Il faut lire Internet & Création de Philippe Aigrain

Law Keven - CC by-saLa loi Création et Internet (Hadopi) est aujourd’hui devant le Sénat. Alors que, faute à la crise économique, de nombreux autres projets de loi ont été sagement repoussés, celle qui nous concerne ici suivra la procédure d’urgence : le texte ne sera ainsi débattu qu’une fois, au lieu de deux, par chaque assemblée.

L’urgence ne s’imposait pas, sauf à vouloir que nos élus ne se penchent pas trop dans le détail sur ce projet de loi. Mais quitte à se placer coûte que coûte en situation d’urgence, alors il y a bien quelque chose à faire : lire le nouveau livre de Philippe Aigrain Internet & Création dont le sous-titre annonce un ouvrage qui va justement se risquer à lever le point d’interrogation : « Comment reconnaître les échanges hors marché sur internet en finançant et rémunérant la création ? ».

Parce que n’en déplaisent aux défenseurs radicaux de cette loi qui ont la caricature d’autant plus facile qu’ils sentent que leurs monopoles se fissurent, Philippe Aigrain n’est pas un « anarchiste numérique ». Au contraire, prolongeant son travail quotidien à la Quadrature du Net, il tente ici de réconcilier partisans et détracteurs en exposant clairement la situation et ses enjeux et en avançant des propositions concrètes et argumentées[1].

Extrait (p.12) :

« Avec ce rapport, nous tentons une gageure : parler à presque tous, installer un cadre commun qui ne suppose pas de se mettre d’accord sur tout pour explorer ensemble les voies du possible. Lecteurs, il vous faut cependant consentir à de petits efforts. Si vous êtes sincèrement convaincus qu’un individu qui met un fichier numérique représentant une œuvre à disposition des usagers d’un réseau pair à pair est un pirate (celui qui s’empare par la violence des biens d’autrui) et que les œuvres saignent lorsqu’on les partage, nous ne vous demandons pas d’abandonner ces croyances. Acceptez cependant de lire la prose de ceux qui ont une autre vision de ces activités. Considérez leurs propositions et le soin qu’elles mettent à préserver ce à quoi vous tenez : la reconnaissance et la récompense de ceux qui contribuent à la création ; l’organisation des filières qui permettent à certaines formes d’œuvres d’exister ; l’accès de tous à la culture. Si au contraire vous pensez qu’à l’âge d’internet, la gestion collective ne sert plus à rien et qu’il suffit de laisser faire les échanges universels pour que les ressources nécessaires aux activités créatives se répartissent mieux qu’aujourd’hui, nous ne vous demandons pas de changer d’avis.Mais lisez avec soin ce qui suit, et demandez-vous si les solutions qui y sont esquissées ne garantissent pas ce qui est pour vous l’essentiel : le développement des activités propres à internet, leurs libertés constitutives, la coopération de tous à la production d’un objet commun. »

Le détail des propositions mentionnées ci-dessus est donc contenu dans ce livre. C’est assez technique parfois mais sortir de l’anathème pour changer de paradigme ne s’improvise pas !

Oui la situation actuelle est intenable et non démocratique et il convient d’en faire son deuil. Oui un mécanisme de financement mutualisé (une « licence globale » revue et corrigée pour ceux qui se souviennent de la tout aussi contestée loi DADVSI) est souhaitable et permettrait non seulement de libérer les échanges hors marché entre individus mais également d’avoir un impact positif sur l’économie générale de la création.

En voici le plan tel qu’il apparait dans l’introduction (p. 5-6) :

« L’introduction rappelle le contexte des débats actuels. Elle défend la nécessité d’envisager ensemble la liberté de certains types d’échanges sur internet et la mise en place d’une nouvelle source de financement et de rémunération de la création. Le deuxième chapitre discute des échanges hors marché entre individus sur internet, montre l’intérêt qu’il y aurait à les reconnaître comme légitimes et propose de les délimiter précisément. Le troisième chapitre discute de l’état des mécanismes de financement et de rémunération de la création. Il souligne la crise qu’ils traversent et défend l’intérêt de les compléter par une redevance payée par les usagers d’internet. Le quatrième chapitre compare différentes formes de financements mutualisés pouvant être envisagées. Sur la base de cette comparaison, il défend l’intérêt d’un mécanisme de licence accordant des droits d’usage aux individus. Le cinquième chapitre analyse les différents cadres juridiques applicables, des licences collectives étendues aux licences légales. Il analyse chacun des mécanismes du point de vue de leur compatibilité avec les traités internationaux et le droit européen. Le sixième chapitre discute les paramètres fondamentaux du mécanisme (œuvres incluses dans le mécanisme, droits et obligations des usagers, montant de la redevance, relation avec d’autres dispositifs). Le septième chapitre répond à certains arguments qui ont été avancés contre la libération des échanges hors marché entre individus sur internet ou contre la mise en place d’un financement mutualisé. Le huitième chapitre discute de la répartition du produit de la redevance entre médias, entre fonctions pour chaque média et entre contributeurs. Le neuvième chapitre analyse les modes d’observation des usages permettant une répartition juste des ressources collectées. Enfin, la conclusion esquisse quelques pistes pouvant conduire à l’introduction du mécanisme proposé. »

Merci à Philippe Aigrain pour ce document qui tombe à point nommé et apporte beaucoup au débat. Merci également d’avoir choisi l’éditeur InLibroVeritas et opté pour une licence Creative Commons (la by-nc-nd) permettant la mise à disposition dans son intégralité du format numérique du livre. Mais comme pour le projet Framabook nous vous invitons à acheter le livre (pour la modique somme de 10 €) pour soutenir la démarche et faire en sorte que de plus en plus de ressources de qualité suivent ce modèle original de diffusion.

Lire ce livre vous donnera peut-être comme moi l’étrange impression de faire partie de ces pionniers qui, à tâtons, avancent lentement mais sûrement dans le sens de l’Histoire. Une Histoire qui, nous le savons bien, a connu son lot de rendez-vous manqués. Ne prenons pas plus de retard et saisissons ici tout de suite l’occasion d’être à l’heure 😉

PS : Joli coup de projecteur, on pourra également lire l’article Internet : du piratage au partage que Libération consacre ce même jour à ce même livre en ne cachant pas sa sympathie pour les propositions contenues dans l’ouvrage !

Notes

[1] Crédit photo : Law Keven|http://flickr.com/photos/66164549@N00/2487291985/] (Creative Commons By-Sa)




C’est rien qu’à cause de Wikipédia si nos enfants échouent !

B2i - aKa - 2008À l’heure où notre ministre de l’Éducation Nationale Xavier Darcos annonce pour la nouvelle classe de Seconde 2009 un module « Informatique et société numérique » dont je n’ai pour l’heure aucune autre information (accent algorithmique, accent éducation aux médias et à internet, ou les deux mon capitaine ?), je voudrais rappeler par cette traduction au titre volontairement caricatural qu’il y a selon moi effectivement urgence à mieux former la nouvelle génération à l’usage d’internet en général et de la recherche en particulier.

En tant qu’enseignant censé animer le B2i dans mon établissement, j’avais pris l’année dernière l’initiative de venir évoquer cela devant nos quatre classes du niveau troisième réunies pour l’occasion (voir photo ci-dessus). Je m’étais appuyé pour se faire sur de nombreuses ressources[1] dont une a priori paradoxale puisque s’adressant aux parents mais qui avait le grand mérite de couvrir à peu près tous les sujets envisagés tout en faisant (parfois vivement) réagir les élèves : Devenir e-Parent du fort intéressant site québécois Réseau Éducation-Médias (dont on ferait bien de s’inspirer du reste soit dit en passant).

Et j’en avais également profité pour parler un peu de Wikipédia, sa spécificité, son mode d’édition, sa collaboration, ses licences, son projet citoyen, ses forces et ses faiblesses, etc. pour en conclure que cette encyclopédie mutante constituait une excellente (mais non exclusive) première rampe de lancement pour une recherche particulière. Recherche particulière qui peut vous mener fort loin. Tellement loin qu’elle peut parfois vous faire revenir à Wikipédia pour compléter vous-même l’article de départ avec la pertinente information trouvée ailleurs. Histoire d’apporter nous aussi notre pierre à l’édifice 😉

Nos enfants échouent – et tout est de la faute de Wikipedia !

Our Kids Are Failing – And It’s All Wikipedia’s Fault!

Sarah Perez – 23 juin 2008 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Penguin et Olivier)

Quelle réaction irréfléchie ! Hier on apprenait en Écosse que c’est Internet qu’il faut blâmer pour le taux d’échec aux examens en Ecosse. Selon le SPTC (Scottish Parent Teacher Council : Conseil écossais des enseignants et parents d’élèves), Wikipédia, parmi d’autres sources, était cité comme étant la raison pour laquelle les étudiants échouent. Est-ce que Internet les rend stupides ? Ou bien est-ce que les étudiants ont seulement besoin d’apprendre à utiliser les nouveaux outils de recherche du Web de façon plus appropriée ?

Tout est de la faute de Wikipédia !

Dans le rapport, Eleanor Coner, porte-parole du SPTC, dit ceci : « Les enfants ont une très bonne maîtrise des outils informatiques, mais ils sont nuls en recherche. » Elle remarque que les étudiants d’aujourd’hui font la majeure partie de leurs recherches en ligne, au lieu d’utiliser des livres ou d’autres ressources qu’ils pourraient trouver dans une bibliothèque.

L’encyclopédie Internet, Wikipédia, était au cœur des préoccupations du conseil, car sa nature même lui permet d’être éditée par n’importe qui et qu’elle n’est pas mise à jour par des chercheurs reconnus.

De plus, le conseil s’inquiète des capacités de recherche des étudiants et de leur tendance à faire aveuglément confiance aux ressources en ligne. D’après Ronnie Smith, le secrétaire général de l’Institut d’Éducation d’Écosse, « Nous devons être sûrs que les jeunes ne considèrent pas ce qu’ils lisent en ligne comme des faits. »

Cela vous semble familier, non ?

Nous avons déjà entendu cette phrase de nombreuses fois : « Ne croyez pas tout ce que vous lisez » , « Ne croyez pas tout ce que vous voyez à la télévision », … maintenant c’est le tour d’Internet d’être soumis à l’inspection.

Est-ce que Internet nous rend stupide ?

Un coup d’œil rapide à cette information peut nous amener à croire qu’il s’agit d’un argument frappant en faveur de la thèse de Nicholas Carr qui dit que Internet (ou, comme il dit, Google) nous rend stupide. L’accès facile à un flot d’informations grâce à Internet, dit-il, affecte notre capacité à nous concentrer sur de longues périodes, comme lorsque nous lisons et absorbons de longs articles (une tendance que nous avons déjà mentionnée ici). D’une certaine façon, Wikipédia peut être vu comme la manifestation ultime de notre culture accommodante lorsqu’il s’agit de récupérer des informations.

Combien de fois par jour est-ce que vous faites une recherche rapide sur un fait quelconque et passez en coup de vent sur une page Wikipédia en récupérant uniquement les éléments mis en avant (dans mon cas en tout cas, j’admets que cela m’arrive au moins une fois par jour, si ce n’est plus).

Mais est-ce que les échecs aux examens sont réellement une indication sur la capacité de nos cerveaux à se reprogrammer pour s’adapter à cette nouvelle façon d’apprendre, comme Carr l’évoque dans son article ? Et est-ce que cette capacité affecte réellement notre intelligence ?

…Ou bien est-ce que les étudiants ont besoin d’apprendre à faire des recherches ?

Peut-être que non. Ce problème met plutôt en avant le fait que les institutions pédagogiques ont besoin d’adapter leur cursus et d’inclure des cours pour apprendre aux étudiants ce qu’est réellement une recherche. Une recherche Google peut les amener ou non à une ressource en ligne valable, mais beaucoup d’étudiants ne savent vraiment pas comment faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Être capable de chercher une information en ligne et de la remettre en question pour déterminer s’il s’agit ou non d’un fait est tout simplement une aptitude qui manque à beaucoup d’utilisateurs sur Internet. Cependant, une fois que cette technique est acquise les étudiants peuvent l’appliquer durant toute leur formation, quelque soit le média qu’ils utilisent.

Notes

[1] Parmi les ressources on trouvait également notre diaporama Les licences Creative Commons expliquées aux élèves qui nous a été d’une aide précieuse pour aborder la question de l’échange et du partage sur internet.




Quand le Becta aide Microsoft à devenir un meilleur élève

Riot Jane - CC byQuand on se donne les moyens d’avoir une politique publique sérieuse, cohérente et indépendante en matière de technologies de l’information et de la communication pour l’éducation (TICE) alors on obtient des résultats.

La preuve par l’exemple en Angleterre avec le très crédible interlocuteur Becta (organe principal de conseil et stratégie TICE du gouvernement britannique) qui vient d’obtenir quelques avancées significatives de la part de Microsoft en particulier du côté de l’interopérabilité et des licences spécifiques à l’éducation.

Ces problèmes d’interopérabilité et de licences des logiciels Microsoft sont une évidence en milieu scolaire. Encore fallait-il le dire. Ce qui fut fait et bien fait l’année dernière par le Becta d’abord en déposant plainte auprès de conseil de la concurrence locale et ensuite en publiant son fameux rapport Microsoft Vista and Office 2007, actions qui ont justement poussé Microsoft à venir s’assoir aujourd’hui autour de la table.

Précisons que ce fameux rapport a été récemment traduit par nos soins mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas eu l’écho qu’il méritait chez nous. D’abord parce que Framasoft n’a clairement pas les épaules assez larges pour monter seul au créneau. Mais ensuite parce qu’en l’absence d’un Becta, ce n’est malheureusement pas l’école qui pousse Microsoft à s’adapter à ses besoins mais bien Microsoft qui continue à contraindre l’école française à s’adapter à ses produits et ses logiques économiques.

Précisons également que nous n’en sommes qu’au stade des déclarations d’intention et qu’en attendant les changements effectivement promis par Microsoft, le Becta préconise d’en rester aux édifiantes conclusions de son rapport, à savoir tout simplement de ne pas passer à Windows Vista et Microsoft Office 2007 en l’état actuel des choses.

Précisons enfin qu’il sera être d’autant plus facile de ne pas passer à MS Office 2007 que la suite bureautique libre OpenOffice.org est sur le point de sortir sa fort attendue version 3.

Vous trouverez ci-dessous une traduction du communiqué que le Becta a mis en ligne pour l’occasion[1].

Becta se réjouit de l’avancée importante des discussions avec Microsoft

Becta welcomes substantial progress in discussions with Microsoft

Communiqué du Becta – 16 septembre 2008 – becta.org
(Traduction Framalang : Yostral et Don Rico)

Becta s’est aujourd’hui réjoui de l’avancée importante des discussions avec Microsoft au sujet de la plainte de Becta auprès de Office of Fair Trading (OFT) (NdT : équivalent du Conseil de la concurrence) concernant l’interopérabilité et les accords d’exploitation de ses licences en milieu scolaire.

Becta travaille de concert avec Microsoft pour trouver des solutions aux différents problèmes concernant l’interopérabilité au sein de son produit Office 2007. Becta estime qu’une interopérabilité efficace est une composante importante de l’infrastructure technologique nécessaire à l’amélioration de l’éducation, qu’elle facilite les liens entre l’école et la maison, et répond au problème de la fracture numérique.

Microsoft a annoncé récemment son intention de fournir un support natif au format OpenDocument (ODF) dans Office 2007. Écoles et universités seront ainsi plus libres d’utiliser une gamme élargie de logiciels. Becta travaillera en collaboration avec Microsoft afin d’évaluer les améliorations apportées, et, en tant qu’acteur de ces recherches, fournira au secteur de l’éducation des conseils toujours d’actualité quant à leur développement.

Microsoft revoit également ses accords d’exploitation scolaire à la lumière de la nouvelle Stratégie d’Exploitation Technologique que Becta a publié récemment. Microsoft introduira un nouveau programme de licence pour les écoles, initialement comme pilote pour tous les établissements scolaires, dans à peu près six mois, parallèlement aux accords d’exploitation actuels. Becta continuera sa collaboration avec Microsoft pour garantir les bénéfices du nouveau programme et assurer sa mise en application effective.

Becta estime que l’engagement clair de Microsoft pour une réelle interopérabilité et l’introduction d’un programme pilote de licence est une excellente nouvelle pour les établissements scolaires.

Michel Van der Bel, vice président du département Secteur Public International de Microsoft, a déclaré :

« Nous comprenons que le problème de l’interopérabilité était un des facteurs clés à la base de la plainte déposée par Becta en octobre 2007 auprès de l’OFT. Il me tarde de poursuivre notre collaboration avec Becta pour garantir qu’avec la mise en place du support natif d’ODF dans Microsoft Office 2007 nous répondons aux exigences du secteur de l’éducation.

Nous revoyons nos accords d’exploitation scolaire à la lumière des développements dans la politique de l’éducation et des problèmes qu’a soulevé Becta. Nous présenterons de nouveaux accords d’exploitation conçus pour apporter la flexibilité exigée par la nouvelle Stratégie d’Exploitation Technologique. »

Stephen Crowne, Directeur Général de Becta, a commenté :

« Je salue l’annonce récente de Microsoft concernant le support natif de l’ODF dans Office 2007, et me réjouis des échanges très positifs que nous avons eu avec eux au sujet de leur engagement quant à sa mise en œuvre effective. Écoles et universités seront ainsi plus libres d’utiliser une gamme élargie de logiciels. Nous continuerons à travailler de concert avec Microsoft et le reste de l’industrie afin de maximiser les bénéfices de l’ICT (NdT : TIC) pour nos institutions scolaires.

Je me réjouis également de l’intention qu’a Microsoft d’introduire de nouveaux accords d’exploitation conçus pour donner plus de choix et de flexibilité aux établissements scolaires afin de répondre aux besoins de leurs élèves.

Ce sont des avancées très positives, qui répondent à nos préoccupations concernant les accords actuels.

La politique que Microsoft est en train d’adopter va dans le sens des grands objectifs que nous nous sommes fixés au travers de la nouvelle Stratégie d’Exploitation Technologique. »

La nouvelle direction prise par Microsoft concernant les licences : pourquoi est-ce important ?

Le Royaume-Uni va introduire un nouveau système de licences mis en place par Microsoft, qui abroge l’obligation pour les établissements scolaires ayant signé des accords de souscription de payer Microsoft afin d’acquérir des licences pour des systèmes utilisant des technologies concurrentes. Pour la première fois, les établissements ayant souscrit des accords de souscription de licence Microsoft pourront donc décider pour quelle part de leur parc informatique ils veulent acquérir des licences.

Quels bénéfices les établissements vont-ils en tirer ?

Les écoles ayant choisi le programme de licences pilote pourront décider de ne plus payer de frais de licences Microsoft pour leurs Macs ou leurs ordinateurs sous Linux sur lesquels ne tourne aucun logiciel Microsoft. Les ordinateurs fonctionnant avec des produits Open Source, tel que OpenOffice.org, ne seront également plus soumis aux frais de licences Microsoft. Point important, ces écoles pourront aussi refuser de payer une licence pour des produits tels que Vista sur des machines incapables de les faire fonctionner. Les établissements auront également désormais la possibilité d’acquérir des licences en fonction du nombre d’utilisateurs plutôt que sur le nombre de PC, ou bien une combinaison des deux.

Pourquoi un programme pilote ?

Le but de ce programme pilote est de mettre en place des dispositions qui donneront davantage de choix et de souplesse aux établissements scolaires pour répondre aux besoins de leurs étudiants. Le programme pilote donnera à Becta la possibilité de voir dans quelle mesure ces nouvelles dispositions apportent des solutions concrètes aux préoccupations que nous avons préalablement identifiées.

Quelles sont les répercussions pour les établissements, et que doivent-ils faire à présent ?

Dans l’immédiat, en attendant les modifications des accords d’exploitation de licences de Microsoft et la sortie de la nouvelle version d’Office 2007, nous conseillons aux établissements scolaires de s’assurer qu’ils possèdent les licences requises et renouvèlent leurs accords lorsque nécessaire. Ils devraient ensuite attendre les recommandations détaillées que leur fournira Becta lorsque le programme pilote de convention de Microsoft sera mis en place et que la sortie du Service Pack 2 d’Office 2007 sera imminente. Ces recommandations devraient être disponibles à la fin 2008.

Suite à ces changements d’accords de licence, les établissements paieront-ils moins cher leurs logiciels ?

Si Becta a pointé du doigt des problèmes liés aux licences, ce n’était pas dans le but d’obtenir une réduction des coûts, mais pour que les établissements ayant signé un accord de souscription puissent choisir pour quelle part de leur parc informatique ils souhaitent acquérir des licences. Cette démarche gagnant en souplesse grâce au programme pilote, les établissements devraient pouvoir optimiser le rapport entre services obtenus et budget investi. Les remises sur les achats en gros que Microsoft applique aux produits destinés au marché des établissements du Royaume-Uni sont régies par un Memorandum of Understanding (MoU) (NdT : Protocole d’accord) que Becta négocie à part.

Comment les établissements ayant signé des accords de souscription peuvent-ils réduire leurs frais ?

L’accord de souscription de Microsoft en vigueur à l’heure actuelle (Convention pour l’Education) n’est ni plus ni moins qu’une convention « tout ou rien », aussi les établissements se retrouvent-ils souvent à payer des produits Microsoft dont ils n’ont pas l’utilité. Grâce à la nouvelle convention, les établissements seront libres de choisir les systèmes sur lesquels tourneront des produits Microsoft, les produits pour lesquels ils souhaiteront acquérir une licence, et pourront ainsi éventuellement réduire leurs coûts.

Pourquoi « éventuellement » réduire leurs coûts – en toute logique, si j’achète moins, cela me coûte moins ?

Pas forcément. Dans sa convention pilote, Microsoft stipule que les tarifs pour une acquisition de licences à l’unité destinées à une partie du parc informatique d’un établissement seraient plus élevés d’environ 10% que ceux appliqués en cas d’acquisition de licences pour la totalité du parc. Si vous parvenez à moduler vos besoins en licences Microsoft de façon à les réduire de plus de 10%, vous économiserez de l’argent. Au-delà de ce pourcentage, plus vous les réduirez, plus vous économiserez chaque année.

Cette nouvelle licence de souscription « flexible » est-elle approuvée par Becta ?

Non. Becta n’approuve aucun produit vendu sous licence logicielle par un fournisseur. De notre point de vue cependant, ces nouveaux accords constituent une avancée positive en comparaison des modalités d’acquisition de licences ayant motivé la plainte que nous avons déposée en octobre 2007 auprès de l’Office of Fair Trading (OFT). L’OFT, en tant qu’autorité chargée de la réglementation de la concurrence, a été averti des modifications proposées, et livrera ses propres conclusions concernant ces questions. Pour l’heure, l’OFT n’a pris aucune décision concernant la plainte déposée par Becta.

Becta fournit-elle assistance et conseil aux établissements ne souhaitant pas utiliser de logiciels Microsoft ou refusant de « faire un mix des deux » ?

Oui, Becta indique la marche à suivre aux établissements, qui peuvent obtenir une large gamme de logiciels grâce à notre Software Licensing Framework (NdT. : Accord-cadre pour les licences logicielles). Un nouvel accord-cadre prévu spécialement pour l’éducation, établi en collaboration avec OGCbuying.solutions, remplacera notre accord-cadre actuel en octobre 2008. Nous fournissons aussi des conseils basés sur des recherches publiées au sujet des logiciels Open Source à l’école. Il est prévu que nous développions ce rôle de conseil, dans le cadre de notre participation au Schools Open Source Project (NdT : Projet pour les logiciels Open Source à l’école), qui vise à soutenir la communauté d’établissements utilisant ou envisageant d’utiliser des logiciels Open Source.

Au regard de ces changements, Becta déconseille-t-elle toujours aux établissements de passer à Vista et Office 2007 ?

Dans un rapport publié en janvier 2008, nous déconseillions le passage à Vista et Office 2007. Une des raison majeures à cela était l’absence de support natif du format de fichiers ODF dans Office 2007. Lorsque que le support natif de l’ODF sera disponible dans la suite bureautique de Microsoft, nous mettrons à jour nos recommandations concernant l’interopérabilité. En attendant, nos recommandations à ce sujet demeurent inchangées.

Avez-vous retiré votre plainte déposée auprès de l’OFT concernant les termes et les conditions d’acquisition de licences de la Convention pour l’éducation ?

Ces nouveaux accords sont à nos yeux une avancée très positive, et nous en avons fait part à l’OFT. Nous n’avons néanmoins pas retiré notre plainte. Nous estimons que sur le long terme, les intérêts des établissements scolaires et du marché des technologies de l’information et de la communication au sens large seront mieux servis par une régulation de l’OFT concernant les problèmes de licences importants que nous lui avons soumis. L’OFT nous a confirmé que l’étude de la plainte déposée par Becta en octobre 2007 était toujours en cours.

Qu’en est-il du traitement de la plainte par la Commission européenne ?

Suite à la plainte déposée par Becta auprès de l’OFT au sujet de l’interopérabilité, la Commission européenne (CE) a annoncé son intention de se pencher davantage sue les problèmes d’interopérabilité des produits Microsoft. Pour l’heure, l’OFT a reporté son examen des éléments de notre plainte relatifs à l’interopérabilité, et Becta a fourni ses éléments à charge à la CE, afin que celle-ci intègre au dosseir les problèmes d’interopérabilité que nous avons dénoncé. Nous avons informé la CE des récentes annonces de Microsoft concernant leur intention de remédier à ces problèmes d’interopérabilité avec les documents ODF dans MS Office 2007, mais c’est à la CE de décider de la marche à suivre.

Dans quelle mesure cette annonce affecte la Convention d’accord signée avec Microsoft en avril et qui doit courir jusqu’en décembre 2010 ?

Le Protocole d’accord concerne les remises sur les prix en gros pour les établissements scolaires et ne sera soumis à aucune modification.

La nouvelle convention porte exclusivement sur les établissements scolaires. Certains de ces changements auront-ils des répercussions sur les universités et d’autres institutions de l’enseignement supérieur ?

Les universités et les autres institutions d’enseignement supérieur bénéficient d’un accord de souscription de licences de Microsoft à part (portant le nom de « Convention Campus »), basé sur le nombre d’enseignants travaillant à temps plein dans l’institution. Microsoft continuera à proposer cette convention à cette catégorie d’utilisateurs. Concernant l’interopérabilité, universités et institutions d’enseignement supérieur devraient elles aussi bénéficier de l’amélioration de l’interopérabilité pour les documents que Microsoft s’est engagé à fournir dans Office 2007.

Notes

[1] Crédit photo : Riot Jane (Creative Commons By)




Largage de liens en vrac #8

Arkangel - CC by-saLe nouveau Gimp vient de sortir (version 2.6) et OpenOffice.org est dans les starting-blocks (version 3.0). Quant à moi je continue de remplir mes marque-pages de news logicielles susceptibles d’intéresser de près ou de loin le framalecteur. Comme d’habitude il ne s’agit que d’un survol rapide et subjectif de l’actualité[1].

  • Podcast Generator : Vous souhaitez offrir du podcast à vos visiteurs ? Alors Podcast Generator a de bonnes chances de répondre à votre besoin. Parmi les fonctionnalités on notera le streaming flash mais surtout la sortie XML/RSS compatible avec Juice and iTunes.
  • Capture Fox : Une extension ambitieuse Firefox qui permet de réaliser des screencast avec la voix qui plus est. La sortie est en AVI et n’est pour le moment disponible que sous Windows XP et Vista. Petite explication et démo en français ici (ps : j’ai pas compris si l’extension était libre et si l’on pouvait filmer l’écran de son ordinateur pour monter autre chose que sa fenêtre FIrefox).
  • niftyPlayer : Pour votre site web, sûrement le plus léger de tous les lecteurs flash audio (avec ou sans Javascript).
  • Phatch : Contraction de Photo et Batch. Permet d’automatiser certaines tâches sur une série de photographies. On peut renommer, redimensionner mais aussi faire pas mal de choses originales comme arrondir les coins, ajouter un effet ombré, etc.
  • Zarafa : L’alternative professionnelle à Microsoft Exchange passe en open source une bonne partie de son offre logicielle (c’est plus stratégique que philanthropique mais c’est toujours bon à prendre !).
  • Evolution : Restons dans la messagerie groupware avec l’annonce du portage Windows d’Evolution, célèbre alternative Unix à Outlook (à ne pas confondre avec le grand public Outlook Express).
  • Habari : Dans la grande famille des moteurs de blogs (WordPress, Dotclear) je demande le petit dernier que même que les premiers avis disent qu’il est très prometteur.
  • Hyperwords : Encore une très pratique extension Firefox (libre ou pas ?) qui rend certains internautes plus qu’enthousiaste. Il n’y a pas à dire mais ces extensions participent de beaucoup à la valeur ajoutée de Firefox (n’est-ce pas Google Chrome ou Chromium ?).
  • MiniG : Gmail est pour vous la meilleure des webmails ? MiniG c’est comme Gmail mais pour les entreprises puisque, détail ô combien important, les données sont conservées sur les serveurs de votre propre boite (développé pour OBM par Linagora).
  • xVideoServiceThief : Objectif simple mais parfaitement réussi : récupérer les vidéos des sites comme YouTube ou Dailymotion que l’on peut ensuite convertir à la volée (dommage il n’y a pas encore le format OGG).
  • Project Kenai : Une nouvelle forge (hébergement de projets de développement) qui, pour la résumer sur le papier, serait un peu une forge 2.0 avec un fort accent donné aux structures de type réseaux sociaux.
  • CodeLite : Comme on s’adresse ici à des développeurs on présuppose qu’ils maitrisent l’anglais : CodeLite is a powerful open-source, cross platform IDE for the C/C++ programming languages.
  • Panda : Panda, est un projet OpenSource qui permettra à n’importe quel propriétaire de site; prêt à mettre un peu les mains dans le code, d’offrir le chargement et la lecture de vidéos à ses utilisateurs. Imaginez un YouTube en kit (source TechCrunch).
  • Plumi : Même objectif que Panda mais sous Plone. Aucune idée de l’état d’avancement de ces solutions libres de streaming vidéo mais c’est bien d’avoir potentiellement la possibilité de se libérer des YouTube-like.
  • Omeka : Une plateforme web orientée présentation et archivage de fonds iconographiques (devrait intéresser certaines institutions culturelles comme les musées par exemple).

Notes

[1] Crédit photo : Arkangel (Creative Commons By-Sa)




Citation de Stallman

Stephen Birch - CC bySir Richard Matthew Stallman a dit :

Appréciez votre liberté, ou vous la perdrez, nous apprend l’Histoire. « Ne nous ennuyez pas avec la politique », répondent ceux qui ne veulent pas apprendre.

Version originale :

Value your freedom, or you will lose it, teaches history. "Don’t bother us with politics", respond those who don’t want to learn.

Citation extraite de l’article Linux, GNU, and freedom traduit en français dans son intégralité[1].

Notes

[1] Crédit photo : Stephen Birch (Creative Commons BY)




Lessazo ou le rayon de soleil musical sous Licence Art Libre

Hamed Saber - CC byLe groupe Lessazo, c’est JosephK qui vient de me le faire découvrir et qu’il en soit ici chaleureusement remercié parce qu’il s’agit selon moi d’une véritable perle de la culture libre francophone.

Voici ce qu’on peut lire sur le site officiel : « Les oeuvres musicales proposées sont sous Licence Art Libre. Vous avez ainsi la liberté de copier, diffuser et transformer les œuvres sous conditions de garantir ces mêmes libertés. Cette licence permet d’appliquer les principes essentiels à la création artistique. » Comme dirait l’autre, c’est leur choix et on ne s’en plaindra pas 😉

Avec l’album « Soleil d’hiver »[1], vous voici en effet parti pour un beau voyage de plus de deux heures entre l’Afrique et le France. Un voyage qui… mais cessons séance tenante le bavardage et découvrons ensemble, par exemple la chanson « Ikaso (la maison tremble) »[2] :

Ou encore « Moussa » :

Les voici rapidement présentés dans ce reportage vidéo de Rue Léon TV :

—> La vidéo au format webm

Rendez-vous au prochain concert…

Notes

[1] Crédit photo : Hamed Saber (Creative Commons By)

[2] L’album « Soleil d’hiver » est en vente chez 12 BD Production (qui propose d’autres sélections musicales sous Licence Art Libre soit dit en passant).




Informatique à l’école : Tout ne va pas très bien Madame la Marquise

La France est-elle numériquement sous-éduquée ? Et si oui doit-on faire quelque chose pour modifier la donne en particulier à l’école ? Ce n’est pas tout à fait ainsi que Jean-Pierre Archambault[1] et Maurice Nivat exposent la problématique dans l’article que nous reproduisons ci-dessous mais cela y ressemble un peu.

Que l’on soit ou non d’accord avec leur exposé des faits et leurs propositions, cela mérite selon nous au moins un débat. Or, de la même manière que la présence de Microsoft à l’école n’est pas discutée, la présence d’un éventuelle discipline informatique à part entière n’est pas à l’ordre du jour (quand bien même uniquement en lycée et uniquement dans les sections scientifiques comme il est pragmatiquement suggéré dans un premier temps par nos auteurs).

Et si ce n’est pas à l’ordre du jour c’est que notre vénérable institution scolaire a fait le choix de l’informatique en tant qu’outil sur l’informatique en tant qu’objet d’enseignement en arguant que tout va très bien Madame la Marquise puisqu’existe le Brevet Informatique et Internet (B2i) décliné et distillé de l’école élémentaire jusqu’au lycée en passant par le collège.

Le problème c’est qu’on se retrouve en face d’un double échec. Le premier échec c’est que l’on passe alors à côté d’une certaine culture informatique tout en ne formant pas les développeurs de demain dont nous aurons nécessairement besoin (sauf à se mettre à tout externaliser en Asie ou ailleurs). Développeurs en général mais aussi, ça coule de source, développeurs de logiciels libres en particulier (dont on ne s’étonnera pas de trouver trace dans leur projet de programme pour les sections scientifiques des lycées).

Le second échec, et ceci n’engage que moi et ma petite expérience, c’est que le B2i est globalement une mascarade qui ne veut pas dire son nom. Des enseignants juqu’aux directions académique en passant par les chefs d’établissement, tout le monde a intérêt à dire que le B2i fonctionne dans une logique de remontée hypocrite et enjolivée des informations dont l’Éducation Nationale a le secret. Mais dans la réalité, j’en mets ma main à couper, on est loin des objectifs et on se retrouve le plus souvent avec une parodie de B2i, les élèves de plus en plus sensibilisés hors de l’école commencent d’ailleurs à s’en rendre bien compte. Vous aurez beau me sortir la dizaine d’établissements où les B2i est une réelle réussite collective (exemples toujours mis en exergue par l’institution), vous ne m’ôterez pas de l’idée que depuis le temps qu’on parle du B2i, c’est-à-dire 8 ans, ça ne marche pas bien voire pas du tout (sauf parfois en collège là où les enseignants de technologie organisent quasiment en solitaire le B2i de par la proximité des compétences à valider avec leur propres programmes d’enseignement mais alors ça ne valait pas la peine dépenser autant d’énergie pour créer le B2i). Ne reste donc-t-il plus que les blogs de profs d’en bas pour dire que le roi B2i est nu ?

Il n’est pas question de nier les problèmes liés par exemple aux emplois du temps souvent surchargés des élèves que la création d’une nouvelle discipline ne risque pas d’améliorer. Simplement il faut savoir ce que l’on veut. D’accord pour que les hommes politiques nous fassent de beaux discours sur la fracture numérique[2], les nouvelles générations à l’ère du numérique, etc. Mais alors il faudrait joindre réellement les actes à la parole en cessant quelque peu de se voiler la face.

Ulaanaatar Mongolia - OLPC - CC-By

Pour un enseignement de l’informatique et des TIC

Maurice Nivat et Jean-Pierre Archambault
1er septembre 2008t
URL d’origine sur le site de l’EPI

Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, Gérard Berry indiquait que « tout le monde le voit et le dit, notre civilisation est en train de devenir numérique », mais que « les fondements de la locution "monde numérique" restent largement ignorés du public ». Et Il ajoutait que « ce n’est pas étonnant car l’information synthétique est encore pauvre dans ce domaine qui ne repose pas sur des bases enseignées classiquement ».[3]

L’informatique est partout, dans la vie de tous les jours, au domicile de chacun, avec l’ordinateur personnel et l’accès à Internet ; dans l’entreprise où des systèmes de contrôle informatisés font fonctionner les processus industriels. Ses métiers, et ceux des télécommunications, occupent une place importante dans les services. On ne compte plus les objets matériels qui sont remplis de puces électroniques.

C’est l’informatique, pour ne prendre que ces exemples, qui a récemment fait faire de très spectaculaires progrès à l’imagerie médicale et qui permet ceux de la génétique. Elle modifie progressivement, et de manière irréversible, notre manière de poser et de résoudre les questions dans quasiment toutes les sciences expérimentales ou théoriques qui ne peuvent se concevoir aujourd’hui sans ordinateurs et réseaux. Elle change la manière dont nous voyons le monde et dont nous nous voyons nous-mêmes.

L’informatique s’invite aussi au Parlement, ainsi on s’en souvient, en 2006, pour la transposition de la directive européenne sur les Droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), suscitant des débats complexes où exercice de la citoyenneté rimait avec technicité et culture scientifique. En effet, s’il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle… ce fut sur fond d’interopérabilité, de DRM, de code source.

Il y a de plus en plus d’informatique dans la société, mais les entreprises ont du mal à recruter les informaticiens qualifiés dont elles ont besoin, et cela vaut pour l’ensemble des pays développés. Le Syntec se plaint du manque d’attractivité chez les jeunes pour les métiers de l’informatique. Gilles Dowek, professeur d’informatique à l’École Polytechnique, fait le constat du faible niveau en informatique des ingénieurs généralistes en France, et de « nos étudiants, comparés à leurs camarades indiens et chinois, bien entendu, mais aussi européens »[4]. Dans leur rapport sur l’économie de l’immatériel, Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet citent, parmi les obstacles qui freinent l’adaptation de notre pays à cette économie nouvelle et constituent un handicap majeur pour l’innovation, « notre manière de penser », invitant à changer un certain nombre de « nos réflexes collectifs fondés sur une économie essentiellement industrielle ». Ils insistent sur le fait que, dans l’économie de l’immatériel, « l’incapacité à maîtriser les TIC constituera une nouvelle forme d’illettrisme, aussi dommageable que le fait de ne pas savoir lire et écrire ». Nous sommes manifestement en présence d’un enjeu de culture générale, correspondant aux missions traditionnelles de l’École, former « l’homme, le citoyen et le travailleur ». Il faut donc se tourner résolument vers le système éducatif.

Si un consensus s’est dégagé au fil des ans sur la nécessité de donner une culture informatique aux élèves, des divergences sérieuses subsistent quant aux modalités pour y parvenir. Pas de problème pour considérer que l’ordinateur est un outil pédagogique aux vertus et potentialités reconnues, auquel il faut recourir avec pertinence, et un outil de travail personnel et collectif de la communauté scolaire. Ou pour intégrer les évolutions engendrées dans les disciplines par l’informatique qui modifie pour une part leur « essence », à savoir leurs objets et leurs méthodes.

En revanche, à aucun moment les élèves ne rencontrent dans leur formation générale une approche conceptuelle et disciplinaire de l’informatique, sous la forme d’un enseignement en tant que tel. Les conséquences en sont pour le moins fort dommageables.

Il y a eu dans les années quatre-vingts une option dans les lycées. Elle a été supprimée par deux fois pour de mauvaises raisons. En effet, deux approches pédagogiques s’affrontent. Pour les uns, les apprentissages doivent se faire exclusivement à travers les utilisations de l’outil dans les disciplines existantes. Une discipline informatique serait inutile. Ainsi, point besoin de savoir quoi que ce soit, ou peu s’en faut, pour se servir de logiciels. Étrange propos. Depuis que l’« homo faber » fabrique des outils et s’en sert, une bonne intelligence de l’outil (matériel ou conceptuel) est considérée comme nécessaire pour une bonne utilisation, efficace, précise et raisonnée : plus on en sait mieux cela vaut, partout. Il n’y aurait que l’informatique qui échapperait à cette règle et où l’ignorance serait un avantage ! Autre argument avancé, celui selon lequel on ne va quand même pas faire de tous les enfants des informaticiens ! Comme si l’enseignement des mathématiques ou du français, dont tout le monde admet la nécessité, avait pour but de faire de tous les élèves des mathématiciens ou des écrivains.

Pour les autres, dont nous sommes, lorsqu’un champ de la connaissance est partout, il doit être quelque part en particulier dans la culture générale scolaire, pour tous les élèves, sous la forme d’une discipline, avec ses professeurs, ses contenus, ses horaires. C’est la solution la plus efficace que l’on ait trouvée, la plus rationnelle, et la plus économique. C’est le cas par exemple des mathématiques, outil conceptuel au service de l’ensemble des disciplines, omniprésentes dans la société et, à ce titre, objet d’enseignement pour elles-mêmes. Il doit en aller à l’identique pour l’informatique. La culture scolaire est ainsi faite que des disciplines apparaissent en fonction de nouveaux savoirs et des besoins de la société, d’autres disparaissent, toutes évoluent.

« Objet » et « outil » d’enseignement, loin de s’opposer, sont complémentaires et se renforcent mutuellement. L’expérience montre que l’approche exclusive par l’utilisation de l’outil ne fonctionne pas, aussi bien dans l’enseignement scolaire que dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Or, malheureusement, le B2i (Brevet informatique et internet) relève de cette démarche : les acquisitions doivent se faire dans des contributions multiples et partielles des disciplines, à partir de leurs points de vue, sans le fil conducteur de la cohérence didactique des outils et notions informatiques. Passe encore à l’école primaire où, et c’est fondamental, il y a un enseignant unique qui maîtrise donc ses progressions pédagogiques et leurs cohérences, l’organisation du temps scolaire et qui se coordonne facilement avec lui-même ! Mais ce n’est pas le cas au collège ou au lycée : là résident pour une bonne part les difficultés constatées de mise en oeuvre du B2i. On conviendra effectivement du caractère ardu de la tâche au plan de l’organisation concrète. Ainsi, un rapport de l’IGEN soulignait-il que « si différentes circulaires précisaient les compétences devant être validées, elles laissaient néanmoins dans l’ombre de l’autonomie des établissements les modalités concrètes de mise en oeuvre »[5]. Pour se faire une idée de la difficulté de l’exercice, il suffit d’imaginer l’apprentissage du passé composé et du subjonctif, du pluriel et de la subordonnée relative qui serait confié à d’autres disciplines que le français, au gré de leurs besoins propres (de leur « bon vouloir »), pour la simple raison que l’enseignement s’y fait en français.

De plus, comment organiser des apprentissages progressifs sur la durée lorsque les compétences recherchées sont formulées de manière très générale (par exemple : « maîtriser les fonctions de base » ou « effectuer une recherche simple »), éventuellement répétitives à l’identique d’un cycle à l’autre, et que les contenus scientifiques, savoirs et savoir-faire précis permettant de les acquérir, ne sont pas explicités. Sans oublier des conditions matérielles, accès, maintenance, gestion des parcs de machines… ne répondant pas forcément aux besoins. S’ajoute une formation des enseignants insuffisante. On n’envisage pas de faire enseigner la littérature française, ou les sciences de la vie, ou l’histoire par quelqu’un dont les connaissances ne dépasseraient pas celles qu’on peut acquérir en quelques semaines ou mois de stage. C’est pourtant le cas en ce qui concerne l’informatique et les technologies de l’information et de la communication. Certes, cela rend d’autant plus méritoires les efforts de tous les professeurs d’autres disciplines qui, en plus de leur matière principale, enseignent de l’informatique, souvent avec enthousiasme. Mais ils ne sont qu’une minorité. La boucle est bouclée : on retombe sur l’absence d’une discipline scientifique et technique avec des connaissances spécifiques et des méthodes identifiées et nommées.

L’association EPI (Enseignement public et informatique) a créé au sein de l’ASTI (fédération des Associations françaises des Sciences et Technologies de l’Information) un groupe de travail, de réflexion et d’action, sur l’enseignement de l’informatique et des TIC[6]. Ce groupe a élaboré un projet de programme pour les sections scientifiques des lycées[7]. Selon l’EPI et l’ASTI, qui ont notamment été reçues à l’Élysée, à Matignon et au Ministère de l’Éducation nationale, les réponses apportées par le système éducatif en matière de culture générale informatique de l’« honnête homme du XXIe siècle » ne sont pas à la hauteur des enjeux et des exigences de la société de l’immatériel. Enseigner l’informatique est une nécessité, par ailleurs de nature à lutter contre la crise des vocations scientifiques. Il serait temps qu’en particulier cesse ce paradoxe qui voit les futurs scientifiques, les générations à venir d’ingénieurs de la société de la connaissance, ne pas rencontrer dans leur scolarité l’informatique en tant que telle : théorie de l’information, algorithmique, programmation, réseaux… et autres notions et concepts, tous indispensables à une culture informatique et TIC permettant des usages raisonnés.

Maurice Nivat
Professeur émérite à l’Université Paris 7
Membre correspondant de l’Académie des Sciences

Jean-Pierre Archambault
Professeur agrégé de mathématiques
Président de l’association Enseignement Public et Informatique (EPI)

Notes

[1] Á plus d’un an d’intervalle, c’est le deuxième article du Framablog sur le sujet. Comme quoi Jean-Pierre Archambault est persévérant et nous aussi !

[2] Crédit photo : Ulaanbaatar, Mongolia par OLPC sous licence Creative Commons BY.

[3] http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/inn_tec/p1200929441219.htm

[4] « Quelle informatique enseigner au lycée ? », intervention à l’Académie des Sciences du 15 mars 2005 http://www.lix.polytechnique.fr/~dowek/lycee.html

[5] http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/074000125/0000.pdf en page 17

[6] http://www.epi.asso.fr/blocnote/blocsom.htm

[7] http://asti.ibisc.univ-evry.fr/groupe-itic/Programme-04-03-2008.pdf




Que pensez-vous d’un framabook sur l’Eee PC ?

On line manga on Asus Eee PC - Steve Keys - CC-by

Nous envisageons plus que sérieusement de rédiger un futur framabook sur l’Eee PC. Ce billet présente le projet, vous demande votre avis et en appelle éventuellement à votre collaboration.

Il y a quelques jours Valérie est venue nous signaler qu’elle avait achevé la rédaction d’un petit bouquin sur l’Eee PC : « Eee PC – Trucs & Astuces ».

À partir de cette première brique nous nous sommes dits qu’on pouvait peut-être aller plus loin et en faire carrément un nouveau volume de notre collection de livres libres Framabook[1].

La première question à se poser est celle de la pertinence d’un tel livre.

Nous pensons en effet que le jeu en vaut la chandelle. D’abord parce qu’il est indéniable que l’Eee PC est l’un des phénomènes de l’année et s’est très bien vendu dans le monde francophone. Ensuite parce qu’en ayant désormais le choix entre les deux systèmes d’exploitation que sont Windows et GNU/Linux, nous souhaitons donner envie d’utiliser le second plutôt que le premier (c’est notre parti pris assumé). Enfin parce que nous ambitionnons de montrer à ceux qui ont justement fait le choix d’un Eee PC sous Linux qu’ils ne se sont pas trompés et qu’on peut faire tout plein de choses intéressantes voire insoupçonnées avec 😉

Le public cible serait dont là encore le grand public incarné, avec tout mon respect, par Jeanne-Marie sur cette vidéo.

Ce qui ne nous empêche pas d’avoir à l’esprit les problèmes liés à l’originalité de l’ouvrage puisque ce serait le première fois qu’on traiterait d’un ordinateur particulier (et donc d’une marque particulière, et donc de sa politique d’évolution du produit), alors même que la concurrence s’organise sur le marché des ultraportables pour ne pas laisser Asus tout seul justement. Si vous pensez que ces éléments sont si importants qu’ils peuvent remettre en cause l’opportunité de notre projet, n’hésitez surtout pas à nous le dire.

Mais admettons, comme nous le pensons, que cela vaille toujours la peine. C’est là que nous faisons appel à vous. Que faudrait-il mettre dans ce livre pour obtenir quelque chose d’intéressant et d’utile à l’utilisateur de base ? Quel plan ? Que faudrait-il ajouter par rapport au premier jet de Valérie (mais aussi par rapport au petit manuel officiel que l’on trouve à l’achat dans la boite de l’Eee PC) ? Il y a Xandros (la distribution GNU/Linux d’origine de l’Eee PC), son mode easy et avancé (KDE). Il y a tous les logiciels présents par défaut dans Xandros (OOo, Firefox, Amarok…) qu’on pourrait peut-être prendre le temps de bien présenter ? Il y a les autres distributions que l’on peut installer dessus, la ligne de commande, la sensibilisation à ce qu’est un logiciel libre… Toutes les suggestions sont bonnes à prendre.

Enfin admettons que non seulement vous trouviez le projet intéressant mais que vous seriez également prêt à y participer, Valérie nous ayant confié que justement elle serait ravie de travailler collectivement à la rédaction d’un tel ouvrage pour venir étoffer ce qu’elle à déjà rédigé. Correcteur, relecteur ou, pourquoi pas, rédacteur (par exemple d’un chapitre dédié : installer une autres distribution, présentation d’OpenOffice.org, etc.), si vous souhaitez en être, merci de nous le signaler dans les commentaires. Nous vous inscrirons alors sur une liste de discussion dédiée au projet.

Merci de votre attention, en attente de vos commentaires et/ou d’une éventuelle (et bienvenue) participation.

Cordialement, Framasoft (et Valérie).

Notes

[1] Crédit photo : Online Manga on Asus Eee PC par Steve Keys sous licence Creative Commons By.