Entretien avec trois candidats du Parti Pirate aux legislatives 2012

Le dimanche 10 juin prochain aura lieu le premier tour des élections législatives françaises.

Dans plus d’une centaine de circonscriptions, vous avez le choix entre aller à la pêche, voter pour un parti traditionnel ou, et c’est nouveau, apporter votre voix au Parti Pirate (PP) et ainsi donner de la voix aux thèmes qu’ils soutiennent et qui nous sont chers.

Rencontre avec Carole Fabre (candidate pour la 3ème circonscription de Haute-Garonne), Pierre Mounier et David Dufresne (respectivement candidat et suppléant pour la 15ème circonscription de Paris) que nous connaissions avant qu’ils ne se présentent et qui ont bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions.

Espoir et énergie communicative. À force de pousser de tous les côtés, nous finirons bien par faire bouger les lignes 🙂

Carole Fabre

Bonjour à tous les trois, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Carole Fabre (CF) : Actuellement, je fais du conseil formation autour des usages du web, j’essaie d’amener le partage, la collaboration, la réciprocité, les liens, l’éthique, la responsabilité numérique, que ce soit pour la veille, pour l’identité numérique, pour les médias sociaux, pour le management, etc … Je donne aussi des cours ponctuellement.

David Dufresne (DD) : Punk un jour, punk toujours. Je suis aussi journaliste à l’ancienne, et réalisateur de webdocumentaires. Incapable de tenir une guitare, je pianote sur mon clavier toutes la journée. Ma première connexion remonte à 1994. Je passais par un prestataire américain, CompuServe. On payait en dollars. Et certains mois, la parité franc/dollar jouait de sales tours.

Pierre Mounier (PM) : Je suis professeur de lettres ; je travaille aujourd’hui dans l’édition numérique de sciences humaines et sociales en libre accès.

Qu’est-ce qui, dans votre CV, peut expliquer cet engagement ? Est-ce votre premier pas en politique ? Et dans la vie associative ?

CF : Dès la fin des années 80, j’ai eu un ordinateur personnel et je suis connectée à Internet depuis 1996. J’ai rapidement compris que le numérique allait changer considérablement nos façons de faire et qu’Internet nous ouvrait des voies inédites pour plus de partage et de collaboration.

Petit à petit, il s’est dessiné un chemin nouveau, une autre façon d’envisager les relations humaines, les liens sociaux; la puissance du réseau des réseaux est devenue incontournable. Elle nous a montré une autre voie possible en nous connectant aux autres dans le monde entier, un accès inépuisable aux connaissances, une entraide pour apprendre, l’autonomie pour publier, une voie plus libre, plus responsable !

Mais cette liberté fait peur, surtout à ceux qui dirigent, aux experts, aux enseignants, …, à tous ceux qui pensent avoir autorité sur d’autres. Alors ils reculent et je n’ai pas envie de reculer mais d’avancer. C’est pourquoi j’ai rejoint le Parti Pirate. Je n’avais jamais envisagé avant de rejoindre un parti politique, les trouvant tous à mille lieues des préoccupations essentielles, les regardant fonctionner avec leurs petits pouvoirs, leurs petites visions, leurs fonctions à privilégier.

Non, la politique ce n’était pas pour moi. Mais la virulence qui s’est accentuée, et cela dans le monde entier, contre les libertés acquises, numériques ou pas numériques, a fait que j’ai sauté le pas. Insidieusement, certains tentent de faire d’Internet une simple télévision pour consommateur, certains tentent de surveiller et de punir la liberté d’expression, certains tentent de nous mettre en fichiers, certains tentent d’empêcher le partage. Et toutes ces tentatives ricochent par effet induit dans la vie de tous les jours. Vidéosurveillance, vidéo-protection, fichage biométrique, scanners corporels dans les aéroports, brevetage du vivant … bientôt les marchandises seront plus libres que les humains.

Je ne peux cautionner cela et rester à attendre sans rien faire. La société qui advient est basée sur le numérique, que ce soit la création monétaire, les logiciels boursiers, le vote électronique, …, toute la communication, tous les échanges. Il est temps de décider ce que l’on désire vraiment comme société.

Une autre raison m’a poussée à me porter candidate. Je milite activement depuis 3 ans pour l’instauration d’un revenu de base pour tous. Et le Parti Pirate français le propose en mesure compatible avec le programme national.

DD : Il y a très longtemps, en 2000, l’un de mes livres était intitulé « Flics et Pirates du Net » (écrit avec Florent Latrive)… Autant dire que la question du « piratage » me travaille depuis un certain temps. A dire vrai, depuis 18 ans maintenant, mon travail se partage entre le Net et les questions liées aux libertés (individuelles, collectives).

La nuit, je milite pour un Net ouvert et non marchand; le jour, je réalise des films et écrit des enquêtes sur la police, la justice. Le Parti Pirate rejoint mes deux préoccupations, en quelque sorte. Oui, premier engagement au sens engagement-parti-politique; oui, première carte politique. Pour être franc: je suis le premier étonné, moi qui suis d’ordinaire si réfractaire à toute idée de hiérarchie. Mais le PP est assez foutraque, et plein d’énergie, pour être excitant.


PM : je me suis intéressé aux enjeux politiques et sociaux d’Internet et du numérique à partir de la fin des années 90. J’ai créé un site, Homo Numericus, qui m’a permis d’explorer la révolution numérique dans ses différentes dimensions. J’ai bien vu lors des premières lois qui ont été adoptées sur la sujet qu’il y avait un décalage considérable entre les usages réels des internautes et la manière dont la classe politique traditionnelle considère et prétende réguler ces usages.

J’ai été proche de plusieurs associations de défense des libertés sur Internet et j’ai participé à plusieurs des mobilisations à l’occasion du vote sur ces lois. Et à chaque fois, j’ai été déçu par la faiblesse et le manque de retentissement de ces mobilisations. Tout se passe encore comme si les questions politiques liées au numérique relevaient encore d’un autre monde virtuel sans prise avec la vie réelle. C’est pour cela que j’ai cherché une autre forme d’engagement, qui cherche à prendre pied dans le réel, sur le terrain même des politiques, en établissant un rapport de force, en présentant des candidats aux élections.

Pas n’importe quel engagement : le Parti Pirate. Alors pourquoi lui et pas un autre ? Où se situe son originalité et son espoir ?

CF : Comme une vague générationnelle, le Parti Pirate, présent dans 64 pays, déferle sur le monde ancien. Ce n’est pas un parti enfermé dans ses frontières, il y a quelque chose de beaucoup plus fort, beaucoup plus important que les vaines revendications des autres partis politiques complètement sclérosés, incapables de lever le nez hors de leurs privilèges; Je ressens un souffle de liberté avec le Parti Pirate, d’ailleurs les libertés sont au cœur du programme politique. Liberté, un mot, que l’on a très rarement entendu pendant les présidentielles…

DD : Comme Carole, parce que je crois que le PP peut déferler sur le monde ancien, le bousculer, le hacker et le hâcher menu. Il faudra du temps, il faudra même passer — peut-être ? — par une forme de durcissement du discours, mais c’est jouable. Et plus que tentant. Certains adhérents du PP revendiquent le ni droite ni gauche. Pas moi. Je comprends bien l’idée (« ni droite ni gauche, devant ! »), qui est séduisante sur bien des points, elle reste pour l’heure trop floue. Personnellement, je suis venu au PP pensant y trouver un levier pour hacker la gauche de gauche.

PM : j’ai été conquis par cette idée de démocratie directe qui est au cœur du Parti Pirate. Le Parti Pirate est né de l’Internet. Il en porte la culture politique : horizontal, peu de délégation, ouvert aux contributions de tous, se coordonnant de manière flexible et réactive.

Peut-on vous qualifier de « power user » d’Internet et si oui en quoi cela a pu faciliter le rapprochement avec le Parti Pirate et ses thèmes de prédilection ?

CF : Oui, je dois être « power user », c’est ça 🙂 (voir réponses plus haut)

DD : Je suis Interneto-dépendant, littéralement. C’est affreux, et délicieux. J’imagine que bien des lecteurs du Framablog ressentent la même chose. Ma grande (et bonne) surprise a été de voir, en arrivant au PP, que ce n’était pas, justement, les Internautes Anonymes. Tous les sympathisants ne sont pas forcément des « power users ». On est loin de l’image des réunions de Geeks parfois, et c’est très bien ainsi. Ça montre que le PP fédère large.

PM : Oui, c’est évident. Je travaille avec Internet, je vis sur Internet et je considère le cyberespace comme ma patrie d’adoption. Mais en même temps : n’est-ce pas le cas d’un très grand nombre de personnes ? Ne sommes-nous pas tous des power users ?

La plupart des enquêtes le montrent : les usages des nouvelles technologies sont très répandus et intensifs, souvent sur un mode de communication particulier. Tout le secteur tertiaire travaille en permanence sur ordinateur. Les services de communication en ligne ont des millions d’utilisateurs, les smartphones ont un taux de pénétration considérable.

Ce qui est caractéristique de nos trois profils en revanche, c’est que nous sommes des médiateurs : formateur, journaliste et enseignant. Nous ne sommes donc pas nécessairement plus « geeks » que d’autres, mais je crois que nous sommes dans des positions qui nous amènent à avoir une conscience plus aiguë de ces nouveaux usages et de leurs implications politiques.

La « grande presse » a consacré de nombreux articles à la présence du Parti Pirate lors de ces élections. Est-ce déjà un succès en soi et êtes-vous satisfait de la manière dont les journalistes ont parlé de vous ?

DD : La presse a besoin de nouveauté, et il ne faut pas s’y tromper: l’incroyable couverture récente du PP doit beaucoup à cet aspect des choses. Les résultats de dimanche, bien sûr, seront importants pour la suite que la presse voudra bien accorder, ou non, au PP. L’essentiel est que le nom ait circulé dans les rédactions, que le PP se soit fait une petite place, que nous ayons, par exemple, été repris du Figaro à TF1, du Monde à Europe 1, sur la question du vote par Internet des Français de l’étranger, au point que le Quai d’Orsay se soit senti contraint de nous répliquer. Ou que Marianne, en nous rangeant dans les « farfelus », se soit vu immédiatement contredit sur Twitter.

Malgré le retentissement récent, tout reste à faire. Je pense qu’on peut être plus inventifs, plus percutants, plus pirates. D’autant que nous butons sur un sacré conservatisme de la part des journalistes politiques. Ne pas comprendre que ce qui se joue aujourd’hui d’un point de vue technologique est aussi crucial que les combats écologiques lancés par les Verts est, au mieux, une preuve de cécité de leur part; au pire, une faute professionnelle.

CF : C’est un premier pas. Il est vrai que les succès électoraux en Allemagne nous ouvrent la voie. Localement, c’est assez amusant, la première fois que la Dépêche du Midi nous a cité, ils ont mis PP Parti Populaire… ils n’avaient jamais entendu parler du Parti Pirate !

En général, nous sommes encore trop qualifiés de geeks et d’informaticiens à lunettes, les journaliste ont du mal à voir que nos revendications dépassent largement Internet. Peu signalent par exemple que nous nous engageons à suivre la charte anti-corruption de Anticor. Dès qu’on parle de transparence politique ils sont assez surpris et tentent de nous faire revenir sur le téléchargement 😉

PM : Oui, et je dois avouer que c’est une surprise pour moi. La plupart des mouvements politiques et mouvements sociaux d’un type nouveau traversent une longue période à leurs débuts au cours de laquelle les médias ne leur donnent aucune visibilité et, pire, déforment leur positionnement et leurs propositions. Je trouve que cela n’a pas été trop le cas au cours de cette campagne. J’ai noté beaucoup de curiosité de la part des journalistes qui ont cherché à comprendre sincèrement ce qu’était ce mouvement.

Le meilleur exemple pour moi est l’article d’Yves Eudes dans le Monde qui établit une coupe sociologique objective du mouvement et qui a appris, je crois, beaucoup aux adhérents du Parti Pirate eux-mêmes… Par contre, cet article a été classé dans la rubrique…. Technologies. C’est caractéristique.L’engouement médiatique a beaucoup été le fait des secteurs culture et technologies de la presse, mais n’a pas encore touché le cœur du cœur du système médiatique : les journalistes politiques de la presse nationale qui ne nous ont pas encore repérés dans leur radar.

Le Parti Pirate a été très actif pour dénoncer le vote électronique des français de l’étranger. En quoi est-ce une affaire importante pragmatiquement et symboliquement parlant ?

CF : Encore une fois, nous comprenons et maîtrisons le numérique et savons que le numérique c’est piratable 🙂 … A partir de ce constat, il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Le vote électronique est incontrôlable. Peut-être un jour arriverons nous à sécuriser le vote électronique mais pas actuellement. Au-delà des problèmes techniques et de la non vérification possible par les citoyens, l’ironie est que c’est une entreprise privée d’Espagne qui s’occupe de gérer ce vote …

DD : À mes yeux, cette affaire constitue un enjeu majeur dans le sens où c’est un peu de la démocratie qu’on confisque, avec des dysfonctionnements patents, une privatisation partielle du vote, une opacité réelle. C’est bien parce que nous défendons Internet que nous nous devons de traquer les abus des pouvoirs publics et des sociétés privées. Le vote électronique des français de l’étranger est apparu au fil des jours pour ce qu’il est : un cheval de Troie.

Les Partis Pirates suédois et allemand ont une longueur d’avance. De plus lors des récentes manifestations contre ACTA on a pu voir l’Est de l’Europe beaucoup plus mobilisée que l’Ouest, France incluse. Y a-t-il une raison à cela et n’est-ce pas un indicateur défavorable quant à ces prochaines élections ?

CF : Même si nous parlons beaucoup d’ACTA entre acteurs du numérique sur Internet et que l’on sent tout de même un revirement positif de la situation au niveau européen, le problème est que la plupart des citoyens n’en ont jamais entendu parler ! Il faut expliquer encore et encore. En tout cas ce n’est vraiment pas au cœur des débats des autres partis politiques pour ces élections, que dis-je au cœur, c’est complètement absent. Et oui, c’est défavorable, car le grand public ne comprend pas encore l’importance de ces enjeux.

DD : La France est un pays terriblement passéiste et passablement frileux. Avec un Front National si fort, et une gauche parlementaire qui a si peur de son ombre, tout semble bloqué. Depuis déjà un paquet de temps, et pour longtemps. Nos voisins, moins auto-centrés, ont compris bien avant nous l’importance de la… révolution numérique. Sincèrement, oui, la bataille ne fait que commencer de ce côté_-ci du Rhin. C’est ce qui en fait, aussi, sa beauté: tout est à faire.

PM : Nous sommes un pays technophobe et c’est une malédiction qui nous frappe de manière renouvelée. Beaucoup de gens pensent que la politique s’arrête aux déclarations de principe (le « fétichisme des principes » est une autre de nos malédictions) et ne voient pas du tout comment il peut y avoir des enjeux politiques dans ce qu’ils considèrent comme des « affaires de garagistes » (sic, citation réelle).

Il y a bien une tradition intellectuelle française qui s’intéresse à la chose technique et à ses enjeux sociaux et politiques ; les encyclopédistes, Saint Simon, Simondon, Latour, Serres. Mais elle est isolée et minoritaire, rarement dominante à chacune des époques considérées. Or, c’est un vrai handicap, alors que nous vivons à une époque complètement dominée par des enjeux techno-scientifiques. Peut-on faire évoluer les mentalités et intéresser les français aux enjeux politiques des choix technologiques ? Je pense que la montée en puissance d’un Parti Pirate en France peut y contribuer.

David Dufresne

Cory Doctorow a pu dire qu’il est fondamental de gagner la bataille actuelle contre le copyright car elle fait figure de laboratoire pour les autres batailles à venir entre le citoyen, les multinationales et les états affaiblis. D’accord pas d’accord ?

CF : Entièrement d’accord. Si les droits d’auteur et les brevets ont pu être profitables au XIXème siècle, ils sont maintenant complètement obsolètes. Nous devons repenser tout cela.

Quand on voit que certains tentent maintenant de breveter aussi le vivant … c’est impensable de s’approprier nos biens communs, breveter des gènes humains, des gènes animaux, des gènes de plantes. Quelle société cela préfigure t-il ? Avons-nous envie de tout marquer et de tout jouer en bourse ? Les dégâts sont bien déjà assez suffisants avec le marché des matières premières et des matières alimentaires.

PM : Oui, absolument. La conférence de Cory Doctorow devant le Chaos Computer Club si mes souvenirs sont bons est un moment historique qui a donné un sens politique général a un combat qui pouvait sembler à la fois pointu et un peu secondaire parce que concernant seulement la consommation culturelle.

Le logiciel libre est un des pionniers et un des piliers de la révolution à venir. Délire ou prophétie ?

CF : Prophétie, oui ! Quand on voit que près de 95% des serveurs dans le monde sont sous Unix et non pas sous Windows, nous nous devons de demander pourquoi c’est mieux fabriqué. Et comment ça se fabrique. Là encore, la pédagogie est indispensable, peu de personnes savent.

L’autre jour, je me demandais : « et si on ouvrait les codes de la loi et qu’on puisse les améliorer, et même en faire un fork pour simplifier, repartir sur des bases saines et non pas un empilement où plus personne ne comprend plus rien. » 🙂

Mais sans aller aussi loin, on constate déjà que des initiatives voient le jour dans d’autres domaines que les logiciels : des plans partagés et améliorés de moteur, des systèmes agricoles, des systèmes d’eau potables, etc.

C’est en fait naturel à l’être humain, pouvoir comprendre, contribuer, améliorer, cela s’est toujours fait. La propriété généralisée à toute chose est finalement assez récente dans l’histoire de l’humanité. Si le silex avait été breveté et privatisé, nous ne serions peut-être pas là aujourd’hui. 🙂 Et la roue, hein, la roue…

DD : C’est moins l’outil libre que sa confection qui importe. Ce que le logiciel libre bouleverse, c’est cette forme de société de contribution qu’il annonce. Cette notion de pot commun, de partage, de désintéressement parfois provisoire, qu’importe. Mais nous avons un effort de pédagogie à mener: seule la communauté du Libre sait de quoi il s’agit. Hors de celle-ci, libre et free, gratuit et open source, sont des notions encore mal comprises et qui semblent vidées de leur caractère politique.

PM : Ni l’un ni l’autre : le logiciel libre est aujourd’hui un des piliers fondamentaux de la révolution en cours (et non à venir). Mais cela implique de devoir résoudre des problèmes que pose ce mouvement continu d’élargissement du « libre » à d’autres secteurs d’activités que la conception logicielle.

Et sur ce chemin, la voie est étroite entre une forme d’intransigeance aristocratique et parfois puriste qui empêche la greffe de prendre d’un côté, et ce qui constituerait une dilution tellement importante qu’on n’y retrouverait plus l’esprit originel de l’autre : logiciel libre, art libre, culture libre, creative commons, libre accès, open data, on a là une galaxie qui témoigne d’une dynamique positive. Cette dynamique ne peut exister que parce qu’une certaine souplesse est permise, mais aussi parce qu’un sens et des limites sont données.

Occupy, Anonymous, Indignados, Wikileaks sont des mots clés qui vous parlent ?

CF : Yep ! Tous ces mouvements dénoncent les opacités, les corruptions qui entachent notre civilisation et chacun à leur manière agit soit par Internet, soit dans la rue. Au Parti Pirate, on attaque par un autre biais, on tente de hacker la politique.

DD : + 1, Carole. Le Parti Pirate est un allié, sincère, de tous ces mouvements. Ils sont le signe du changement réel, d’une prise de conscience à la fois mondiale et citoyenne. Non violente pour certains, intrusives et hors la loi pour d’autres. Le phénomène des casseroles à Montréal s’inscrit aussi dans cet élan. Et ce n’est pas pour rien que les Anonymous ont infiltré les serveurs de la police canadienne dans le même temps ou diffusé des vidéos gênantes sur la collusion médias-politiques.

PM : Oui. Mais je me permets d’insister sur un fait : toutes ces initiatives qui procèdent de mouvements sociaux de fond n’ont pas encore trouvé de débouché politique. Je crois qu’on a tous un peu vécu sur le mythe qu’un pouvoir en place ne peut résister longtemps à des manifestations, occupations, assemblées populaires, mobilisations citoyennes, révélations compromettantes.

L’expérience politique de ces dernières années est que ce n’est pas tout à fait le cas. Et même lorsqu’il y a alternance, cela ne signifie pas nécessairement que les revendications que portent ces mouvements soient mieux représentées. Il y a donc une situation potentielle de danger avec des mouvements sociaux d’un côté qui se développent, bouillonnent, élaborent des propositions, et de l’autre un monde politique qui tourne en rond et continue sa petite musique sans que l’un n’arrive à embrayer sur l’autre.

Je ne dis pas que la Parti Pirate soit aujourd’hui en mesure d’être le débouché politique des ces mouvements. Ce serait très prétentieux et inexact. Mais je pense que c’est la direction dans laquelle nous devons aller. Pour moi, un des enjeux après les élections pour le Parti Pirate est de construire patiemment des liens solides avec ces mouvements, et d’autres, pour nourrir sa réflexion et son programme de l’expertise citoyenne qui s’y développe.

L’Europe semble bloquée par « la crise », une économie financiarisée injuste et incontrôlable et des mouvements identitaires de repli sur soi. Est-ce la bonne période pour « faire de la politique autrement” ?

CF : Plus que jamais, et il y a même urgence, tant que nous avons les moyens. La pauvreté, l’injustice amènent aux révoltes et aux guerres, et après il est beaucoup plus difficile d’agir.

DD : Si nous n’avons pas peur de nous-mêmes, si nous arrivons à nous regrouper autour de thèmes forts et précis, c’est déjà le cas en partie, tout est possible. Justement parce que nous sortons totalement des clivages et des raisonnements classiques, tous porteurs de repli.

PM : PLUS QUE JAMAIS. La crise financière et économique est d’abord une crise de la démocratie. La véritable question est moins de savoir quelles seraient les « bonnes » mesures à prendre que de savoir comment faire en sorte que les mesures qui sont prises soient voulues et soutenues par l’ensemble de la population ; en un mot : légitimes. J’ai écrit un billet à ce propos sur notre site de candidats ; je me permets d’y renvoyer.

Il a été dit que la France sous Sarkozy n’aura pas été spécialement brillante du côté d’Internet et des libertés. Votre avis ? Doit-on penser que vous accordez la même défiance au nouveau gouvernement en vous présentant ou bien est-ce au contraire pour le pousser à mettre en avant les thèmes que vous portez ?

CF : Les deux mon capitaine ! Si on peut interagir, aider à la réflexion tant mieux. Nous verrons bien. Personnellement, je n’ai guère confiance en ce nouveau gouvernement. Même si j’espère qu’il y aura moins de fracture sociale, j’ai bien peur que la notion de liberté et de partage leur échappe. Pierre Lescure, nommé pour la Hadopi, voyons, comment dire … Et que feront-ils des fichiers de citoyens, des caméras de surveillance, de la biométrie ?

DD : Sur la question des libertés individuelles et collectives, il n’y a aucune raison de laisser un blanc seing à la gauche socialiste. La nomination de Manuel Valls à l’Intérieur est assez claire: il n’y aura pas de rupture ou alors à la marge. J’ai en partie rejoint le PP pour travailler sur ces questions et c’est la raison pour laquelle avec Pierre Mounier, nous avons explicitement défendu notre point de vue dans notre profession de foi.


« Exiger que les procédures parlementaires de contrôle de services comme la Direction centrale du renseignement intérieur soient complètes et renforcées. Faire cesser les dérives d’une police politique au service de l’appareil d’Etat. Ouvrir le débat sur la privatisation du Renseignement (officines, mais pas seulement) et le jeu malsain entre « Services » et opérateurs de téléphonie (ex: fadettes, relevés téléphoniques, etc) / FAI. ». J’ai publié dans Le Monde une tribune sur le sujet.

PM : Pour ma part, je ne parlerai pas (encore) de défiance. Plutôt de méfiance. Le candidat devenu président ne s’est pas beaucoup engagé sur la question et il a même été en net retrait par rapport au programme de son propre parti. Les premiers signes qui ont été envoyés, les premières nominations, comme dit Carole, ne sont pas encourageantes. J’ai bien peur que ce gouvernement ait besoin d’un aiguillon qui constitue une menace électorale suffisamment importante pour qu’il se sente concerné par la question d’Internet et des libertés. On aura compris qui pourrait être cet aiguillon…

Vous donnez-vous le moindre objectif chiffré ou bien, comme disait De Coubertin, l’important ici c’est d’abord de participer car ça n’est qu’une première étape ?

CF : Comme Coubertin, c’est un galop d’essai !

DD : Un tour de chauffe, un moyen de s’aguerrir, d’expérimenter, de se compter, d’apprendre à se connaître, à partager, à travailler ensemble.

PM : C’est bien un galop d’essai, mais aussi un peu plus que cela : nous avons gagné une certaine visibilité dans l’espace public, du fait de la campagne électorale (il faut savoir que nous diffusons grâce à cela un spot télévisé visionné par tous les français, c’est absolument énorme comme caisse de résonance). Du coup, si, au moins dans certaines circonscriptions, nous faisons un score non négligeable, voire gênant pour d’autres formations politiques, cela va changer beaucoup de choses pour la suite. Bref, il y a un vrai enjeu en termes de résultats sur cette élection. Cela vaut le coup de se mobiliser.

Une fois les législatives passées, quel sera le prochain rendez-vous et comptez-vous personnellement poursuivre l’aventure avec le Parti Pirate ?

CF : Si le Parti Pirate continue sur la même lancée avec ouverture, transparence, liberté de chacun des membres, oui ! En 2014, il y a les municipales et surtout les européennes. Il devrait y avoir un programme commun européen, et là nous serons bien plus préparés !

DD : Le PP a vu dans ses rangs arriver de plus en plus de quadras et plus. On peut s’attendre à ce que le PP se dote bientôt d’une épine dorsale qui pourrait faire très mal. Connaissance des rapports de force + énergie bouillonnante = formule magique.

La prochaine étape sera donc interne: comment fusionner toutes ces énergies, les fédérer ? Ensuite, il faudra que le PP prenne part à la vie politique de manière constante, pas uniquement lors des échéances électorales. Pour ce qui est de mon implication, tout va dépendre des discussions et des orientations qui seront prises. Pour l’heure, comment dire, c’est bien parti, quelle aventure !

PM : Oui, j’ai très envie de continuer avec le Parti Pirate au delà de l’échéance. Il y a clairement une dynamique, un élargissement de la base militante, des perspectives de pouvoir faire bouger les choses, enfin !

En conclusion, dimanche 10 juin prochain, le « vote utile » c’est le Parti Pirate ?

CF : C’est le vote de ceux qui n’ont pas froid au yeux et qui arrêtent de penser « de toute façon, on ne peut rien faire ». Le Parti Pirate, c’est la reprise en main de la démocratie.

DD : Utile, heu… j’en sais rien. Protestataire et constructif, pirate et novateur, oui, vraiment.

PM : Le seul vote utile est celui qui est au plus proche des convictions de celui qui vote. que chacun s’informe et vote selon ses convictions. C’est tout ce que nous demandons.

Vous pouvez suivre nos trois candidats sur Twitter : Carole Fabre, Pierre Mounier et David Dufresne.

Affiche PP




Blackout de la Wikipédia en anglais pour protester contre SOPA le 18 janvier 2012

« Chers étudiants, faites vos devoirs à la maison avant mercredi car Wikipédia sera coupé du Net ce jour-là ». Tel est le tweet ironique envoyé par Jimmy Wales pour annoncer la fermeture totale de la version anglophone de Wikipédia demain, mercredi 18 janvier 2012, pour protester contre les mortifères lois SOPA et PIPA.

Ce n’est évidemment pas lui seul qui a pris cette grave et sans précédente décision mais l’ensemble de la communauté, comme l’explique le message de la directrice générale de la Wikimedia Foundation Sue Gardner traduit ci-dessous par nos soins.

Signalons que Framasoft se joindra également au mouvement, non seulement en guise de solidarité mais aussi voire surtout parce que nous pensons que ces lois américaines (à l’influence internationale) sont susceptibles d’impacter négativement l’ensemble d’Internet. Nous avions consacré une série d’articles à SOPA en décembre dernier (voir aussi le dossier de La Quadrature).

À priori les wikipédias italiennes et allemandes participeront également, ne serait-ce que par un bandeau informatif, mais pas la francophone. Il semblerait que la communauté se soit réveillée trop tard pour en discuter, que pour certains ces lois sont lointaines et cet engagement « politique » en désaccord avec « le principe de neutralité ».

C’est respectable mais pour ainsi dire dommage car il s’agit là d’un signal fort (et une bonne manière de sensibiliser d’un coup un grand nombre de personnes), sans oublier pragmatiquement que la majorité des serveurs sont aux USA et que ces lois peuvent brutalement couper les accès de la Wikipédia francophone aux Américains.

Wikipédia Blackout

Blackout anti SOPA de la Wikipedia en anglais le 18 janvier

English Wikipedia anti-SOPA blackout

Sue Gardner, 16 janvier 2012 – Wikimedia Foundation
(Traduction Framalang : Clochix, Poupoul2, DonRico)

Aujourd’hui, la communauté Wikipedia a décidé de fermer la version anglophone de Wikipedia pour vingt-quatre heures, dans le monde entier, à partir de 5h UTC le mercredi 18 janvier. Cette fermeture est un acte de protestation contre deux propositions de loi aux USA – le Stop Online Piracy Act (SOPA) présentée à la Chambre des représentants, et le PROTECTIP Act (PIPA) au Sénat – qui, si elles étaient votées, endommageraient gravement l’Internet libre et ouvert, dont Wikipedia.

Ce sera la première fois que la Wikipedia anglophone manifestera ainsi, et cette décision n’a pas été prise à la légère. Voici comment la présentent les trois administrateurs de Wikipedia qui ont animé la discussion de la communauté, au travers d’un extrait de la déclaration publique signée par NuclearWarfare, Risker et billinghurst :

La communauté de la Wikipedia anglophone estime que ces deux lois, si elles étaient votées, seraient dévastatrices pour le Web libre et ouvert.

Au cours des dernières soixante-douze heures, plus de 1.800 Wikipédiens ont participé à une discussion visant à définir les actions que la communauté pourrait vouloir entreprendre contre SOPA et PIPA. C’est de loin le plus fort niveau de participation à un débat jamais vu sur Wikipedia, et cela illustre combien les Wikipédiens se sentent concernés par ces propositions de lois. L’écrasante majorité des participants est favorable à une action de la communauté afin d”encourager une participation plus générale de la population contre ces deux lois. Parmi les propositions étudiées par les Wikipédiens, ce sont celles qui conduiraient à un « blackout » de la Wikipedia anglophone, conjointement avec des blackout similaires d’autres sites opposés à SOPA et PIPA, qui ont reçu le plus de soutien.

Après un passage en revue détaillé de ce débat, les administrateurs chargés de le clore constatent un soutien solide des Wikipédiens du monde entier, et pas seulement aux États-Unis, en faveur d’une action. L’opposition principale à un blackout généralisé du réseau Wikipedia venait de membres de la communauté préférant que le blackout se limite aux visiteurs américains, et que le reste du monde ne voie s’afficher qu’un simple bandeau d’explication. Nous avons néanmoins relevé qu’environ 55% des Wikipédiens en faveur du blackout préféraient une action mondiale, nombre d’entre eux faisant part d’inquiétudes concernant des lois similaires dans d’autres pays.

En prenant cette décision, les Wikipédiens essuieront des critiques pour avoir abandonné leur neutralité et pris un position politique. C’est une question justifiée et légitime. Nous souhaitons que les internautes accordent leur confiance à Wikipedia, et ne craignent pas d’être soumis à une quelconque propagande.

Mais bien que les articles de Wikipedia soient neutres, son existence ne l’est pas. Comme l’a écrit récemment Kat Walsh, qui appartient au conseil d’administration de la Wikimedia Foundation, sur une de nos listes de discussion :

Nous dépendons d’une infrastructure légale qui nous permet de publier nos sites. Et nous dépendons d’une infrastructure légale qui permet aussi à d’autres sites d’héberger du contenu produit par les utilisateurs, qu’il s’agisse d’information ou d’avis personnels. Le rôle principal des projets Wikimedia consiste à organiser et rassembler le savoir mondial. Nous l’intégrons dans son contexte et permettons à nos visiteurs de le comprendre.

Mais ce savoir doit être publié à un endroit où tout un chacun peut y accéder et l’utiliser. Si ce contenu pouvait être censuré sans autre forme de procès, cela serait néfaste pour qui veut exprimer son opinion, pour le public, et pour Wikimedia. Si l’on ne peut s’exprimer que si l’on a les moyens d’affronter des défis juridiques, ou si une opinion doit être approuvée au préalable par quelqu’un qui les a, on ne trouvera plus sur internet qu’un même ensemble d’idées consensuelles.

La décision d’éteindre la Wikipedia anglophone ne vient pas que de moi – elle a été prise collégialement par de nombreux éditeurs du réseau. Et je la soutiens.

Comme Kat et le reste du conseil d’administration de la Fondation Wikimedia, je considère de plus en plus la voix publique de Wikipedia et la bonne volonté que les gens ont pour Wikipedia comme une ressource qui doit être utilisée pour le bénéfice du public. Les lecteurs font confiance à Wikipedia parce qu’ils savent que malgré ses erreurs, Wikipedia a le cœur au bon endroit. Wikipedia n’a pas pour but de monétiser leurs visites ou de leur faire croire quoi que ce soit de particulier, ni même de leur vendre un produit. Wikipedia n’a pas de programme secret : elle veut seulement être utile.

C’est moins vrai pour d’autres sites. La plupart ont des motivations commerciales : leur objectif est de gagner de l’argent. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas le souhait de rendre le monde meilleur (beaucoup le font), mais que leurs positions et leurs actions doivent être envisagés dans un contexte d’intérêts contradictoires.

Je nourris l’espoir que, lorsque Wikipedia fermera le 18 janvier, les internautes comprendront que nous le faisons pour nos lecteurs. Nous soutenons le droit de chacun à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression. Nous estimons que tout le monde devrait avoir accès à du matériel éducatif pour un large éventail de sujets, même s’ils ne peuvent pas le payer. Nous croyons à un internet libre et ouvert où l’information peut être partagée sans entrave. Nous croyons que des propositions de loi telles que SOPA ou PIPA, ou d’autres lois similaires en cours de discussion à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis, ne font pas avancer les intérêts du grand public. Vous pourrez prendre connaissance ici d’une liste de très bonnes raisons de vous opposer à SOPA et PIPA, proposée par l’Electronic Frontier Foundation.

Pourquoi une action globale, et pas limitée aux seuls États-Unis ? Et pourquoi maintenant, si certains législateurs américains semblent adopter une tactique de retrait vis à vis de SOPA ?

La réalité, à notre sens, c’est que le Congrès ne renoncera pas à SOPA, et que PIPA est toujours en pleine forme. Qui plus est, SOPA et PIPA ne sont que les indicateurs d’un problème bien plus important. Partout dans le monde, nous observons la mise en place de réglementations destinées à combattre le piratage et à réguler internet d’autres manières, avec pour effet de nuire aux libertés numériques. Notre inquiétude ne se limite pas à SOPA et PIPA, qui ne sont que des éléments du problème. Nous voulons que l’internet demeure libre et ouvert, partout dans le monde, et pour tous.

Le 18 janvier, nous espérons que vous partagerez notre engagement et que vous ferez tout votre possible pour faire entendre votre voix.

Sue Gardner




12 actions pour combattre et stopper SOPA 2/3

Voir le premier article de notre dossier SOPA et son introduction : Pourquoi le projet de loi américain SOPA nous menace-t-il tous.

I'm no criminal

Combattez la censure : la trousse à outils de l’activiste anti-SOPA

Electronic Frontier Foundation – Décembre 2011
(Traduction Framalang/Twitter : Kamui57, Skhaen, Gordon, Stephanie, Toto, Martin, Quota)

Fight the Blacklist: A Toolkit for Anti-SOPA Activism

Le congrès américain débat d’une dangereuse loi qui donnerait au Département de la Justice le pouvoir sans précédent de « blacklister » des sites web sans décision de justice et donner aux détenteurs de copyrights d’Hollywood un moyen direct et rapide de couper les moyens financiers d’un site web sur l’allégation de violation de copyright, mettant en danger des sites comme Vimeo ou Etsy. Ce n’est rien de moins qu’un projet de loi créant un régime de censure aux Etats-Unis, et il avance rapidement.

Nous avons besoin de votre aide pour stopper cette loi avant qu’elle n’entame la sécurité sur Internet et qu’elle ne censure le Web. Êtes-vous prêt à vous joindre dans cette bataille à l’EFF, Demand Progress, Fight for the Future, Free Software Foundation, Creative  Commons, CDT, the Participatory Politics Foundation, et à Public Knowledge ? Voici 12 actions que vous pouvez mettre en oeuvre dès maintenant pour nous aider à stopper le projet de loi censeur.

Vous avez d’autres suggestions de moyens de lutter contre SOPA et Protect-IP ? Dites-le nous via identi.ca, Twitter, Facebook, par e-mail à rainey@eff.org, ou ajoutez-le en commentaire sur Reddit.

Blackout

1. Appelez vos sénateurs et députés et dites-leur de s’opposer respectivement à Protect-IP et SOPA. Cliquez ici pour quelques suggestions de points d’accroche. Ensuite, parlez à vos amis de cet appel sur les réseaux sociaux.

2. Contactez le Congrès via le centre d’action de l’Electronic Frontier Fondation. Personnalisez votre  courrier afin d’expliquer qui vous êtes et pourquoi vous êtes préoccupés par ce projet de loi. Si vous êtes hors des Etats-Unis, essayez cette pétition de Fight for the future.

3. Si vous travaillez pour une entreprise qui touche aux nouvelles technologies, contactez les dirigeants de votre entreprise et expliquez leur vos inquiétudes. Demandez-leur de se joindre à vous et de s’exprimer. Ces entreprises (PDF) ont déjà pris position.

4. Bloguez à propos des projets de lois de censure. Peu importe qu’il s’agisse d’une explication candide de la raison pour laquelle vous vous opposez à cette législation, une discussion sur ses effets sur les droits de l’Homme ou un appel à des réalisateurs de films pour protester contre les listes noires, il y a de nombreux moyens de communiquer au sujet de cette inquiétante législation. Aidez-nous à faire passer le mot en écrivant des articles sur votre propre blog, le blog de votre établissement, ou sur des blogs ouverts aux contributeurs.

5. Vous êtes un artiste ? Présentez les dangers de la censure au travers de l’art et de la musique, et utilisez-le pour atteindre des gens qui autrement n’auraient jamais entendu parler de ce problème. Vous pouvez concevoir des stickers, posters, patches, créer une vidéo sur Youtube, ou tenir un débat ouvert autour de la censure.

6. Vous administrez un site web ? Mettez une bannière sur votre site pour protester contre la censure ou faites un lien vers l’EFF.

7. Coordonnez une intervention ou un débat dans l’université ou le centre communautaire local. Invitez les experts locaux en ce qui concerne le copyright et la liberté d’expression à venir débattre de ce problème.

8. Si vous êtes au lycée, parlez à vos professeurs d’éducation civique et de médias, demandez-leur de débattre, en cours, des implications de cette loi. Présentez-leur nos supports de cours libres gratuits sur le copyright.

9. Si vous êtes étudiant(e), exprimez-vous par le biais d’organisations similaires travaillant sur les libertés numériques, comme Students for Free Culture ou Electronic Frontier on Campus. S’il n’y en a pas une branche dans votre établissement, créez-en une. puis déployez une plateforme pour vous coordonner avec d’autres étudiants pour parler de ce projet de loi.

10. Si vous êtes étudiant(e), organisez une rencontre entre la rédaction du journal de votre université ou école, et expliquez-leur la loi, en leur montrant pourquoi ils devraient en parler. Travaillez avec eux pour écrire des articles sur ces sujets. Prenez pour exemple le travail des universités de Buffalo, du Massachusetts, du Minesotta. Plus d’exemples sont disponibles sur la page « Chorus of Opposition » du Centre pour la Démocratie et la Technologie.

11. Écrivez une lettre au rédacteur de votre journal local. Souvenez-vous, ils ont souvent des prérequis. Trouvez les et suivez les à la lettre.

12. Devenez membre de l’EFF. Nous menons le combat pour la défense des libertés civiles en ligne, afin que les générations futures profite d’un Internet libre de toute censure. En nous mobilisant de façon unie, nous pouvons y arriver.

Stop Censorship

-> Lire d’autres articles consacrés à SOPA sur ce blog




Largage de liens en vrac #12

Marcelo Alves - CC by-saDites, vous n’avez pas mieux à faire que de venir fouiner par ici ? En plus c’est comme d’habitude, des logiciels non testés, mal classés et de qualité disparate.

Non, franchement, vous devriez plutôt parcourir notre magnifique dossier sur Wikipédia ou alors, je ne sais pas moi, acheter un framabook pour l’offrir à votre ami(e) déçu(e) de n’avoir rien reçu(e) à la Saint-Valentin.

Vous êtes toujours là ? Bon ben tant pis pour vous. On aura tenté de vous dissuader mais c’était sans compter sur votre légendaire entêtement[1].

  • GimpPhoto : « GimPhoto is GIMP modification with new menu layout, great selection of plugins, and many additional resources for more professional look and feel as digital photo retouching and image editing application package. » Est-ce clair ou je traduis ? En tout cas c’est du GIMP dans sa dernière version 2.4.3, avec toujours cette idée fixe de séduire les photoshopeurs, à comparer (dans les commentaires ?) avec Gimpshop (dont le site a subi une invasion de sauterelles pubs ces derniers jours). Tant qu’à parle de GIMP voici 50 tutoriels (en anglais).
  • Flowplayer : Des lecteurs pour lire les vidéos .flv en streaming flash, il en existe pas mal (et même en libre) mais celui-là, sous GPL, est peut-être le meilleur qu’il m’ait été donné de voir (comme ça, a priori). Tout est configurable et la version playlist a vraiment de la gueule.
  • Chevreto : Un script espagnol prometteur pour proposer à vos internautes une site pour déposer facilement et très joliment (Ajax inside) vos images, qu’elles proviennent de votre ordi ou du Net (+ redimensionnement à la volée). Pourrait donc devenir le ImageShack du libre en quelque sorte.
  • Burning Mill Express : Pour Windows only, un logiciel de gravure (CD, DVD, ISO…) qui semble bien réalisé. Je ne suis vraiment pas un spécialiste, quelqu’un peut nous dire ce qu’il vaut pa rapport à la concurrence libre sur cet OS ?
  • AribaWeb : Un framework pour nous faire de puissantes applications Web en Ajax et tout le toutim. Si vous arrivez à nous pondre un Gmail du libre avec, merci de nous prévenir dans les commentaires.
  • Dicts.info : C’est pas du libre mais c’est bien pratique. Des tonnes de dictionnaires pour traduire un peu dans toutes les langues (par exemple de l’estonien au coréen). Typiquement le genre de sites qui attend que les gens viennent pour nous coller de la pub mais évitons le procès d’intention…
  • iPodME : Celui-là je ne sais pas trop si il mérite le référencement mais bon… il s’agit de convertir ses vidéos pour son iPod (sources disponibles mais j’ai pas vu la licence). Que pour Windows avec .NET dedans (c’est bien ce que je vous disais).
  • Twitter sur Pidgin : Pour suivre Twitter (mais aussi Identi.ca) sur le célèbre logiciel de messagerie instantané. L’occasion de rappeler les liens vers le compte Framasoft de Twitter et Identi.ca (nos derniers tweets sont dans la colonne de droite de cette page du reste).
  • Open Web Messenger : Application de chat en ligne permettant à vos visiteurs de discuter avec vos techniciens, commerciaux ou tout autre intervenant, sous licence Eclipse.
  • Lavoisier : Une bien belle police Open Source signalée par theClimber.
  • 10 obscure Linux applications you need to try : À ne lire que si vous êtes geek, admin et sous GNU/Linux (et que vous comprenez l’anglais mais, bon, si vous répondez aux trois premiers critères le quatrième devrait naturellement suivre).

Notes

[1] Crédit photo : Marcelo Alves (Creative Commons By-Sa)




Dégafamisation de L’atelier en Santé

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de L’atelier en Santé, un centre de santé communautaire à Plounéour-Ménez dans le Finistère.

Merci à Gabriel et à Alex d’avoir voulu partager leur aventure en répondant à nos questions, bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?

Je suis donc Gabriel Perraud, médecin généraliste et militant pour des solutions libres et respectueuses des données des utilisateurs dans le champ de la santé. Je me suis déjà investi dans différents projets à ce sujet avec notamment feu LibreHealthCare, puis maintenant, à mon échelle, au sein de l’association InterHop.

(ndlr : Ah oui, je me souviens de LibreHealthCare, je les suivais sur Diaspora*, d’ailleurs j’ai retrouvé le wiki du projet)

Logo de l'association InterHop, icône représentant deux têtes de personnes de profil, l'une ayant un symbole d'électrocardiogramme et l'autre une roue crantée.
Logo de l’association InterHop

Mais dis moi donc Gabriel, Peux tu nous parler de ce projet qui te tient à cœur, depuis un bon moment maintenant ?  tu avais été très évasif en 2019 lors de notre rencontre.

L’Atelier En Santé: Il s’agit d’une association qui a pour but la mise en place d’un centre de santé communautaire au sein d’une commune rurale du Finistère. La devise de notre association est : « Faire santé en commun ». Je vous remets ici des extraits de notre site web de présentation sur la présentation et la définition de notre projet :

  •  L’idée naît en 2018, à Brest, en Finistère, à l’initiative de 2 médecins et d’une salariée agricole. Le souhait de pratiquer la santé autrement. D’avoir le temps d’être pleinement à l’écoute des patients. De faire partie d’un collectif de travail où toutes les voix comptent. D’un collectif dont les patients seraient parties prenantes, qui s’appuierait sur leurs savoirs, encouragerait leur pouvoir d’agir. Et où leur santé serait appréhendée de manière globale, dans ses dimensions tant physiologiques que sociales, environnementales, économiques, etc.

  • « Santé communautaire », d’autres Centres, ailleurs en France qui pratiquent ce type de soin, se sont donné ce nom, source d’inspiration pour les personnes à l’initiative du projet.

  • Ce pourrait être en zone rurale où les soins se font rares. Dans les Monts d’Arrée où cette rareté rime avec un tissu étroit de solidarités. À Plounéour-Ménez où la mairie accueille favorablement le projet.

  • Depuis, l’équipe bénévole de l’association loi 1901 porteuse du projet, L’Atelier en santé (LAES), s’est modifiée et élargie. Elle compte aujourd’hui 9 membres bénévoles – 2 coordinatrices de projet, 2 médecins, 2 kinés (dont Alex), 1 sage-femme et 2 psychologues – qui œuvrent ensemble à la création du futur Centre de santé, qu’ils soient professionnels, futurs salariés du centre ou habitants concernés par le manque d’accès aux soins. »

Et comme on l’a vu dans ta présentation, les logiciels libres seront présents dans cette aventure.

Gabriel : Nous nous sommes mis d’accord dès les premières étapes du projet pour utiliser des logiciels libres tant que cela nous était possible sans mettre en péril la vitalité du projet. Nous avons pu ainsi mettre en place nos outils libres communs pour toute la phase de préfiguration de notre projet de centre de santé.

Vous n’êtes pas toustes des geeks , qu’est ce qui a fait que vous ayez eu envie d’utiliser des outils libres? 

Alex : A vrai dire, je n’avais pas vraiment d’avis sur la question avant ma rencontre avec Gabriel. Je trouve très intéressant de mettre en commun et de rendre accessible des outils numériques. Il y a un véritable enjeu éthique derrière tout ça.

Cela ne t’a pas paru trop compliqué, Alex ? 

Au départ, oui, n’étant pas familier avec l’outil informatique…. Mais je ne saurai dire si c’est lié au fait que le logiciel soit libre ou non, ma pratique en la matière étant quasi nulle. Ceci dit, après un temps d’apprentissage, ces outils se révèlent extrêmement utiles pour le travail en collectif et permettent une efficacité d’action, si bien utilisés. Cela m’a un peu réconcilié avec l’usage de l’outil informatique.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ?

Pour ma part, un des premiers éléments déclencheurs a été le besoin de faire fonctionner de façon plus fluide mon Thinkpad T42 sous Windows XP lorsque j’étais étudiant. J’ai lu sur des sites d’informations numériques grand public la sortie d’une nouvelle version d’Ubuntu 10.10 et c’est là que tout a commencé. J’ai commencé à suivre un tutoriel sur, anciennement, « le Site du Zéro » pour savoir comment installer ce système d’exploitation gratuit qui avait l’air bien sympa.

Puis de fil en aiguille je me suis intéressé à la philosophie et aux enjeux politiques des logiciels libres. C’est arrivé au début de mes études de médecine et le lien s’est spontanément fait pour moi entre l’intérêt d’avoir des logiciels issus du mouvement open-source dans le champ de la santé, dans l’intérêt des professionnels, des patients et du système de santé en général.

Dans le cadre de LAES, nous avons mis en place ces outils dès le début. Nous avons d’abord voulu aller à ce qui nous semblait le moins onéreux et le plus flexible en auto-gérant l’infrastructure nous-même sur des serveurs OVH, via YunoHost que j’avais déjà testé à la maison pour divers projets personnels. La responsabilité restait cependant sur les épaules d’une seule personne de l’équipe. Pour rester en cohérence avec le souhait d’une gouvernance partagée et pour me laisser plus de temps à d’autres aspects du projet nous avons pu basculer la gestion des services que nous utilisions à d’autres personnes.

  • Forum/Discourse : cloud.girofle
  • Nuage/Nextcloud : cloud.girofle
  • Boîte mail : OVH
  • Site web/Wordpress : OVH
  • Pads : Cryptpad
  • Messagerie instantanée : on est resté sur Signal.

Parlons d’abord du processus de décision de cette transition. En amont de votre « dégafamisation », avez-vous organisé en interne des moments pour créer du consensus sur le sujet et passer collectivement à l’action (lever aussi les éventuelles résistances au changement) ? Réunions pour présenter le projet, ateliers de réflexion, autres ?

Oui, cela s’est fait lors de réunions. Dès le début avec une mise en commun des savoirs sur ce que comprenait le concept de logiciel libre et les enjeux techniques et politiques qui allaient avec. Nous avions cependant anticipé le fait qu’il n’existe pas (encore) de logiciels métiers (gestion de dossier patient, logiciel d’aide à la prescription) accrédités qui soient libres dans le cadre d’un centre de santé.

Cela ayant un fort impact sur le financement de notre structure et donc sur la vitalité du projet dans son ensemble, nous sommes tombés d’accord sur le fait que la vitalité du projet du centre passerait tout de même avant et que la recherche de logiciel libre se ferait « du mieux que l’on puisse ». Cela ne nous empêche donc pas de nous investir auprès d’Interhop et en particulier des projets Toobib et Goupile par exemple.

Nous avons également comme projet de mettre en place un fablab suivant l’état d’esprit lowtech orienté santé en parallèle du centre de santé pour le développement de solutions libres dans le domaine de la santé.

Mon médecin utilisait jusqu’à il y a 4 ou 5 ans des logiciels libres, mais il a été obligé d’arrêter. Pression des collègues du cabinet, difficultés avec les logiciels de la CPAM… Alors, quand j’entends parler de votre aventure je me demande si vous aussi vous rencontrez des résistances dans l’appropriation de votre écosystème numérique ? 

Oui, j’en parle au-dessus mais là c’est plus un retour d’expérience sur la préfiguration. Pour l’exercice, nous n’avons pas encore du tout libre, nous ferons au mieux. On est en lien avec Interhop/Toobib pour essayer d’avoir des solutions libres/éthiques accréditées.

Au sein de l’équipe, nous avons mis cet état d’esprit dès le début, il n’y avait pas de frein particulier.

En nous ouvrant aux habitants de la commune, l’outil Discourse nous permet d’avoir une interface suffisamment inclusive pour le moment pour permettre des échanges avec des personnes ayant différents niveaux de facilité avec le numérique. Nous utilisons également des pads de Framapad avec les habitants pour nos comptes-rendus de réunions et répartition des tâches.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Non pas franchement pour le moment avant ouverture du centre. Pour la phase d’exercice, nous allons faire des choix dans l’été justement et nous aurons des retours plus tard.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Les logiciels métiers pour le moment, de ce que j’en comprends, l’accréditation peut-être techniquement compliquée et très onéreuse.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ? 

Plutôt des ressources internes, la communauté de YunoHost pour les soucis techniques auxquels je pouvais faire face, puis la plateforme des chatons pour migrer nos outils auprès de personnes bien plus compétentes que nous tout en restant raccord avec nos valeurs et à un coût abordable pour notre structure (prix libre pour cloud.girofle).

Infographie sur la dynamique entre l’équipe projet, l’équipe salariée et les habitant⋅es

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, etc.) ?

Oui, avec des tutoriels à la demande, on essaie de simplifier l’accès aux outils au fur et à mesure de l’implication des adhérents. Et de réduire leur nombre également quand on peut.

On profite également des temps off, lorsque nous avons nos réunions en présentiel, pour résoudre les éventuels soucis techniques, faire une installation d’Ubuntu sur un PC qui ne tourne plus sur Windows, installer Aurora Store pour ré accéder à l’installation de Signal sur un vieil appareil Android (pour qui le PlayStore ne fonctionne plus comme il devrait), par exemple.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Pour le moment nous communiquons aux nouveaux bénévoles des raisons de nos choix de logiciels libres et nous faisons l’effort d’essayer au maximum de réduire l’écart possible entre les compétences techniques nécessaires à l’utilisation d’outil et les compétences/envies/besoins des habitants bénévoles. Là on fait un gros travail d’adaptation du forum pour une utilisation plus fluide avec les mails.

Nous devrons ensuite voir pour un choix de messagerie instantanée : utiliser les modules présents dans Discourse ? Proposer Signal à tout le monde ? Chercher d’autres solutions ensemble ?

Au niveau des patients, ce seront donc essentiellement des outils libres ou sans GAFAM que vous allez utiliser ? (prise de rdv, mails hors gmail et compagnie ?)  Qui sont les adhérents ? Des patients ou quiconque habitant votre secteur et n’ayant pas de suivi médical avec vous ? C’est étonnant ce système d’adhésion pour un centre de santé. 

  • Pour les mails professionnels nous allons également passer par les messageries dites sécurisées mises en place par les institutions et utilisées par les autres acteurs du système de santé avec notamment MSSanté.

  • Pour ce qui est du travail avec les adhérents de l’association et des logiciels hors logiciels métiers avec accréditations nous allons nous efforcer d’utiliser des logiciels libres au maximum : traitement de texte, espace nuagique, pads, etc.

  • Pour le système d’adhésion, il s’agit de la valence communautaire ou participative du centre. Ce n’est pas forcément le cœur de cette interview, mais en résumé, toutes personnes souhaitant avoir des soins sera pris en charge comme dans d’autres structures déjà en place (maisons ou centres de santé). Mais nous travaillons à la mise en place d’une gouvernance partagée avec les habitant.es et différentes parties prenantes de la commune à l’échelle du centre. Par exemple, nous avons pu organiser un ciné-débat avec des habitant.es bénévoles du futur centre, et nous avons pu utiliser comme outils informatiques : framapad, mails et Discourse. 

  • Il y aura donc la partie soin où nous allons répondre aux demandes réglementaires nationales tout en nous investissant auprès de Toobib et d’Interhop pour participer au développement de solutions éthiques et libres. Et il y aura la partie associative/participative sur laquelle nous allons avoir plus de marge de manœuvre pour la mise en place de solutions open-sources/libres.

 

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser aussi ? (erreurs à ne pas commettre ? Astuces et bonnes pratiques éprouvées à l’usage ?)

Ne pas hésiter à passer rapidement, si ce n’est dès le début, par des services répertoriés sur les CHATONS. La gestion en interne de ces outils peut être plus ou moins compliquée lorsque ce n’est plus uniquement un projet personnel et que les enjeux ne sont plus les mêmes en cas de soucis techniques (perte d’accès à des services, incendie dans des datacenters), etc.

Sinon, par rapport à d’autres projets, cela reste plus simple, à mon sens, de proposer une infrastructure libre dans le cadre d’un nouveau projet. En choisissant un projet qui a relativement peu d’impact sur le reste de la structure et en montrant que ça marche, le discours autour du logiciel libre a de plus en plus d’impact dans les représentations que peuvent se faire les différentes parties prenantes sur la question.

 

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Un argument qui semble souvent fonctionner est le côté prosaïquement libre de ces outils. Si nous ne sommes plus satisfait d’un hébergeur, d’un gérant, d’un outil, il est plutôt aisé d’en changer de par les formats de données utilisés et les communautés présentes et aidantes autour de ces outils.

Encore merci Alex pour ta participation à l’interview ! Je sais qu’il n’a pas été simple de trouver du temps pour cela. Et merci Gabriel, pour l’interview mais aussi pour ton implication, depuis toutes ces années, dans les projets de logiciels libres en médecine  ! 

On en parle aussi dans les journaux locaux (Ouest-France et Le Télégramme) !




Zikapanam : une asso de musiciens amateurs qui organise des jams

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de Zikapanam, qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Merci à Laurent pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Laurent Schwartz, l’un des quatre fondateurs de l’association Zikapanam créee en octobre 2022. J’en suis son actuel Président et le seul opérationnel sur l’acquisition et le développement des outils informatiques de l’association. J’ai une formation d’ingénieur en informatique. L’informatique et la musique (Basse, Batterie et Chant) sont deux des mes passions depuis mon adolescence.  J’utilise Linux au quotidien depuis 2008.

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ? 

Zikapanam est une association de musiciens amateurs de tout niveau qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Des musiciens adultes de toute l’île de France nous rejoignent. Nous organisons nos événements et nos rencontres musicales sur Paris intra muros et petite couronne. 
La bienveillance caractérise les relations souvent décrites par les nouveaux arrivants .

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous sommes (juin 2024) environ 190 membres cotisants. La cotisation est modique. L’association est basée entièrement sur le bénévolat. L’ancrage de Zikapanam est la région parisienne. Nous souhaitons aussi développer une communauté de jams distancielles par internet pour attirer des musiciens francophones de toute la France.

Tim Sheerman-Chase, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Nous utilisons beaucoup d’outils pour communiquer (Discord, solution logicielle maison, réseaux sociaux etc.), il y a donc un filtrage conséquent à l’arrivée sur notre Discord. Les gens qui vont au bout du processus d’inscription sont les plus motivés et peut-être aussi ceux qui prennent le temps de s’adapter à nos outils. Nous sommes composés de musiciens et pour la plupart l’ordinateur fait peur. Ils utilisent plutôt leur téléphone. Cependant, parmi les bénévoles, l’usage de l’ordinateur est souvent la norme.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Nous avons une partie de nos membres qui est sensible aux enjeux du libre et qui utilisent les outils Framasoft ou du Fediverse.. C’est arrivé à mes oreilles et je me suis renseigné car je constatais qu’il y avait des freins importants à l’adoption de certains réseaux sociaux comme Meta même par des gens qui n’étaient pas forcément activiste du libre …
Au gré de mes réflexions sur le sujet, je me suis donné ces objectifs :
– offrir un accès libre à nos communications sur nos réseaux sociaux (sans besoin de créer un compte) ;
– limiter la nuisance de la publicité et des algorithmes qui décident pour vous les publications qu’on vous présente …  Qui détournent l’attention de nos publications ;
– toucher tous nos followers plutôt que le 5% que Meta dans « sa bonté généreuse » nous laisse toucher !

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Ou plutôt une personne seule ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Je suis le seul opérationnel en informatique mais je reçois des idées de beaucoup de monde dans l’association. Il est cependant à ma charge de qualifier la pertinence des propositions qui me sont faîtes. Le monde du libre est documenté mais n’arrive pas dans le top des moteurs de recherche que j’utilise … Et ça complique grandement les recueils d’informations ! En tant qu’ingénieur en informatique, j’ai l’habitude de me former aux outils, de les découvrir et d’apprécier leurs fonctionnalités mais ça demande du temps et je ne peux le faire qu’à certaines périodes de l’année.  C’est ce que j’appelle la veille techno.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ? Quelles étapes avez-vous suivi ?

À vrai dire, je n’ai rien contre les GAFAMs. Ces sociétés ont apporté beaucoup à internet à son démarrage et leurs actions d’aujourd’hui sont compatibles avec un monde d’entreprise où l’argent est roi !. Mon raisonnement est pragmatique, nous sommes une association et nous n’avons pas les moyens financiers d’une entreprise commerciale ! Les outils que nous serons amenés à utiliser ou que nous utilisons déjà le seront parce qu’ils nous sont accessibles financièrement, peuvent convenir et fédérer un maximum de personnes parmi lesquels des technophobes. Et c’est un véritable challenge !

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Notre arrivée sur le Fediverse est récente et les outils à ma disposition actuellement ne permettent pas de qualifier l’adhésion des membres de notre association à ces réseaux sociaux. Je constate juste que très peu de membres se sont créés des comptes sur le Fediverse mais ça ne veut pas dire qu’il ne le consulte pas ponctuellement ou même régulièrement puisque la création d’un compte n’est pas obligatoire pour accéder à ces contenus. D’après mes premières remontées d’information, se créer un compte sur le fediverse ne serait pas trivial … Un effort de formation devra sûrement être engagé sur ce point.

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous n’avons pas « remplacé » Meta, Les bars et les lieux culturels avec lesquels nous travaillons sont tous sur ces réseaux. Mais nous avons commencé à développer nos réseaux parallèlement sur le Fediverse.. Nous développons des usages qui nous permettent de mettre en valeur la souplesse de Mobilizon. De plus  keskonfai, pixelfed et Mastodon nous ont apporté une certaine visibilité supplémentaire dans les moteurs de recherche au contraire de Meta qui par exemple empêche l’intégration aux moteurs de recherche des événements publics que nous organisons  afin de nous forcer à acheter de la publicité pour les mettre en avant …
Note : Plus récemment j’ai découvert Linkstack une alternative sérieuse à Linktree.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Oui, bento. J’aimerai avoir une ferme de bento spécifique à notre asso mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative à bento en logiciel libre. Voilà ce que nous faisons avec Bento : https://bento.me/strawberry-jam-band et nous avons une dizaine d’autres dans le même genre.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, support, etc.) ?

Non pas encore.  Mais j’y pense sous forme de vidéo conf sur Discord.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Dans notre newsletter, j’ai largement communiqué sur keskonfai, pixelfed et mastodon mais cette communication doit être rappelée régulièrement et je vais m’y astreindre.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Bénéficier de l’adhésion de toute notre communauté est un challenge que j’ai accepté. Il faut convaincre en allant à la rencontre des membres et en expliquant avec un argumentaire concret à toute épreuve qui voit avant tout leurs intérêts quotidiens !
Le potentiel du Fediverse est important. En tant qu’ingénieur, je vois bien les efforts d’interconnexion qu’il existe entre ces plateformes et je les apprécie en tant qu’utilisateur !
J’espère que d’ici 6 mois/un an, je pourrai faire un bilan très positif sur cette première étape dans la Dégafamisation !!
Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Plus d’infos sur notre association : https://linktr.ee/AssoZikapanam



La nouvelle #solarpunk du jour : « 100 Papier »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !

100 Papier

Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »

« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! » 

Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… » 

« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager. 

Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable. 
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.

Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.

— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?

— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.

— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.

— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.

Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »

Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour ! 

Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux. 

9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.

J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs

Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.

10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.

11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
 11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »

Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.

12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».

12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.

13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.

14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.

15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.

16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.

17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.

18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.

19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.

20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !

21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.

22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours  %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.

22h10 : « OÙ EST MON BADGE ?! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.

22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ?! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :

— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !

Illustration « Smoke design » par Hervé Simon (CC By Sa 2.0)

— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.

23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »

23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »

— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !

— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.

23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.

00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »

Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »

50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.

« C’est quoi, les pommes de terre ? »

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.




La nouvelle #solarpunk du jour : « Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, les Lozacs essaient de profiter des bienfaits de la nature sans en abuser.

Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie

Auteur·rices : Anna, Kamilia, Mômo, Wahida, Jérôme, Paul

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Chaque jour, Ninon était la première des Lozacs à se lever. Elle sifflait à travers le zimcuat, une sorte de trompette qui permettait de réveiller les autres membres de la communauté. C’était le printemps : Ninon récoltait les tomates dans le jardin participatif. Puis elle salua Robin et Emma au loin.

À ses débuts, le jardin ressemblait à un petit potager avec quelques bacs en bois. On y pratiquait exclusivement de la permaculture afin d’obtenir divers fruits et légumes. Au fil du temps, les Lozacs s’étaient habitués à ces tâches qu’ils trouvaient auparavant laborieuses, ils avaient compris que chaque goutte compte pour remplir le seau. Grâce aux efforts constants et collectifs, de nouvelles techniques avaient été introduites comme les serres faites maison. Des plaques de verre récupérées et des bottes de paille protégeaient les récoltes des intempéries. Le jardin était alimenté en eau à l’aide d’un système initié par Ninon. Celui-ci était placé au centre d’un genre de petite station d’eau. De larges gouttières récupéraient l’eau de pluie puis étaient raccordées à un entonnoir. Elles se rejoignaient ensuite pour former un flux d’eau plus important. Enfin, l’eau était récupérée dans de larges cuves remplies d’un mélange de roches, tissus et céramiques permettant de filtrer l’eau et de la rendre potable. Ce système évoquait à Ninon une réflexion de son grand-père : « Tous les fleuves sont issus de ruisseaux ».

À l’origine, alors que les limites planétaires avaient déjà été dépassées, des citoyens s’étaient opposés à un projet de zone commerciale sur des prairies et une forêt. La préfecture avait fini par retirer son accord, évitant ainsi la destruction de la forêt, après l’installation d’une Zone À Défendre. Cet événement marqua la naissance des Lozacs, avec le slogan « Préservons la nature, célébrons la biodiversité ! ». Ils embrassèrent, sans se l’être dit, un mode de vie simple et écologique, devenant une source d’inspiration pour un nouveau modèle de société.

À son arrivée chez les Lozacs, Ninon gardait en elle un projet qui lui était cher : la culture raisonnée du blé. Elle avait convoqué un souvenir agréable : le pain chaud et moelleux avec son odeur alléchante. Certains restaient sceptiques à l’idée de faire des cultures, qui allaient forcément prendre de la place sur les espaces naturels.

Alors que les discussions aillaient bon train et que les opinions divergeaient, la question se résuma à : jusqu’où étaient-ils prêts à aller pour équilibrer tradition et innovation, respect de la nature et besoins de la communauté ? Elle continua à défendre son idée d’usage raisonné.

— Du coup tu voulais utiliser la forêt ? demanda Emma.

— Ouais c’est ça, répondit Ninon.

— Mais jusque-là, on ne l’a jamais fait.

— Oui, mais ce n’est pas parce qu’une chose n’a encore jamais été faite qu’on ne pourrait pas le faire, dit Ninon.

— Comment verrais-tu les choses ?

— On pourrait utiliser les ressources à notre disposition comme le bois des arbres ou encore récolter des fruits à notre guise, proposa Ninon.

— Mmmh, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. L’exploitation des ressources naturelles a toujours mené à des dérives. La forêt est une zone avec une forte biodiversité, nous ne devrions toucher à aucun fruit qui lui appartienne ! rétorqua Emma.

Le groupe hocha la tête.

— Ce que tu peux être cul-cul Emma ! s’emporta Ninon. Aujourd’hui, c’est différent ! Nos techniques ont drastiquement changé puisqu’on a réduit l’emploi de technologies.

— Ce qu’on pourrait faire c’est qu’on pourrait mettre en place des lois et des limites concernant l’exploitation de la forêt, proposa Robin qui comprenait les deux points de vue et souhaitait trouver la meilleure solution pour la communauté.

— D’accord, dit Emma, mais la crainte que j’ai et je pense qu’elle est partagée, c’est que nous allons encore tout faire foirer ! C’est-à-dire qu’au départ on va être plutôt sympathiques et vertueux, mais on va progressivement dépasser les limites.

— Mais pas du tout ! On pourrait très bien mettre en place des quotas par rapport à ce qui sort de la forêt, comme ça on ne perturberait pas son équilibre ! répondit Ninon.

— Il faudra alors tout réglementer, répondit Robin qui semblait pensif.

— Exactement, ça pourrait être une idée, dit Emma.

— Je propose qu’on en discute avec les autres membres, convoquons la communauté et prenons des décisions tous ensemble et formellement, dit Robin qui remarqua qu’on écoutait avec attention le débat.

— Génial, ça me va ! s’exclama Ninon.

Illustration par Jérôme Leclere (CC By Sa)

Ce débat marquait le début d’un renouveau pour les Lozacs, où ils exploreraient ensemble les limites de leur utopie. Il questionnait sur l’utilisation des communs. Le débat venait de mettre en lumière que ce qui semblait être des évidences, des idéaux, n’en étaient pas nécessairement. Une chose était certaine, sans dialogue les idéaux ne pourraient pas exister. À la suite de cela, beaucoup d’autres discussions allaient avoir lieu :

— L’eau était-elle un bien dont il faut la réserver un usage plutôt qu’à un autre ?

— Les habitations faisaient-elles l’objet d’une propriété privée et exclusive à un individu ?

— Fallait-il penser une communauté gérée de manière nécessairement horizontale ?

— Était-il normal et viable de privilégier un mode de vie toujours plus sobre ?

Une nouvelle ère de questionnements et de réflexions s’ouvrait devant eux, en donnant l’espoir de construire un avenir durable et partagé sans ambiguïté.

Ninon contemplait le coucher du soleil depuis la colline surplombant le village, elle se rappela des paroles de son grand-père : « La nature nous parle si nous savons l’écouter » Elle se tourna vers la forêt, sentant un lien profond avec chaque arbre, chaque ruisseau. Le dilemme des Lozacs ne serait pas résolu par des règles strictes, mais par une compréhension collective et une adaptation constante. Ensemble, ils allaient définir de nouvelles frontières pour leur avenir, où l’harmonie avec la nature serait au cœur de chaque décision.

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.