Comment créer un livre électronique au format ePub avec LibreOffice

Nous sommes de plus en plus nombreux à lire des e-books au format ePub sur nos tablettes, smartphones et liseuses.

L’article ci-dessous propose une méthode simple et linéaire pour créer des fichiers au format ePub à partir du traitement de texte de LibreOffice et d’une extension dédiée.

Garantie 100 % pur libre !

Remarque : Si vous avez une autre méthode, toujours libre bien entendu, ne pas hésiter à nous la faire partager dans les commentaires.

Note : cet article est obsolète, LibreOffice produit désormais des epubs nativement : https://help.libreoffice.org/latest/fr/text/shared/01/ref_epub_export.html

 

 

ActuaLitté - CC by-sa

 

Comment créer un eBook à la sauce libre

How to create an eBook the open source way

Bryan Behrenshausen – 6 août 2013 – OpenSource.com

(Traduction : Asta, Paul, Penguin, Manolo, Garburst, P3ter, Floxy, Achille, Cyb, Moosh, brandelune, GregR, Scailyna, Pxl_Ctzn, M0tty)

Les lecteurs attentifs auront remarqué que nous avons commencé à publier nos e-books « Open Voices » au format ePub. Désormais, quelques-uns de nos meilleurs essais et interviews sont disponibles sous la forme de fichiers légers et portables, et peuvent être lus sur n’importe quel appareil de lecture électronique supportant ce format ouvert.

Et qui de mieux pour se charger de la tâche de convertir notre bibliothèque que votre amical stagiaire d’OpenSource.com ? L’été dernier, j’ai amélioré ce que je considère comme une méthode simple et fiable pour créer des e-books à la manière open source. J’aimerais aujourd’hui la partager.

Notre tâche

Ce guide détaille une méthode de création de livres numériques (« e-books ») dans le format ePub, en utilisant des outils libres disponibles sur la plupart des systèmes d’exploitation. Ce format international de publication numérique est devenu un standard et est supporté par la plupart des liseuses (hormis le Kindle – désolé pour les fans d’Amazon). Mais, plus important encore, proposer un livre numérique au format ePub garantit que de nombreuses boutiques et plate-formes de publication d’eBook pourront l’héberger et le distribuer.

La méthode que j’expose ici est le reflet de deux désirs : créer des e-books libres dans des formats ouverts en utilisant des outils libres, et éviter toute complication inutile en utilisant le moins d’outils possible. Au final, ce guide décrit une procédure assez spécifique permettant de recueillir et de mettre en forme un contenu au format ouvert OpenDocument et le transformer ensuite en un livre numérique au format ePub.

Vous aurez besoin

Juste un mot avant de commencer. Je n’aurais pas pu accomplir ce travail si rapidement et si facilement sans l’aide de Scott Nesbitt, l’éditeur et écrivain d’Auckland qui est un des piliers d’OpenSource.com. Lorsque j’ai commencé à imaginer la manière de réaliser ce projet, j’ai lu (plusieurs fois), de nombreux tutoriels remarquables de Scott sur les e-books qui se sont avérés d’une immense aide. Tout projet libre digne de ce nom se doit de reconnaître ses dettes. J’exprime ici à Scott toute ma gratitude.

Très bien. Allons-y.

Préparez le contenu

Tout d’abord, votre e-book a besoin d’un contenu.

Vous devez créer un contenu nouveau pour votre projet d’e-book. Ou bien reprendre un contenu que vous avez déjà publié sur un blog. Dans les deux cas, LibreOffice est l’outil idéal.

La manière dont vous importez votre contenu importe peu, mais vous ne devez pas oublier un point crucial : vous devez utiliser des styles pour mettre en forme votre document. Ces « styles » sont bien plus qu’un choix de police ou d’interligne : il s’agit de déclarations définissant la structure logique et significative de votre document (pour plus d’information sur ce sujet, renseignez-vous sur ce qu’est le « marquage sémantique »).

Certains pourraient penser qu’utiliser un traitement de texte pour créer un livre électronique est un peu fantaisiste, mais ils oublient une chose : les traitements de texte sont faits pour réaliser des mises en forme rapides et efficaces. Malheureusement, la plupart des utilisateurs n’apprennent jamais à utiliser correctement un logiciel de traitement de texte, et appliquent au petit bonheur un formatage de texte à des éléments individuels (comme la police de caractère ou la couleur du texte). Si vous êtes l’un d’eux (j’en étais), alors vous devriez vous rendre un merveilleux service en étudiant les tutoriels pour LibreOffce d’Ahuka disponibles sur le site Hacker Public Radio.

Appliquez les styles

Dans LibreOffice, appuyez sur F11 pour faire apparaître la fenêtre « Styles et formatage ». Quand cette fenêtre sera visible, elle exposera les différents styles utilisés dans votre document. Pour faire un fichier ePub, vous devez attribuer au minimum les éléments suivants :

  • Titres. Le titre du livre et ceux de ses principaux chapitres doivent se voir appliquer le style « Titre 1 ». Toutes les sections de chapitre doivent utiliser le style « Titre 2 ». Pour les sous-sections, choisissez « Titre 3 ». Bien que LibreOffice autorise plus de neuf niveaux de styles de titre, vous devriez éviter d’en utiliser plus de trois. La majorité des logiciels de conception d’ePub ne savent reconnaître que ces trois niveaux.
  • Corps du texte. Le texte de votre livre doit se voir appliquer le style « Corps de texte » dans LibreOffice.
  • Texte à indentation fixe. Certaines parties du texte — par exemple du code informatique — doivent être formatées pour conserver les espaces. Ces parties doivent utiliser « Texte préformaté ».
  • Citations étendues. Certains blocs de texte sont des citations. Ils doivent utiliser le style « Citation ».

Aucun élément de votre fichier OpenDocument ne doit être laissé non structuré. Vérifiez que chaque titre, citation et paragraphe est clairement identifié comme tel. En bonus : si vous copiez depuis une source dont l’édition a déjà été réalisée — telle une page web — LibreOffice devrait reconnaître les styles depuis le document source et les appliquer dans votre document cible.

Oubliez les polices de caractères.

Ne vous souciez pas de l’aspect des éléments de votre document. Passer tout votre après-midi à trouver la police de caractère parfaite pour les titres de chapitres, c’est gaspiller votre temps. Les fichiers ePub contiennent des règles de style écrites en langage CSS ; ces règles sont conçues pour permettre aux liseuses électroniques d’appliquer leurs propres préférences aux livres et aux lecteurs de spécifier les tailles et styles de police de leur choix.

En bref, l’aspect de votre document ne sera pas aussi important que la manière dont il a été structuré. Assurez-vous que chaque élément dans votre OpenDocument a été étiqueté, mais ne vous inquiétez pas des choses comme les marges.

Quand vous avez fini de mettre tout votre contenu dans LibreOffice, enregistrez votre travail (cela va sans dire mais ça va mieux en le disant).

Éditez le contenu

Avant de générer votre livre numérique, il n’est jamais inutile de le passer en revue. Vos lecteurs apprécieront bien sûr une relecture attentive, mais c’est aussi votre logiciel qui vous récompensera pour le temps consacré à mettre bon ordre dans les balises.

Méfiez-vous de l’invisible

Dans LibreOffice, la combinaison Ctrl+F10 permet d’afficher les « caractères invisibles » (caractères non imprimables). Ces caractères sont simplement les indicateurs invisibles utilisés par le traitement de texte pour mettre en forme le texte. En activant cette fonctionnalité, vous devenez capable de traquer le moindre espace, coupure ou retour à la ligne qui pourrait s’être glissé dans votre document.

Supprimez tous ceux qui ne sont pas nécessaires comme une espace à la fin de la dernière phrase d’un paragraphe ou un paragraphe vide au milieu de deux « morceaux » de texte. Votre fichier ePub doit être le plus propre possible, non seulement pour être beau, mais aussi pour que la conversion OpenDocument vers ePub se déroule correctement.

À cette étape, soyez sûr d’enregistrer votre travail (oui, je sais, je me répète).

Générez votre ePub

Nous sommes maintenant prêts à générer un fichier ePub depuis la source OpenDocument. Grâce à la très pratique extension Writer2ePub pour LibreOffice, c’est un jeu d’enfant.

Téléchargez et installez Writer2ePub en cliquant sur le lien de téléchargement approprié disponible sur la page du projet. Si l’extension s’enregistre sur votre ordinateur, double-cliquez sur le paquet téléchargé et Writer devrait faire pour vous le travail de configuration du plugin.

Si Writer2ePub a été correctement installé, LibreOffice affiche la barre d’outils ePub. Comme elle ne compte que trois boutons, la repérer n’est pas facile : ouvrez l’œil !

Tout d’abord, cliquez sur le bouton bleu pour saisir les métadonnées de votre e-book. Le faire est plus qu’important : c’est indispensable ! À tel point que Writer2ePub ne vous permettra pas d’y échapper. Vous devez fournir au minimum :

  • Un nom d’auteur ;
  • Le titre du livre ;
  • La langue du livre.

Vous pouvez aussi ajouter une couverture à votre livre. Par défaut, Writer2ePub recherche des images dans votre document et crée une couverture à partir de la première qu’il trouve. L’extension n’apprécie pas vraiment que vous lui demandiez de faire cela alors que votre livre ne contient aucune image. Veillez par conséquent à sélectionner « No Cover » (Pas de couverture) pour éviter des erreurs de ce type.

Quand vous êtes satisfait de vos réglages, cliquez sur OK, puis enregistrez votre OpenDocument.

Pour finir, appuyez sur le bouton vert dans la barre d’outils Writer2ePub et regardez ce magnifique plugin faire ce qu’il a à faire, c’est-à-dire la conversion.

Inspectez votre ePub

Writer2ePub va prendre le contrôle de LibreOffice et va commencer à convertir votre OpenDocument en fichier ePub. Naturellement, le temps nécessaire pour le faire dépend de la longueur de votre livre et du nombre d’images qu’il contient.

Lorsque cela est terminé, recherchez le dossier qui contient votre fichier source OpenDocument. À côté de lui devrait se trouver un nouvel ePub avec le même nom de fichier.

Ouvrez ce fichier avec le lecteur d’ePub de votre choix. La plupart des gens apprécient FBReader, qui est disponible sous Windows, OS X, Linux et Android. Vous pourriez aussi envisager d’installer votre lecteur d’ePub comme une extension de navigateur Web (à l’aide, par exemple, du bien nommé EPUBReader dans Firefox). Cela vous permet d’ouvrir sur Internet des liens vers des fichiers ePub sans changer d’application.

Vous allez maintenant inspecter soigneusement votre e-book. Assurez-vous de vérifier :

  • Sa table des matières (est-elle complète ? tous les titres sont-ils correctement ordonnés ?)
  • Ses chapitres et intitulés (leur hiérarchie est-elle correctement conservée ? l’usage des majuscules est-il cohérent ?)
  • Ses hyperliens (amènent-ils à l’endroit attendu et fonctionnent-ils correctement ?)

J’ai remarqué que l’extension Writer2ePub provoque parfois des erreurs lorsqu’elle a affaire à des liens hypertextes anormalement longs ou à des liens vers des fichiers autres que HTML (comme des PDF). J’ai aussi observé que l’extension éprouve des difficultés à gérer les chapitres ou sections se terminant par une liste numérotée ou à puces. Dans ce cas, insérez un paragraphe à la fin de la liste pour éviter tout souci ultérieur.

Dernière étape

Vous avez désormais entre les mains un livre numérique produit à la façon de l’open source, c’est-à-dire avec des outils libres dans un format ouvert. Désormais, vous pouvez par exemple :

Crédit photo : ActuaLitté (Creative Commons By-Sa)




Emmabuntüs est plus qu’une distribution GNU/Linux

En janvier 2011 nous réalisions une interview intitulée Ne pas subir, toujours agir ! Rencontre avec Patrick d’Emmaüs.

Près de 3 ans plus tard, il nous a semblé intéressant de prendre des nouvelles du projet qu’il porte tant son histoire et son évolution nous semblent exemplaires.

Cette interview a été initialement publiée en anglais le 24 septembre 2013 sur Linux notes from DarkDuck sous le titre « Patrick d’Emmabuntüs: Emmabuntüs is more than a Linux distribution ».

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Entretien avec Patrick d’Emmabuntüs

1. Bonjour Patrick. Je pense que vous n’êtes pas encore connu dans le monde Linux. Pourriez-vous vous présenter ?

Je suis Patrick d’Emmabuntüs et je suis venu dans le monde Linux par hasard en voulant aider pour le reconditionnement d’ordinateurs la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance (Communauté de naissance du Mouvement Emmaüs en 1949), à la suite de cela j’ai participé à la création du Collectif Emmabuntüs qui œuvre à la promotion de la distribution Linux Emmabuntüs.

2. Vous travaillez sur le projet Emmabuntüs. Késako ?

Cette distribution a été conçue pour faciliter le reconditionnement des ordinateurs donnés aux associations humanitaires, en particulier aux communautés Emmaüs (d’où son nom) et favoriser la découverte de Linux par les débutants, mais aussi prolonger la durée de vie du matériel pour limiter le gaspillage entraîné par la surconsommation de matières premières(*).

3. Quel âge a le projet ?

En mai 2010, j’ai participé en tant que bénévole au reconditionnement d’ordinateurs au sein de la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance. En voyant l’ampleur du travail nécessaire pour remettre en état des ordinateurs de façon manuelle, j’ai commencé à développer un ensemble de scripts pour automatiser cette tâche sous Windows XP, afin de ne pas altérer la licence initiale.

Par la suite, constatant que de nombreuses machines étaient données sans disque dur, j’ai eu l’idée de faire un script pour installer cet ensemble de logiciels Libres ainsi que le Dock sur une distribution Linux Ubuntu 10.04, en reprenant les idées de base utilisées pour la réalisation du reconditionnement des machines sous Windows XP.

J’ai alors présenté ce travail lors de l’Ubuntu-Party 10.10 de Paris (Octobre 2010), afin de sensibiliser d’autres personnes à la nécessité :

  • de développer et promouvoir une distribution Libre adaptée au reconditionnement de machines dans les communautés Emmaüs de la région parisienne,
  • d’aider ces communautés à remettre en état et à vendre des machines pour un public majoritairement débutant qui ne connaît pas les distributions Linux.

Lors de cette Ubuntu-Party j’ai eu la chance de rencontrer Gérard et Hervé, qui m’ont convaincu de créer une ISO pour installer la distribution sans connexion Internet, puis Quentin de Framasoft a proposé de faire une interview pour présenter le travail réalisé sur le Framablog, en janvier 2011. Après cette interview le noyau qui allait former le Collectif Emmabuntüs a été rejoint par David qui a aidé à diffuser cette ISO sur Sourceforge et, à partir de mars 2011, par Morgan pour la diffusion sur Freetorrent.

La première version d’Emmabuntüs a été mise en ligne le 29 mars 2011, elle était basée sur une Ubuntu 10.04.

4. Quels sont les buts principaux de votre projet ? Quelle est la cible de ceux-ci ?

Le but que nous poursuivons est la mise en place de structures d’aide au reconditionnement de machines pour les associations humanitaires et d’inciter d’autres personnes à suivre notre démarche pour permettre de lutter contre les trois fléaux suivants :

  • La pauvreté au sein de certaines couches de la population, par l’apport de nouvelles sources de revenus à des associations humanitaires grâce à la revente de ces machines.
  • La fracture numérique en France et dans le monde, en particulier en Afrique, par la diffusion d’une distribution complétée de données libres.

5. Combien avez-vous de membres dans votre équipe ?

C’est difficile de dire exactement combien de personnes composent le collectif Emmabuntüs, car ce n’est pas une association ou il y a une cotisation à verser, et dans ce cas il suffit de comptabiliser le nombres adhérents. Ce que nous pouvons dire, c’est qu’il y a plus de 50 personnes dans notre mailling-list, et que depuis cette année nous avons énormément de partenariat informel avec des associations dans les domaines suivants :

Et surtout notre collaboration avec le projet Jerry DIT (Jerry est un ordinateur assemblé dans un bidon en plastique avec des composants informatiques de récupération), qui a choisi depuis un an Emmabuntüs comme distribution favorite sur la version du Jerry Desktop, puis aussi le travail accompli sur une base Emmabuntüs par le JerryClan Côte d’Ivoire.

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Le Jerry Clan Côte d’Ivoire a développé sur une base Jerry et Emmabuntüs 2 un ensemble de services destinés à l’aide médicale. Ce service est basé sur une application mobile libre de suivi par SMS des malades de la tuberculose, ainsi que sur M-Pregnancy pour le suivi des grossesses et des femmes enceintes, voir cette vidéo en français qui présente le dernier Jerry-Marathon à Bouaké.

6. Quelles sont les différences entre Emmabuntüs et les autres variantes d’Ubuntu Pinguy, Zorin, Mint ?

La grande particularité de cette distribution est qu’elle se veut « simple, ouverte, et équitable » : simple pour l’installation et l’utilisation, ouverte pour échanger des données avec des systèmes ayant des formats propriétaires, équitable dans le choix de l’installation ou non des formats propriétaires, mais c’est aussi une allusion à la raison de la naissance de cette distribution : l’aide aux communautés Emmaüs. Des blogueurs indépendants ont traduit cela en parlant d’Emmabuntüs 2 : « El Xubuntu humanitario », « All-Inclusive French Resort », « Multifunktional Kompakter Allrounder für ältere Computer » ou bien « Emmabuntüs 2 pour tous et pour tout faire ».

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Voici en détail les particularités de cette distribution ?:

  • Utilisation des versions stables pour bénéficier des mises à jour pendant le plus longtemps possible. Depuis le début, nous avons utilisé les versions LTS des variantes d’Ubuntu (Ubuntu 10.04, Lubuntu 10.04, et maintenant Xubuntu 12.04). Cela ne veut pas dire que ce sera toujours le cas, bien que nous apprécions particulièrement Ubuntu.
  • Utilisation d’un dock (Cairo-Dock) pour rendre l’utilisation plus simple en particulier pour la très chère Madame Michu. En un mot, l’accessibilité est un critère important dans les choix qui composent la distribution Emmabuntüs. Cela nous oblige à inclure parfois des applications non libres comme le sulfureux Skype, et Flash. Nous préférons ne pas rester sur une position idéologique et les intégrer plutôt que risquer de décevoir des personnes habituées à utiliser ces logiciels non libres. Elles ne comprendraient pas que le monde des logiciels Libres soit plus contraignant qu’un monde dit privé ou privateur. Ces logiciels non libres sont inclus dans l’ISO et sont installables par l’utilisateur final, soit au premier redémarrage après l’installation de la distribution, soit ultérieurement à partir d’icônes dans le dock.

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  • Profusion de logiciels (plus d’une soixantaine), pour que les futurs utilisateurs disposent de tous les outils dont ils ont besoin à portée de clic dans le dock (ou plusieurs versions de dock en fonction de l’utilisateur (expert, débutant, enfant, dans la version Emmabuntüs 2) sans avoir à chercher celui qui manque dans la logithèque.

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  • Configuration des navigateurs Internet Firefox et Chromium pour la protection des mineurs, contre la publicité et le Phishing (ou Fishing).

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  • Compatibilité bureautique prise en compte en permettant l’installation de fontes non Libres au choix de l’utilisateur final.
  • Non utilisation d’Internet pour faire l’installation, pour pouvoir diffuser ce travail dans des lieux où les connexions Internet sont lentes, instables ou inexistantes. A Koupela au Burkina-Faso ou à Bouaké en Côte d’Ivoire, il n’est pas question de télécharger une distribution ou des applications de plusieurs gigaoctets. En revanche, il est possible d’envoyer un DVD ou une clé USB contenant l’ISO d’Emmabuntüs 2.
  • La dernière particularité est un fichier d’automatisation pour plusieurs modes d’installation, pour diminuer le travail dans les ateliers de reconditionnement.

8. Combien avez-vous d’utilisateurs ? Avez-vous des estimations démographiques ?

Ce qui compte pour nous ce n’est pas le nombre d’utilisateurs, mais quels utilisateurs nous avons !!! car notre travail étant orienté vers les associations, et combien nous avons vendu de machines sous Emmabuntüs au profit d’associations, ou de machines reconditionnées pour des associations.

Nous pouvons estimer que de l’ordre de 250 à 400 machines sous Emmabuntüs ont été vendues au profit d’Emmaüs dans les 6 communautés d’Emmaüs qui utilisent Emmabuntüs : Liberté à Ivry-sur-Seine, Villers-les-Pots, Montpellier, Catalogne à Perpignan-Polletres, Avenir à Neuilly-Plaisance et Neuilly-sur-Marne, et Cabriès.

Mais aussi Emmabuntüs est utilisée dans 6 espaces numériques, le premier à Koupela au Burkina Faso, puis le C@FISOL (L’Aigle, Orne), Sati 21 (Venarey-les-Laumes, Côte d’Or), CASA Poblano (Montreuil, Seine-Saint-Denis), Jerry Agor@ (Saint-Etienne, Loire)), Médiathèque d’Agneaux (Agneaux, Manche).

Et la grande fierté du collectif Emmabuntus, et d’être utilisé par le JerryClan de Côte d’Ivoire sur la quinzaine de Jerry SMS, qui a eux seuls incarnent les 3 buts poursuivis pas notre collectif :

  • aide aux associations humanitaires ;
  • réduire de la fracture numérique ;
  • prolonger la durée de vie du matériel informatique.

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Pour les statistiques sur le nombre et la répartition géographique des téléchargements qui ont été effectués à partir du nouveau compte Sourceforge (créé Septembre 2012 avec le 2 1.02 question Emmabuntüs), et les anciennes versions ici.

9. A l’heure actuelle vous être au alentour de la 150 ème position sur Distrowatch. Quels sont vos plans pour monter ?

Pour essayer d’augmenter notre score dans le but d’avoir une meilleure visibilité internationale pour toucher des associations en particulier en Afrique et en Amérique latine, nous allons essayer de travailler notre communication par le biais d’article dans les diverses langues incluses dans notre distribution. Nous avons depuis le début de l’année travaillé sur une page sur Wikipédia présentant Emmabuntüs, sur ces différentes traductions en Anglais, Espagnol, Portugais, et maintenant Italien.

Cela a payé car Igor a rejoint le projet Emmabuntüs, et il a mis en place un Blog dédié à Emmabuntüs Brasil en portugais, mais aussi nous avons le Blog Cartas de Linux qui nous soutient, ainsi que Miguel Parada qui a fait de très beaux articles sur Emmabuntüs & Jerry.

Si vos lecteurs veulent voir les différentes publications faite sur notre travail nous les encourageons de lire les différents articles sur Emmabuntüs dans leurs langues natales : http://reviews.emmabuntus.org

Sinon pour augmenter notre score il suffit simplement que tous vos lecteurs cliquent sur ce lien une fois par jour, et nous serons les premiers rapidement 😉

10. Quel système exploitation utilisez-vous pour votre ordinateur ?

Pour ma part j’utilise Ubuntu depuis environ 2009, après avoir essayé deux ou trois d’autres distributions Linux qui ne m’ont pas convenu, donc très peu de temps avant de créer Emmabuntüs. A l’heure actuelle j’utilise exactement une Ubuntu 10.04, machine sur laquelle je réalise toujours les Emmabuntüs, et pour mes ordinateurs portables, ils sont équipés des différentes versions d’Emmabuntüs, afin de faire des évaluations, de surveiller les passages de mise à jour, etc.

Par contre les membres de notre collectif pour leur usage personnel utilisent Ubuntu, Debian, Archlinux, mais aussi Windows et Mac OS X. Cette grande diversité permet des échanges plus constructifs dans les choix de développement pour Emmabuntüs.

11. Quelle est votre application favorite ?

Mon application favorite est sans conteste Cairo-Dock, car c’est vraiment cela qui est la pierre angulaire d’Emmabuntüs, et qui apporte cette indépendance à notre distribution par rapport aux versions de base que nous utilisons.

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Nous l’avons fait évoluer entre la première version Emmabuntüs 10.04 et la version 12.04, maintenant il est multilingue, se décline en 3 niveaux d’utilisation, et en fonction du format de l’écran est escamotable ou pas.

12. Lisez-vous Linux notes from DarkDuck ? Que devrions nous changer ou améliorer ?

Désolé mais je n’ai malheureusement pas le temps de lire DarkDuck, ni de suivre le reste de l’actualité du monde Libre. Par contre des membres du collectif font de la veille technologique et c’est eux qui n’informent sur d’éventuels logiciels intéressants pouvant être intégrés à Emmabuntüs.

13. En de dehors de l’informatique, avez-vous d’autres passions ou centres d’intérêts ? (peut-être la famille ?)

Oui, j’avais d’autres passions avant de commencer cette aventure d’Emmabuntüs, et maintenant je n’ai malheureusement plus le temps de me consacrer à ces activités peinture, jogging, escalade.

Emmabuntus, cela a été un tournant dans ma vie, et maintenant à cause de cela ou grâce à cela je suis passé dans des loisirs engagés pour essayer de changer notre société, car Emmabuntus c’est plus qu’une distribution Linux, c’est un collectif qui n’accepte pas la société de consommation que l’on veut nous imposer, et qui est basé sur une économique de croissance dont le modèle économique n’est pas viable à long terme pour notre planète, et donc pour nous 🙁

Et la question que nous voulons résoudre est : « Serions-nous dans une parenthèse de l’humanité qui en l’espace de quatre-cinq générations a consommé l’énergie accumulée pendant des dizaines de millions d’années » 🙁

Merci pour cette interview ! Je vous souhaite de réussir vous et votre projet !

Merci Dmitry pour cette interview, et d’avoir fait la première revue internationale sur Emmabuntüs il y a juste un an. Je souhaite bonne continuation au site du gentil petit Canard, ainsi que pour tes projets personnels, et je te dis à l’année prochaine 😉

Je tiens aussi à remercier Jean-Marie pour le relecture et les corrections de la version Française et David pour la relecture et la traduction de cette interview en Anglais, mais aussi tous les membres du collectif Emmabuntüs ainsi que ceux des JerryClan, qui œuvrent pour d’« Un jour, le monde sera libre ! ».

Notes

D’après l’ADEME de la fabrication à la mise au rebut, en passant par son utilisation, chaque étape de la vie de ces équipements informatiques peut être quantifiée en impact environnemental : la fabrication d’un ordinateur et son écran nécessite 1,8 tonnes de ressources (240 kg d’énergie fossile, 22 kg de produits chimiques, 1 500 litres d’eau).

Pour le groupe Ecoinfo, la priorité est d’agir. Chacun des membres du groupe le fait à son niveau (achat, maintenance, développement de réseaux) mais chacun d’entre nous peut aussi y contribuer par ses comportements. Leur conclusion : « s’il est déjà possible d’intervenir à toutes les étapes du cycle d’un matériel informatique, l’action la plus efficace que vous puissiez avoir pour limiter l’impact écologique de ces matériels, c’est de réduire les achats et augmenter leur durée de vie ! ».




30 ans de GNU – Extrait du framabook sur la biographie de Stallman

Comme il est dit sur le site d’April[1] : Le 27 septembre 1983, Richard Stallman diffusait l’annonce initiale du projet GNU, projet fondateur du mouvement du logiciel libre.

Nous avons donc fêté récemment les 30 ans du projet GNU.

Pour participer nous aussi à l’hommage, nous vous proposons un court extrait de notre framabook Richard Stallman et la révolution du logiciel libre, une biographie autorisée qui est une excellente ressource pour aller plus loin dans la genèse et l’historique du mouvement 😉

Pour rappel ce livre est sous licence libre, vous pouvez librement (et gratuitement) le télécharger dans son intégralité sur le site Framabook mais vous pouvez aussi l’acheter dans notre boutique EnVenteLibre.

GNU fête ses 30 ans

Extrait de « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. Une biographie autorisée »

Chapitre 7 : Une morale à l’épreuve (pages 119 à 121)
Auteurs : R. Stallman, S. Williams, C. Masutti
Licence : GNU Free Documentation License

Le 27 septembre 1983, les programmeurs se connectant au groupe de discussion Usenet net.unix-wizards reçurent un message peu habituel. Posté aux premières heures du jour, à minuit et demi exactement, et signé rms@mit-oz, l’objet du message était laconique mais attirait l’attention. « Nouvelle implémentation d’Unix », pouvait-on lire.

Pourtant, au lieu de présenter une version fraîchement disponible d’Unix, le premier paragraphe du message était en fait un appel à contribution :

Dès le Thanksgiving prochain, je commencerai à écrire un système logiciel complet, compatible Unix, appelé GNU (pour GNU N’est pas Unix), et le distribuer librement à tous ceux qui souhaitent l’utiliser. Je fais appel à toute contribution en temps, en argent, en programmes et en matériel pour faire avancer ce projet.

Pour un développeur Unix expérimenté, le message traduisait un mélange d’idéalisme et d’orgueil démesuré. Non content de s’engager à repartir de zéro dans la reconstruction du système d’exploitation Unix déjà abouti, l’auteur proposait en plus de l’améliorer par endroits. Le nouveau système GNU, prédisait-il, intégrerait tous les composants essentiels : un éditeur de texte, un shell pour lancer des applications compatibles Unix, un compilateur, « et diverses autres choses ». À cela s’ajouteraient de nombreuses fonctions particulièrement séduisantes, pas encore disponibles dans les autres systèmes Unix : une interface graphique basée sur le langage de programmation Lisp, un système de fichiers résistant aux pannes et des protocoles réseaux prenant modèle sur ceux du MIT.

« GNU sera capable d’exécuter des programmes Unix, mais ne sera pas identique à Unix, écrivait l’auteur. Nous ferons toutes les améliorations utiles, d’après notre expérience au contact d’autres systèmes d’exploitation. »

Prévoyant une réaction sceptique de la part de certains lecteurs, l’auteur poursuivait l’exposé de son ébauche de système d’exploitation avec une brève note biographique intitulée « Qui suis-je ? » :

Je suis Richard Stallman, l’inventeur de l’éditeur Emacs si souvent imité, et je travaille actuellement au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT. J’ai beaucoup travaillé sur des compilateurs, des éditeurs, des débogueurs, des interpréteurs de commandes, ainsi que sur l’ITS et le système d’exploitation des machines Lisp. J’ai été le premier à mettre au point un affichage indépendant du terminal pour ITS. De plus, j’ai mis en place un système de fichiers résistant aux pannes et deux systèmes de fenêtrage pour machines Lisp.

Le destin a finalement voulu que le projet fou de Stallman…

La suite sur Framabook 😉

Notes

[1] L’April a invité Stallman à Paris pour l’occasion le 21 septembre dernier (cf prises audio et vidéo de la conférence)




Le chiffrement, maintenant (5)

Un service de chat furtif : Off-the-Record (OTR)

Traduction : Feadurn, Paul, lamessen, goofy

Off-the-Record (OTR) est une couche de chiffrement qui peut être ajoutée à n’importe quel système de messagerie instantanée existant, pourvu que vous puissiez vous connecter à cette messagerie instantanée avec un client qui prend en charge l’OTR, comme Pidgin ou Adium. Avec OTR, il est possible d’avoir des conversations sécurisées, chiffrées de bout en bout, en passant par des services comme Google Talk ou Facebook sans que ni Facebook ni Google n’aient accès au contenu de ces conversations. Notez bien que c’est un système différent de l’option « off the record » de Google, qui n’est pas sécurisée. Et souvenez-vous : bien qu’une connexion HTTPS avec Google ou Facebook offre une très bonne protection à vos messages quand ils circulent, les deux services ont les clés de vos échanges et peuvent donc les communiquer aux autorités.

OTR remplit deux missions : le chiffrement des conversations de messagerie instantanée en temps réel et la vérification de l’identité des personnes avec lesquelles vous communiquez. Cette dernière est extrêmement importante mais beaucoup d’utilisateurs d’OTR la négligent. Même si OTR est bien plus facile à prendre en main que d’autres formes de chiffrement à clé publique, vous devez malgré tout en comprendre le fonctionnement et savoir à quelles attaques il peut être exposé si vous souhaitez l’utiliser en toute sécurité.

Fournisseurs de services et Jabber

OTR assure uniquement le chiffrement du contenu de vos conversations et non celui des métadonnées qui leur sont associées. Celles-ci comprennent vos interlocuteurs, quand et à quelle fréquence vous communiquez avec eux. C’est la raison pour laquelle je recommande d’utiliser un service qui n’est pas connu pour collaborer avec les services secrets. Cela ne protègera pas forcément vos métadonnées, mais vous aurez au moins une chance qu’elles restent privées.

Je vous conseille aussi d’utiliser un service XMPP (aussi appelé Jabber). Tout comme le courrier électronique, Jabber est un protocole ouvert et fédéré. Les utilisateurs d’un service Jabber comme riseup.net peuvent discuter tant avec des utilisateurs du service jabber.ccc.de qu’avec ceux du service jabber.org.

Clients OTR

Pour utiliser OTR, vous devrez télécharger un logiciel. Sous Windows, vous téléchargerez et installerez Pidgin et le plugin OTR séparément. Sous GNU/Linux, vous installerez les paquets pidgin et pidgin-otr. La documentation explique comment configurer vos comptes Pidgin avec OTR. Si vous êtes sous Mac OS X, vous pouvez télécharger et installer Adium, un client de chat libre qui intègre le support d’OTR. Là aussi, reportez vous à la documentation officielle pour configurer le chiffrement OTR avec Adium. Il existe aussi des clients Jabber et OTR disponibles pour Android (Giggerbot) et pour iOS (ChatSecure).

Votre clé

Quand vous commencez à utiliser OTR, votre client de chat génère une clé de chiffrement et la stocke dans un fichier de votre répertoire utilisateur personnel sur votre disque dur. Si votre ordinateur ou votre smartphone est perdu, volé ou rendu inutilisable par un logiciel malveillant, il est possible que l’inviolabilité de votre clé OTR soit compromise. Si c’est le cas, un attaquant aura la possibilité de prendre le contrôle de votre serveur Jabber et de lancer une attaque de l’homme du milieu (MIDTM) contre vous pendant que vous discutez avec des interlocuteurs qui avaient auparavant vérifié votre identité.

Sessions

Si vous souhaitez utiliser OTR pour discuter en privé avec vos amis, ces derniers doivent l’utiliser également. Une session chiffrée entre deux personnes nécessite deux clés de chiffrement. Par exemple, si vous-même et votre correspondant vous êtes tous deux identifiés sur le chat de Facebook en utilisant Adium ou Pidgin après avoir configuré OTR, vous pourrez discuter en privé. En revanche, si vous vous êtes logué en messagerie instantanée en utilisant Adium ou Pidgin mais que votre interlocuteur discute en utilisant directement facebook.com, vous ne pouvez pas avoir de conversation chiffrée.

Si vous souhaitez utiliser les services de Facebook ou Google pour discuter avec vos amis, je vous recommande de désactiver le chat de l’interface web pour ces services et de n’utiliser qu’Adium ou Pidgin pour vous connecter, et d’encourager vos amis à faire de même ; voici la marche à suivre pour Facebook et Google.

Quand vous lancez une session chiffrée avec OTR, votre logiciel client vous indique quelque chose comme :

Lancement d'une conversation privée avec utilisateur@jabberservice... Conversation non-vérifiée avec utilisateur@jabberservice/démarrage du client chat. 

Si vous avez déjà vérifié l’empreinte OTR de la personne à laquelle vous parlez (voir plus bas), votre session ressemblera à ceci :

Lancement d'une conversation privée avec utilisateur@jabberservice... Conversation privée avec utilisateur@jabberservice/démarrage du client chat. 

Quand vous commencez une nouvelle session OTR, votre logiciel OTR et celui de votre correspondant s’échangent une série de messages pour s’accorder sur une clé pour la nouvelle session. Cette clé temporaire n’est connue que par vos deux clients de messagerie instantanée, ne circule jamais sur Internet et sert à chiffrer et déchiffrer les messages. Une fois la session terminée, les deux logiciels clients « oublient » la clé. Si vous recommencez à chatter plus tard avec la même personne, votre client OTR génèrera une nouvelle clé de session.

De cette façon, même si une personne indiscrète enregistre toutes vos conversations chiffrées — ce que la NSA pense être légalement autorisée à faire même si vous êtes un citoyen étatsunien et qu’elle n’a pas un mandat ou une bonne raison de le faire — et que plus tard elle compromet votre clé OTR, elle ne pourra pas retrouver ni déchiffrer vos anciennes conversations.

Cette propriété est appelée sécurité itérative, et c’est une particularité d’OTR dont PGP ne dispose pas. Si votre clé PGP privée (article à venir sur les clés PGP) est compromise et que l’attaquant a eu accès à tous les messages chiffrés que vous avez reçus, il peut les retrouver et en déchiffrer l’intégralité.

Apprenez-en davantage sur la façon dont fonctionne la sécurité itérative, et la raison pour laquelle la majorité des grandes sociétés d’Internet devraient l’adopter pour leurs site web ici. La bonne nouvelle, c’est que Google utilise déjà la sécurité itérative et que Facebook va l’implémenter dès que possible.

Vérification d’empreinte OTR

Quand vous commencez une nouvelle session OTR avec quelqu’un, votre logiciel de chat reçoit une empreinte[1] de sa clé de chiffrement et votre logiciel OTR se souvient de cette empreinte. Aussi longtemps que la personne utilise la même clé de chiffrement lorsqu’elle communique avec vous, probablement parce qu’elle utilise le même logiciel/client(?), elle aura la même empreinte. Si cette empreinte change, c’est soit parce que la personne utilise une clé OTR différente, soit que vous êtes tous deux victimes d’une attaque MITM.

Sans cette vérification de clés, vous n’avez aucun moyen de savoir si vous êtes victime d’une attaque MITM réussie et non détectée.

Même en étant sûr que la personne avec qui vous discutez est réellement votre interlocuteur, parce qu’elle connaît des choses qu’elle seule peut connaitre, et en utilisant un chiffrement OTR, un attaquant peut être en train de lire votre conversation. Peut-être avez vous en réalité une conversation chiffrée avec l’attaquant, lui-même en pleine conversation chiffrée avec votre interlocuteur, relayant les messages entre vous et ce dernier. Au lieu de l’empreinte de votre interlocuteur, votre client verra celle de l’attaquant. Tout ce que vous pouvez constater en tant qu’utilisateur est que la conversation est « non vérifiée ».

Les captures d’écran suivantes montrent les indications visuelles de Pidgin concernant la vérification de l’empreinte. Si vous avez vérifié l’empreinte OTR, votre discussion est privée : dans le cas contraire, votre conversation est chiffrée mais rien ne garantit que vous n’êtes pas en train de subir une attaque. Vous ne pouvez en avoir la certitude absolue qu’à condition de vérifier.

Si vous cliquez sur un lien non vérifié (sur Adium c’est une icône de cadenas), vous pouvez choisir « authentifier l’ami ». Le protocole OTR propose trois méthodes de vérification : le protocole du millionnaire socialiste, le secret partagé et la vérification manuelle de l’empreinte. Tous les clients OTR permettent la vérification manuelle de l’empreinte, mais pas forcément les autres types de vérification. Dans le doute, choisissez la vérification manuelle de l’empreinte.

Dans la capture d’écran ci-dessus, on voit l’empreinte OTR des deux utilisateurs de la session. Votre interlocuteur doit voir exactement les mêmes empreintes que vous. Pour être certain que chacun des interlocuteurs voit les mêmes empreintes, vous devez soit vous rencontrer en personne, soit avoir un échange téléphonique (si vous pouvez reconnaitre vos voix) soit trouver une autre solution en-hors du chat mais sécurisée pour vérifier les empreintes, comme envoyer un courriel PGP chiffré et signé.

Les empreintes OTR sont constituées d’une suite de 40 caractères hexadécimaux. Il est statistiquement impossible de générer deux clés OTR ayant la même empreinte, ce qui est appelé une collision. Il est toutefois possible de générer une clé OTR qui, sans être véritablement une collision, semble en être une lors d’une vérification superficielle. Par exemple, les premiers et derniers caractères peuvent identiques et les caractères centraux différents. Il est donc important de comparer chacun des 40 caractères un à un pour être sûr d’avoir la bonne clé OTR.

Comme, en général, vous créez une nouvelle clé OTR chaque fois que vous utilisez un nouveau terminal (par ex., si vous voulez utiliser le même compte Jabber pour discuter à partir de votre téléphone Android avec Gibberbot et à partir de votre PC Windows avec Pidgin), vous vous retrouvez souvent avec plusieurs clés et, par conséquent, plusieurs empreintes. Il est important de répéter l’étape de vérification sur chaque terminal et pour chaque contact avec qui vous discutez.

Utiliser OTR sans vérifier les empreintes est toujours préférable à ne pas utiliser OTR du tout. Comme un attaquant qui tente une attaque MITM contre une session OTR court un risque important d’être pris, cette attaque n’est utilisée qu’avec prudence.

Journaux d’activité

Voici un extrait d’un des journaux de discussion entre Bradley Manning et Adrian Lamo, transmis aux autorités par ce dernier et publié par Wired.

(1:40:51 PM) bradass87 n'a pas encore été identifié. Vous devez authentifier cet utilisateur.
(1:40:51 PM)  une conversation non vérifiée avec bradass87 a commencé.
(1:41:12 PM) bradass87: Salut
(1:44:04 PM) bradass87: Comment vas-tu?
(1:47:01 PM) bradass87: je suis analyste du renseignement à l'armée, à l'est de Bagdad et dans l'attente d'une décharge pour  « trouble de l'adaptation » au lieu de « trouble de l'identité de genre ».
(1:56:24 PM) bradass87: Je suis sûr que tu es très occupé... Tu dois avoir plein de boulot...
(1:58:31 PM) bradass87: Si tu avais un accès privilégié à des réseaux classifiés 14 heures par jour, 7 jours sur 7 et plus de 8 mois dans l'année, que ferais-tu ?
(1:58:31 PM) info@adrianlamo.com: je suis fatigué d'être fatigué
(2:17:29 PM) bradass87: ?
(6:07:29 PM) info@adrianlamo.com: Quel est ton MOS[2]

Comme on peut le voir grâce à la ligne « une conversation non vérifiée avec bradass87 a commencé », les deux interlocuteurs utilisaient OTR pour chiffrer leur conversation, or cette dernière a été en définitive rendue publique sur le site web de Wired et utilisée comme pièce à conviction contre Bradley Manning. Il est possible que leur conversation ait fait l’objet d’une attaque MITM, mais c’est très improbable. Ce sont plutôt les clients OTR de Bradley Manning et Adian Lamo qui conservaient une copie de leur conversation sur leur disque dur, non chiffré.

Même s’il peut parfois être utile de garder des journaux de conversations, cela peut aussi gravement mettre en danger votre vie privée. Si Pidgin et Adium ne journalisaient pas les conversations par défaut, il est probable que ces journaux de conversations n’auraient pas fini sur la place publique.

Avec la sortie d’OTR 4.0 en septembre 2012, Pidgin a arrêté de journaliser les conversations OTR par défaut. Adium continue de le faire. Vous devez donc manuellement arrêter cette journalisation, ce qui est une faille d’Adium. Adium étant un logiciel libre avec un système ouvert de suivi de bogues, vous pouvez suivre et participer aux discussions concernant la résolution de cette faille ici et .

(à suivre…)

Notes

[1] rien à voir avec les empreintes digitales que certains confient à leur iPhone

[2] Military Occupation Speciality, la classification des activités au sein de l’armée des États-Unis.

Copyright: Encryption Works: How to Protect Your Privacy in the Age of NSA Surveillance est publié sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.




Le chiffrement, maintenant (3)

Voici le troisième volet de l’initiation au chiffrement, initialement destiné aux journalistes sous l’égide de la Press Freedom Foundation, que nous avons traduit pour vous (vous pouvez retrouver le premier épisode et le deuxième).

Des logiciels de confiance

D’après Encryption Works

(Contributeurs : Slystone, Asta, goofy, lamessen, Bookynette)

Quand Snowden emploie les termes « endpoint security », il sous-entend que la sécurité sur les ordinateurs à chaque extrémité de la conversation est assurée par le chiffrement et le déchiffrement, contrairement à la sécurité assurée seulement pendant le transit du message. Si vous envoyez un courriel chiffré à un ami mais que vous avez un enregistreur de frappe sur votre ordinateur qui enregistre aussi bien l’intégralité de votre message que la phrase de passe qui protège votre clé de chiffrement, votre chiffrement n’est plus efficace.

Depuis que Glenn Greenwald et Laura Poitras, deux membres du conseil de la Freedom of the Press Foundation, ont révélé  la surveillance généralisée des réseaux par la NSA, de nombreuses informations concernant les agences de renseignement ont été rendues publiques. Particulièrement Bloomberg, qui a publié des révélations sur des programmes volontaires de partage des informations entre les compagnies et les agences d’espionnage étatsuniennes.

Jusqu’à présent, la révélation la plus choquante au sujet de ces programmes de partage des informations, c’est que Microsoft a une politique de communication des informations sur les vulnérabilités dans son logiciel au gouvernement étatsunien avant de publier les mises à jour de sécurité pour le public. L’article dit :

Microsoft Corporation, la plus grosse entreprise de logiciels du monde, fournit aux agences d’espionnage des informations sur les bogues dans ses logiciels grand public avant d’envoyer un correctif. Ces informations peuvent être utilisées pour protéger les ordinateurs du gouvernement et pour accéder aux ordinateurs de terroristes ou forces militaires ennemies.

Cela signifie que la NSA a en main les clés pour accéder à n’importe quel ordinateur utilisant Windows, Office, Skype ou tout autre logiciel Microsoft. Si vous utilisez ces logiciels sur votre ordinateur, il est très probable que la NSA, avec suffisamment d’efforts, peut compromettre votre ordinateur ainsi que vos communications chiffrées, si vous devenez une de leurs cibles.

Nous avons aussi appris du New York Times que Skype, logiciel qui en dehors de la communauté de la sécurité a longtemps eu la réputation d’être un moyen sécurisé de communiquer, a envoyé des conversations privées au gouvernement étatsunien durant les cinq dernières années.

Skype, le service d’appel sur Internet, a commencé son propre programme secret, intitulé Project Chess, pour explorer les problèmes légaux et techniques afin de mettre les appels via Skype à disposition des agences de renseignements et des forces de l’ordre. Cette information vient de gens informés sur le programme qui ont demandé à ne pas être nommés pour éviter les ennuis avec les agences de renseignement.

Le projet Chess, qui n’avait jamais été mentionné auparavant, était discret et limité à moins d’une douzaines de personnes chez Skype. L’une des personnes informées sur le projet a expliqué qu’il a été développé suite à des entretiens parfois houleux avec le gouvernement sur des questions juridiques. Il a commencé il y a 5 ans, avant que la majorité de la société ne soit vendue par son propriétaire, eBay, à des investisseurs externes en 2009. Microsoft a acquis Skype dans un accord de 8.5 milliards de dollars (environ 6.5 milliards d’euros) qui s’est conclu en octobre 2011.

Un responsable de Skype a nié l’année dernière dans un article de blog que les récents changements dans le fonctionnement de Skype aient été faits à la demande de Microsoft pour faciliter l’application de la loi sur l’espionnage. Cependant, il semble que Skype ait compris comment collaborer avec les agences de renseignements avant même que Microsoft n’en prenne le contrôle, comme le dévoilent les documents divulgués par Edward J. Snowden, un ancien sous-traitant de la C.I.A. L’un des documents sur le programme PRISM qu’il a rendu public indique que Skype a rejoint le programme le 6 février 2011.

Les logiciels propriétaires, comme la majorité de ceux proposés par Microsoft, Apple et Google, ont une autre faille. Il est beaucoup plus difficile pour les utilisateurs de vérifier de façon indépendante qu’il n’existe pas de portes dérobées secrètes à la demande clandestine de la surveillance d’état. Bien que des rapports récents aient montré que de nombreuses sociétés ont remis une quantité inconnue d’informations en réponse aux requêtes FISA, aucune de ces entreprises ne s’est avérée avoir directement de portes dérobées dans leurs systèmes.

Il existe un autre type de logiciel qui est plus fiable à cet égard. Les logiciels libres et open source ne sont pas forcément ergonomiques ? et ne sont pas nécessairement sans risques ? Cependant quand ils sont développés de façon ouverte, avec un logiciel de suivi de bogue ouvert, des listes de diffusion ouvertes, une architecture ouverte et un code open source, il est plus difficile pour ces projets d’avoir une politique de trahison de leurs utilisateurs comme celle de Microsoft.

GNU/Linux est un système d’exploitation qui est entièrement composé de logiciels libres et open source. On peut prendre l’exemple de distributions GNU/Linux comme Ubuntu, Debian ou Fedora, qui sont les alternatives à Windows et Mac OS X les plus courantes. Bien que les projets de logiciels libres puissent toujours intégrer du code malveillant (voir le concours C Underhanded), la personne qui écrit ce code doit le cacher proprement et espérer qu’aucun des autres développeurs ou en aval des packagers GNU/Linux qui préparent et compilent le code source du projet pour l’intégrer à leur distribution ne le détectent.

Dans les années 1990, quand le chiffrement public est devenu populaire et que le gouvernement étatsunien faisait tout ce qu’il pouvait pour l’empêcher, le mouvement « cypherpunk » est né. De nombreux logiciels permettant aux gens de chiffrer sont nés de ce mouvement.

Les cypherpunks écrivent du code. Nous savons que quelqu’un doit développer des logiciels pour défendre notre vie privée. Et comme nous ne pouvons pas avoir de vie privée tant que nous ne le feront pas tous, nous allons les développer. Nous publions notre code pour que nos compatriotes cypherpunks puissent s’entrainer et jouer avec. Notre code est utilisable librement par n’importe qui dans le monde. Nous n’en avons rien à faire que vous n’approuviez pas le logiciel que nous développons. Nous savons que le logiciel ne peut être détruit et qu’un système largement dispersé ne peut être stoppé.

— Eric Hughes, dans son Manifeste du Cypherpunk de 1993

Ce code, qui est ouvert et public de façon à ce que d’autres cypherpunks puissent s’entraîner et jouer avec, que n’importe qui dans le monde peut utiliser librement, est à l’origine des logiciels et protocoles dans lesquels nous pouvons avoir confiance : LUKS (le chiffrement de disque intégré à GNU/Linux), OpenPGP, Off-the-Record et Tor.

[mise à jour] Écartons TLS, le chiffrement à l’origine du HTTPS qui selon les dernières révélations semblerait perméable à l’espionnage par la NSA.

Le collectif de technologie tactique a conçu un très bon guide sur les logiciels de sécurité open source dans lesquels on peut avoir confiance pour préserver notre vie privée de toute surveillance. Il est important de rappeler que la simple utilisation de ces logiciels, même à la perfection, ne peut pas garantir la sécurité de votre chiffrement. Nous ne savons pas, par exemple, si Apple a transmis des failles 0-day de iOS à la NSA comme a pu le faire Microsoft. ChatSecure, qui permet d’avoir des discussions chiffrées sur les terminaux iOS, n’est pas plus sécurisé que le système d’exploitation sur lequel il fonctionne.

Il est important de rappeler que le simple fait d’utiliser du logiciel libre ne veut pas dire que l’on ne peut pas s’introduire dans vos systèmes. Des gens trouvent tout le temps des failles 0-day pour du logiciel libre, et parfois les vendent à des gouvernements ou d’autres attaquants malveillants. Des utilisateurs de logiciels libres téléchargent toujours des pièces jointes malveillantes avec leurs courriels, et ils ont souvent mal configuré des services simples sur leurs ordinateurs. Pire encore, les malwares sont souvent très bons pour se dissimuler. Si un utilisateur de logiciel libre attrape sur son ordinateur un malware, ce dernier peut y demeurer jusqu’à ce que l’utilisateur formate ses disques durs.

Tails, qui est une distribution GNU/Linux bootable sur live USB et live CD et dont je vais parler plus loin, résout beaucoup de ces problèmes.

(à suivre…)

Copyright: Encryption Works: How to Protect Your Privacy in the Age of NSA Surveillance est publié sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.




Quand l’Inde montre l’exemple en éducation (et en France ?)

Le gouvernement indien a inauguré cet été une plateforme de ressources éducatives.

Nous en avons aussi en France, comme par exemple l’Académie en ligne. Sauf que, comme il a été dit dans ces mêmes colonnes à son lancement, cette dernière plateforme est totalement verrouillée par le choix de sa licence (lire les Conditions d’utilisation du site pour comprendre d’un seul coup d’oeil où se situe le problème).

En Inde, par contre, on a tout compris. On a fait le choix par défaut de la licence Creative Commons By-Sa et on demande explicitement des formats ouverts pour les documents déposés.

Longue vie au National Repository of Open Educational Resources et ses ressources éducatives vraiment libres. Quant à nous, on va continuer à pousser pour qu’il en aille de même un jour en France, sachant que l’espoir fait vivre et que la route est longue mais la voie est libre.

On pourra également lire sur le Framablog (en faisant le rêve que nos décideurs tombent dessus) :

NROER logo

L’Inde lance un dépôt national de ressources éducatives libres

India launches National Repository of Open Educational Resources

Jane Park – 14 août 2013 – Creative Commons Blog
(Traduction : lamessen, pol, ProgVal, Asta)

L’Inde a lancé un nouveau dépôt d’apprentissage destiné à accueillir les ressources éducatives libres (RÉL). Le ministère de l’Éducation et de l’alphabétisation, le ministère du Développement des ressources humaines, le gouvernement indien, l’Institut central des technologies de l’éducation et le Conseil national de la recherche et de la formation pour l’éducation (NCERT) se sont associés pour développer le Dépôt national des ressources éducatives libres (NROER). Pallam Raju, ministre indien du Développement des ressources humaines, a lancé ce dépôt mardi. Shashi Tharoor, ministre d’État indien en charge des ressources et du développement humain, a annoncé que la licence par défaut de toutes les ressources du dépôt serait la Creative Commons Attributions-Partage à l’identique (CC BY-SA).

Ce dépôt contient actuellement des vidéos, de l’audio, des médias interactifs, des images et des documents. Il vise à « rassembler toutes les ressources numériques et numérisables pour le système éducatif indien, pour toutes les classes, toutes les matières et toutes les langues ».

D’après l’annonce du ministre Sashi Tharoor,

Cette initiative est également une étape importante vers une éducation inclusive. Ouvrir l’accès à tous nécessite un débat sur la question de la propriété, du copyright, des licences et un équilibrage des objectifs avec les intérêts commerciaux légitimes. C’est particulièrement important pour les institutions publiques et les projets financés sur fonds publics. Je suis heureux que le NCERT ait pris l’initiative de déclarer que le NROER utiliserait la licence CC BY-SA… Cette décision du NCERT est en accord avec la déclaration de Paris sur les ressources éducatives libres de l’Unesco et permettra de garantir que les ressources seront librement accessibles à tous. Pour le dire dans les termes des Creative Commons — pour réutiliser, réviser, modifier et redistribuer.

Pour contribuer au dépôt, chacun devra garantir qu’il « accepte de placer ces ressources sous licence Creative Commons » (CC BY-SA) et « que les documents chargés sont encodés en utilisant des standards ouverts, non privatifs ».

Pour en savoir plus sur la manière de contribuer au projet avec vos ressources éducatives libres, visitez http://nroer.in/Contribute/.




Le chiffrement, maintenant (2)

Voici la deuxième partie du guide sur le chiffrement que nous vous avons présenté la semaine dernière.

Ces derniers jours, les révélations distillées par Snowden n’ont fait que confirmer l’ampleur considérable des transgressions commises par la NSA : le protocole https est compromis, et même un certain type de chiffrement a été « cassé » depuis 2010…

Il est donc d’autant plus justifié de rechercher les moyens de se protéger de ces intrusions de la surveillance généralisée dans nos données personnelles. À titre d’introduction à notre chapitre de la semaine, j’ai traduit rapidement 5 conseils donnés ce vendredi par Bruce Schneier, spécialiste de la sécurité informatique, dans un article du Guardian. Il reconnaît cependant que suivre ces conseils n’est pas à la portée de l’usager moyen d’Internet…

1) Cachez-vous dans le réseau. Mettez en œuvre des services cachés. Utilisez Tor pour vous rendre anonyme. Oui, la NSA cible les utilisateurs de Tor, mais c’est un gros boulot pour eux. Moins vous êtes en évidence, plus vous êtes en sécurité.

2) Chiffrez vos communications. Utilisez TLS. Utilisez IPsec. Là encore, même s’il est vrai que la NSA cible les connexions chiffrées – et il peut y avoir des exploits explicites contre ces protocoles – vous êtes beaucoup mieux protégés que si vous communiquez en clair.

3) Considérez que bien que votre ordinateur puisse être compromis, cela demandera à la NSA beaucoup de travail et de prendre des risques – il ne le sera donc probablement pas. Si vous avez quelque chose de vraiment important entre les mains, utilisez un « angle mort ». Depuis que j’ai commencé à travailler avec les documents Snowden, j’ai acheté un nouvel ordinateur qui n’a jamais été connecté à l’internet. Si je veux transférer un fichier, je le chiffre sur l’ordinateur sécurisé (hors-connexion) et le transfère à mon ordinateur connecté à Internet, en utilisant une clé USB. Pour déchiffrer quelque chose, j’utilise le processus inverse. Cela pourrait ne pas être à toute épreuve, mais c’est déjà très bien.

4) Méfiez-vous des logiciels de chiffrement commerciaux, en particulier venant de grandes entreprises. Mon hypothèse est que la plupart des produits de chiffrement de grandes sociétés nord-américaines ont des portes dérobées utiles à la NSA, et de nombreuses entreprises étrangères en installent sans doute autant. On peut raisonnablement supposer que leurs logiciels ont également ce genre de portes dérobées. Les logiciels dont le code source est fermé sont plus faciles à pénétrer par la NSA que les logiciels open source. Les systèmes qui reposent sur une clé « secrète » principale sont vulnérables à la NSA, soit par des moyens juridiques soit de façon plus clandestine.

5) Efforcez-vous d’utiliser un chiffrement du domaine public qui devra être compatible avec d’autres implémentations. Par exemple, il est plus difficile pour la NSA de pénétrer les TLS que BitLocker, parce que les TLS de n’importe quel fournisseur doivent être compatibles avec les TLS de tout autre fournisseur, alors que BitLocker ne doit être compatible qu’avec lui-même, donnant à la NSA beaucoup plus de liberté pour le modifier à son gré. Et comme BitLocker est propriétaire, il est beaucoup moins probable que ces changements seront découverts. Préférez le chiffrement symétrique au chiffrement à clé publique. Préférez les systèmes basés sur un logarithme discret aux systèmes conventionnels à courbe elliptique ; ces derniers ont des constantes que la NSA influence quand elle le peut.

Type de menace

D’après Encryption Works

(contributeurs : audionuma, goofy, lamessen, Calou, Achille Talon)

La NSA est un puissant adversaire. Si vous êtes sa cible directe, il vous faudra beaucoup d’efforts pour communiquer en toute confidentialité, et même si ce n’est pas le cas, des milliards d’innocents internautes se retrouvent dans les filets de la NSA.

Bien que les outils et conseils présentés dans ce document soient destinés à protéger votre vie privée des méthodes de collecte de la NSA, ces mêmes conseils peuvent être utilisés pour améliorer la sécurité de votre ordinateur contre n’importe quel adversaire. Il est important de garder à l’esprit que d’autres gouvernements, notamment la Chine et la Russie, dépensent d’énormes sommes pour leurs équipements de surveillance et sont réputés pour cibler spécifiquement les journalistes et leurs sources. Aux États-Unis, une mauvaise sécurité informatique peut coûter leur liberté aux lanceurs d’alerte, mais dans d’autres pays c’est leur vie même que risquent à la fois les journalistes et leurs sources. Un exemple récent en Syrie a montré à quel point une mauvaise sécurité informatique peut avoir des conséquences tragiques.

Mais la modification de certaines pratiques de base peut vous garantir une bonne vie privée, même si cela ne vous protège pas d’attaques ciblées par des gouvernements. Ce document passe en revue quelques méthodes qui peuvent vous servir dans les deux cas.

Systèmes de crypto

Nous avons découvert quelque chose. Notre seul espoir contre la domination totale. Un espoir que nous pourrions utiliser pour résister, avec courage, discernement et solidarité. Une étrange propriété de l’univers physique dans lequel nous vivons.

L’univers croit au chiffrement.

Il est plus facile de chiffrer l’information que de la déchiffrer.

— Julian Assange, in Menace sur nos libertés : comment Internet nous espionne, comment résister

Le chiffrement est le processus qui consiste à prendre un message textuel et une clé générée au hasard, puis à faire des opérations mathématiques avec ces deux objets jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une version brouillée du message sous forme de texte chiffré. Déchiffrer consiste à prendre le texte chiffré et sa clé et à faire des opérations mathématiques jusqu’à ce que le texte initial soit rétabli. Ce domaine s’appelle la cryptographie, ou crypto en abrégé. Un algorithme de chiffrement, les opérations mathématiques à réaliser et la façon de les faire, est un ensemble appelé « code de chiffrement ».

Pour chiffrer quelque chose vous avez besoin de la bonne clé, et vous en avez aussi besoin pour la déchiffrer. Si le logiciel de chiffrement est implémenté correctement, si l’algorithme est bon et si les clés sont sécurisées, la puissance de tous les ordinateurs de la Terre ne suffirait pas à casser ce chiffrement.

Nous développons des systèmes de cryptographie qui relèvent de problèmes mathématiques que nous imaginons difficiles, comme la difficulté à factoriser de grands nombres. À moins que des avancées mathématiques puissent rendre ces problèmes moins complexes, et que la NSA les garde cachées du reste du monde, casser la crypto qui dépend d’eux au niveau de la sécurité est impossible.

La conception des systèmes de chiffrement devrait être complètement publique. Le seul moyen de s’assurer que le code de chiffrement ne contient pas lui-même de failles est de publier son fonctionnement, pour avoir de nombreux yeux qui le scrutent en détail et de laisser les  experts des véritables attaques à travers le monde trouver les bogues. Les mécanismes internes de la plupart des cryptos que nous utilisons quotidiennement, comme le HTTPS, cette technologie qui permet de taper son code de carte bancaire et les mots de passe sur des formulaires de sites internet en toute sécurité, sont totalement publics. Un attaquant qui connaît parfaitement chaque petit détail du fonctionnement du système de chiffrement ne réussira pas à le casser sans en avoir la clé. En revanche, on ne peut pas avoir confiance dans la sécurité d’une cryptographie propriétaire et dans son code sous-jacent.

Voici une question importante à se poser lors de l’évaluation de la sécurité d’un service ou d’une application qui utilise la crypto : est-il possible pour le service lui-même de contourner le chiffrement ? Si c’est le cas, ne faites pas confiance à la sécurité du service. Beaucoup de services comme Skype et Hushmail promettent un chiffrement « de bout en bout », mais dans la majorité des cas cela signifie aussi que les services eux-même ont les clés pour déchiffrer le produit. Le véritable chiffrement « de bout en bout » signifie que le fournisseur de service ne peut pas lui-même regarder vos communications, même s’il voulait le faire.

Un aspect important du chiffrement est qu’il permet bien plus que la protection de la confidentialité des communications. Il peut être utilisé pour « signer électroniquement » les messages d’une manière qui permette de prouver que l’auteur du message est bien celui qu’il prétend être. Il peut également être utilisé pour utiliser des monnaies numériques comme Bitcoin, et il peut être utilisé pour produire des réseaux qui permettent l’anonymat comme Tor.

Le chiffrement peut aussi servir à empêcher les gens d’installer des applications pour iPhone qui ne proviennent pas de l’App Store, à les empêcher d’enregistrer des films directement à partir de Netflix ou encore les empêcher d’installer Linux sur une tablette fonctionnant sous Windows 8. Il peut aussi empêcher des attaques de type « homme du milieu » (NdT : attaque consistant à intercepter les communications entre deux terminaux sans que ces derniers se doutent que la sécurité est compromise) d’ajouter des malwares pour compromettre les mises à jour légitimes de logiciels.

En bref, le chiffrement englobe de nombreux usages. Mais ici nous nous contenterons de regarder comment nous pouvons l’utiliser pour communiquer de façon sécurisée et privée.

(à suivre…)

Copyright: Encryption Works: How to Protect Your Privacy in the Age of NSA Surveillance est publié sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.




Tux Paint, interview du créateur du célèbre logiciel libre de dessin pour enfants

C’est la rentrée !

L’occasion de mettre en avant Tux Paint, l’un des meilleurs logiciels (évidemment libre) de dessin à destination des petits, mais aussi des grands 😉

HeyGabe - CC by-sa

Tux Paint en appelle à l’aide

Desperate times call for Tux Paint

Jen Wike – 25 juin 2013 – OpenSource.com
(Traduction : Antoine, Shanx, Asta)

Bill Kendrick a codé Tux Paint en seulement quelques jours. Un ami lui avait demandé pourquoi il n’existait pas un programme de dessin pour enfants libre et gratuit, comme GIMP. Bill fit un grand sourire, parce que beaucoup d’adultes ont des difficultés à apprendre à utiliser GIMP, alors que les enfants en ont beaucoup moins. Il répondit : « Je peux probablement créer quelque chose. »

C’était il y a 11 ans (la première bêta a été publiée en juin 2002). Aujourd’hui, Tux Paint est largement utilisé à travers le monde, dans les maisons, à des goûters d’enfants, et plus évidemment dans les écoles en général et celles plus défavorisées en particulier.

Une nouvelle étude publiée cette année et menée par le Conseil des Relations Étrangères rapporte que les États-Unis ont perdus 10 places ces 30 dernières années dans le classement du taux d’élèves diplômés sortant des collèges et universités. « Le véritable fléau du système d’éducation étasunien, et sa plus grande faiblesse compétitive, est le profond écart entre les groupes socio-culturels. Les étudiants riches réussissent mieux, et l’influence de la situation sociale parentale est plus forte aux États-Unis que nulle part ailleurs dans le monde développé. » affirme ainsi Rebecca Strauss, directrice associée des publications CFR’S Renewing America.

Tux Paint est un programme simple avec de profondes implications car il est libre, gratuit et facile à utiliser. Récemment, un enseignant d’une école située dans une région défavorisée a utilisé le programme de crowdfunding EdBacker pour mettre sur pied un cours estival de remise à niveau en utilisant Tux Paint. Brenda Muench rappelle qu’avant Tux Paint, elle n’a jamais rencontré, au cours de ses 16 années d’enseignement à l’école élémentaire d’Iroquois West, de logiciels de dessin véritablement adaptés pour les enfants .

Les fonds publics devenant plus rares, Bill a remarqué que les systèmes scolaires sont désormais plus souples et favorables que par le passé lorsqu’il s’agit d’utiliser ce genre de logiciel. Et les éducateurs du monde entier discutent les uns avec les autres des ressources qu’ils utilisent se passant volontiers les bons tuyaux.

Entretien avec Bill Kendrick

Comment avez-vous créé Tux Paint ?

J’ai opté pour la bibliothèque Simple DirectMedia Layer (libSDL), que j’avais déjà utilisée pour la conception de mes jeux au cours des 2-3 années précédentes (avant cela, j’avais connu des difficultés avec Xlib), et basée sur une combinaison de limitations et capacités qui a bien fonctionné : une seule fenêtre (qui garde la simplicité) et la possibilité d’utiliser le plein écran (ce qui contribue à empêcher les enfants de faire autre chose et des bêtises sur le bureau).

Un autre avantage était que Tux Paint pouvait être facilement porté vers Windows, Mac OS X et d’autres plateformes, et c’est exactement ce qui est arrivé. Je n’imaginais pas que je pouvais avoir un impact pour ces plateformes, étant donné qu’il existait déjà un grand nombre de programmes pour enfants, notamment le populaire et ancien (depuis les premiers jours de Mac) Kid Pix. Ce que je n’avais pas vu tout de suite c’est que, comme Tux Paint est libre, il est devenu une alternative peu chère (comprendre : gratuite) aux applications commerciales pour toutes les plateformes, et non pas que pour GNU/Linux. Cela s’est avéré très pratique pour les écoles, dont nous connaissons tous les problèmes actuels de financement.

Pourquoi l’interface est-elle facile d’utilisation pour les enfants de la maternelle jusqu’au primaire ?

Il y a une variété de choses que j’ai appliquées pour garder une interface simple d’utilisation :

  • de gros boutons qui ne disparaissent pas, même si vous ne les utilisez pas ;
  • toutes les actions ont une icône, ainsi qu’un texte descriptif ;
  • Tux le Pengouin fournit quelques indices, infos et états en bas de la fenêtre ;
  • des effets sonores, qui ne sont pas juste amusants, mais qui fournissent un feedback ;
  • un seul type de pop-up de dialogue, avec seulement deux options (ex. « Oui, imprimer mon dessin », « Non, retour »)
  • pas de défilement.

La raison pour laquelle Tux Paint ne vous demande pas : « Quelle taille pour votre dessin ? » est que lorsque les enfants s’asseyent avec un morceau de papier pour dessiner, ils ne commencent pas par le couper à la bonne taille. La plupart du temps, ils se contentent de commencer, et si vous leur demandez de décider quelle taille de papier ils souhaitent avant de commencer à dessiner, ils vont se fâcher et vous dire que vous ne les laissez pas dessiner !

Des effets sonores amusants et une mascotte dessinée sont importants et motivants pour les enfants, mais est-ce que les adultes utilisent Tux Paint ?

Oui, j’ai eu certaines suggestions comme quoi on l’utiliserait davantage s’il y avait un moyen de désactiver le manchot Tux. Je comprends à quel point les logiciels pour enfants peuvent parfois être énervants, c’est pourquoi j’ai créé une option « couper le son » dès le premier jour.

Quelles belles histoires à nous raconter ?

Un hôpital pour enfants a mis en place une sorte de borne d’arcade utilisant Tux Paint avec des contrôleurs spéciaux (plutôt qu’une souris).

Des élèves de CP ont utilisé la vidéo-conférence et des screencasts pour apprendre aux enfants de maternelle d’une autre école comment utiliser Tux Paint. Ces mêmes écoles utilisent aussi Tux Paint pour créer ensemble des images à partir des histoires sur lesquelles les enfants travaillent. Ils font ensuite des vidéos en intégrant ces histoires.

J’ai mis en ligne les textes de présentation de ces histoires et d’autres travaux pour encourager d’autres éducateurs à essayer et utiliser Tux Paint : « Oui, ce truc fou, libre et gratuit est génial pour les écoles ! » Bien sûr, une décennie plus tard, ce n’est plus la même bataille que d’expliquer ce qu’est le logiciel libre et quels sont ses avantages, ce qui est excellent.

Est-ce que les éducateurs utilisent Tux Paint en dehors des arts plastiques ?

Oui, tout à fait, et c’est exactement ce que j’imaginais.

Je n’ai pas créé Tux Paint pour qu’il soit uniquement utilisé en cours de dessin. Je l’ai créé pour être un outil, comme une feuille de papier et un crayon. Certaines écoles réalisent donc des vidéos à partir de contes racontés. D’autres l’utilisent en mathématiques pour apprendre à compter.

Ironie du sort, ces jours-ci, après avoir vu des choses comme M. Crayon sauve Doodleburg sur le Leapster Explorer de mon fils (qui, en passant, tourne sous Linux !), je commence à penser que Tux Paint nécessite des fonctionnalités supplémentaires pour aider à enseigner les concepts de l’art et de la couleur.

Comment les enseignants, l’administration scolaire, les parents et les contributeurs intéressés peuvent s’investir dans Tux Paint ?

Par exemple, envoyez un message à Bill pour contribuer à Tux Paint sur Android.

Il y a une liste de diffusion pour les utilisateurs (parents, enseignants, etc.) et une page Facebook, mais il y a assez peu d’activité en général car Tux Paint est vraiment facile d’utilisation et tourne sur un large panel de plateformes.

Nous avons besoin d’aide :

  • chasse aux bogues ;
  • test d’assurance qualité ;
  • traductions ;
  • œuvres d’art ;
  • idées d’amélioration ;
  • documentation ;
  • cursus scolaire ;
  • faire passer le mot ;
  • portage vers d’autres plateformes.

Crédit photo : HeyGabe (Creative Commons By-Sa)