascolaire privé sur le temps non scolaire).

Visite surprise du site : le fond

Intrigué, je me suis donc rendu sur le site en question. Mon propos n’est pas ici d’en évaluer dans le détail la qualité et la pertinence pédagogique. Mais permettez-moi néanmoins au passage de donner un rapide et humble avis sur ce que je connais un peu, à savoir les mathématiques du secondaire.

Pour le collège on a visiblement découpé en rondelles PDF une sorte de cahiers d’activités (toujours sur le même moule : « je me souviens, je retiens, je m’exerce, je relève un défi »). La correction des exercices est à télécharger séparément.

Pour le lycée, c’est plus solide mais c’est un peu comme si on avait saucissonné, toujours uniquement en PDF, un semblant de manuel scolaire cette fois. On a le cours et des exercices d’application corrigés. Pas très moderne, didactiquement parlant. Si l’élève[1] a eu la bonne idée de conserver son propre manuel de l’année écoulée, autant travailler sur ce dernier, ces documents en ligne n’apportant a priori pas grand chose de plus (il économisera de l’encre et du papier qui plus est).

J’ai jeté également un œil (non avisé) sur les mathématiques du primaire. Ce n’est plus du PDF mais des animations au format Flash qui sont proposées. Ça bouge, ça parle et il y a de jolies couleurs, mais c’est toujours la même et lancinante structure : une première partie où l’on écoute passivement une petite explication et une seconde partie avec des exercices pseudo-interactifs où a la première erreur on nous dit systématiquement : « tu t’es trompé, recommence ! » et à la deuxième : « tu t’es trompé regarde bien la solution ! ».

Au final, tout ceci a le mérite d’exister mais c’est tout de même « un poil » décevant (mettez-vous à la place d’un élève qui débarque sur le site en souhaitant réviser en toute autonomie). C’est comme si le CNED avait mis en ligne des documents préexistants qu’il distribue j’imagine pendant l’année à ses élèves. Il n’y a visiblement pas eu de réflexion sur le spécificité des cours d’été, cette période particulière où l’on se trouve entre deux niveaux.

Visite surprise du site : la forme

J’ai balayé quelques pages du reste du contenu. Il m’a semblé que l’on retrouvait peu ou prou le même modèle pour les autres disciplines.

La seule nouveauté repérée concernait la présence de ressources audios pour les langues (anglais et espagnol), qui étaient elles-aussi mises à disposition au format Flash. Du format audio (le mp3 en l’occurrence) encapsulé dans du format Flash, impossible donc de télécharger ces séquences sonores (« Hello my name is John, repeat after me ») pour les écouter sur la plage dans son iPod.

Nous n’avons donc que deux formats, le PDF et le Flash. Le premier est un format ouvert quand l’autre ne l’est pas, mais ce que l’on peut surtout faire remarquer c’est que ce sont des formats qui ne permettent généralement pas les modifications. En effet, si vous voulez mettre à jour un fichier PDF, vous devez disposer du format natif qui a généré votre PDF (par exemple le traitement de texte Word de MS Office ou, mieux, Writer d’OpenOffice.org). Par analogie avec les logiciels, on pourrait dire que le fichier traitement de texte est le fichier source tandis que le fichier PDF est le fichier compilé (idem avec le Flash dont tout changement demande la présence des sources au format .fla). Sur l’académie en ligne ces fichiers d’origine sont absents. Les ressources mises à disposition sont pour ainsi dire « figées dans la vitrine ».

Dernière remarque. Les pages du site sont au format ASPX caractéristiques de la technologie Web de Microsoft. Ce ne sont pourtant pas les solutions libres qui manquent aujourd’hui pour construire des sites de qualité. Je ne pense pas que ce soit lié mais on peut aussi faire observer en passant que l’ergonomie générale du site laisse lui aussi pour le moment à désirer.

Visite surprise du site : la législation en vigueur

Il n’est techniquement pas possible de modifier les fichiers proposés ou d’embarquer les sons sur son baladeur. Mais, ceci expliquant sûrement cela, il est surtout juridiquement impossible de le faire.

Les mentions légales (et plus particulièrement son paragraphe 3 « Propriété intellectuelle ») sont en effet très contraignantes, et malheureusement révélatrices du climat ambiant.

D’ailleurs je viens déjà de me mettre en infraction à cause du lien ci-dessus ne pointant pas sur la page d’accueil du site !

Premier extrait (c’est moi qui souligne) :

Le site autorise, sans autorisation préalable, la mise en place de liens hypertextes pointant vers la page d’accueil du site Internet.

Tout lien vers une page autre que la page d’accueil du site Internet est strictement interdit sans l’accord préalable du Cned. Même en cas d’accord du Cned, Il est strictement interdit d’imbriquer les pages du site à l’intérieur des pages d’un autre site. Les pages du site doivent être visibles par l’ouverture d’une fenêtre indépendante.

Les sites qui font le choix de pointer vers ce site engagent leur responsabilité dès lors qu’ils porteraient atteinte à l’image du site public ou de la marque Cned.

Thierry Stoehr et Benoit Sibaud apprécieront cette interdiction de liaison (pourtant ontologiquement indissociable du Web).

Mais, plus fort encore, deuxième extrait concernant les cours proprement dits :

L’ensemble des cours figurant sur ce site sont la propriété du Cned.

Les images et textes intégrés à ces cours sont la propriété de leurs auteurs et/ou ayants-droits respectifs.

Tous ces éléments font l’objet d’une protection par les dispositions du code français de la propriété intellectuelle ainsi que par les conventions internationales en vigueur.

La consultation et le téléchargement des cours n’opèrent aucun transfert de droit de propriété intellectuelle sur ceux-ci. Ils ne sont permis que dans le strict respect des conditions suivantes :

Vous ne pouvez utiliser ces contenus qu’a des fins strictement personnelles. Toute reproduction, utilisation collective à quelque titre que ce soit, tout usage commercial, ou toute mise à disposition de tiers d’un cours ou d’une œuvre intégrée à ceux-ci sont strictement interdits.

Il est interdit de supprimer ou de tenter de supprimer les procédés techniques de protection des cours et des contenus intégrés (filigranes, blocages de sélections notamment).

Il est interdit d’extraire ou de tenter d’extraire une œuvre reproduite dans un cours et de l’utiliser à d’autres fins que celle d’illustration du cours auxquels elle est intégrée.

Le non respect de ces conditions vous expose à des poursuites judiciaires pour contrefaçon conformément aux articles L 335-2 et suivi du code de la propriété intellectuelle. Ces actes sont punis de 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

Vous avez bien lu. Pour rappel nous sommes sur un service public d’éducation.

Si je partage je m’expose donc alors à des sanctions pour le moins disproportionnées. Cela ne vous rappelle rien ? Hadopi bien sûr, à la différence prêt que l’école est le lieu même de la transmission et que les auteurs des ressources sont des fonctionnaires de l’état français qui ne sont généralement pas payés (plusieurs fois) sur leurs droits d’auteur mais (une fois) sur leur salaire provenant de nos impôts.

Je suis enseignant et je souhaite distribuer ces ressources à mes élèves ? Interdiction. Je souhaite les adapter à mes besoins et (re)déposer ce travail dans le pot commun ? Interdiction. Je suis animateur dans un Espace public numérique ou dans un réseau d’éducation populaire et souhaite en faire profiter collectivement mon public ? Interdiction. Je suis un élève et souhaite distribuer les ressources à mes camarades qui n’ont pas accès à Internet ? Interdiction. La liste est longue et non exhaustive…

Ces mentions légales étaient-elles forcément les plus adaptées à la situation et à l’objectif fièrement affiché ? Rien n’est moins sûr. N’y aurait-il pas une certaine légitimité à les remettre en question, ou tout du moins à se poser quelques questions ?

Quelques ombres planent : 1. L’alternative Sésamath et les associations d’enseignants

Il est dès lors difficile d’évoquer ce projet sans penser en arrière-plan à l’association de professeurs Sésamath (que les lecteurs du Framablog connaissent bien désormais). Quand bien même elle ne concerne que le champ des mathématiques, la comparaison est en effet riche d’enseignements.

Sur la forme, les ressources mises à disposition par Sésamath sont elles aussi principalement proposées au format PDF et Flash, à ceci près que les sources sont également présentes. Et c’est loin d’être un détail parce que c’est la conséquence directe de la plus grande différence de départ entre cette académie en ligne et les travaux de l’association : la licence des ressources.

Fermée pour l’académie mais ouverte pour Sésamath, qu’il s’agisse de la GNU FDL (pour les manuels et les cahiers) ou de la GPL pour les logiciels (dont le fameux Mathenpoche). Avec un tel choix de licences libres, toutes les interdictions mentionnées précédemment sont levées !

Mais peut-être plus important encore,le fond, c’est-à-dire la qualité des documents. Ce n’est pas parce qu’une structure accole du jour au lendemain une licence libre à ses travaux que ces derniers vont, tel un coup de baguette magique, gagner en qualité. Il y a bien entendu des facteurs autrement plus importants qui entrent en ligne de compte. Il n’empêche que cela participe à la création d’un terreau fertile à l’épanouissement des ressources. La licence libre donne confiance, induit la circulation, la collaboration et donc a priori l’amélioration (je peux copier, modifier et reverser en toute liberté dans le pot commun sans que quiconque puisse un jour refermer le couvercle). Le projet peut échouer bien entendu, mais on lui aura ainsi facilité en amont ses chances de réussite. Réussite qui a bien eu lieu ici avec Sésamath, où qualité, mais aussi quantité, réalisées à plusieurs mains sont au rendez-vous.

Je souhaite cet été que mon gamin, futur lycéen, révise le théorème de Thalès vu en troisième ? Sur l’académie en ligne vous avez droit à votre unique fiche d’activité PDF à imprimer (Internet ne sert donc à rien d’autre ici qu’à stocker la ressource). Sur Sésamath par contre c’est un autre son de cloche. Vous avez plus d’une centaine de questions interactives via Mathenpoche, accompagnées si vous le désirez par les exercices du cahier correspondant (exemple), ainsi que le chapitre complet du manuel libre du niveau considéré. Mais il y a mieux, avec leur nouveau projet Kidimath, tout (et plus encore : rappels de quatrième, annales du Brevet, QCM…) est regroupé dans une seule et même interface spécialement conçue pour le travail de l’élève hors du temps scolaire ! Allez-y, cliquez sur 3ème puis Thalès, et vous serez bluffé par la qualité et la quantité du contenu proposé (et optimisé pour Internet). Et il en va de ce chapitre particulier comme de tous les autres chapitres de tous les niveaux du collège !

D’où évidemment la question suivante : mais pourquoi diable le ministère n’a-t-il pas fait appel à Sésamath pour collaborer sur la partie mathématique de l’académie en ligne ? Quel intérêt de laisser le CNED proposer seul dans son coin ces maigres ressources alors que l’on possède en son sein des enseignants aussi productifs ayant une solide expérience du « travailler ensemble » ?

Je n’ai pas la réponse à ce qui, vu de l’extérieur, est un pur mystère, voire un beau gaspillage d’énergie (cf le syndrome Not Invented Here). Tout au plus peut-on supputer que c’est lié à une question de gouvernance : une décision qui se prend seule en haut en désignant un unique interlocuteur bien identifié en bas pour exécuter la tâche (en l’occurrence le CNED). Peut-être aussi que l’absence de volonté de mettre en avant le logiciel libre à l’école ne favorise pas chez nos élites l’appropriation de sa culture, ses valeurs… dont la collaboration est l’un des piliers. L’Éducation nationale est une cathédrale et non un réseau social (et encore moins une communauté).

Toujours est-il qu’il y a tout de même un élément de réponse simple à la question. Tant que les mentions légales du projet d’académie en ligne resteront en l’état, il ne sera pas possible à un Sésamath de s’impliquer, pour la bonne raison que les licences sont totalement incompatibles.

Et n’allez pas croire que Sésamath est seul à bord du navire. Il en est certes à la proue mais derrière lui d’autres associations d’enseignants sont elles-aussi très actives et productives. Je pense notamment à Weblettres ou les Clionautes, qui respectivement en français et en histoire et géographie, font référence parmi les collègues. D’ailleurs ces trois association sont en partenariat autour du projet CapBrevet et on fait l’objet d’une sérieuse étude dans le n° 65 des Dossiers de l’ingénierie éducative consacré justement au travail collaboratif. Lecture chaudement recommandée, quand bien même on occulte un peu la question pourtant primordiale des licences, qui différencie, mais pour combien de temps encore, Sésamath de ses deux partenaires.

En tout cas, cela fait déjà pas mal de monde qui aurait pu participer au projet en le bonifiant de son savoir-faire. Ne nous privons pas de nos talents, conjuguons-les pour le plus grand bénéfices de nos élèves !

Quelques ombres planent : 2. Les éditeurs scolaires

Une autre éventuelle piste de réponse à la question précédente peut être recherchée du côté des éditeurs scolaires. J’avoue humblement être très peu au fait des relations entre ces éditeurs et le ministère, mais il y a fort à parier qu’on a voulu un tant soit peu les ménager ici.

Imaginez en effet la mise à disposition sous licence libre de ressources pédagogiques en collaboration réelle avec les enseignants et leurs associations, ouvertement accessibles sur des forges spécialement dédiées, pour toutes les disciplines et pour tous les niveaux ! Nul doute que cela finirait par impacter fortement le marché de l’édition scolaire (en fait cela irait beaucoup plus loin en impactant directement et durablement la manière même dont les enseignants, et même les élèves, travaillent).

Une telle éventualité signifierait à terme ni plus ni moins que la mort lente mais annoncée du système actuel. L’industrie du disque et leurs CD pressés ont, semble-t-il, aujourd’hui quelques « menus problèmes » avec l’avènement du numérique. Les éditeurs scolaires et leurs manuels scolaires imprimés auront à n’en pas douter des difficultés similaires demain. On connait l’histoire : soit on se rétracte en défendant le plus longtemps possible des positions et habitudes hérités du siècle dernier, soit on s’adapte en créant de nouveaux modèles et en associant étroitement ici les fans de musique et là les enseignants.

Mais ne prenons aucun risque et épargnons-nous cette crise potentielle. D’abord parce que ces ressources sont donc sous licence non libre (on pourrait dire « propriétaires » dans le langage des logiciels) mais aussi parce que, autant appeler un chat un chat, elles sont en l’état de piètre qualité. C’est à prendre tel quel ou à laisser, nous dit la licence. Et la piètre qualité achève notre choix. Le privé conserve son avantage, l’été sera chaud mais non incandescent.

On notera cependant qu’il n’y a pas que les éditeurs privés qui soient concernés. Une structure comme le CNDP dont le budget dépend pour beaucoup des ventes de son catalogue pédagogique (où à ma connaissance rien ou presque n’a encore été mis sous licence libre) peut également se voir contrariée voire contestée dans sa manière de fonctionner. Idem pour les traditionnels partenaires culturels de l’Éducation nationale. Pour le moment feignons de croire que le copyleft n’existe pas et qu’il n’y a de ressources que les ressources fermées soumises aux droits d’auteur d’avant l’Internet. Et rassurons les partenaires en payant plusieurs fois et pour des durées limitées l’accès à ces ressources.

Quelques ombres planent : 3. Le boum des ressources éducatives libres

Licences fermées, professeurs peu impliqués et éditeurs confortés dans leur immobilisme… tout ceci ne devrait pas tenir longtemps parce que par delà nos frontières c’est la pleine effervescence autour de ce que l’on appelle les ressources éducatives libres. Et c’est bien plus qu’une ombre qui plane, c’est une véritable mutation qui s’annonce.

De quoi s’agit-il exactement ? En creux (académie en ligne) ou en plein (Sésamath), nous en parlons en fait implicitement depuis le début de cet article. Difficile pour l’heure d’en donner une définition précise, tant le concept est nouveau et en mouvement, mais on peut voir ces ressources éducatives libres comme une tentative de transposition des principes fondamentaux du logiciel libre. Usage, copie, modification et distribution (sans entrave et sans discrimination), ces principes garantissent un certain nombre de libertés aux utilisateurs tout en favorisant l’échange, le partage et l’amélioration collective du logiciel. Cela présuppose que le logiciel soit placé sous une licence libre qui légitime et explicite ces droits. Et c’est pourquoi nous insistons tant sur le choix ou non d’une telle licence.

À partir de là, voici la définition qu’en donne actuellement Wikipédia : « l’expression Ressources Éducatives Libres (REL) désigne un mouvement mondial initié par des fondations, universités, enseignants et pédagogues visant à créer et distribuer via internet des ressources éducatives (cours, manuels, logiciels éducatifs, etc.) libres et gratuites ».

Pour aller plus loin je vous invite à lire la Déclaration de Dakar sur les Ressources Educatives Libres adoptée le 5 mars 2009 au cours du Campus numérique francophone de Dakar, évènement organisé à l’initiative du Bureau Régional pour l’Education en Afrique de UNESCO, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), et de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). On pourra également parcourir la traduction française de ce document de l’UNESCO : Open Educational Resources: the Way Forward.

Mais dans ce domaine ce sont clairement les anglophones qui ont une bonne longueur d’avance, l’expression ressources éducatives libres n’étant d’ailleurs à la base qu’une traduction de Open Educational Ressources (ou OER). Chez eux la réflexion est menée depuis longtemps et les initiatives se multiplient : les pionniers de l’OpenCourseWare au MIT, OER Commons, OpenCourseWare Consortium, Teachers without Borders, The Cape Town Open Education Declaration, Open Education and Mozilla, WikiEducator (auteur de l’OER Handbook for Educators que l’on ne désespère pas de traduire un jour), les projets de manuels scolaires libres dans le secondaire comme en Californie, et Wikiversity (dont le fort intéressant cours Composing free and open online educational resources) pour ne citer que ceux-là.

Mesurons-nous en effet pleinement les conséquences de l’accessibilité complète sur Internet de telle ressources, comme par exemple ce cours de Programming Methodology dans la cadre d’un cursus informatique donné à la prestigieuse université de Standford ? Et, attention, on parle bien ici d’accessibilité complète. Pour chaque séquence vous avez la vidéo (sous différents formats : YouTube, iTunes, format natif mp4 distribué en torrent via le réseau… P2P !) et sa transcription (au format PDF mais aussi html), des exercices et des annales (et leurs corrections), ainsi que des logiciels à télécharger, des notes et des références bibliographiques. C’est très impressionnant et le tout est proposé sous la licence libre Creative Commons By (cf Les licences Creative Commons expliquées aux élèves), signifiant par là-même que du moment que vous conservez et respectez la paternité du travail, vous pouvez, de n’importe quel point du globe, utiliser, télécharger, copier, modifier, distribuer et même en faire commerce !

À comparer avec ce que propose l’académie en ligne, qui à peine née semble déjà quelque part obsolète ! Avec ce projet, le ministère avait une occasion rêvée de s’inscrire enfin dans cette dynamique. Force est de constater qu’il ne l’a pas saisie. La France institutionnelle prend un retard qu’il lui sera difficile par la suite de combler.

Un discours qui se voulait moderne

À la lumière de ce que nous venons d’exposer, je vous laisse apprécier le discours de presse du ministre prononcé lors du lancement du projet (et dont la lecture a motivé ce billet).

Morceaux choisis.

Pourquoi cette décision ? Parce que dans une société qui s’enorgueillit à juste raison d’avoir bâti une école gratuite, laïque et obligatoire, je ne me résous pas à ce que l’accès au savoir et la réussite scolaire puissent devenir peu à peu une affaire de moyens, de relations ou de circonstances.

Pour ma part, je ne me résous pas à ce que cet accès au savoir se fasse dans ces conditions. Et j’ai parfois l’impression que la situation du Libre à l’école est un peu « affaire de moyens, de relations ou de circonstances ».

Je connais des enfants qui occupent leurs vacances comme ils le peuvent, tandis que d’autres, du même âge, passent de livrets de révision en stages de soutien payants, accentuant ainsi l’écart avec les autres élèves.

Ces situations, ces besoins, nous les connaissons tous et pourtant nous laissons à d’autres le soin d’y répondre. À l’heure où les technologies de l’information et de la communication mettent le savoir à la portée de tous, tout le temps et partout, l’école a pourtant une opportunité extraordinaire de rappeler sa capacité à transmettre des connaissances à partir de ressources précises, fiables, hiérarchisées selon une logique cohérente.

L’opportunité est en effet extraordinaire de « mettre le savoir à la portée de tous, tout le temps et partout ». Mais pourquoi ne pas être allé au bout de la démarche ? Est-ce que le CNED est la seule entité capable de produire « des connaissances à partir de ressources précises, fiables, hiérarchisées selon une logique cohérente » ?

Pour autant cette académie en ligne est bien plus qu’un service supplémentaire offert aux élèves et à leurs familles. Car si nous parlons de 31e académie, c’est bien qu’il s’agit d’une véritable mutation dans notre ministère.

L’Éducation nationale est divisée en académies. Affirmer que l’on jette ainsi la première pierre à une 31e académie donne la mesure de l’ambition. Mais la véritable mutation aura-t-elle lieu ?

Cette académie en ligne est une aide non seulement pour les élèves, mais aussi pour les parents qui veulent accompagner leurs enfants, pour les professeurs désireux de trouver des ressources pédagogiques, et même pour les adultes qui souhaitent reprendre des études. Plus largement, je souhaite que cet outil contribue au rayonnement de la langue française et à la diffusion de nos contenus éducatifs dans les pays francophones, notamment dans certains pays d’Afrique, où les enseignants qui le désirent pourront trouver gratuitement des ressources de qualité pour leurs élèves.

Quand le paradoxe frise la contradiction. Au risque de nous répéter, comment voulez-vous que les professeurs s’y retrouvent si on leur interdit la moindre modification ? Quant aux pays d’Afrique, ils apprécieront de ne pouvoir distribuer les ressources en direction des populations non connectées à Internet. Impliquons-les! Qu’ils soient avec nous acteurs du contenu plutôt que simples spectateurs bridés, le « rayonnement de la langue française » ne s’en portera que mieux.

Le mot « gratuit » est prononcé cinq fois dans le discours. Il est tant de d’affirmer clairement (et péremptoirement) notre position : l’académie en ligne ne doit pas être gratuite, elle doit être libre. Il se trouve qu’en étant libre elle sera effectivement disponible gratuitement, mais ça n’en sera qu’une conséquence. Et n’oublions pas d’ailleurs, comme cela a déjà été dit, que derrière ces ressources il y a ici des enseignants du CNED payés sur leur temps de travail pour les produire (aux frais du contribuable, ce qui n’est pas gratuit).

Les libertés d’utiliser, de copier, de modifier et de distribuer des ressources éducatives, sur des formats ouverts et lisibles par des logiciels libres, ne sont-elles pas ici plus fondamentales que la gratuité, a fortiori dans le domaine éducatif ?

Et le ministre de surenchérir, dans sa lettre aux parents cette fois (qui fait également l’objet d’une vidéo) :

Naturellement, ces ressources seront accessibles gratuitement, conformément aux principes fondamentaux de l’école républicaine.

Substituons « librement » à « gratuitement », et c’est d’un coup l’horizon des possibles qui s’élargit, tout en étant certainement plus proche de ces fameux principes républicains. Le jour où un ministre de l’Éducation Nationale dira que « naturellement, ces ressources seront accessibles librement » alors les lignes auront bougé.

Avec ses 55 000 écoles primaires, ses 5 000 collèges et ses 2 600 lycées, l’Éducation nationale constitue le premier réseau physique d’accès au savoir en France. Je veux faire en sorte qu’elle devienne aussi le premier réseau numérique de diffusion des connaissances.

A l’heure où de grands moteurs de recherche scannent et mettent à la disposition du public des fonds entiers de bibliothèques, il me semble que la diffusion d’une offre complète et gratuite de contenus d’enseignement est de nature à faire du service public d’éducation un acteur puissant du monde de l’Internet.

On a raison de s’inquiéter de l’emprise de Google. Mais est-ce ainsi que l’on construit « le premier réseau numérique de diffusion des connaissances » capable lui faire concurrence ?

La suite du discours est du même acabit, si ce n’est qu’elle est révélatrice d’une certaine confusion vis-à-vis de la modernité.

Renforcer la présence du ministère de l’Éducation nationale sur Internet, c’est aussi repenser totalement nos modes de communication sur ce média. (…) Nous avons donc voulu à la fois rénover nos sites institutionnels et diversifier nos formats de communication, en donnant une part plus importante aux nouveaux médias présents sur Internet : Dailymotion, Twitter, Facebook sont de nouveaux outils qui permettent de toucher des publics qui ne fréquentaient pas spontanément nos sites institutionnels, notamment des publics plus jeunes et moins spécialisés dans les questions éducatives. (…) Nous avons aussi ouvert le compte Twitter Education France, qui informe les abonnés des sujets d’actualité immédiate du ministère. Je veux que l’Éducation nationale soit partie prenante de ce qu’on appelle le « web 2.0 », le web participatif.

Les expressions marketing sont lâchées… On met les guillemets au web 2.0 mais pas au web participatif. Comme si nous étions tous d’accord sur le sens accordé.

Je ne vois pas en quoi placer quelques vidéos sur Dailymotion (avec commentaires désactivés !) et communiquer via ces nouveaux canaux que sont Facebook et Twitter procèdent de la participation (ce sont tous en outre des services privés reposant sur des logiciels propriétaires susceptibles de poser quelques problèmes vis-à-vis de la protection des données personnelles). De ce point de vue là, l’actuelle Consultation publique sur l’Internet du futur, avec son bon vieux formulaire à remplir, est bien plus participative à mes yeux (si, contrairement au forum de la mission E-educ, on prend réellement en compte les contributions).

Ce qui est sûr c’est qu’en plus de ses ressources « verrouillées », l’académie en ligne version juin 2009 n’est en rien participative. Aucun espace pour y laisser la moindre trace, pas même une page de contact !

Ce ministère a trop souvent été raillé pour son conservatisme, je veux à présent faire en sorte qu’il soit loué pour sa modernité.

Nous attendrons encore un peu.

N’ayez pas peur

La conclusion du discours ouvre cependant une fenêtre d’espoir.

Mesdames et messieurs les journalistes (…) vous pouvez constater que c’est une stratégie globale que nous mettons en place pour faire participer le ministère de l’Éducation nationale aux évolutions de son temps.

A travers ces nouveaux outils, dont l’académie en ligne est un exemple, je veux permettre au plus grand nombre d’accéder librement et dans les délais les plus courts à la totalité de l’offre et de l’actualité éducative. Ce n’est que le début d’un chantier immense, que je veux poursuivre avec de nouveaux services que nous proposerons aux enseignants et qui seront à l’étude à partir de la rentrée prochaine.

Pour la première fois en effet on a troqué la gratuité pour la liberté. Ayant conscience de l’ampleur de la tâche, on nous dit aussi que l’on souhaite proposer de « nouveaux services » aux enseignants.

Il est encore temps de rectifier le tir (la présence d’un nouveau ministre étant d’ailleurs un facteur favorable). Le diagnostic est bon, le remède beaucoup moins. Oublions les Facebook, Twitter, Dailymotion et autres gadgets de communication légèrement hors-sujet par rapport aux réels enjeux. Et osons faire passer l’académie en ligne du mode « lecture seul » au mode « lecture / écriture ensemble ». Car le plus grand service que l’on puisse rendre présentement aux enseignants est d’inscrire ce projet dans le cadre des ressources éducatives libres.

Il s’agirait alors bien sûr d’une véritable petite « révolution culturelle » au sein du ministère, nécessitant de repenser, parfois en profondeur, les relations entre l’institution et les différents acteurs du monde éducatif. Mais pourquoi attendre (puisque c’est inéluctable) ? Sauf à vouloir aller contre les objectifs même de ce projet, cette décision, certes courageuse mais pleine de bon sens, serait alors réellement à même de faire « participer le ministère de l’Éducation nationale aux évolutions de son temps ».

Dans le cas contraire, regarder passer le train des ressources éducatives libres constituerait selon nous une triple erreur : historique, politique et par dessus tout pédagogique.

Notes

[1] Crédit photo : Dustpuppy (Creative Commons By)




Des bienfaits en tout point positif de la concurrence d’Apple et Microsoft à l’école

La Classe - Spécial IUFM - Avril 2009 - Page 16Petit cours d’économie libérale sur les vertus de la compétition.

Plusieurs sociétés se font concurrence sur le même marché. L’offre se multiplie, les prix baissent, et c’est le consommateur ravi qui en profite. La mécanique est bien huilée, et ce ne sont pas les quelques crises conjoncturelles et situations de monopole qui apparaissent de temps en temps qui doivent nous faire douter du bien fondé du modèle. Le discours dominant n’a de cesse de nous le rappeler, accompagnant toute critique d’une réponse ferme et définitive : il n’y a pas d’alternative.

Que se passe-t-il lorsque le marché se trouve être l’éducation ? On prend certes un peu plus de précautions, mais la logique est rigoureusement la même puisque, on vous l’a déjà dit, il n’y a pas d’alternative.

Et c’est ainsi que l’on peut tranquillement mettre entre les mains des jeunes enseignants (en l’occurrence des professeurs des écoles stagiaires à l’IUFM), des articles sans nuances comme celui que nous allons vous présenter et commenter aujourd’hui.

Paru en avril 2009, il est issu d’un hors-série « gratuit » spécial IUFM du journal La Classe dont l’éditeur, le groupe Martin Media, se présente comme un « professionnel de l’enseignement primaire ». Vous pouvez le télécharger à cette adresse du site (l’article en question se trouvant en page 16-17).

Tout de suite, on annonce la couleur :

Titre : Des bienfaits de la concurrence

Sous-titre : Apple et Microsoft s’immiscent dans l’éducation… Et c’est en tout point positif !

On eût aimé un peu plus de retenue mais il n’y a pas d’altern…

L’idée c’est donc de vous raconter comment l’activisme éducatif de ces deux géants bénéficie à l’école. Ce qui n’interdit pas quelques éclairs de lucidité (bien vite balayés d’un revers de plume) :

J’entends d’ici les mauvaises langues : sensibiliser les élèves permet de toucher les enseignants ainsi que les parents. Personne ne contredira cette vérité économique. Cependant, cette pénétration s’accompagne d’actions innovantes.

Les mauvaises langues n’ont rien à dire puisque fleurissent les actions innovantes. Pour rappel le mot « innovation » (et toutes ses déclinaisons) a été annexé par Microsoft et son partenaire le Café Pédagogique.

Mais point de procès d’intention. Regardons un peu les « actions innovantes » exposées. Il y a du podcasting chez Apple, de l’ENT et la suite MS Office 2007 offerte « sans frais » aux enseignants chez Microsoft. Et c’est tout. Autrement dit rien qui n’augure de la qualité pédagogiquement innovante de ces actions.

Microsoft organise, entre autres, des conférences sur ce thème, présentant ainsi aux enseignants la manière d’utiliser efficacement ces plateformes dans le monde scolaire. (…) En effet l’une comme l’autre propose des ressources TICE à télécharger en ligne ainsi que des formations à l’intention des enseignants du primaire et du secondaire.

Conférences, formations et ressources TICE proposées directement par Microsoft et Apple. Nous ne disposons certainement d’aucune compétence interne pour devoir ainsi nous reposer sur les épaules ces deux géants américains.

Les enseignants peuvent ainsi juger de l’impact de l’informatique sur les apprentissages, et inviter leur collectivité à investir dans un parc Apple (avec une remise de 8%).

Nous ne sommes pas chez Auchan mais c’était tout de même important de préciser le montant de la remise. VRP Apple pour votre collectivité, ça vous dirait ? Ce n’est pas rémunéré mais à vous la gloire d’avoir fait économiser 8% à votre commune !

Quant aux offres de types AbulÉdu – Ryxeo, évidemment nous ne saurons rien.

Ces actions démontrent les intérêts tout à la fois pédagogique et commercial de ces entreprises. Mais, elles font aussi évoluer l’utilisation des technologies dans le domaine de l’enseignement.

Il y a certes évolution, mais est-elle nécessairement positive ? Quant au « pédagogique », il est peut-être de trop.

Et pour finir, la caution d’un drôle de témoignage d’un formateur IUFM :

« Apple travaille depuis un certain temps avec l’Éducation nationale (…) Pour Microsoft, cette volonté est plus récente, mais il tend à développer cette relation (…) Cela dynamise fortement l’intégration des TICE dans la pratique pédagogique des professeurs, et aboutit aussi à une multiplication des logiciels libres. »

Les deux derniers mots de l’article seront donc, ô surprise, pour les logiciels libres. Mais quel étrange contexte pour leur apparition ! Les agissements des uns aboutiraient donc à la multiplication des autres ? J’eus été l’auteur, je serais allé au bout de ma démarche en concluant ainsi : « cela dynamise fortement l’intégration des TICE dans la pratique pédagogique des professeurs, et aboutit aussi à freiner la multiplication des logiciels libres ».

Il n’empêche qu’ils sont cités. Et c’est le petit grain de sable dans la machine parce que peut-être, finalement, qu’il existe quand même des alternatives (des alternatives bien moins compétitives que coopératives). En les ignorant nous avons un article en apparence factuel et objectif. En les prenant en considération, nous sommes alors face à un texte bien moins neutre qu’il n’y parait. Manipulation et propagande ne sont plus très loin…

Cher nouveaux collègues, abonnez-vous à « La Classe » si bon vous semble mais n’oubliez pas d’élargir votre horizon TICE avec d’autres sources d’information (pourquoi pas le Framablog par exemple, l’abonnement est plus que gratuit, il est libre).

Vous y lirez alors que lorsque Apple ou Microsoft s’immiscent dans l’éducation (sans oublier Google), ce n’est pas forcément « en tout point positif », cette intrusion, pas toujours désirée, impactant non seulement les logiciels libres mais, aussi et surtout, les mentalités.

Histoire de ne pas payer cet article gratuit au prix fort…




Difficile de supporter Microsoft quand il supporte ainsi l’ODF

Ndanger - CC by-saLa lecture régulière du Framablog nous apprend, si ce n’est à nous méfier, en tout cas à être très prudent face aux effets d’annonce de Microsoft. Et pourtant, en avril dernier, un brin naïf je titrais : Le jour où la suite bureautique MS Office devint fréquentable ? en évoquant le support imminent du format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans le tout nouveau service pack 2 de la version 2007 de la célèbre suite propriétaire de la firme de Redmond.

A posteriori je me rends compte qu’il aurait peut-être mieux valu attendre les tests techniques avant de témoigner d’un quelconque enthousiasme. Ce que n’ont pas manqué de pointer certains commentateurs lucides[1] du billet en question.

Or justement les premiers tests poussés ont été effectués. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas bons. C’est ce que nous expose l’ODF Alliance dans un article traduit ci-dessous pas nos soins.

Dit autrement sur un mode plus familier, Microsoft s’est légèrement foutu de notre gueule. Sauf qu’on n’est pas là pour rigoler parce que les enjeux sont très importants. En effet Microsoft possède aussi son format bureautique, l’Office Open XML (ou OOXML), qu’elle tente par tous les moyens d’imposer, avec la complicité de l’ISO.

Que dans ce contexte le gouvernement, en publiant (enfin) récemment une nouvelle version de travail du Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI), n’ait rien trouvé de mieux à faire que de… ne pas choisir et donc légitimer de fait le format OOXML, est un véritable camouflet infligé à ceux qui se battent pour dénoncer de tels agissements. Merci à l’April de « dénoncer une capitulation du gouvernement français qui soigne le marché de Microsoft au détriment de l’objectif d’interopérabilité » (même si à titre personnel je souhaite qu’on aille plus loin que la mise en ligne d’un simple communiqué).

Loin de l’opinion (qu’on a déjà eu du mal à intéresser à l’Hadopi), la guerre des formats bureautiques entre l’ODF et l’OOXML se poursuit. On se croirait dans le film Le bon, la brute et le truand, Microsoft jouant à la fois le rôle de la brute et du truand.

Le support du format ODF par Microsoft laisse à désirer

Microsoft’s ODF Support Falls Short

Communiqué de presse (Marino Marcich et Beth Dozier) – 19 mai 2009 – ODF Alliance
(Traduction Framalang : Yonnel et Daria)

Les conclusions de l’ODF Alliance montrent qu’on est encore loin d’une réelle interopérabilité.

En ce jour, l’OpenDocument Format (ODF) Alliance signale que de sérieuses carences dans le support d’ODF par Microsoft doivent être corrigées pour assurer une meilleure interopérabilité avec les autres logiciels qui supportent ODF.

« Le support d’ODF représente un test important, sur le long terme, de l’engagement de Microsoft pour une réelle interopérabilité », a déclaré le directeur général de l’ODF Alliance, Marino Marcich. « Malheureusement, de graves défauts ont été identifiés dans le support ODF de Microsoft. Le fait de mettre potentiellement en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. »

Le 28 avril 2009, Microsoft a publié le Service Pack 2 pour Office 2007, qui donne aux utilisateurs la possibilité d’ouvrir et de sauvegarder des fichiers ODF. Pourtant, un premier test du support d’ODF dans Office 2007 (voir l’analyse) a révélé de graves défauts qui, sans correction, iraient à l’encontre de l’interopérabilité basée sur les standards ouverts que le marché, et en particulier les gouvernements, exige.

« Un bon nombre de tests d’interopérabilité de base entre Microsoft Office 2007 et diverses suites logicielles compatibles avec ODF ont révélé que le niveau d’interopérabilité est bien loin des exigences gouvernementales partout dans le monde », a ajouté Marcich. « Par exemple, même les fonctions de tableur les plus basiques, comme l’ajout des nombres de deux cellules, étaient simplement supprimées dans un fichier ODF qu’on a ouvert et re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007. Un document créé dans une autre application supportant l’ODF, puis re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007, a un rendu différent (disparition de puces, numéros de page, tableaux et autres objets, polices altérées), compliquant sérieusement la collaboration avec Office 2007 sur un fichier ODF. On a même découvert que certains plugins créés par d’autres que Microsoft offraient un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. C’est tout sauf un moyen d’arriver à l’interopérabilité demandée par le marché autour de ce format. »

« Les historiques de modifications sont essentiels pour le travail collaboratif, et les formules sont l’essence des feuilles de calcul. L’échec de Microsoft de supporter l’un comme l’autre dans le SP2 est révélateur de sa volonté concrète d’arriver à une réelle interopérabilité », a poursuivi Marcich. « Compte tenu des lacunes dans le support de l’ODF, il faut que les gouvernements continuent d’exiger que Microsoft implémente le support pour une bonne utilisation avec les logiciels d’autres éditeurs. »

Malgré ces problèmes, Marcich a noté l’intérêt croissant pour l’ODF. « Le fait que Microsoft se soucie fortement désormais du support de l’ODF suggère que le débat public autour des formats de documents n’est pas prêt de se terminer », a conclu Marcich. « Ce qui est clair, c’est que l’époque où les informations publiques étaient emmurées dans un format fermé, imposant l’achat d’un logiciel particulier, est en train de toucher à sa fin, en grande partie grâce au courage et à la vision de gouvernements à la pointe dans le soutien de l’ODF, qui ont bien voulu prendre position sur ce problème important de politique publique. »

À propos de l’ODF Alliance : L’OpenDocument Format Alliance est une organisation de gouvernements, d’institutions universitaires, d’ONG et d’entreprises qui a pour but d’informer les responsables politiques, les responsables informatiques et le public sur les bénéfices et les opportunités offerts par le format ODF.

MS Office 2007 Service Pack 2 avec support ODF : comment est-ce que cela fonctionne ?

Résumé des premiers résultats de tests sur le support ODF de Microsoft

Le support de Microsoft pour le format OpenDocument (ODF) représente un test important, et sur le long terme, de son engagement à aller vers une réelle interopérabilité. Avec le SP2, Microsoft devient instantanément la suite bureautique ODF avec la plus grande part de marché. Toutefois, le fait de mettre en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. Dans les faits, cela mettrait fin à l’interopérabilité basée sur les standards ouverts en bureautique.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux défauts du support ODF de Microsoft, identifiés après les premiers tests. Sans corrections, c’est la divergence qui prédominera, au lieu d’une convergence autour d’un format d’échange ouvert et éditable, que le marché, y compris et surtout les gouvernements, réclame. Pour être constructif, nous avons fait plusieurs recommandations pour que Microsoft puisse enfin réellement honorer son engagement de support interopérable pour l’ODF.

Interopérabilité pour le tableur ODF

Lors de la lecture d’une feuille de calcul ODF, MS Office Excel 2007 efface les formules, ce qui casse l’interopérabilité avec tous les autres tableurs qui supportent l’ODF. Adapté pour la lecture, le support Microsoft pour le travail collaboratif sur les feuilles de calcul ODF est comme inexistant dans la pratique.

Une feuille de calcul de test créée dans Google Docs, KSpread, Symphony, OpenOffice, et le plugin Sun 3.0 pour MS Office, par exemple, n’est pas correctement interprétée par MS Excel 2007. La raison en est que les formules utilisées pour faire des calculs dans un tableur (par exemple ajouter des nombres dans plusieurs cellules d’une colonne) sont tout simplement effacées dans MS Excel 2007. Au lieu d’effectuer les opérations, ce qui reste lors du chargement de la feuille de calcul dans MS Excel 2007 est la dernière valeur de la cellule de la dernière sauvegarde.

La même feuille de calcul de test, ouverte puis enregistrée dans toutes les applications, à part MS Excel 2007 (par exemple entre KSpread et Google Docs), est correctement interprétée. La plupart des autres tableurs ODF sont parfaitement capables d’interopérer. La bonne approche pour Microsoft aurait été de faire de même, pour assurer aux utilisateurs de MS Office la possibilité de partager des feuilles de calcul avec d’autres suites bureautiques supportant ODF.

Les plugins ODF pour Microsoft Office édités par des tierces parties se sont révélées proposer un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. MS Excel 2007 traite bien les feuilles de calcul ODF lorsqu’elles sont chargées par l’intermédiaire du plugin Sun 3.0 pour MS Office ou du « OpenXML/ODF Translator Add-in for Office », mais ce n’est pas le cas lorsque l’on utilise le support intégré d’Office 2007 SP2.

Bien que les formules de calcul pour ODF 1.0/1.1 (la version supportée par Office 2007, selon Microsoft) sont spécifiques à chaque implémentation, elles ont pourtant convergé vers des formules de calcul de plus en plus interopérables. Microsoft a participé au vote à l’OASIS à l’époque de l’approbation d’ODF 1.0/1.1. ODF 1.2, qui devrait bientôt passer au vote pour approbation comme un standard OASIS, définira les formules de calcul à l’aide d’OpenFormula.

En fait, les feuilles de calcul créées dans Excel 2007 SP2 ne sont pas conformes à ODF 1.1, car Excel 2007 encode mal les formules avec des numéros de cellules. Selon la section 8.3.1 de l’ODF 1.1, les adresses de cellules dans les formules doivent commencer par un crochet ouvert et se terminent par un crochet fermé. Dans Excel 2007, les adresses de cellules ne sont pas comprises entre ces crochets obligatoires, ce qui pourrait pourtant être facilement corrigé.

Pour de plus amples lectures, voir Mise à jour de l’interopérabilité des feuilles de calcul ODF, par Rob Weir/IBM, sur , et À propos du fiasco du support ODF de Microsoft, par Ditesh Gathani.

Cryptage

Microsoft Office 2007 ne supporte pas le cryptage (protection par un mot de passe) dans les fichiers ODF.

Un utilisateur de MS Office 2007 connaissant le mot de passe ne peut pas ouvrir un document protégé par un mot de passe, créé dans n’importe quelle autre suite majeure supportant ODF.

La protection par mot de passe est une fonctionnalité interopérable, supportée par et entre les autres suites majeures supportant ODF, dont KOffice, Open Office et Lotus Symphony.

Dans l’autre direction, les fichiers ODF créés dans MS Office 2007 ne peuvent pas être protégés par un mot de passe. Les utilisateurs de MS Office 2007 ont un message d’avertissement, « Vous ne pouvez pas utiliser la protection par mot de passe avec le format ODF. »

Le cryptage et la protection par mot de passe sont pourtant pleinement spécifiés dans ODF 1.0/1.1 (item 17.3 de la spécification). Il en résulte qu’une mauvaise définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter immédiatement le support du cryptage. ODF 1.2 apportera le support des signatures numériques. Microsoft devrait ajouter le support des signatures numériques dès que ODF 1.2 sera approuvé.

Pour de plus amples lectures, voir Maintenant Microsoft essaie de fragmenter ODF, par Jomar Silva/ODF Alliance.

Historique de modifications

Microsoft Office 2007 ne supporte pas l’historique de modifications dans ODF.

L’historique de modifications est essentiel au travail collaboratif. Le fait de ne pas supporter cette fonctionnalité empêche une vraie collaboration sur un fichier ODF entre utilisateurs de MS Office 2007 et des autres logiciels compatibles ODF qui eux supportent bien cette fonctionnalité (OpenOffice.org, StarOffice, Lotus Symphony et Google Docs, entre autres).

L’historique de modifications est spécifié dans ODF 1.0/1.1, donc là encore l’absence de définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter le support interopérable de l’historique de modifications immédiatement.

Le support d’ODF uniquement dans MS Office version 2007

MS n’a pas implémenté le support natif pour ODF dans Office 2003 ou ses prédécesseurs.

La grande majorité des utilisateurs de Microsoft Office, dont la plupart des gouvernements, utilisent actuellement encore Office 2003 ou ses prédécesseurs.

Pour bénéficier du support natif d’ODF, les utilisateurs gouvernementaux de MS Office seront obligés de passer à MS Office 2007.

Pour les utilisateurs d’Office 2003 et ses prédécesseurs, Microsoft a promis de continuer à supporter le « OpenXML/ODF Translator Add-in for Microsoft Office », et le plugin Sun 3.0 est également disponible pour les utilisateurs de MS Office. Alors que ces plugins égalent ou dépassent les performances du support de MS Office 2007 SP2, ils ne peuvent pas se substituer sur le long terme à un support complet, natif, et interopérable.

L’engagement de supporter les futures versions d’ODF

L’annonce de Microsoft concernant la sortie du Service Pack 2 ne contient aucune promesse de mise à jour du support d’ODF dans les prochaines versions.

Microsoft traîne les pieds depuis plus de 3 ans (ODF 1.0 a été approuvé comme standard OASIS en mai 2005, et comme standard ISO en mai 2006 ; ODF 1.1 par l’OASIS en février 2007), malgré les appels répétés de gouvernements partout en Europe et ailleurs pour l’implémentation du support d’ODF.

L’implémentation de versions incompatibles et de bas niveau des standards ouverts empêchera l’interopérabilité en bureautique, surtout si l’on prend en compte la base potentiellement importante d’utilisateurs d’ODF.

Microsoft est bien connu pour ses implémentation de bas niveau de standards ouverts. Comme par exemple Java dans Internet Explorer, où Microsoft a pré-installé une version incompatible avec des extensions propriétaires, pour ensuite ne plus s’en occuper en ne la mettant pas à jour au fur et à mesure de l’évolution de la technologie Java.

ODF 1.2, qui inclut le support des formules de calcul, des métadonnées et de la signature numérique, sera bientôt examiné pour devenir un standard OASIS, et est consultable par tous sur le site web de l’OASIS OpenDocument Technical Committee (auquel Microsoft participe).

Microsoft et d’autres éditeurs supportant ODF devraient s’engager publiquement à mettre à jour leur implémentation en suivant la dernière version d’ODF. Une nouvelle version d’ODF devrait être obligatoirement supportée dans n’importe quelle version (ou Service Pack) de MS Office parue après la sortie d’une nouvelle version d’un standard ODF.

Notes

[1] Crédit photo : Ndanger (Creative Commons By-Sa)




La Framakey : 4 ans et plein d’enfants reconnaissants !

Trazomfreak - CC byLa Framakey souffle aujourd’hui sa quatrième bougie 😉

Depuis cette date originelle, elle poursuit tranquillement son petit bonhomme de chemin, toujours 100% libre, toujours animée par une communauté de passionnés.

Nous le savons, l’un des avantages du logiciel libre, c’est qu’il permet à tout le monde, sans discrimination, de pouvoir améliorer le logiciel pour ses propres besoins (personnels ou professionnels). Et c’était bien là l’une des principales motivations de ce projet, proposer, si vous me passez l’expression, une « arme de diffusion massive du logiciel libre ».

Ainsi durant ces quatre années[1], la Framakey a donné naissance à pas mal de « forks », c’est-à-dire des versions adaptées par des particuliers, institutionnels ou entreprises.

Je me propose de vous en présenter quelques uns, qui me paraissent assez représentatifs de la diversité d’un projet générique dont la licence libre autorise et même encourage l’appropriation (dans le sens « rendre propre à », et non dans le sens de « s’approprier »).

Commençons par les projets liés à l’éducation :

  • L’Université de Poitiers : UP Key Etu est une adaptation de la Framakey. Cette adaptation a été réalisée par la Maison des Langues et par i-médias, le Service commun informatique et multimédia de l’Université de Poitiers.}} Notez au passage que l’Université propose une vidéo dynamique, pédagogique, et bien réalisée de l’UP Key Etu en situation.
  • L’IUFM d’Aquitaine : L’IUFM @qui.CLE est mise à disposition des usagers et de tous les formateurs (formateurs permanents, PEMF, formateurs associés, conseillers pédagogiques, tuteurs, …) de l’IUFM d’Aquitaine.
  • Le projet « Clé en main », à destination des enseignants, qui fut l’un des premiers dérivés de la Framakey, et qui a inspiré la Trousse Numérique du CRDP de Versailles ;
  • l’excellent site Grain2Tice propose, lui, son le CNEP (Cartable Numérique pour l’Ecole Primaire). Utilise le lanceur PortableApps.com.
  • Le nom moins excellent site Quebecois Zone Libre en Education propose sa Liberclé qui contient notamment le Programme de formation de l’école québécoise, sous forme de fichiers PDF, ainsi qu’une vingtaine d’hyperliens vers des sites indispensables pour l’enseignant québécois voulant intégrer les TIC dans son enseignement.
  • La SEPR, organisme de formation lyonnais, a réalisée en interne une version personnalisée, diffusée à 4 000 exemplaires à ses étudiants.
  • D’autres expériences de diffusion à l’école, souvent sur des projets de taille plus modeste (< 100 clés), mais qui nous réchauffent vraiment le cœur, comme le cas exemplaire de la commune de Sainte-Ménehould.

Il existe aussi des dérivés associatifs ou communautaires :

  • Miftaah, la Framakey en langue arabe (dont on nous a rapporté des cas d’utilisation jusque dans les cybercafés libanais) : « Sous la supervision du bureau de l’UNESCO à Rabat et ICTDAR, Miftaah est réalisé par diverses universités associé dans la région : Algérienne du centre de recherche sur l’information scientifique et technique (CERIST), Marocaine de l’école de Mohammadia d’Ingénieurs, université Mohamed V Agdal et université de Birzeit en Palestine ». Voici d’ailleurs ce qu’on peut lire sur le site de l’UNESCO : « L’UNESCO reconnaît l’importance de la valeur sociale du logiciel libre et ses actions de promotion visent à donner les moyens et l’autonomie nécessaire aux pays pour faire leurs propres choix. Dans ce contexte le Bureau de l’UNESCO à Rabat en coopération avec ICTDAR élabore la clé Miftaah qui contiendra non seulement des logiciels dont le code source est ouvert et fourni gratuitement, mais aussi une capacité de stockage pour les données personnelles de l’utilisateur ; tout cela est animé par une interface agréable et à usage facile. »
  • Le DATICE Framakey, destinée aux nouveaux enseignants d’histoire-géo.
  • Plus original, la Technoboulkey, pour les profs et apprentis boulangers (aujourd’hui basée sur PortableApps.com).
  • Une adaptation (en cours de réalisation) par Antipodes-Ingénierie, société coopérative spécialisée dans le développement des compétences des premiers niveaux de formation (illettrismes, migrants…) : « Parmi nos projets, nous avons notamment le souhait d’adapter une Framakey pour les formateurs qui interviennent auprès de ces publics. Cette Framakey contiendra un nombre restreint de logiciels portables (OpenOffice.org, lecteur PDF et Firefox) ainsi qu’une méthodologie de travail pour les formateurs sous forme de pages HTML et de grilles d’évaluation sous Calc. Cette méthodologie sera elle-même diffusé sous la licence GPL (ou FDL). C’est pour nous l’opportunité de favoriser l’utilisation des logiciels libres et de permettre à des formateurs (qui souvent travaillent dans des organismes associatifs) d’avoir accès à moindre coût aux outils informatiques (l’investissement informatique est souvent chaotique dans ces structures et les logiciels « périmés » ou aux licences douteuses sont monnaie courante, les fonds investis devraient se concentrer sur le matériel et non pas se perdre dans les méandres des moultes versions trop chères des produits Microsoft. »

Framakey - coque en bois

Tout ceci fait plaisir à voir et à lire, et nous conforte dans l’idée que ça valait le coup de développer ce projet.

Cette liste étant non exhaustive, auriez-vous de nouveaux éléments à y apporter ? Avez-vous connaissance d’autres dérivés de la Framakey et de son utilisation en classe, entreprise ou administration ?

Telles les deux faces d’une même médaille, l’article se poursuit dans une seconde partie, La Framakey : 4 ans et quelques enfants ingrats ?, où l’on tentera d’illustrer le fait que le libre peut aussi malheureusement parfois faire l’objet d’une certaine récupération…

Notes

[1] Crédit photo : Trazomfreak (Creative Commons By)




Google Wave : une bonne nouvelle pour le logiciel libre ?

Rappensuncle - CC by-sa« Google Wave, c’est ce que pourrait être le mail si on devait l’inventer aujourd’hui » s’exclame le grand Tim O’Reilly, se mettant ainsi au diapason de cette autre citation, « Wave va rendre caducs tous les outils actuels de communication », entendue au moment même de la présentation de ce nouveau projet, il y a quinze jours de cela.

Le dévoilement de Wave a d’abord valu à Google une standing ovation au sortir de la conférence inaugurale. Puis, dans la foulée, des articles souvent dithyrambiques sont apparus sur la Toile. C’est donc clairement la sensation du moment, avant même que le moindre utilisateur ait pu tester quoi que ce soit. Une nouvelle vague (wave en anglais) va-t-elle déferler sur le Web ?

Si vous voulez en savoir plus quant à son approche originale et à ses fonctionnalités, je vous invite à lire theClimber, TechCrunch ou Transnets. Outre tout ce qu’il nous propose de faire, retenons qu’on a besoin du HTML 5 et surtout que le protocole sera Open Source, basé sur XMPP (Jabber), avec un serveur qui sera libre et qu’on pourra installer chez soi (cf Minitel 2.0).

Cet aspect libre (ou prétendu tel) est très important et n’a pas forcément été mis en avant par la blogosphère (sauf l’inévitable journal LinuxFr). Pour marquer le coup et nous interroger ensemble sur l’impact potentiel d’une telle nouveauté sur le logiciel libre, nous avons choisi de traduire un article enthousiaste (peut-être trop ?) issu de la revue Free Software Magazine.

Cet article envisage Google Wave sous l’angle de ce qu’il pourrait apporter à une communauté agrégée autour d’un logiciel libre. Jusqu’à se demander si Wave ne va pas se substituer aux bons vieux outils que sont les logiciels de gestion de versions (CVS, etc.), les wikis, et autres listes de discussion. Ce qui, au sein des développeurs, serait effectivement une petite révolution dans la manière de travailler et de communiquer.

Mais il n’entre pas dans le détail des licences, dans l’évalutation du degré réel ou supposé de l’ouverture annoncée par Google (à sa décharge, on ne dispose à l’heure actuelle que le peu d’informations qu’a bien voulu nous donner la société). Et surtout il oublie d’évoquer une, pour ne pas dire la, question majeure que l’on résume souvent dans la formule « Google everywhere ». Ok pour la possibilité d’avoir son petit serveur à domicile mais dans la pratique la grande majorité se connectera à n’en pas douter chez Google. Du Google partout, tout le temps, qui va finir par devenir problématique (si ça ne l’est pas déjà !). On peut, par exemple, compter sur Google pour nous proposer son navigateur Chrome configuré aux petits oignons pour Google Wave, si vous voyez ce que je veux dire.

Aussi puissant, séduisant et ouvert (protocole, API…) soit Google Wave, le logiciel libre a-t-il intérêt à surfer tête baissée sur cette vague[1], ou bien laisser couler et continuer tranquillement dans son coin à ériger sa petite berge qui deviendra un jour si haute que pas même un tsunami ne pourra l’emporter ?

Google Wave va-t-il révolutionner la collaboration dans le logiciel libre ?

Will Google Wave revolutionise free software collaboration?

Ryan Cartwright – 15 juin 2009 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Poupoul2, Daria et Tyah)

Si vous n’en avez pas encore entendu parler, Google a publié une version de développement de Wave, son nouvel outil de réseau social et collaboratif. Quel impact cela peut-il avoir sur les utilisateurs et les développeurs de logiciel libre ?

Wave est ce que Google appelle un « nouvel outil de communication et de collaboration sur le Web ». Voyez-le comme un carrefour entre le courriel, le réseau social, la messagerie instantanée, l’IRC et Twitter. Wave apporte (ou plus exactement apportera) non seulement de nouveaux moyens de communication, mais offre également un retour instantané aux autres participants. En utilisant la base d’une vague comme une conversation, il permet aux destinataires de vos conversations de voir ce que vous écrivez en temps réel, au moment où vous l’écrivez. Plus besoin d’attendre que votre contact de messagerie instantanée termine son message. Wave offre également aux participants, dans le même outil, des messages de type panneau d’affichage, afin de savoir à quel moment ils se reconnectent. Il propose des fonctionnalités sympathiques qui permettent contextuellement de répondre à différentes parties d’un message. De nouveaux participants peuvent entrer à n’importe quel moment, tout en bénéficiant à la fois de l’historique complet de la vague, mais aussi en ayant la possibilité de « rejouer la vague » telle qu’elle s’est formée, en voyant qui a écrit quoi et dans l’ordre chronologique.

Ouais, ouais, encore un outil de réseautage social… allez, circulez !

Aussi intéressant, ou pas, que cela puisse paraître, quel impact cela aura-t-il pour nous, utilisateurs de logiciels libres et plus particulièrement développeurs ? Et bien, tout d’abord, Wave est développé grâce à un nouveau protocole ouvert et Google souhaite que nous l’aidions à le développer. Ce protocole est disponible sous les termes ouverts d’une licence que Google considère « libérale » (Un oxymore peut-être ?). En plaçant un protocole ouvert derrière cette technologie, Google nous invite activement à contribuer, distribuer et propager cette technologie. Cela signifie que nous, utilisateurs de logiciels libres, pouvons créer des outils libres qui utilisent le protocole Wave. Un protocole ouvert est assurément une bonne chose dans ce contexte : Pas d’accord de confidentialité, pas de royalties liées à des licences telles que pour les formats GIF ou MP3. Google nous demande également que nous aidions à donner forme au protocole. Les contributions sont réalisées sous un contrat de licence contributeur, qui insiste sur le fait que vous donnez à Google, le droit de « reproduire, construire des travaux dérivés, publier, exécuter en public, sous-licencier et distribuer vos contributions et les travaux dérivés associés ». Google semble être parti sur la bonne voie. Le temps nous en dira bien sûr plus, mais nous ne devrions pas être trop sceptique, c’est une opportunité réelle. Là où Android est un système ouvert sur un matériel fermé, en devenant ainsi de fait semi-fermé, nous avons une chance de développer Wave avec une foule d’outils libres et ouverts basés sur l’API et le protocole de Wave.

Google a livré quelques informations sur le fait de conserver le code source ouvert. Mais jusqu’à présent, ils n’ont publié aucun code source (à l’exception peut-être pour la version développeur, dont je ne fais pas partie), Cependant, même s’ils conservent les sources de l’API fermées, disposer d’un protocole ouvert (et d’une licence libérale) signifie que nous pouvons créer des outils qui utiliseront ce protocole et que ceux qui utiliseront les outils de Google pourront collaborer avec ces outils libres, du moins en théorie.

Mais qu’est-ce que cela peut nous apporter ?

Pensez à la manière de développer du logiciel libre. Peut-être plus que n’importe quel autre type de produits, le logiciel libre a besoin d’un effort collaboratif intense de la part de ses créateurs. Grâce à SVN, Sourceforge et consorts, nous avons des moyens de partager du code source et nous possédons des outils de communication durant le cycle de développement : wiki, panneaux d’affichage, liste de dicusssions, etc. Imaginez que vous disposez d’une « vague » pour les développeurs d’un projet logiciel. Chaque contributeur, en temps réel s’il le souhaite, dispose d’une conversation sans peur de perdre le fil dans de multiples embranchements. Les nouveaux membres peuvent rejouer la discussion pour comprendre l’état présent. Des fragments de code pourraient être placés à l’intérieur de la conversation et édités en temps réel par les autres membres. Et tout cela se déroule dans un des outils les plus communs, le navigateur. Les rassemblements de développeurs pourraient inclure ceux qui ne peuvent participer physiquement grâce à l’utilisation d’une vague. Les meilleurs esprits ne seront plus exclus parce qu’ils n’ont pu réserver une place dans l’avion[2].

Si cela semble excitant, c’est parce que je m’exalte. Google Wave a le potentiel pour aller bien au-delà du simple buzz pour foules numériques. Wave a la possibilité de réellement faire du bruit et de représenter un grand pas dans la manière dont nous développons du logiciel libre. Évidemment, il m’est venu à l’esprit que les développeurs de logiciels propriétaires pourraient utiliser le même système pour produire leurs logiciels, mais soyons honnêtes : qui de deux est le plus habitué à la collaboration (en réalité, en dépend même) ?

J’ai entendu certaines personnes dire que Google Wave pourrait dépasser Twitter et Facebook d’ici 2011. Je n’en sais rien, et même peu m’importe, mais je crois que Wave peut avoir un impact aussi fort sur le développement de logiciel libre que CVS ou les wikis.

Notes

[1] Crédit photo : Rappensuncle (Creative Commons By-Sa)

[2] Non pas que j’ai entendu que cela arrive, je conjecture juste.




Framasoft et moi, il y a 7 ans de cela

Flashback. Un visiteur m’a tout récemment rappelé l’existence d’un vieil entretien totalement oublié que j’avais donné au site MoteurZine en mars… 2002 ! Et il a accompagné le lien d’un énigmatique petit smiley malicieux.

Je suis allé voir, j’ai lu, j’ai pris un coup de vieux, et j’ai compris le pourquoi du smiley 😉

À l’époque Framasoft venait à peine de naître, j’étais tout seul dessus et j’éditais à la main l’ensemble des pages statiques du site sous, aïe pas taper, Dreamweaver ! J’étais également rédacteur au Café pédagogique, c’est vous dire…

Il y a certains passages et références « un peu » datés, où je pense me faire gentiment chambrer dans les commentaires. Mais il y en a d’autres que j’assume encore fièrement plus de sept ans après.

Dans la mesure où fort heureusement je ne suis désormais plus seul du tout, je me suis dit que ça pouvait peut-être intéresser quelques uns de ceux qui depuis ont participé de près ou de loin à l’aventure Framasoft.

Copie d'écran - Framasoft - mars 2002

Interview d’aKa en mars 2002 pour MoteurZine

URL d’origine du document

Moteurzine : Bonjour. Est-ce que vous pouvez, avant tout, vous présenter à nos lecteurs ?

aKa : Alexis Kauffmann, 33 ans, professeur de mathématiques à Bobigny, animateur TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement) dans le 93, et rédacteur au Café Pédagogique.

Pour ce qui est d’Internet, j’ai vu de la lumière un soir de novembre 1996, j’y suis entré et pour ainsi dire toujours pas ressorti.

Comment est né le site Framasoft.net ?

Le site dérive d’un autre site Framanet.net (pour FRAnçais et MAthématiques en intraNET) dont la webmistress Caroline d’Atabekian, enseignante en lettres, était et reste une partenaire professionnelle. L’idée principale était d’expérimenter des séquences pédagogiques en pages web via le réseau local de notre établissement scolaire tout en présentant ce travail à nos pairs via Internet. Et comme on ne roule toujours pas sur l’or à l’Éducation Nationale, nous étions bien contents de trouver toutes sortes de petits outils gratuits pour l’élaboration de ses séquences et/ou la maintenance du site.

Las de devoir les rechercher à chaque nouvelle installation, on a décidé de les regrouper et d’en faire une branche à part entière de Framanet. Et puis la branche a fleuri et a décidé, en novembre 2001, de voler de ses propres ailes (sic !) pour adopter le nom de domaine Framasoft.net.

Il n’y avait donc rien de « prémédité » même s’il est indéniable que depuis je me suis pris au jeu.

Pourquoi avoir choisi le domaine Framasoft.net et non pas le domaine en .com ou en .org ?

J’imagine qu’à l’époque je devais penser que le .net tournait autour d’Internet, le .com lorgnait vers le commercial et le .org avait une dimension collective. Et comme je n’étais pas nombreux au début…

Combien de personnes sont impliquées dans ce site ?

C’est un peu une question piège car justement je ne suis toujours pas très nombreux !

S’il fallait comparer le site à une organisation politique, il y aurait les membres du bureau exécutif élus par cooptation (à savoir… Moi !), les militants (principalement des collègues de Seine-Saint-Denis qui rédigent des notices ou me pondent des articles de temps à autres) et enfin la joyeuse cohorte des sympathisants (tous les internautes qui m’envoient infos, remarques et critiques).

Et pourtant je m’obstine, au risque de leurrer les visiteurs, à présenter Framasoft comme « la participation d’une équipe d’enseignants à un Internet associatif » et à m’exprimer à la première personne du pluriel. Il y a là comme un souhait en fait (j’en profite donc pour lancer un appel). Et peut-être aussi que cela me rassure psychologiquement car il n’est humainement pas possible d’avoir fait ça tout seul sur ses heures perdues en si peu de temps !

Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser au monde du logiciel libre et plus particulièrement, le monde du logiciel libre sous Windows (d’ailleurs, n’est-ce pas complètement contradictoire !?) et à l’exprimer sur un site ?

Il y a des jours où l’errance nocturne sur le réseau a du bon. « En utilisant les logiciels libres, non seulement on effectue des économies spectaculaires pour le matériel, non seulement on se libère des logiques que tentent d’imposer les grandes multinationales de l’informatique, mais, en plus, on se met en relation avec l’un des foyers les plus vivants de la société qui est en train de se créer, celle de l’intelligence distribuée », ai-je eu juste le temps de lire un soir de fin de millénaire avant de piquer du nez.

Non le logiciel libre ne se résumait pas à Linux dont ce dernier n’en devenait qu’un exemple (mais quel exemple !). Non le logiciel libre et le logiciel gratuit ne naviguaient pas dans les mêmes sphères, l’un me parlant d’argent et l’autre de liberté. Oui le modèle était pertinent pour l’éducation. Oui il y avait également là un extraordinaire potentiel « d’extension du domaine du libre ».

Pour ce qui est de l’apparent paradoxe, je vous présente l’éditeur vidéo Virtual Dub (une application libre tournant sur le système d’exploitation propriétaire Windows) et l’outil de correction de textes français Correcteur 101 (une application propriétaire tournant sur le système d’exploitation libre Linux).

Le « tout libre » est sûrement une belle idée mais il ne résiste pas à la réalité actuelle du grand public qui, et je suis le premier à le regretter, n’est visiblement pas encore prêt à lâcher son Windows. Mais en attendant, et cela minimisera du même coup le phénomène du piratage, faisons tourner ce système d’exploitation avec un maximum de logiciels libres !

Votre site est composé de trois grandes parties : l’annuaire de logiciels libres et gratuits, l’annuaire de logiciels libres, l’annuaire de liens autour du libre. Vous pouvez nous en dire plus dessus ?

Des pont naturelles peuvent les relier mais dans mon esprit ces trois parties sont bien distinctes et indépendantes.

Ceci dit, à bien y réfléchir, il pourrait également y avoir là comme une « invitation au voyage » :

  • Étape 1 : Je fais rapidement mes emplettes sur le Net en transitant par l’annuaire de logiciels libres et gratuits sous Windows.
  • Étape 2 : Mais pourquoi donc cette constante distinction entre libre et gratuit ? Allons-y voir d’un peu plus près en visitant quelques sites de l’annuaire autour du libre.
  • Étape 3 : Intéressant après tout ce concept du logiciel libre. Quel est donc l’état de l’existant sous Windows ? Et hop, un petit détour par l’annuaire de logiciels exclusivement libres.

Votre annuaire référence de nombreux logiciels « libres ». Mais, qu’est ce qui vous différencie par rapport à un site comme Telecharger.com ?

Télécharger.com est un excellent site qui possède une base de plus de 10.000 logiciels pour une audience mensuelle de 2.000.000 visites qui parcourent à peu près 20 millions de pages (source Cybermétrie, décembre 2000). C’est une sacrée différence qui pourrait déjà clore le débat !

Sinon je dirai que nous sommes plus Windows et moins boîte de Pandore, plus incisifs et moins consensuels, plus libres et moins propriétaires, plus indépendants et moins regardants sur nos stock-options, plus sobres et moins lourds à charger, ou encore plus éducation et moins publicité.

En fait je pense qu’il y a un espace pour ces deux types de sites qui ne se présentent visiblement pas dans la même catégorie.

Mais j’allais oublier une ultime et définitive différence : chez nous les âpres négociations de rachat par Vivendi Universal ont échoué !

Qu’est ce qui a été le plus difficile dans la mise en place de cet annuaire ?

La découverte de la non extensibilité du temps…

Aujourdhui, combien passez-vous de temps quotidiennement, hebdomadairement à entretenir et développer votre annuaire ?

Cette découverte m’a donc contraint à faire certains sacrifices. Mais demandez à ma femme, elle sera certainement plus objective que moi ! (mais demandez-lui gentiment car c’est un sujet sensible entre nous…)

Quelle est l’architecture logiciel et matériel derrière le site Framasoft ?

Encerclé par les sites dynamiques à la sauce ASP ou mieux PHP, le dinosaure Framasoft résiste encore et toujours à l’envahisseur en ne proposant que du HTML pur.

Il a été développé sous un très célèbre et… propriétaire éditeur WYSIWYG (Dreamweaver pour ne pas le nommer, donnez-moi l’équivalent sous Linux et je change illico de plate-forme !). Et il a opté pour un hébergement payant (Amen.fr) afin d’offrir un temps de chargement réduit à ses visiteurs.

Votre site ne comporte ni bandeaux, ni zone payante. Il est donc totalement libre et gratuit comme les logiciels que vous présentez. Est-ce une solution viable à moyen / long terme ?

Ces absences de bandeaux et de zones sont revendiquées. Et comme il m’est difficile de ne pas glisser une citation dans le moindre de mes écrits, j’ajouterai que « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ».

Ceci dit il faut pouvoir assumer ce choix. Et même si je reconnais bien volontiers que parfois de petites idées mercantilistes me trottent furtivement dans la tête (après tout il y a un service rendu), je me reprends vite en pensant à la dynamique du monde du libre et en étant content d’y apporter mon humble et modeste contribution (justement parce qu’il y a un service rendu !).

Pour ce qui est de la viabilité la réponse est simple puisque je ne suis lié par aucun contrat. Il est bien évident que le jour où, après une illumination mystique, je m’en irai passer un an dans un ashram en Inde, Framasoft s’en trouvera quelque peu déstabilisé.

Combien d’internautes vous visitent quotidiennement ? Cela fait combien de pages vues ?

Environ 2.000 visiteurs pour 10.000 pages lues… oups, vues. (source Xiti)

Qui vous amène le plus de visiteurs ? Pourquoi ?

Je constate depuis quelques temps une certaine stabilité : 40% d’accès direct, 40% via les moteurs de recherche et 20% de liens sur site. Je n’ai pas trop de commentaires à faire si ce n’est qu’il semblerait qu’il y ait là une certaine fidélisation corroborée par le fait que le mot-clé en tête de tous les moteurs est… Framasoft. Sinon sur la moyenne des 400 visiteurs qui nous viennent d’autres sites, cela se divise pour moitié de sites éducatifs et pour l’autre de sites généralistes (tels les surprenants et dynamiques annuaires du gratuit du Net).

Quelle a été votre méthode pour développer votre visibilité dans les outils de recherche ? sur Internet ?

Il n’y a pas vraiment eu de méthodes. Des annonces dans des listes de profs où j’étais abonné, quelques messages personnels cullotés à des webmestres dont j’appréciais le site, plus le bouche à oreille, et un jour vous vous apercevez que quelques sites pointent vers le votre. Du coup vous possédez le précieux sésame, vous avez un « indice de popularité ». La terre promise n’est plus loin, elle approche, elle arrive : vous êtes référencé sur… Google ! Après vous pouvez aller vous coucher, ça tournera tout seul !

Quels sont vos projets à moyen / long terme pour Framasoft ?

Ma préoccupation du moment, c’est de trouver un hébergeur « compréhensif » car l’accroissement du nombre de visiteurs est apparemment proportionnelle au prix du forfait et cela devient alors problématique de faire dans le bénévolat tout en perdant de l’argent.

Sinon il n’y a pas vraiment de projets mais peut-être un souhait : obtenir une petite reconnaissance de la part de la communauté du libre francophone.

Pour terminer, pouvez-vous nous dire quel est votre site Internet préféré et pourquoi ?

Tiens, c’est curieux je ne m’étais encore jamais posé la question !

La raison vous dirait à n’en pas douter Google car sa disparition m’obligerait à reprendre des cours de recherche sur le Net ! Et la passion pencherait sûrement vers les sites que j’ai dédié à mes deux filles. Mais là point d’url c’est mon jardin secret…

Alexis, merci d’avoir pris de votre temps de répondre à ces questions.