Le site Groklaw baisse le rideau à cause de la surveillance de la NSA !

Coup de tonnerre dans la blogosphère ! Le célèbre site Groklaw vient de publier un poignant dernier billet, dont nous vous proposons la traduction ci-dessous.

En cause, la surveillance et l’impossibilité de sécuriser sa communication par courriel, suite aux récentes révélations de Snowden. La spécialité de Groklaw c’est d’expliquer, relater, voire parfois révéler, collectivement des affaires et questions juridiques liées aux nouvelles technologies en général et au logiciel libre en particulier. Comment poursuivre si on se sent ainsi potentiellement violé(e) sans plus pouvoir garantir la confidentialité de ceux qui participent et envoient des informations au site ?

Ce qui fait dire en fin d’article, non sans amertume, à la fondatrice du site Pamela Jones : “But for me, the Internet is over”.

Est-ce une décision exagérée ? A-t-elle réagi trop vite, sous la coup de la colère et de l’émotion ? Toujours est-il qu’une telle décision, aussi radicale soit-elle, aide à faire prendre conscience de la gravité de la situation…

Groklaw - Logo

Exposition forcée

Forced Exposure

Pamela Jones – 20 août 2013 – Groklaw
(Traduction : farwarx, GregR, aKa, phi, yoLotus, bituur, rboulle, eeva, Asta, Mari, goofy, GregR, Asta, Penguin, Slystone + anonymes)

Le propriétaire de Lavabit nous a récemment annoncé qu’il avait cessé d’utiliser les mails, et que si nous savions ce qu’il sait, nous en ferions autant.

Il n’y a aucun moyen de faire vivre Groklaw sans utiliser le courrier électronique. C’est là où est le casse-tête.

Que faire ?

Alors, que faire ? J’ai passé les deux dernières semaines à essayer de trouver une solution. Et la conclusion à laquelle je suis arrivée est qu’il n’y a aucun moyen de continuer Groklaw, pas sur le long terme, et c’est extrêmement malheureux. Mais il est bon de rester réaliste. Et la simple réalité est la suivante : peu importe les bons arguments en faveur de la collecte et de la surveillance de toutes les informations que nous échangeons avec les autres, et peu importe à quel point nous sommes tous « propres » pour ceux qui nous surveillent, je ne sais pas comment fonctionner dans un tel environnement. Je ne vois pas comment continuer Groklaw ainsi.

Il y a des années de cela, lorsque je vivais seule, je suis arrivée à New York et, comme j’étais encore naïve au sujet des gens malintentionnés dans les grandes villes, j’ai loué un appartement bon marché au sixième et dernier étage d’un bâtiment sans ascenseur, à l’arrière de celui-ci. Cela signifiait bien sûr, comme n’importe quel New-Yorkais aurait pu me le dire, qu’un cambrioleur pouvait monter le long de l’issue de secours incendie ou accéder au dernier étage via les escaliers intérieurs et ensuite sur le toit puis redescendre par une fenêtre ouverte de mon appartement.

C’est exactement ce qui s’est passé. Je n’étais pas là quand c’est arrivé, donc je n’ai été blessée physiquement d’aucune façon. De plus je n’avais rien de valeur et seulement quelques objets furent volés. Cependant tout a été fouillé et jeté au sol. Je ne peux pas décrire à quel point cela peut être dérangeant de savoir que quelqu’un, un inconnu, a farfouillé dans vos sous-vêtements, regardé vos photos de famille et pris quelques bijoux qui étaient dans votre famille depuis des générations.

Si cela vous est déjà arrivé, vous savez qu’il n’était plus possible pour moi de continuer à vivre là, pas une nuit de plus. Il se trouvait que, selon mes voisins, c’était certainement le fils du gardien. Ceci m’a frappée au premier abord mais ne semblait pas surprenant pour mes voisins les plus anciens. La police m’a simplement signifié qu’il ne fallait pas espérer récupérer quelque chose. Je me suis sentie violée. Mes sous-vêtements étaient tout ce qu’il y a de plus normal. Rien d’outrageusement sexy mais c’était l’idée que quelqu’un d’inconnu ait pu les toucher. J’ai tout jeté. ils ne seront plus jamais portés.

C’est comme ça que je me sens maintenant, sachant que des personnes que je ne connais pas peuvent se promener à travers mes pensées, espoirs, et projets, à travers les messages que j’échange avec vous.

Ils nous ont dit que si on envoyait un courriel hors des USA ou si on en recevait un venant de l’extérieur des USA, il serait lu. S’il est chiffré, il sera conservé pendant 5 ans, en espérant sans doute que la technologie aura assez évolué pour pouvoir le déchiffrer, contre notre volonté et sans que nous soyons au courant. Groklaw a des lecteurs partout sur la planète.

Je n’ai pas d’engagement en politique, par choix, et je dois dire qu’en me renseignant sur les derniers affaires, cela m’a convaincue d’une chose : j’ai raison de l’avoir évitée. Selon un texte sacré, il n’appartient pas à l’homme de savoir où mettre son prochain pas. Et c’est vrai. Les humains ne sont des humains et nous ne savons pas quoi faire de nos vies la moitié du temps, encore moins gouverner correctement d’autres humains. Et c’est démontré. Quel régime politique n’a pas été essayé ? Aucun ne satisfait tout le monde. Je pense que nous avons fait cette expérience. Je n’attends pas beaucoup de progrès sur ce point.

Je me souviens très nettement du 11 septembre. Un membre de ma famille était supposé être dans le World Trade Center ce matin-là, et quand j’ai regardé en direct à la télévision les gratte-ciel tomber avec des personnes à l’intérieur, je ne savais pas qu’elle était en retard ce jour et donc en sécurité. Mais est-ce qu’il importe que vous connaissiez quelqu’un en particulier, quand vous regardez des frères humains se tenir par la main et se jeter par des fenêtres de gratte-ciel vers une mort certaine, ou quand vous voyez les buildings tomber en poussière, sachant que de nombreuses personnes comme vous furent également transformées en poussière ?

J’ai pleuré pendant des semaines, comme ça ne m’est jamais arrivé, ni avant, ni depuis, et j’en garderai le souvenir jusqu’à ma mort. Une des choses qui m’angoissait le plus c’est de savoir qu’il y a des gens dans le monde qui ont envie d’infliger la même chose à d’autres, à des frères humains, des inconnus ou des civils nullement impliqués dans aucune guerre. Cela semble ridicule, je suppose. Mais je vous dis toujours la vérité et c’est ce que je ressentais sur le moment. Alors imaginez ce que je ressens, imaginez ce que je dois ressentir maintenant sur la planète où nous vivons, si les dirigeants du monde entier pensent que la surveillance totale est une bonne chose…

Je sais. Ce n’est peut-être même pas le cas. Mais si ça l’était ? Le savons-nous seulement ? Je l’ignore. Mais ce que je sais, c’est qu’il n’est pas possible d’être pleinement humain si vous êtes surveillé 24h sur 24, 7 jours sur 7.

Le Centre Berkman de l’Université de Harvard, il y a quelques années, avait un cours sur la cyber-sécurité et la vie privée sur internet. Les ressources liées à ce cours sont toujours en ligne. Ce cours expliquait comment protéger sa vie privée dans un monde virtuel, parlant de choses étonnantes, avec des intitulés tels que “Is Big Brother Listening?”

Et comment ?

Vous y trouverez toutes les lois des États-Unis relatives à la vie privée et à la surveillance. Il ne semble pas pour autant que chacun respecte les lois qui se mettent en travers de son chemin de nos jours. Ou bien si les gens trouvent qu’ils ont besoin d’une loi pour rendre un comportement légal, ils vont simplement écrire une nouvelle loi, ou réinterpréter une ancienne loi et passer outre. Ce n’est pas ça, le respect de la loi tel que j’ai appris.

Bref, le cours faisait mention de passages du livre de Janna Malamud Smith, “Private Matters: In Defense of the Personal Life” et je vous encourage à le lire. J’encourage le président et la NSA à le lire également. Je sais. Ils ne me lisent certainement pas. Pas de cette manière-là en tout cas. Mais c’est important, parce que l’idée de ce livre, c’est que la vie privée est vitale pour rester un être humain, c’est la raison pour laquelle l’une des pires punitions imaginables, c’est la surveillance totale :

Pour bien comprendre ce qu’est la vie privée il faut regarder ce qui se passe dans les situations extrêmes où elle est absente. Se remémorant Auschwitz, Primo Levi avait remarqué que « la solitude dans un camp était plus précieuse et rare que le pain ». La solitude est un des aspects de la vie privée et malgré la mort accablante, la famine et l’horreur des camps, Levi savait qu’elle lui manquait… Levi a passé une grande partie de sa vie à essayer de mettre des mots sur son expérience des camps. Comment, se demandait-il à voix haute, dans « Survivre à Auschwitz », décrire la « démolition d’un homme », un processus pour lequel les mots manquent dans notre langage.

Nous nous servons de notre vie privée comme d’un espace sûr loin de toute terreur ou d’agression. Lorsque vous enlevez à une personne la possibilité de s’isoler ou de conserver des informations intimes pour elle-même, vous la rendez extrêmement vulnérable…

L’état totalitaire surveille tout le monde, mais garde ses plans secrets. La vie privée est vue comme dangereuse car elle favorise la résistance. Espionner continuellement et ensuite poursuivre les gens pour ce qui est souvent de petites transgressions de la loi, voilà une façon de maintenir un contrôle sur la société, d’affaiblir et d’annihiler toute forme d’opposition…

Et même quand on se débarrasse de ceux qui nous harcèlent vraiment, il est souvent très difficile de ne pas se sentir soi-même surveillé, c’est pourquoi la surveillance est un moyen de contrôle extrêmement puissant. Cette tendance qu’a l’esprit de se sentir toujours surveillé, même étant seul… peut vous inhiber. Quand ils se sentent surveillés, sans en être vraiment sûrs, sans savoir ni si, ni quand, ni comment, la force de surveillance hostile les frappera, les gens se sentent effrayés, contraints, préoccupés.

J’ai déjà cité ce livre, quand les mails des reporters de CNET étaient lus par Hewlette-Packard. Nous avons pensé que c’était horrible. Et ça l’était. HP a fini par leur offrir de l’argent pour essayer de se faire pardonner. Nous en savions vraiment peu à l’époque.

Mme Smith continue :

Quelle que soit la société qui privilégie l’individualité, l’assurance d’une vie privée est une composante essentielle de l’autonomie, de la liberté et donc du bien-être psychologique des gens. Pour résumer rapidement, à la question « Comment ne pas déshumaniser les gens » nous pourrions répondre : ne terrorisez pas ou n’humiliez pas, n’affamez pas, ne laissez pas souffrir du froid, n’épuisez pas les populations, ne les avilissez pas, ou ne leur imposez pas une soumission dégradante. Ne provoquez pas l’éloignement des gens qui s’aiment, n’exigez rien en vous exprimant dans un langage incorrect, écoutez les gens attentivement, ne réduisez pas la vie privée à néant. Les terroristes de toutes sortes réduisent la vie privée en la condamnant à la clandestinité et en utilisant la surveillance hostile pour profaner cet indispensable sanctuaire.

Mais si nous décrivons une norme pour dire comment traiter quelqu’un humainement, pourquoi dépouiller quelqu’un de sa vie privée en est-il une violation ? Et qu’est-ce que la vie privée ? Dans son livre, Privacy and Freedom, Alan Westion cite quatre « états » de la vie privée : solitude, anonymat, réserve, et intimité. Les raisons pour lesquelles nous devons donner de la valeur à la vie privée deviennent plus claires lorsque l’on explore ces quatre états….

L’essence de l’intimité est un sentiment de choix et de contrôle. Vous contrôlez qui regarde ou apprend sur vous. C’est vous qui choisissez de partir ou de revenir…

L’intimité est un état interne qui nous permet de moduler notre personnage public, physiquement ou émotionnellement, et parfois les deux. Elle nous permet de nous construire une histoire personnelle, d’échanger un regard, ou de se reconnaître profondément. On peut s’ignorer sans se blesser. On peut faire l’amour. On peut se parler franchement avec des mots qu’on n’utiliserait pas face à d’autres, exprimer des idées et des sentiments, positifs ou négatifs, inacceptables en public. (Je ne pense pas avoir surmonté sa disparition. Elle parait incapable d’arrêter de mentir à sa mère. Il a l’air vraiment trop mou dans ce short de sport. Je me sens excité. En dépit de tout, il me tarde de le revoir. Je suis si en colère contre toi que je pourrais crier. Cette blague est dégoûtante, mais elle est très marrante, etc.). Protégée d’une exposition forcée, une personne se sent souvent plus capable de se livrer.

J’espère que cela éclaire les raisons de mon choix. Il n’existe dorénavant aucun bouclier contre l’exposition forcée. Rien de ce que nous faisons n’a de rapport avec le terrorisme, mais personne ne peut se sentir assez protégé face à cette exposition forcée, jusqu’au moindre petit échange avec quelqu’un par courriel, particulièrement vers les USA ou en provenance des USA, mais en réalité depuis n’importe où. Vous n’attendez pas d’un étranger qu’il lise votre conversation privée avec un ami. Et une fois que vous savez qu’on peut le faire, que dire de plus ? Contrainte et préoccupée, voilà exactement comment je me sens.

Voilà, nous y sommes. C’est la fin de la fondation Groklaw. Je ne peux pas faire vivre Groklaw sans votre participation. Je n’ai jamais oublié cela lorsque nous avons remporté des victoires. C’était vraiment un effort collectif, or de toute évidence il n’existe plus maintenant de moyen privé pour collaborer.

Je suis vraiment désolée qu’il en soit ainsi. J’aimais Groklaw, et je crois que nous y avons contribué significativement. Mais même cela s’avère être moins que ce que nous pensions, ou moins que je ne l’espérais en tous cas. Mon souhait a toujours été de vous montrer qu’il y a de la beauté et de la protection à l’intérieur des lois, que la civilisation actuelle en dépend en fait. Quelle naïveté !

Si vous voulez rester sur Internet, mes recherches indiquent qu’une mesure de sécurité à court terme face à la surveillance, dans la mesure où cela reste possible, est d’utiliser un service de courriels comme Kolab, qui est hébergé en Suisse, et par conséquent a une législation différente des USA, avec des lois qui visent à permettre davantage de confidentialité aux citoyens. J’ai maintenant une adresse chez eux, p.jones at mykolab.com, au cas où quelqu’un voudrait me contacter pour quelque chose de vraiment important et qui serait inquiet d’écrire un message vers une adresse sur un serveur américain. Mais mon autre adresse est encore valide. À vous de voir.

Ma décision personnelle est de me retirer d’Internet autant que possible. Je suis simplement une personne ordinaire. Je sais, après toutes mes recherches et des réflexions approfondies, que je ne peux pas rester en ligne sans perdre mon humanité, maintenant que je sais qu’assurer ma vie privée en ligne est impossible. Je me retrouve bloquée pour écrire. J’ai toujours été une personne réservée. C’est pourquoi je n’ai jamais souhaité être célèbre et c’est pourquoi je me suis toujours battue de toutes mes forces pour maintenir ma vie privée et la vôtre.

Si tout le monde faisait comme moi, rester en dehors d’Internet, l’économie mondiale s’effondrerait, je suppose. Je ne peux pas réellement souhaiter ça. Mais pour moi, Internet c’est fini.

Ceci est donc le dernier article de Groklaw. Je n’activerai pas les commentaires. Merci pour tout ce que vous avez fait. Je ne vous oublierai jamais et n’oublierai jamais le travail que nous avons fait ensemble. J’espère que vous vous souviendrez de moi aussi. Je suis désolée mais je ne peux pas aller contre mes sentiments. Je suis ce que je suis et j’ai essayé, mais je ne peux pas.




Comment perdre tous ses livres en traversant une frontière avec Google Play

Imaginez-vous partir en avion dans un autre pays en ayant emporté dans votre valise quelques livres à lire lors de votre séjour. Vous arrivez à destination, récupérez votre valise sur le tapis de roulant de l’aéroport, l’ouvrez pour vérifier son contenu et là surprise : tous vos livres ont purement et simplement disparu par l’opération du Saint-Esprit !

C’est c’est qui arrivé récemment à un bibliothécaire américain, à ceci près que les livres en question étaient électroniques et qu’ils avaient été achetés sur Google Play qui ne semble pas effectif à Singapour !

La conclusion s’impose d’elle-même mais nous ne vous ferons pas l’injure de l’expliciter 😉

Melenita2012 - CC by

DRM en folie

DRM follies

Jim O’Donnell – 15 août 2013 – Liste Liblicense
(Traduction : ProgVal, maximem, Slystone, Mathieu, Solarus, Feadurn, LordPhoenix, Kéviin, lamessen, Mogmi + anonymes)

Je suis à Singapour pour assister aux réunions de l’IFLA (Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et des Bibliothèques). C’est un long voyage, mais j’ai pris la décision courageuse et audacieuse de ne dépendre que de mon iPad pour toutes mes lectures durant ce séjour, à partir des applications Kindle, iBooks, et « Google Play » (connu auparavant sous le nom de Google Books). Un simple petit exemplaire de sonnets de Shakespeare m’accompagne en version papier, pour que je puisse lire quelque chose pendant la période d’extinction des appareils électroniques à bord de l’avion.

Donc quand je suis arrivé, j’ai remarqué que plusieurs des applications de mon iPad pouvaient être mises à jour, j’ai donc cliqué et accepté. L’une d’elles était Google Play. Quand ce fut terminé et que j’ouvris l’application, elle m’annonça qu’il fallait mettre à jour les livres et que cela pourrait prendre quelques minutes. Le temps passa, et l’écran se remplit des couvertures des 30 ou 40 œuvres que je garde sur mon appareil. Deux d’entre elles étaient des livres que je lis beaucoup pour les cours que je donnerai cet automne.

Mais tous mes livres avaient disparu et devaient être à nouveau téléchargés L’application est un outil de téléchargement défaillant, presque aussi mauvaise que celui du New Yorker. Je le redoutais, mais j’ai cliqué sur les deux dont j’avais le plus besoin à cet instant. (J’ai vérifié la quantité d’espace de stockage utilisée, et effectivement, les fichiers avaient bel et bien disparu de ma tablette.)

Et le téléchargement n’aboutissait jamais. Il s’avère que, parce que je ne suis pas dans un pays où Google Books est une entreprise reconnue (ce qui englobe la plupart des pays sur la planète), je ne peux pas télécharger mes livres électroniques. Le peu de connaissances que j’ai en informatique me permettent de supposer que la suppression a eu lieu lorsque, à l’occasion de la mise à jour automatique, le système a détecté que j’étais en dehors des États-Unis, et a donc réagi.

Une fois n’est pas coutume, Google a une assistance pour Google Play disponible par courriel, mais une succession d’échanges a démontré que les droïdes de l’Android Market n’étaient ni en mesure de comprendre mon problème, ni de faire preuve d’empathie, ni de proposer une solution. Je dois nécessairement retourner aux États-Unis pour être autorisé à passer quelques heures à re-télécharger « mes » livres avant de pouvoir les lire à nouveau. À un moment on m’a demandé quelle fonctionnalité je pourrais suggérer d’ajouter à Google Play. J’ai suggéré « Don’t Be Evil » (NdT « Ne soyez pas malveillant », le fameux slogan de Google), mais je n’ai eu aucune réponse.

Heureusement, archive.org hébergeait une version scannée, et non produite par Google, du livre du XIXe siècle dont j’avais le plus besoin. Je l’ai téléchargée sans problème et je peux la lire dans l’app GoodReader, qui ne semble pas se préoccuper de savoir dans quel pays je me trouve.

Crédit photo : Melenita2012 (Creative Commons By)




Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ? par Glyn Moody

« Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » disaient nos tontons.

Je ne connaissais pas l’Interactive Advertising Bureau, organisation regroupant des acteurs de la publicité sur Internet, mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne gagne rien à se ridiculiser en attaquant ainsi Mozilla (qui nous protège justement de la prolifération actuelle des cookies intrusifs).

Qu’en pensent Google, Microsoft, Orange, TF1, etc., tous membres de la branche française de l’Interactive Advertising Bureau ?

Commentaire : L’image ci-dessous est extraite de l’article de l’Interactive Advertising Bureau qui a fait bondir Glyn Moody. Ce serait donc Mozilla qui enferme ses utilisateurs, vraiment trop forts nos publicitaires !

Interactive Advertising Bureau vs Mozilla

Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ?

Did You Know that Mozilla is Hijacking the Internet?

Glyn Moody – 12 août 2013 – ComputerWorld (Open Entreprise)
(Traduction Framalang : ane o’nyme, Sky, LordPhoenix, bruno, Cryptie, anneau2fer, simplementNat, Zii, greygjhart + anonymes)

Il y a quelques semaines j’ai relaté l’attaque à peine croyable de la branche européenne du « Interactive Advertising Bureau (IAB) » envers Mozilla au motif que cette dernière aurait « renoncé à ses valeurs » car elle persisterait à défendre les droits des utilisateurs à contrôler comment les cookies sont utilisés sur leur système.

Vu l’avalanche de moqueries venues de toutes part que cette énorme idiotie tactique a provoquée, on pouvait s’attendre à ce que des conseillers plus sages l’emportent et à ce que l’IAB se replie dans un petit coin tranquille, dans l’espoir que les gens arrêtent de se moquer et oublient simplement et complètement ce déplorable incident.

Mais non. au lieu de cela, l’IAB revient à la charge avec une nouvelle attaque sous la forme d’une pleine page achetée dans le magazine Advertising Age, encore plus énorme, plus forte et plus dingue (aussi disponible en ligne pour votre plus grand plaisir).

Sous le sobre titre : « Empêchez Mozilla de détourner l’internet », on peut lire :

De nos jours, il est facile de trouver le contenu qui vous intéresse sur Internet. Cela est dû au fait que les publicitaires peuvent adapter les annonces aux intérêts précis des utilisateurs grâce à l’usage responsable et transparent de cookies.

Je dois dire que je suis vraiment reconnaissant envers l’IAB de m’avoir ouvert les yeux en mettant ceci à jour parce que jusqu’à ce que je lise ce paragraphe, je nageais dans l’ignorance la plus totale et croyais naïvement que c’était les moteurs de recherches que j’utilisais, d’abord Lycos, puis Altavista, suivi de Google et désormais Startpage, qui me permettaient de trouver les choses qui m’intéressaient. Mais je réalise maintenant mon erreur : j’apprends qu’en fait c’est grâce à tous ces petits cookies si bien disséminés à mon insu dans mon système que j’ai trouvé tout ces trucs. Qui l’eût cru ?

Ces mêmes personnes de l’IAB qui ont eu l’obligeance de mentionner cela ont aussi de mauvaises nouvelles pour moi :

Mais Mozilla veux éliminer ces mêmes cookies qui permettent aux publicitaires de toucher le public, avec la bonne publicité, au bon moment.

Méchant Mozilla. Oh, mais attendez, en fait ce n’est pas ce que Mozilla fait. Il veut au contraire juste contrôler le flot de cookies qui proviennent de sites que vous n’avez pas visités et qui sont envoyés sur votre système, aussi appelés les cookies tiers. Voici une bonne explication de ce qui se passe ici :

Tous les acteurs tiers sont en marge de la transaction et peuvent ajouter de la valeur mais leur but premier diffère du bien ou du service recherché. Ces tierces parties sont plutôt comme le type qui fait le tour du parking avec ses prospectus pendant que vous faites vos courses et met des bons de réduction sur le pare-brise de tout le monde (Oh ! Jamais en panne, 169€ par mois ?). Il ne remplit pas les rayons, ni n’emballe vos courses, mais il fait quand même partie (indirectement ou marginalement) de l’opération « aller faire ses courses ».

Il ne s’agit donc pas d’une volonté de Mozilla d’éliminer les cookies en général mais simplement de donner à l’utilisateur le pouvoir de contrôler ces publicités ennuyeuses glissées sous vos essuie-glaces numériques quand vous visitez un supermarché virtuel.

Mais revenons à la fine analyse de l’IAB :

Mozilla prétend que c’est dans l’intérêt de la vie privée. En vérité nous pensons qu’il s’agit d’aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence.

Heu, parlons-nous du même Mozilla ? Vous savez le projet open source qui a certainement fait plus pour défendre les utilisateurs et le Web ouvert que personne ? Ce projet-là ? Car j’ai bien peur d’avoir du mal à imaginer ces codeurs altruistes « aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence ».

Je veux dire, Firefox a justement été spécifiquement créé pour accroître la concurrence ; le credo de Mozilla est que chacun devrait être libre d’utiliser le Web comme il l’entend, ce qui inclut toutes sortes de modèles économiques. Penser sérieusement que donner aux utilisateurs le contrôle de leur navigateur Firefox n’est pas défendre la vie privée mais une sorte complot maléfique destiné à miner l’ensemble de l’écosystème est, pour le formuler simplement, totalement cinglé. Peut être l’IAB vit-il dans univers parallèle ?

Les consommateurs ont déjà le contrôle sur les publicités ciblées qu’ils reçoivent via le programme d’auto-régulation de la Digital Advertising Alliance.

Pas de doute, l’IAB vit bien dans un univers parallèle, un univers dans lequel les gens ont réellement rencontré ce programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance. Parce que je peux honnêtement dire qu’en 20 ans de promenades sur le Web, et bien trop d’heures passées en ligne chaque jour (comme mes abonnés sur Twitter, identi.ca et G+ le savent trop bien), je ne suis jamais tombé sur ce légendaire programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance, et je sais encore moins comment l’utiliser pour contrôler les publicités que je reçois. Et je me retrouve, dans ce lamentable état d’ignorance, qui suggère plutôt que peu d’autres personnes utilisant l’Internet sont tombés sur le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance ou l’ont utilisé (est-ce qu’un lecteur ici est déjà tombé dessus, je me le demande).

En fait, je pense que l’IAB a commis ici un autre faux pas. En mentionnant le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance comme une « solution » existante qui rend caduques les projets de Mozilla pour maîtriser les cookies tiers, un programme qui, autant que je puisse en juger, est utilisé par très peu de gens, l’IAB a ainsi mis en évidence le fait qu’il n’y a pas vraiment d’alternative viable à Mozilla.

Je dois également souligner le fait que l’image (voir plus haut) utilisée dans l’article en question, un ordinateur portable enchainé, relève au mieux de l’ignorance, au pire constitue une insulte pour les centaines de milliers de personnes qui ont contribué au projet Mozilla au cours de ces 15 dernières années. Mozilla s’est voué à libérer le Web et ses utilisateurs d’un monopole qui menaçait de le détruire : il est difficile de penser à une image moins appropriée !

Et si l’IAB se préoccupe vraiment de qui peut faire pression sur nos ordinateurs et nous ôter notre liberté avec des centaines de fichiers minuscules qui nous épient où que l’on aille sur Internet, et s’inquiète de qui est vraiment en train de prendre en otage les incroyables ressources du Net, que Mozilla a beaucoup contribué à développer, il ferait bien de se regarder dans une glace…




Un étudiant nous propose un appareil photo libre en impression 3D pour 25 €

Léo Marius vient à peine de sortir diplômé de l’École supérieure d’art et design de Saint Etienne. Son projet de recherche consistait à créer de toutes pièces (l’expression est bien trouvée) rien moins qu’un appareil photo en impression 3D !

Nom de code du projet : O3DPC (Open 3D Printed Camera). Nom de code de l’appareil : OR-01 (OpenReflex 01).

Le plus simple est encore d’illustrer tout de suite cela par une image explicite.

OpenReflex - Léo Marius

Il ne s’agit donc pas de photo numérique mais argentique, avec de vieilles pellicules dedans, et il reste le coût (non négligeable) des objectifs. Il n’empêche que le résultat est saisissant, fonctionnel et surtout mis à disposition de tous grâce au choix du Libre.

Nous avons évidemment eu envie d’en savoir plus en interviewant ci-dessous ce jeune créateur.

On voit ici, une nouvelle fois, combien le Libre peut être utile en situation d’étude et d’apprentissage. Combiné avec une accessibilité croissante des nouvelles technologies, il permet à tout un chacun, ayant un peu d’imagination, de réaliser puis partager des choses formidables.

On voit également se dessiner une nouvelle génération de makers/hackers, qui n’a pas eu à batailler (comme nous) pour faire connaître et exister le Libre, et qui l’adopte presque naturellement. Une génération qui donne, somme toute, espoir et confiance en l’avenir 😉

OpenReflex - Léo Marius

Entretien avec Léo Marius

Léo Marius, bonjour, peux-tu te présenter succinctement ?

Je suis un jeune designer tout juste diplômé de l’École supérieure d’art et design de Saint Etienne. Passionné par les nouvelles technologies et en particulier l’impression 3D dans laquelle je vois des opportunités de créations incroyables souvent sous-exploitées (je milite contre les têtes de Yoda et les coques pour smartphone imprimés !).

Libriste et actif dans le milieu associatif depuis quelques années. J’apprécie beaucoup la photographie mais je ne suis pas moi-même photographe.

Qu’est-ce donc que le projet O3DPC ? Comment est-il né ? Et en quoi est-il relié à tes études ?

Le projet O3DPC (pour Open 3D Printed Camera) est un travail de recherche que j’ai mené en rapprochant l’impression 3D libre et la photographie, il rassemble plusieurs projets sur lesquels j’ai travaillé, dont plusieurs sténopés et dernièrement le reflex imprimé.

J’ai mené ce travail en tant que projet personnel tout au long de mes études en design, c’était l’occasion pour moi de rapprocher deux domaines qui m’intéressent : l’impression 3D et la photographie.

OpenReflex - Léo MariusDe ce projet est donc sorti le prototype OR-01, quelles sont ces principales caractéristiques ? ces atouts ? ces améliorations futures (j’ai cru lire un projet avec la carte Arduino) ?

C’est un reflex argentique classique avec une visée directe (on peut voir directement ce que l’ont vise sur le petit rectangle dessus et un obturateur manuel qui fonctionne à environ 1/60° de seconde).

Son atout principal c’est que l’ensemble de ses sources sont libres, et donc adaptable, il est ainsi facile de le modifier pour l’adapter si certaines choses fonctionnement mal ou si on souhaite l’adapter pour des usages particuliers.

Dans sa forme actuelle je retiendrai deux éléments particulièrement intéressants :

  • En premier la bague d’adaptation pour les optiques est démontable, on peut donc facilement s’imprimer des baïonnettes différentes pour s’adapter a plusieurs types d’objectifs sans avoir à changer de boîtier.
  • Il y a également le dos autonome et démontable que j’apprécie, la partie où l’on met sa pellicule. Lorsque j’utilise le mien j’ai deux dos prêts avec deux pellicules différentes et je peux les changer rapidement pour m’adapter à la luminosité (ou switcher entre une pellicule noir et blanc et couleur, tout cela en plein milieu du rouleau d’une pellicule)

Le choix de l’open source, c’est un choix pragmatique, éthique ou les deux mon général ? Je lis (avec joie) une licence CC by-sa pour tes pièces, pourquoi n’as-tu pas retenu la clause non commerciale NC ?

Un peu des deux. À mon arrivée à l’école, j’ai intégré l’association Le_Garage (dont j’ai été président pendant deux ans) qui fait de la sensibilisation dans l’école aux questions du libre en art et design. Ça a donc été assez naturel pour moi de redistribuer ce travail sous licence libre.

L’idée principale derrière l’OR-01 c’est la réappropriation et la compréhension des nos appareils quotidiens, fermer les sources aurait interdit et contredit cet objectif

Pour ce qui est des la clause NC je préfère ne pas l’utiliser car je la trouve trop floue et contraignante dans la pratique. Si on souhaite qu’un projet se diffuse il ne faut pas lui mettre des bâtons dans les roues. Je n’ai aucune raison de m opposer à ce que quelqu’un souhaite se rapproprier le projet, l’améliorer et le vendre, s’il a lui même fourni un travail et qu’il respecte les conditions de redistribution de la licence copyleft.

Quelle imprimante 3D utilises-tu ? La « full libre » RepRap ou la « moins libre » MakerBot[1] ?

J’ai commencé le projet O3DPC il y a un peu plus de trois ans avec une Makerbot de 1ere génération (la numéro 660 ! une pièce de collection) que nous avions acquis avec notre association libriste et qui était encore libre à l’époque. Le reflex a été réalisé avec une Makerbot de dernière génération, la Replicator 2X qui a été achetée par notre école en complément d’une imprimante 3D haut de gamme que nous avions déjà.

L’utilisation de la Makerbot est un moindre mal, les technologies utilisées sont les même que sur les RepRaps traditionnels et les pièces qu’il est possible d’imprimer avec une Makerbot le seront aussi sur une RepRap bien calibrée. Je souhaitais, pour aider à sa diffusion, que le boîtier soit imprimable sur une imprimante de type RepRap. Si j’avais pu choisir je pense que j’aurais opté pour une Lulzbot. 😉

OpenReflex - Léo Marius

Au niveau logiciel, quels sont ceux que tu utilises et pourquoi ? Sont-ils tous libres ?

J’ai essentiellement utilisé Blender, c’est un logiciel que je connais bien et que je trouve extrêmement polyvalent et flexible. Les formes produites avec ce logiciel sont souvent très souples, et on déplace avec aisance les points pour adapter nos formes et nos courbes. Souvent en design on nous fait utiliser l’application propriétaire Rhino qui est beaucoup plus stricte dans son utilisation (« un tout petit peu plus haut » sur Blender correspond à un « Z+0,23mm » sur un Rhino mais il faut alors redessiner toute sa courbe avant de refaire sa révolution). Avec Blender on peut se permettre des approximations, ce qui est bien pratique dans une démarche de recherche.

J’ai également utilisé le libre OpenScad pour certaines pièces qui nécessitaient des formes et des distances très précises. Le fait de pouvoir coder ses pièces s’est avéré très utile. La pièce ne correspond pas ? Il suffit de changer quelques lignes de code pour tout modifier ! L’ensemble est libre 😉

Ce qui était particulièrement pratique c’est que, n’ayant pas d’ordinateur portable performant, je me déplaçais avec mon disque dur et les versions mobiles de toutes mes application pour les principaux OS dessus et je pouvais alors travailler où je le souhaitais.

Tu déposes les fichiers numériques de tes pièces sur Thingiverse et Instructables. Aujourd’hui quand on est développeur et qu’on cherche du boulot, on peut mettre dans son CV ses contributions sur GitHub. Penses-tu qu’il en ira de même demain dans le design sur ce type de dépôts ?

Oui, et de plus en plus. Je prends par exemple le designer Samuel Bernier qui a diffusé une partie de son travail en libre sur Instructables et que j’ai interogé pour mon mémoire (sur les Designers/Makers). Lorsque je lui ai demandé ce que lui avait apporté le libre, il m’a répondu : « des contacts et beaucoup d’opportunités ».

J’ai d’ailleurs mis récemment une note sur mon compte Instructables précisant que je cherchais un emploi, et j’ai reçu une proposition assez intéressante la semaine dernière (rien de défini, mais on verra). Ça fonctionne. Et si cela n’aboutit pas je peux me dire que 95% de mes employeurs potentiels auront vu mon projet de diplôme avant que je les contacte, ce qui est pas mal déjà comme entrée en matière.

25 euros en pièces détachées pour une appareil photo, c’est possible ? Et si oui, ne crains-tu pas pas qu’une société s’en empare et commercialise ton projet sans toi puisque c’est open source (question troll-piège :)) ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, tant qu’ils respectent la clause de redistribution à l’identique (SA), cela me va. Je pourrais ainsi à mon tour récupérer leurs sources (que j’espère améliorées) pour mes propres boîtiers 😉

OpenReflex - Léo Marius

Éprouves-tu une certaine « nostalgie » de la photo argentique ?

Pas vraiment de la nostalgie, mais c’est une sensibilité différente à l’image que l’on ne retrouve pas avec le numérique : l’attente et l’incertitude de la photo, le coût aussi qui limite l’utilisation abusive. On réfléchit avant d’appuyer sur le bouton, on n’en prend pas cinquante à la volée comme cela se fait trop souvent.

Je me souviens du temps où les objectifs étaient obligatoirement reliés à une marque (ceux pour Canon, Nikon, etc.). Avec ton OR-01 et sa bague adaptable, tu donnes en quelque sorte de l’interopérabilité aux appareils photos, non ?

Oui, toujours dans l’idée de se rapproprier la technologies. Si l’appareil avait été dépendant d’un type d’objectifs, cela n’aurait pas fonctionné.

Techniquement, comment réussis-tu avec des pièces à monter à rendre l’appareil totalement opaque ?

Le tout est imprimé avec du plastique opaque et, en mettant des rebords et des emboîtements bien placés, l’étanchéité se fait sans trop de difficultés. Pour certaines zones, un peu plus sensibles, j’ai ajouté de la patafix noire pour combler les trous potentiels.

Toutes les parties étant autonomes c’est surtout le dos dans lequel se trouve la pellicule qu’il faut rendre étanche à la lumière, on peut se permettre des petits jours dans les autres. Ça reste un appareil DIY. 🙂

Un petit mot sur Framasoft que tu sembles connaître ?

Merci ! Continuez ce que vous faites. Le libre l’emportera ! 😉

Un appel à lancer ? Une actualité à annoncer ?

Peut être une nouvelle version plus aboutie de l’OpenReflex qui devrait être disponible en financement participatif en septembre ou octobre (selon mes engagements professionnels). N’hésitez pas à suivre mon blog ou à me poster un message sur le dépôt Instructables pour être tenus au courant.

Et sinon, permettez-moi un petit clin d’oeil hommage à Gilles Roussi, le professeur à l’origine de l’association Le_Garage qui nous lira surement 😉

OpenReflex - Léo Marius

Photo ci-dessous réalisée avec l’OR-01




Eben Moglen : l’innovation sous l’austérité

Voici une traduction d’une conférence qu’Eben Moglen a donnée il y a déjà un an à Washington en 2012, mais ses propos demeurent d’une actualité brûlante aujourd’hui. J’avais déjà traduit une de ses interventions ici. Peu de personnes parlent aussi bien que lui pour expliquer le lien entre le logiciel libre et nos libertés personnelles. Cette fois il revient nous parler non seulement de libertés, mais aussi d’économie, ce qui ne manquera pas d’intéresser tout homme politique (ou personne qui s’y intéresse). L’intégralité de cette vidéo est disponible sur la plateforme Amara qui m’a permis de la sous-titrer en français. Si des bonnes volontés ont envie de faire une relecture et d’achever la session de questions/réponses, elles sont plus que bienvenues. Bonne lecture !

Sylvain

L’innovation sous l’austérité

(…) Je vais parler principalement d’un sujet qui est presque aussi geek que les choses dont on parle tous tout le temps, c’est-à-dire de politique économique. Je vais essayer d’en parler d’une manière moins ennuyeuse que d’habitude, mais vous me pardonnerez j’en suis sûr de commencer assez loin d’OpenSSL, nous nous en rapprocherons au fur et à mesure plus tard.

Les économies développées dans le monde, commencent toutes à connaître maintenant un état de crise fondamentalement identique. Elles sont obligées d’imposer l’austérité car les niveaux d’endettement privé ont cassé les rouages de l’économie, et la volonté des détenteurs de capitaux de prendre des gros risques avec l’argent d’autres personnes a fini par donner des résultats désastreux au cours de cette dernière décennie. Et donc l’austérité est une position inévitable et dommageable sur le plan politique pour tous les gouvernements du monde développé, et certains de ces gouvernements sont entrés dans un processus auto-destructeur, dans lequel le besoin d’imposer l’austérité et de réduire les subventions publiques et les mesures sociales pour les jeunes stoppe la croissance économique, ce qui empêche l’austérité de produire ses résultats désirables. Au lieu de supprimer de mauvaises dettes et de reprendre la croissance, nous sommes les spectateurs d’un théâtre où la troisième économie du monde, l’Union européenne, se trouve proche de voir un effondrement de sa monnaie et une génération perdue, ce qui aurait des conséquences néfastes sur toute l’économie mondiale.

Pour les décideurs politiques, je vois que peu d’entre eux sont là aujourd’hui, ils ont bien sûr mieux à faire que de nous écouter, pour les politiciens en d’autres mots, il s’agit de faire face maintenant à un problème insurmontable : comment a-t-on de l’innovation et de la croissance sous l’austérité ?

Ils ne connaissent pas la réponse à cette question, et cela devient si urgent que cela commence à miner leur contrôle politique. Des partis marginaux dans plusieurs sociétés très développées et très avancées commencent à attirer de nombreux suffrages, et à menacer la stabilité même de la capacité des décideurs économiques à résoudre (ou essayer de résoudre) le problème de l’innovation sous l’austérité.

Ce n’est une bonne nouvelle pour personne. Ce n’est bon pour personne. Nous n’avons pas d’occasion de nous réjouir de ce résultat, qui est largement le résultat de l’incompétence de ces personnes qui disent mériter tout cet argent parce qu’elles sont si intelligentes, c’est en partie la conséquence d’une lâcheté des politiciens qui leur ont laissé trop d’espace. Ce n’est pas que nous soyons ravis de voir cela arriver, mais il y a un bon côté. Peu de personnes dans le monde savent comment avoir de l’innovation sous l’austérité. Nous en faisons partie.

Nous avons produit de l’innovation sous l’austérité pendant cette dernière génération, et non seulement nous avons fait des innovations plutôt bonnes, nous avons fait des innovations dont toutes les autres personnes riches se sont attribuées le crédit. La majeure partie de la croissance qui s’est produite pendant cette période folle et mouvementée où ils ont pris de l’argent d’autres personnes et sont allés faire des paris avec, c’est de l’innovation que nous avons produite pour eux. Donc maintenant, en dépit des circonstances désastreuses que l’on peut nous aussi regretter, car le chômage est celui de mes étudiants qui obtiennent leur diplôme, de vos enfants, et de tous ces autres jeunes dont la vie sera abîmée pour de vrai par la mauvaise situation économique actuelle. Les gens qui commencent leur carrière maintenant souffriront de baisses de salaire pendant leur vie. Leurs enfants auront un moins bon départ dans la vie en raison de ce qui arrive maintenant, on ne peut pas s’en réjouir.

Mais nous avons une occasion politique très réelle, car nous avons la réponse à la question la plus importante qui fait maintenant courir tous les décideurs politiques dans le monde. Cela veut dire que nous avons quelque chose de très important à dire, et je suis venu ici ce matin principalement pour commencer la discussion sur la manière dont on devrait précisément le formuler.

Et je veux présenter une première ébauche fonctionnelle de notre argumentaire, je dis « notre » car je regarde autour de moi et je vous vois ici ce matin. Notre argumentaire sur ce que l’on doit faire avec le bazar dans lequel se trouve le monde. L’innovation sous l’austérité n’arrive pas en collectant beaucoup d’argent pour payer des intermédiaires de l’innovation. Un des aspects les plus importants de la politique économique du XXIe siècle, c’est le processus que l’on appelle la désintermédiation, quand on jargonne, elle est impitoyable, constante, et sans répit. La télévision est en train de disparaître. Je n’ai pas besoin de vous le dire, vous le savez déjà. Personne n’essaiera plus jamais de créer une encyclopédie commerciale. Les machines pourries d’Amazon, qui vous permettent de lire des livres sauf si je décide de vous les reprendre, transforment l’édition en éliminant le pouvoir de sélection des éditeurs, tout comme M. Jobs a presque détruit la totalité de l’industrie musicale sous le prétexte de la sauver. Une tâche que son fantôme est déjà en train de faire pour les éditeurs de magazines comme vous pouvez le voir.

Le Web lui-même est le résultat d’une innovation sans intermédiaires.

La désintermédiation, le mouvement d’émancipation qui nous vient du cœur même du Net, est un fait crucial sur la politique économique du 21e siècle. Elle démontre son existence tout le temps. Quelqu’un va gagner un prix Nobel en économie pour décrire en termes formels la nature de la désintermédiation. Les intermédiaires qui ont fait de bonnes affaires pendant les dix dernières années sont confinés à deux ensembles?: les assureurs pour la santé aux États-Unis, en raison d’une pathologie politique, et la finance.

Les assureurs de santé aux États-Unis sont peut-être capables de capitaliser sur une pathologie politique continuelle pour rester des intermédiaires chers et peu sûrs pour un peu plus de temps. Mais la finance s’est fait dessus dans sa propre niche, et se dégonfle maintenant, et va continuer ainsi pour quelques temps. En conséquence, comme les décideurs politiques l’observent à travers le système économique, la réalité que la désintermédiation s’établit et qu’on ne peut pas l’arrêter, elle devient un point de repère dans la définition de la politique industrielle nationale. Donc nous devons affirmer que c’est vrai pour l’innovation aussi.

La plus grande invention technologique de la fin du Xe siècle est la chose que nous appelons la grande toile mondiale, une invention qui est âgée de moins de 8000 jours. Cette invention est déjà en train de transformer la société humaine plus rapidement qu’aucune autre chose depuis l’adoption de l’écriture. Nous en verrons davantage de preuves. La nature de ce processus, cette innovation, alimente la désintermédiation, en permettant à toutes sortes de contacts humains de se produire sans intermédiaires, sans acheteurs, vendeurs, agents, ou contrôleurs, et offre un espace dans lequel se déroule une guerre pour la puissance et le pouvoir de contrôle social, un sujet auquel je reviendrai dans quelques minutes. Pour l’instant, ce sur quoi je veux attirer l’attention, c’est le fait capital que le Web lui-même est un résultat d’une innovation sans intermédiaires.

Ce que Tim a fait le premier au CERN n’était pas le Web que l’on connaît maintenant, le Web qu’on connaît a été conçu par un très grand nombre d’invividus à travers une innovation sans intermédiaires. Je me rappelle ce que j’ai écrit sur le futur des pages personnelles en 1995, et je vois plus ou moins arriver ce que je pensais qu’il arriverait. J’avais dit alors que ces quelques pages personnelles étaient des jeunes pousses, et qu’une prairie allait apparaître, et ce fut le cas.

Les réseaux sociaux ne devraient pas exister avec une faille de l’homme du milieu incluse dès le départ.

Bien sûr, comme avec toute autre innovation, il y eut des conséquences inattendues. Le navigateur rendit le Web très facile à écrire. Bien qu’on ait construit Apache, bien qu’on ait fait des navigateurs, bien qu’on ait conçu un tas de choses par dessus Apache et les navigateurs, on n’a pas rendu le Web facile à écrire. Donc une petite frappe vêtue d’un pull à capuche a rendu le Web facile à écrire, et a créé une faille de l’homme du milieu[1] dans la civilisation humaine, (petits rires dans le public) qui déclenche maintenant toute une série de maux sociaux. Mais c’est l’innovation intermédiaire dont on devrait se soucier. On a rendu tout possible, y compris malheureusement PHP, et puis des intermédiaires de l’innovation l’ont transformé en cette horreur qu’est Facebook. Cela ne s’avérera pas être, comme on peut déjà le voir d’après les marchés de la bourse, une forme d’innovation sociale particulièrement positive. Elle va enrichir quelques personnes, le gouvernement d’Abu Dhabi, un gangster russe qui a déjà plusieurs milliards de dollars, un type qui est impatient de changer de nationalité afin de n’avoir plus à payer d’impôts pour soutenir les écoles publiques, et quelques autres reliques du bazar du XXe siècle.

Mais la réalité de l’histoire dessous tout ça, c’est que si on avait eu un peu plus d’innovation sans intermédiaires, si on avait fait en sorte qu’opérer son propre serveur web soit facile, si on avait expliqué aux gens dès le tout début à quel point les journaux des serveurs sont importants, et pourquoi vous ne devriez pas laisser d’autres personnes les garder pour vous, nous serions dans une situation très différente maintenant. Le prochain Facebook ne devrait jamais exister. C’est de l’innovation des intermédiaires qui sert les besoins des capitalistes, pas ceux des gens, ce qui ne veut pas dire que les réseaux sociaux ne devraient pas exister, ils ne devraient pas exister avec une faille de l’homme du milieu incluse dès le départ. Tout le monde dans cette pièce sait cela. La question est de savoir comment on l’apprend à tout le monde.

Mais si j’ai beaucoup de considération pour tout le monde, maintenant je veux vous parler des décideurs politiques. Comment est-ce qu’on leur explique ? Et là on commence à séparer le discours en deux parties bien distinctes. Premièrement, que sait-on de la manière d’obtenir de l’innovation sous l’austérité. Deuxièmement, qu’est-ce qui empêche les gouvernements d’être d’accord avec nous là-dessus ?

Donc permettez-moi de vous présenter ma première ébauche d’un plaidoyer pour l’innovation sous l’austérité. Il est intitulé « Nous avons fait l’informatique dans les nuages ».

Tout le monde comprend cela dans cette pièce. Le sens même de ce qui est en train d’arriver aux technologies de l’information dans le monde maintenant, est en rapport avec ce qui est arrivé à la fin du XXe siècle. Nous avons imaginé qu’on pouvait partager les systèmes d’exploitation et toute la pile logicielle par-dessus. Nous l’avons fait en utilisant la curiosité des jeunes. C’était le moteur, pas le capital-risque. Nous y avions travaillé pendant 15 ans, et notre bousin tournait déjà partout, avant que le capital-risque ou les capitaux accumulés par les géants des industries de l’informatique n’investissent. Ils sont venus vers nous pas parce que l’innovation devait se faire, mais parce que l’innovation avait déjà été créée, et qu’ils avaient besoin d’en tirer les profits. C’était un résultat extrêmement positif, je n’ai rien de mal à en dire. Mais la nature de ce résultat, l’histoire qu’on a en effet vécue et que d’autres peuvent maintenant étudier, montrera comment l’innovation sous l’austérité peut se produire. C’est très bien de dire que c’est arrivé car on a suscité la curiosité des jeunes, c’est historiquement correct. Mais il y a d’autres choses à dire.

…donner aux jeunes la possibilité de bidouiller le monde réel

Ce que l’on a besoin d’exprimer, c’est que la curiosité des jeunes pouvait être excitée, car toutes sortes d’ordinateurs dans leur vie de tous les jours pouvaient être hackés. Et donc les jeunes pouvaient hacker ce que tout le monde utilisait. Cela a rendu l’innovation possible, où elle pouvait se produire, sans problème, tout en bas de la pyramide du système économique. Cela est en train de se passer autre part dans le monde de la manière dont c’est arrivé aux États-Unis dans les années 80. Des centaines de milliers de jeunes dans le monde qui hackent des ordinateurs portables, des serveurs, qui hackent des ordinateurs à usage général afin de pouvoir satisfaire leurs lubies, des lubies techniques, sociales, pour une carrière, ou juste pour s’amuser. « Je veux faire ceci, cela serait cool ». C’est la source primaire de l’innovation qui a poussé toute le développement de la grande croissance économique dans le monde ces dix dernières années. Toutes la croissance, des milliers de milliards de transactions avec le commerce électronique. Ceux d’entre vous qui sont assez vieux pour se rappeler s’être battus bec et ongle pour un système de chiffrement public, se rappelleront l’intensité de leur combat quand la politique du gouvernement états-unien était d’empêcher l’apparition dans le monde d’un marché d’une valeur de 3800 milliards de dollars de transactions de commerce électronique.

Nous étions (soi-disant) des partisans du terrorisme nucléaire et de la pédophilie au début des années 1990, et tout l’argent qu’ils ont gagné dans les campagnes de don, avec les profits d’intérêts privés, et tout le reste, c’est grâce à la mondialisation du commerce que nous l’avons rendu possible, avec la technologie pour laquelle ils voulaient envoyer nos clients en prison. Cela montre clairement à la prochaine génération de décideurs politiques, je pense, à quel point leur adhésion à des idées reçues est susceptible de contribuer au processus auto-destructeur dans lequel ils redoutent maintenant d’être entraînés. Et cela devait nous encourager à souligner encore que la meilleure façon pour qu’une innovation arrive, c’est de donner aux jeunes l’opportunité de la créer, avec des moyens qui leur permettent de créer une infrastructure avec laquelle ils pourront bidouiller le monde réel, et de partager les résultats.

Quand Richard Stallman a rédigé l’appel pour une encyclopédie universelle, lui et Jimmy Wales et moi-même étions bien plus jeunes alors, c’était considéré comme une idée fantaisiste. Cela a maintenant transformé la vie de toute personne qui sait lire dans le monde. Et cela va continuer ainsi.

Le laboratoire informatique dans la poche de chaque enfant de 12 ans est en train de se fermer.

La nature de l’innovation faite par Creative Commons, par le mouvement du logiciel libre, par la culture libre, ce qui transparaît dans le Web et dans Wikipédia, dans tous les systèmes d’exploitation libre qui font maintenant tout tourner, même l’intérieur de ces choses d’Apple fermées et vampiriques que je vois tout autour de cette pièce… toute cette innovation vient de la simple action de laisser des gamins bidouiller et de leur laisser le champ libre, ce que, comme vous le savez, on essaie aussi fortement que possible d’interdire complètement. De plus en plus, tout autour du monde, le matériel informatique de la vie de tous les jours pour des individus est fait de telle façon qu’on ne peut pas le hacker. Le laboratoire informatique dans la poche de chaque enfant de 12 ans est en train de se fermer.

Quand on est entré dans la phase 3 des négociations de la GPL3 contre l’enfermement au cours de cette dernière décennie, il y avait une certaine croyance que le but principal que M. Stallman et moi poursuivions en poussant tout le monde à ne pas verrouiller, avait quelque chose en rapport avec les films prohibés. Et on a continué à dire, « Ce n’est pas la fondation du film libre. Nous ne nous soucions pas de cela. Nous nous soucions de protéger les droits de tout le monde à hacker ce qu’ils possèdent. Et la raison pour laquelle on s’en soucie, c’est que si vous empêchez les gens de hacker ce qu’ils possèdent eux-mêmes, vous détruirez le moteur de l’innovation duquel tout le monde profite ».

C’est toujours vrai. Et c’est plus important maintenant précisément parce que très peu de personnes pensaient qu’on avait alors raison, et n’ont pas fait d’efforts elles-mêmes pour défendre ce point de vue. Et maintenant vous avez Microsoft qui dit qu’ils ne vont pas autoriser de navigateurs tiers avec des machines basées sur ARM avec Windows. Et vous avez le fantôme de M. Jobs qui essaye de trouver comment empêcher une suite libre d’exister en relation avec IOS, et vous avez un monde dans lequel le but des opérateurs réseau est de plus en plus d’attacher chaque jeune humain à un réseau propriétaire avec des terminaux verrouillés, desquels on ne peut rien apprendre, qu’on ne peut pas étudier, pas comprendre, sur lesquels pas se faire les dents, rien faire sauf envoyer des textos qui coûtent un million de fois plus qu’ils ne devraient.

Cela a une deuxième conséquence de grande importance. L’innovation sous l’austérité arrive en premier lieu car la curiosité des jeunes est suscitée par l’amélioration des situations réelles de la vie de tous les jours. La conséquence de second ordre, c’est que la population devient plus éduquée.

La désintermédiation commence à arriver dans l’éducation supérieure aux États-Unis, ce qui veut dire que cela commence à arriver dans l’éducation supérieure dans le monde entier. On a actuellement deux modèles. Coursera est essentiellement la googlisation de l’éducation supérieure, un projet dérivé de Stanford en tant qu’entreprise pour le profit, utilisant des logiciels fermés et des ressources éducatives propriétaires. MITx, qui a maintenant edX à travers la formation en partenariat avec l’université Harvard est essentiellement la réponse du monde libre, des programmes similaires et évolutifs pour l’éducation supérieure, fournis à travers du logiciel libre en utilisant des ressources éducatives. Nous avons un très gros enjeu dans le résultat de cette concurrence. Il nous importe à tous de fournir autant d’énergie que possible en soutien aux solutions qui reposent sur un programme libre que tout le monde peut modifier, utiliser, et redistribuer, et autres ressources éducatives basées sur la même politique économique.

Chaque société qui essaie en ce moment de reprendre l’innovation dans le but de redémarrer une croissance économique dans un contexte d’austérité a besoin de davantage d’éducation, qui soit disponible a un coût plus bas, et qui forme des jeunes esprits de manière plus efficace pour créer des nouvelles choses dans les entreprises. Cela ne sera pas réalisé sans précisément les formes d’apprentissage social que nous avons expérimentées. Nous avons dit depuis le début que le logiciel libre est le système éducatif technique le plus abouti au monde. Il permet à quiconque sur la planète d’accéder à ce qui se fait de mieux de ce qu’on peut faire dans l’informatique, en lisant ce qui est disponible librement, en le testant et en partageant librement les résultats. De la vraie science informatique. Des expériences, des formulations d’hypothèses, davantage d’expériences, davantage de connaissances pour l’être humain.

L’universalisation de l’accès au savoir est l’atout primordial le plus important dont nous disposions, pour augmenter l’innovation et le bien-être de l’humanité sur la terre.

Nous devions développer cela dans d’autres domaines de la culture, et de grands héros comme Jimmy Wales et Larry Lessig ont posé les bases de l’infrastructure pour le faire, nous devons maintenant faire en sorte que nos gouvernements comprennent comment aller plus loin.

Le comité directeur sur les médias et la société de l’information de la commission européenne a publié un rapport il y 18 mois dans lequel ils disaient qu’ils pouvaient scanner 1/6 de tous les livres dans les bibliothèques européennes pour le coût de 100 km de route. Cela veut dire, et c’est toujours vrai, que pour le coût de 600 km de route, dans une économie qui construit des milliers de kilomètres de route chaque année, chaque livre dans toutes les bibliothèques européennes pourrait être disponible pour l’humanité toute entière, cela devrait être fait. (quelqu’un crie « Copyright ! » dans le public) Rappelez-vous que la plupart de ces livres sont dans le domaine public, avant que vous ne me criiez « copyright ». Rappelez-vous que la majorité de ce qui représente le savoir humain n’a pas été fait récemment, avant que vous ne me criiez « droit d’auteur ». On devrait entrer dans un monde où toutes les connaissances précédemment disponibles auparavant seront universellement accessibles. Sinon on freinera l’innovation qui permet la croissance. C’est un pré-requis social. Le système du droit d’auteur n’est pas immuable, il est juste commode. Nous n’avons pas à commettre de suicide culturel ou intellectuel, de manière à maintenir un système qui ne s’applique même pas à presque tout le savoir humain important dans la plupart des disciplines. Platon n’est pas détenu par qui que ce soit.

Donc nous en sommes là, à nous demander à quoi va ressembler le système éducatif du XXe siècle, et comment il va distribuer la connaissance socialement à travers l’humanité. J’ai une question pour vous. À combien d’Einstein qui ont jamais vécu on a laissé la possibilité d’apprendre la physique ? Quelques-uns. Combien de Shakespeare ont jamais vécu et sont décédés sans apprendre à lire et écrire ? Des quantités. Avec 7 milliards de personnes dans le monde en ce moment, 3 milliards sont des enfants. Combien d’Einstein voulez-vous rejeter aujourd’hui ? L’universalisation de l’accès au savoir est l’atout primordial le plus important dont nous disposions, pour augmenter l’innovation et le bien-être de l’humanité sur la terre. Personne ne devrait avoir peur de militer pour cela parce que quelqu’un pourrait crier « droit d’auteur ».

Donc nous nous intéressons maintenant à la conséquence de second ordre, de ce qu’on comprend sur comment susciter l’innovation sous l’austérité. Améliorer l’accès aux outils qui permettent d’apprendre, adapter la technologie pour permettre aux scientifiques qui n’ont pas 20 ans de mener des expériences et de partager les résultats, permettre la continuité de la croissance de l’univers des technologies de l’information que nous avons créées, en partageant depuis ces vingt-cinq dernières années, et on pourrait connaître les plus hauts taux d’innovation qu’on puisse atteindre, en dépit d’un baisse massive des investissements dans le social qui a lieu à cause de l’austérité.

Les règles ont changé. Les gouvernements ne le savent pas.

Nous donnons aussi aux jeunes la possibilité de mieux prendre en mains leur futur économique et professionnel, un impératif inévitable si on veut avoir une stabilité politique et sociale pour la prochaine génération. Personne ne devrait se berner d’illusions sur les chances d’amélioration sociale dans des sociétés où 50% des personnes de moins de 30 ans sont sans emploi. Cela ne va pas se résoudre en leur donnant du travail à la chaîne pour faire des voitures. Tout le monde comprend cela. Les gouvernements lèvent ensemble leurs mains aux ciel sur la question de ce qu’il faut faire de cette situation. Cela explique la rapidité avec laquelle dans les systèmes de représentation proportionnelle, les jeunes gens abandonnent les partis politiques traditionnels. Quand les pirates prennent 8,3% des voix dans le Schleswig-Holstein, il est déjà clair que les jeunes gens réalisent que les décisions politiques des partis traditionnels ne vont pas porter sur leur futur bien-être économique. Et nous devons écouter, de manière démocratique, le grand nombre de jeunes gens dans le monde qui se lèvent pour affirmer que les libertés numériques et une fin de l’espionnage et de la surveillance sont nécessaires à leur bien-être et à leur capacité à créer et vivre.

La désintermédiation signifie qu’il y aura plus de prestataires de services à travers l’économie avec laquelle nous sommes directement en contact. Cela veut dire plus de travail en dehors de la hiérarchie, et moins de travail dans la hiérarchie. Les jeunes dans le monde, qu’ils soient mes étudiants en droit qui vont avoir leur licence, ou des ingénieurs informatiques qui vont débuter leur carrière, ou des artistes, ou des musiciens, ou des photographes, ont besoin de plus de liberté sur le Net, et de plus d’outils avec lesquels créer des plateformes innovantes de services pour eux-mêmes. C’est un défi que leurs aînés n’auraient pas relevé avec succès en 1955, mais nous sommes une nouvelle génération d’êtres humains qui travaillent dans de nouvelles conditions, et ces règles ont changé. Ils savent que les règles ont changé. Les indignados dans chaque parc en Espagne savent que les règles ont changé. Ce sont leurs gouvernements qui ne le savent pas.

Cela nous ramène, je vous le concède, à la question de l’anonymat, ou plutôt de l’autonomie personnelle. Un des éléments vraiment problématiques pour enseigner à la jeune génération, du moins les jeunes auxquels j’enseigne sur les questions de vie privée, c’est qu’on utilise l’expression « vie privée » pour signifier plusieurs choses assez distinctes. La vie privée veut parfois dire le secret. C’est-à-dire que le contenu d’un message est secret pour tout le monde, sauf son créateur et son destinataire. La vie privée veut dire parfois l’anonymat. Cela veut dire que les messages ne sont pas secrets, mais que lieux d’émission et de réception le sont. Et il y a un troisième aspect de la vie privée, que j’appelle autonomie dans mes cours. C’est la chance de vivre une vie dans laquelle les décisions que vous prenez ne sont pas influencées par l’accès des autres à des communications secrètes ou anonymes.

Il y a une raison pour laquelle les villes ont toujours été des moteurs de croissance économique. Ce n’est pas parce que les banquiers y vivent. Les banquiers y vivent car les villes sont des moteurs de croissance économique. La raison pour laquelle les villes ont été des moteurs de croissance économique depuis l’antiquité, c’est que les jeunes s’y déplacent pour inventer de nouvelles manières d’exister, en tirant avantage du fait que la ville est le lieu où vous échappez à la surveillance du village, et du contrôle social de la ferme. « Comment est-ce que vous allez les retenir à la ferme une fois qu’ils ont vu Paris ? » était une question sensée en 1919, et elle avait beaucoup à voir avec la façon dont le XXe siècle fonctionnait aux États-Unis. La ville est le système historique pour l’obtention de l’anonymat et la capacité à tester de manière autonome des façons de vivre. Nous le supprimons.

Il y a quelques années, c’est à dire au début de 1995, nous avions un débat à l’école de droit de Harvard sur la clé de chiffrement publique, deux paires de personnes. Dans un camp se trouvaient Jamie Gorelick, alors secrétaire d’état à la justice aux États-Unis, et Stewart Baker, alors comme maintenant employé à Steptoe & Johnson quand il ne travaille pas dans le gouvernement des États-Unis pour faire des politique sociales horribles. De l’autre côté se trouvaient Danny Weitzner, alors à la Maison-Blanche, et moi. Et on a passé l’après-midi à échanger pour savoir si on devait confier nos clés au gouvernement des États-Unis, si la puce du nom Clipper allait fonctionner, et de plein d’autres sujets très intéressants maintenant aussi obsolètes que Babylone. Et une fois tout cela fini, on a traversé le campus de Harvard pour dîner au club de la faculté d’Harvard, et sur le chemin à travers le campus, Jamie Gorelick me dit : « Eben, sur la seule base de ce que tu as dit publiquement cet après-midi, c’est suffisant pour que je donne l’ordre d’intercepter tes conversations téléphoniques. » En 1995, c’était une blague. C’était une blague de mauvais goût quand elle était racontée par un fonctionnaire du ministère de la justice états-unien, mais c’était une blague, et on a tous rigolé car tout le monde savait qu’ils ne pouvaient pas le faire.

Donc nous avons mangé notre dîner, et la table fut débarrassée et toutes les assiettes furent enlevées, et le porto et les noisettes furent emportés, et Stewart Baker me regarda et me dit « ok, détachons nos cheveux », et il n’en avait pas alors, et il n’en a pas maintenant, mais « on va détacher nos cheveux » dit Stewart, « on ne va pas poursuivre votre client M. Zimmermann. On a consacré des décennies à se battre contre les clés de chiffrement publiques, cela a plutôt bien marché, mais c’est presque terminé, on va laisser cela arriver. » Et puis il regarda autour de la table, et il dit : « mais personne ici ne se soucie de l’anonymat, n’est-ce pas ? ». Et je fus pris d’un frisson.

Et je pensai : « OK, Stewart, je comprends ce qu’il se passe. Tu vas laisser arriver le chiffrement à clé publique car les banquiers vont en avoir besoin. Et tu vas consacrer les 20 prochaines de ta vie à essayer d’empêcher les gens d’être anonymes pour toujours, et je vais consacrer les 20 prochaines années de ma vie à essayer de t’arrêter. » Jusqu’ici, je dois dire que mon ami M. Baker a fait mieux que je ne l’avais espéré, et j’ai fait pire que ce que je craignais. C’est en partie à cause du gangster avec la capuche, et en partie pour d’autres raisons. Nous sommes proches d’éliminer le droit humain de la vie privée. Nous sommes proches d’éliminer le droit humain de la libre pensée, dans votre propre maison, selon votre propre manière, sans que personne ne le sache. Quelqu’un vient de prouver dans cette pièce il y a juste quelques minutes que s’il fait des courses sur un site d’achat particulier en utilisant un navigateur, il obtient un prix différent avec un autre navigateur, car un de ses navigateurs est relié à son historique de navigation : les prix, les offres, les produits, les bonnes affaires, sont maintenant basés sur la fouille intégrale des données. Un haut fonctionnaire du gouvernement m’a confié depuis que les États-Unis ont changé la loi sur la durée de rétention de données de toute personne qui n’est suspecte de rien. Vous savez tout ça, n’est-ce pas ? Un mercredi pluvieux, un 21 mars, bien après la fermeture des commerces, le ministère de la justice et le DNI, c’est le directeur du renseignement intérieur, ont publié ensemble un communiqué de presse annonçant des changements mineurs sur les lois Ashcroft, en incluant un petit changement qui dit que toute donnée personnelle identifiable dans les bases de données du gouvernement au centre national anti-terrorisme qui concernent des personnes qui ne sont suspectes de rien ne seront plus retenues sous le coup de la loi Ashcroft pour un maximum de 180 jours, le maximum a été changé pour 5 ans, ce qui est une éternité.

En fait j’ai dit à mes étudiants dans ma salle de classe, que la seule raison pour laquelle ils avaient dit 5 ans, c’est parce qu’ils ne savaient pas faire le 8 couché dans la police (rires) pour le communiqué de presse, donc ils ont fait une approximation. Donc je discutais avec un haut fonctionnaire du gouvernement de cette conclusion, et il m’a dit « eh bien, vous savez, on est devenu conscient qu’on avait besoin d’un sociogramme complet des États-Unis ». C’est de cette manière qu’on va relier les nouvelles données aux anciennes données. J’ai dit : « parlons un peu des questions constitutionnelles à ce sujet pendant un instant. Vous parlez de nous déplacer d’une société qu’on a toujours connue, à laquelle on se réfère de manière pittoresque en tant que société libre, vers une société dans laquelle le gouvernement tient une liste de toutes les relations qu’un Américain entretient. Donc si vous allez nous déplacer depuis ce qu’on avait l’habitude d’appeler un société libre vers une société dans laquelle le gouvernement des États-Unis tient une liste de toutes les relations qu’a chaque Américain, quelle devrait être la procédure constitutionnelle pour faire cela ? Est-ce qu’on devrait avoir, par exemple, une loi ? » Il s’est contenté de rigoler. Car évidemment, ils n’avaient pas besoin d’une loi. Ils l’ont fait avec un communiqué de presse, publié un mercredi pluvieux, la nuit, quand tout le monde était rentré à la maison. Et vous vivez là maintenant.

La question de savoir s’il est possible d’avoir de l’innovation dans une situation de despotisme total est intéressante. Les Américains d’extrême-droite ou même de centre-droit ont longtemps mis en avant qu’un des problèmes avec le totalitarisme du XXe siècle, duquel ils se démarquent de manière légitime, c’est qu’il éliminait la possibilité de ce qu’ils appellent le marché libre et l’innovation. Nous sommes prêts à savoir s’ils avaient raison.

Le réseau, tel qu’il est maintenant, est une plateforme extraordinaire pour un contrôle social sophistiqué. Très rapidement, et sans remord visible, les deux plus gros gouvernements de la planète, celui des États-Unis et celui de la République populaire de Chine ont adopté des points de vue fondamentalement identiques (Applaudissements). Un sociogramme complet qui connecte le gouvernement à tout le monde, et une fouille de données exhaustives sur la société représentent tous les deux une politique majeure du gouvernement, par rapport aux différentes formes de gouvernement dont ils se réclament, dans le domaine du maintien de l’ordre. Il est vrai, bien sûr, qu’ils ont différentes théories sur la manière de maintenir l’ordre suivant les personnes ou la manière, mais la technologie pour le maintien de l’ordre devient fondamentalement identique.

Nous avons le devoir, nous, qui comprenons ce qui est en train de se passer, de nous exprimer haut et fort à ce sujet. Mais ce ne sont pas seulement nos libertés civiles qui sont en jeu. Je ne devrais pas avoir besoin de dire cela, ce serait déjà suffisant, mais bien sûr ça ne l’est pas. Nous avons besoin de dire clairement, que l’autre partie qui nous importe, c’est la vitalité et l’éclat de l’innovation artistique et de l’expression, ces débats vifs très ouverts faits par des participants sans entraves, ceux que la Cour suprême aime tant (…). Et cette liberté de bidouiller, d’inventer, d’être différent, d’être anti-conformiste, ce pourquoi les gens se sont toujours déplacés vers les villes qui leur fournissent l’anonymat, et une chance de vivre avec ce qu’ils sont, et ce qu’ils peuvent faire.

Ceci plus que tout est ce qui soutient la force sociale et la croissance économique au XXIe siècle. Bien sûr, on a besoin de l’anonymat pour d’autres raisons. Bien sûr, on touche ici à quelque chose qui peut être décrit correctement comme la protection pour l’intégrité de l’âme humaine. Mais ce n’est pas le souci du gouvernement. C’est précisément la beauté de notre interprétation de ce qu’est la société civile qui ne préoccupe pas le gouvernement. C’est précisément notre engagement pour l’idée qu’un individu se construit à son propre rythme, et selon sa propre manière, cela a été au centre de la façon dont on concevait notre engagement fondamentalement civil, cela veut dire que la défense pour l’intégrité de l’âme humaine est notre affaire, pas celle du gouvernement. Mais le gouvernement doit s’occuper du bien-être matériel de ses citoyens et il doit s’occuper sur le long terme du bien de la société qu’il dirige. Et on doit dire clairement au gouvernement qu’il n’y a pas de tension entre le maintien des libertés civiles sous la forme du droit à une vie privée, il n’y a pas de distinction entre la politique de liberté civile à assurer le droit à la vie privée, et la politique économique qui vise à assurer l’innovation sous l’austérité. Elles demandent la même chose.

Nous avons besoin de logiciel libre, nous avons besoin de matériel libre qu’on peut bidouiller, nous avons besoin d’un spectre d’outils libres qu’on peut utiliser pour communiquer avec chacun, sans permission ou sans entrave. Nous avons besoin d’être capables d’éduquer et de fournir un accès aux ressources éducatives à tout le monde sur la terre, sans considérer de solvabilité financière. Nous devons fournir un accès pour chaque jeune à une vie intellectuelle et indépendante de l’économie. La technologie dont nous avons besoin, nous l’avons. J’y ai passé du temps, et beaucoup de personnes dans cette pièce (…) ont passé plus de temps maintenant, à essayer de faire des serveurs économiques, efficaces, et compacts, de la taille d’un serveur pour téléphone portable, avec lesquels on peut utiliser les bons logiciels pour peupler le Net de robots qui respectent notre vie privée, au lieu des robots qui ne respectent pas la vie privée, ceux qu’on porte dans presque chaque poche.

Nous avons besoin de moderniser la première loi de la robotique dans cette société d’ici les quelques prochaines minutes, sinon on est foutus ! Nous pouvons le faire. C’est de l’innovation civile. Nous pouvons aider à prolonger la longue durée de vie des ordinateurs à usage général qu’ont peut tous hacker. En les utilisant, en en ayant besoin, en les distribuant autour de nous. Nous pouvons utiliser notre propre force de consommateurs et de technologistes pour déprécier les réseaux fermés et les objets verrouillés. Mais sans ligne de conduite claire dans les politiques publiques, nous resterons une minorité,allez, disons 8,3%, ce qui ne sera pas suffisant pour nous sortir du bourbier dans lequel les banques nous ont conduits.

L’innovation sous l’austérité est notre cri de guerre. Ce n’est pas un cri de guerre pour les choses dont on se soucie, mais pour celles dont les autres personnes se soucient, notre porte d’entrée pour les politiques sociales ces cinq prochaines années, et notre dernière chance de faire dans la gouvernance ce que nous n’avons pas réussi à faire en essayant de préserver nos simples libertés. Celles-ci ont été honteusement violées par nos amis du gouvernement, aussi bien que par nos adversaires. On s’est fait avoir, en ce qui concerne le respect de nos droits et on s’est fait avoir, en ce qui concerne l’argent de tout le monde.

J’aimerais pouvoir dire que la chose la plus simple à faire serait de reprendre notre liberté, ça ne l’est pas. Personne ne va être candidat aux élections cette année sur la seule base du rétablissement de nos libertés civiles. Mais ils parleront de l’austérité et de la croissance. Et nous devons faire porter notre message où ils seront.

Ceci est ma première ébauche. Elle est insuffisante en tous points, mais au moins c’est un point de départ. Et si nous n’avons pas de point de départ, nous perdrons. Et notre perte sera durable. Et la nuit sera très noire.

Merci beaucoup. Et maintenant discutons-en ensemble.

Notes

[1] la faille de l’homme du milieu est le nom qu’on donne en informatique à une vulnérabilité qui expose à la fuite d’informations censées êtres privées : voir cet article de Wikipédia.

Crédit photo Eben Moglen Wikimédia Creative CommonsCC-Zero




Six outils pour faire vivre les biens communs, par Pablo Servigne

Nous reproduisons ici un article paru initialement dans la revue du projet (belge) Barricade, avec l’aimable autorisation de son auteur (« bien sûr, tu peux reprendre l’article, c’est de l’éducation populaire, on reçoit des subventions pour écrire cela, et plus il y a de diffusion mieux c’est »).

Parce que le logiciel libre fait partie des biens communs. Parce que ces outils sont autant d’obstacles à lever pour une plus grande participation de tous.

Remarque : Pour une lecture plus confortable de l’article, vous pouvez lire et/ou télécharger sa version PDF jointe en bas de page.

Eneas - CC by

Six outils pour faire vivre les biens communs

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Pablo Servigne – 30 mai 2013 – Barricade 2013

Le concept de bien commun a l’air évident : est commun ce qui appartient à tous. Mais en réalité, il est loin d’être simple car il heurte nos plus profondes convictions. Qu’est-ce qu’« appartenir » ? Qui est « tous » ? Finalement qu’est-ce que le « commun » ? Voici les moyens de franchir six obstacles mentaux à l’entrée dans l’univers des biens communs.

Le concept de bien commun a pris une place importante dans le champ médiatique depuis l’attribution en 2009 du prix (de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred) Nobel à la politologue étatsunienne Elinor Ostrom[1].

Cette dernière a produit une œuvre scientifique immense démontrant magistralement que de nombreux biens communs (des ressources naturelles et des ressources culturelles) peuvent être bien gérées localement par des communautés très diverses qui se fabriquent des normes ad hoc pour éviter l’effondrement de leurs ressources (autrement appelé « la tragédie des biens communs »).

Ostrom montre qu’il n’y a pas de recette toute faite, mais qu’il y a bien des principes de base récurrents[2]. C’est une véritable théorie de l’auto-organisation. Elle montre surtout que la voie de la privatisation totale des ressources gérées par le marché ne fonctionne pas et, plus gênant, elle montre que les cas où la ressource est gérée par une institution centralisée unique (souvent l’Etat) mène aussi à des désastres. Cela ne veut pas dire que le marché ou l’Etat n’ont pas de rôle à jouer dans les biens communs.

Elle invite à se rendre compte des limites de ces deux approches, et à plonger dans le cas par cas, le local, les conflits, les aspérités du terrain, et l’insondable complexité des institutions et des comportements humains (par opposition aux équations et aux théories). Ce qu’il faut à tout prix éviter, c’est le simplisme, la solution unique et le prêt-à-penser.

Tentons d’entrer dans la matière à reculons. L’idée de faire une liste d’obstacles est venue bien tard, suite à de nombreuses discussions, ateliers, débats et conférences. Lâcher le terme de bien commun dans une salle fait l’effet d’une petite bombe… qui explose différemment dans la tête de chaque personne. On se retrouve systématiquement avec un débat en kaléidoscope où la seule manière de démêler les incompréhensions est d’aller voir au plus profond de nos croyances et de nos imaginaires politiques.

On se situe donc bien sur le terrain de l’imaginaire, ou de l’épistémè[3] dirait le philosophe, avec toute la subjectivité que cela implique. J’ai recensé six « obstacles » que je trouve récurrents et importants, mais ils ne sont pas classés suivant un quelconque ordre et sont loin d’être exhaustifs. Le travail d’investigation pourrait aisément continuer.

Obstacle 1 : on ne les voit pas

Comment se battre pour quelque chose dont on ignore l’existence ? L’économie dans laquelle nous avons été éduqués est celle de la rareté. Tout ce qui est rare a de la valeur. On apprend donc à prendre soin de ces ressources rares et on se désintéresse de tout ce qui est abondant. L’abondance est une évidence, puis disparaît de notre champ de vision.

On ne voit plus l’air que l’on respire. On ne voit (presque) plus l’eau, puisqu’elle tombe du ciel abondamment. On ne voit plus le silence car personne n’en parle. On ne voit plus les langues, les chiffres, les fêtes traditionnelles, le jazz, la possibilité d’observer un paysage, la sécurité, la confiance, la biodiversité ou même internet. Nous n’avons pas été éduqués à les voir, et encore moins à les « gérer ».

Les trois affluents des biens communs

Les trois affluents du fleuve des biens communs. Illustration d’après Peter Barnes[4]

Tout l’enjeu du mouvement des biens communs est donc d’abord de les rendre visibles ; de leur donner, non pas un prix, mais de la valeur à nos yeux. Montrer leur utilité, leur existence, leur fragilité et surtout notre dépendance à leur égard. Rendre visible implique d’avoir aussi un langage commun, savoir désigner les choses.

La question de la définition des biens communs est bien évidemment cruciale, mais elle passe d’abord par un tour d’horizon des cas concrets, et par un émerveillement. Les communs pourraient être une fête permanente. C’est une première étape à faire ensemble, avant toute discussion théorique.

Obstacle 2 : le marché tout puissant

Bien sûr, certaines ressources abondantes deviennent rares. On pense aux poissons, à certaines forêts, à l’air pur, à des animaux ou des plantes, à l’eau propre… On utilise alors deux types d’outils pour les « sauver » : le droit et l’économie. En général, la main gauche utilise les lois et la protection juridique, alors que la main droite leur colle un prix, les fait marchandises et utilise volontiers le marché pour réguler les stocks et les flux. Ce sont les mains gauche et droite d’une doctrine de philosophie politique appelée libéralisme et dans laquelle nous baignons depuis plus de deux siècles.

Le problème est que la main droite a pris le pouvoir durant ces dernières décennies et impose ses méthodes. La vague néolibérale des années 80 n’a pas fini de privatiser tous les domaines de la société et de la vie. Cette attaque frontale aux biens communs se passe généralement de manière silencieuse à cause justement de leur invisibilité. Sauf dans certains cas trop scandaleux (l’eau en Bolivie, les gènes dans les laboratoires pharmaceutiques, etc.) où une partie de l’opinion publique réagit ponctuellement (on pense à toutes les luttes autour de l’AMI[5] menées entre autres par l’association ATTAC dans les années 2000).

L’idéologie du marché débridé est corrosive pour les biens communs. Malheureusement, elle est bien implantée dans l’imaginaire collectif de nos sociétés, et en particulier dans la tête des élites financière, politique et médiatique, qui imposent leurs méthodes au reste du monde et contribuent à maintenir invisible les biens communs… jusqu’à ce qu’ils soient privatisés et rentables pour l’actionnaire !

Obstacle 3 : le réflexe de l’Etat

Face à cette colonisation massive et inexorable, les personnes indignées se tournent le plus souvent vers la figure de l’Etat. Un Etat protecteur et régulateur, garant de la chose publique (la res publica). Publique ? Mais ne parlait-on pas de commun ?

C’est bien là le problème. Car le public est différent du commun. La chose publique appartient et/ou est gérée par l’Etat : c’est le cas de la sécurité sociale, des infrastructures routières, de l’école, du système de santé, etc. Mais réfléchissez bien : l’Etat gère-t-il l’air, la mer, le climat, le silence, la musique, la confiance, les langues ou la biodiversité ? Oui et non. Il essaie parfois de manière partielle, tant bien que mal, face aux assauts des biens privés. Mais selon le nouveau courant de pensée des biens communs, il n’a pas vraiment vocation à le faire. En tout cas pas tout seul.

Il y a plus de 1500 ans, déjà, le Codex Justinianum de l’Empire romain proposait quatre types de propriété : « Les res nullius sont les objets sans propriétaire, dont tout le monde peut donc user à volonté. Les res privatae, par contre, réunissent les choses dont des individus ou des familles se trouvent en possession. Par le terme res publicae, on désigne toutes les choses érigées par l’Etat pour un usage public, comme les rues ou les bâtiments officiels. Les res communes comprennent les choses de la nature qui appartiennent en commun à tout le monde, comme l’air, les cours d’eau et la mer. »[6] Ainsi classées, les choses prennent une toute autre tournure !

Le problème vient du fait que les pratiques de gestion des biens communs ont disparu au fil des siècles (par un phénomène appelé les enclosures[7]) et que ce vide tente d’être comblé tant bien que mal par la seule institution qui nous reste et que nous considérons comme légitime, l’Etat.

Or, non seulement il est totalement inefficace dans certains cas (le climat par exemple), mais comme l’a observé Elinor Ostrom, une organisation centralisatrice et hiérarchique est loin d’être le meilleur outil pour gérer des systèmes complexes (ce que sont les biens communs), et il peut faire beaucoup de dégâts.

De plus, à notre époque, les Etats entretiennent des rapports de soumission aux marchés. « Dans bien des cas, les véritables ennemis des biens communs sont justement ces Etats qui devraient en être les gardiens fidèles. Ainsi l’expropriation des biens communs en faveur des intérêts privés — des multinationales, par exemple — est-elle souvent le fait de gouvernements placés dans une dépendance croissante (et donc en position de faiblesse) à l’égard des entreprises qui leur dictent des politiques de privatisation, de consommation du territoire et d’exploitation. Les situations grecque et irlandaise sont de ce point de vue particulièrement emblématiques. »[8]

Nous aurons bien sûr toujours besoin de l’instrument public, il n’est nullement question de l’ignorer ou de le remplacer, mais de l’utiliser pour enrichir les biens communs et leur gestion communautaire. L’enjeu est de recréer ces espaces et ces collectifs propices à la gestion des communs, et de construire des interactions bénéfiques entre commun et public. L’Etat comme garant du bien public et comme pépinière des biens communs.

Une vision en trois pôles est définitivement née : privé, public, commun.

Obstacle 4 : la peur du goulag

Bien plus facile à expliquer, mais bien plus tenace, il y a cette tendance chez beaucoup de personnes à considérer toute tentative d’organisation collective comme une pente (forcément glissante) vers le communisme, puis le goulag. Dans les discussions, il arrive que l’on passe rapidement un point Godwin « de gauche »[9].

L’imaginaire de la guerre froide est encore tenace, et le communisme a mauvaise réputation (à juste titre d’ailleurs). Mais il est abusivement assimilé à l’unique expérience soviétique. Or, l’important est de se rendre compte, comme invite à le faire Noam Chomsky, que l’expérience soviétique a été la plus grande entreprise de destruction du socialisme de l’histoire humaine[10]. Ça libère ! Penser et gérer les communs n’est pas synonyme de goulag, bien au contraire.

Obstacle 5 : « l’être humain est par nature égoïste »

Il est une autre croyance bien tenace et profondément ancrée dans nos esprits, celle d’un être humain naturellement égoïste et agressif. Cette croyance s’est répandue après les interminables guerres de religions que l’Europe a subie au Moyen-Age.

Las de ces conflits, les philosophes politiques de l’époque (dont Hobbes) ont alors inventé un cadre politique à l’éthique minimale qui pourrait servir à organiser les sociétés humaines. Un cadre le plus neutre possible qui permette de cohabiter sans s’entre-tuer : le libéralisme était né.

Cette doctrine s’est donc constituée sur cette double croyance que seul l’Etat pouvait nous permettre de sortir collectivement de notre état de bestialité agressive, baveuse et sanglante ; et que seul le marché (neutre et protégé par l’Etat) pouvait nous permettre de satisfaire les besoins de tous en favorisant nos instincts naturellement égoïstes[11].

Nous savons aujourd’hui que ces croyances ne sont pas basées sur des faits. L’être humain possède bien évidemment des instincts égoïstes, mais également coopératifs, voire altruistes. Il développe très tôt dans l’enfance et tout au long de sa vie des capacités à coopérer avec des inconnu-es, à faire confiance spontanément, à aider au péril de sa vie, à favoriser les comportements égalitaires, à rejeter les injustices, à punir les tricheurs, à récompenser les coopérateurs, etc.

Tous ces comportements ont été découverts par des expériences et des observations simultanément dans les champs de l’économie, la psychologie, la sociologie, la biologie, l’éthologie, l’anthropologie, et les sciences politiques.

En économie, par exemple, presque tous les modèles sont basés sur l’hypothèse d’un humain calculateur, égoïste et rationnel, l’Homo oeconomicus. Or, sur le terrain, les recherches anthropologiques se sont avérées infructueuses : il n’existe pas. Les peuples, partout dans le monde, coopèrent bien plus que ne le prédisent les modèles économiques. Les faits et les observations accumulées depuis plusieurs décennies sont peu connues mais incontestables[12].

Nous avons désormais les moyens de savoir que l’humain est l’espèce la plus coopérative du monde vivant, mais … disposons-nous des moyens d’y croire ? Ce sera pourtant la condition nécessaire (mais pas suffisante) à la construction d’une nouvelle épistémè favorable à l’auto-organisation, la création et la préservation des biens communs.

Obstacle 6 : se reposer sur les institutions

Il est inutile d’insister sur le fait que l’école ne nous enseigne pas à cultiver l’esprit démocratique et nous maintient dans une état d’inculture politique grave. L’école n’est pas la seule fautive, presque toutes les institutions publiques et privées que nous côtoyons tout au long de notre vie ne stimulent guère notre imagination politique.

En fait, quand il s’agit de s’organiser, nous avons tendance à nous reposer sur des institutions déjà en place (gouvernement, lois, cours de justice, commissariat de police, etc.) dont les règles sont (presque) incontournables. Ces institutions existent en tant qu’entités indépendantes de nous-mêmes, elles nous surplombent et imposent des normes sociales difficilement discutables par le citoyen lambda, et dont seule une minorité tente de les faire évoluer.

La facilité incite à « se laisser vivre » passivement sous leur tutelle, sans trop les discuter, en étant certains qu’elles nous survivront. Nous avons pris l’habitude de nous reposer sur les institutions existantes, à les considérer comme stables et acquises d’avance.

Pour les biens communs, c’est précisément l’inverse. Il nous faudra sortir de cette facilité. Leur gestion est une affaire d’effort démocratique et de citoyens émancipés et actifs. Les biens communs sont des pratiques qui naissent de la confrontation d’une communauté avec des problèmes locaux et particuliers.

Les « parties prenantes » (les différents acteurs concernés) doivent se forger eux-mêmes des normes (récompenses, quotas, sanctions, etc.) dans un processus créatif et sans cesse renouvelé. La gestion des biens communs ne se décrète pas, elle se pratique. Ce n’est pas un statut, c’est un processus dynamique.

Si les acteurs arrêtent de « pratiquer leur bien commun », alors il s’éteint, car il n’y a pas (ou peu) d’institution qui le soutienne. Les anglais ont inventé un verbe pour cela, commoning. C’est en marchant que le bien commun se crée, il suffit de s’arrêter pour qu’il disparaisse. Cela nécessite un engagement et un devoir constant.

Mais comme disait Thucydide[13], « il faut choisir : se reposer ou être libre ».

Pour aller plus loin
  • Elinor Ostrom, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Etopia/DeBoeck, 2010.
    • Un livre-clé mais assez difficile d’accès, très touffu et à la prose scientifique. De plus, il date de 1990, et depuis, Ostrom a écrit de nombreux livres et articles, non encore traduits en français. Indispensable… pour curieux motivés.
  • Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs et Christian Siefkes. Biens communs – La prospérité par le partage. Rapport de la Fondation Heinrich Böll, 2009. Disponible gratuitement ici.
    • Cette brochure, pédagogique et originale, est une très bonne introduction aux biens communs. Bien plus digeste que le livre d’Ostrom. Vivement recommandée !
  • Collectif. Les biens communs, comment (co)gérer ce qui est à tous ? Actes du colloque Etopia du 9 mars 2012, Bruxelles. Disponible en pdf.
    • Tour d’horizon rapide et complet (mais pas ennuyeux) de la galaxie des biens communs. A lire d’urgence car il est complémentaire du rapport de la fondation Heinrich Böll.

Crédit photo : Eneas (Creative Commons By)

Notes

[1] Pour aller plus loin : L’entretien d’Alice Le Roy avec Elinor Ostrom, prix de la Banque royale de Suède en 2009 pour son travail sur les biens communs.

[2] Pour une introduction à l’oeuvre d’Elinor Ostrom, lire l’article « La gouvernance des biens communs », Barricade, 2010. Disponible sur www.barricade.be

[3] Ensemble des connaissances scientifiques, du savoir d’une époque et ses présupposés.

[4] Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs et Christian Siefkes. Biens communs – La prospérité par le partage. Rapport de la Fondation Heinrich Böll, 2009.

[5] Accord Multilatéral sur les Investissements. L’AMI est un accord économique international négocié dans le plus grand secret à partir de 1995 sous l’égide de l’OCDE. Il donnait beaucoup de pouvoir aux multinationales (contre les Etats) et ouvrait le champ de la privatisation de tous les domaines du vivant et de la culture. Suite aux protestations mondiales, l’AMI fut abandonné en octobre 1998.

[6] Silke Helfrich et al., ibidem.

[7] Enclosures (anglicisme) fait référence à l’action de cloisonner un espace commun par des barrières ou des haies. Le terme fait surtout référence à un vaste mouvement qui a eu lieu en Grande-Bretagne au début de l’ère industrielle, imposé par le gouvernement pour mettre fin à la gestion communautaire des biens communs naturels (forêts, pâtures, etc.) au bénéfice de grands propriétaires terriens privés. Cela s’est fait par la violence et a permis l’essor de l’agriculture industrielle capitaliste.

[8] Ugo Mattei, “Rendre inaliénables les biens communs”, Le Monde Diplomatique, décembre 2011.

[9] Normalement, le point Godwin est l’instant d’une conversation où les esprits sont assez échauffés pour qu’une référence au nazisme intervienne (Wiktionnaire, mai 2013). Dans notre cas, la référence au goulag joue le même rôle.

[10] Noam Chomsky. The Soviet Union Versus Socialism. Our Generation, Spring/Summer, 1986. Disponible

[11] Pour une histoire critique du libéralisme, voir les formidables livres de Jean-Claude Michéa. En particulier Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats, 2002. Réédition Champs-Flammarion, 2006 ; L’Empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Climats, 2007. Réédition Champs-Flammarion, 2010 ; et La double pensée. Retour sur la question libérale, Champs-Flammarion, 2008.

[12] Nous n’avons pas la place de le montrer ici, et il manque encore un ouvrage qui en fasse la synthèse. Cependant, le lecteur curieux pourra trouver quelques réponses dans Frans De Waal. L’Age de l’empathie. Leçons de nature pour une société plus solidaire (Les liens qui libèrent, 2010). Ou encore Jacques Lecomte. La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité (Odile Jacob, 2012).

[13] Homme politique grec qui vécut au IVième siècle av. J.-C.




Continuer ou pas d’utiliser MySQL ? Telle est la question…

Vous trouverez ci-dessous un argumentaire exposant cinq (bonnes ?) raisons d’abandonner MySQL.

Dans la mesure où nombreux sont les sites dynamiques qui reposent encore sur cette célèbre base de données (à commencer par les nôtres), la question mérite d’être posée.

Ditch MySQL

5 raisons de larguer MySQL dès maintenant

5 Reasons It’s Time to Ditch MySQL

Rikki Endsley – 10 juillet 2013 – SmartBear Blog
(Traduction : Slystone, audionuma, tetrakos, goofy, mokas01, fred, Sky, ProgVal, ymai, Asta + anonymes)

MySQL est encore et toujours la plus populaire des bases de données open source, mais a perdu des fans au fil des années. Voici cinq raisons concrètes de laisser tomber MySQL.

En 2008, MySQL gagnait rapidement en popularité lorsque Sun Microsystems acheta MySQL AB pour environ un milliard de dollars. L’année suivante, Oracle racheta Sun, et MySQL faisait partie de la transaction. Les utilisateurs de MySQL et les développeurs ont commencé à se poser des questions sur le destin de ce système de base de données open source, et nombre d’entre eux commencèrent à chercher des alternatives

Revenons en 2013. Oracle n’a pas exterminé son précédent compétiteur et MySQL reste le système de bases de données le plus populaire. Et pourtant, cette popularité de MySQL est sur le déclin : tandis qu’il perd de son attrait, des alternatives viables pour la gestion des bases de données commencent à tirer leur épingle du jeu. Voici cinq bonnes raisons de ne pas utiliser MySQL, le système de gestion de bases de données qui fut libre (pour voir l’autre côté de la médaille, lire l’article d’Andy Patrizio qui donne les cinq bonnes raisons de continuer à utiliser MySQL, faites-vous un avis, et n’hésiter pas à le partager dans les commentaires).

1. MySQL n’est pas aussi mature que d’autres systèmes de gestion de bases de données.

MySQL n’a pas commencé comme un SGBDR (Système de Gestion de Bases de Données Relationnelles), mais a changé de direction par la suite pour inclure plus de fonctionnalités. Les SGBDR plus anciens et plus matures sont toujours considérés comme ayant plus de fonctionnalités que MySQL. Si vous voulez un SGBDR riche en fonctionnalités, vous pouvez jeter un œil à PostgreSQL ou à des options non open source, telles que Oracle DB ou Microsoft SQL Server.

Selena Deckelmann, une contributrice à PostgreSQL, affirme que Postgres est considéré comme le bon choix pour les nouveaux projets parmi les développeurs-euses Web qui ont besoin d’une base de données relationnelle. « Avec le type de données JSON, et PLV8, Postgres pourrait aussi bien devenir le choix par défaut pour le NoSQL. » dit-elle.

2. MySQL est open source… enfin, plus ou moins

Techniquement, MySQL est un système de bases de données open source, mais dans la pratique ce n’est plus le sentiment que l’on ressent. Sous le couvert d’Oracle, MySQL a maintenant plusieurs modules propriétaires dont le code source n’est pas public. « Sur le papier, MySQL est toujours vivant, mais la mainmise d’Oracle sur le développement et son refus de communiquer des exemples de tests concernant des bugs et des patches de sécurité pour MySQL a renforcé son contrôle sur le code et a poussé de nombreux développeurs open source à aller voir si l’herbe n’est pas plus verte aileurs. » explique Paula Ronney dans son article sur ZDNet, Est-il temps pour Oracle de donner MySQL à Apache ?

Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas d’alternatives open source. MariaDB, un fork de MySQL, reste « véritablement open source ». SkySQL, une entreprise développant MariaDB qui a fusionné avec Monty Program Ab (l’entreprise mère de MariaDB) plus tôt cette année explique que « Tout le code dans MariaDB est fourni sous GPL, LGPL ou BSD. MariaDB n’a pas de module closed source comme ceux que vous pouvez trouver dans la MySQL Enterprise Edition. En fait, toutes les fonctionnalités closed-source de MySQL 5.5 Enterprise Edition se trouvent dans la version open source MariaDB. »

3. Les performances de MySQL ne valent pas celles de ses concurrents

Le blog de MariaDB offre un comparatif détaillé des résultats obtenus par les versions récentes de MySQL et de MariaDB, et bien que les résultats se jouent dans un mouchoir de poche, MariaDB possède une longueur d’avance.

Selena Deckelmann, contributrice à PostgreSQL, prétend que Heroku Postgres rend Postgres plus attirant pour plusieurs raisons, y compris au niveau de l’extensibilité. « Ils possèdent clairement le plus large environnement hébergé pour Postgres, s’adaptant automatiquement pour vos applications et acceptent des extensions (add-ons) qui rendent facile l’essai de nouvelles fonctionnalités avant même que les DevOps ne rencontrent la situation » ajoute-t-elle à ses explications. « Ils viennent tout juste d’annoncer le support de PLV8 qui permet de lancer JavaScript au sein même de la base de données et tire avantage des données JSON disponibles dans les versions 9.2 et supérieures. »

4. MySQL est la propriété d’Oracle, pas un projet communautaire

MySQL n’a pas radicalement changé d’objectif depuis son acquisition par Oracle, mais demeure la propriété d’Oracle, ce qui rend certains développeurs nerveux. « Et, pire encore, il est impossible pour la communauté de collaborer avec les développeurs de chez Oracle » dit Michael « Monty » Widenius, fondateur de MySQL et de MariaDB.

Widenius remarque qu’Oracle n’accepte pas les patchs et ne fournit aucune roadmap publique. « Il n’y a pas moyen de discuter avec les développeurs de MySQL sur l’implémentation de fonctionnalités ou le fonctionnement du code actuel » ajoute-t-il. S’il vous importe d’employer une base de données open source et développée par la communauté, Widenius vous conseille MariaDB (doh!), car elle est bâtie sur MySQL et offre plus de fonctionnalités, de vitesse et de stabilité, mais moins de failles de sécurité.

5. De plus en plus de grand projets abandonnent le navire

Lors des rencontres RedHat Summit 20013 Boston, RedHat a annoncé sa rupture avec MySQL. La distribution Linux Red Hat Entreprise (RHEL) intégrera MariaDB. Fedora a d’ores et déjà annoncé qu’il passerait de MySQL au fork MariaDB avec Fedora 19. Slackware Linux a annoncé la transition de MySQL à MariaDB en mars 2013 et openSUSE a fait une annonce similaire en janvier 2013.

Les distributions Linux ne sont pas les seules. En avril 2013, la Wikimedia Foundation a annoncé que Wikipédia, le septième site le plus populaire au monde allait adopter MariaDB. Dans le communiqué, Asher Feldman, le concepteur de sites de la Wikimedia Foundation, expliquait que les améliorations de l’optimisateur de MariaDB, et que l’ensemble de fonctionnalités XtraDB de Percona étaient des raisons très favorables à un changement. « Tout aussi important, en tant que supporters du mouvement de la culture libre, la Wikipedia Foundation préfère fortement les projets logiciels libres : cela inclut une préférence pour les projets sans base de code divisée entre éditions gratuites/libres et pour entreprises », ajoute-t-il. « Nous accueillons et supportons la MariaDB Foundation comme délégué à but non lucratif de la communauté de la base de données MySQL libre et ouverte. » Comme le fit remarquer le journaliste spécialisé en technologie Steven J. Vaughan-Nichols (et contributeur à SmartBear) à la fin de l’année 2012, peu importe ce que vous ressentez vis-à-vis d’Oracle ou du débat des logiciels open source/non-libres, « les meilleures performances de MariaDB à l’un des sites Web les plus chargés du monde va attirer l’attention de n’importe quelle personne utilisant des piles logicielles Linux, Apache, MySQL, PHP/Python/Perl (LAMP). »

Donc, que savent ces entreprises spécialisées dans la technologie et le Big Data que les utilisateurs fidèles de MySQL ignorent ? MySQL n’est plus le seul gros poisson dans le petit étang des solutions de bases de données. Au contraire, MySQL est en concurrence avec sa propre solution émancipée d’Oracle, une engeance véritablement open source, MariaDB, le SGBDR toujours plus populaire PostgreSQL, et un marché toujours plus florissant de solutions NoSQL.

Si vous n’avez pas encore laissé tomber MySQL, il y a plein de raisons pour y réfléchir à nouveau.




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