Ce n’est qu’un début, continuons la copie !

Le fameux site The Pirate Bay est actuellement dans la tourmente, nous annonce Le Monde, puisque les trois fondateurs viennent d’épuiser un de leurs derniers recours contre leur incarcération.

L’un d’eux, Peter Sunde, a posté sur son blog une réponse que nous avons décidé de traduire ci-dessous.

On pourra la trouver teintée d’une révolte un peu adolescente et lyrique, mais qu’importe. Ce texte permet à minima de rappeler qu’en 2012 des gens vont faire de la prison ferme pour avoir hébergé des liens vers des fichiers…

« Kopimi » (alias « Copiez-moi ») pourrait bien devenir l’un des slogans les plus subversifs du XXIe siècle[1].

Viktor Hertz - CC by

Pas de concession : Kopimi ligne dure.

Maintain. Hardline. Kopimi.

Peter Sunde – 1 février 2012 – Copy me happy
(Traduction Framalang : goofy, albahtaar, Clochix, DonRico)

Nous avons appris aujourd’hui le rejet en appel par la cour suprême du dossier The Pirate Bay (TPB). Nous n’en sommes pas surpris. Les précédents procès suintaient la corruption. Depuis les pressions exercées par les États-Unis sur le ministre de la Justice afin de déférer TPB devant les tribunaux sans justification légale, en passant par l’officier de police responsable de l’enquête (Jim Keyzer) qui décrochait « par hasard » un poste chez Warner Bros quelques semaines avant ma promotion de témoin à suspect, jusqu’aux magistrats de nos procès qui siègent aux conseils d’administration — ou qui en président, comme c’est le cas d’un d’entre eux – de l’institution pro-copyright suédoise, il était clair pour nous que la cour suprême — où de nombreux juges gagnent beaucoup d’argent eux-mêmes grâce au copyright de leurs ouvrages — serait difficile à persuader de se saisir du dossier. Même si la majeure partie de la population voudrait que l’affaire y soit jugée. Même s’il s’agit de l’un des dossiers les plus importants dans toute l’Union européenne.

La Suède tient de beaux discours sur l’attention qu’elle porte à Internet. Elle consacre beaucoup d’argent et de temps pour aider des activistes dans le monde entier. Mais qui sont ces gens qu’ils sont si fiers d’aider ? TPB est l’un des plus importants mouvements de défense de la liberté d’expression en Suède, et œuvre contre la corruption et la censure. Tous ceux qui se sont à un moment ou un autre investis dans TPB l’ont aussi été dans de fameux projet de divulgation d’informations ou ont aidé des gens pendant le printemps arabe. Nous combattons la corruption à l’échelle mondiale. Nous défendons l’égalité des chances des nations pauvres partout dans le monde. Nous avons anéanti le monopole sur l’information. Nos proches, dont beaucoup nous ont aidés à construire TPB, ont été cités comme de possibles lauréats du prix Nobel de la paix. Je ne fanfaronne pas, j’explique cela pour être sûr que l’on comprenne qui ici a une action juste. Je n’ai jamais vu l’industrie du divertissement aider qui que ce soit, si ce n’est elle-même.

La Suède n’a pas l’habitude de la corruption. Ou plutôt, la Suède n’a pas l’habitude de voir la corruption qui sévit chez elle. La société y est fondée sur la croyance que dans les systèmes législatifs suédois tout le monde a de grandes qualités morales et éthiques. La mondialisation a changé cela. Les lobbies du divertissement ont rudoyé la Suède. Et pas seulement la Suède. On le voit dans des législations telles que SOPA, PIPA, ACTA, IPRED, IPRED2, TPP, TRIPS, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes ces législations ont le même but : s’assurer que le contrôle d’Internet soit entre les mains des riches qui possèdent déjà certains pouvoirs de contrôle hors d’Internet.

Je ne suis qu’un homme parmi les millions qui se dressent contre cela. Même si le verdict (auquel nous ne sommes pas encore rendus) n’est pas favorable à ma situation personnelle, le but final pour lequel nous nous battons est bien plus important que les luttes personnelles de quelques individus. Je m’accomoderai de ne pas être riche — ce qui est simple lorsque de toutes façons l’on n’est pas riche. Je m’accomoderai de la peine à laquelle je serai finalement condamné — je vais simplement finir mon livre. Le combat continuera avec ou sans moi, je ne suis qu’un pion. Mais au moins, je suis un pion du côté moral. Je suis très fier de ce que j’ai accompli, et ne changerai rien à mon engagement. Je pense d’ailleurs que j’aurais pu en faire bien plus pour ce combat. Et j’en ai l’intention.

Aujourd’hui, j’appelle instamment chacun de vous à vous assurer que l’industrie du divertissement ne fait pas son beurre sur votre dos. Arrêtez d’aller voir leurs films. Arrêtez d’écouter leur musique. Assurez-vous de trouver des moyens alternatifs d’accéder à la culture. J’ai fondé Flattr.com, qui vous permet de soutenir directement les gens qui créent, plutôt qu’au travers de l’industrie corrompue du divertissement. Utilisez ce système en solidarité avec les créateurs et avec vos concitoyens. Ou lancez un procédé concurrent. Diffusez la culture et participez-y. Remixez, réutilisez, utilisez, abusez. Assurez-vous que personne ne contrôle votre esprit. Créez de nouveaux systèmes et des technologies qui contournent la corruption. Lancez une religion. Lancez votre propre nation, ou achetez-en une. Achetez un bus. Et désossez-le.

Agissez toujours résolument et appliquez une doctrine kopimi sans concession.

Notes

[1] Crédit photo : Viktor Hertz (Creative Commons By)




La seule chose que vous devez savoir à propos d’ACTA, par Rick Falkvinge

On n’a pas le temps de souffler. Après SOPA, c’est ACTA qui est à repousser et avec la plus extrême vigueur. Pourquoi ? Vous le saurez en creux en parcourant ce court et percutant billet de Rick Falkvinge (que l’on traduit souvent actuellement).

Vous le saurez aussi et surtout en vous rendant sur la rubrique dédiée de La Quadrature qui nous fournit une excellente boîte à outils de résistance et mobilisation (sans oublier la pétition en ligne qui témoigne bien de la colère qui gronde).

Dark Age

La seule chose que vous devez savoir à propos d’ACTA

The only thing you need to know about ACTA

Rick Falkvinge – 28 janvier 2012 – Blog personnel
(Traduction Framalang/Twitter : kamui57, Cubox, Céline, Lamessen, NandS, eyome, HgO, Adrien)

ACTA a finalement repris de l’élan. Mais dans un document si conséquent, alambiqué et délibérément complexe, comment pouvez-vous déterminer vous-même s’il est bon ou mauvais ? Il existe une façon très simple de le dire.

La façon la plus simple de déterminer la nature d’ACTA ne se base pas sur le document lui-même, mais sur le comportement des gens le défendant.

Tous les acteurs, nous poussant et nous précipitant vers cet accord, ont insisté sur le fait qu’il ne changerait rien et, notamment, qu’aucun changement législatif ne serait nécessaire (en dehors de changements mineurs liés à la loi sur les marques, comme en Suède), et insistent surtout pour dire que ce n’est pas très important.

Par ailleurs, ces acteurs font pression de toutes leurs forces pour le faire passer. Ainsi, la principale question qui en ressort fait tâche :

Si l’ACTA ne change rien, pourquoi forcent-ils son passage comme si leur vie en dépendait ?

Et cette contradiction en elle-même suffit à démasquer l’ensemble de l’ACTA et ce que cela représente. Il a été négocié en secret par l’industrie du droit d’auteur et par les autres monopoles. Même maintenant, alors que les législateurs sont amenés à voter ce texte, il ne leur est pas laissé la possibilité de comprendre exactement ce que dit ce document – car beaucoup de nouvelles règles y sont définies mais ne sont valables que pour des protocoles d’échanges commerciaux. Ces derniers restant, néanmoins, secrets.

Si l’industrie du droit d’auteur fait pression de tout son poids pour faire passer quelque chose alors même qu’elle prétend que cela ne change rien, que pensez-vous que cela implique ?

C’est cette industrie qui pense qu’il est convenable pour les législateurs de leur donner le pouvoir de détruire un concurrent légal se trouvant à l’étranger, en supprimant ses revenus, son site web et ses publicités, simplement en le pointant du doigt.

C’est cette industrie qui trouve normal de pouvoir demander à se trouver en tête des résultats des moteurs de recherche, et de laisser “les miettes” à ses concurrents gratuits sous couvert de la loi.

C’est cette industrie qui demande sous la menace de la loi – une industrie privée – de mettre sur écoute électronique une population entière, seulement pour voir si des gens font quelque chose qu’elle n’apprécie pas, et dans ce cas, de couper à volonté les communications de cette population.

C’est cette industrie qui fait valoir que les citoyens devraient être activement empêchés d’exercer leurs droits fondamentaux, comme la liberté de parole et d’expression, si cela risque d’empiéter sur son business.

C’est cette industrie qui pense qu’il est raisonnable de condamner un petit faiseur de Karaoke à 1,2 1,2 milliards (3 000 000 €). Oh, et une grand-mère morte.

C’est cette industrie qui utilise la pédopornographie comme bouc émissaire de sa propre censure, et qui finalement choque les jeunes et favorise l’abus d’enfants.

C’est cette industrie qui a installé des rootkits sur les CD musicaux des gens et a pris le contrôle total de leurs ordinateurs, de millions d’appareils – comprenant les webcams, les microphones, les fichiers sur le disque dur, tout. Ils se sont maintenant introduits chez nous et y ont leurs yeux et leurs oreilles.

C’est cette industrie qui, une fois que vous la pensez au fond du gouffre tant moralement qu’humainement, revient sans cesse, avec de nouvelles façons créatives de vous surprendre.

Si cette industrie veut voir appliquer ce texte législatif incroyablement mauvais. Si elle se bat pour lui comme pour sa propre vie tout en prétendant que ce n’est pas très important. Si elle se bat sans expliquer aux législateurs en quoi consiste le texte. Cela devrait suffire à n’importe qui pour réaliser que c’est un sombre concentré d’horreurs. Attendez-vous à ce que l’ACTA légalise des pratiques semblables aux exemples précédents. Et encore plus. Attendez-vous à voir pire, bien pire que SOPA.




Qu’allons-nous faire si le diable Google sort de sa boîte ?

La trappe Google commencerait-elle à doucement mais sûrement se refermer sur ses utilisateurs, mettant du plomb dans l’aile à son fameux slogan « Don’t be evil » ?

Deux récents changements le laissent en effet à penser. Tout d’abord une modification en profondeur de l’affichage des résultats du moteur de recherche au profit de son propre réseau social Google+ et au détriment de la neutralité et des petits camarades Facebook, Twitter & Co (qui ont réagit comme il se doit).

Et puis donc, voir ci-dessous, cette toute nouvelle mise à jour de sa politique de confidentialité qui vous impose le regroupement de toutes les données personnelles de vos différents comptes Google (Gmail, YouTube, Calendar, Recherche…). On pourra voir (avec le recul nécessaire) cette vidéo made by Google pour comprendre de suite de quoi il s’agit[1] ou encore cette dépêche AFP déjà plus objective.

Officiellement, du côté de chez Google, on ne parle que d’expérience utilisateur enrichie. Il ne s’agit en effet que d’améliorer la pertinence des résultats (et des encarts publicitaires proposés). D’ailleurs c’est titré « Des règles de confidentialité unifiées pour une expérience Google unique » sur leur site.

Mais si on y réfléchit bien, avec un compte Gmail et un smartphone Android à la géolocalisation activée (ce qui est fréquent même chez les librisites), Google est désormais capable de tout savoir de vous, d’autant que Google+ vous a encouragé à vous inscrire sous votre propre nom !

Bien sûr, Google n’est ni un service public, ni une organisation philanthropique, et il en va de notre propre responsabilité d’accepter des contrats que Google peut modifier quand bon lui semble lorsque nous avons décidé de nous inscrire chez eux.

Mais quand on y réfléchit bien Big Brother n’est vraiment plus très loin, et le diable non plus…

Steve Rhodes - CC ny-nc-nd

Google a rompu le pacte : son engagement à « ne pas faire de mal »

Google’s Broken Promise: The End of “Don’t Be Evil”

Mat Honan – 24 janvier 2012 – Gizmodo
(Traduction Framalang : Cheval_boiteux, OranginaRouge, Goofy)

Changement radical de sa politique de confidentialité, Google a annoncé aujourd’hui qu’il allait commencer à pister ses utilisateurs à travers tous ses services (Gmail, Search, YouTube et d’autres encore) et partager les données des activités de l’utilisateur entre les différents services. Et voilà le Google pour lequel nous nous sommes inscrits.

Le changement a été annoncé aujourd’hui dans un billet du blog officiel et général de la société, et va prendre effet le 1er mars prochain. Après cette date, si vous avez un compte Google pour utiliser un de ses services, l’entreprise pourra utiliser ces informations sur les autres services. Comme Google le dit :

Notre nouvelle politique de confidentialité sera claire, si vous la signez, nous pourrions combiner les informations que vous avez fournies à l’un de nos services avec les informations des autres services. Pour faire plus court, nous vous traiterons comme un seul utilisateur sur tous nous produits, ce qui rendra votre expérience de Google plus simple et plus intuitive.

On le voyait venir de loin. La politique de confidentialité de Google est passée de données cloisonnées à des données partagées entres les différents services. Cela vous amène irrémédiablement à vous désanonymiser, tout d’abord en requérant votre vrai nom sur Google+ par exemple puis ensuite en liant votre compte Google+ à votre compte Gmail. Mais voici venir un tout nouveau degré de partage. Et étant donné l’accueil désastreux dû aux problèmes de confidentialité posés par Google+, il est particulièrement troublant de voir Google prendre des mesures qui entament davantage encore la confidentialité des utilisateurs.

Cela signifie pour vous que toutes les données provenant de ce que vous recherchez, des emails que vous écrivez, des endroits que vous admirez sur Google Maps, des vidéos que vous regardez sur YouTube, des discussions que vous avez sur Google+, tout sera rassemblé au même endroit. Cela touchera en particulier les utilisateurs d’Android par leur localisation en temps réel (s’ils ont activé Latitude), les données de Google Wallet, et bien d’autres données qui seront récoltées. Et le plus surprenant est que si vous êtes inscrits à Google+, l’entreprise connaît même votre vrai nom, ce qui fournit une nouvelle barrière à l’utilisation d’un pseudonyme (bien qu’il ne soit pas explicitement requis des utilisateurs qu’ils s’inscrivent sous leur vrai nom).

L’intégralité des données de l’historique seront dorénavant recoupées. Bien que l’intérêt affiché soit de fournir aux utilisateurs une meilleure expérience (comprendre des résultats encore plus appropriés), cela permettra vraisemblablement à Google de cibler encore mieux ses publicités. (Au passage, c’est l’occasion ou jamais de vous familiariser avec les préférences de Google Ads).

Pourquoi disons-nous que ce changement est mauvais ? Parce que Google vient de changer les règles qu’il avait lui-même fixées.

Google a fondé sa réputation, et son chiffre d’affaires à plusieurs milliards de dollars, sur l’engagement de principe « ne rien faire de mal ». Cela fut largement interprété comme un moyen pour Google de toujours placer ses utilisateurs en premier, une interprétation qu’elle a cultivée et encouragée. Google a donc construit cette entreprise très lucrative sur la réputation du respect de l’utilisateur. Elle a investi des milliards de dollars dans le but de nous donner à tous l’impression d’être sous son agréable dôme protecteur. Et maintenant qu’elle tire les marrons du feu, tout s’écroule. Cela nous donne quelques semaines pour retirer nos données, en utilisant son service de libération des données, mais si vous désirez utiliser les services de Google, vous devrez vous plier à ses règles.

Les principes de Google mentionnent explicitement l’intention de gagner de l’argent sans faire rien de mauvais. Et l’entreprise est très claire en classant ses appels à la publicité dans la section « le mal ». Mais; alors qu’elle met l’accent sur la nécessité pour les pubs d’être pertinentes, sans ambiguïtés et « non-intrusives », ce qu’elle semble avoir oublié c’est le simple respect de la confidentialité des données de ses utilisateurs, et des pratiques qu’elle avait établies.

Parmi ses principes de confidentialité, le point numéro 4 indique :

Les préoccupations en matière de confidentialité ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Afin de répondre aux attentes particulières de chacun des utilisateurs, Google s’efforce de leur proposer des choix significatifs et détaillés concernant l’utilisation de leurs informations personnelles. Nous pensons que les informations personnelles des utilisateurs ne doivent pas être « prises en otage ». Dans cette optique, nous nous engageons à concevoir des produits qui permettent aux utilisateurs d’exporter leurs informations personnelles vers d’autres services. Sachez que nous ne vendons pas les informations personnelles de nos utilisateurs.

Voilà qui franchit le Rubicon. C’est la fin du contrôle détaillé sur nos données, et cela signifie qu’à compter du 1er mars votre nom, votre visage, votre numéro de téléphone seront explicitement associés à des choses que vous pouviez jusqu’à présent faire sous le couvert d’un relatif anonymat. Si vous utilisez les services de Google, vous devrez accepter sa nouvelle politique de confidentialité. Et pourtant s’il y a une préoccupation qui surpasse les autres c’est bien que je ne voudrais surtout pas que Google puisse associer deux éléments d’information me concernant.

Et le pire, c’est le retournement de situation par rapport à une précédente politique. Comme l’a indiqué Google en 2009 sur son blog :

Précédemment, nous offrions la recherche personnalisée pour les utilisateurs inscrits, et uniquement quand ils avaient activé l’historique de navigation dans leur compte Google. Ce que nous faisons aujourd’hui consiste à étendre la recherche personnalisée afin de la rendre également accessible aux utilisateurs n’ayant pas de compte Google. Cette nouvelle fonctionnalité nous permet de baser la personnalisation de vos résultats de recherches sur 180 jours d’activités en la liant à un cookie anonyme dans votre navigateur. Cela est complétement séparé de votre compte Google et de votre historique de recherche (qui sont uniquement disponibles pour des utilisateurs enregistrés). Vous saurez quand nous personnalisons les résultats car un lien « Vue personnalisée » apparaîtra en haut à droite de la page des résultats. En cliquant sur ce lien, vous pourrez voir comment nous avons personnalisé vos recherches et vous pourrez également désactiver cette personnalisation.

Ces changements sont survenus peu après que Google a complètement repensé ses résultats de recherche pour inclure les réseaux sociaux, dans un service intitulé « Search plus Your World » (NdT : Recherche augmentée dans votre univers). Bien que cette nouvelle stratégie ait suscité une vague de violentes critiques sur le Web entier, elle laisse au moins à l’utilisateur la possibilité de ne pas y prendre part.

Notes

[1] Crédit photo : Steve Rhodes (Creative Commons By-Nc-Nd)




Plainte commune des personnes affectées par la fermeture de MegaUpload ?

Les utilisateurs de MegaUpload qui stockaient, partageaient et s’échangeaient des fichiers tout à fait légaux sont les dindons de la farce.

C’est ce que nous rappelle coup sur coup deux articles de Numerama : MegaUpload : des voix s’élèvent pour récupérer les fichiers légaux et MegaUpload : peu d’espoir pour les fichiers légaux[1].

Peu de chance de les récupérer ? C’est sans compter sur l’énergique Pirates de Catalunya (Parti Pirate Catalan) qui en appelle avec d’autres à se regrouper pour étudier la faisabilité d’une procédure.

Ricard Clupés - CC by-nc-sa

Plainte commune des personnes affectées par la fermeture de Megaupload

Joint complaint of those affected by the closure of Megaupload service

Pirates de Catalunya – Janvier 2012
(Traduction Framalang/Twitter : HgO, Chaman, AlBahtaar, FredB)

Des millions d’utilisateurs légitimes se sont subitement retrouvés lésés par la tentative des autorités américaines d’imposer leur propre loi à travers le monde.

Le FBI a causé des dommages incalculables, dépassant de loin les prétendues pertes déclarées par les lobbies des ayants droit, au cours d’une vaine tentative d’empêcher l’accès au contenu multimédia hébergé sur Megaupload, dont certains ont été déclarés comme violant la loi américaine sur le droit d’auteur. Parce que ce contenu illégal se trouvera bien vite accessible sur Internet via d’autres services. Cette action ne montre pas seulement la futilité de telles mesures mais rappelle aussi que ces fichiers ne sont pas forcément illégaux, ou n’ont jamais été prouvés comme tels, dans n’importe quel pays, y compris aux États-Unis.

En revanche, en fermant le service, ils ont entravé l’accès à des millions de fichiers appartenant à des individus comme à des organisations causant ainsi des pertes personnelles, économiques et d’image potentiellement importantes pour un grand nombre de personnes. De plus, le Parti Pirate souligne que les articles 197 et 198 du Code Pénal espagnol ont probablement été violés en s’appropriant ainsi des données personnelles à tort.

Les larges dégâts causés par la fermeture soudaine de Megaupload sont injustifiés et complètement disproportionnés par rapport à la cible visée. C’est pour cela que le Parti Pirate Catalan, en collaboration avec le Parti Pirate International et d’autres Partis Pirates (incluant le Parti Pirate du Royaume-Uni), a débuté une enquête sur de potentielles failles législatives et soutienda les poursuites en justice contre les autorités américaines dans autant de pays que possible, afin que justice soit rendue.

Afin de faire plainte commune, une plateforme a été créée où toute personne ou organisation ayant été affectée par cette fermeture peut exprimer son intérêt, indépendamment du type de compte qu’elle avait sur Megaupload.

Cette initiative est un point de départ pour aider les utilisateurs légitimes d’Internet à se défendre contre les abus légaux promus par ceux qui souhaitent cadenasser les ressources culturelles au profit de leurs propres gains financiers.

Quelles que soient les opinions quant à la légalité ou la morale des personnes exploitant Megaupload, des actions telles que la fermeture de ce service ont infligé des dommages énormes aux utilisateurs en règle de ce site et sont des violations de leurs droits inacceptables et disproportionnées.

Pour toutes les raisons énoncées, nous vous demandons de nous rejoindre et de nous soutenir en propageant cet appel, car des actes tels que ceux-ci ne doivent pas et ne devraient pas être pardonnés.

Notes

[1] Crédit photo : Ricard Clupés (Creative Commons By-Nc-Sa)




Le jour d’après le blackout SOPA ou ce que j’aurais aimé entendre de Wikipédia & Co

Voilà, le spectaculaire blackout du 18 janvier 2012 touche à sa fin.

Derrière la Wikipédia en anglais, de très nombreux sites se sont mobilisés (américains mais pas seulement), contribuant à faire de cette journée un succès médiatique à l’échelle planétaire. En compliquant à n’en pas douter la tâche de ceux qui voulaient faire passer en douce ces lois liberticides que sont SOPA et PIPA.

Sauf que, comme disait Bécaud : « Et maintenant, que vais-je faire ? »

Vais-je reprendre tranquillement le cours de ma vie en attendant passivement que l’on vienne éventuellement encore me solliciter en urgence, ce qui ne manquera pas d’advenir tant sont actuellement vivaces les tensions entre l‘ancien et le nouveau Monde ?

« SOPA n’aurait pas pu arriver aussi loin si les électeurs avaient été mieux informés et plus actifs », nous rappelle ici Joe Brockmeier, chroniqueur à ReadWriteWeb.

Et l’HADOPI, la LOPPSI, l’ACTA, etc. chez nous en France et en Europe ?

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Ce que j’aurais aimé que Wikipédia et les autres nous disent à propos de SOPA/PIPA

What I Wish Wikipedia and Others Were Saying About SOPA/PIPA

Joe Brockmeier – 18 janvier 2012 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang/Twitter : hms, kamui57, ZeHiro, 0ri0nS, PI3RR3-29, LunixA380, khoyo, vecko_, moala, FredB, DonRico)

Le black-out auquel Wikipédia, Mozilla, WordPress.com et de nombreux autres sites ont participé le 18 janvier pour protester contre SOPA/PIPA attirent (je l’espère) l’attention vers ces projets de lois qui sont considérés comme une menace envers la « liberté sur Internet ». Cette initiative est louable, admirable, et (espérons-le) permettra de freiner SOPA/PIPA pour encore au moins une session parlementaire. Les explications que j’ai pu lire de la part de Wikipédia et d’autres jusqu’à présent détaillent assez bien pourquoi SOPA/PIPA ne doivent pas être adoptés. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que SOPA/PIPA font partie de la routine, et que la protestation est un effort de dernier ressort, rendu nécessaire parce que le système législatif et les médias dominants, fondamentalement, ne fonctionnent pas.

Le black-out et les autres actions de protestation qui ont eu lieu aujourd’hui sont le résultat d’une contre-offensive vive et soutenue contre un projet de loi que le Congrès tente de faire passer en force malgré l’opposition générale. Pourtant, Lamar Smith et de nombreux autres membres de la Chambre des Représentants et du Sénat ont foncé tête baissée. Pourquoi ? En partie, bien sûr, parce qu’ils sont généreusement financés par l’industrie du divertissement, qui souhaite voir cette loi votée, mais aussi parce qu’ils croient qu’on les laissera faire.

Le secret inavouable de SOPA, ce n’est pas que l’industrie du divertissement a beaucoup plus d’influence sur le Congrès qu’elle ne le devrait. Quiconque s’intéresse à la question le sait déjà. Le secret inavouable de SOPA, c’est que 99% du temps, presque personne ne s’intéresse à ce que fait le Congrès.

À part sur quelques sujets sensibles, la plupart des électeurs américains se contentent de se plaindre du gouvernement sans jamais s’impliquer en suivant l’élaboration des lois ou des questions de politique, sauf (peut-être) à l’approche d’un scrutin.

La plupart des outils de protestation contre SOPA/PIPA doivent orienter les visiteurs vers leurs représentants car ils ignorent qui ils sont et comment les contacter. Penchons-nous un instant sur cette question. C’est évidemment une bonne pratique pour les organisations politiques que de faciliter autant que possible l’intervention des électeurs. Mais, sans directives, une grande partie des électeurs n’a aucune idée de qui contacter ni comment. Pire encore, sauf à rendre la chose aussi simple que possible, ils ne se donneront pas ce mal.

Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que Lamar Smith ait cru qu’il pourrait faire passer SOPA en force malgré l’opposition généralisée de presque tous les acteurs de l’industrie des nouvelles technologies.

Ce que j’aurais aimé qu’ils disent

Je me réjouis que toutes ces organisations s’opposent à ce projet de loi. Mais en appeler à ce que certains nomment « l’option nucléaire » ne servira pas à grand-chose. Même si l’on se débarasse de SOPA/PIPA cette année, elles reviendront sous un nouvel avatar l’an prochain. L’industrie du divertissement a les moyens de tenter sa chance sans relâche, sachant que l’attention du public est éphémère. Les lobbyistes qui travaillent sur des sujets tel que SOPA sont payés pour les faire adopter par le Congrès. Ils peuvent s’y consacrer année après année, alors que l’électorat doit faire un effort important pour surveiller les actions de leurs représentants.

Informer les gens sur SOPA et leur demander d’appeler leurs représentants, c’est très bien, mais c’est loin d’être suffisant.

Ce que les opposants à SOPA devraient expliquer, c’est que même si SOPA est torpillé,on ne sera pas tiré d’affaire pour autant. On ne sera jamais tiré d’affaire. De plus, le public ne doit pas attendre des médias grand public qu’ils les alertent sur l’élaboration de telles lois. C’est d’autant plus vrai lorsque la loi en question est soutenue par les organisations qui possèdent ces mêmes médias.

Bien sûr, contactez vos représentants et sénateurs aujourd’hui. Protestez contre SOPA et PIPA. Mais au-delà de cela, continuez à prêter attention à ce que font vos élus. Prenez un peu plus de temps pour vous intéresser à votre gouvernement, même si cela implique de consacrer un peu moins de temps à vos loisirs.

SOPA n’aurait pas pu aller aussi loin si les électeurs avaient été mieux informés et plus actifs. Il serait rassurant de penser que le Congrès agira pour le bien des citoyens même si l’on ne garde pas en permanence un œil sur lui, mais ne soyons pas dupes.

Ce que j’aurais aimé entendre de la part de Wikipédia (et d’autres) : « Aujourd’hui, nous recourons à une mesure extrême afin d’alerter les citoyens des propositions de loi qui menacent l’internet. Nous agissons ainsi parce que c’était la seule façon d’attirer votre attention. Les médias d’information principaux n’allaient pas vous informer sur SOPA ou PIPA. Beaucoup de vos élus veulent faire passer de force des lois dangeureuses parce que ceux qui les financent l’exigent, et ils savent que vous ne leur en tiendrez vraisemblablement pas rigueur. Il est crucial de faire rejeter SOPA/PIPA, mais il y a plus important encore : que vous vous intéressiez à ce qui se passe et soyez plus exigeants avec votre gouvernement. Même si nous repoussons SOPA, la problématique perdure. Demain, chacun reviendra à ses moutons, mais il ne tient qu’à vous que les membres du Congrès reprennent leurs mauvaises habitudes ou non. »




Blackout de la Wikipédia en anglais pour protester contre SOPA le 18 janvier 2012

« Chers étudiants, faites vos devoirs à la maison avant mercredi car Wikipédia sera coupé du Net ce jour-là ». Tel est le tweet ironique envoyé par Jimmy Wales pour annoncer la fermeture totale de la version anglophone de Wikipédia demain, mercredi 18 janvier 2012, pour protester contre les mortifères lois SOPA et PIPA.

Ce n’est évidemment pas lui seul qui a pris cette grave et sans précédente décision mais l’ensemble de la communauté, comme l’explique le message de la directrice générale de la Wikimedia Foundation Sue Gardner traduit ci-dessous par nos soins.

Signalons que Framasoft se joindra également au mouvement, non seulement en guise de solidarité mais aussi voire surtout parce que nous pensons que ces lois américaines (à l’influence internationale) sont susceptibles d’impacter négativement l’ensemble d’Internet. Nous avions consacré une série d’articles à SOPA en décembre dernier (voir aussi le dossier de La Quadrature).

À priori les wikipédias italiennes et allemandes participeront également, ne serait-ce que par un bandeau informatif, mais pas la francophone. Il semblerait que la communauté se soit réveillée trop tard pour en discuter, que pour certains ces lois sont lointaines et cet engagement « politique » en désaccord avec « le principe de neutralité ».

C’est respectable mais pour ainsi dire dommage car il s’agit là d’un signal fort (et une bonne manière de sensibiliser d’un coup un grand nombre de personnes), sans oublier pragmatiquement que la majorité des serveurs sont aux USA et que ces lois peuvent brutalement couper les accès de la Wikipédia francophone aux Américains.

Wikipédia Blackout

Blackout anti SOPA de la Wikipedia en anglais le 18 janvier

English Wikipedia anti-SOPA blackout

Sue Gardner, 16 janvier 2012 – Wikimedia Foundation
(Traduction Framalang : Clochix, Poupoul2, DonRico)

Aujourd’hui, la communauté Wikipedia a décidé de fermer la version anglophone de Wikipedia pour vingt-quatre heures, dans le monde entier, à partir de 5h UTC le mercredi 18 janvier. Cette fermeture est un acte de protestation contre deux propositions de loi aux USA – le Stop Online Piracy Act (SOPA) présentée à la Chambre des représentants, et le PROTECTIP Act (PIPA) au Sénat – qui, si elles étaient votées, endommageraient gravement l’Internet libre et ouvert, dont Wikipedia.

Ce sera la première fois que la Wikipedia anglophone manifestera ainsi, et cette décision n’a pas été prise à la légère. Voici comment la présentent les trois administrateurs de Wikipedia qui ont animé la discussion de la communauté, au travers d’un extrait de la déclaration publique signée par NuclearWarfare, Risker et billinghurst :

La communauté de la Wikipedia anglophone estime que ces deux lois, si elles étaient votées, seraient dévastatrices pour le Web libre et ouvert.

Au cours des dernières soixante-douze heures, plus de 1.800 Wikipédiens ont participé à une discussion visant à définir les actions que la communauté pourrait vouloir entreprendre contre SOPA et PIPA. C’est de loin le plus fort niveau de participation à un débat jamais vu sur Wikipedia, et cela illustre combien les Wikipédiens se sentent concernés par ces propositions de lois. L’écrasante majorité des participants est favorable à une action de la communauté afin d”encourager une participation plus générale de la population contre ces deux lois. Parmi les propositions étudiées par les Wikipédiens, ce sont celles qui conduiraient à un « blackout » de la Wikipedia anglophone, conjointement avec des blackout similaires d’autres sites opposés à SOPA et PIPA, qui ont reçu le plus de soutien.

Après un passage en revue détaillé de ce débat, les administrateurs chargés de le clore constatent un soutien solide des Wikipédiens du monde entier, et pas seulement aux États-Unis, en faveur d’une action. L’opposition principale à un blackout généralisé du réseau Wikipedia venait de membres de la communauté préférant que le blackout se limite aux visiteurs américains, et que le reste du monde ne voie s’afficher qu’un simple bandeau d’explication. Nous avons néanmoins relevé qu’environ 55% des Wikipédiens en faveur du blackout préféraient une action mondiale, nombre d’entre eux faisant part d’inquiétudes concernant des lois similaires dans d’autres pays.

En prenant cette décision, les Wikipédiens essuieront des critiques pour avoir abandonné leur neutralité et pris un position politique. C’est une question justifiée et légitime. Nous souhaitons que les internautes accordent leur confiance à Wikipedia, et ne craignent pas d’être soumis à une quelconque propagande.

Mais bien que les articles de Wikipedia soient neutres, son existence ne l’est pas. Comme l’a écrit récemment Kat Walsh, qui appartient au conseil d’administration de la Wikimedia Foundation, sur une de nos listes de discussion :

Nous dépendons d’une infrastructure légale qui nous permet de publier nos sites. Et nous dépendons d’une infrastructure légale qui permet aussi à d’autres sites d’héberger du contenu produit par les utilisateurs, qu’il s’agisse d’information ou d’avis personnels. Le rôle principal des projets Wikimedia consiste à organiser et rassembler le savoir mondial. Nous l’intégrons dans son contexte et permettons à nos visiteurs de le comprendre.

Mais ce savoir doit être publié à un endroit où tout un chacun peut y accéder et l’utiliser. Si ce contenu pouvait être censuré sans autre forme de procès, cela serait néfaste pour qui veut exprimer son opinion, pour le public, et pour Wikimedia. Si l’on ne peut s’exprimer que si l’on a les moyens d’affronter des défis juridiques, ou si une opinion doit être approuvée au préalable par quelqu’un qui les a, on ne trouvera plus sur internet qu’un même ensemble d’idées consensuelles.

La décision d’éteindre la Wikipedia anglophone ne vient pas que de moi – elle a été prise collégialement par de nombreux éditeurs du réseau. Et je la soutiens.

Comme Kat et le reste du conseil d’administration de la Fondation Wikimedia, je considère de plus en plus la voix publique de Wikipedia et la bonne volonté que les gens ont pour Wikipedia comme une ressource qui doit être utilisée pour le bénéfice du public. Les lecteurs font confiance à Wikipedia parce qu’ils savent que malgré ses erreurs, Wikipedia a le cœur au bon endroit. Wikipedia n’a pas pour but de monétiser leurs visites ou de leur faire croire quoi que ce soit de particulier, ni même de leur vendre un produit. Wikipedia n’a pas de programme secret : elle veut seulement être utile.

C’est moins vrai pour d’autres sites. La plupart ont des motivations commerciales : leur objectif est de gagner de l’argent. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas le souhait de rendre le monde meilleur (beaucoup le font), mais que leurs positions et leurs actions doivent être envisagés dans un contexte d’intérêts contradictoires.

Je nourris l’espoir que, lorsque Wikipedia fermera le 18 janvier, les internautes comprendront que nous le faisons pour nos lecteurs. Nous soutenons le droit de chacun à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression. Nous estimons que tout le monde devrait avoir accès à du matériel éducatif pour un large éventail de sujets, même s’ils ne peuvent pas le payer. Nous croyons à un internet libre et ouvert où l’information peut être partagée sans entrave. Nous croyons que des propositions de loi telles que SOPA ou PIPA, ou d’autres lois similaires en cours de discussion à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis, ne font pas avancer les intérêts du grand public. Vous pourrez prendre connaissance ici d’une liste de très bonnes raisons de vous opposer à SOPA et PIPA, proposée par l’Electronic Frontier Foundation.

Pourquoi une action globale, et pas limitée aux seuls États-Unis ? Et pourquoi maintenant, si certains législateurs américains semblent adopter une tactique de retrait vis à vis de SOPA ?

La réalité, à notre sens, c’est que le Congrès ne renoncera pas à SOPA, et que PIPA est toujours en pleine forme. Qui plus est, SOPA et PIPA ne sont que les indicateurs d’un problème bien plus important. Partout dans le monde, nous observons la mise en place de réglementations destinées à combattre le piratage et à réguler internet d’autres manières, avec pour effet de nuire aux libertés numériques. Notre inquiétude ne se limite pas à SOPA et PIPA, qui ne sont que des éléments du problème. Nous voulons que l’internet demeure libre et ouvert, partout dans le monde, et pour tous.

Le 18 janvier, nous espérons que vous partagerez notre engagement et que vous ferez tout votre possible pour faire entendre votre voix.

Sue Gardner




Le mouvement Occupy prépare un Facebook libre pour les 99 %

Ne faisant pas confiance à Facebook et autre Twitter et dans la foulée d’Occupy Wall Street, une bande de geeks cherchent à mettre en place un réseau social dédié aux mouvements d’activisme et de protestation[1].

Ils nous expliquent ici le pourquoi du comment d’un tel ambitieux projet.

Sasha Kimel - CC by

Les geeks du mouvement Occupy construisent un Facebook pour les 99%

Occupy Geeks Are Building a Facebook for the 99%

Sean Captain – 27 décembre 2011 – Wired
(Traduction Framalang/Twitter : Lolo le 13, AlBahtaar, Destrimi, HgO, Marm, Don Rico)

« Je ne cherche pas à dire que nous créons notre propre Facebook, mais c’est pourtant ce que nous sommes en train de faire, » explique Ed Knutson, un developpeur web et applications mobiles qui a rejoint une équipe de geeks-activistes qui repensent le réseautage social pour l’ère de la contestation mondialisée.

Ils espèrent que la technologie qu’ils sont en train de développer pourra aller bien au-delà d’Occupy Wall Street pour aider à établir des réseaux sociaux plus decentralisés, une meilleure collaboration en ligne pour l’entreprise et, pourquoi pas, contribuer au web sémantique tant attendu – un internet qui soit fait non pas de textes en vrac, mais unifié par des métadonnées sous-jacentes que les ordinateurs peuvent facilement analyser.

Cet élan est compréhensible. En 2010 et 2011, les médias sociaux ont permis aux manifestants du monde entier de se rassembler. Le dictateur égyptien Hosni Mubarak a eu tellement peur de Twitter et Facebook qu’il a coupé l’accès internet de l’Égypte. Une vidéo Youtube publiée au nom des Anonymous a propulsé le mouvement Occupy Wall Street, jusqu’alors confidentiel, aux actulalités nationales. Enfin, apparaître parmi les hashtags Twitter les plus populaires a fait passer #Occupy d’une manifestation ennuyeuse organisée le 17 septembre 2011 à un mouvement national, et même international.

D’après Knuston, il est temps pour les activistes de passer un cap, de quitter les réseaux sociaux existants et de créer le leur. « Nous ne voulons pas confier à Facebook les messages confidentiels que s’échangent les militants », dit-il.

La même approche s’applique à Twitter et aux autres réseaux sociaux – et ce raisonnement s’est trouvé justifié la semaine passée, lorsqu’un procureur de district du Massachusetts a enjoint Twitter de communiquer des informations sur le compte @OccupyBoston, et d’autres, liés au mouvement de Boston. (À son crédit, Twitter a pour politique de permettre aux utilisateurs de contester de tels ordres quand c’est possible.)

« Ces réseaux peuvent rester parfaitement fréquentables,jusqu’au jour où ça ne sera plus le cas. Et ça se produira du jour au lendemain », déclare Sam Boyer, un militant passé développeur web, redevenu militant, qui travaille avec l’équipe technique des occupants de New York.

À plusieurs niveaux au sein des mouvements Occupy, on commence déjà à prendre ses distances avec les principaux réseaux sociaux – que ce soit par les réseaux locaux déjà mis en place pour chaque occupation, par un projet de réseau international en cours de création appelé Global Square, à la construction duquel Knutson collabore. Il est problable que ces réseaux soient la clé de l’avenir du mouvement Occupy, car la majorité des grands campements aux États-Unis ont été évacués – supprimant de fait les espaces physiques où les militants communiquaient lors d’assemblées générales radicalement démocratiques.

L’idée d’une alternative ouverte aux réseaux sociaux détenus pas des entreprises privées n’est pas nouvelle – des efforts pour créer des alternatives à Facebook et Twitter moins centralisées et open source sont à l’œuvre depuis des années, Diaspora* et Identi.ca étant les plus connus.

Mais ces projets ne s’articulent pas spécifiquement sur les mouvements de protestation. Et la montée inattendue du mouvement Occupy aux États-Unis a renouvelé le désir d’une version open source pour une catégorie de logiciels qui joue un rôle de plus en plus important dans la mobilisation et la connexion des mouvements sociaux, ainsi que dans la diffusion de leur action dans le monde.

Les nouveaux mouvements sont tous confrontés à un défi particulièrement ardu pour des services non centralisés : s’assurer que leurs membres sont dignes de confiance. C’est un point crucial pour les militants qui risquent des violences et des arrestations dans tous les pays, voire la mort dans certains. Dans les projets de Knutson et Boyer, les réseaux locaux et internationnaux utiliseront un système de cooptation pour établir une relation de confiance. Les participants ne pourront devenir membres à part entière par eux-même comme c’est le cas avec les réseaux sociaux Twitter, Facebook et Google+.

« Il faut connaître quelqu’un dans la vraie vie qui te parraine », explique Knutson.

Selon Boyer, il est plus important d’identifier une personne comme étant digne de confiance que de s’assurer que son identité en ligne corresponde à son passeport ou à son acte de naissance.

« Je respecte les pseudonymes tant qu’on les considère comme un simple pseudonyme et non comme un masque », explique Boyer. En d’autres termes, nul ne devrait se cacher derrière un faux nom pour mal se comporter en toute impunité – ou dans un cas extrême, infiltrer le mouvement pour l’espionner ou le saboter.

Agé de 36 ans, Knutson, qui vit à Milwaukee dans le Wisconsin, a commencé l’année en tant qu’observateur politique avant de devenir un militant d’OWS convaincu. Sa métamorphose a débuté lors des grèves des fonctionnaires en février contre certaines propositions de loi du gouverneur Scott Walker, lesquelles rogneraient sur leurs traitements et affecterait les acquis de leur convention collective.

« Avant cette année, nous pensions que les choses allaient un peu vers le mieux », raconte-t-il. « Mais quand ça a commencé à bouger, en février, on s’est rendu compte que c’était de pire en pire. »

Alors qu’il organisait un camp de protestation « Walkerville », au mois de juin, Knutson a rencontré, grâce à Twitter, des membres du mouvement de protestation espagnol du 15M. Ils venaient de mettre en place un site web, « Take the Square » (Investis la Place), pour suivre les différentes occupations dans le monde, de la Tunisie à Madrid. Il a également rencontré Alexa O’Brien, fondatrice de l’organisation US Day of Rage, pour la réforme du financement des campagnes électorales, et co-fondatrice du mouvement Occupy Wall Street. Après les débuts d’OWS, Knutson a passé quelque temps sur la Côte Est, où il s’est rendu à New York, Boston et Philadelphie et s’est joint aux techniciens de ces villes.

Grâce à toutes ces rencontres, Knutson s’est attelé au développement de la technologie nécessaire à la mise en place d’un réseau support pour les occupations internationales. Mais la politique est une affaire complexe. « Certaines personnes en Espagne en veulent à OWS, parce qu’ils ont accaparé l’attention médiatique », explique-t-il, rappelant que les occupations espagnoles ont été les premières et rassemblent encore bien plus de monde.

Homologue de Knutson, Sam Boyer se concentre sur les occupations américaines, en mettant au point les technologies qui permettent de rassembler par interconnexion ces réseaux sociaux à travers le pays avec le titre adéquat de « Federated General Assembly » (NdT : Assemblée Générale Fédérée), ou FGA. Son travail sur Occupy lui a donné une vue globale du mouvement.

Lorsqu’il était étudiant en 2005, Boyer, qui a maintenant 27 ans, s’est impliqué au sein de la « Student Trade Justice Campaign », une organisation qui concentre ses efforts sur la réforme de la politique commerciale. En 2007, il voulait mettre en place une plateforme en ligne pour organiser en groupe les sections locales, et relier ces groupes pendant les discussions nationales – grosso modo la fonction de la FGA. Mais Boyer n’a pu la mettre en place, relate-t-il. « Quand j’ai commencé, je ne savais même pas programmer. »

Boyer s’est donc lancé dans l’apprentissage du développement web, pour lequel il s’est pris de passion. D’abord principalement activiste, il s’est ensuite surtout consacré au code. Sa spécialité est le CMS libre Drupal, sur lequel fonctionnera la FGA.

Knutson, Boyer et les autres geeks d’Occupy n’ont cependant pas à tout construire eux-mêmes. « Il existe des standards déjà depuis longtemps, et nous ne réinventons pas la roue », explique Boyer.

Par exemple, les projets s’appuieront sur un ensemble de technologies connues sous le nom d’OpenID et OAuth, grâce auxquelles un utilisateur peut se connecter sur un nouveau site en utilisant son identifiant et mot de passe d’un réseau social comme Facebook, Google ou Twitter. Ces technologies permettent de s’inscrire à un nouveau service, en se connectant à un compte Twitter ou Google, lequel vous identifie sur le nouveau site sans transmettre votre mot passe tout en vous évitant de devoir vous souvenir d’un énième couple identifiant/mot de passe.

Dans la nouvelle technologie OWS, le réseau d’occupation locale d’un militant peut se porter garant d’un utilisateur auprès d’un autre réseau, et l’ensemble des réseaux locaux se faisant mutuellement confiance, ils peuvent se fier à ce militant. Quelqu’un peut se connecter à un réseau, publier et commenter sur tous les autres.

Certains messages sensibles, concernant par exemple la désobéissance civile, seraient privés. D’autres, comme une liste de revendications ou un communiqué de presse, seraient publics, mais seuls les membres reconnus du réseau pourraient les créer.

FGA veut se distinguer du « Moi, moi, moi » narcissique de Facebook, et se destine surtout aux groupes, pour travailler collectivement sur des sujets définis tels que les banques et monnaies alternatives, ou encore une réforme du mode de scrutin.

Et il y a de quoi faire. Actuellement, la gestion des groupes dans les sites liés à Occupy est une vraie cacophonie.

« En arrivant, la première chose tu vois, c’est un flux de messages inutiles », selon Boyer. Chaque commentaire – qu’il s’agisse d’une idée brillante, d’un troll ou du dernier message d’une ribambelle de « moi aussi » -, apparaît dans le fil et se voit validé. « La seule garantie que vous avez, c’est qu’une personne seule – et pas le groupe dans son ensemble – a jugé ce message digne d’intérêt », déplore-t-il.

Dans le système de la FGA, chaque groupe discute des informations à publier sur sa page d’accueil, comme la description d’un événement, un article de blog ou le procès-verbal d’une rencontre. « De la même manière que, lorsque vous consultez Reddit, vous savez que les premiers articles sont ceux qui sont les mieux notés, l’utilisateur peut savoir que les messages apparaissant sur une page d’accueil résultent de l’accord concerté du groupe », déclare Boyer.

Les codeurs militants veulent également être en mesure d’obtenir et publier des infos, de les partager avec le reste du mouvement. L’idée, c’est qu’ils disposent de systèmes disparates classant les infos avec des mots-clé communs qui permettront un jour d’effectuer une recherche sur n’importe quel site et d’acceder précisement à des résultats provenant de partout dans le monde.

Le travail d’Ed Knutson consiste à permettre à ces sites de communiquer, même si le contenu peut être en langues différentes (anglais, espagnol, arabe, etc.) et généré par différents systèmes de gestion de contenu (ou SGC) comme Drupal ou WordPress. Le réseau social Global Square sera connecté non pas à travers ces systèmes, mais à partir des standards du « web sémantique » conçus pour lier des technologies disparates.

Un standard clé dans ce domaine porte le nom verbeux de Cadre de Description de Ressource, ou CDR, un système d’étiquetage universel.

Si un indigné veut poster le procès-verbal d’une réunion, par exemple, il peut les entrer dans la boîte texte appropriée, grâce au logiciel de gestion de contenu qui motorise le site. Ce logiciel envoie l’information à une base de données CDR et lui associe un certain nombre de mot-clés universels – par exemple « procès-verbal », ou quelque autre terme sur lequel les mouvements d’occupation se seraient mis d’accord. L’occupant local pourrait aussi sélectionner « Groupe : Alternatives Bancaires » dans une liste déroulante de propositions et ce mot-clé y serait ajouté aussi. Utiliser les mêmes étiquettes permet à tous les sites d’échanger de l’information. Ainsi, une recherche portant sur un procès-verbal de la part d’un groupe Alternative Bancaire afficherait les entrées de n’importe quel mouvement d’occupation comportant un groupe de ce genre.

Avec CDR, les sites peuvent interagir même s’ils fonctionnent avec différents logiciels de gestion de contenu, comme Drupal (utilisé par la FGA), ou WordPress (utilisé par le groupe espagnol M15).

« La clé, c’est que tout passe par CDR », explique Knutson. « Qu’importe s’ils utilisent Drupal ou un truc à la Frankenstein qui combine différents outils. »

Les codeurs seront toutefois confrontés au problème qui affecte le web depuis des années – les uns et les autres devront se mettre d’accord sur des standards et les adopter. Un projet de longue haleine qui cherche à accélérer ce processus s’appelle Microformats – une façon d’inclure dans le HTML des balises de données invisibles pour le visiteur humain, mais qui peuvent être comprises par leur navigateur ou par un moteur de recherche. Cela permet notamment de marquer des informations de contact de sorte que le lecteur puisse les ajouter à son carnet d’adresse d’un simple clic, ou d’annoter une recette pour qu’un moteur de recherche permette de chercher les recettes contenant l’ingrédient « épinards ».

Ces moyens de liaison et de collaboration seraient utiles bien au-delà du mouvement Occupy.

« Je pense que n’importe quel groupe de petite ou moyenne taille, ou une équipe constituée d’un membre dans huit villes différentes, pourrait l’utiliser pour collaborer », explique Knutson. Et il ne voit aucune raison de ne pas répandre cette technologie dans les entreprises.

« Tous les propriétaires de PME font partie des 99% », poursuit-il. « Par ailleurs, chercher à établir des relations avec les entreprises… c’est assez important si l’on veut un impact tangible. »

« Notre projet, c’est en grande partie de permettre une meilleure communication, afin que cette discussion cacophonique soit mieux coordonnée », précise Boyer, en évoquant à titre de comparaison l’atelier OWS d’une conférence ayant eu lieu le 18 décembre à New York, au cours duquel le modérateur avait demandé à chacun de crier sa meilleure idée pour le mouvement.

Toutes étaient sans doute de bonnes idées, raconte Boyer. Mais il n’a pu en entendre une seule, car elles étaient noyées dans le brouhaha.

La toile de confiance entre réseaux, les étiquetages CDR qui lient les données entre les occupations, les consensus des groupes de travail sur le contenu à publier, tout est conçu pour aider les personnes à se connecter les unes aux autres et accéder à la bonne information. « Que la multitude de gens qui si’ntéressent au mouvement comprennent l’ampleur de ce qui se passe », dit Boyer. Mais pour l’instant, tous ces projets restent au stade des idées. Et quoi qu’il en émerge, cela viendra par fragments.

Sam Boyer espère un lancement dans les prochaines semaines de ce qu’il qualifie de tremplin – une liste des mouvements d’occupations à travers le monde, appelé en toute simplicité, pour l’instant, directory.occupy.net. Le site Take the Square du mouvement M15, fournissait, comme d’autres, quelque chose d’équivalent depuis mai. Mais directory.occupy.net sera unique dans son utilisation des CDR et autres technologies pour étiqueter l’ensemble des données. Il permettra aussi aux participants de tous les mouvements d’occupation d’être maîtres de leurs contributions et de les mettre à jour.

« Ce répertoire devrait être utile, mais ce n’est pas encore notre lancement en fanfare », tempère Boyer. Il espère qu’il aura lieu quelque part au printemps, lors du lancement d’une version rudimentaire de FGA.

Le réseau Global Square que Knutson contribue à mettre en place est en voie de finalisation et devrait être lancé en janvier, avec des liaisons basiques entre divers sites Occupy qui permettront d’échanger des messages, republier des articles et poster des commentaires inter-réseaux.

« Selon moi, ce serait déjà un succès considérable que d’amener quelques-uns de ces outils de conception web utilisés par tout le monde, comme Elgg, Drupal, MediaWiki et peut-être WordPress, à travailler ensemble », explique-t-il.

Mais le simple fait d’organiser cette discussion n’a pas été une mince affaire. « C’est difficile d’amener les uns et les autres à se pencher sur ce genre de question. »

Notes

[1] Crédit photo : Sasha Kimel (Creative Commons By)




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Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

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Références :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)