Logiciel libre et éducation : quand le Royaume-Uni montre le chemin…

Kifo - CC by-saOn s’active de l’autre côté de la Manche. Preuve en est cette fort bienvenue nouvelle initiative de l’agence britannique Becta, à savoir l’ouverture récente du très prometteur site Open Source Schools dédié, comme son nom l’indique, aux logiciels libres à l’école.

Ce site est l’une des conséquences du rapport Becta Microsoft Vista et Microsoft Office 2007, rédigé il y a un an, que nous avions traduit cet été. Ses conclusions étaient limpides et il en allait selon nous de la responsabilité des autres pays si ce n’est d’adopter la même posture tout du moins de se poser les mêmes questions en évaluant sérieusement la pertinence des produits Microsoft mais surtout des alternatives libres[1].

On pouvait notamment lire ceci en page 34 § 6.11 :

Au cours des douze prochains mois Becta prendra un certain nombre de mesures pour encourager un choix plus efficace dans le cadre d’un usage éducatif. Ce travail inclura la publication d’un programme de travail dont le but sera de :

– fournir plus d’informations sur le site de Becta sur ce qu’est un logiciel libre et quels sont ses avantages pour l’éducation en Grande-Bretagne;

– compléter la base de recherche actuelle qui recense les usages des logiciels libres dans le secteur éducatif et identifier des déploiements modèles de logiciels libres. Cela engloberait également l’esquisse d’un tableau national des usages des logiciels libres dans les écoles et les universités;ourceschools-montre-la-voie-a-suivre

– travailler avec la communauté du logiciel libre pour établir un catalogue en ligne des logiciels libres appropriés pour l’usage dans les écoles de Grande-Bretagne. Parmi les informations disponibles on retrouvera les moyens d’obtenir une assistance dédiée à ces logiciels et comment contribuer à leur développement futur. Ce catalogue sera publié sous une licence Creative Commons afin que les fournisseurs puissent le modifier pour leur propre usage;

– donner des indications aux sociétés de services en logiciels libres pour qu’elles puissent efficacement participer dans de nouvelles structures compétitives et pour qu’elles puissent proposer des logiciels libres via la structure de fournisseurs existante de Becta.

Le site Open Source Schools est donc clairement l’une des concrétisations de ce rapport. Nous vous proposons ci-dessous la traduction du communiqué de presse mis en ligne pour l’occasion sur le site du Becta :

Un service de support pour les établissements scolaires qui utilisent des logiciels libres

Support for schools on using open source software

Becta – 13 janvier 2009
(Traduction Framalang : Don Rico)

Les établissements scolaires peuvent à présent trouver des conseils sur un nouveau site communautaire leur permettant de mieux savoir en quoi l’utilisation de logiciels libres pourrait leur être avantageuse.

Le site Open Source Schools propose des ressources pour montrer en quoi les logiciels libres peuvent profiter à l’enseignement et à l’apprentissage, favoriser l’implication des élèves et des parents, faciliter la gestion des informations et des ressources, et simplifier l’administration de l’établissement.

On y accorde une place centrale à une série d’études de cas sur la mise en place et le développement des logiciels libres dans le milieu scolaire. On y trouve aussi des forums où proviseurs, enseignants, techniciens informatiques et d’autres encore peuvent partager leur expérience de ce modèle alternatif d’acquisition, de distribution et de développement de logiciel. Le site met en exergue des blogs qui traitent des logiciels libres dans l’éducation, des actualités et des liens vers des sites de développeurs de logiciels Open Source.

Ce site s’inscrit dans un projet soutenu par Becta, qui vise à faire connaître les logiciels libres.

Promenons-nous quelques instant sur Open Source Schools

On remarquera tout d’abord que le site est sous Drupal (avec inscription autorisant l’OpenID) mais on remarquera surtout que la licence par défaut est la Creative Commons By-Sa. Droit d’usage, de copie, de distribution, de modification, droit d’exploitation commerciale… autrement dit une licence qui offre à ses utilisateurs les mêmes droits que les licences des logiciels libres (et qui est donc approved for free cultural works).

Il y a un forum, un annuaire sélectif de logiciels libres (où l’on recense la crème de la crème sans oublier la spécificité éducative), et des études de cas (qui sont autant de témoignages d’expériences réussies susceptibles d’influencer positivement les collègues),

Une attention toute particulière a été donnée à l’entrée About OSS (à propos du logiciel libre). Outre une page d’accueil conséquente nous expliquant ce qu’est un logiciel libre, on y trouve également une dizaine d’autres articles abordant des sujets comme la pertinence du logiciel libre en milieu scolaire, le logiciel libre et la gratuité, la différence entre logiciel libre et web 2.0, une information sur les licences, etc.

Parmi ces articles Becta negotiations with Microsoft explique calmement et sereinement entre autres pourquoi il y a des problèmes avec la politique de licences et d’interopérabilité des produits Microsoft (rappelant au passage l’existence du fameux rapport), pourquoi le Becta s’en est plaint auprès de l’Office of Fair Trading, et pourquoi le Becta pousse à ce que Microsoft adopte réellement le format ODF.

On notera enfin que l’on ne craint pas (dans la colonne de droite) de référencer des fils d’actualités de sites ou blogs non institutionnels qui évoquent l’actualité du logiciel libre et sa culture.

Quant à la page About Us (qui sommes-nous ?), il nous a semblé qu’elle méritait elle aussi sa petite traduction :

Notre initiative Open Source Schools Community a pour but de sensibiliser les établissements scolaires aux logiciels libres (LL), de les aider à les adopter, à les utiliser et à les développer. De nombreux établissements ont déjà compris en quoi les LL étaient bénéfiques à leur stratégie TIC. Ce projet s’attachera donc à faire partager leur expérience (appuyée par des exemples de mise en pratique des LL réussie dans d’autres secteurs, aux personnels de l’éducation dans leur ensemble) parmi lesquels enseignants, décisionnaires et spécialistes des technologies de l’information.

Open Source Schools est un projet qui doit durer deux ans et qui bénéficie du soutien de Becta. L’objectif étant qu’au terme de cette période la communauté comptera suffisamment de membres actifs pour qu’elle se suffise à elle-même.

Notre site se veut un site d’information objectif visant à montrer quels avantages les LL peuvent apporter à l’apprentissage, à l’enseignement et aux infrastructures scolaires. Notre projet consiste à développer et à soutenir une communauté de pratiques impliquant ceux qui utilisent déjà les LL, accueillant et apportant de l’aide aux nouveaux membres qui souhaitent découvrir le potentiel des LL.

Notre but est de créer un site Internet centré sur l’éducation et dont le contenu sera dicté par les besoins de la communauté – on y répondra aux questions, fournira des conseils sur mesure, ouvrira les perspectives, encouragera les contributions et les débats au sein de la communauté, et donnera les moyens à ceux qui le souhaitent de prendre des décisions en ayant toutes les cartes en main et de devenir des utilisateurs confiants des LL qui répondront à leurs besoins. Pour commencer, il s’agit de développer des ressources avec l’aide de défenseurs chevronnés des LL, en les encourageant à partager leur expérience avec les nouveaux membres désireux de s’initier aux logiciels libres.

Nous sommes là pour compléter des initiatives déjà existantes de la communauté du logiciel libre au sein des établissements scolaires et ailleurs. Nous mettons à disposition un annuaire de logiciels libres et fournisseurs de services dans le domaine des LL, ainsi que des cas d’études de mises en pratique réussies fournis par la communauté, en mettant l’accent sur les bénéfices concrets qu’apportent les LL aux établissements.

Bien qu’il existe déjà une grande quantité d’informations disponibles, le cœur de ce projet consiste à développer une communauté de pratique en ligne rassemblant ceux qui souhaitent découvrir les solutions qu’offrent les logiciels libres pour améliorer l’apprentissage et l’enseignement dans les écoles, et en faire profiter la vie des établissements.

Impressionnant non ? Surtout si l’on envisage ce site tout jeune comme une sorte de version 1.0 sujet à de futures améliorations mais surtout de futures collaborations. Le souci d’accueillir les nouveaux entrants est bien là, tout comme celui de le rendre autonome via une communauté à construire.

Du coup la participation des acteurs éducatifs (enseignants, administrateurs, techniciens) est clairement encouragée. D’abord en permettant à quiconque de commenter et de poster dans les forums sans inscription (et avec modération a posteriori) mais également en invitant les visiteurs à s’inscrire pour rejoindre l’équipe constituée, s’impliquer et bonifier eux-mêmes le site de leur propre contenu

En un mot comme en cent : c’est bien pensé tout ça, chapeau bas le Becta !

Sauf que inévitablement on en vient à se poser la question de la situation française. Comparaison n’est pas raison, mais y aurait-il chez nous quelque chose qui ait l’ambition de ressembler de près ou de loin à ce que nous proposent ici nos amis anglais ?

La réponse à cette question fera l’objet d’un prochain billet où, contrairement à l’habitude, nous irons au delà de simple constat alarmant pour être source de concrètes propositions…

Notes

[1] Crédit photo : Kifo (Creative Commons By-Sa)




L’informatique doit-elle rester un simple outil à l’école ?

Laihiu - CC byIl y a un réel débat actuellement qui traverse l’Éducation Nationale autour de la « culture informatique » à transmettre à nos enfants. Pour les uns, on donne une culture à travers l’utilisation des outils (savoir se servir de la messagerie, du traitement de texte…) et c’est ce qui est proposé actuellement, notamment avec le B2i. Pour les autres cela ne suffit pas et il faut un enseignement en tant que tel, comme il y a un cours de français ou de mathématiques. J’en suis,(même si après il convient de voir avec précision ce que l’on met dedans).

Jean-Pierre Archambault, que le monde du libre éducatif français connait bien, fait clairement partie lui aussi de la deuxième catégorie comme en témoignent les deux articles que nous avons choisi de reproduire ci-dessous[1].

Rappelons que Xavier Darcos a dans l’intervalle finalement reporté sa réforme du lycée. Le module informatique dont il est question dans ces deux articles se trouve donc lui aussi suspendu aux futures décisions.

L’acquisition par les lycéens des fondements de la science informatique…

URL d’origine : Médialog (décembre 2008)

Le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, a annoncé le 21 octobre dernier, lors d’un point d’étape sur la réforme du lycée, qu’un module « Informatique et société numérique » sera proposé en classe de seconde à la rentrée 2009. Nous nous félicitons de cette initiative qui correspond à un besoin profond de la société du XXIème siècle dans laquelle l’ordinateur, l’informatique et le numérique sont omniprésents.

L’informatique irrigue la vie quotidienne de tout un chacun. Elle modifie progressivement, et de manière irréversible, notre manière de poser et de résoudre les questions dans quasiment toutes les sciences expérimentales ou théoriques qui ne peuvent se concevoir aujourd’hui sans ordinateurs et réseaux. Juristes, architectes, écrivains, musiciens, stylistes, photographes, médecins, pour ne citer qu’eux, sont tout aussi concernés.

L’informatique s’invite également au Parlement. Ainsi, on s’en souvient, en 2006, la transposition de la directive européenne sur les Droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), suscitait des débats complexes dans lesquels exercice de la citoyenneté rimait avec technicité et culture scientifique. S’il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, ce fut sur fond d’interopérabilité, de DRM (Digital rights management), de code source… La question est posée des représentations mentales, des connaissances incontournables qui permettent d’être un citoyen à part entière.

Par ailleurs, il y a de plus en plus d’informatique dans la société, mais les entreprises ont du mal à recruter les informaticiens qualifiés dont elles ont besoin, et cela vaut pour l’ensemble des pays développés. Le Syntec, la chambre syndicale des sociétés de service en informatique et des éditeurs de logiciels, se plaint du manque d’attractivité chez les jeunes pour les métiers de l’informatique.

Il y a donc pour le système éducatif, au nom de ses missions traditionnelles, un enjeu fort de culture générale scientifique et technique qui passe par une discipline scolaire en tant que telle, en complémentarité avec l’informatique outil pédagogique, de plus en plus présente dans les autres disciplines.

Répondant à une commande du Recteur Jean-Paul de Gaudemar, qui pilote la mission sur la réforme du lycée, le groupe « Informatique et TIC » de l’ASTI (Fédération des Associations françaises des Sciences et Technologies de l’Information) et l’EPI (Enseignement public et informatique) ont élaboré, pour ce module « Informatique et société numérique », une proposition de programme qui se veut contribution constructive. Elle comprend de l’algorithmique et de la programmation, la représentation des informations, l’architecture des ordinateurs et des réseaux, et vise également à ce que les élèves aient une idée plus globale de ce qu’est l’informatique.

Un chantier institutionnel majeur s’ouvre qui vise l’acquisition par les lycéens des fondements de la science informatique au service de leur compréhension et de leur action dans la société numérique : une ardente obligation !

Maurice Nivat
membre correspondant de l’Académie des Sciences
Jean-Pierre Archambault
président de l’EPI

Culture informatique et culture numérique

URL d’origine : EPI (décembre 2008)


L’année 2008 se termine qui a vu l’EPI prendre de nombreuses et diverses initiatives en faveur d’un enseignement disciplinaire de l’informatique au lycée. Nous pouvons donc exprimer notre satisfaction de la création à la rentrée 2009 d’un module « informatique et société numérique » en classe de seconde. Cette décision, annoncée le 21 octobre dernier par le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, correspond aux exigences de la société dans laquelle nous vivons. Elle s’inscrit dans une vision globale de l’informatique éducative. L’enjeu est clair, conforme aux missions traditionnelles de l’École : former l’homme, le travailleur et le citoyen de la société numérique.

Sur le plan économique, le défi est majeur. Lors de la table ronde organisée par notre association à l’occasion du salon Educatice 2008, Gérard Berry a souligné la différence essentielle qui existe entre la « consommation » et la « création » d’informatique. Il a rappelé que, dans le monde, plus de 30 % de la R&D était consacré à l’informatique (la France est en deçà). Il a posé la question de savoir si notre pays se destinait à utiliser des produits conçus et réalisés par d’autres. Dans cette même table ronde, Gilles Dowek a rappelé que les sciences physiques étaient devenues une matière scolaire car elles sous-tendaient les réalisations de la société industrielle (mécanique, électricité…). Or le monde moderne « se numérise » à grands pas. Ce qui a valu, et vaut toujours pour la physique, vaut aujourd’hui pour l’informatique (et ses fondamentaux : algorithmique, programmation, théorie de l’information, architecture des matériels et réseaux). Lors du récent Forum Mondial du libre, Roberto Di Cosmo indiquait qu’« écrire un programme » et « bien écrire un programme » étaient deux choses fort différentes ! Or l’on sait que le lycée est à la fois un moment de la vie et un lieu où naissent bien des vocations…

Il est bien connu que nous avons toujours considéré qu’un enseignement de l’informatique en tant que tel était indispensable et complémentaire de l’utilisation de l’informatique dans les autres disciplines. L’informatique est objet d’enseignement et outil pédagogique, mais aussi facteur d’évolution des autres disciplines, dans leur « essence », leurs objets et leurs méthodes, comme dans les enseignements techniques et professionnels ou dans les sciences expérimentales avec la simulation. L’informatique est aussi bien sûr outil de travail personnel et collectif de la communauté éducative dans son ensemble, par exemple avec les ENT. Ces différents statuts loin de s’opposer se renforcent mutuellement.

La culture informatique, scientifique et technique, est une composante nécessaire de la culture numérique.

Le citoyen éclairé participe aux débats de société sur le nucléaire ou les OGM. Pour cela il dispose d’un appareillage conceptuel que les enseignements des sciences de la vie et de la terre et des sciences physiques lui ont donné. Dans la société numérique, il doit pouvoir intervenir pleinement dans des problématiques comme les « droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information » ou droits et libertés. Ce sont des domaines compliqués (interopérabilité, DRM, code source, adresse IP…), inaccessibles si l’on ne s’est pas approprié le noyau de connaissances stables et transmissibles qui sous-tendent la société numérique, si l’on ne s’en ait pas fabriqué une représentation mentale opérationnelle. Cela vaut également pour les usages des objets du quotidien qui intègrent de plus en plus des ordinateurs et de l’information numérique.

Répétons-le, en matière de formation solide et durable, la simple utilisation « spontanée » d’outils ne suffit pas. Il ne faut pas faire un sort particulier à l’informatique. Maîtriser sa langue maternelle, acquérir la culture mathématique nécessaire sont des processus longs où les élèves apprennent des notions que l’humanité a mis des siècles à élaborer. Les notions de lettre, mot ou nombre sont des abstractions difficiles pour un jeune enfant. Et pourtant… La culture scolaire au lycée est aussi faite de probabilités, de fonctions… et d’algorithmique, programmation, information, réseaux. Et, bien entendu, faut-il le répéter, la pédagogie impose de s’appuyer sur l’environnement des élèves, leurs pratiques du numérique, pour mieux les dépasser.

L’on entend parfois dire que, l’informatique ayant beaucoup changé en vingt ans, des concepts enseignés il y a vingt ans n’auraient plus cours aujourd’hui. Bizarre. Le monde bouge plus vite que les fondamentaux de la connaissance scolaire. C’est la nécessaire loi du genre. Le théorème de Pythagore est vieux de 25 siècles, ce qui n’empêche pas les collégiens d’encore l’étudier de nos jours ! Socrate et Platon n’ont pas été rendus caducs par Descartes et Kant. Molière est toujours très actuel car universel et « éternel ». La programmation est partie intégrante de l’informatique, moyen irremplaçable pour comprendre l’intelligence de la science informatique et outil pertinent pour les autres disciplines. Si elle s’enrichit en permanence, pour autant, du point de vue de la culture scolaire en classe de seconde, elle n’a pas vieilli.

L’EPI a été auditionnée par le groupe d’experts ministériel pour l’élaboration du module « Informatique et société numérique » pour la classe de seconde. La rencontre a donné lieu à des échanges riches et approfondis. L’EPI, association d’enseignants, se propose d’« accompagner », à sa manière et avec sa spécificité, la mise en œuvre du module de seconde. Avec l’objectif qu’il soit une « belle » réussite pérenne.

En attendant, bonnes fêtes de fin d’année à toutes et à tous.

Jean-Pierre Archambault
Président de l’EPI

Notes

[1] Crédit photo : Laihiu (Creative Commons By)




Ubuntu dans le New York Times

Stopped - CC bySamedi dernier Ubuntu a eu l’honneur d’apparaître dans les colonnes du très prestigieux et (encore) très diffusé journal américain New York Times, repris ensuite par le non moins prestigieux mais plus européen International Herald Tribune.

Il s’agissait avant tout de dresser le portrait de son charismatique et atypique père fondateur Mark Shuttleworth. Il n’en demeure pas moins qu’à travers ce prisme c’est non seulement la plus célèbre des distributions GNU/Linux mais également, nous semble-t-il, la communauté du libre dans son ensemble qui se trouve ainsi mise en lumière auprès d’un large public[1].

Dans la mesure où, au-delà de cette reconnaissance de principe, l’article nous a semblé intrinsèquement intéressant, nous avons mis nos plus fins limiers traducteurs sur le coup pour vous le proposer moins d’une semaine après sa parution.

Un bon samaritain du logiciel qui ne fait pas du Windows

A Software Populist Who Doesn’t Do Windows

Ashlee Vance – 10 janvier 2009 – The New York Times
(Traduction Framalang : Goofy et aKa)

On les considère soit comme de misérables casse-pieds soit comme ceux-là même qui pourraient causer la chute de Windows. À vous de choisir.

Au mois de décembre, des centaines de ces développeurs controversés de logiciels étaient rassemblés pour une semaine au quartier général de Google à Mountain View, en Californie. Ils venaient des quatre coins du globe, arborant beaucoup de signes de reconnaissance des mercenaires du code : jeans, queues de cheval, visages hirsutes aux yeux injectés de sang.

Mais au lieu de se préparer à vendre leur code au plus offrant, les développeurs ont conjugué leurs efforts généralement bénévoles pour essayer d’ébranler le système d’exploitation Windows de Microsoft qui équipe les ordinateurs personnels, et dont les ventes ont rapporté près de 17 milliards de dollars l’an dernier.

Le clou de la réunion était une chose appelée Ubuntu et un certain Mark Shuttleworth, le charismatique milliardaire sud-africain, qui tient lieu de chef spirituel et financier de cette tribu des codeurs.

Créé il y a maintenant tout juste quatre ans, Ubuntu (prononcez ou-BOUN-tou) s’est imposé comme la version du système d’exploitation pour Linux dont le développement a été le plus rapide et la notoriété la plus grande, il concurrence Windows avant tout par son très, très bas prix : 0 dollar.

On estime à plus de dix millions le nombre d’utilisateurs d’Ubuntu aujourd’hui, et ils représentent une sérieuse menace pour l’hégémonie de Microsoft dans les pays développés, peut-être même plus encore dans les contrées qui sont en train de rattraper la révolution technologique.

« Si nous réussissons, nous changerons complètement le marché du système d’exploitation,» a déclaré M. Shuttleworth pendant une pause au cours de la rencontre, le sommet des développeurs d’Ubuntu. « Microsoft devra s’adapter, et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. »

Linux est gratuit, mais il y a toujours moyen de gagner de l’argent pour les entreprises qui gravitent autour du système d’exploitation. Des firmes comme IBM, Hewlett-Packard et Dell installent Linux sur plus de 10% de leurs ordinateurs vendus comme serveurs, les entreprises paient les fabricants de matériel et de services informatiques comme les vendeurs de logiciels Red Hat et Oracle, pour régler tous les problèmes et tenir à jour leurs systèmes basés sur Linux.

Mais Canonical, l’entreprise de Mark Shuttleworth qui élabore Ubuntu, a décidé de se concentrer à court terme sur les PC utilisés au travail et par les gens chez eux.

Les partisans de l’Open Source caressent depuis longtemps le rêve de voir en Linux un puissant rival de Windows, et dans une moindre mesure de l’OS X pour Mac de Apple. Ils proclament haut et fort que les logiciels qui peuvent être librement modifiés par le plus grand nombre peuvent s’avérer moins chers et meilleurs que le code propriétaire produit par des entreprises boulimiques. Cependant, ils ont eu beau faire tout leur possible, les adeptes zélés de Linux n’ont pas réussi à provoquer un usage généralisé de Linux sur les ordinateurs de bureau et les portables. Cet excentrique objet qu’est le logiciel demeure la spécialité des geeks, pas celui des grands-mères.

Mais avec Ubuntu, croient les prosélytes, il se pourrait qu’il en aille autrement.

« Je pense qu’Ubuntu a attiré l’attention des gens sur l’ordinateur de bureau Linux, » a déclaré Chris DiBona, le patron du département des logiciels Open Source chez Google. « S’il existe un espoir pour l’ordinateur de bureau Linux, c’est d’Ubuntu qu’il viendra »

Près de la moitié des 20 000 employés de Google utilisent une version légèrement modifiée d’Ubuntu, plaisamment appelée Goobuntu.

Les gens qui feront connaissance avec Ubuntu pour la première fois le trouveront très proche de Windows. Le système d’exploitation propose une interface graphique agréable, avec des menus familiers et toute la gamme des applications habituelles d’un ordinateur : un navigateur Web, un client courriel, un logiciel de messagerie instantanée et une suite bureautique libre pour créer des documents, des feuilles de calcul et des présentations.

Bien que relativement facile à utiliser pour les familiers de la technologie numérique, Ubuntu – et toutes les autres versions de Linux – peut poser quelques problèmes à l’utilisateur moyen. Beaucoup d’applications créées pour Windows ne fonctionnent pas sous Linux, y compris les jeux les plus populaires et les logiciels de gestion financière, par exemple. Et les mises à jour de Linux peuvent provoquer quelques problèmes dans le système, affectant des fonctions de base comme l’affichage ou la gestion de la carte son.

Canonical a essayé de régler en douceur un grand nombre de problèmes qui empêchaient Linux d’atteindre le grand public. Cette attention portée aux détails dans une version de Linux pour ordinateur de bureau contraste vivement avec les préoccupations des grands distributeurs de systèmes d’exploitation comme Red Hat et Novell. Bien que ces entreprises produisent des versions pour ordinateur de bureau, elles passent le plus clair de leur temps à rechercher de juteux profits sur les serveurs et les centres de traitement des données. Résultat : Ubuntu est apparu comme une sorte de communauté rêvée pour tous ces développeurs de logiciel idéalistes qui se voient comme des acteurs d’une contre-culture.

« C’est tout à fait comparable à ce qu’ont réussi des firmes comme Apple et Google, c’est-à-dire constituer une communauté mais surtout une communauté de passionnés », a dit Ian Murdock, le créateur d’une version précédente de Linux appelée Debian, sur laquelle est bâti Ubuntu.

Les entreprises de technologie grand public ont pris bonne note de la vague d’enthousiasme autour d’Ubuntu. Dell a commencé à vendre des PC et des ordinateurs de bureau avec ce logiciel dès 2007, et IBM a commencé plus récemment à proposer Ubuntu en tête d’un lot d’applications qui rivalisent avec Windows.

Canonical, implanté à Londres, a plus de 200 employés à temps plein, mais sa force de travail entière s’étend bien au-delà, grâce à une armée de bénévoles. L’entreprise a invité à ses frais près de 60 d’entre eux à assister à une réunion de développeurs, en considérant qu’ils étaient des contributeurs importants du système d’exploitation. 1000 personnes travaillent sur le projet Debian et mettent leur logiciel à la disposition de Canonical, tandis que 5000 diffusent sur Internet les informations sur Ubuntu, et 38000 se sont enregistrés pour traduire le logiciel en diverses langues.

Lorsqu’une nouvelle version du système d’exploitation est disponible, les fans d’Ubuntu se ruent sur Internet, sur les sites Web souvent dépassés par les événements qui distribuent le logiciel. Et des centaines d’autres organisations, surtout des universités, aident également à la distribution.

La société de recherche en hautes technologies IDC estime que 11% des entreprises américaines utilisent des systèmes basés sur Ubuntu. Ceci dit, la majeure partie des adeptes d’Ubuntu est apparue en Europe, où l’hégémonie de Microsoft a dû subir un sévère contrôle politique et juridique.

Le ministère de l’éducation de Macédoine fait confiance à Ubuntu, et fournit 180000 copies du système d’exploitation aux écoliers, tandis que le système scolaire espagnol procure 195000 portables Ubuntu. En France, l’Assemblée Nationale et la Gendarmerie Nationale (un corps militaire chargé de missions de police) sont équipés ensemble de 80000 ordinateurs sous Ubuntu. « Le mot libre était très important », précise Rudy Salles (NdT : Difficile ici de savoir si il s’agit de « free » dans le sens de « libre » ou de « gratuit », sûrement un peu des deux), le vice-président de l’Assemblée, en observant que cet équipement a permis au corps législatif d’abandonner Microsoft.

Il ne fait aucun doute que la croissance rapide d’Ubuntu ait été aidée par l’enthousiasme qui a entouré Linux. Mais c’est M. Shuttleworth et son mode de vie décoiffant qui ont surtout suscité un intérêt dont bénéficie Ubuntu. Alors qu’il préfère se vêtir sans façons à la manière des développeurs, certaines de ses activités, notamment un voyage dans l’espace, sortent de l’ordinaire.

« Bon, j’ai une vie très privilégiée, d’accord… » dit M. Shuttleworth. « Je suis milliardaire, célibataire, ex-cosmonaute. La vie pourrait difficilement être plus belle pour moi. Être un fondu de Linux rétablit une sorte d’équilibre.»

M. Shuttleworth a commencé à fonder sa fortune juste après avoir obtenu un diplôme de commerce de l’Université du Cap en 1995. Il payait ses factures en gérant une petite entreprise de conseil en technologie, en installant des serveurs Linux pour que des compagnies puissent faire tourner leur site Web, et autres services de base. Son goût pour le commerce et ses connaissances acquises dans les technologies numériques l’ont incité à miser sur l’intérêt croissant de l’Internet. « Je suis plus un universitaire qu’un marchand de tapis prêt à tout pour faire des coups », dit-il. J’étais très intéressé par la façon dont Internet modifiait le commerce et j’étais résolu à aller plus loin encore.»

M. Shuttleworth décida de lancer en 1995 une entreprise appelée Thawte Consulting (NdT : à prononcer comme « thought » la pensée), qui proposait des certificats numériques, un système de sécurité utilisé par les navigateurs pour vérifier l’identité des entreprises de commerce en ligne. À l’âge de 23 ans, il rendit visite à Netscape pour promouvoir un standard généralisé de ces certificats. Netscape, qui était alors le navigateur Web dominant, prit une participation, et Microsoft, avec son navigateur Internet Explorer, en fit autant.

Quand la folie du point.com (NdT : La bulle internet) se déclencha, des entreprises se montrèrent intéressées par cette boîte implantée en Afrique du Sud qui faisait du profit. En 1999, VeriSign, qui gérait un grand nombre de services structurels pour Internet, acheta Thawte pour 575 millions de dollars. (M. Shuttleworth avait décliné une offre à 100 millions de dollars quelques mois plus tôt.) Comme il était le seul détenteur de la société Thawte, M. Shuttleworth, fils d’un chirurgien et d’une institutrice de jardin d’enfant, s’est retrouvé très riche à 26 ans à peine.

Alors que peut bien faire un millionaire fraîchement éclos ? M. Shuttleworth a regardé vers les étoiles. En versant une somme évaluée à 20 millions de dollars aux autorités russes, il s’est offert un voyage de 10 jours dans l’espace à bord de la station spatiale internationale Soyouz TM-34, en 2002, devenant ainsi le premier « afronaute », comme l’a appelé la presse. « Après la vente de la société, il ne s’agissait pas de se vautrer sur des yachts avec des bimbos » a-t-il dit. « Il était très clair que j’étais dans une situation exceptionnelle qui me permettait de choisir de faire des choses qui auraient été impossibles sans cette fortune. »

Dans les années qui ont suivi, M. Shuttleworth a soutenu des startups et des organisations humanitaires. Grâce à ses investissements aux États-Unis, en Afrique et en Europe, il dit avoir amassé une fortune de plus d’un milliard de dollars. Il passe 90% de son temps, cependant, à travailler pour Canonical, qu’il considère comme un autre projet destiné à reculer les limites du possible.

« Je me suis bien débrouillé dans mes investissements, dit-il, mais cela n’a jamais été pleinement satisfaisant. J’ai peur d’arriver à la fin de ma vie en ayant l’impression de n’avoir rien bâti de sérieux. Et réaliser quelque chose que les gens pensaient impossible est un défi excitant ».

Le modèle choisi par Canonical permet cependant difficilement d’en tirer économiquement profit.

Beaucoup de compagnies Open Source offrent gracieusement une version gratuite de leur logiciel avec quelques limitations, tout en vendant la version intégrale accompagnée des services additionnels qui assurent au produit sa mise à jour. Canonical offre tout, y compris son produit phare, et espère que quelques entreprises vont alors se tourner vers lui pour acheter des services comme la gestion de grands parcs de serveurs et d’ordinateurs, au lieu de gérer ça elles-mêmes avec des experts maison.

Canonical dispose d’une autre source de revenus avec des compagnies comme Dell qui vendent des ordinateurs avec Ubuntu installé, et qui contribuent au logiciel avec des projets technologiques tels que l’implantation de fonctions propres à Linux sur les portables. L’un dans l’autre, le chiffre d’affaires de Canonical doit s’approcher des 30 millions de dollars par an, selon M. Shuttleworth. Un chiffre qui n’a pas de quoi inquiéter Microsoft.

Mais M. Shuttleworth défend l’idée que 30 millions de dollars par an est un revenu qui se suffit à lui-même, juste ce dont il a besoin pour financer les mises à jour régulières d’Ubuntu. Et un système d’exploitation qui s’auto-finance, dit-il, pourrait bien changer la manière dont les gens perçoivent et utilisent le logiciel qu’il ont chaque jour sous les yeux.

« Sommes-nous en train de répandre la paix sur le monde ou de le changer radicalement ? Non », dit-il. « Mais nous pouvons faire évoluer les attentes des gens et le degré d’innovation qu’ils peuvent espérer pour chaque dollar dépensé. »

On estime que Microsoft emploie depuis 5 ans 10000 personnes sur Vista, son nouveau système d’exploitation pour ordinateur de bureau. Le résultat de cet investissement qui se chiffre en milliards de dollars est un produit arrivé trop tard sur le marché, et que les critiques ont descendu en flammes.

Dans le même temps, Canonical publie une nouvelle version d’Ubuntu tous les six mois, en ajoutant des fonctionnalités qui tirent parti des dernières avancées fournies par les développeurs et les fabricants de composants comme Intel. Le modèle de développement de la société c’est avoir une longueur d’avance sur Microsoft, à la fois sur les prix et sur des fonctions qui lui ouvrent de nouveaux marchés.

« Il est pour moi tout à fait clair que la démarche Open Source aboutit à de meilleurs résultats,» dit M. Shuttleworth. De tels propos venant d’un homme désireux de financer un logiciel pour les masses – et par les masses – confortent ceux qui voient dans l’Open Source plus une cause à défendre qu’un modèle économique.

Sur son temps libre, Agostino Russo par exemple, qui travaille à Londres pour un fonds d’investissement chez Moore Europe Capital Management, a conçu une application appelée Wubi qui permet d’installer Ubuntu sur des ordinateurs tournant sous Windows.

« J’ai toujours pensé que l’Open Source était un mouvement socio-économique très important » dit M. Russo.

Mais en fin de compte, plusieurs aspects de l’entreprise de M. Shuttleworth paraissent encore chimériques. Linux demeure mal dégrossi, et le modèle économique de Canonical le rapproche plus d’une organisation humanitaire que d’une entreprise en passe de devenir un poids lourd de l’édition logicielle. Et même si Ubuntu, produit Open Source, s’avère un succès phénoménal, le système d’exploitation sera largement utilisé pour tirer parti de services en ligne propriétaires proposés par Microsoft, Yahoo, Google et les autres.

« Mark est tout à fait sincère et il croit véritablement à l’Open Source » dit Matt Asay, un chroniqueur des technologies Open Source qui dirige la société de logiciels Alfresco. « Mais je pense qu’à un moment donné il va passer par une remise en question de son credo. » M. Asay se demande si Canonical pourra faire vivre durablement sa philosophie du « tout est offert » et « tout est ouvert ».

Canonical ne montre pourtant pas de signe avant-coureur de ralentissement ni d’inflexion de sa trajectoire. « Nous avons déjà une idée claire du terrain sur lequel il nous faut concurrencer Windows », dit M. Shuttleworth. « Maintenant la question est de pouvoir créer un produit élégant et épatant. »

Dans sa vie privée, il continue de tester tout ce qui est possible, demandant par exemple qu’une connexion par fibre optique soit installée chez lui, à la frontière des quartiers chics de Londres que sont Chelsea et Kensington. « Je veux savoir ce que ça fait d’avoir une connexion à un gigaoctet chez soi », dit-il. « Ce n’est pas que j’aie besoin de regarder du porno en haute définition mais parce que je veux voir en quoi ça modifie notre comportement. »

Il affirme que Canonical n’est pas simplement une entreprise de bienfaisance menée par un individu qui a du temps, de l’argent et la volonté de s’attaquer à Microsoft bille en tête. Son idéal est de faire d’Ubuntu le standard pour un ou deux milliards d’êtres humains qui vont bientôt s’acheter un ordinateur personnel.

Notes

[1] Crédit photo : Stopped (Creative Commons By)




Al Jazeera, Gaza et la plus libre des licences Creative Commons

BohPhoto - CC byÉvoquer le conflit à Gaza pour ne parler que de licences données à quelques unes de ses vidéos par une chaîne de télévision va peut-être vous choquer mais il n’en demeure pas moins que c’est une grande première dans le monde des grands médias. Il s’agit en l’occurrence de la chaîne Al Jazeera qui vient d’inaugurer un espace vidéo sous licence Creative Commons avec douze de ses récents reportages sur Gaza.

C’est intéressant parce que Al Jazeera est clairement ici la chaîne d’information la mieux à même de nous fournir des images. C’est également intéressant parce que le choix s’est porté sur la plus libre permissive des licences Creative Commons, à savoir la Creative Commons Attribution (ou Paternité) autorisant alors non seulement la diffusion mais également la modification et l’exploitation commerciale des vidéos en question (qui sont proposés au format Flash mais aussi dans un format en haute résolution). On peut bien entendu s’interroger sur ce qui pousse Al Jazeera à souhaiter que ses vidéos se diffusent ainsi largement mais le fait est que ce choix de licence est le meilleur moyen pour y arriver[1].

Al Jazeera inaugure un dépôt d’archives vidéos sous licence Creative Commons

Al Jazeera Launches Creative Commons Repository

Fred Benenson – 13 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

Al Jazeera vient de mettre en ligne douze vidéos de qualité radiodiffusion tournées à Gaza et placées sous la licence Creative Commons Attribution la moins restrictive. Chaque vidéo, enregistrée par des professionnels, est associée à une page de renseignements détaillée et hébergée sur blip.tv, permettant ainsi le téléchargement facile des fichiers originaux et leur intégration dans Miro. Pour se faire une meilleure idée de la valeur de ces images, voici un extrait d’article paru dans l’International Herald Tribune et le New York Times :

« Dans un conflit où il est presque impossible aux médias d’information occidentaux de tourner des reportages dans Gaza à cause des restrictions imposées par l’armée israélienne, Al Jazeera possède un avantage indéniable : elle se trouvait déjà sur place. »

Plus important encore, grâce aux choix d’une licence CC-BY permissive, tout un chacun peut réutiliser ces vidéos, y compris les chaînes concurrentes, les réalisateurs de documentaires et les blogueurs, à la condition d’indiquer qu’elles proviennent d’Al Jazeera.

Vous trouverez de plus amples renseignements sur le dépôt d’archives CC d’Al Jazeera, et dans notre communiqué de presse. Vous pouvez aussi ajouter le dépôt d’archives d’Al Jazeera à vos flux Miro en cliquant ici.

Notes

[1] Crédit photo : BohPhoto (Creative Commons By)




De l’évidence du choix Microsoft à l’Éducation Nationale

Outre la question des formats, le problème avec les sites de vidéos en ligne c’est qu’on ne sait jamais trop bien d’où provient la ressource et sous quelle licence est autorisée la diffusion (quand elle est autorisée !). Toujours est-il que je suis tombé sur une vidéo qui s’apparente fort à un reportage de promotion interne de Microsoft dans le secteur éducatif.

La société nous présente là en effet sa solution ENT-E dans le cadre des Espaces numériques de travail (ENT) qui commencent à se déployer un peu partout dans les académies.

Il y a aurait beaucoup à dire sur ces ENT, à commencer par rappeler qu’on en parle depuis plus de cinq ans, mais ce sera l’objet d’un futur billet. En attendait je vous laisse juge de la manière dont Sylvain Geron, Manager Éducation et Recherche chez Microsoft France, nous vend le sien :

Concrètement l’ENT-E c’est un portail web qui permet au chef d’établissement, à l’élève, à ses parents d’échanger entre eux des contenus. Par exemple le professeur peut mettre des contenus relatifs à un TP sur internet, l’élève peut les préparer depuis chez lui, peut poser des questions, le parent peut suivre le travail de l’élève, regarder ses notes… Le chef d’établissement peut faire des statistiques sur les notes ou vérifier les taux de présence des différents élèves dans l’établissement. Finalement l’ENT-E permet à toutes ses catégories de personnes de se retrouver ensemble autour de l’élève sur internet.

Puis une voix off qui tourne brillamment autour du pot du logiciel libre :

Microsoft propose aux collectivités territoriales une solution adaptée à leurs besoins grâce à un code spécifiquement développé pour créer un ENT. La preuve en est la mise à disposition gratuite de ce code spécifique, la possibilité de modification et de distribution dans les académies.

Et Sylvain Geron d’ajouter :

L’ENT-E s’appuie sous le code qui a été développé sur des briques de bases des produits Microsoft, et bien évidemment plus de gens utiliseront l’ENT-E plus les produits Microsoft sous-jacents seront utilisés.

Cela va sans dire mais cette franchise vous honore…

Mais ce qui a provoqué la rédaction de ce billet c’est l’ultime intervention que nous devons à Claudine Colomina, conseillère pour les TIC à l’académie de Montpellier, qui répondait visiblement à la question du choix Microsoft :

Pourquoi Microsoft ? Heu… Le problème ne s’est… on en a souvent discuté… le problème ne s’est absolument pas posé dans l’Académie. Il était évident que l’on voulait travailler sur des outils pérennes, sur du solide, que nous n’avions pas d’équipes de développement qui nous permettaient de travailler sur du libre par exemple, qu’il fallait un suivi dans toutes les activités, dans tout ce que l’on allait construire. Et il n’a jamais été question d’envisager un autre partenariat qu’avec Microsoft pour ce faire.

Et voici enfin la vidéo dont il est question dans tout ce billet :

Si un enseignant initié de Montpellier (ou d’ailleurs) passe par là, nous le remercions par avance des précisions qu’il pourrait apporter, parce que cette histoire « d’équipes de développement permettant ou non de travailler sur du libre » ne me semble pas très claire…

Edit du lundi 12 janvier : « L’initié » est bien intervenu en la personne de Benjamin Clerc qui précise dans les commentaires : « Je suis dans l’académie de Montpellier, chargé de mission à la Matice. Cette vidéo date … Mme Colomina est à la retraite depuis plus d’un an et c’est bien une solution libre qui a été retenue dans l’académie de Montpellier (en relation avec les académies de Bordeaux, Orléans et Lille), basée sur e-sup portal. »




En 2009 avec la Free Software Foundation

Angela7dreams - CC byCertains critiquent leur radicalité, d’autres les admirent pour cela. Quoi qu’il en soit, nous sommes de ceux qui pensent que la situation actuelle du logiciel libre doit beaucoup au travail de la Free Software Foundation et de son président Richard Stallman.

C’est pourquoi nous avons choisi de traduire et relayer leur récent appel à soutien dans un article qui en profite pour faire le point sur de nombreuses actions passées et à venir (DRM, Vista, formats OGG et ODF, brevets, matériels…) qui sont autant de témoignages du dynamisme et du volontarisme de la fondation[1].

La Grande offensive 2009 – Appel de la Free Software Foundation

The Big Push 2009 – Free Software Foundation Appeal

Peter T. Brown – 14 décembre 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Olivier)

Chers partisans du Logiciel Libre,

Notre communauté a accompli d’immenses avancées en créant des outils qui favorisent la communication et la liberté, et qui influent en profondeur sur la vie de tout un chacun. Le logiciel libre est devenu un modèle démontrant que notre société peut avancer de façon collaborative et, parmi ceux qui défendent ces idéaux, les membres de notre communauté sont à la pointe de la lutte.

La revendication, la diplomatie et l’éducation représentent une composante essentielle du travail qu’effectue la Free Software Foundation pour la communauté, mais afin d’ouvrir la voie à une adoption plus large du logiciel libre, notre œuvre doit aussi dépasser les frontières de cette seule communauté. Nous parvenons à toucher un public plus large grâce à des campagnes d’envergure touchant aux questions éthiques associées à nos préoccupations, telles que Defective by Design, campagne visant à faire disparaître les DRM, qui a eu une grande portée sur la perception qu’a le public des verrous numériques appliqués à la musique, aux jeux, aux livres électroniques et aux vidéos. Par ailleurs, tandis qu’applications Internet et autres services en ligne gagnent en popularité et en commodité, nous œuvrons pour qu’on n’impose pas aux utilisateurs de l’outil informatique d’abandonner leur liberté afin d’en bénéficier. La publication de notre licence GNU Affero General Public Licence (AGPL) et les pourparlers que nous menons actuellement avec le groupe autonomo.us constituent des fondations solides pour aborder cette question et aider la communauté à développer davantage d’alternatives libres pour le bien de la société.

La communauté du logiciel libre doit aujourd’hui se pencher sur de nombreuses problématiques : votre employeur ou votre établissement scolaire exige-t-il de vous que vous utilisiez des logiciels Microsoft ? Exige-t-on de vous l’utilisation de formats propriétaires lors de vos échanges avec votre banque ou certaines administrations ? Forme-t-on vos enfants à l’utilisation de produits Microsoft ou Apple au lieu de leur apprendre à avoir le contrôle de leur ordinateur ?

En tant que défenseurs du logiciel libre, nous pouvons bousculer ce statu quo et contester l’argument fallacieux voulant qu’il soit plus commode d’utiliser les outils intrusifs des entreprises de logiciel propriétaire, car nos chances d’obtenir de grands changements n’ont jamais été meilleures :

La Free Software Foundation, dans le cadre de sa campagne End Software Patents (ESP) (NdT : Non aux brevets logiciels) a remis un dossier d’amicus curiae à la cour d’appel du Tribunal Fédéral des États-Unis (CAFC) lors de son audience en banc dans l’affaire Bilski, au terme de laquelle le jugement Bilski a battu en brèche, voire rendu techniquement nul, le jugement State Street qui en 1998 avait ouvert les vannes de la brevetabilité des logiciels et des idées commerciales. Les légions de brevets logiciels utilisés pour menacer les développeurs qui écrivent des logiciels destinés aux distributions GNU/Linux fonctionnant sur les ordinateurs personnels ont, en théorie, été balayées. Le jugement Bilski représente sans nul doute une percée capitale pour le logiciel libre et une victoire pour notre campagne, et grâce à ce jugement nous sommes en mesure de réduire les menaces auxquelles sont confrontées les institutions qui envisagent de passer au logiciel libre.

Des distributions 100% libres, telle la distribution gNewSense, soutenue par la FSF, sont désormais opérationnelles, ce qui semblait hors d’atteinte il y a quelques années à peine. Grâce au travail que nous avons accompli en 2008 auprès de SGI, on peut enfin bénéficier de l’accélération graphique 3D avec des logiciels libres et gNewSense.

Après la mise à jour de notre liste de projets prioritaires, il ressort que le nombre de logiciels propriétaires pour lesquels il n’existe pour l’instant pas de solution de remplacement libre et pour lesquels les utilisateurs estiment qu’on leur force la main se réduit. Une nouvelle preuve si elle était nécessaire que nous attaquons ce problème sur tous les fronts.

Des fabricants de matériel favorables au logiciel libre nous ont offert le premier smartphone sous logiciel libre, le Neo FreeRunner. Le projet OLPC, quant à lui, a débouché sur la création du premier ordinateur portable tournant sous logiciel libre, le XO, lequel a rapidement crée un marché pour les ultraportables à bas prix, marché sur lequel les contraintes économiques ont fait de GNU/Linux une solution incontournable. Depuis quelques mois, les administrateurs système de la FSF travaillent sur le prochain portable Lemote, machine adaptée aux logiciels libres qu’utilise Richard Stallman et qui, nous l’espérons, sera bientôt largement disponible dans le commerce. La possibilité d’acheter du matériel adapté au logiciel libre n’a jamais été aussi grande.

La FSF ne cesse de mener des campagnes pour promouvoir les formats et les standards libres et ouverts. Notre campagne en faveur des codecs audio et vidéo libres porte ses fruits, et le navigateur de Mozilla, Firefox, prendra bientôt nativement en charge le format Ogg, nous offrant ainsi une possibilité sans précédent de promouvoir les codecs libres. Notre action en association avec de nombreux partenaires en faveur du format OpenDocument (ODF) et contre l’OOXML de Microsoft a été couronnée de succès, de nombreux pays ayant adopté des politiques pro-ODF.

Nous avons fêté en 2008 le 25ème anniversaire du projet GNU, avec une vidéo du comédien britannique Stephen Fry qui a fait un tabac. Stephen Fry y fournit un rappel salutaire de notre conception alternative de la technologie, selon laquelle on ne troque pas sa liberté contre une certaine commodité mais on soutient au contraire le développement d’outils qui rendent la société meilleure. Plus d’un million de personnes ont visionné ce film, traduit en 32 langues.

Mises bout à bout, ces percées sont importantes car elles nous donnent l’occasion d’écarter les arguments de ceux qui avancent un soi-disant côté pratique pour promouvoir les outils intrusifs des sociétés à visées monopolistiques, et de soulever des questions vitales auprès de nos employeurs. Pourquoi utilisons-nous ce logiciel propriétaire qui nous rend dépendants de cette entreprise alors que nous pourrions utiliser des logiciels libres qui nous rendraient la maîtrise de nos outils ? Ces avancées nous permettent d’exiger des administrations qu’elles fonctionnent avec des outils ouverts. Pourquoi les administrations de mon pays me forcent-elles à acquérir le logiciel d’une entreprise commerciale alors qu’il existe des formats ouverts fonctionnant avec des logiciels libres ? Et pourquoi tel ou tel établissement scolaire accepte-t-il qu’une entreprise commerciale lui offre des logiciels propriétaires qui mettent des chaînes à l’éducation de mes enfants au lieu d’utiliser des logiciels libres qui leur donneraient la possibilité d’avoir la maîtrise de la technologie dont ils se servent pour apprendre ?

Soutenez dès à présent notre grande offensive pour porter ces questions au premier plan en 2009.
Devenez membre ou faites un don.

Cordialement,

Peter T. Brown
Directeur exécutif de la Free Software Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Angela7dreams (Creative Commons By)




Largage de liens en vrac #10

ClickFlashPhotos - CC byPremier largage 2009 qui, de l’aveu même de son auteur, n’est pas forcément un grand cru quand bien même vous soyez tout de même susceptible d’y trouver chaussure à votre pied si vous n’êtes pas trop difficile en ce début d’année qui le sera d’après les experts[1].

  • Myst OnLine : Uru – Live : La sage Myst fut un jeu mythique de la fin du siècle dernier. Sa version en ligne passe en Open Source d’abord parce que le projet est un échec commercial mais aussi pour voir si la communauté réussira à s’organiser pour ne pas le laisser mourir et le faire renaître de ses cendres.
  • sIFR lite : sIFR est un JavaScript permettant l’affichage de n’importe quelle typographie sur son site via le plugin Flash. Cette version allégée et simplifiée pour séduire certains webmasters pressés.
  • Lilina : Un joli aggrégateur de flux RSS en ligne qui marche sur les plate-bandes de Google Reader.
  • Greenshot : Un logiciel pour faire de la copie d’écran sous Windows.
  • FireTorrent : Une extension qui permet d’intégrer à Firefox toute la gestion des téléchargements de fichiers bittorrents. Vous n’avez alors plus à vous munir d’un client bittorrent pour partager vos fichiers.
  • Dictionnaire Le Littré : Le grand dictionnaire de la langue française d’Émile Littré accessible directement que l’on soit sous Windows, Mac ou Linux.
  • Agile Carousel : Un très esthétique plugin jQuery permettant de faire défiler des images dans une page web.
  • Ketarin : Un soft permettant de surveiller les mises à jour de vos logiciels en ligne (directement ou via le site FileHippo). Il y a un exemple avec CDBurnerXP mais sincèrement j’ai pas tout compris donc si quelqu’un veut ajouter quelques précisions dans les commentaires, il est le bienvenu !
  • Numpty Physics : Un jeu qui s’inspire du jeu vraiment sympa Crayons Physics (voir la vidéo en accueil pour bien comprendre comme ça marche) en utilisant le moteur 2D libre Box2D engine (pour la version compilée Windows c’est directement ici).
  • WindowsPager : Windows n’a pas, comme Linux, la possibilité de gérer plusieurs bureaux virtuels, heureusement que WindowsPager est là pour combler le trou.
  • OpenSource FLV Player : Comme son nom l’indique, tout petit lecteur libre de vidéo au format Flash.
  • VortexBox : D’après le site LifeHacker, VortexBox transforme vos vieux PC en jukebox (c’est-à-dire serveur) musical.
  • Browser Security Handbook : Signalons enfin ce guide très complet réalisé par Google (et sous licence libre Creative Commons By-Sa) sur les problèmes de sécurité et de respect des standards des navigateurs web (pour résumé ce sont globalement Firefox et Chrome qui arrivent en tête, sauf que Google est un peu juge et partie sur ce coup-là).

Notes

[1] Crédit photo : ClickFlashPhotos (Creative Commons By)




Quand l’album de Nine Inch Nails bouscule toute l’industrie musicale

Notsogoodphotography - CC byOn risque d’en parler longtemps. Imaginez-vous en effet un album de musique sous licence Creative Commons, disponible gratuitement et légalement sur tous les sites de partage de fichiers, et qui arrive pourtant en tête de meilleurs ventes 2008 sur la très fréquentée plate-forme de vente en ligne Amazon !

Voilà une nouvelle qui fait du bien et qui va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues véhiculées notamment par certaines pontes de l’industrie culturelle (et leurs amis politiques). Une véritable petite bombe en fait, surtout en temps de crise. Les mentalités et les comportements évoluent et cela bénéficie indirectement aux logiciels libres qui sont « gratuits » ou « payants » selon que vous décidez ou non de soutenir le logiciel libre considéré[1].

Nine Inch Nails : l’album MP3 sous licence Creative Commons s’est vendu comme des petits pains

NIN’s CC-Licensed Best-Selling MP3 Album

Fred Benenson – 5 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

L’album de Nine Inch Nails (NIN) diffusé sous licence Creative Commons, Ghosts I-IV, a fait un bon nombre de gros titres.

Pour commencer, l’opus a été salué par la critique et récompensé par deux nominations aux Grammy Awards, ce qui atteste la qualité musicale de cette œuvre. Mais ce qui nous emballe vraiment, c’est le formidable accueil qu’a reçu cet album chez les adeptes de musique. En plus d’avoir généré plus d’un 1,6 million de dollars de gains pour Nine Inch Nails dès la première semaine et d’avoir atteint la première place du classement de Billboard dans la catégorie musique électronique, Ghosts I-IV figure à la quatrième place des albums les plus écoutés de 2008 sur Last.fm, fort de 5 222 525 écoutes.

Mais le plus enthousiasmant, c’est que Ghosts I-IV a été l’album MP3 le plus vendu en 2008 sur la plateforme de téléchargements de MP3 d’Amazon.

Songez un peu à ce que ça signifie.

Les fans de NIN auraient pu utiliser n’importe quel réseau de partage de fichiers pour télécharger légalement l’album entier, puisqu’il est sous licence Creative Commons BY-NC-SA. Beaucoup l’on d’ailleurs fait, et des milliers continueront à le faire. Alors pourquoi les fans prendraient-ils la peine de payer des fichiers identiques à ceux qui sont disponibles sur les réseaux P2P ? On peut d’abord l’expliquer la facilité d’accès et d’utilisation des pages de téléchargements de NIN et d’Amazon. Mais il y a aussi le fait que les fans ont compris qu’acheter des fichers MP3 allait directement profiter à la musique et à la carrière d’un groupe qu’ils apprécient.

La prochaine fois qu’on tentera de vous convaincre que produire de la musique sous licence Creative Commons entamerait les ventes de musique numérique, souvenez-vous que Ghosts I-IV a prouvé le contraire, et soumettez cet article à votre interlocuteur.

Notes

[1] Crédit photo : Notsogoodphotography (Creative Commons By)