Les logiciels libres ne sont pas les bienvenus dans l’App Store d’Apple

Annia316 - CC byNous avons déjà eu l’occasion d’en parler, Apple enferme les utilisateurs dans une prison dorée et les développeurs de logiciels dans une prison tout court !

Pour que votre application soit en effet proposée dans l’App Store, il est d’abord nécessaire qu’elle convienne à Apple qui se réserve le droit de la refuser sans fournir d’explication (et gare à vous si un bout de sein dépasse !)[1].

Mais une fois cet obstacle franchi, il faut aussi et surtout accepter les conditions d’utilisation de la plateforme.

Or ces conditions sont restrictives et donc discriminantes si on les observe avec le prisme des quatre libertés d’un logiciel libre. Elles interdisent donc aujourd’hui à un logiciel libre de pouvoir faire partie du catalogue parce que sa licence se télescope alors avec les termes du contrat d’Apple.

Un logiciel libre simulant le jeu de Go, GNU Go, s’est pourtant retrouvé récemment dans l’App Store. Et qu’a fait Apple lorsque la FSF lui a écrit pour soulever la contradiction et voir ensemble comment améliorer la situation ? Elle a purement simplement retiré GNU Go de sa plateforme, manière pour le moins radicale de résoudre le problème !

C’est l’objet de notre traduction du jour, qui constate au passage que cela se passe pour le moment mieux dans le store Android de Google.

On est en plein dans la problématique d’un billet précédent opposant la liberté à la gratuité. Ce n’est pas le fait que GNU Go soit gratuit qui contrarie Apple. C’est bien qu’il soit libre. Libre d’échapper au contrôle et aux contraintes imposés aux utilisateurs, sachant que c’est justement pour cela qu’il a été créé !

Apple préfère supprimer une application plutôt que s’encombrer d’une licence Open Source

Apple would rather remove app than leave open-source license

Amy Vernon – 11 juin 2010 – NetworkWorld
(Traduction Framalang : Don Rico, Joan et Goofy)


Pourquoi GNU Go a disparu de l’App Store d’iTunes, et pourquoi Apple a tort.


Qu’ils soient gratuits ou payants, ce sont les jeux qui rencontrent le plus grand succès dans les app-stores pour mobiles. Rien de surprenant, donc, que GNU Go, version libre du Go, jeu aussi ancien que populaire, ait été disponible gratuitement sur la boutique en ligne de l’iTunes. Jusqu’à récemment en tout cas.

Sa disparition est le résultat direct d’une plainte de la Free Software Foundation, qui reprochait aux conditions d’utilisation d’Apple d’enfreindre la licence du logiciel.

GNU Go est placé sous licence GPLv2, dont la Section 6 interdit expressément d’ajouter la moindre « restriction supplémentaire » à une licence qui permet à tout un chacun de copier, distribuer ou modifier le logiciel. Mais ce sont précisément les faits reprochés aux conditions d’utilisation de l’App Store, qui restreignent les supports sur lesquels on peut installer le programme.

La FSF a envoyé un courrier à Apple pour demander à l’entreprise de permettre à GNU Go (et toute autre application sous licence GPL) d’être distribuée en respectant les termes non-restrictifs de la licence, mais Apple a préféré retirer l’application.

Je me suis donc demandé quelle était la politique de Google concernant son app-store Android. Le charabia juridique a manqué me donner la migraine, mais après plusieurs lectures, il semblerait qu’un simple extrait des conditions d’utilisation de Google élimine ce problème (c’est moi qui souligne) :

10.2 Vous n’êtes autorisé (et vous ne pouvez autoriser quiconque) à copier, modifier, créer une œuvre dérivée, pratiquer de l’ingénierie inverse, décompiler ou tenter de quelque façon que ce soit d’extraire le code source du Logiciel ou toute partie dudit Logiciel, sauf si cela est expressément autorisé ou requis par la loi, ou sauf si Google vous en donne l’autorisation expresse par écrit.

Dans l’ensemble, les conditions d’utilisation de Google semblent aussi restrictives que celles d’Apple. Et on n’a probablement pas fini d’avoir de mauvaises surprises en examinant le copyright et la licence. Mais au détour de ce petit bout de phrase, voici au fond ce que dit Google : « Oh là ! Si la licence de ce logiciel dit que tu peux en faire ce que tu veux, vas-y. Sinon, pas touche ! »

Voilà la formule magique. C’est elle qui permet à Google de protéger ses produits sous copyright et ceux de ses développeurs, mais qui permet également aux logiciels d’être diffusés dans la licence de leur choix.

Apple a le droit le plus absolu de règlementer les applications en vente ou téléchargées sur son App Store. Mais l’entreprise outrepasse ses droits si elle impose des restrictions plus importantes à l’usage d’un logiciel. Bon d’accord, peut-être que légalement, l’entreprise est juste dans son droit, il n’empêche que ce n’est pas…juste.

J’aimerais croire que la formulation choisie par Google est la conséquence directe de la nature open source d’Android et de l’investissement de l’entreprise dans le monde de l’open source. Mais je suis perplexe quand je vois qu’Apple, tout populaire qu’il soit parmi les utilisateurs et défenseurs de l’open source, ne se donne pas la peine d’une simple rectification qui permettrait aux applications libres et open source d’être diffusées partout dans les mêmes conditions.

C’est juste une petite décision à prendre. Mais c’est une décision juste.

Notes

[1] Crédit photo : Annia316 (Creative Commons By)




Et l’homme créa la vie… mais déposa un brevet dans la foulée

Liber - CC by-saGrande première : des chercheurs américains sont récemment parvenus à créer une cellule bactérienne vivante dont le génome est synthétique.

Il n’en fallait pas plus pour que la presse vulgarise l’évènement en nous posant cette spectaculaire question : et si l’homme venait de créer la vie ?

C’est aller un peu vite en besogne nous précise le célèbre scientifique français Joël de Rosnay : « Craig Venter, l’auteur de la fameuse publication dans Science, n’a pas créé la vie, il a fait un copier coller du génome d’une bactérie qui existe dans la nature ». Mais il reconnaît cependant que « c’est la première fois qu’un être vivant n’a pas d’ancêtre, qu’il a pour père un ordinateur ».

Nous voici donc en présence d’un être vivant dont le père serait partiellement un ordinateur. Or qui manipule cet ordinateur ? Craig Venter et son équipe, et si l’homme est avant tout un biologiste c’est également un homme d’affaire, ce ne sont pas des fonds publics mais privés qui financent ses recherches. Ainsi Le Monde nous révèle que « Venter, qui aurait déjà investi 40 millions de dollars dans ce projet, a déposé un portefeuille de brevets pour protéger son concept de Mycoplasma laboratorium, hypothétique machine à tout faire des biotechnologies ».

Une vie qui n’est alors qu’information et données entrées dans un ordinateur mais dont l’exploitation et l’accès sont strictement contrôlés et réservés aux entreprises qui l’ont enfantée. Cela ressemble à de la mauvaise science-fiction. C’est pourtant peut-être le monde qui nous attend demain. Et l’Apocalypse arrivera plus tôt que prévu[1].

Sauf si… sauf si on insuffle là aussi un peu d’esprit « open source », nous dit cet article du The Economist traduit ci-dessous.

Avoir ou non la possibilité de « hacker la vie », telle sera l’une des questions fondamentales de ce siècle.

Et l’homme créa la vie…

And man made life

20 mai 2010 – The Economist Newspaper
(Traduction Framalang : Martin, Olivier et Don Rico)

La vie artificielle, porteuse de rêves et de cauchemars, est arrivée.

Créer la vie est la prérogative des dieux. Au plus profond de sa psyché, malgré les conclusions rationnelles de la physique et de la chimie, l’homme a le sentiment qu’il en est autrement pour la biologie, qu’elle est plus qu’une somme d’atomes en mouvement et en interaction les uns avec les autres, d’une façon ou d’une autre insufflée d’une étincelle divine, d’une essence vitale. Quel choc, alors, d’apprendre que de simples mortels ont réussi à créer la vie de façon artificielle.

Craig Venter et Hamilton Smith, les deux biologistes américains qui en 1995 ont démêlé pour la première fois la séquence d’ADN d’un organisme vivant (une bactérie), ont fabriqué une bactérie qui possède un génome artificiel – en créant une créature vivante sans ascendance (voir article). Les plus tatillons pourraient chipoter sur le fait que c’est seulement l’ADN d’un nouvel organisme qui a été conçu en laboratoire, les chercheurs ayant dû utiliser l’enveloppe d’un microbe existant pour que l’ADN fasse son travail. Néanmoins, le Rubicon a été franchi. Il est désormais possible de concevoir un monde où les bactéries (et à terme des animaux et des plantes) seront conçues sur ordinateur et que l’on développera sur commande.

Cette capacité devrait prouver combien l’Homme maîtrise la nature, de façon plus frappante encore que l’explosion de la première bombe atomique. La bombe, bien que justifiée dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, n’avait qu’une fonction de destruction. La biologie, elle, s’attache à « mettre en culture » et « faire croître ». La biologie synthétique, terme sous lequel on regroupe cette technologie et des tas d’autres moins spectaculaires, est très prometteuse. À court terme, elle devrait permettre d’obtenir de meilleurs médicaments, des récoltes moins gourmandes en eau (voir article), des carburants plus écologiques, et donner une nouvelle jeunesse à l’industrie chimique. À long terme, qui peut bien savoir quels miracles elle pourrait permettre d’accomplir ?

Dans cette perspective, la vie artificielle semble être une chose merveilleuse. Pourtant, nombreux sont ceux qui verront cette annonce d’un mauvais œil. Pour certains, ces manipulations relèveront plus de la falsification que de la création. Les scientifiques n’auraient-ils plus les pieds sur terre ? Leur folie conduira-t-elle à l’Apocalypse ? Quels monstres sortiront des éprouvettes des laboratoires ?

Ces questionnements ne sont pas infondés et méritent réflexion, même au sein de ce journal, qui de manière générale accueille les progrès scientifiques avec enthousiasme. La nouvelle science biologique a en effet le potentiel de faire autant de mal que de bien. « Prédateur » et « maladie » appartiennent autant au champ lexical du biologiste que « mettre en culture » et « faire croître ». Mais pour le meilleur et pour le pire, nous y voilà. Créer la vie n’est désormais plus le privilège des dieux.

Enfants d’un dieu mineur

Il est encore loin le temps où concevoir des formes de vie sur un ordinateur constituera un acte biologique banal, mais on y viendra. Au cours de la décennie qui a vu le développement du Projet Génome Humain, deux progrès qui lui sont liés ont rendu cet événement presque inévitable. Le premier est l’accélération phénoménale de la vitesse, et la chute du coût, du séquençage de l’ADN qui détient la clé du « logiciel » naturel de la vie. Ce qui par le passé prenait des années et coûtait des millions prend maintenant quelques jours et coûte dix fois moins. Les bases de données se remplissent de toutes sortes de génomes, du plus petit virus au plus grand des arbres.

Ces génomes sont la matière première de la biologie synthétique. Tout d’abord, ils permettront de comprendre les rouages de la biologie, et ce jusqu’au niveau atomique. Ces rouages pourront alors êtres simulés dans des logiciels afin que les biologistes soient en mesure de créer de nouvelles constellations de gènes, en supposant sans grand risque de se tromper qu’elles auront un comportement prévisible. Deuxièmement, les bases de données génomiques sont de grands entrepôts dans lesquels les biologistes synthétiques peuvent piocher à volonté.

Viendront ensuite les synthèses plus rapides et moins coûteuses de l’ADN. Ce domaine est en retard de quelques années sur l’analyse génomique, mais il prend la même direction. Il sera donc bientôt à la portée de presque tout le monde de fabriquer de l’ADN à la demande et de s’essayer à la biologie synthétique.

C’est positif, mais dans certaines limites. L’innovation se porte mieux quand elle est ouverte à tous. Plus les idées sont nombreuses, plus la probabilité est élevée que certaines porteront leurs fruits. Hélas, il est inévitable que certaines de ces idées seront motivées par une intention de nuire. Et le problème que posent les inventions biologiques nuisibles, c’est que contrairement aux armes ou aux explosifs par exemple, une fois libérées dans la nature, elles peuvent proliférer sans aide extérieure.

La biologie, un monde à part

Le club informatique Home Brew a été le tremplin de Steve Jobs et d’Apple, mais d’autres entreprises ont créé des milliers de virus informatiques. Que se passerait-il si un club similaire, actif dans le domaine de la biologie synthétique, libérait par mégarde une bactérie nocive ou un véritable virus ? Imaginez qu’un terroriste le fasse délibérément…

Le risque de créer quelque chose de néfaste par accident est sans doute faible. La plupart des bactéries optent pour la solution de facilité et s’installent dans de la matière organique déjà morte. Celle-ci ne se défend pas, les hôtes vivants, si. Créer délibérément un organisme nuisible, que le créateur soit un adolescent, un terroriste ou un État-voyou, c’est une autre histoire. Personne ne sait avec quelle facilité on pourrait doper un agent pathogène humain, ou en choisir un qui infecte un certain type d’animal et l’aider à passer d’une espèce à une autre. Nous ne tarderons toutefois pas à le découvrir.

Difficile de savoir comment répondre à une telle menace. Le réflexe de restreindre et de bannir a déjà prouvé son efficacité (tout en restant loin d’être parfait) pour les armes biologiques plus traditionnelles. Mais celles-ci étaient aux mains d’états. L’omniprésence des virus informatiques montre ce qu’il peut se produire lorsque la technologie touche le grand public.

Les observateurs de la biologie synthétique les plus sensés favorisent une approche différente : l’ouverture. C’est une manière d’éviter de restreindre le bon dans un effort tardif de contrer le mal. Le savoir ne se perd pas, aussi le meilleur moyen de se défendre est-il de disposer du plus d’alliés possible. Ainsi, lorsqu’un problème se présente, on peut rapidement obtenir une réponse. Si l’on peut créer des agents pathogènes sur ordinateur, il en va de même pour les vaccins. Et à l’instar des logiciels open source qui permettent aux « gentils sorciers » de l’informatique de lutter contre les « sorciers maléfiques » (NdT : white hats vs black hats), la biologie open source encouragerait les généticiens œuvrant pour le bien.

La réglementation et, surtout, une grande vigilance seront toujours nécessaires. La veille médicale est déjà complexe lorsque les maladies sont d’origine naturelle. Dans le cas le la biologie synthétique, la surveillance doit être redoublée et coordonnée. Alors, que le problème soit naturel ou artificiel, on pourra le résoudre grâce à toute la puissance de la biologie synthétique. Il faut encourager le bon à se montrer plus malin que le mauvais et, avec un peu de chance, on évitera l’Apocalypse.

Notes

[1] Crédit photo : Liber (Creative Commons By-Sa)




Refaire le monde, une rue après l’autre, avec OpenStreetMap

Pelican - CC by-saSavez-vous pourquoi j’aime les animaux du zoo de Berlin ? Parce qu’ils témoignent du fait qu’on peut faire mieux que Google !

Comparons la carte du zoo selon Google et selon OpenStreetMap. Cela saute aux yeux non ? Le zoo de Berlin made by Google reste désespérément vide (et ses voitures espionnes ne peuvent y pénétrer) tandis qu’il fait bon flâner dans les allées du zoo d’OpenStreetMap[1].

Bon, évidemment, il faut savoir que Murmeltiere signifie Marmotte en allemand, mais pour Pinguine, nul besoin d’explication de texte 😉

« S’il te plaît, dessine-moi un monde libre ! » Tel est, au sens propre, le projet un peu fou d’OpenStreetMap auquel nous avons déjà consacré plusieurs billets. Jetez un œil sur cette extraordinaire animation illustrant une année d’édition planétaire dans OpenStreetMap et vous partagerez peut-être ma fascination pour le travail réalisé par toutes ces petites fourmis, c’est-à-dire toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent !

Remarque : Vous trouverez sous la traduction, en guise de bonus, un extrait vidéo de notre chroniqueuse télé préférée Emmanuelle Talon évoquant l’aide qu’a pu fournir OpenStreetMap aux secours portés à Haïti juste après le triste séisme.

OpenStreetMap : Refaire le monde, une rue après l’autre

OpenStreetMap: Crowd-sourcing the world, a street at a time

Nate Anderson – 1 juin 2010 – ArsTechnica.com
(Traduction : Joan et Goofy)

Wikipédia et son modèle « crowdsourcing » (NdT : la production de contenu assurée par des milliers d’internautes amateurs plutôt que par quelques professionnels) ont rendu possible un bien commun formidable, mais tout le monde sait qu’il faut se tenir sur ses gardes : s’il s’agit de quelque chose d’important, ne faites pas confiance à l’encyclopédie en ligne sans vérifier l’information par ailleurs. Un tel modèle « crowdsourcing » aurait-il du succès pour la construction d’une carte détaillée des rues du monde ?

Il y a quelques années, cette même question a conduit à la création d’OpenStreetMap.org, une carte de la planète que tout le monde peut modifier, conçue comme un wiki. Plusieurs amis britanniques en ont eu en effet assez de la politique protectionniste en matière d’échanges de données (Ordnance Survey, l’équivalent britannique de l’IGN, a mis au point des cartes extrêmement détaillées de la Grande-Bretagne à l’aide de fonds publics, mais l’utilisation de ces données à des fins personnelles requiert l’acquisition d’une licence). Ils décidèrent donc de remédier au problème.

La question évidente était « pourquoi réinventer la roue ? ». Des cartographies excellentes de Google, Microsoft et d’autres avaient déjà une avance significative et était la plupart du temps utilisables gratuitement. Mais les services de localisation étaient en plein boom et étaient tous basés sur des données cartographiques. Le fait qu’il n’existe aucune carte du monde de qualité, gratuite et libre restait un problème.

On peut lire dans la foire aux questions d’OpenStreetMap que « La plupart des bidouilleurs connaissent la différence entre gratuit et libre. Google Maps est gratuit mais pas libre. Si les besoins en cartographie de votre projet peuvent être satisfaits en utilisant l’API Google Maps, alors tant mieux. Mais cela n’est pas le cas de tous les projets. Nous avons besoin de données cartographiques libres pour permettre aux développeurs, aux acteurs sociaux et autres de mener à terme leurs projets sans être limités par l’API Google Maps ou par ses conditions d’utilisation. ».

Une carte du monde détaillée à la rue près peut sembler un projet démesurément ambitieux, mais OpenStreetMap a vu sa côte de popularité exploser. Alors qu’à son lancement le projet ne mobilisait qu’une poignée d’amis, c’est plus de 250 000 personnes qui contribuent dorénavant à la cartographie. En peu de temps, la carte a atteint un niveau de précision incroyable, en particulier en Europe où le projet a été lancé.

Regardons l’Allemagne par exemple, où la cartographie libre est devenue un véritable phénomène de société. Le zoo de Berlin (Zoologischer Garten Berlin) est bien entendu renseigné dans Google Maps, mais il n’a que peu de détails (alors même que, contrairement à OpenStreetMap, il dispose de cartes satellitaires). Des habitants motivés de la région ont utilisé les outils d’OpenStreetMap pour faire mieux que Google et cartographier tous les animaux du zoo. Si vous voulez repérer votre itinéraire jusqu’à la tanière du « Großer Panda », c’est possible. Même les toilettes sont utilement indiquées.

Le zoo de Berlin selon OpenStreetMap :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo

La version de Google Maps :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo Google

Une plateforme !

À mesure que le succès de la carte allait grandissant, il devenait clair qu’il manquait quelque chose pour que les développeurs puissent vraiment s’exprimer. Les données cartographiques en tant que telles avaient beaucoup de valeur, mais cette valeur ne pouvait-elle pas être décuplée en créant une plateforme complète de cartographie ? Une plateforme qui pourrait supporter la charge d’applications commerciales, proposer des services de routage côté serveur, faire du geocoding ou du geocoding inversé (NdT : retrouver latitude et longitude à partir de nom de rues), et concevoir des outils pour manipuler les données et créer les applications qui les utilisent…

C’est ainsi que CloudMade a vu le jour. Après un an de développement (l’essentiel du travail ayant été fait par des programmeurs ukrainiens), la plateforme de cartographie fournie par CloudMade est maintenant utilisée par 10 500 développeurs. Chaque semaine, la plateforme récupère les dernières données d’OpenStreetMap, ce qui fait émerger quelque chose d’inédit : la possibilité pour les utilisateurs frustrés de corriger les erreurs agaçantes sur les cartes locales, et de voir leurs modifications diffusées dans les applications en l’espace d’une semaine.

Les correctifs sont effectués « par des gens qui connaissent leur environnement » indique Christian Petersen, vice-président de CloudMade. Alors que l’on pourrait penser que le gros du travail est réalisé dans des zones comme les États-Unis ou l’Europe, Petersen précise que « 67% de la cartographie est réalisée en-dehors de ces deux régions. ».

CloudMade espère subsister financèrement en fournissant un accès gratuit aux services qui utilisent sa plateforme : en échange ils lui verseront une partie de leurs recettes publicitaires. (les développeurs peuvent également payer par avance s’ils le souhaitent).

Lorsque ce fut possible, une cartographie de base a été importée de banques de données libres comme TIGER, du bureau de recensement américain. Mais dans de nombreux lieux, la plus grande partie de la carte a été fabriquée à la main, en partant d’une feuille blanche. Les résultats sont impressionnants. Un coup d’œil à la carte révèle de nombreux détails sur des endroits comme Mumbai et La Paz, bien que les lieux très reculés comme les îles de Georgie du Sud près de l’Antarctique n’aient pas encore de données.

Des obstacles inattendus sont apparus en cours de route. En Chine par exemple, l’état place de sévères restrictions sur la cartographie privée. « Faire des affaire en Chine reste un défi » rapporte Petersen.

Et il y a parfois des modifications problématiques sur des cartes sensibles comme celle de l’île de Chypre qui connait une partition de son territoire.

Mais Petersen est convaincu que l’approche « par le peuple » de la cartographie fonctionne bien. Mieux que les alternatives commerciales en fait. « La passion est la plus forte », les entreprises commerciales de cartographie pratiquent la collecte d’informations sur un endroit donné une fois par an environ, et mettent à jour leurs cartes encore moins souvent. Lorsque les utilisateurs locaux s’impliquent, les modifications sont faites rapidement.

Nettoyez votre quartier

La précision des données a été mise à l’épreuve la semaine dernière lorsque l’entreprise Skobbler a dévoilé un outil de guidage GPS « turn-by-turn » pour iPhone, basé sur la plateforme CloudMade. Vu le prix des logiciels de navigation GPS concurrents, cela semble révolutionnaire.

Les gens sont-ils prêts à corriger leurs propres cartes ?

OpenStreetMap - ArsTechnica - SkobblerMalheureusement, le logiciel ne fonctionne pas très bien. Les « plantages » du logiciels ont été courants durant nos tests, les temps de réponse sont importants, et l’interface n’est pas intuitive. Les utilisateurs lui ont donné une note de 2 sur 5. Même le communiqué de presse officiel contenait un passage qui en disait long : « Bien que nous soyons conscients de ne pas être encore tout à fait prêts pour concurrencer les solutions commerciales, nous y arriverons bientôt. » a déclaré Marcus Thielking, co-fondateur de Skobbler.

De tels soucis peuvent être corrigés. Mais il y a un problème plus sérieux : les clients vont-ils faire confiance à un logiciel qui les encourage à cliquer sur une coccinelle pour rapporter les problèmes de cartographie ? (le clic positionne une alerte dans OpenStreetMap qui permettra aux utilisateurs locaux d’identifier et corriger les erreurs.)

Les utilisateurs pourraient rechigner à contribuer à la conception d’une carte censée leur servir de référence. Mais on disait la même chose de Wikipédia. Il est acquis que la carte est en constante amélioration, CloudMade indique que 7 017 modifications sont enregistrées par heure.

Le processus est très addictif. Un rapide coup d’œil dans mon quartier m’a révélé une petite erreur – sur la carte, une route se poursuivait par erreur dans un chemin privé à environ un pâté de maisons de chez moi. J’ai créé un compte sur OpenStreetMap, zoomé sur la zone problématique, et cliqué sur « Modifier ». Une fenêtre d’édition en flash est apparue, superposant la carte OpenStreetMap à une image par satellite issue de Yahoo. Le problème a été résolu en quelques glisser-déposer et clics, et le tour était joué – j’avais apporté ma pierre à l’édifice. (OpenStreetMap offre de nombreux outils de modification, et CloudMap en propose d’autres souvent plus élaborées. Tous impactent les mêmes données sous-jacentes.).

Ajout d’une déviation sur le Pont de Brooklyn :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Brooklyn Bridge

Vingt minutes plus tard, après avoir précisé les contours de l’étang d’un parc du voisinage, ajouté la caserne de pompiers et corrigé une rue qui traversait quelques maisons, j’ai malheureusement dû passer à autre chose. Le niveau de détail de la carte est déjà très impressionnant et la modifier était une expérience agréable. Disposer d’une telle ressource libre et gratuite sur Internet est une très bonne chose. Et si CloudMade pouvait s’associer à d’excellents développeurs et produire du code de haute qualité, cela pourrait également devenir quelque chose extrêmement utile.

Bonus Track

Chronique d’Emmanuelle Talon – La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010

« Qu’est-ce que c’est OpenStreetMap ? C’est en quelque sorte le Wikipédia de la cartographie. »

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Pelican (Creative Commons By)




Dis-moi si tu préfères bidouiller Arduino ou consommer iPad et je te dirai qui tu es

FreeduinoParmi la centaine de commentaires provoqués par notre récent article Pourquoi je n’achèterai pas un iPad, on a pu noter une opposition franche entre ceux qui pensaient qu’il était important, voire fondamental, d’avoir la possibilité « d’ouvrir le capot » logiciel et matériel de la bête, et ceux qui n’y voyaient qu’une lubie de geeks passéistes et rétrogrades.

Or aujourd’hui nous allons justement évoquer un drôle d’objet qui accepte d’autant plus volontiers de se mettre à nu qu’il sait que c’est sa principale qualité aux yeux de son enthousiaste et créative communauté.

Il s’agit de la carte Arduino qui est un peu à l’électronique ce que le logiciel libre est à l’informatique, puisque le design, les schémas, les circuits et l’environnement de programmation sont disponibles sous licence libre[1].

Pour vous en dire plus sur cet atypique hardware libre, nous avons choisi de traduire ci-dessous un article de présentation qui fait le parallèle et la liaison avec les hackers ou bidouilleurs du monde GNU/Linux.

Nous vous suggérons également cette excellente interview de Alexandra Deschamps-Sonsino, réalisée par Hubert Guillaud pour InternetActu, dont voici quelques larges extraits :

Arduino est une plateforme de prototypage en électronique. Elle permet aux gens de faire par eux-mêmes, c’est-à-dire de fabriquer des projets interactifs, des objets qui répondent, qui réagissent par exemple à la présence des gens, à leurs mouvements, aux pressions qu’ils y exercent… Arduino relie le monde réel au monde virtuel et vice-versa.

Arduino est né en 2005 au sein d’une école de Design en Italie (…). Plusieurs professeurs ressentaient le besoin d’une plateforme technique pour créer des environnements physiques interactifs, utilisables par des gens qui n’avaient pas les compétences techniques pour cela.

(…) Arduino permet de faire un lien entre une entrée et une réponse. Il agit comme un cerveau : quand il reçoit telle information, il fait telle chose, selon la manière dont je l’ai équipé ou programmé. Arduino est à la fois du hardware et du software (du matériel et du logiciel). Il se compose d’une carte électronique de quelques centimètres qu’on connecte à un ordinateur à l’aide d’un câble USB. On télécharge un logiciel gratuit sur son ordinateur qui permet de gérer et programmer la puce de la carte Arduino. Une fois programmée, cette puce exécute ce qu’on lui dit. Il n’y a plus qu’à connecter la carte à une batterie et elle fait ce pour quoi elle a été programmée.

(…) Au niveau de la communauté, cette plateforme a révolutionné la façon dont les gens pensaient et réfléchissaient à la technologie. Il a permis de ne plus penser la techno de manière abstraite, mais de produire et s’impliquer très rapidement. C’est une plateforme qui coûte peu cher (la carte de base et la puce coûtent une vingtaine d’euros). Toute l’information nécessaire pour accéder au matériel et à son fonctionnement est en ligne, en open source, que ce soit via les forums ou via l’aire de jeux (où la communauté publie codes, plans, tutoriels et astuces). La communauté est désormais forte de quelque 6000 personnes très présentes dans les forums pour accueillir et accompagner les débutants. Il s’est vendu plus de 60 000 cartes Arduino à travers le monde et la distribution est désormais mondiale.

(…) L’internet nous a permis de faire plein de choses avec nos vies en ligne… et nous a donné envie de faire la même chose avec les objets de tous les jours.

Depuis la révolution industrielle, on a beaucoup créé de dépendances aux produits déjà fabriqués, déjà organisés. Le mouvement DIY (Do It Yourself, Faites-le vous-mêmes) qui se développe depuis 2 ans, réunit une communauté qui ne veut plus accepter des produits tout finis, tout cuits. Cette nouvelle vague de hackers (bidouilleurs) essaye de regarder ce qu’il y a l’intérieur, alors que les conditions d’utilisation n’encouragent pas les gens à regarder ce qu’il y a l’intérieur de ce qu’ils achètent. (…) Le DIY devient un outil pour la microproduction, permettant à chacun de créer son propre business, de fabriquer 20 exemplaires et de voir ce qu’il se passe. Le DIY est finalement important pour sortir du carcan de la mégaproduction. Avant, il fallait un grand marché potentiel pour lancer un produit. Avec l’internet et des plateformes comme Arduino, chacun a accès à sa micro production.

Arduino s’inscrit donc en plein dans cette approche DIY (Do It Yourself), ou, encore mieux, du DIWO (Do It With Others), que l’on retrouve dans les Fab lab (lire à ce sujet cet article de Rue89).

Le professeur que je suis se met à rêver d’une utilisation accrue de ces objets libres dans nos écoles, en particulier en cours de technologie au collège[2].

Plus de curiosité, de créativité, d’esprit critique, d’autonomie, et d’envie d’appprendre, comprendre et entreprendre ensemble, pour moins d’idolâtrie, de passivité et d’individualisme consumériste : une « génération Arduino » plutôt qu’une « génération iPad » en somme…

PS : Tous les liens de l’article ont été ajoutés par nos soins pour en faciliter la compréhension.

Arduino – La révolution matérielle

Arduino – the hardware revolution

Richard Smedley – 23 février 2010 – LinuxUser.co.uk
(Traduction Framalang : Yoann, JmpMovAdd, Siltaar et Goofy)

Chaque année on nous annonce que ce sera « l’année de Linux sur nos écrans d’ordinateur ». Or cette percée tant attendue du logiciel libre chez le grand public tarde à arriver. Mais au moment même où nous guettons des signes d’espoir tels que les ventes de netbooks sous Linux, l’apparition de sites en Drupal ou le développement des téléphones Android (dont une partie est libre), une autre révolution est en marche, dans le monde physique et pourtant pas si éloigné de la sphère d’Internet.

Et voici Arduino qui fait son entrée : un faible coût, un code source ouvert, une carte matérielle pour le raccordement du monde réel à votre ordinateur, et/ou à tout l’Internet. Que peut-on en faire ? Tout. La seule limite est l’imagination, et comme vous allez le voir à travers quelques exemples de créations que nous passons en revue ici, l’invention de nouveaux usages est la seule règle.

Matériel ouvert

Tout comme dans le cas de GNU/Linux, la propagation de ce matériel tient aux raisons suivantes : tout le monde le possède, peut l’améliorer et il donne envie de s’y impliquer. Les plans de référence pour Arduino sont en effet distribués sous licence Creative Commons (le logiciel est quant à lui naturellement sous licence libre en GPL/LGPL), et la société italienne qui est derrière cette plateforme, Smart Projects, accepte avec plaisir les nouveaux collaborateurs et les suggestions alternatives. Les cartes sont réalisées en différents formats, vendues partout dans le monde entier, et si vous souhaitez en fabriquer une vous-même, le Web regorge de modèles différents, quel que soit votre niveau de compétence.

Le nombre de cartes utilisées est estimé à plusieurs centaines de milliers, mais comme dans le cas des distributions Linux, la possibilité de les copier librement rend délicat le décompte précis. Ce qui n’est pas difficile c’est de constater la nature véritablement ouverte des communautés en ligne et l’émergence de nombreuses réunions entre hackers autour des projets Arduino. Ceci a généré un flot continu des projets géniaux menés par toutes sortes de personnes à la fibre créative et artistique. Mais d’abord, un peu d’histoire…

Ceux qui ont de la mémoire et un intérêt pour l’histoire des geeks et du mouvement du logiciel libre se souviennent peut-être du Tech Model Railroad Club (TMRC) – un groupe d’étudiants du MIT créé dans les années 1950 qui s’étaient réunis pour jouer avec les trains électriques. Certains s’intéressaient avant tout aux modèles réduits mais d’autres se passionnaient pour les circuits, l’aiguillage et tout ce qui fait que les trains partent et arrivent à l’heure. C’est le fameux Signals and Power Subcommittee (NdT : Sous-comité des signaux et de l’énergie) qui a mis en œuvre dans les années cinquante et soixante un système de contrôle numérique semi-automatique très brillant, avant d’acquérir un ordinateurs PDP-11 en 1970.

Les membres du TMRC on incarné très tôt la culture hacker, lui donnant son vocabulaire et ses termes de référence. Beaucoup sont devenus des pionniers au sein des premières grandes entreprises d’informatique (DEC, …). Mais cette culture hacker correspondait bien au stéréotype américain du « nerd » : le génie sociopathe qui n’arrivait jamais à avoir de petite copine (au TMRC il n’y avait, inévitablement, que des garçons).

Les logiciels libres et la culture hacker ont toujours souffert d’un problème d’image, si bien que la participation féminine dans l’informatique professionnelle a chuté de 50% à 20% pendant les 50 dernières années, certain projets libres ont la proportion dérisoire de 1% de femme. C’est déplorable, les gars, vraiment ! mais il y a des lueurs d’espoir.

Au-delà d’Arduino

Les modules sont basées sur les micro-contrôleurs Atmel AVR et une conception open source. Il vous est donc facile de faire votre propre Arduino et en fait il existe beaucoup de versions de ce que l’on appelle les Freeduinos qui ont été créés pour des besoin très différents.

Même le micro-contrôleur Atmel n’est pas indispensable – du moment que l’interface et le langage sont compatibles, on peut bricoler toutes sortes de clones. Il existe aussi des kits pour créer son propre Arduino, vous pouvez même construire votre propre carte si vous êtes à l’aise avec l’électronique embarquée. C’est ce que font finalement certains après des expériences fructueuses avec l’Arduino, bien qu’ils ne soient pas à priori des hackers de systèmes embarqués.

Ainsi la télécommande Arduino pour caméra de Michael Nicholls’s, élaborée avec au Fizzpop hackerspace, est un voyage parmi les oscillateurs et les signaux carrés de contrôle. Chaque projet peut s’avérer aussi amusant qu’éducatif, et en fait, la vie ne devrait-elle pas toujours lier ces deux éléments ? Les télécommandes pour caméra sont un projet populaire, mais ceux qui souhaitent les rendre encore plus petites vont au-delà du projet Arduino, et développent leurs propres cartes mères.

Pour Abdul A Saleh et Aisha Yusuf, le projet Arduino a été une étape puisqu’ils bidouillaient un circuit à brancher sur des radios ordinaires jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’un service Web serait plus utile pour leur idée de startup, un moyen de trouver des émissions télé connexes. Leur système peut désormais pointer sur des podcasts au lieu de parcourir les stations de radios, mais « c’est cela qui donne désormais un nouvel élan à de notre projet » indique Yusuf.

En creusant autour de l’univers amical des hackers d’Arduino on trouve plusieurs startups, micro-sociétés et excellentes petites entreprises de constructeurs, vendeurs et formateurs, ainsi que des artistes. Certains, comme .:oomlout:. entrent dans toutes les catégories à la fois.

Beaucoup sont allés du « suivre la voie du matériel libre », à « poursuivre leur rêves ». Tout comme l’Internet mobile, les ordinateurs portables et les cybercafés ont permis aux créatifs numériques de se lancer en freelance à moindre frais, le bidouilleur de matériel dédié a besoin de son espace de travail partagé à moindre coût, avec si possible plein de collègues créatifs autour. Pour répondre à ce besoin, les hackerspaces (NdT : que l’on pourrait éventuellement traduire par « bidouilloires ») ont finalement vu le jour au Royaume-Uni.

Hackerspaces

Si le netbook n’a pas complètement fait de 2009 « l’année de Linux dans les ordinateurs grand public », il a vu l’arrivée en retard des hackerspaces sur ses rives, avec des groupes se formant à Birmingham, Brighton, Exeter, Leeds, Liverpool, Londres, Manchester, Shrewsbury, Stoke-on-Trent et York, avec deux groupes distincts coopérant à Manchester. (NdT : le même phénomène s’est produit en France avec au moins cinq hackerspaces rien qu’à Paris – voir Hackerspace.net et ce reportage de Rue89)

Fabrique le toi-même, ne l’achète pas. L’éthique du hacker sonne bien ces temps-ci, alors que l’intérêt pour les jardins familiaux va croissant et que les journaux multiplient les dossiers pour nous aider à bâtir des maisons plus écologiques. Ce n’est plus le « fais-le marcher et répare », hérité de nos parents avec le rationnement en temps de guerre, et l’austérité qui a suivi, mais un défi post-société de consommation, pour trouver de la valeur au-delà du « je suis ce que je consomme », par une implication plus profonde dans les choses qui nous entourent. C’est cette implication que l’on retrouve avec les projets Arduino et les réalisations complexes sorties des hackerspaces. Ils témoignent d’une approche vraiment ludique et d’une certaines aisance avec la technologie plutôt que son rejet.

L’Homo sapiens est la seule race définie par les objets dont elle s’entoure, et qui ne peut survivre sans les outils qu’elle fabrique. Des recherches archéologiques ont montré que les néanderthaliens de l’âge de pierre, vivant dans des caves, sans agriculture, et survivant grâce à la chasse et à la cueillette, employaient leurs précieuses heures de temps libre à fabriquer des bijoux et du maquillage.

Il semble que l’envie de jouer, de se parer et de s’amuser soit inhérente à ce que nous sommes. Les hackers et les artistes qui utilisent les modules Arduino pour s’amuser avec le matériel ne sont ni des fondus de technologie ni des artistes d’avant-garde mais la simple incarnation de l’esprit de notre temps.

Quelques liens connexes (en vrac)

Ne pas hésiter à en ajouter d’autres références dans les commentaires et bien entendu à donner votre avis sur Arduino, son modèle et notre choix discutable de l’opposer ici symboliquement et sociologiquement à l’iPad.

Notes

[1] Crédit photo : Freeduino.org (Creative Commons By)

[2] Il est à noter que le groupe toulousain LinuxÉdu (voir ce billet du Framablog) propose le 5 juin prochain une découverte d’Arduino parmi les nombreuses autres actions de sa journée de sensibilisation.




Meurtre collatéral en Irak ou quand la censure se cache derrière le copyright

The US Army - CC byNouvelle traduction du blog de notre ami Glyn Moody qui, citant l’exemple d’une bavure de l’armée américaine en Irak[1], n’y va pas de mainmorte dans ses griefs contre le copyright : « Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de motivation pour créer — ils doivent le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique. »

Difficile de lui donner tort…

Meurtre Collatéral, Dommages Collatéraux

Collateral Murder, Collateral Damage

Glyn Moody – 16 mai 2010 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Joan et Goofy)

Si vous n’avez pas vu « Meurtre Collatéral », la vidéo choquante — mais importante — qui montre le mitraillage sans scrupules de civils irakiens (suivi d’un lancement de missile sur un minibus avec des enfants à l’intérieur), ne la manquez pas sur Wikileaks, sa source d’origine. Malheureusement, vous ne la trouverez peut-être pas sur YouTube ni sur les autres sites de partage de vidéo, puisqu’elle a été enlevée (bien qu’apparemment celle de YouTube soit à nouveau disponible).

Vous pourriez penser qu’il s’agit d’un exemple de censure caractérisée, mais d’une certaine façon, c’est encore pire :

« Collateral Murder, vue plus de 6 millions de fois, enlevée de YouTube après une requête en violation de copyright http://bit.ly/aS3bMk »

Vous avez bien lu, elle a été enlevée sur la base d’une accusation de violation de copyright, et non parce que quelqu’un la trouvait trop choquante pour être montrée. L’idée qu’une telle action puisse être entreprise sur la violation du monopole de quelqu’un, pendant que le massacre de sang-froid de civils irakiens est caché sous le tapis, est évidemment répugnante.

Mais c’est tout simplement un autre effet pervers de la loi obsolète qu’est maintenant le copyright — un dommage collatéral en quelque sorte.

Après tout, le copyright a grandi en Angleterre afin de contrôler le flux d’information, en permettant aux gens d’en devenir « propriétaires » — créant ainsi un robinet d’étranglement bien pratique.

La première loi sur le copyright était une loi de censure. Elle n’avait rien à voir avec la protection des droits des auteurs, ou avec l’encouragement à produire de nouvelles œuvres. Les droits des auteurs n’étaient pas en danger dans l’Angleterre du seizième siècle, et l’arrivée récente de la machine à imprimer (la première machine à copier au monde) donnait de l’énergie aux écrivains plutôt qu’autre chose. Tellement d’énergie en fait, que le gouvernement anglais commença à craindre que trop de travaux ne soient produits, et non trop peu. Cette nouvelle technologie rendait les lectures pernicieuses largement disponibles pour la première fois, et le gouvernement éprouva un besoin urgent de contrôler l’inondation de travaux imprimés, la censure étant à l’époque une fonction administrative aussi légitime que la construction de routes.

Nous ne devrions donc pas être surpris que le copyright soit encore aujourd’hui utilisé à des fins de censure – bien que souvent camouflé en simple problème commercial (bien qu’on se demande comment cela peut être possible lorsque l’on parle de vidéos tournées par des militaires dans une zone de guerre.).

Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de « motivation » pour créer — ils « doivent » le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique.

Toute personne qui en doute devrait lire le type de clauses incluses dans les lois anti-piratage comme le Digital Economy Act, qui permettent de bloquer des sites s’ils sont supposés héberger des travaux violant le copyright de quelqu’un. Dans les faits, cela permet au gouvernement de Grande Bretagne d’empêcher toute fuite de ses documents, puisque la loi ne comporte pas la défense de l’intérêt public. Si ce dispositif avait été présenté explicitement comme une loi pour bloquer de telles fuites, il y aurait eu une protestation générale contre la censure que cela entraîne ; mais le travestir en « protection » des pauvres artistes créateurs, le fait passer sans encombres, les seules protestations viennent des agitateurs habituels (comme moi). Plus le copyright est fort, plus le champ de la censure possible est étendu : c’est aussi simple que ça.

Suivez-moi @glynmoody sur Twitter ou identi.ca.

Notes

[1] Crédit photo : The US Army (Creative Commons By)




Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien

Jasen Miller - CC byCe billet d’anticipation se demande si le navigateur Google Chrome n’est pas en route pour doucement mais sûrement tout écraser sur son passage et si la communauté du Libre peut ou doit y faire quelque chose, sachant que l’une des principales victimes collatérales pourrait bien être Firefox.

Je me souviens des premières interventions de Tristan Nitot, il y a quatre ans de cela, quand Firefox a commencé à émerger. Il s’agissait de casser le monopole de Microsoft qui avec son tristement célèbre Internet Explorer 6 ralentissait le Web tout entier en bloquant l’innovation. Ouvert, communautaire et, last but not least, de meilleure qualité, force est de constater que Firefox a parfaitement relevé le défi en devenant l’un des exemples emblématiques de la réussite du logiciel libre[1].

À Firefox le Web reconnaissant

On est ainsi passé d’une situation où Internet Explorer culminait à 95% de parts de marché et des miettes pour les autres à celle actuelle qui voit en Europe Internet Explorer à 57%, Firefox à 30%, Google Chrome à 6% et Safari à 5%.

Extraordinaire succès pour le navigateur de Mozilla et grands progrès pour les utilisateurs puisque Firefox a également directement participé à ce que toute la concurrence tende à respecter les standards d’Internet, facilitant ainsi la vie de tous les créateurs et lecteurs de pages Web. Et si on a pu parler d’un « Web 2.0 », avec ses riches et complexes applications en ligne, c’est aussi à Firefox qu’on le doit.

Contrat rempli haut la main. Firefox nous a effectivement et indéniablement offert un meilleur Internet. Et c’est un logiciel libre conduit par une fondation à but non lucratif qui nous a fait ce cadeau-là. Merci Firefox, merci Mozilla et derrière la fondation, merci à toute sa communauté.

Sauf que la situation a tant et si bien évolué que l’on peut légitiment se demander aujourd’hui si Firefox n’est pas en train, contre sa volonté, de vivre ses ultimes heures de gloire. N’assiste-t-on pas aux prémisses de la fin d’un cycle ? Son déclin aurait-il déjà commencé ? Doit-on s’y résoudre et quelles conséquences cela peut-il bien avoir pour le logiciel libre ?

Accusé levez-vous !

Pourquoi toutes ces questions qui peuvent sembler exagérées voire provocatrices ?

Parce que Google Chrome.

Le navigateur de la firme de Mountain View a beau ne réaliser aujourd’hui que 6% malheureuses petites parts de marché, il peut potentiellement faire très mal à Firefox. Jusqu’à devenir un « Firefox-killer » si la tendance actuelle persiste.

Car c’est bien cette tendance qui inquiète. Sur la dernière année en Europe et dans le monde, Internet Explorer a encore baissé mais, pour la première fois, Firefox a stagné, tandis que Google Chrome, en pleine phase d’ascension, a plus que triplé le nombre de ses utilisateurs.

Firefox, en croissance continue ces dernières années, se trouve donc si ce n’est stoppé dans son élan tout du moins fortement ralenti. On se dit alors que ce n’est pas forcément bien grave puisque Chrome capte avant tout des utilisateurs d’Internet Explorer sur le principe des vases communicants. Certes mais ce sont autant d’utilisateurs Windows qui, faisant l’effort de changer de navigateur, ne migrent pas vers Firefox.

Et puis, il ne faut pas se le cacher, il y a également des nouveaux venus chez Chrome provenant directement de Firefox. Je vous épargne les liens vers des billets de blogs anglophones ou francophones titrant « Pourquoi j’ai choisi de remplacer Firefox par Google Chrome », mais ils existent et seraient même de plus en plus nombreux, surtout depuis que Chrome accepte les extensions.

Le grand perdant est donc clairement Internet Explorer, ce dont on ne se plaindra pas. Mais on a un nouveau gagnant, c’est inédit et cela interpelle. Y a-t-il de la place pour ces deux rivaux déclarés de Microsoft dans un secteur qui a longtemps souffert d’une absence de concurrence ? Oui à court terme mais à long terme rien n’est moins sûr, malgré les rassurants discours officiels de Google et Mozilla qui prennent bien soin de ne jamais se critiquer mutuellement.

On ne vous le dira pas publiquement mais on se marche un peu sur les pieds (puisque les deux applications se ressemblent et se positionnent comme des alternatives à Internet Explorer). Pour s’en convaincre il suffit de chercher à comprendre ce qui a bien pu motiver Google à carrément sortir un nouveau navigateur plutôt que de contribuer avec Mozilla à l’amélioration de Firefox.

Pourquoi un tel succès ?

Google Chrome soufflera sa deuxième bougie en septembre prochain. Comment une application si jeune a-t-elle pu se faire si rapidement une place dans l’espace à priori sursaturé des navigateurs ?

Il y a bien sûr la force de frappe de Google. Pour la première fois on a vu la société se payer un peu partout d’agressives campagnes de publicité. On a vu également des invitations à le télécharger apparaître sur ses propres sites (YouTube, accueil du moteur de recherche…). À n’en pas douter ça aide à faire connaitre et diffuser son logiciel.

Mais il y a surtout la qualité du produit.

Là aussi il ne faut pas se le cacher, Google a réussi à innover en débarquant avec Chrome, directement sur les trois plateformes Windows, Mac et GNU/Linux. Sécurité, interface épurée (fidèle à la tradition Google), affichage fluide et agréable, onglets indépendants, moins gourmand en ressources, une très pratique recherche à même la barre d’adresses, la présence d’extensions dans la dernière version… et puis cet argument massue : la rapidité.

Il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre que cette rapidité est réelle. Et elle est décisive parce que c’était et cela demeure, malgré les récents progrès de la version 3.6, l’un des défauts majeurs de Firefox.

On me reprochera la radicalité de ce qui va suivre, car tout est relatif dans ce bas monde, mais la raison principale de la croissance de Google Chrome est finalement d’une limpide simplicité : c’est techniquement parlant aujourd’hui le « meilleur » navigateur du marché.

Voilà ce que les ingénieurs de chez Google ont réussi à produire en à peine plus d’un an et demi ! Et l’essayer, c’est réellement prendre le risque de l’adopter.

Çà n’est qu’un début…

Oui, 6% de parts de marché pour Chrome, c’est aujourd’hui ridicule. Mais la dynamique est clairement en faveur du navigateur de Google.

Le rythme de développement de Chrome reste impressionnant. Ainsi on apprend aujourd’hui que la prochaine version 5 de Chrome sera 35% plus rapide que la précédente, c’est-à-dire l’actuelle, qui est déjà la plus rapide du marché ! Cette avance-là n’est pas prête d’être rattrapée…

Quant à la toute récente rumeur qui verrait pour la première fois Chrome (ou plutôt sa déclinaison libre Chromium) remplacer Firefox par défaut dans la prochaine version netbook de la distribution Ubuntu 10.10, elle fera à n’en pas douter jaser dans les chaumières ubunteros. L’exemple a valeur de symbole. Et si Chromium équipait par défaut toutes les versions d’Ubuntu demain ?

Et puis surtout il y a l’avènement annoncé de Google Chrome OS, ce système d’exploitation d’un nouveau genre que l’on trouvera pré-installé dans des ordinateurs neufs, et peut-être bien plus tôt que prévu. Ils ne remplaceront pas Windows du jour au lendemain, mais nul doute qu’ils trouveront leur public en augmentant d’autant l’effectif des utilisateurs du navigateur Chrome.

La gêne manifeste de la communauté du logiciel libre

Aujourd’hui que répondre à Tata Janine qui a comparé Firefox à Chrome et lui préfère ce dernier ? Quel navigateur installer sur le vieil ordinateur de Tonton Jacques alors qu’on sait très bien que Chrome ramera bien moins que Firefox ?

Qu’il est déjà loin le temps où Firefox n’avait que l’horrible Internet Explorer 6 en face de lui. Et qu’il était facile pour la communauté du Libre de trouver des arguments pour inciter à passer de l’un à l’autre. Google Chrome est un compétiteur d’un tout autre calibre pour Firefox.

Il y a donc sa redoutable qualité technique mais il y a aussi le fait que Google Chrome repose sur la couche libre Chromium. Ne l’oublions pas, Google Chrome n’est pas un logiciel libre mais presque !

Pour ne rien arranger, rappelons également la situation schizophrénique et paradoxale des ressources de la Mozilla Foundation apportées à plus de 90% par l’accord avec… Google ! Quand vous dépendez financièrement d’un partenaire qui se transforme jour après jour en votre principal concurrent, vous vous sentez légèrement coincé aux entournures !

Toujours est-il que Google soutient donc indirectement le développement de Firefox et nous propose, pour tout OS, le plus véloce des navigateurs dont la base est libre par dessus le marché. On comprendra alors aisément l’embarras de certains d’entre nous.

J’y vais ou j’y vais pas ? D’aucuns « résistent » mais d’autres « craquent ». Coupons la poire en deux en adoptant Chromium plutôt que Chrome ? C’est se donner momentanément bonne conscience, mais ne nous-y trompons pas, cela fait quand même le jeu de Google. Peut-être retrouve-t-on d’ailleurs ici la fameuse différence d’approche entre « ceux du logiciel libre » (éthique) et « ceux de l’open source » (technique), les seconds étant plus enclins que les premiers à franchir le pas.

Le débat est du reste également présent chez nous à Framasoft, puisqu’au sein de l’équipe Framakey certains ont récemment évoqué l’éventualité d’une clé plus rapide ne reposant plus sur Firefox mais sur Chromium.

En tout cas les statistiques du Framablog ne viennent pas contredire cette valse hésitation. Il y a un an on avait du Firefox à 71%, Internet Explorer à 16% et Chrome à 2%. Aujourd’hui, c’est du Firefox à 66%, Chrome à 11% et Internet Explorer à 9%. On peut supposer, chers et tendres lecteurs, que vous êtes un public averti, ce que tend à prouver les 35% qui arrivent ici sous GNU/Linux, mais cela n’empêche en rien un certain nombre d’entre vous d’avoir déjà adopté Chrome (ou Chromium ou Iron), visiblement parfois en lieu et place de Firefox.

Ce qu’il y a de caractéristique lorsque l’on discute avec quelques uns de ces nouveaux transfuges, c’est qu’il ne sentent pas forcément très fiers d’être passés à Google Chrome/Chromium. Jusqu’à éprouver comme un étrange sentiment de culpabilité d’avoir ainsi sacrifié leur fidélité à Mozilla sur l’autel du confort de leur navigation. Parce que, quand bien même aurait-on préféré Chromium à Chrome, on sait très bien que l’on se fait complice d’un Google toujours plus présent et puissant alors qu’on a plus que jamais besoin de structures comme Mozilla pour lui donner le change.

Passer de Thunderbird à Gmail n’était déjà par forcément très glorieux mais cela ne portait pas, pensait-on, à grande conséquence. Il en va différemment ici.

Au revoir et merci Firefox ?

Va-t-on se réveiller un jour en surfant plus agréablement mais en ayant perdu l’un des fleurons du logiciel libre ?

Firefox est potentiellement en danger car il est effectivement momentanément détrôné. La force marketing de Google conjuguée à l’impressionnante qualité du logiciel font aujourd’hui de Google Chrome la principale solution alternative à Internet Explorer sous Windows. Cette qualité est telle qu’elle réussit de plus à faire en sorte que même des membres aguerris de la communauté du Libre décident de l’adopter.

La belle affaire, me diriez-vous. Chrome est innovant, respectueux des standards et se base sur du libre, alors que le meilleur gagne et ainsi va la vie. Certes, sauf que nos choix ne sont pas anodins et à l’heure de l’informatique dans les nuages et de l’exploitation souvent trouble des données personnelles, nous aurions beaucoup à perdre à consolider encore davantage Google et affaiblir d’autant Mozilla.

D’un côté Google, multinationale à la taille démesurée, qui force peut-être l’admiration mais dont les contrats d’utilisation restent plus qu’ambigus. De l’autre côté Mozilla, fondation à but non lucratif dont le Manifeste aura d’autant plus de chances d’être influent que ses applications seront diffusées et utilisées.

À qui accorderiez-vous votre confiance ? Qui avez-vous envie de soutenir pour participer à rendre le Web tel que vous le souhaitez ?

J’ai évoqué plus haut ces blogs qui titrent : « Pourquoi je suis passé (la mort dans l’âme) de Firefox à Google Chrome ». Mais au sein de la même communauté on voit également fleurir en ce moment de nombreux billets diamétralement opposés qui pourraient se résumer ainsi : « Pourquoi j’ai fermé tous mes comptes Google en migrant vers des alternatives libres ». La préoccupation est là, la division également.

Oui, Firefox stagne et les indicateurs sont pour la première fois à la baisse. Mais rien n’est inéluctable et la tendance aura d’autant plus de chances de s’inverser que nous ne nous montrerons ni passifs ni complices.

Même si la différence de rapidité est flagrante au démarrage mais moins évidente à la navigation, même si les extensions lui donnent encore une longueur d’avance, il faut impérativement que Mozilla et sa communauté améliorent rapidement Firefox sinon le soutien deviendra de plus en plus délicat. La version 3.6 montre le chemin et la prochaine version 4.0 promet beaucoup et pourrait bien combler son retard voire passer devant.

Mais il convient également de se serrer les coudes et d’être solidaires face à l’adversité en ne quittant pas forcément le navire à la première vague venue. Ne dit-on pas que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît ses vrais amis ?

Notes

[1] Crédit photo : Jasen Miller (Creative Commons By)




Wired aussi critique Facebook et cherche des alternatives

DB Photography - CC byFacebook est plus que jamais sur la sellette actuellement.

Cela tient à sa croissance impressionnante qui en fait aujourd’hui un « Web dans le Web », mais cela tient également à l’évolution inquiétante de sa politique vis-à-vis des données de ses utilisateurs.

Du coup un certain nombres d’articles ont récemment vu le jour, non seulement pour la critique mais aussi pour tenter de voir comment se sortir de cette situation. Et pour certains, sortir de cette situation c’est carrément sortir de Facebook, ce qui en dit long sur la confiance accordée désormais à la société de Mark Zuckerberg[1].

Parmi les auteurs de ces articles, il y a les défenseurs biens connus des libertés numériques que sont l’EFF (Facebook’s Eroding Privacy Policy: A Timeline – traduit par Owni), Numerama (Peut-on imaginer un Facebook libre et décentralisé ?), ReadWriteWeb (Le projet Diaspora : un anti Facebook), le Standblog (L’après Facebook : Diaspora), sans nous oublier avec la traduction de l’interview d’Eben Moglen (La liberté contre les traces dans le nuage).

Mais on trouve également Le Monde (Réseaux sociaux : une autre vie numérique est possible) et le célèbre magazine Wired qui donne souvent le ton lorsqu’il s’agit des nouvelles technologies.

C’est ce dernier article que nous vous proposons traduit ci-dessous.

Facebook a maintenant des méthodes de voyou… c’est le moment de lancer une alternative libre et ouverte

Facebook’s Gone Rogue; It’s Time for an Open Alternative

Ryan Singel – 7 mai – Epicenter (Wired)
(Traduction Framalang : Goofy, Barbidule et Daria)

Facebook a maintenant un comportement de gangster, ivre des rêves d’hégémonie mondiale de son fondateur Mark Zuckerberg. Il est grand temps que le reste de l’écosystème du Web en prenne conscience et s’active pour le remplacer par un système ouvert et distribué.

Facebook était juste un endroit pour partager des photos et des idées avec les copains et la famille, et puis peut-être pour jouer à quelques jeux idiots dans lesquels on vous laisse croire que vous êtes un parrain de la mafia ou un pionnier. Facebook est devenu un moyen très utile pour communiquer avec vos amis, avec vos copains perdus de vue depuis longtemps, et les membres de votre famille. Même si vous ne désiriez pas vraiment rester en contact avec eux.

Et bientôt tout le monde a eu un profil – même votre oncle André, et aussi ce type que vous détestiez dans votre précédent boulot.

Et puis Facebook s’est rendu compte qu’il était propriétaire du réseau.

Alors Facebook a décidé que « votre » page de profil deviendrait celle de votre identité en ligne, en se disant – avec raison – qu’être le lieu où les gens se définissent procurera du pouvoir et de l’argent. Mais pour y parvenir, les gens de Facebook devaient d’abord s’assurer que les informations que vous donnez seraient publiques.

Et donc en décembre, avec l’aide des experts en vie privée de Beltway récemment engagés, Facebook a renié ses promesses de respecter les données privées : la plupart des informations de votre profil sont devenues publiques par défaut. Ce qui comprend la ville où vous vivez, votre nom, votre photo, les noms de vos amis et les groupes que vous avez rejoints.

Au printemps Facebook a poussé le bouchon encore plus loin. Toutes les éléments que vous indiquez aimer seront publics, et renverront à des pages de profil publiques. Si vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, eh bien vous perdez ces données – bien que Facebook se les garde gentiment dans sa base de données pour permettre aux publicitaires de vous cibler.

Cela comprend vos goûts musicaux, les informations concernant votre travail, ce que vous aimez lire, les établissements scolaires que vous avez fréquentés, etc. Tous les éléments qui constituent votre profil. Tout doit devenir public – avec des liens vers des pages publiques pour le moindre détail – sinon vous n’y avez pas droit du tout. On peut difficilement appeler ça un choix, et tout le système est d’une complexité à rendre fou.

Dans le même temps, l’entreprise a commencé à envoyer les informations recueillies sur votre profil vers Yelp, Pandora et Microsoft – si bien que si vous allez faire un tour sur ces sites pendant que vous êtes encore connecté sur Facebook, les services en question vous proposent une « expérience personnalisée » lorsque vous apparaissez. Vous pouvez essayer l’option de désinscription après coup, mais pour interrompre définitivement ce système vous aurez besoin d’un mastère en bureaucratie facebookienne.

Vous voudriez mettre à jour votre statut pour vos amis ? Facebook envoie par défaut tous les messages à publier à l’Internet tout entier, en les déversant dans l’entonnoir des dix plus importants moteurs de recherche. Vous disposez d’un menu déroulant pour restreindre votre publication, mais il semble que ce soit trop difficile pour Facebook de se souvenir de votre choix lors des connexions suivantes. (Google Buzz, avec toutes les critiques qu’il a essuyées, se souvient tout de même des paramètres de votre dernière publication et les utilise ensuite par défaut).

Supposons maintenant que vous écriviez un message public pour dire « mon patron a eu une idée dingue pour un nouveau produit ». Eh bien vous l’ignorez peut-être, mais il existe une page Facebook consacrée à « mon patron est dingue », et comme vous avez utilisé les mots-clés qui correspondent, votre message apparaît sur cette page. Si vous utilisez les mots « FBI » ou « CIA » vous apparaîtrez sur les pages de la CIA ou du FBI.

Et voici encore le nouveau bouton Facebook « J’aime » qui se répand sur Internet. C’est une bonne idée – mais il est entièrement lié à votre compte Facebook, et vous n’avez aucun contrôle sur la façon dont il est utilisé (non, vous ne pouvez pas déclarer aimer quelque chose sans rendre cet avis totalement public).

Et encore la campagne de Facebook pour contrer les services externes. Il existait un service appelé Web 2.0 suicide machine qui vous permettait de supprimer votre profil en échange de votre mot de passe. Facebook l’a fait fermer.

Une autre entreprise proposait une application pour rassembler tous vos messages des services en ligne – y compris Facebook – , sur un portail central après avoir confié au site votre identifiant de connexion sur Facebook. Eh bien Facebook poursuit en justice cette entreprise au motif qu’elle enfreint les lois en ne respectant pas ses conditions d’utilisation.

Pas étonnant du coup que 14 groupes de défense de la vie privée aient déposé mercredi une plainte contre Facebook pour pratiques commerciales déloyales.

Mathew Ingram de GigaOm a écrit un billet intitulé « Les relations entre Facebook et la vie privée : un véritable sac de nœuds ».

Non, au fond ce n’est pas vrai. Ces relations sont simples : votre conception de la vie privée – c’est-à dire votre pouvoir de contrôle sur les informations qui vous concernent – est tout simplement démodée aux yeux de Facebook. Le grand boss Zuckerberg a déclaré en direct et en public que Facebook se contente d’accompagner l’évolution des mœurs en matière de vie privée, mais sans les modifier – une déclaration de circonstance, mais qui est carrément mensongère.

Dans l’optique de Facebook, tout devrait être public (sauf peut-être votre adresse mail). C’est drôle d’ailleurs, cette histoire d’adresse mail, parce que Facebook préfèrerait vous voir utiliser son propre système de messagerie, qui censure les messages entre utilisateurs.

Ingram continue sur sa lancée : « et peut-être Facebook ne fait-il pas l’effort de transparence nécessaire, pour expliquer ce qui est en jeu ou comment paramétrer au plus juste la maîtrise de nos données privées – mais en même temps certains choix délibérés doivent relever de la responsabilité des usagers eux-mêmes. »

Quoi ? Comment la responsabilité du choix pourrait-elle revenir à l’utilisateur quand le choix n’existe pas réellement ? Je voudrais que ma liste d’amis devienne privée. Impossible.

J’aimerais rendre mon profil visible de mes seuls amis, pas de mon patron. Impossible.

J’aimerais soutenir une association anti-avortement sans que ma mère ou le monde entier le sache. Impossible.

Dans un service en ligne, chacun devrait pouvoir contrôler ses données privées de manière simple. Et si vous trouvez de multiples billets sur des blogs qui expliquent comment utiliser votre système de protection de la vie privée, c’est signe que vous ne traitez pas vos utilisateurs avec respect. Cela signifie que vous les contraignez à faire des choix dont ils ne veulent pas, suivant un plan délibéré. Ça donne la chair de poule.

Facebook pourait démarrer avec une page très simple avec les options suivantes : je suis une personne soucieuse de sa privée, j’aime bien partager certaines choses, j’aime bien exposer ma vie en public. Chacune de ces options commanderait des paramètres différents pour des myriades de choix possibles, et tous les utilisateurs auraient ensuite la possibilité d’accéder au panneau de contrôle pour y modifier leurs préférences. Ce serait une conception respectueuse – mais Facebook ne s’intéresse pas au respect – ce qui l’intéresse c’est redéfinir pour le monde entier la différence entre ce qui est public et ce qui est privé.

Peu importe que vous soyez un adolescent et que vous ne compreniez pas que les bureaux de recrutement des universités vont utiliser votre adresse mail pour trouver des informations – potentiellement embarassantes – sur vous. C’est votre problème, et tant pis pour vous si Facebook a décidé de devenir une plateforme d’identités à l’échelle planétaire, en vous promettant d’abord de garantir votre vie privée, puis en la divulguant à votre insu par la suite. En tout cas, c’est ce que pense l’armée de spécialistes en droit de la vie privée engagés par l’entreprise et grassement payés pour dissimuler les coups fourrés.

Facebook nous a clairement appris plusieurs leçons. Nous voulons partager plus facilement des photos, des liens et nos dernières nouvelles avec nos amis, notre famille, nos collègues et même parfois avec le monde entier.

Mais cela ne signifie nullement que l’entreprise ait gagné le droit de détenir et de définir nos identités.

C’est le moment pour les meilleurs éléments de la communauté techno de trouver un moyen pour que tout le monde puisse contrôler ce qu’il veut partager et comment. Les fonctions de base de Facebook peuvent devenir des protocoles, et tout un éventail de logiciels et de services qui interagissent pourront s’épanouir.

Imaginez que vous ayez la possibilité d’acheter votre propre nom de domaine et d’utiliser de simples logiciels comme Posterous pour créer votre page de profil dans le style qui vous convient. Vous pourriez contrôler ce que les inconnus pourraient voir, tandis que ceux que vous déclarez comme vos amis verraient une page toute différente, plus intime. Ils pourraient utiliser un service gratuit financé par la publicité, qui pourrait être procuré par Yahoo, Google, Microsoft, une foule de startups ou des hébergeurs comme Dreamhost.

Les boutons « J’aime » qui foisonnent sur le Web devraient pouvoir être configurés pour faire exactement ce que vous désirez qu’ils fassent – s’ajouter à un profil protégé, s’ajouter à une liste de vœux sur votre site, ou encore être diffusés par le service de micro-blogging de votre choix. Vous auriez ainsi le contrôle de la présentation de votre propre personne – et comme dans le monde réel, vous pourriez cloisonner les différentes parties de votre vie.

Les gens qui ne veulent pas spécialement quitter Facebook pourraient continuer à jouer avec – pourvu que Facebook arrête une fois pour toutes ses pratiques inquiétantes avec nos données, comme de fournir ces informations à des tierces parties, juste parce qu’un de vos contacts a joué au quiz « Quel personnage de l’île aux naufragés êtes-vous ? » (Si, cela se produit couramment).

Bon d’accord, il n’est pas évident du tout qu’une vague alliance d’entreprises de logiciels et de développeurs puisse transformer les services de base de Facebook en protocoles partagés, pas plus qu’il ne serait facile, pour cette coalition de services en ligne, de rivaliser avec Facebook, compte tenu de ses 500 millions d’utilisateurs. Dont beaucoup acceptent que Facebook redéfinisse leurs repères culturels, ou sont trop occupés ou trop paresseux pour laisser tomber Facebook.

Mais dans l’Internet idéal avec lequel j’aimerais vivre, nous devrions avoir cette possibilité, au lieu de nous retrouver obligés de choisir entre laisser Facebook nous utiliser et être totalement exclus de la conversation.

Notes

[1] Crédit photo : DB Photography (Creative Commons By)




Les biens communs ou le nouvel espoir politique du XXIe siècle ?

Peasap - CC byIl y a plus de dix ans, Philippe Quéau (qu’on ne lit pas assez) s’exprimait ainsi lors d’une conférence organisée par le Club de Rome (qui a eu raison avant l’heure ?) ayant pour titre Du Bien Commun Mondial à l’âge de l’Information :

« L’intérêt public est beaucoup plus difficile à définir que l’intérêt privé. C’est un concept plus abstrait. Il intéresse tout le monde, et donc personne en particulier. Plus les problèmes sont abstraits et globaux, plus ils sont difficiles à traiter et à assimiler par le public. Les groupes de pression sectoriels ont en revanche une très claire notion de leurs intérêts et de la manière de les soutenir (…) La gestion des biens communs de l’humanité (comme l’eau, l’espace, le génome humain, le patrimoine génétique des plantes et des animaux mais aussi le patrimoine culturel public, les informations dites du domaine public, les idées, les faits bruts) doit désormais être traitée comme un sujet politique essentiel, touchant à la chose publique mondiale. Par exemple le chantier de la propriété intellectuelle devrait être traité, non pas seulement d’un point de vue juridique ou commercial, mais d’un point de vue éthique et politique. »

Le bien commun ou plutôt les biens communs (attention danger sémantique) seront à n’en pas douter non seulement l’un des mots clés de ce nouveau siècle, mais aussi, si nous le voulons bien, l’un des éléments moteurs et fédérateurs des politiques progressistes de demain[1].

C’est pourquoi le Framablog les interroge de temps en temps, comme ici avec cette ébauche de traduction française d’une première version d’un texte en anglais rédigé par une allemande !

On ne s’étonnera pas de voir la culture du logiciel libre une nouvelle fois citée en exemple à suivre et éventuellement à reproduire dans d’autres champs de l’activité humaine.

Les biens communs, un paradigme commun pour les mouvements sociaux et plus encore

The commons as a common paradigm for social movements and beyond

Silke Helfrich – 28 janvier 2010 – CommonsBlog
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Tinou)

Version 1.0 – Licence Creative Commons By-Sa

Forum social mondial – 10 ans après – Éléments d’un nouvel ordre du jour

On ne peut considérer le système des biens communs comme une alternative pour le 21e siècle que s’ils représent effectivement un dénominateur commun entre différents mouvements sociaux et écoles de pensées. À mon avis, il est non seulement possible de les appliquer, mais c’est surtout un bon choix stratégique. Voici pourquoi en quinze points :

1. Les biens communs sont omniprésents. Ils déterminent notre qualité de vie de bien des manières. Ils sont présents (quoique souvent invisibles) dans les sphères sociales, naturelles, culturelles et numériques. Pensez aux outils d’apprentissage (la lecture et l’écriture), toutes ces choses qui nous servent à nous déplacer (la terre, l’air et la mer), celles qui nous servent à communiquer (le langage, la musique, les codes), toutes ces choses qu’on utilise pour nous nourrir ou nous soigner (la terre, l’eau, les médicaments) ou encore celles si cruciales à notre reproduction (les gênes, la vie sociale).

Les biens communs sont notre relation à toutes ces choses, comment nous les partageons, comment nous les utilisons. Les biens communs sont la représentation vivante de nos relations sociales, en permanence. On devrait plutôt utiliser une action (mettre en commun) plutôt qu’un nom (bien communs). Les biens communs sont une catégorie à part de production et d’usage du savoir et des biens matériels, où la valeur de l’usage est privilégiée par rapport à la valeur marchande. Mettre en commun est une pratique qui nous permet de prendre nos vies en main et de protéger, de développer ce qui nous est commun plutôt que d’assister à son enfermement et sa privatisation.

Les droits des bénéficiaire des biens communs sont indépendants des conventions formelles et du droit positif. Nous en disposons sans avoir à demander la permission et nous les partageons. Les biens communs offrent une liberté autre que celle du marché. La bonne nouvelle, c’est qu’en nous concentrant sur les biens communs, nous sortons les choses de la sphère marchande pour les mettre dans la sphère commune, nous mettons l’accent sur comment les sortir de l’autorité et de la responsabilité détenue par une bureaucratie fédérale pour aller vers une gestion des biens communs par leurs utilisateurs et la myriade de possibilités qu’elle offre, et enfin nous nous concentrons sur de nombreux problèmes et de nombreuses ressources, comme 75% de la biomasse mondiale, qui n’ont pas encore été transformés en marchandise. Voilà qui est encourageant.

2. Les biens communs établissent des ponts entre les secteurs et les communautés, ils offrent un cadre pour la convergence et la consolidation des mouvements. Les problèmes auxquels nous faisons face sont devenus trop compliqués. Pour en réduire la complexité, nous avons fragmenté ce qui ne devrait être qu’un. Dans le débat politique public, il y a une division entre différents domaines de connaissance et d’autorité. Il y a ceux qui débattent de sujet liés aux ressources naturelles (les écolos) et ceux qui débattent de problèmes culturels et numériques (les technophiles).

Il en résulte des communautés (sur-)spécialisées pour chacun des centaines de problèmes auxquels nous sommes confrontés et de nombreux chainons manquant. Au nom de la diversité des biens communs, cette fragmentation se poursuivra jusqu’à un certain point, mais elle contribue également à l’atrophie de notre capacité commune à suivre l’actualité économique, politique et technologique ainsi que les changements qui se produisent. Notre capacité à réagir à ces changements et à faire remonter soigneusement des propositions alternatives et cohérentes s’en retrouve diminuée.

Les biens communs peuvent unifier des mouvements sociaux disparates, même si leur dynamique est profondément différente, les biens communs nous permettent en effet de nous concentrer sur ce qui nous unis, sur tout ce que les communeurs ont en commun, pas sur ce qui les sépare. L’eau est une ressource finie, pas le savoir. L’atmosphère est partout, un parc ne l’est pas. Les idées se développent lorsque nous les partageons, ce n’est pas le cas de la terre. Mais ce sont là des ressources communes à tous ! Par conséquent, personne ne devrait pouvoir se prévaloir de la propriété de l’une de ces ressources. Elles sont toutes liées à une communauté.

Chacune de ces ressources est mieux gérée si les règles et les normes s’imposent d’elles-mêmes ou si elles sont légitimées par les personnes qui en dépendent directement.

3. Les biens communs amènent le débat de la propriété au-delà du clivage (parfois stérile) public/privé. Les appels en faveur de la propriété publique ne disparaissent pas pour autant, mais peut-on juger que les états nations ont été des fiduciaires des biens communs consciencieux ? Non. Protègent-ils le savoir traditionnel, les forêts, l’eau et la biodiversité ? Pas partout.

Tout ne s’arrête pas au clivage public/privé. On peut s’approprier une ressource commune partagée pendant une courte durée (pour reproduire nos moyens de subsistance), mais on ne peut pas faire tout ce qu’on veut avec. Il est primordial de garder à l’esprit que le concept de possession pour usage est différent de la propriété exclusive conventionnelle.

Contrairement à propriété, possession n’est pas synonyme d’aliénation. Et abus, commodification, maximisation des profits et externalisation des coûts au détriment des biens communs vont de pair avec la propriété. L‘externalisation des coûts est un processus courant actuellement mais il ne bénéficie à personne au bout du compte, pas même aux plus aisés que l’on incite à se réfugier dans des communautés fermées et protégées.

4. La perspective des biens communs n’est pas une lubie numérique. Elle n’est pas binaire, pas faite de 0 et de 1 ni de soit … soit. Elle ne se jauge pas non plus à l’aune de quelques succès. Nous cherchons des solutions qui dépassent les clivages idéologiques, qui dépassent les politiques chiffrées pour déterminer les réussites. Ce n’est pas juste le privé contre le public, la gauche contre la droite, la coopération contre la concurrence, la « main invisible du marché » contre les projets gouvernementaux, les pro-technologies contre les anti-technologies.

Les biens communs se tournent vers le troisième élément, celui qui est toujours oublié. Notre compréhension des ressources que nous possédons en commun en ressort approfondie, tout comme celle des principes universels (et fonctionnels) des peuples qui protègent leurs ressources communes partagées. Dans le domaine des bien communs, nous privilégions l’apprentissage de la coopération plutôt que la concurrence. Les biens communs favorisent l’autogestion et les technologies ouvertes, développées et contrôlées en commun, plutôt que les technologies propriétaires qui tendent à concentrer le pouvoir dans les mains des élites et qui leur donne le pouvoir de nous contrôler.

5. Parler des biens communs, c’est se concentrer sur la diversité. Pour reprendre les mots de l’ex-gouverneur Olívio Dutra (Rio Grande do Sul) lors du Forum Social Mondial, 10 ans après : « cela permet l’unité au travers de la pluralité et de la diversité ». La doctrine par défaut est « un monde qui contient une myriade de mondes ».

De toute évidence, l’une des forces de cette approche réside dans l’idée qu’il n’existe pas de solution simpliste, pas de schéma institutionnel, pas de miracle taille unique, uniquement des principes universels tels que la réciprocité, la coopération, la transparence et le respect de la diversité d’autrui. Chaque communauté doit déterminer les règles appropriées à l’accès, à l’usage et au contrôle d’un système de ressources partagées bâti sur ces principes.

La tâche est complexe, à l’image de la relation entre la nature et la société, particulièrement lorsqu’il s’agit de biens communs partagés à l’échelle mondiale. La communauté englobe alors l’humanité toute entière, ce qui renvoie à l’impérieuse nécessité d’un nouveau multilatéralisme au centre duquel se trouvent les biens communs.

6. Se concentrer sur les biens communs apporte une nouvelle perspective à trois grands C : Coopération, Commandement et Compétition. (NdT : On a conservé les 3 C mais on pourrait traduire Command par Pouvoir ou Gouvernance) Sans compétition, il n’y a pas de coopération, et vice versa. Mais dans une société centrée sur les biens communs, la coopération est plus valorisée que la compétition.

Le slogan est : « Battez-vous pour la place de numéro un des coopérateurs plutôt que des compétiteurs ». Les règles précises régeantant la coopération dans un système des biens communs change d’un cas à l’autre. Aucun autorité supérieure ne peut les dicter. La théorie et la pratique des biens communs nous apprennent que de part le monde, de nombreux systèmes d’administration des biens communs s’auto-régulent, c’est-à-dire qu’ils créent leurs propres systèmes de contrôle. Ou ils s’auto-régulent et se coordonnent à différents niveaux institutionnels.

Pour ce qui est du commandement, voici un conseil de la lauréat du Prix Nobel, Elinor Ostrom : « Mieux vaut inciter la coopération à travers des arrangements institutionnels adaptés aux écosystèmes locaux plutôt que d’essayer de tout diriger à distance ». De plus, les autorités supérieures, les gouvernements, les lois, les organisations internationales, peuvent jouer un rôle décisif dans la reconnaissance des biens communs. Mais pour y parvenir, les biens communs devraient déjà occuper une plus grande place dans leur vision politique.

7. Les biens communs ne dissocient pas la dimension écologique de la dimension sociale, au contraire d’une vision verte inspirée du New Deal. Il serait judicieux, dans une certaine mesure, de rendre plus visible la "valeur économique" des ressources naturelles et il est sans doute nécessaire d’inclure les coûts écologiques de la production dans l’ensemble du processus manufacturier.

Mais ça ne suffit pas. Ce genre de solution ne règle pas la dimension sociale du problème, elle tend au contraire à creuser un fossé, faisant des solutions un problème d’accès à l’argent. Ceux qui y ont accès peuvent se permettent de payer le surcout écologique, ceux qui ne l’ont pas se retrouvent laissés pour compte. Les biens communs, au contraire, apportent une réponse au problème écologique et au problème social.

Une solution au cœur de laquelle se trouvent les biens communs ne laisse personne pour compte.

8. Le concept des biens communs fait siennes plusieurs visions du monde : on y retrouve la pensée socialise (la possession commune), la pensée anarchiste (l’approche auto-organisée), la pensée conservatrice (pour qui la protection de la création est importante) et évidemment les pensées communautaristes et cosmopolites (la richesse dans la diversité) et même la pensée libérale (affaiblissement du rôle de l’État, respect des intérêts et motivations individuelles à rejoindre une communauté ou un projet).

Mais de toute évidence, toutes ces idées ne peuvent s’unir derrière un programme politique construit autour des biens communs. C’est là leur force, et c’est pourquoi les partis politiques se méprennent à leur égard ou tentent de coopter les biens communs. Si nous nous attachons à livrer un discours cohérent (voir 9), ils n’y parviendront pas.

9. L’aune à laquelle sera mesuré l’adhésion des idées politiques au paradigme des biens communs est triple et bien définie : (a) usage durable et respectueux des ressources (sociales, naturelles et culturelles, y compris numériques), ce qui signifie : pas de sur-exploitation ni de sous-exploitation des ressources communes partagées.

Partage équitables des ressources communes partagées et participation à toutes les décisions prises au sujet de l’accès, de l’usage et du contrôle de ces ressources et (c) le développement libre de la créativité et de l’individualité des gens sans sacrifier l’intérêt collectif.

10. Les biens communs ne sont pas uni-centriques mais poly-centriques. Leurs structures de gouvernance sont elles aussi décentralisées et variées. En d’autres termes : les biens communs sont poly-centriques par nature, ce qui est la condition nécessaire à une approche profondément démocratique, aussi bien politiquement (principes de décentralisation, de subsidiarité et de souveraineté des communeurs et de législations des communeurs) et économiquement (le mode de productions des biens communs réduit notre dépendance à l’argent et au marché).

11. Les biens communs renforcent un trait essentiel de la nature humaine et du comportement humain. Nous ne sommes pas seulement, loin s’en faut, l’homo œconomicus comme on nous le fait croire. Nous sommes bien plus que des créatures égoïstes qui ne se soucient que de leur propre intérêt. Nous ressentons ce besoin de nous intégrer dans un tissu social et nous nous y plaisons.

« Les biens communs sont le tissu de la vie », d’après Vandana Shiva. Nous aimons participer, nous impliquer et partager. Les biens communs renforcent le potentiel créatif des gens et l’idée d’inter-relationalité, en deux mots : « J’ai besoin des autres et les autres de moi ». Ils honorent notre liberté de participer et de partager.

Ça n’est pas la même liberté que celle sur laquelle repose le marché. Nos contributions nous donne accès à plus de choses. Mais nota bene" : ça ne se résume pas à "accès gratuit à tout".

12. Les biens communs proposent des outils d’analyse issus de catégories différentes de ceux du capitalism, notre « décolonisation de l’esprit » en est donc facilitée (Grybowski). Les communeurs rédéfinissent ce qu’est l’efficacité. Ils visent la coopération efficace, comment la favoriser et la mettre à la porté des gens.

Ils souhaitent privilégier la propriété exclusive à court terme comme moyen de subsistance plutôt que la propriété à durée indéfinie. Ils honorent les moyens de protection traditionnels des biens communs ainsi que les systèmes traditionnels de connaissance. Pour faire court : les biens communs éclairent sous un jour nouveau de nombreuses pratiques politiques et légales.

La différence est grande entre une vision communales et une vision commerciale de notre environnement. La différence est grande si l’eau est perçue comme un bien commun, c’est à dire liée aux besoins de la communauté, ou pas. Ou considérez les graines ; si vous voyez la diversité des graines comme un bien commun, vous récoltez ce dont vous avez besoin et votre indépendance alimentaire est assurée.

Si la société reconnaissait que les variétés de graines régionales font partie des biens communs, l’État appuierez de toutes ses ressources les plantations biologiques indépendantes et les petites exploitations pour qu’elles puissent poursuivre leur développement traditionnel des céréales plutôt que de gaspiller l’argent du contribuable en finançant des manipulations génétiques et l’ingénierie agro-alimentaire.

13. Le secteur des biens communs est pluriel et rassemble de nombreux protagonistes. Ces dernières années, l’intérêt porté internationalement au paradigme des biens communs s’est largement accru.

Les communeurs et les organismes se sont constitués des alliances transnationales (Creative Commons, Wikipedia, les mouvements des Logiciels Libres et de la Culture Libre, les plateformes de partage, les organismes de lutte contre l’exploitation minière, les alliances promouvant une approche de Bem-Viver, le mouvement mondial pour une agriculture durable, le Water Commons, les jardins communautaires, la communication et les projets d’informations citoyens et bien d’autres encore).

C’est en fait une explosion spontanée d’initiatives communes. Depuis que le Prix Nobel d’Économie a été attribué à Elinor Ostrom (octobre 2009), de nombreuses universités redécouvrent l’intérêt académique des biens communs.

14. Les biens communs comme mode de production alternatif. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas liés à la disponibilité des ressources.

Ils émanent du mode de production actuel. Heureusement, dans certains domaines, nous assistons à une évolution du mode de production, d’un système capitaliste (basé sur la propriété, la demande, la valeur marchande, l’exploitation des ressources et du travail, dépendant de la croissance et tiré par les profits) il est en passe de venir commun (basé sur la possession, la contribution, le partage, l’intérêt personnel et l’initiative, où le PIB est un indicateur négligeable et dont la finalité est la belle vie, le bem viver).

De nombreux projets de Production Collective Commune rencontrent le succès. C’est particulièrement le cas pour la production de savoir (Wikipédia, les logiciels libres, le design ouvert). Mais un débat palpitant se déroule actuellement pour trouver les moyens d’appliquer les mêmes principes de production collective commune à la production de ce nous mangeons, de ce que nous portons et de nos moyens de locomotion, et jusqu’où nous pouvons aller.

J’ai la conviction que c’est possible. Premièrement parce que le savoir se taille la part du lion de tout type de production. Tous les biens ne sont que des produits en devenir. Pas de production automobile ou de production agricole sans concept et sans design (d’où la part du lion de sa valeur marchande).

Et deuxièmement, les secteurs des communs qui n’ont pas encore été commodifiés et où les valeurs et les règles des communs sont bien ancrées sont nombreux et variés (économie de l’entraide, économie de la solidarité). Ces secteurs sont la preuve que chaque jour, une grande partie de ce qui nous est nécessaire est produit en dehors du marché économique.

15. Le discours des communs prône le changement culturel. Ce n’est pas simplement une approche technologique ou institutionnelle. Il incite plutôt au développement de nouvelles idées et de nouvelles actions personnelles et politiques.

Pourquoi maintenant ? Car le moment est opportun pour les biens communs.

1. Nous sommes à une période charnière, dans biens des contextes, les biens communs sont re-découverts. Le marché et l’État (seul) ont échoué à protéger les ressources communes et à satisfaire les besoins des gens. Les idéaux de l’économie de marché sont assiégés de toutes parts.

Ses mécanismes d’analyses économiques, de politiques publiques, sa vision du monde perdent leur valeur explicative, et surtout leur soutien populaire. Les gens réalisent de plus en plus que ça n’est pas à l’économie de marché que nous devons la biodiversité, la diversité culturelle et les réseaux sociaux !

2. Les nouvelles technologies ouvrent la voie à de nouvelles formes de coopération et de production décentralisée qui étaient, jusqu’alors, l’apanage des technologies de l’âge industriel. Il nous est même désormais possible de ré-affecter la production d’énergie et d’électricité aux biens communs sociaux (centrales électriques solaires citoyennes, centrales électriques résidentielles).

Nous avons la possibilité de décider quelles nouvelles ou quelles informations sont utiles à la communauté et nous pouvons les reproduire nous-mêmes grâce à la plus grande machine à copier jamais inventée : Internet. La production connait une véritable révolution, une révolution qui redéfinira les règles. Les monopoles sont menacés.

3. Les changements actuels offrent à tout un chacun une influence élargie. Une vision moderne des biens communs ne se tourne pas vers le passé.

Il faut voir plus loin qu’une simple relocalisation, notre perspective est une coopération locale, décentralisée et horizontale au travers de réseaux distribués afin que les gens puissent, ensemble, se re-approprier la création de choses, qui seront ensuite disponibles pour eux et pour tout le monde, s’ils le souhaitent. Le but étant d’alimenter les biens communs et la production commune autant que possible pour affaiblir notre dépendance à l’économie de marché.

Mais ça ne sera possible, si le nouveau mode de production est capable de résoudre les problèmes même les plus complexes, que si les productions collégiales dépassent ce que les entreprises, même les plus importantes, sont capables de mettre en place du point de vue logistique, financier et conceptuel.

Et c’est tout à fait possible ! Regardez Wikipédia ou la voiture open source. Peut-être serions nous même capable de développer des véhicules individuels 100% recyclables, qui ne consomment qu’un litre/100km si les entreprises n’avaient pas capturé les technologies et contrôlé le marché.

Dans un monde où la production commune est généralisée, les notions de centre et de périphérie disparaissent.

4. L’usage collectif et l’accès libre ou équitables aux biens communs bénéficie maintenant de nouvelles protections légales : la General Public License (GPL), les licences de partage à l’identique, des modèles de propriétés spécifiques aux ressources naturelles qui se prémunissent de la spéculation et de la sur-exploitation, des fonds d’actionnariat à ressource commune unique, les systèmes d’aqueduc au Mexique ou de récupération d’eau en Inde ou encore le droit de tout un chacun (Allesmansrätten) en vigueur dans les pays du nord de l’Europe.

Ce sont des outils puissants dont nous devons nous inspirer et qu’il vaut développer. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de créativité pour coucher nos idées en termes juridiques, des idées qui doivent respecter la grande variété de règles formelles et informelles en vigueur dans le monde pour protéger les biens communs.

5. Sans oublier, finalement, que si votre curiosité vous pousse à vous intéresser aux biens communs, vous découvrez de nouvelles choses étonnantes. Vous êtes liés à des centaines de communautés dynamiques. Vous entrapercevez une sagesse que vous ne soupçonniez pas, vous apprenez à encourager des projets et vous multipliez vos réseaux. C’est très motivant.

Connaissiez-vous l’existence du projet OpenCola ? Saviez-vous que le plus grand lac de Nouvelle Zélande, le lac Taupo, est rempli de truites ? Dans la région très touristique de Taupo, les ressources sont sous pression, mais la population de truite est toujours dynamique dans le lac car les néo-zélandais suivent un règle simple : pêchez juste ce qui vous est nécessaire pour manger (il vous faut un permis de pêche délivré par les autorités locales), n’en tirez pas profit.

Et donc, aucun restaurant de la région ne propose de truite au menu. Souvenez-vous : les biens communs ne sont pas à vendre. Et que savez-vous de la biologie libre et de la médecine participatoire ? Avez-vous entendu parler de ces innombrables banques de graines, essentiellement dans les pays du sud, et du trésor inestimable qu’elles protègent pour nous ? Et savez vous les progrès qu’a réalisé le mouvement international de promotion de l’accès libre aux ressources scolaires, ce mouvement qui vise à garantir l’accès libre à ce qui a été financé publiquement, la production du savoir ?

Avez-vous entendu parler des jardins interculturels et communautaires ou du régime des biens communs privilégiés par les pêcheurs de homards du Maine (USA) pour éviter la sur-exploitation des homards ? Et que pensez-vous des communs de crise, ces groupes où des centaines de volontaires mobilisent leurs savoirs-faire pour collecter des informations grâce aux technologies modernes pour venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles, comme après le tremblement de terre à Haïti ?

Les biens communs insufflent une nouvelle vigueur aux débats politiques. Les jeunes citoyens deviennent attentifs lorsqu’on leur parle de production pair-à-pair, car c’est ce qu’ils font. Les écolos deviennent attentifs quand on leur parle du principe des copylefts et de la reproduction virale des logiciels et du contenu.

Ils comprennent que « toutes ces licences compliquées » défendent notre liberté d’accéder au savoir et aux techniques culturelles. C’est exactement ce pour quoi ils se battent dans leur domaine.

Les technophiles sont enthousiaste de pouvoir mettre leurs incroyables capacités à contribution pour gérer des systèmes complexes de ressources naturelles. En d’autres termes, les biens communs élargissent les horizons, ils apportent un vent nouveau de pensée collective, une pensée dynamique, non-dogmatique mise en œuvre de façon innovante.

Les communs sont un nouveau concept, puissant, autonome et auto-suffisant pour constamment redonner à la vie toute sa dignité. Ils sont l’élément indispensable pour construire un mouvement divers et irrésistible à partir d’une pensée politiquement et conceptuellement cohérente.

Porto Alegre – Janvier 2010

Mise à jour du 10 mars : Une nouvelle version 2.0 sera bientôt publiée. Merci à tous pour vos précieux commentaires.

Notes

[1] Crédit photo : Peasap (Creative Commons By)