Le Libre (et Framasoft) à la Fête de l’Huma, entretien avec Yann Le Pollotec

Fête de l'Humanité 2014

Le Libre revient explicitement et concrètement à la Fête de l’Humanité, grâce à l’initiative de Yann Le Pollotec et toute son équipe.

En effet, cette année, un espace sera consacré « aux logiciels libres, aux hackers et aux fablabs », au sein du Village de l’économie sociale et solidaire, avec notamment la présence de l’April, FDN, La Quadrature ou encore Ubuntu. Des débats seront également proposés avec Richard Stallman le vendredi 12 septembre, Bernard Stiegler le samedi 13 et une table ronde animée par Sebastien Broca le dimanche 14. Les temps étant difficiles une campagne de financement a été lancée pour couvrir les frais occasionnés.

Framasoft en sera, en tenant un stand pendant les 3 jours et en participant à la table-ronde du dimanche avec son président Christophe Masutti.

En attendant, nous sommes allés à la rencontre de Yann Le Pollotec (informaticien, membre du conseil national et animateur de la réflexion sur la révolution numérique.au PCF), afin d’avoir de plus amples informations sur l’événement, afin aussi de savoir ce que le logiciel libre avait à dire à la gauche et réciproquement.

Yann Le Pollotec

Entretien avec Yann Le Pollotec

Entrons tout de suite dans le vif du sujet : le logiciel libre est-il de gauche ?

Les quatre libertés du logiciel libre, de par les valeurs de partage et la notion de biens communs qu’elles portent, ne peuvent que rejoindre ce pourquoi les hommes et les femmes sincèrement de gauche se battent. Je pense en particulier à la notion de « Commun » qui me semble être la seule voie d’avenir pour que la gauche sorte du mortifère dilemme entre le marché et l’État.

Certes certains libéraux et libertariens s’en réclament également, car contradictoirement, malgré sa tendance à tout vouloir privatiser, le capitalisme pour se développer a toujours eu besoin de biens communs à exploiter.

Tu fais partie de ceux qui réfléchissent à la « révolution numérique » au sein du PCF. Est-il possible de résumer les positions du parti sur le sujet et plus particulièrement sur le logiciel libre ?

Le PCF s’est battu pour le logiciel libre depuis 1994, ainsi que contre toutes les tentatives de brevets logiciels au Parlement européen.

Le texte suivant adopté lors du dernier Congrès du PCF résume notre position : « Sous la crise du capitalisme émergent déjà les prémisses d’une troisième révolution industrielle avec les logiciels libres, les machines auto-réplicatives libres, l’open source hardware, les mouvements hackers et maker. Ainsi se créent et se développent des lieux de conception et de proximité en réseau, ouverts et gratuits, où l’on partage savoir et savoir-faire, où l’on crée plutôt qu’on ne consomme, où l’on expérimente et apprend collectivement, où le producteur n’est plus dépossédé de sa création, tels les Fab Lab, qui sont les moteurs de ce mouvement. Toutes ces avancées portent en elles des possibilités de mise en commun, de partage et de coopération inédites. »

Lorsque tu communiques avec tes camarades du parti, vois-tu souvent passer des adresses en gmail et de pièces jointes en .doc ?

Oui malheureusement en cela les militants communistes ne sont pas différents de la majorité de la population.

Mais les choses progressent, ainsi au siège national du Parti, et dans la plupart des fédérations départementales, nous sommes équipés de LibreOffice, de Thunderbird, et Firefox, et nous avons notre propre nom de domaine : pcf.fr. Mais les mauvaises habitudes ont la vie dure ainsi que la peur de perdre ses sacro-saintes « macro excel ». C’est pourquoi l’espace à la Fête de l’Huma est aussi une occasion de les faire régresser par l’exemple et la pédagogie.

Nous sommes nombreux à vouloir re-décentraliser le Web plutôt que céder nos données à « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon). Le mouvement des fablabs et du DIY va-t-il re-décentraliser le capital ?

Oui parce que s’ils socialisent la conception via les échanges sur le Net et les bases de données disponibles, et ils décentralisent dans le même temps la production. Les petites unités de production que sont les fablabs, les hackerspaces et les makerspaces, impliquent une dispersion du capital qui va à l’encontre de la tendance atavique du capitalisme à le concentrer. La démocratisation et le partages des connaissances techniques et des moyens de créer et de produire dans le cadre de ces tiers lieux démentent les prédictions de Jacques Ellul sur l’équivalence entre développement des technologies et concentration du pouvoir, des ressources et du capital.

Favorable au revenu de base universel ? Et comme le souhaite Bernard Stiegler : demain, tous intermittents du spectacle ?

La révolution numérique dans le cadre économique actuel est une machine à détruire l’emploi salarié et à faire baisser les salaires. Par contre cette même révolution numérique, dans le cadre d’un autre partage des richesses et là c’est un combat politique, peut permettre, comme Marx l’appelait de ses vœux dans les Grundrissel émergence d’une humanité libérée du salariat et où « la distribution des moyens de paiement devra correspondre au volume de richesses socialement produites et non au volume du travail fourni. ».

C’est pourquoi je suis persuadé à l’instar de Bernard Stiegler que les batailles politiques pour instaurer un revenu universel et une baisse drastique du temps de travail, en lien avec la question de la propriété, seront fondamentales. Après on peut bien sûr débattre pour savoir si on résout le problème avec un « salaire socialisé » comme le propose Bernard Friot, un système de « sécurité d’emploi et de formation tout au long de la vie» comme y invite Paul Boccara, ou sous la forme de revenu universel de base conditionnel ou non.

Alors cette année, le Libre est à l’honneur et à l’affiche à la Fête de l’Huma. QQOQCCP ? (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Et pourquoi ?)

La Fête de l’humanité des 12, 13 et 14 septembre 2014 à la Courneuve, consacrera donc un espace aux cultures et aux valeurs du logiciel libre, des hackers et du mouvement émergent des Fablab. Cet espace sera un lieu d’éducation populaire par la démonstration et la pratique (Imprimante 3d, atelier soudure, installation de distributions GNU/Linux, fabrication de Jerry..). Mais il sera aussi un endroit où on mènera le débat politique au sens noble du terme sur tous les enjeux de la révolution numérique : le big-data, la neutralité du net, la propriété intellectuelle, les tiers-lieux, l’économie du partage et de la coopération,…

April, Ars Industrialis, Creative Commons France, Emmabuntüs, Fab-Lab Cité des sciences : Carrefour numérique, Fabrique du Ponan, Fac-Lab, FDN, Open Edge, Jerry Do It Together, La Quadrature du Net, Les petits débrouillards d’IDF, Mageia, Parinux, Ubuntu et Framasoft ont accepté d’être partie prenante en tant qu’exposants et acteurs de cet espace.

Il y aura également des débats avec des personnalités comme Bernard Stiegler ou Sebastien Broca, des structures comme l’April, la Quadrature du Net ou Framasoft et… Richard Stallman himself !

Oui trois grands moments de débats structureront la vie de cet espace :

  • « le Logiciel libre: les Droits de l’Homme dans votre ordinateur » avec Richard Stallman
  • « l’économie de la contribution et la révolution numérique » avec Bernard Stiegler, Laurent Ricard et Emmanuelle Roux.
  • « Le combat pour les libertés numériques : neutralité du Net, protection des données personnelles, licences libres, droits d’auteur… » avec Sébastien Broca, l’April, la Quadrature du Net, Framasoft et Creative Commons France.

FabLab Stand Blanc-Mesnil 2013

Il existait par le passé un « Village du Logiciel Libre » sous la houlette de Jérôme Relinger. Ainsi donc le logiciel libre revient à la Fête de l’Humanité. Mais peut-être est-il plus juste de dire qu’il ne l’a jamais quitté ?

À vrai dire, c’est toujours une affaire d’hommes et de femmes, le « village du logiciel libre » avait été créé par Jérôme Relinger et Jacques Coubard. Les aléas de la vie ont fait que Jérôme a vogué vers d’autres horizons et que Jacques est malheureusement décédé.

Mais les braises couvaient sous les cendres. À la fête de l’Humanité 2013, le stand du PC -Blanc-Mesnil, sous le thème de « Hackons le capitalisme » avait accueilli en démonstration un mini fablab avec entre autres une imprimante 3D et organisé un débat sur ce thème. Par le bouche à oreille, divers acteurs du monde du logiciel libre, des fablabs et des hackerspace ont spontanément participé à l’animation de ce mini-espace drainant ainsi sur les 3 jours de la Fête plusieurs centaines de curieux comme de passionnés. Le débat a lui aussi été un succès, tant en termes de participation que de qualité des échanges

Spontanément les acteurs comme les visiteurs de ce mini-espace en sont venus à souhaiter ardemment un véritable espace lors de la Fête de l’Humanité 2014 dédié aux mouvements des logiciels libres, aux hackers et aux fablabs, et sous la responsabilité officielle de la Fête de l’Humanité. Un collectif s’est donc constitué, de manière bénévole et militante, à partir des animateurs et des visiteurs du mini fablab de 2013, pour réaliser un espace du libre, des hackers et des Fab-Lab à la Fête de l’Humanité 2014.

Nouvelle dénomination : « Espace du libre, des hackers et des fablabs ». Pourquoi un tel choix ? Y a-t-il une forte différence entre les 3 dénominations ? Illustre-t-il une évolution et la situation actuelle ?

Oui car il s’agissait à la fois de se placer dans la filiation du village précédant, de casser les lieux communs que les médias dominants donnent des hackers en les assimilant aux crackers et d’attirer l’attention sur le mouvement émergent des fablabs avec le mariage des bits et des atomes. Bien sûr aux cœurs de ces trois mots, on retrouve un socle de valeurs communes et déjà une Histoire qui elle aussi est commune.

Fête de l'Humanité 2014 - Ulule

Une campagne de financement participatif a été lancée sur Ulule pour couvrir les frais de cet espace. Pourquoi ? Que peut-on faire pour aider, participer ?

La direction de la Fête de l’Huma a donné son accord pour la création de l’Espace mais à condition qu’hormis le terrain et l’électricité cela soit à coût zéro pour elle, en raison des graves difficultés financières du journal l’Humanité. D’où la nécessité de trouver un financement participatif pour les frais de transports, de location de mobiliers et de matériels, de réalisation d’une exposition pédagogique de présentation des enjeux de la révolution numérique,…

Vous pouvez participer personnellement à ce financement sur : http://fr.ulule.com/hackers-fablab/.

Par exemple : pour 60 euros, vous avez la vignette d’entrée pour les 3 jours (et tous les spectacles), le tee-shirt officiel, votre nom sur le panneau et une initiation à l’impression 3d. Et nous vous invitions également à populariser cette campagne autour de vous, dans vos réseaux et vos cercles de connaissances. Merci.

Le crowdfunding (financement participatif) est-il soluble dans les valeurs du communisme ?

Le crowdfunding est une réponse « bottom-up » aux dysfonctionnements majeurs des banques traditionnelles et du système financier dans son ensemble. L’existence et le développement du Crowdfunding n’empêche le combat politique pour mettre les banques et la monnaie au service du financement de l’intérêt général et du bien commun.

Où en est le projet de créer un fablab original et ambitieux au Blanc-Mesnil ?

Ce projet était porté par la municipalité communiste sortante. Malheureusement en mars, elle a été battue par une liste de l’UMP. Les priorités du nouveau maire sont de mettre en place une police municipale armée et des caméras de vidéo surveillance et non de favoriser l’installation d’un fablab. Aujourd’hui avec l’association « Fablab au Blanc-Mesnil » nous sommes en train de travailler à poursuivre notre projet dans le cadre de ces nouvelles conditions y compris en l’élargissant aux communes voisines.

FabLab Stand Blanc-Mesnil 2013




Campagne Framapad Etherpad : grand merci et à bientôt

Campagne Framapad Ulule Succès

Portée par Framasoft, la campagne de financement participatif visant à créer le plugin MyPads pour l’application libre Etherpad vient de s’achever avec succès.

Nous remercions vivement les 413 personnes qui ont directement participé sur la plateforme Ulule pour atteindre (10000€) puis dépasser (12090€) l’objectif fixé. Nous remercions également tous ceux qui se sont impliqués et ont relayé l’information (d’une manchette dans Libération à une urne participative lors du Forum des Usages Coopératifs de Brest).

Parmi les souscripteurs, nombreux ont été les utilisateurs de notre propre instance d’Etherpad, le populaire service Framapad. Outre l’amélioration technique proposée, l’argumentaire rappelant que libre ne veut pas dire gratuit et qu’il est plus que jamais nécessaire de re-décentraliser le Web a été compris et entendu.

La première conséquence, c’est que nous allons donc très concrètement pouvoir développer le plugin promis en étoffant ainsi d’autant les fonctionnalités d’Etherpad. Nous vous donnons rendez-vous avant la fin de l’année pour une première version. La somme supplémentaire servira, comme prévu, pour moitié au fonctionnement de Framapad et pour moitié à un développement sur Etherpad que nous préciserons bientôt.

Autre possible conséquence, le renouvellement un jour prochain de l’opération avec une autre application de notre libre offre en ligne Framacloud. Le financement participatif n’est pas la panacée mais fait partie des modèles économiques intéressants à explorer quand on refuse celui de l’invasion publicitaire sur Internet.

Enfin cela nous donne énergie et espoir pour la suite des opérations, à savoir une prochaine campagne autrement plus ambitieuse et importante pour nous puisqu’il s’agira de soutenir directement Framasoft et de grands projets pour les années à venir.

Framapad Urne Collecte

Campagne Framapad Libération




Linagora ou Blue Mind ? Framasoft ne se prononcera pas sur des allégations

Début 2014, nous avions annoncé dans un billet publié ici-même que nous allions « manger la pâtée de [notre] chien » et remplacer progressivement les outils Google que nous utilisions par des outils libres. C’est ainsi que, le 1er février, nous avons terminé notre migration depuis Gmail pour adopter la solution proposée par Blue Mind. Les raisons de notre choix ? Elles sont présentées dans cet autre billet : une solution libre adaptée à nos besoins, présentant des avantages en matière de gestion et d’administration, mais aussi en termes d’ergonomie. D’autres que nous, avec d’autres besoins et d’autres priorités, pourraient faire des choix différents, et nous n’avons pas d’autre(s) intérêt(s) à promouvoir notre démarche que celui de promouvoir des outils libres et de montrer qu’il est possible de se passer de Google.

Il se trouve que, comme de nombreux libristes le savent peut-être déjà, la société Linagora a lancé une action en justice contre la société Blue Mind. Et si de nombreux libristes le savent déjà, c’est que la société Linagora mène depuis le début d’année civile une campagne de communication intense en direction de la communauté du Libre visant à promouvoir « sa » vérité. Nous avons été interpellés, nommément, à plusieurs reprises[1] . De notre côté, nous avons estimé qu’il était urgent de ne pas nous positionner dans un combat qui ne nous concernait pas et qui n’était pas de notre ressort : dès lors qu’un litige était en cours, nous n’avions pas à nous prononcer sur la véracité des accusations, c’est là le travail du juge. Nous n’avions donc aucune raison de réagir.

Cependant, lors des RMLL qui viennent d’avoir lieu à Montpellier, la présentation de notre expérience, intitulée « Quitter Google ? L’expérience de l’association Framasoft » a été l’occasion d’être à nouveau interpellés nommément et publiquement sur cette affaire par la société Linagora[2].

En tant qu’acteurs de l’écosystème depuis 2001, nous sommes tout à fait légitimes à considérer et apprécier la qualité et l’éthique des logiciels libres que nous rencontrons. En tant qu’utilisateurs, nous n’aimons pas trop être infantilisés, et nous apprécions encore moins d’être instrumentalisés. Puisque nous ne souhaitons pas qu’une absence de réponse soit interprétée comme une incapacité à comprendre ces enjeux voire une approbation, nous avons rédigé ce court billet qui a pour objectif, une fois pour toutes, de répondre à ce harcèlement.

Rappel des faits : la croisade contre Blue Mind

Depuis quelque temps, la société Linagora s’est engagée dans une croisade contre Blue Mind. Blue Mind est une société qui développe un groupware éponyme directement concurrent d’OBM, produit phare de Linagora acquis lors du rachat de la société Aliasource en 2007. La plupart des membres de l’équipe d’Aliasource (y compris les fondateurs historiques) ont progressivement quitté le navire et, plusieurs années après, se sont rejoints pour certains au sein du projet BlueMind. Estimant que Blue Mind contrefaisait son logiciel OBM, Linagora a assigné Blue Mind en justice en 2012. Dans une première ordonnance rendue en avril 2014 (juge de la mise en état), le juge a rejeté « les demandes [de Linagora] tendant à faire interdiction provisoire à la société Blue Mind de poursuivre toute utilisation, exploitation et diffusion des œuvres logicielles OBM SYNC et OPUSH et du code source de ces œuvres logicielles » et a ordonné une nouvelle expertise (l’affaire étant renvoyée au 11 décembre 2014 pour le suivi des opérations d’expertise). Cette action s’est accompagnée d’une campagne de dénigrement contre son concurrent « à grande échelle » et sous toutes les formes : communication lors des salons, distribution de tracts et communiqué de presse, achat d’encart A4 dans la presse spécialisée, création d’un site laveritesurbluemind.net sur lequel est commentée (avec un biais frappant) l’actualité juridique (et sont communiquées quelques pièces saisies minutieusement choisies), envoi de mails aux clients pour les alerter de la procédure et des sanctions, etc. Lors du salon Solutions Linux, l’un des temps forts annuels du Logiciel Libre en France, on a ainsi pu assister à une diffusion massive de tracts aux visiteurs pour communiquer sur ce litige et le risque en termes de contrefaçon et de recel : superbe image.

C’est un comportement que l’on rencontre malheureusement parfois dans le monde des affaires, mais qui est beaucoup plus surprenant et bien moins acceptable au sein d’un écosystème comme le nôtre qui veut partager une certaine éthique et favoriser la tolérance et le respect plutôt que pratiquer des logiques claniques ou d’exclusion.

Les clients et les différents acteurs du Libre se retrouvent pris en otage dans ce combat qui n’est pas le leur, pris à partie, voire remis en cause dans leur capacité à choisir la solution qui leur convient. Par courrier et réseaux sociaux, un accompagnement, juridique et technique est même proposé à ces clients et utilisateurs de BlueMind pour qu’ils dénoncent leurs contrats et passent chez OBM.

Une communauté prise à partie et manipulée

On assiste ainsi à un appel à la communauté, sommée de réagir contre un éditeur (Blue Mind) qui ne respecterait pas les licences, aurait des comportements que nous devrions dénoncer (ainsi que sa solution logicielle qui ne serait « pas vraiment libre »), et qui nuirait in fine à nos principes, nos valeurs et notre éthique. Il faudrait que la communauté s’en mêle, qu’elle se positionne, qu’elle consacre son énergie pour agir contre une société qui, finalement et objectivement, produit un bon logiciel, le diffuse sous licence libre et qui s’entend très bien avec tout le monde. Mais alors pourquoi ?

Nous prend-on réellement pour des imbéciles incapables de comprendre que la bataille n’est qu’accessoirement juridique et que la vraie raison à tout ce raffut n’est autre que de faire tomber un concurrent qui fait (trop) mal ? Nous prend-on pour des imbéciles naïfs qui ne voient pas que cette présence médiatique a pour seul objectif de retenir des clients trop craintifs ou déboussolés qui pourraient risquer d’aller voir ailleurs ? Croit-on vraiment que nous avons « besoin d’être aidés » pour faire des choix et prendre des positions qui nous semblent réellement conformes à l’esprit du Libre et aux libertés que nous souhaitons pour tous les utilisateurs de logiciels ? Quel est même le rapport entre cette croisade et le Libre ?

Si c’est une question de licences, alors la solution est plutôt simple : OBM est sous GNU Affero GPL v3, BlueMind aussi. S’il fallait vraiment mobiliser la communauté sur une licence ou une pratique, sur des sujets qui touchent effectivement aux libertés des utilisateurs, peut-être que Linagora ferait mieux de revoir ses propres pratiques et notamment l’ajout d’exceptions à rallonge qui créent de l’insécurité dans l’usage même de la licence GNU Affero GPL v3 au détriment de ses utilisateurs. En effet, la licence en question, intitulée GNU Affero GPL — for OBM (voir http://obm.org/content/obm-license) détourne la notion d’« attribution raisonnable » pour imposer l’ajout de messages commerciaux ou encore la possibilité offerte d’« interdire l’usage d’une marque » pour imposer l’usage de celles de Linagora (voir l’article 7 de la GNU Affero GPL v3). Ça, c’est un sujet sur lequel nous pouvons effectivement avoir un rôle. Mais ce n’est pas du tout ce qui est discuté en l’occurrence. Une action juridique est en cours ? Un expert a été nommé ? Très bien ! Laissons les parties argumenter, les juges et l’expert faire leur travail. Nous n’avons que faire d’une affaire d’égo et de gros sous. Faisons confiance aux juges pour condamner et réparer ce qui doit l’être.

Une campagne de désinformation nuisible au Libre & à l’Open Source

Si encore ces querelles permettaient de nous renseigner et donc de nous faire une idée sur d’autres bases que des sous-entendus… Mais non ! À la lecture des billets, analyses et autres commentaires laissés sur nos blogs, on constate une campagne de mésinformation qui n’a pour objectif que de forcer la communauté à soutenir l’action de Linagora. STOP ! En plus d’être bruyante et usante, cette campagne est nuisible pour le Libre 

  • Les clients de Blue Mind seraient des receleurs. Heureusement que non ! Est-il utile de rappeler que depuis les années 1990, les licences GNU (dans toutes leurs variantes et versions — de la GNU GPL v1 à la GNU GPL v3) offrent une sécurité juridique aux utilisateurs pour éviter de telles situations malsaines pour le Libre ? La mécanique est simple : si l’un des licenciés perd le bénéfice de la licence, tous les autres utilisateurs subséquents continuent à bénéficier de la licence. Ce serait différent pour OBM ? Linagora aurait trouvé un nouvel argument juridique que tous les opposants au Libre ont jusqu’à aujourd’hui ignoré ? Non, et ce serait bien que Linagora arrête de le faire croire – au risque sinon de réussir à faire perdre la confiance dans le système là où tous les détracteurs du Libre commençaient à manquer de force. Donc, quelle que soit l’issue, les utilisateurs (clients ou partenaires) continueront à pouvoir utiliser la solution et cela sans aucun risque juridique.
  • Le manquement à la licence devrait enclencher nécessairement une action en contrefaçon ? Heureusement, non ! Toutes les nouvelles licences comportent des clauses qui permettent à un licencié d’être réintroduit dans ses droits automatiquement s’il corrige ses erreurs (c’est notamment le cas pour les licences d’OBM et de BlueMind), mais, de fait, même pour les licences qui n’ont pas de telles clauses, personne n’a jamais cherché à attaquer à la moindre faille ou irrespect. L’éthique du logiciel libre conduit à agir pour défendre les libertés des utilisateurs, non à sauter sur la moindre hypothétique violation pour utiliser l’arsenal de l’action en contrefaçon. En l’occurrence, s’il y a eu manquement, ce dernier ne serait semble-t-il qu’un prétexte puisque la critique arrive après correction et dans le seul objectif d’agir. Là aussi, c’est un comportement nuisible pour notre système et pour la confiance que l’on construit depuis de nombreuses années.
  • Une politique de désinformation systématique. Pour ne mentionner qu’un exemple, examinons le commentaire de la dernière décision intitulé « Blue Mind perd son procès pour faire fermer ce blog ! ». Une lecture rapide permet de constater que toute la défense de Linagora a porté sur la procédure : incompétence du juge et erreur d’assignation. À aucun moment et contrairement à ce que laisse penser Linagora, le juge ne s’est penché sur la demande de Blue Mind relative à l’obtention d’une mesure d’urgence pour faire fermer le blog de Linagora. Pour rappel, en droit, le bien-fondé d’une demande n’a pas vocation à être envisagé dès lors que l’on se heurte à l’irrecevabilité. Cette pratique de transformation de la vérité et d’instrumentalisation de la justice n’est fidèle ni à l’esprit ni même à l’image que l’on souhaite donner au Libre.

Conclusion

Arrêtons ça ! OBM est un logiciel qui vaut certainement mieux que ça. Toute cette énergie dépensée ne fait que nuire à son image et à celle du Libre et de l’Open Source dans son ensemble. Continuez à développer votre logiciel, diffusez-le sous une vraie licence libre (sans tous ces ajouts), et peut-être qu’un jour nous l’utiliserons.

L’équipe Framasoft

Notes :

[1]  Il existe même une catégorie « Framasoft » sur le site lancé par Linagora.

[2https://twitter.com/alex_zapolsky/status/487555623698305024


Mise à jour du 22/09

Le 22 septembre 2014, Framasoft a reçu par courrier électronique une réponse de la société Linagora. Nous remercions Linagora de cette réponse, mais comme nous le disions en conclusion de ce billet : « Arrêtons ça !». Framasoft souhaitait s’exprimer et l’a fait (par ce billet). Nous ne poursuivrons probablement pas la discussion.
La réponse de Linagora à Framasoft peut être lue en ligne. Et les commentaires du Framablog restent ouvert au débat (courtois, cela va de soi 🙂 ) à ceux qui souhaiteraient poursuivre la discussion (sans nous).




RMLL 2014

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Venez nombreux, ça promet d’être sympa, comme d’habitude !

La liste des conférences/ateliers/etc. organisés par des framasoftiens :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Campagne Framapad Etherpad : Encore un petit effort, voire plus si affinités !

Framapad Ulule

Lancée le 11 juin dernier, notre campagne Framapad/Etherpad n’est plus très loin d’atteindre l’objectif fixé.

Nous en sommes ainsi à l’instant t à 85 % pour quelques 315 contributeurs (que l’on remercie à nouveau vivement pour leur adhésion et leur soutien au projet).

Cela a cependant tendance à ralentir ces derniers jours. Alors nous renouvelons notre appel à participation et relais de notre campagne. D’avance merci (si ça n’est déjà fait).

Comme il est dit dans la FAQ, si nous dépassons notre objectif de 10000€, nous créerons un fonds de soutien à Etherpad qui permettra de financer de futurs développements. La moitié de la somme supplémentaire reviendra à ce fonds, l’autre à Framasoft, qui rendra compte de son utilisation.

En plus du lien direct vers notre page de campagne sur Ulule, vous pouvez partager les deux vidéos suivantes :

Présentation télé de la campagne par Alexis Kauffmann (aKa) lors de l’émission 56Kast #30 de Nolife (avec Erwan Cario et Camille Gévaudan des Ecrans de Libération et Véronique Boukali de Romaine Lubrique).

Notre parodie de La Chute (oui, nous aussi) telle que promise par Luc Didry sur Twitter lorsque la jauge a atteint 50%.

Parodie Chute

Existe aussi avec des sous-titres en anglais.




Free Software, Free Society : la conférence TEDx de Richard Stallman avec slides !

Dans le billet présentant « La route est longue mais la voie est libre », ma propre conférence TEDx à Genève en avril dernier, j’avais évoqué la présence (intimidante) de Richard Stallman qui intervenait lui aussi ce jour-là.

Outre le fait que c’était sa première conférence TED, l’originalité venait aussi du fait que c’était la toute première fois qu’il utilisait des diapositives. Et certaines sont particulièrement signifiantes et savoureuses 😉

Pour réaliser les slides, les organisateurs avait mis la veille à sa disposition deux étudiants graphistes (à gauche sur mon horrible selfie). Bravo pour leur patience et leur courage, parce que Stallman fut, as usual, particulièrement pointilleux ce jour-là 😉

Alexis Kauffmann - Selfie - Richard Stallman

Appel à participation : La conférence est donc en anglais. Nous invitons les lecteurs à la transcrire sur un pad. Ensuite nous la traduirons et la soumettrons à Stallman pour approbation avant sous-titrage officiel (car tout écrit de Stallman est sous licence CC By-Nd). Merci

Alexis Kauffmann (aKa)




Éolienne urbaine sous licence libre, par Aeroseed

Aeroseed - Ulule

Lors de l’événement Vosges Opération Libre, nous avons eu le plaisir de rencontrer Théophile, du bureau d’étude vosgien Aeroseed, qui a récemment développé les plans d’une micro-éolienne libre présentée à cette occasion à Gérardmer.

Convaincu par le modèle open source de l’innovation, Aeroseed a décidé de proposer un financement participatif pour la construction de son éolienne urbaine, via la plateforme Ulule.

Il est assez rare de voir de jeunes ingénieurs prometteurs se lancer dans ce type de modèle de co-financement pour leurs projets, et particulièrement dans un secteur aussi compétitif que l’énergie renouvelable. Mais passer par une plateforme de financement participatif a un double avantage : d’abord, il s’agit de lever des fonds en toute transparence pour des projets avec un fort impact social, ensuite le fait de réussir une telle levée de fonds, en mobilisant l’attention du public, permet aussi de valider l’intérêt social du projet. Le pari est déjà en partie gagné puisque depuis peu de jours, ce projet d’éolienne en est à 124% de l’objectif initial. Mais en réalité, c’est parce qu’une seconde étape est visée, encore plus ambitieuse : normaliser l’éolienne et même produire des kits.

Pour en savoir plus, nous avons interviewé Théophile…

Aeroseed - Logo

Christophe Masutti (Framasoft) : Bonjour Théophile. Alors, AeroSeeD, c’est qui ? c’est quoi ?

Théophile Bresson : AeroSeeD, c’est un bureau d’étude industriel spécialisé en simulation numérique (fluide, thermique et résistance des matériaux). Il a été créé grâce à la volonté de monsieur Vincent Mauvady d’industrialiser la micro-éolienne que j’ai inventée il y a 7 ans.

AeroSeeD à donc deux activités parallèles :

  1. Un service de recherche et développement au service des entreprises régionales, nationales et internationales ;
  2. Un projet de micro-éolienne à axe vertical à voilure tournante sous licence libre.

Peux-tu présenter le projet de micro-éolienne en quelques mots ?

Ce projet de micro-éolienne est le fruit d’une succession d’étapes étalées dans le temps :

  • 2007 : l’idée a germé suite à une discussion entre amis.
  • de 2007 à 2010 : début des calculs de recherche et d’optimisation pour caractériser les performances de l’éolienne.
  • mi-2010 : étude de marché et création de la société AeroSeeD pour porter ce projet jusqu’à son industrialisation
  • de 2010 à 2012 : demande de subvention auprès des différents organisme publics (rencontre avec l’ancien vice-président du Conseil Régional, Agence de Mobilisation Économique du Conseil régional, CCI, pôle de compétitivité, divers services du Conseil Régional, ISEETECH…) pour un partage des risques sur la validation de l’éolienne grâce à un prototype.
  • 2012 : La grande désillusion ; Lorraine terre d’innovation mon œil ! Les personnes étaient toutes très enthousiastes, mais nous n’avons au final pas reçu 1 € (euro) d’aide. Il faut savoir que rien que le dépôt de brevet en France nous aurait couté 10 000€, une protection européenne 50 000€ et une protection monde est de l’ordre de 200 000 à 500 000 €.
  • mi-2012 : discussion avec David Vantyghem (association GOALL) à propos des licences libres. Changement de stratégie, abandon du brevet et choix de la licence libre.
  • 2013-2014 : tels des aventuriers, nous avons eu à défricher le terrain de la licence libre dans le domaine de l’open hardware pur !
  • de 2010 à 2014 : développement du prototype grâce aux outils du bureau d’étude (CAO, outils de calcul par éléments finis)
  • début 2014 : fabrication du prototype mécanique ; jusque-là, AeroSeeD a dû tout financer en fonds propre grâce à son activité de bureau d’étude.
  • Enfin, arrive mi-2014 à nous avons décidé de lancer un appel à don pour :
    • 1ere étape : nous aider à financer la partie automatisme et mise sur mât du prototype
    • 2ème étape (20 000 €) : nous permettre d’envisager la conception d’un kit aux normes pour le proposer aux écoles, hackerspaces et autre bidouilleurs sans oublier les pays émergents.

Peux-tu en dire plus à propos de l’impact économique et l’intérêt pour les populations ?

L’éolienne AeroSeeD vient combler un vide technologique de la production d’énergie à partir du vent dans les zones urbaines.

Elle a été conçue et optimisée pour que son rendement soit le maximum possible en présence de vent tournant. Situation dans laquelle les éoliennes actuelles, quelles qu’elles soient, ne produisent pas ou avec des rendements très médiocres.

Notre éolienne n’est par contre pas concurrente des micro-éoliennes à axe horizontal dans les milieux très bien dégagés comme les grandes plaines ou les zones côtières. En effet les éoliennes conventionnelles (axe horizontal) sont alors parfaitement capables de produire efficacement.

Finalement, pourquoi avez-vous décidé de placer votre projet en Open source / libre ?

La réponse est multiple :

  • impossibilité de trouver des financements ne serait-ce que pour le dépôt de brevet.
  • impossibilité pour une petite structure d’envisager la défense de ce brevet face à des entreprises internationales (américaines, japonaises, chinoises…)
  • La possibilité de pouvoir relocaliser l’emploi en France grâce à l’ouverture de l’idée. Exemple : une petite entreprise X de Lorraine qui n’aurait pas pu produire et vendre ce type d’éolienne si nous avions déposé un brevet, se voit maintenant dans la possibilité de le faire.
  • La capacité de ne plus envisager un concurrent comme une entité à abattre mais plutôt comme un partenaire. En effet, il peut être à l’autre bout de la France ou du monde et participe donc à l’augmentation du marché en faisant connaître ce produit. Il peut être proche de chez nous et développer une activité connexe de service (type éolienne communicante) que nous proposons directement à nos clients (via une commission). L’entreprise peut même être dans la région messine et vendre la même éolienne, c’est alors une présence motivante et qui nous permet, par réaction, de faire évoluer le produit plus rapidement.

Quelle(s) licence(s) libre(s) comptez-vous utiliser et pourquoi ?

Les licences libres autorisent légalement et encouragent la copie, l’étude, la modification et la redistribution des logiciels et des modèles de conception (plan mécanique 2D et 3D, dessin, notice, schéma électronique…). Nous avons choisi des licences libres incluant une clause de Copyleft. Ces licences libres imposent aux contributeurs qui vont distribuer gratuitement ou vendre des produits dérivés de diffuser à leur tour leurs travaux sous les mêmes licences libres. Par exemple, les licences de la Free Software Foundation pour les logiciels, manuels, notices, documentations, articles, publications, dictionnaires, les licences TAPR et CERN pour la conception matérielle (dessin industriel, plan, schéma…), les licences Art Libre et Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions pour les œuvres artistiques ou de divertissement (roman, dessin artistique, musique, effet sonore, vidéo, photographie, animation…).

La plupart de ces licences incluent aussi une clause de défense contre les entreprises qui utiliseraient des brevets pour attaquer notre antériorité, en leur interdisant toute commercialisation des produits dérivés.

Vous faites appel aujourd’hui à un financement sur Ulule : qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Ce choix a été motivé par la cohérence de la licence libre avec l’appel à don, mais également par ce manque de financement auquel nous avons fait face. Cet appel à don a également eu pour effet de nous retourner une véritable étude du marché fiable et quantifiable. Nous avons eu un retour quantitatif de personnes non seulement suffisamment intéressées par notre projet pour faire un don, mais en plus qui souhaitent être tenues au courant de la date de sortie des kits car ils souhaitent en acheter.

Rétrospectivement, le financement participatif était pour nous le meilleur choix.

En avez-vous déjà parlé avec vos partenaires industriels habituels? Ils en pensent quoi ?

Nos partenaires industriels n’ont pas été mis au courant de manière systématique. On pourrait parler de discussion sélective avec des personnes intéressées qui sont accessoirement nos partenaires. Ils envisagent cette stratégie de la licence libre avec intérêt non sans appréhension. Il est vrai que ce mode d’action est radicalement différent du mode protectionnisme qui nous est proposé par le brevet, et qui nous est infusé pendant nos études.

Pour ma part il s’est agit d’un véritable reboot cérébral avec mise à jour du firmware… 😉

Sur le long terme, pensez-vous créer une communauté d’utilisateurs/contributeurs autour de ce projet d’éolienne ?

C’est exactement notre volonté depuis fin 2012

Existe-t-il d’autres projets open source hardware dans la Région Lorraine ? Pensez-vous faire un rapprochement ?

Il y a la FoldaRap, une imprimante 3D open source pliante qui est commercialisée à Folschviller, un projet de four verrier, un standard téléphonique avec un ERP et de la visioconférence, conçu et commercialisé par des Vosgiens.

Il y a aussi des projets uniquement logiciels comme par exemple un logiciel d’aide à la saisie au clavier développé au laboratoire LITA à Metz, le logiciel d’hébergement d’images Lutim.

Il existe certainement plein d’autres projets libres à détecter.

Avez-vous d’autres projets en stock ?

Oui, notamment dans le domaine de la production d’algues, mais pour l’instant nous souhaitons voir aboutir ce projet d’éolienne avant de tenter l’aventure du libre sur nos autres projets.

Merci et bonne chance !

-> Éolienne urbaine : Une source d’énergie renouvelable sous licence libre




Un abécédaire libre et contributif par et pour les enfants

Nous saluons aujourd’hui une initiative exemplaire qui conjugue les démarches auxquelles nous sommes attachés : un projet éducatif à destination des enfants d’écoles primaires et de leurs enseignants, qui les fait participer et aboutir à un ouvrage qui sera utile à d’autres… car placé en licence libre ! Avec Éric que nous interviewons ici, une équipe de contributeurs petits et grands convaincus que la culture libre, c’est bien d’en parler, mais c’est encore mieux de la créer et de la diffuser !

Une Interview d’Eric Querelle aka Odysseus

Bonjour, Odysseus… qui se cache derrière ce pseudo homérique ?
Je suis professeur de néerlandais dans l’enseignement secondaire belge. Je griffonne à mes heures perdues, lorsque l’occasion se présente ou lorsque j’ai une idée. Au départ ce choix de pseudo n’était pas guidé par Homère mais par le vaisseau d’Ulysse… 31 dont j’étais un grand fan. Ce qui donne une idée approximative de mon âge 😉

Il me semble que tu n’en es pas à tes débuts dans l’illustration d’ouvrages libres à destination des plus jeunes, qu’est-ce qui t’intéresse dans ce genre de réalisations ?
En effet, depuis quelque temps j’écris et illustre en amateur de petites histoires pour enfants que je propose en téléchargement. Ainsi, 4 petites histoires sont déjà disponibles : Petit Vénusien raconte l’histoire d’un extra-terrestre qui a un besoin urgent, Bonne nuit Doudou Lapin, une histoire très très courte, Ne pleure pas Monsieur le Loup qui évoque la phobie des ongles coupés et Super Héros, une histoire déclinée en deux versions qui aborde le thème du cauchemar.

Pour le reste, je dessine au gré de mes envies et de mes idées ou propose d’autres bidules comme un petit jeu de dominos ou une lecture de 12 fables de La Fontaine, par exemple.

Ce goût des histoires et celui du dessin se combinent bien. La simple idée de savoir — et de voir — que ceux-ci sont utilisés, exploités de manière individuelle, en classe et sur AbulEdu est un très beau cadeau, une belle récompense.

De manière plus générale, l’école est pour moi le lieu le plus adéquat pour faire découvrir et assimiler ces notions de partage, de respect, de diffusion et de valorisation du bien commun.

Comment est né ce projet d’abécédaire ?
Ce projet est né sur Babytwit, une plateforme libre de microblogging proposée par l’association AbulEdu-fr à destination principale des écoles primaires. Jonathan Tessé mainteneur de la plateforme et animateur Tice dans la région dijonnaise a lancé l’idée et un groupe de personnes ultra-motivées s’est rapidement formé pour la concrétiser. Quatre mois après, nous y voilà ! 🙂

Lien direct en cliquant sur l’image de couverture – PDF 14,1 Mo

couverture abécédaire libre

Ce sont les enfants de diverses écoles qui t’ont envoyé des phrases cocasses pour chacune des lettres. Ça t’a compliqué la tâche ?
Oui, six groupes-classes ont participé à ce projet et leur implication a été maximale. L’idée que je me faisais au départ était celle d’un travail tranquille et je m’attendais à des phrases simples du genre « L’éléphant est près de l’étang ». C’était sans compter l’imagination débordante des enfants coachés par des professeurs gonflés à bloc qui ont pris un plaisir malin à me pousser dans mes derniers retranchements :

En faisant du xylophone, Baba Yaga et son yorkshire dévorent un yaourt au Xérès accompagné d’yeux de yéti et d’ailes de xylocope.

Un plaisir vite partagé et chaque nouvelle phrase était une vraie belle surprise !

E comme Elephant

J’ai eu également l’immense plaisir de rencontrer une classe (celle de Bordeaux). Ça a vraiment été un moment très intense : j’étais venu avec mes dessins déjà réalisés, beaucoup de questions ont été posées par les enfants (qui m’appelaient Odysseus car ils ne savaient rien d’autre que mon pseudo), des remarques adorables… et puis planait aussi ce sentiment inexplicable de rencontrer en chair et en os des personnes que l’on « connaît » uniquement virtuellement.

Concrètement, les 6 classes participantes se sont partagées les lettres de l’alphabet. Lorsque leurs phrases étaient prêtes, elles me les transmettaient via le groupe dédié #abécédaire. Les phrases étaient commentées. Il m’est très souvent arrivé de devoir faire des recherches (pour des mots comme : xylocope, Baba Yaga, urubu…). Je leur montrais le dessin ou un extrait de celui ci pour maintenir un certain suspense. J’avais des retours satisfaits ou quelquefois des remarques du genre « son nez est trop gros » ou « le bouc est trop petit », « son nez n’est pas assez crochu » ou encore « ta hyène on dirait un ours » :-D.

Bref un véritable suivi de la part des enfants. Dans toutes les classes, un travail de fond pédagogique a été réalisé quant au contenu (la recherche lexicale), la forme (ne pas dépasser 140 caractères)… et le fonctionnement du microblogging, ses codes. Cela a largement dépassé le simple cadre de l’alphabet.

La licence « art libre », c’est important pour toi ? Est-ce que ça signifie que toutes les écoles primaires peuvent se servir librement de cet abécédaire ?
Oui, et j’en ai pris conscience lors d’un événement précis : il y a quelques années j’ai posé sur mon blog de l’époque un dessin intitulé « Bulle spéculative » déjà sous licence Art Libre car j’avais découvert cet univers via Framasoft. J’ai reçu un mail d’un certain Antoine Moreau qui était à la recherche d’une bulle pour son texte de Paule et Paul qu’il publiait dans un petit livret sur l’Art. C’était la première fois qu’on me demandait l’autorisation d’utiliser un dessin. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu dans ma boîte aux lettres ledit livret avec une partie de mon dessin (rien que la bulle). Je découvrais et vivais ce fameux : « Copyleft: cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre  ».

Aussi, je suppose (et espère) que quelqu’un qui copie, diffuse, modifie, utilise mes dessins l’apprécie et je considère donc cela comme une reconnaissance.

L’abécédaire est sous Licence ArtLibre 1,3 (LAL 1,3) Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur. Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège.

Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression. Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux œuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise.

L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des œuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun. La licence complète est à lire ici.

Cela signifie donc effectivement que les écoles primaires et toute personne intéressée par cet abécédaire peuvent le télécharger et l’imprimer librement. Je mets également toutes les sources à disposition (images brutes, .png, .svg, le document .odt et le .pdf) pour permettre à qui le souhaite de « jouer » avec les dessins, personnaliser l’abécédaire en supprimant les phrases pour une activité de classe par exemple ou en colorisant les images.

Une version en couleurs est prévue ?
Oui, au départ, nous étions partis pour une version colorisée. Mais impossible à réaliser en quatre mois de temps. Tenant absolument à donner aux enfants un résultat concret de leur travail avant la fin de l’année scolaire, nous avons laissé la colorisation de côté pour nous concentrer sur un produit fini en noir et blanc.

Dans l’idée de garder l’idée de travail collectif, j’ai donc lancé un appel à l’aide à la colorisation et quelques personnes se sont vaillamment lancées dans l’aventure. Cela avance bien, très bien même. Mais comme plus on est de fous plus on rit, cet appel reste tout à fait d’actualité.

Déjà un autre livre pour enfants en projet ?
J’ai quelques idées mais j’ai souvent besoin d’un certain temps pour les laisser percoler. Mais il m’arrive aussi d’avoir l’idée qui tombe de je-ne-sais-où.

Alors, un livre en projet, pour le moment non. Mais qui sait ? Peut-être demain…

Au fait, si des gens (une école, des particuliers…) veulent te remercier par un don financier ?
C’est une option que je n’envisageais pas car je ne propose évidemment pas mes histoires dans ce but et puis cela me rendait plutôt mal à l’aise.

Cependant, pour le faire moi-même aussi quelquefois pour d’autres projets, je peux comprendre que l’on souhaite ou préfère soutenir un projet financièrement . Alors si les gens tiennent vraiment à me remercier, me soutenir pour mes histoires de cette manière pourquoi pas ?

Merci Éric, et à bientôt !

Liens

Dans les coulisses de l’abécédaire

  • Phrases : Les phrases ont été généreusement imaginées par les élèves des classes :
    • Bibliosaigebib : Atelier informatique en bibliothèque, près de Bordeaux
    • maternelle gilly : Classe de GS de maternelle, Près de Dijon
    • les gribouilloux : Classe de MS GS de maternelle, près de Reims
    • cm1 curie : Classe de CM1, près de Bordeaux
    • brossocm : Classe de CM1 près de Nancy
    • cm1 teacher : Classe de CM1 à Pacé, près de Rennes
  • Dessins : Eric Querelle aka Odysseus
  • Polices de caractère : DejaVu Sans – Liberation Sans – Bromine Regular Font – Thickhead Regular Font