Quand l’album de Nine Inch Nails bouscule toute l’industrie musicale

Notsogoodphotography - CC byOn risque d’en parler longtemps. Imaginez-vous en effet un album de musique sous licence Creative Commons, disponible gratuitement et légalement sur tous les sites de partage de fichiers, et qui arrive pourtant en tête de meilleurs ventes 2008 sur la très fréquentée plate-forme de vente en ligne Amazon !

Voilà une nouvelle qui fait du bien et qui va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues véhiculées notamment par certaines pontes de l’industrie culturelle (et leurs amis politiques). Une véritable petite bombe en fait, surtout en temps de crise. Les mentalités et les comportements évoluent et cela bénéficie indirectement aux logiciels libres qui sont « gratuits » ou « payants » selon que vous décidez ou non de soutenir le logiciel libre considéré[1].

Nine Inch Nails : l’album MP3 sous licence Creative Commons s’est vendu comme des petits pains

NIN’s CC-Licensed Best-Selling MP3 Album

Fred Benenson – 5 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

L’album de Nine Inch Nails (NIN) diffusé sous licence Creative Commons, Ghosts I-IV, a fait un bon nombre de gros titres.

Pour commencer, l’opus a été salué par la critique et récompensé par deux nominations aux Grammy Awards, ce qui atteste la qualité musicale de cette œuvre. Mais ce qui nous emballe vraiment, c’est le formidable accueil qu’a reçu cet album chez les adeptes de musique. En plus d’avoir généré plus d’un 1,6 million de dollars de gains pour Nine Inch Nails dès la première semaine et d’avoir atteint la première place du classement de Billboard dans la catégorie musique électronique, Ghosts I-IV figure à la quatrième place des albums les plus écoutés de 2008 sur Last.fm, fort de 5 222 525 écoutes.

Mais le plus enthousiasmant, c’est que Ghosts I-IV a été l’album MP3 le plus vendu en 2008 sur la plateforme de téléchargements de MP3 d’Amazon.

Songez un peu à ce que ça signifie.

Les fans de NIN auraient pu utiliser n’importe quel réseau de partage de fichiers pour télécharger légalement l’album entier, puisqu’il est sous licence Creative Commons BY-NC-SA. Beaucoup l’on d’ailleurs fait, et des milliers continueront à le faire. Alors pourquoi les fans prendraient-ils la peine de payer des fichiers identiques à ceux qui sont disponibles sur les réseaux P2P ? On peut d’abord l’expliquer la facilité d’accès et d’utilisation des pages de téléchargements de NIN et d’Amazon. Mais il y a aussi le fait que les fans ont compris qu’acheter des fichers MP3 allait directement profiter à la musique et à la carrière d’un groupe qu’ils apprécient.

La prochaine fois qu’on tentera de vous convaincre que produire de la musique sous licence Creative Commons entamerait les ventes de musique numérique, souvenez-vous que Ghosts I-IV a prouvé le contraire, et soumettez cet article à votre interlocuteur.

Notes

[1] Crédit photo : Notsogoodphotography (Creative Commons By)




Espéranto et logiciel libre

L’espéranto m’a toujours fasciné et si j’avais eu sept vies comme les chats, j’en aurais certainement consacré une à son apprentissage. Et ce n’est pas cette conférence qui me fera changer d’avis. Bien au contraire, elle vous pousserait presque à modifier vos plans (et vos bonnes résolutions 2009) pour vous y mettre dès le lendemain.

Intitulée malicieusement Linux, l’espéranto des logiciels / L’espéranto, le Linux des langues elle a été donnée par Tim Morley en juillet 2005 dans le cadre des RMLL de Dijon. Voici ce qu’en disait Thomas Petazzoni sur son blog : « Cette conférence a été vraiment animée de manière excellente par Tim, un anglais maîtrisant très bien le français et l’espéranto. Il a pu présenter ce qu’est l’espéranto, et surtout les points communs entre les valeurs de l’espéranto et celles du logiciel libre. »

Tim Morley est le chef de projet de la traduction d’OpenOffice.org en espéranto. Ne vous arrêtez ni à la durée (env. 1h) ni à la piètre qualité sonore de l’enregistrement car cette vidéo est vraiment très intéressante et méritait bien qu’à la faveur de notre projet Framatube, nous lui donnions une nouvelle visibilité.

—> La vidéo au format webm




Maximum respect for the Ubuntu french team

Voici une petite interview de Christophe Sauthier, président de la french LoCo team à savoir l’association Ubuntu-fr, réalisée début décembre à Mountain View (oui, oui, chez Google) lors du récent Ubuntu Developer Summit, UDS chez les initiés.

Il a beaucoup impressionné l’assemblée, c’est-à-dire ses petits camarades ubunteros venus du monde entier pour l’occasion, avec ses 4000 visiteurs de la récente Ubuntu Party de Paris à la Villette (d’ailleurs il est désormais surnommé 4K, c’est vous dire). Il évoque également tous les avantages de devenir Masters of the Universe (MOTU) chez Ubuntu et son souci de faciliter la tâche et l’accueil des nouveaux contributeurs.

PS : C’est en anglais mais comme c’est un français qui parle anglais on comprend encore mieux que d’habitude 😉

—> La vidéo au format webm

Si jamais il vous venait l’envie d’en savoir plus sur Christophe Sauthier et son rôle au sein d’Ubuntu, vous trouverez ci-dessous un entretien paru dans la lettre hebdomadaire Ubuntu n°121 (7 au 13 décembre 2008) sous licence GNU FDL.

Entretien avec huats, leader de l’équipe d’Ubuntu-fr

Qui es-tu ? Où habites-tu ? Que fais-tu dans la vie ?

Je m’appelle Christophe Sauthier et mon pseudo IRC est huats. J’ai 31 ans, j’habite à Toulouse et je vis en couple. Je travaille pour une société de service (makina corpus) qui travaille exclusivement dans le monde de l’open-source. Je suis impliqué dans tout ce qui est formation, assistance, migration à Ubuntu, ainsi que sur certains dévelopements en PHP (Drupal) ou Python (Plone). Je suis impliqué directement dans Ubuntu en tant que président de la LoCo française. Mon autre rôle dans la communauté est de coordonner les tutorats des MOTU, dont le but est d’aider les nouveaux venus dans le monde du développement pour Ubuntu. J’essaye aussi d’être actif au niveau développement en aidant au packaging de quelques applications, essentiellement autour de l’environnement GNOME.

Comment es-tu entré dans le monde de Linux et d’Ubuntu ?

Il y a très très longtemps (quelque chose comme 1996), j’avais demandé son avis à quelqu’un au sujet d’un script Perl sur lequel je bossais (un CGI pour site web en l’occurence) et il m’avait dit : « Si tu veux coder un peu en Perl, fais-le sous Linux. Tu peux faire comme ça pour l’installer… » Ça a été mon premier contact avec Linux. À cette époque, j’utilisais surtout Suse et Debian. Et puis un beau jour, je tombe sur quelque chose basé sur Debian, mais qui n’avait pas encore de nom. C’est devenu Ubuntu. C’était en 2004, et depuis ce jour, Ubuntu est l’unique distribution que j’utilise.

Comment as-tu démarré avec la communauté française ?

Je faisais depuis un moment quelques traductions pour des logiciels (essentiellement dans GNOME) et je suis tombé un jour sur un billet du wiki de la LoCo française qui mentionnait des projets sur le point d’être lancés. L’un d’eux était l’organisation d’entretiens (puis leur traduction) avec quelques membres clés de la communauté. Ce projet a évolué plus tard en diverses choses comme BehindUbuntu.

Qu’est-ce qui t’a amené à prendre la tête de la LoCo française ?

Après cette première expérience dans la communauté française, j’ai décidé de rester dans les parages, fréquentant différents chats IRC francophones, ou passant de temps en temps sur les forums. C’est là que j’ai vu la campagne pour vendre des t-shirts pour la LoCo. Ma première pensée a été « j’en veux un ! », et ma deuxième « je suis sûr que je peux les aider à organiser ça »… après avoir commandé le mien, j’ai pris contact avec le gars qui s’occupait de ce projet, et il y avait tellement de boulot que mon coup de main a été le bienvenu… Il s’est trouvé que Yann (le gars que j’avais contacté) était le président de la communauté française, et après pas mal de discussions, il m’a dit qu’un coup de main serait bien utile aussi pour le développement du site web. Il m’a demandé de montrer que je pouvais aider en codant un module pour PunBB (le forum que nous utilisons). J’ai pris en charge de plus en plus de choses dans la LoCo, et quand le président a décidé de passer la main, on m’a demandé si je me sentais de relever le défi : monter une nouvelle équipe, avec une nouvelle organisation. C’est ainsi que je suis devenu le président d’Ubuntu-fr, et que j’ai essayé de changer l’organisation en me basant sur le concept de «travail d’équipe».

Quels sont les défis dans la gestion d’une grande LoCo? Comment votre LoCo fait-elle pour communiquer et couvrir un si grand territoire ?

Il y a de nombreux défis, mais c’est aussi un boulot passionnant. Le premier défi est, bien sûr, d’en faire le maximum tous les jours. Il y a beaucoup de sollicitations et nous ne pouvons satisfaire tout le monde, même si nous essayons. A la fin, certains peuvent croire que nous ne sommes concentrés que sur un domaine et que nous nous fichons des autres. En fait, nous manquons tout simplement de main-d’oeuvre et de temps, et pour le montrer, nous communiquons de plus en plus au travers d’un blog pour les rapports. Ce blog fait partie du Planet francophone et donc tout le monde peut y accéder. Mais nous ne voulons pas seulement nous limiter au blog, nous essayons d’être aussi transparents que possible sur les décisions prises. Environ une fois par mois, nous tenons une réunion publique sur IRC. Nous essayons de nous occuper de chaque aspect de notre communauté : nous parlons des actions passées (depuis la dernière réunion), des actions en cours, et de celles à court et moyen terme. Nous consacrons aussi du temps à répondre aux questions et tout le monde peut proposer un nouveau sujet de discussion. Je pense que cette transparence intéresse les gens, ainsi à la dernière réunion, environ 60 personnes étaient présentes.

Comment la LoCo française est-elle organisée? Est-elle centralisée ou décentralisée ?

C’est un mélange. Il y a bien sûr un groupe de personnes qui forme le noyau de la LoCo, mais avec la nouvelle organisation de l’équipe, ce groupe s’est quelque peu agrandi. Le but est que chaque personne ait une vue d’ensemble de tout ce qui se passe dans la LoCo, ou du moins qu’elle en sache autant que possible. De cette manière, si quelqu’un se désiste, il est plus facile de le remplacer. Autour du noyau, il y a un plus grand cercle d’individus qui sont plus particulièrement investis dans un ou deux domaines. Ce deuxième groupe peut être considéré comme plusieurs équipes vouées à un domaine en particulier. Donc, pour résumer : un noyau de moins de 10 personnes, qui mène des activités de groupe indépendantes les unes des autres. Chaque équipe a une grande liberté d’action, même si nous aimons être tenu au courant des décisions importantes.

Parfois, les communautés connaissent des périodes creuses, pendant lesquelles la motivation ou la participation peuvent retomber. Comment fait la communauté française pour remédier à cela ?

Je pense que nous avons également eu un tel épisode, mais son effet a été amoindri par les changements d’organisation que j’ai mentionné plus tôt. C’était perceptible lorsque les principaux protagonistes de la communauté ont ralenti un peu, mais il n’y a pas eu de gros ralentissement de nos activités. C’est le signe distinctif des communautés les plus importantes, qui peuvent s’autogérer sans dommage majeur… Tant que cela ne dure pas trop longtemps bien sûr… Depuis, la communauté est revenue sur les rails, et elle très active. Les séances que nous avons eu dans tout le pays pour Intrepid, ainsi que l’évènement de Paris avec plus de 4000 visiteurs dans le week-end en sont de bons exemples. Puisque nous ne voulons plus ralentir, nous avons lancé quelques petits projets qui devraient nous aider à aborder des sujets qui nous intéressent. Cela devrait nous aider à maintenir la croissance de notre communauté. Il y a quelques projets qui m’ont donné envie de m’investir dans la communauté, donc vous pouvez imaginer que j’y suis très attaché. Nous avons le sentiment que, de cette façon, nous pourrons compenser une décroissance, ou un ralentissement de la participation en ajoutant de nouveaux centres d’intérêts dans lesquels s’impliquer.

Quels sont les projets de la LoCo à court et long terme ?

Je dirais continuer le travail actuel que nous avons juste initié : compléter les diverses équipes (certaines sont encore un peu floues, ou commençent seulement à prendre forme). Par exemple, il n’y avait pas vraiment d’équipe de développement web, puisque nous nous contentions de réunir les ressources au besoin. Aujourd’hui, un groupe de personnes très talentueuses travaille sur divers aspects de l’utilisation à long terme, pas seulement à la demande. C’est nécessaire si nous voulons pouvoir continuer à innover. Donc pour le court terme, cela signifie trouver une nouvelle apparence pour l’ensemble des sites ubuntu-fr (site web, documentation, forum et planet), utiliser au mieux notre nouveau site web (drupal), et donner à nos éditeurs les droits pour plusieurs équipes (celles de kubuntu ou d’edubuntu). Nous espérons être capables de faire ceci dans les prochains mois. Pour le long terme, nous voulons vraiment continuer nos efforts de diffusion d’Ubuntu en France, ce qui demande l’organisation de sessions supplémentaires dans tout le pays (en continuant sur notre lancée après tous les évènements accompagnant la sortie d’Intrepid). Nous souhaitons aussi organiser des colloques réguliers, où les gens pourront se rencontrer physiquement plutôt qu’à travers IRC. Cela permettrait d’aider les novices à ressentir une appartenance à la communauté. Cela pourrait aussi se traduire par des ateliers de débuggage, des ateliers de documentation (comme un atelier de débuggage mais pour vérifier la documentation disponible), ou même quelques ateliers de traduction. Enfin, nous essaierons de définir une réelle politique pour la participation aux évènements pour permettre aux gens de rencontrer l’équipe personnellement pour poser des questions et obtenir des réponses.

Une des idées que vous avez évoquées avec le conseil de la communauté est le jumelage. Qu’est-ce que c’est? L’avez-vous déjà mis en pratique?

Le jumelage des LoCo peut prendre plusieurs significations. Celle qui me tient à coeur est l’aide qu’une communauté importante, comme la communauté française, peut apporter aux plus modestes. Cette aide pourrait être de l’expérience, ou l’organisation de campagnes à grande échelle, ou même des dons pour les aider à lancer leurs évènements. C’est quelques chose à laquelle notre équipe a du faire face à ses débuts, et sans l’implication financière de quelques membres, nous n’aurions jamais pu faire autant de choses. Comme la communauté française est plus puissante maintenant, cela pourrait être une bonne chose d’aider les autres équipes à se lancer. En fait, c’est plutôt proche des concepts clés qui menèrent à la création de Ubuntu-eu il y a quelques années. Ubuntu-eu est un effort commun pour partager l’hébergement de leur site web. Depuis, plusieurs communautés ont trouvé un hébergement à cet endroit, ce qui est clairement une aide fort utile pour les équipes les plus récentes. Pour revenir au processus de jumelage, nous avons commencé à travailler un peu sur le sujet, avec la communauté tunisienne, mais nous n’avons pas avancé beaucoup dans le processus par manque de temps. Je suis sûr que nous travaillerons bientôt à nouveau là-dessus.

L’équipe française Ubuntu a organisé une Ubuntu Party à laquelle ont participé 4000 personnes. Pouvez-vous la décrire ? Comment l’avez-vous préparé ? Combien de temps cela a-t-il pris?

Cet évènement, qui a eu lieu à Paris, était un mélange de tous les différents types d’atelier qu’on peut avoir : installation, nouvelle version, conférence… C’est pourquoi on peut simplement l’appeler un “atelier Ubuntu”. On prépare cet évènement tous les 6 mois, pendant le week-end, un mois à peu près après la sortie d’une nouvelle version. Pendant l’atelier, les gens viennent pour avoir une installation d’Intrepid ou parce qu’ils ont des problèmes avec leur installation. On a aussi présenté plus de 14h de conférences, et un atelier débuggage…une station de radio a même émis depuis l’Ubuntu Party pendant tout le week-end. L’équipe préparait cet évènement depuis la fin du précédent (c’est-à-dire début juin), donc on a assisté au résultat de 6 mois de travail par l’équipe toute entière. Certains travaillaient sur la communication (les médias et le public visé), d’autres sur les besoins matériels de l’évènement, et d’autres sur les conférences. Maintenant, on fait l’analyse de cet évènement, ce qui nous aidera à préparer le suivant en mai 2009.

Que fais-tu dans ton temps libre ?

À part mes activités LoCo, je fais aussi du développement pour Ubuntu. Même si je sais que cela est lié a notre communauté, je considére cela clairement comme une activité à part. Cependant, je fais aussi pas mal de sport : du basketball et de la randonnée dans les Pyrénées (les montagnes près de chez moi). À part cela, j’aime cuisiner pour mes amis. D’ailleurs, je pense qu’il y a clairement un point commun entre cuisiner pour les autres et participer à des activités liées aux logiciels libres…




Le logiciel libre profitera-t-il de la crise ?

Powderruns - CC byLe logiciel libre : on y vient pour le prix, on y reste pour la qualité, ironise Nat Torkington dans cette traduction issue de site d’O’Reilly. Sachant que nous traversons actuellement une période difficile où les investissement se font plus rares (et donc plus tâtillons), n’y a-t-il pas là comme une opportunité pour le logiciel libre ? Et d’ailleurs il faudrait peut-être aussi se mettre d’accord car il s’agit bien plus d’économie ici que de liberté. Donc je reformule la question : n’y a-t-il pas là comme une opportunité pour l’Open Source ?

C’est le sujet du jour. L’article est certes américano-centrée mais la crise l’était également au départ, ce qui ne nous a pas empêché d’être nous aussi touchés[1].

Conséquences de la crise sur les technologies

Effect of the Depression on Technology

Nat Torkington – 7 octobre 2008 – O’Reilly Radar
(Traduction Framalang : Olivier, Daria, Don Rico)

Voici comment je vois les choses : emprunter de l’argent devient coûteux et difficile, et ce n’est pas près de changer puisque la dette des États-Unis progresse au lieu de diminuer, entraînée par la guerre en Irak et par notre dépendance aux produits chinois qui n’est pas réciproque. Et tout ceci s’accumule dans une période qui est déjà difficile pour les affaires aux États-Unis depuis au moins trois ans, voire plus. En partant de ce constat, il est possible de faire une tentative de prévision de ce que nous réserve l’avenir (en gardant à l’esprit que chaque jour apporte son lot de nouvelles révélations concernant l’état inquiétant de la finance mondiale, notre boule de cristal est donc, au mieux, trouble).

En premier lieu, l’innovation profitera de la récession, parce que c’est ce qui se produit en général. Durant les périodes de forte croissance, les entreprises limitent la recherche et développement et gâchent de grands talents à n’apporter que des améliorations minimales aux produits dernier cri. Les entreprises sont douées pour s’équiper en nouveautés, mais elles sont souvent médiocres dès qu’il s’agit d’en concevoir. En temps de crise, les technologues ne sont plus payés des mille et des cents pour répliquer le travail réalisé par d’autres. L’explosion de la bulle Internet en 2001 a donné naissance à 37Signals, Flickr, del.icio.us, et l’on peut avancer sans crainte de se tromper que de nombreuses entreprises ont depuis passé six ans à suivre le mouvement.

En deuxième lieu, la crise profitera au libre et à l’Open Source à cause du manque de liquidités. La dernière crise a fait entrer les systèmes d’exploitation Open Source dans les mœurs (petite note pour les plus jeunes d’entre vous : il fut un temps où il n’était pas forcément bien vu d’utiliser Linux dans un service informatique) car ils offraient le meilleur rapport qualité/prix, et de loin. J’aime utiliser l’expression « Venez pour le prix, restez pour la qualité ». Cette crise affectera peut-être le même des logiciels (CRM, finance, etc.) hauts placés dans la chaîne. (En revanche, je ne m’avancerai pas à prédire que 2009 sera l’année du bureau Linux).

Troisièmement, les services Open Source et le cloud computing profiteront de la conjoncture économique actuelle, laquelle favorisera les dépenses de fonctionnement sur les dépenses d’investissement. Il sera presque impossible d’emprunter de l’argent pour acheter du matériel ou une licence logicielle importante. Adopter un logiciel Open Source est gratuit, et les services qui y sont associés font partie des dépenses de fonctionnement et non des dépenses d’investissement. De même, le cloud computing permet à une entreprise de payer peu pour se servir des investissements énormes effectués par quelqu’un d’autre. À en croire les rumeurs, il semblerait que Microsoft soit prêt à sortir Windows Cloud juste à temps. Ce n’est pas demain la veille que d’autres entreprises installeront de nouveaux centres de données, car les temps où des investisseurs aux fonds inépuisables couvraient ce genre de frais énormes sont révolus et ne reviendront pas avant un certain temps.

La plupart des logiciels clients auront du mal à se vendre tant que le dollar sera aussi bas et que le pays continuera de déverser tout son argent à l’étranger. Ce n’est pas une bonne chose, mais cela ne signifie pas qu’il sera impossible d’engranger des bénéfices, il suffira de proposer quelque chose qui réponde à un réel besoin des consommateurs. Des logiciels comme Wesabe trouveront un nouveau public en temps de crise (NdT : O’Reilly est un investisseur de Wesabe). L’heure n’est pas aux acquisitions spéculatives, attendez-vous à voir un retour aux sources comme on y a assisté (brièvement) après l’éclatement de la bulle Internet en 2001. Désolé, mais vos rêves de trouver acquéreur pour votre réseau social de collectionneurs de cure-dents devront patienter jusqu’en 2013 et un éventuel retour de l’argent employé à tort et à travers.

Comme le dit Phil Torrone, on aura plus de temps que d’argent, ce qui est profitable aux logiciels Open Source, mais cela favorisera aussi un nouvel intérêt pour les objets et le matériel informatique qui nous entourent, inspiré par le magazine Make. Les rencontres que nous avons créées (Ignite, hacker meetups, coworking spaces, foo/bar camps), qui ne coûtent pas grand chose mais qui ont une portée importante, vont se multiplier, alors que les grosses conférences pâtiront de cette période de vache maigre. La killer app du futur proviendra peut-être de l’un de ces bidouilleurs qui emploiera son temps libre à combler un manque.

Telle est ma vision du monde et des conséquences de la crise. Quel est votre point de vue ? Qu’est-ce qui m’échappe ? Faites-moi part de votre opinion dans les commentaires – le commentaire le plus perspicace vaudra à son auteur un aimant « Head first SQL » qu’il pourra coller sur son frigo.

Notes

[1] Crédit photo : Powderruns (Creative Commons By)




Largage de liens en vrac #9

Meanest Indian - CC byBon ben c’est bientôt Noël, les bons baisers de Fort-de-France, tout ça… Dans ma besace, et comme c’est désormais devenu une tradition, j’ai tous les liens logiciels deliciousés depuis un bon gros mois. J’aurais pu les sortir un à un en prenant soin de les étudier méticuleusement mais faute de temps j’ai tout vidé en vrac à même le sol (c’est assez joli dans la neige remarquez). Ce serait bien le diable si vous ne trouviez pas au moins une chaussure à votre pied dans le tas[1].

  • Oxite : Commençons par la toute fraîche plate-forme CMS/Blog de… Microsoft. C’est bien entendu fait avec les technos de la maison (ASP et .NET) et avec la licence libre maison mais ne boudons pas notre plaisir car c’est tout de même un bonne nouvelle de la part de ceux qui affublaient hier encore le logiciel libre de noms d’oiseaux comme cancer ou pire encore communiste !
  • OpenXML Document Viewer : Dans le même ordre d’idée, c’est-à-dire toujours chez Microsoft, signalons cette extension Firefox capable a priori de lire les document sous le controversé format de la suite MS Office l’OOXML (.docx, etc.). La sortie est en HTML, donc c’est plus un convertisseur qu’un viewer. Une extension pour le navigateur libre concurrent (et bientôt, semble-t-il, la lecture/écriture native de l’ODF dans MS Office), jusqu’où n’est-on pas prêt à aller pour, au choix, assurer l’interopérabilité ou… ne pas perdre la guerre des formats !
  • Ecofont : Il fallait y penser, une police de caractère écologique parce qu’il y a des trous blancs dedans (et donc on use moins d’encre vous me suivez). Écologique et logique que le choix se soit porté sur une licence libre. Signalons en passant que l’Open Font Library commence à être vraiment bien fourni.
  • FUSBi : Acronyme de Free USB Installer, permet d’installer sa distribution GNU/Linux bootable sur une clé USB. Sauf que attention, pas n’importe quelle distribution, les seules véritablement libres selon la FSF ce qui donne ici : gNewSense, UTUTO, Dynebolic, BLAG and GNUstep.
  • Kiwix :  : Un logiciel pour utiliser Wikipedia sans connexion Internet. Pour la version française il vous faudra 2 Go d’espace mais c’est somme toute logique vu la dimension prise par l’encyclopédie (dans tous les sens du terme). Pratique aussi pour lutter contre la fracture numérique.
  • Tiny Tiny RSS : Un aggrégateur de flux RSS en ligne qui pourrait bien devenir le Google Reader killer du libre. Tout comme Piwik avec Google Analytics, il est fort important de disposer d’outils libres marchant sur les plate-bandes de Google.
  • Abiword : Belle mise à jour (avec l’intégration de l’OOXML de Microsoft par exemple) pour cet adorable petit traitement de texte qui a su trouver sa place dans PLLM (Paysage du Logiciel Libre Mondiale), surtout si vous trouvez qu’OpenOffice.org est trop pataud par rapport à vos modestes besoins.
  • Songbird : Autre très belle mise à jour, rien moins que la 1.0 (toujours très important de passer le seuil psychologique du 1.0 pour un logiciel). iTunes a désormais un réel concurrent libre. Et que même qu’il sait en faire beaucoup plus et se marie à merveille à grands coups d’extensions avec Firefox (celle que je préfère affiche l’article Wikipédia de la musique du moment). Bref, mériterait un billet à lui tout seul.
  • OpenGoo : Toujours dans la série émouvante des 1.0 (et toujours dans les concurrents potentiels à Google, ici Google Docs), signalons donc la mise à jour de cette suite bureautique en ligne qui commence à faire son trou.
  • Elgg : Et pour en finir avec les mises à jour majeures, celle de Elgg (1.2) qui devient très certainement la meilleure solution actuelle pour faire son propre site en réseau social (propose peu ou prou la même chose que Facebook, tout du moins les fonctions basiques).
  • Multi Theft Auto : Je connais pas bien mais à ce que j’ai compris c’est open source et ça permet de jouer à plusieurs à Grand Theft Auto : San Andreas (GTA : SA). Les adeptes s’y retrouveront (mais ils peuvent aussi laisser un commentaire pour dire ce qu’ils en pensent).
  • LoseThos : Rien moins qu’un système d’exploitation complet ne dépassant pas les 20 Mo et mis par son auteur dans le domaine public. Ne tourne que sur les IBM PC x86_64. Didactiquement c’est un formidable jouet pour les développeurs en herbe puisque vous avez d’office tous les droits sur tout 😉
  • XMind : Un logiciels pour faire du mind mapping (ou carte heuristique) qui semble assez puissant si l’on en juge par la présentation du site officiel.
  • Kaltura : Se veut être un peu le YouTube du libre (mais je peux me tromper) avec de plus des fonctions d’édition collectives a priori intéressantes. Collabore déjà avec Wikipédia et est proposé comme extension sur Drupal, WordPress ou Mediawiki.
  • OpenProj : Un outil de planification de projet, concurrent direct de solutions propriétaires comme Microsoft Project.
  • CockingIT : Même fonction que le logiciel précédent mais en plus simple et sexy (Ajax inside) et surtout en ligne.
  • Animata : De la création d’animation tout à fait originale et semble-t-il simple d’accès (non disponible sous Linux).
  • Translate.Net : Un logiciel qui se connecte aux plus populaires des services de traduction en ligne pour vous proposer plusieurs résultats et vous faciliter la tâche.
  • OTRS : Pour l’entreprise, un logiciel de gestion de tickets simple et efficace. Dans la même catégorie, j’ai noté également SiT! (à bien prononcer).
  • Cloud (gOS) : Un OS hybrique entre GNU/Linux (Ubuntu avec Enlightenment) et l’informatique dans les nuages à base principalement d’applications Google. Candidat aux netbooks, et très sexy sur le papier (voir la présentation diaporama sur le site). Fait beaucoup parler de lui sur le toile anglophone en ce moment.
  • Instalinux : Je ne connaissais pas. Permet de se faire, étapes par étapes, une image ISO d’un CD d’installation personnalisée de GNU/Linux à commencer bien entendu par le choix de la distribution (Ubuntu, Fedora, OpenSUSE, etc.)
  • Conky : Pour les geeks (et d’ailleurs que pour Linux), permet de faire afficher de manière très clair et agréable sur votre bureau plein d’informations systèmes.
  • Ubuntu Eee : Ubuntu sur votre Eee PC. Fort bien fait et téléchargeable puis installable directement à partir d’une clé USB.
  • Appnr : Pour installer des programmes sous Ubuntu, Synaptic c’est très pratic sauf que c’est tout de même assez frustre. Ici tout se fait à partir du web avec copies d’écrans et tout le tralala.
  • Go-oo : Le saviez-vous chers amis ubunteros ? Il y a un peu de Go-oo dans votre OpenOffice.org.
  • Toutou Linux : Basé sur Pupy Linux (lire par exemple ce test plus qu’enthousiaste), cette mini, moins de 100 Mo, distribution Linux est tout sauf un gadget. Il faudra aussi en reparler (ne serait-ce que parce qu’on tient un excellent candidat pour les machines soit-disant obsolètes de l’Education Nationale).
  • pure:dyne : Une distribution GNU/Linux spécialement dédiée aux artistes-hackeurs (et je sais qu’il y en a ou qui souhaitent le devenir). Il va sans dire qu’il y a plein d’outils pour l’audio et la vidéo dedans.
  • LotoEduc : Création de cartes de loto éducatives (qui ne devrait pas tarder à se trouver dans l’annuaire Framasoft, non, mais !).
  • Xerte Project : Nous vient de l’Université de Nottingham. Pour créer des applications web éducatives en Flash (un peu comme Mathenpoche en fait). Les démos sont assez impressionnantes de qualité graphiques comme seul Flash peut le proposer actuellement (et malheureusement).
  • Sage : On ne parle pas peut-être pas assez de ce logiciel de mathématiques capable de rivaliser, excusez du peu avec Magma, Maple, Mathematica et Matlab réunis !
  • ClamXav : Enfin une déclinaison Mac pour le célèbre outil anti-virus issu du monde du libre.
  • simpleCart : Si vous souhaitez créer une boutique en ligne pour quelques produits, et si ni le JavaScript ni Paypal ne vous pose problème, alors c’est certainement la meilleure des solutions (avec un look tout de suite très pro, ce qui fait jamais de mal quand on veut que les visiteurs deviennent aussi clients).
  • SimplePie : Une solution super élégante pour aggréger des flux RSS dans vos sites web (avec extensions pour WordPress, Drupal, Joomla, etc.).
  • GameJS : Un moteur de développement de jeu 2D en JavaScript. Le Tetris en exemple est fort bien fait.
  • today’s timetable : Toujours du JavaScript en code libre, une très esthétique (et valide W3C) frise chronologique pour vos sites.
  • WysiHat : Un éditeur WYSIWYG en JavaScript. Une petit demo pour bien comprendre.
  • Vfront : Vous voulez un truc plus sexy-web-2.0-ajax que PhpMyAdmin pour gérer vos bases SQL ?
  • Blackbird : Une console en JavaScript sur vos pages web. C’est très joli et en plus ça doit certainement servir à quelque chose !
  • The Beta (tbeta) : Popularisé par l’iPhone, les écrans tactiles sont en pleine évolution. Le libre n’est pas en reste.

Notes

[1] Crédit photo : Meanest Indian (Creative Commons By)




RepRap ou la machine qui copie librement la machine qui fabrique l’objet

Wagner Machado Carlos Lemes - CC byDe par son immatérialité le logiciel est un bien non rival dans la mesure où il peut être reproduit à l’infini pour un coût marginal sans dépossession de celui qui offre la copie. C’est pourquoi les licences libres lui conviennent tout particulièrement. Et c’est aussi pourquoi les logiques propriétaires, héritées de l‘ancien millénaire, ont souvent du mal à s’adapter.

Dans le monde matériel il en va tout autrement. C’est trivial mais si je te donne ma voiture alors je n’ai plus de voiture. Imaginez cependant qu’on puisse trouve à des prix toujours plus accessibles des machines qui fabriquent des voitures. Mais imaginez surtout des machines capables de s’auto-répliquer, c’est-à-dire de fabriquer une autre machine qui fabrique des voitures. Imaginez enfin que les spécifications de ces machines soient sous licence libre. Alors c’est potentiellement toute la chaîne de production automobile qui s’en trouve bouleversée.

Ceci n’est bien sûr que de la science-fiction et la révolution industrielle n’est pas pour demain. Il n’empêche que certains projets commencent doucement à explorer ce terrain là. C’est le cas de Faber@home qui, pour un prix diminué d’un facteur cent voire mille par rapport à l’existant, propose une machine sous licence libre qui fonctionne sur le même principe que celui d’une imprimante mais au lieu d’utiliser de l’encre, elle utilise une solution de plastique ajouté couche par couche, qui se solidifie, et permet l‘impression d’un objet en trois dimensions dessiné à partir d’un logiciel de graphisme ![1].

C’est aussi le cas du projet RepRap, qui va encore plus loin, avec sa machine capable de se répliquer, et prénommée ironiquement Darwin[2]. Pour être plus précis, elle crée ses propres composants, qu’il faut toutefois ensuite assembler à la main ![3] Et pour faire plus amplement connaissance avec elle, voici la traduction d’un article de ComputerWorld (Nouvelle-Zélande) sur le sujet.

Vous voulez que je vous dise ? Ça commence à « prendre forme » tout ça…

Une imprimante 3D Open Source se copie elle-même

Ulrika Hedquist – 8 avril 2008 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Penguin, Olivier Rosseler, DonRico)

Open source 3D printer copies itself

Installé dans les Waitakeres, à l’ouest d’Auckland, le développeur logiciel et artiste Vik Olliver fait partie d’une équipe qui développe une imprimante 3D Open Source, capable de se copier elle-même. L’imprimante RepRap (NdT : Replicating Rapid-prototyper : prototype de réplication rapide) peut se répliquer et se mettre à jour elle-même. Elle peut imprimer ses propres éléments, y compris ses mises à jour, affirme Olliver, qui est l’un des membres principaux de l’équipe RepRap.

Pour fabriquer des composants, l’imprimante 3D fonctionne en superposant des couches de plastique, principalement de l’acide polylactique (PLA) qui est un polymère bio-dégradable produit à partir d’acide lactique. La technologie existe déjà, mais les machines professionnelles sont très coûteuses. De plus, elles ne peuvent se copier elles-mêmes et ne peuvent être manipulées par les utilisateurs.

RepRap a un point de vue différent. L’équipe, qui est répartie entre la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, développe et offre les plans de sa machine, qui est beaucoup moins onéreuse et possède également la capacité de se copier elle-même. Elle désire rendre la machine disponible pour tous, des petites communautés des pays en voie de développement aux habitants des pays développés.

En conséquence, la machine RepRap est distribuée gratuitement sous licence GNU (General Public License).

Le projet Open Source RepRap vise à constamment améliorer la machine « afin qu’elle puisse faire ce que les gens veulent qu’elle fasse », explique Olliver. « Les améliorations retourneront aux utilisateurs et, de cette façon, la machine tout entière va s’améliorer. L’idée d’évolution est importante », ajoute-t-il. Selon lui, l’appareil qu’il a créé n’a à l’heure actuelle probablement que peu de ressemblance avec l’appareil qui fera plus tard son apparition sur les bureaux de tout un chacun.

« Nous voulons nous assurer que tout est ouvert, pas uniquement les plans et le logiciel qui nous sert à la contrôler, mais également toute la chaîne de production de A à Z », poursuit-il.

Olliver travaille pour Catalyst IT, un fournisseur de systèmes commerciaux Open Source basé à Wellington. Il a la chance d’avoir du temps Google offert par son entreprise, ce qui veut dire qu’il est autorisé à travailler sur ses propres projets de recherche une journée par semaine, exactement comme les employés de Google. Cela a conduit à des développements considérables dans le projet RepRap lors des six derniers mois, se réjouit-il.

Les nouvelles fonctionnalités incluent, par exemple, des têtes qui peuvent être changées pour différents types de plastique. Une tête qui dépose du métal en fusion à basse température est en développement. Le métal fond à une température inférieure à celle nécessaire pour le plastique, ce qui signifie que le métal peut-être placé à l’intérieur du plastique, explique Olliver. « Cela signifie, en théorie, que nous pourrions construire des structures complexes telles que des moteurs. »

RepRap permet également de construire des circuits en 3D, aussi bien que des formes diverses. Les objets, comme les téléphones portables, n’ont donc pas à être plats, dit-il.

Il existe, à la connaissance d’Olliver, au moins sept exemplaires de la machine RepRap dans le monde. L’imprimante 3D offre également une nouvelle et fascinante façon de communiquer : Olliver peut concevoir un objet chez lui en Nouvelle-Zélande, qui apparaîtra ensuite sur le bureau d’un autre chercheur, à Bath, au Royaume-Uni, et vice versa.

À l’heure actuelle, la RepRap utilise deux sortes de plastiques : le PLA, un plastique relativement rigide, idéal pour fabriquer des objets comme des équerres d’angle, et un plastique plus flexible pour fabriquer, par exemple, des boîtiers d’iPod, nous dit-il.

Mais que la machine soit capable de se copier elle-même est sa fonction la plus utile, et c’est d’après Olliver le but initial du projet. Cependant, elle peut également être utilisée pour fabriquer d’autres choses, comme des verres à vin totalement étanches, précise-t-il, ou des composants en plastique pour des machines. Pendant que Computerworld l’interviewait, Olliver a imprimé un petit élément pour réparer son mixeur.

« Nous savons que certains voudront se servir de notre imprimante pour reproduire des armes, des sex-toys et du matériel pour se droguer », plaisante-t-il. « Ce n’est évidemment pas notre but. Nous espérons plutôt qu’ils construiront des RepRaps plus performantes et plus nombreuses. »

Notes

[1] Source Médiapart : Ma photocopieuse s’appelle Darwin

[2] Crédit photo : Wagner Machado Carlos Lemes (Creative Commons By)

[3] Source InternetActu : RepRap, l’imprimante 3D autoréplicatrice




La campagne d’Obama et l’Open Source

Marcn - CC byLe sujet du jour c’est Obama et, j’ouvre les guillemets, « l’Open Source ».

Nombreux sont les observateurs qui ont en effet remarqué l’usage pointue des nouvelles technologies réalisé à cette occasion par le candidat victorieux. Certains allant même jusqu’à se demander dans quelle mesure cela n’a pas été un atout déterminant dans la campagne (contre McCain mais également contre Clinton). Déterminant aussi bien pour créer la dynamique, communiquer, faire adhérer au projet, coordonner les manifestations sur le terrain et, last but not least, lever des fonds.

Il y a souvent confusion entre Open Source et Web 2.0 mais il nous a semblé tout de même intéressant de solliciter Framalang pour d’abord un petit sous-titrage vidéo faisant une originale référence à l’un des ouvrages les plus célèbres du logiciel libre, la Cathédrale et le Bazar de Eric S. Raymond, puis ensuite un article plus détaillé au cœur des équipes techniques de la campagne[1].

La Cathédrale, le Bazar, et Obama

Le journaliste Alex Castellanos sur CNN le 5 novembre dernier :

—> La vidéo au format webm

(Sous-tirage : Xavier et Yostral)

La dynamique Open Source derrière la campagne d’Obama

The Open Source Force Behind the Obama Campaign

Doc Searls – 24 novembre 2008 – Linux Journal
(Traduction Framalang : Olivier et Yostral)

JFK a dit un jour « La victoire à cent pères, mais la défaite est orpheline ». Je viens donc aujourd’hui réclamer moi aussi la paternité du succès de la campagne d’Obama au nom de tous les fans de Linux. Les geeks n’étaient pas seuls évidemment, mais ils ont joué un rôle majeur.

J’étudie ce rôle depuis que j’ai couvert la campagne présidentiel d’Howard Dean en 2003-2004 pour le Linux Journal. Pour vous rafraichir la mémoire je vous conseille les lectures suivantes : Saving the Net, The Syndication Solution, Letters from the Campaign Pressure Cooker, Hacking Democracy, Lessons on Open Source Politics from the Campaign Forge, dans cet ordre.

Quand on s’est aperçu que les geeks étaient sérieusement impliqués dans la campagne d’Obama, une mission m’a été confiée : assurer la couverture de l’évènement pour le numéro de novembre 2008 du Linux Journal. Ce numéro devait sortir fin octobre, donc juste avant les élections.

Je m’y suis donc attelé. Après un intense travail de recherche et d’écriture et après avoir réduit ma prose à 3000 mots, nous nous sommes rendus compte que nous avions déjà largement assez d’articles traitant de Linux pour ce numéro et mon article a donc été mis de côté pour après les élections… et nous voici donc maintenant après les élections.

Plutôt que de mettre à jour l’article avec des données ou des citations plus récentes j’ai décidé de le publier tel que je l’avais écrit en août. A ma grande surprise son contenu n’est pas périmé. Je crois même qu’il touche à quelque chose d’important, une chose parmi tant d’autres, alors que l’Histoire était en marche. On s’en doutait à l’époque. On le sait maintenant.

Voici l’article :

Le 11 août 2008

Depuis l’avènement des médias de masse, le point crucial des campagnes politiques, surtout pour les campagnes présidentielles, a été de donner une image aux candidats. Vous dépeignez de vous-même un portrait flatteur tandis que vous dépréciez l’image de votre opposant. Durant le « cycle » de campagne présidentielle de 2008 (comme les professionnels le nomme), le candidat qui a réussi à se forger la meilleure image jusqu’à maintenant (au moment de l’écriture à la mi-août) est certainement Barack Obama. Advertising Age dit dans « What Obama can teach you about millenial marketing » (NdT : Une leçon de marketing ciblant la génération connectée par Obama) : « …la dévotion vouée à certaines marques par la génération connectée, que l’on parle de technologie, de boisson ou encore de mode, a fait de cette décennie un âge d’or du marketing pour ceux qui savent ce qu’ils font ». Et : « …concernant le marketing, la campagne de Barack Obama sait ce qu’elle fait. Le gestion de la marque Obama, du jamais vu lors d’une campagne présidentielle, montre une compréhension parfaite des rouages pour attirer les jeunes votants… Ce sont à la fois le produit à vendre et la manière de le vendre qui sont à l’origine de ce succès. »

Et c’est là que me revient à l’esprit la distinction que fait Isaac Asimov (dans le deuxième volet de la trilogie Fondation) entre « la réponse qui satisfait » et « la réponse qui était vraie ». Le succès de la campagne d’Obama jusqu’à maintenant ne repose pas entièrement sur la création d’une marque, sur la démographie ou même sur la politique telle que nous l’avons connue pendant trop longtemps, loin s’en faut. Il repose principalement sur l’usage de la technologie pour permettre à la démocratie de fonctionner.

L’histoire commence en 2001, quand un conseiller politique du nom de Joe Trippi s’est engagé en tant que conseiller de la firme Progeny, une entreprise dirigée par Ian Murdock donc le prénom est la deuxième moitié de Debian. Deux ans plus tard Joe dirigeait la campagne de Howard Dean. Le succès de cette campagne est largement dû a l’utilisation intelligente (et bon marché) d’Internet… et aussi à beaucoup de trucs open source de geeks. « Je me suis toujours demandé comment on pourrait transposer cette collaboration qui fait avancer Linux et l’open source pour l’appliquer ici », confiait Joe à Larry Lessig en 2003 au cours d’une interview. « Qu’est ce que cela donnerait si l’on pouvait y parvenir et qu’on implique tout le monde dans une campagne présidentielle ? » Quand Larry demanda à Joe si cela faisait de la campagne de Dean un campagne open source Joe répondit « Oui… je suppose qu’elle est aussi ouverte que peut l’être une campagne dans le monde politique actuel. »

Dans son blog, Ian Murdock écrit de Joe : « Après juste une heure de discussion avec lui, Joe comprenait le mouvement open source aussi bien que moi et il a aussi réussi à me faire voir des choses que je n’avais pas vues en 8 ans. »

La première fois que j’ai rencontré Joe c’était par vidéo interposée lors d’une session de chat. Le visage de Joe est apparu sur l’écran de mon portable en Californie tandis que le mien était sur le portable de Britt Blaser, l’ordinateur qu’il trimballait dans les couloirs et les salles de conférences du quartier général de campagne de Dean à Burlington dans le Vermont, un peu comme s’il était un serveur, mais avec un plateau qui parle. Cette visite a été si efficace que je me sentais déjà à l’aise dans le bâtiment quand j’y suis arrivé au plus profond de l’hiver, quand l’énergie de la campagne était à son paroxysme : mi-janvier 2004, la veille du caucus de l’Iowa.

Je garde en mémoire quelques souvenirs en particulier de cette visite. Par exemple celui de Nicco Mele qui s’occupait des racks de serveurs et d’autres appareils électroniques tournant sous LAMP et qui pestait contre le bordel que c’était de faire cohabiter les différents groupes au niveau des états et au niveau local sachant que chaque groupe possédait son propre système informatique créé de toute pièce, ce qui s’avéra être plus un problème qu’une solution. Je me souviens également de Zack Rosen, assis sur une boîte dans le coin d’un bureau avec trois ou quatre autres geeks entrain de hacker quelque chose dans Drupal. Zack s’est lancé dans la campagne avec le site HackersForDean (les hackers en faveur de Dean), qu’il a créé avec Josh Koenig. Un autre souvenir est celui de Daver Winer, il travaillait sur ce qu’il appelle « un projet de flux RSS très intéressant qui doit être lancé juste à temps pour les résultats du caucus de l’Iowa lundi soir ». Dans un message daté du même jour (le 17 janvier), Dave ajoute « Je reste neutre quant aux candidats à l’élection présidentiel. J’ai mes opinions, mais elles n’ont rien à faire dans mon travail technique. Je crois que les outils politiques doivent rester agnostiques. »

Maintenant que j’y repense je pense que j’ai assisté à l’équivalent en politique d’un club d’adeptes de trains miniatures ou d’un club de programmation maison. C’est là qu’est né un nouveau mouvement où l’on met vraiment la main à la pâte. Pour Britt Blaser c’est même « la première campagne dirigée comme un service Web plutôt que comme une campagne marketing disproportionnée ».

Dean s’est retiré de la course après avoir perdu l’Iowa, mais ce ne sont pas les techniciens ou leur code qui se présentaient. C’est à ce moment là que la « Diaspora Dean » s’est attelée à améliorer la démocratie grâce à des technologies libres et ouvertes.

L’un des membres de cette diaspora était Jascha Franklin-Hodge. « De retour à Boston j’ai commencé à reprendre contact avec des amis que j’avais ignoré pendant 6 mois » me racontait Jascha. « Et les gens n’arrêtaient pas de me dire : Ah, tu as travaillé pour Howard Dean, c’est super ! Je me suis rendu à des réunions et je suis devenu volontaire de l’antenne régional du partie démocratique. J’ai fait du porte à porte.. Ce sont des gens qui ne se sont pas contentés de supporter un candidat. Ils voulaient aussi trouver leur propre opinion politique, leur propre talent civique. »

Jasha a donc monté un petit groupe avec trois autres vétérans de la campagne pour Dean ; Clay A. Johnson, Joe Rospars, and Ben Self ; et il a lancé Blue State Digital. Dans un article paru dans le numéro de juin 2008, Business Week voyait Blue Stat Digital comme « l’arme secrète d’Obama ». En juillet, les efforts de Blue State étaient déjà à l’origine de plus de 200 millions de dollars de dons faits en ligne, de 75 000 évènements de campagne et comptaient plus d’un million d’utilisateurs. D’ici à ce que vous lisiez cet articles ces chiffres auront encore largement augmenté.

J’ai pris connaissance du travail réalisé par Blue State Digital pour la campagne Obama le 3 juin dernier par le biais d’un e-mail me redirigeant vers une publicité MyBO intitulée techinterest?foo. Cette publicité visait le recrutement de « développeurs Web exceptionnellement talentueux » possédant « une bonne connaissance des processus de développement LAMP et de leur bonne utilisation, expérience dans le déploiement à grande échelle d’applications Lamp, expérience requise dans la mise au point d’applications en PHP et MySQL et une bonne connaissance des performances de MySQL et de l’optimisation des requêtes » et enfin « utilisateur avancé voir expert en CSS, Javascript et Ajax ». L’e-mail précisait également que le site de campagne de McCain tournait sous Windows.

Mais Blue State n’avait pas vraiment besoin de cette publicité. Jasha me l’explique en ces termes : « Le travail que nous réalisons nous confère un énorme avantage lorsque nous sommes à la recherche de talents. Ce que nous faisons est bien plus important aux yeux de nombreux développeurs que de créer un logiciel pour une banque. Nous souhaitons que des geeks soient heureux en se réveillant le matin et qu’ils se disent Je construis aujourd’hui quelque chose que des millions de personnes utiliseront demain pour aider à changer le monde. »

La campagne Obama ne s’appuie pas trop sur les « réseaux sociaux » comme Facebook ou MySpace. Mais elle excelle dans l’utilisation du réseau pour rendre la campagne sociale dans le monde réel.

Quand je me rends sur MyBO et que je recherches les évènements qui ont lieu dans un rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 64 réponses. On y retrouve : des groupes organisant des rencontres, des concerts, des soirées discours, des réunions aux marchés du terroir et aux fêtes foraines, des levées de fonds auxquelles participent des grands noms, des pique-niques ou des barbecues paroissiaux, des marches pour s’enregistrer sur les listes de vote, du co-voiturage, des rallyes de groupes de jeunes, des cafés organisés par des anciens de l’école… la liste est interminable. Et tout ceci juste pour le mois à venir. Chaque évènement est repéré par un petit symbole sur une carte en ligne. Trois boutons surplombent la liste et la carte : un bouton KML vert pour Google Earth, un bouton XML orange pour les flux RSS et un bouton iCAL vert pour ajouter ces dates à votre calendrier.

À droite de la carte se trouve la colonne my.BarackObama. Du haut vers le bas on retrouve Mon tableau de bord, Mon quartier, Amis, Évènements, Messages, Groupes, Levée de fonds et Mon Blog. Les six derniers sont des menus accompagnés d’un petit « + ». Déroulez ces menus et vous découvrirez 18 façons d’entrer en contact avec d’autres personnes ou de vous engager dans la campagne… voire les deux. Et malgré tout il reste encore beaucoup d’espace inutilisé. La page est conçue pour être rapide, agréable, simple et propre.

Si je me rends sur le site Web de campagne de McCain et que je recherches les évènements se déroulant dans le même rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 16 réponses : 13 enjoignent les gens à s’engager dans des centres d’appels ou par d’autres manières et 3 concernent des fêtes organisées par des individus pour le même « jour national », chacune construite sur le même modèle.

Évidemment ces résultats sont très partiaux car le Massachusetts est non seulement un état très bleu mais c’est aussi là qu’est basé Blue State Digital.

J’ai donc refait le test pour le 85018, le code postal d’un quartier en plein centre de Phoenix : le cœur même du pays McCain. J’obtiens 23 réponses pour des évènements pour Obama et 16 pour McCain. On y retrouve la même variété pour Obama que dans les environs de Boston. Pour McCain on dirait qu’ils ont utilisé un tampon. 13 fêtes sont organisées (principalement par les gens eux-mêmes) pour le même « jour national » qu’à Boston. On dirait qu’ils sont tous sortis du même moule. Trois sont prévus à d’autres dates, parmi ceux-ci deux concernent les vétérans.

Quel est le secret de Blue State alors ? Et quelle est la part de Linux et de l’Open Source dans tout ça ? Voici la réponse de Jascha :

« Nos outils donnent la parole à la créativité des utilisateurs. Si on prend les systèmes d’organisation d’évènements par exemple. Par le passé ils étaient conçus pour qu’une association puisse mettre en ligne son calendrier officiel. C’est très bien, mais c’est loin d’être aussi intéressant que de permettre à vos supporteurs de créer leurs propres calendriers. Nous avons donc mis au point des outils dont la priorité première est d’aider les visiteurs du site à organiser une soirée, un grand ramassage d’ordures le long des routes en portant un t-shirt pour leur camp : de l’évènement le plus mondain au plus innovant. Nous voulions faciliter la création de manifestations, leur planification, augmenter leur visibilité, permettre la gestion des réponses et aider les gens à organiser leurs propres levées de fond.

Les deux services dont nous faisons le plus usage pour les évènements sont les cartographies de Google et de Yahoo ainsi que leurs API de géolocalisation. Nous utilisons votre adresse pour vous géolocaliser grâce à la longitude et la lattitude et nous mettons ces informations à profit pour vous communiquer les évènements proches de chez vous.

Nous possédons beaucoup de bases de données d’informations géographiques. Comme par exemple le centre d’un ZIP+4 désigné par sa longitude et sa lattitude. Nous rentrons également les congressional districts (NdT : zone électorale qui désigne un membre du congrès) pour y regrouper les codes postaux, les informations concernant les sondages, les tracts de sondages, les numéros des pâtés de maison… Si vous remplissez un formulaire d’inscription nous ne vous demandons pas de renseigner toutes ces informations. Si vous faites un don plus tard nous aurons votre adresse à ce moment là si vous ne souhaitez pas la donner tout de suite.

Nous travaillons avec LAMP : Linux, Apache, MySQL, PHP. Nous utilisons beaucoup de librairies et d’outils Open Source comme par exemple YUI et Ext qui sont des librairies d’interfaces utilisateur en javascript. Nous comptons parmi nous le créateur du projet Horde qui est un gros cadre de développement PHP Open Source.

On ne cherche pas à ré-inventer la roue. Par exemple, nous n’écrivons pas notre propre librairie de connexion à la base de données. Nous nous servons de ADOdb, l’une des librairies les plus populaires pour PHP, et de Python aussi. Nous utilisons PEAR, qui est la librairie d’outils PHP. Les modules PEAR nous rendent un fier service pour tout, depuis l’envoi d’e-mail à la mise en cache… On se sert aussi d’outils comme memcached et des utilitaires de surveillance Open Source.

Chez nous les flux RSS sont omniprésents : évènements, blogs… ils nous sont également utiles pour relier en interne des parties de notre propre système, comme par exemple partager des informations entre deux systèmes clients ou entre deux parties de notre système. A chaque fois que c’est possible nous tentons de construire ces points d’échange en respectant les standards. S’ils doivent être ouverts, ou si un client demande un accès direct, nous répondons : pas de problème, utilisez la librairie RSS de votre choix.

Si nous travaillons avec un outil et que nous y ajoutons une fonctionnalité importante ou que nous corrigeons un bogue, nous le partageons évidemment avec les développeurs du projet.

L’interface d’utilisation est, quant à elle, entièrement construite sur-mesure pour des organismes politiques ou à but non lucratif… ou n’importe-qui désirant s’engager dans un projet avec un but en tête. »

Alors que la campagne Obama monopolise l’attention, d’autres hackers de l’équipe initiale, celle de Dean, s’affèrent à travailler sur quelque chose que Obama et McCain ont tous les deux défendus en tant que sénateurs : une gouvernance transparente et responsable. Témoignage de Greg Elin, spécialiste des données à la Sunlight Foundation et pour tous les organismes qu’elle supporte (OpenCongress.org, Congresspedia.org, FedSpending.org, OpenSecrets.org, EarmarkWatch.org, LOUISdb.org…) :

« Presque tous nos projets sont Open Source, mais il arrive qu’on modifie un peu le code et ça prend du temps pour le publier. On n’est pas loin d’avoir convertit tous nos groupes à l’Open Source : MySQL, PostgreSQL, Apache, … La structure est rapidement adoptée : Rails, Django, Symfony…

Dernièrement je m’intéresse plus particulièrement aux scripts dynamiques, ce que j’appellerai des ensembles de données “débiter et terminer” en opposition à ce que Jeff Jonas appelle des ensembles de données entreposer et empiler. Les scripts dynamiques c’est ce qui fait Unix ! C’est à dire que chaque application a des données d’entrée et des données de sortie. Nous laissons derrière nous le monde des bases de données-créer-rapport pour entrer dans le monde des RSS en entrée et RSS en sortie.

Voici deux exemples de flux. Une base de données Sunlight, LouisDB.com, épluche le Congressional Daily Record quotidiennement, transformant son contenu en un fichier XML. Garrett Schure (développeur chez Sunlight Labs) et Josh Ruihley ont mis au point un algorithme de comptage de mot pour présenter le Mot du Jour du Congress et le microsite http://capitolwords.org, site qui date de 2001 et qui dispose d’un flux RSS, d’API et d’un widget que les gens peuvent incorporer à leur site. Louisdb.com facilite la recherche du contenu du Congressional Record. Un script est même disponible maintenant pour en faire du contenu pour Tweeter que d’autres peuvent utiliser aussi. Le deuxième exemple vient de MySociety: TheyWorkForYou. En analysant les archives quotidiennes du parlement et les votes il dresse un portrait de qui fait quoi au parlement. Et enfin, de nombreux sites s’appuient sur le travail de Josh Tauber http://govtrack.us b/c. Josh rassemble toutes les données qui ont trait aux lois votées au Congrès et les transforme en XML. Les données de Josh sont ouvertes, tout comme son code. C’est une contribution énorme. »

Et que devient Howard Dean ? Tout va bien pour lui, en 2005 il est devenu président du comité national démocratique. Son ancien site de campagne, DeanForAmerica, s’est doucement transformé en DemocracyForAmerica, qui soutient de nombreux candidats et non plus un seul. Jascha nous raconte : « Il a rassemblé toutes ces personnes, dont certaines avaient pris les rênes de leur antenne locale du parti démocrate, et les a aidé à canaliser cette énergie et cet esprit citoyen dans le but de faire élire les candidats défendant la démocratie et le progrès dans tout le pays. Ils ont fait des levées de fond. Ils ont mis en marche le bouche à oreille, coordonné les volontaire. Ici même à Boston un conseiller municipal, Sam Yoon, a emporté son siège haut la main grâce au formidable support de DFA. Tous ceux qui ont fait campagne pour Dean sont devenus des supporteurs de Yoon. »

Britt Blaser :

« Avant Dean, les hommes politiques ne savaient pas qu’Internet avait été créé par des “makers” et non pas par des “machers”, terme politique qui désigne ces personnes qui naviguent en politique grâce à leur influence, l’argent et l’intimidation. L’équipe de campagne de Dean, ses “makers”, est la graine d’une nouvelle classe d’experts en politique, une nouvelle classe qui se concentre sur les moyens et non sur la fin. Tout comme les hackers de Linux, les makers de Dean ont agi comme un guilde plutôt que comme des partisans et de la même manière ils se sentaient plus proches des personnes qui ne participaient pas à la campagne que de leurs supérieurs. Puisqu’ils sont tous volontaires, l’idée de supérieur ne signifiait pas grand chose à leurs yeux. Ils étaient à la recherche de collaborateurs en dehors de la campagne avec un objectif politique en tête. Mais les outils qu’ils ont élaborés s’accordent particulièrement bien avec les objectifs gouvernementaux puisque tout problème devient une loi après une campagne réussie pour les cœurs et les esprits et l’argent. »

Ce qui est très bien, mais est-ce suffisant. De tous les contacts que j’ai eu avec des anciens de la campagne de Dean, il y en a un qui se démarque des autres, celui avec Liza Sabater. Elle se plaignait du dernier né : CivicSpaceLabs (une création de Zack Rosen et d’autres personnes) et elle n’était pas la seule. Sa synergie avec Drupal a fait des merveilles et ce n’est pas tout.

« La vérité est qu’il n’existait aucun autre projet Open Source dont les promesses arrivaient à la cheville de celles de CivicSpaceLabs » nous dit Liza. « Et c’est là, à mes yeux, la différence fondamentale entre les élections de 2004 et de 2008. Malgré tout ce qu’on peut dire à propos de la campagne Obama, qu’elle s’appuie sur le net et qu’elle est avant-gardiste, le code du site est quand même propriétaire. Et je ne prédis pas d’ouverture du code pour que n’importe qui puisse répliquer ce qu’ils ont créé. Il en va de même d’ailleurs pour MoveOn.org, Democracy For America et même des outils d’organisations créés par le DNCC. »

Aucune des deux campagnes ne laissent une bonne impression à Phil Windley, ancien président de Utah : « Ce que je vois, c’est que le Net est perçu comme un grande média de diffusion de masse avec une tirelire intégrée. »

Greg Elin met ce déséquilibre en perspective :

« Les programmeurs et technologues qui ont grandit avec le Web et l’Open Source ont commencé à entrer dans l’arène politique, ou e-politique, ces dernières années et ils amènent avec eux les outils et les pratiques de l’Open Source et du Web 2.0. Ils collaborent, et des fois font concurrence, des technologues déjà en place qui était souvent des activistes qui ont appris à se servir d’abord des feuilles de calculs, des bases de données et de la publication et ensuite du Web pour faire passer leurs messages. Nous assistons donc à une geek-i-fication générale, des campagnes aux groupes gouvernementaux et même du gouvernement lui-même. Plus d’Open Source. Plus de structure. Plus de communication entre les développeurs. C’est encore loin d’être beau et lisse, mais une chose est sûr, on y arrive progressivement. Le point de non retour a été atteint maintenant en politique, la seule question qui reste en suspend concerne l’impact que cela aura. »

Dans une démocratie les candidats ne devraient pas être vendus comme des produits ou des marques. L’image compte, mais elle reste superficielle. La substance de la démocratie est ce que les hackers ont appris sur la durée : la liberté de faire, la liberté d’être, l’ouverture, la générosité et la responsabilité constructive. Le meilleur code n’est pas celui qui gagne, c’est celui qui marche. Il nous faut poursuivre cet effort maintenant et il nous faut l’enseigner aussi.

Notes

[1] Crédit photo : Marcn (Creative Commons By)




Et si cela ne servait plus à rien de mémoriser et d’apprendre par coeur ?

Jesse Gardner - CC by-saIl arrive que Framalang s’aventure parfois parfois en dehors des sentiers battus du logiciel libre, en particulier lorsqu’il s’agit d’éducation (comme ce fut par exemple le cas pour notre traduction tentant de comprendre le fameux système finlandais).

Aujourd’hui nous mettons un peu les pieds dans le plat en interrogeant la pertinence d’un des socles de l’éducation du millénaire précédent, à savoir la mémorisation et le « par cœur ». Est-ce que le numérique, et son accès immédiat à des informations telles que celles de Wikipédia (via nos appareils nomades connectés en permanence), change la donne ? Telle est la question.

Une question qui rejoint le débat sur la capacité de concentration déclinante des élèves de la nouvelle génération[1] alors que s’élèvent leurs capacités de sélection et de prise de décision rapide dans un univers saturé d’informations[2].

Éducation 2.0 : la fin du par cœur ?

Education 2.0: Never Memorize Again?

Sarah Perez – 2 décembre 2008 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Don Rico, Penguin et Olivier)

Apprendre par cœur est une perte de temps lorsqu’on n’est qu’à quelques clics de Google. Telle est la conviction de Don Tapscott, auteur de Wikinomics et Growing Up Digital, deux livres à grand succès. Tapscott, que beaucoup considèrent comme un commentateur influent de notre ère de l’Internet, pense que le temps de l’apprentissage par la mémorisation des faits et des chiffres touche à sa fin. Il estime que l’on devrait plutôt enseigner aux écoliers et aux étudiants à fournir une réflexion créative et à mieux comprendre les connaissances disponibles en ligne.

Apprendre par cœur ? Une perte de temps

D’après Tapscott, l’existence des Google, Wikipédia et autres bibliothèques en ligne induit que l’apprentissage par cœur n’est plus un élément nécessaire de l’éducation. « Le puits de science, ce n’est plus l’enseignant, c’est Internet », a déclaré Tapscott dans un entretien donné au Times. « Les enfants doivent certes apprendre l’histoire pour comprendre le monde et savoir pourquoi les choses sont comme elles sont. En revanche, inutile de connaître toutes les dates sur le bout des doigts. Il leur suffira de savoir ce qu’a été la bataille d’Hastings sans forcément devoir retenir qu’elle a eu lieu en en 1066[3]. Ça, ils peuvent le chercher et le situer sur l’échelle de l’Histoire en un clic sur Google, » a-t-il expliqué.

Il estime que cette méthode d’apprentissage n’a rien d’anti-pédagogique, puisque les renseignements que nous devons tous digérer nous parviennent à une cadence étourdissante. « Les enfants vont devoir réinventer leurs bases de connaissances de nombreuses fois, » poursuit-il. « Pour eux, mémoriser des faits et des chiffres est donc une perte de temps. »

Aux yeux des générations précédentes, qui ont grandi en devant apprendre par cœur dates historiques et formules mathématiques, l’idée que la mémorisation ne fasse pas partie de l’expérience de l’apprentissage est assez choquante. Allons, il est indispensable de savoir exactement en quelle année un évènement s’est produit… n’est-ce pas ? À moins qu’il soit plus utile de n’en avoir qu’une idée approximative de façon à se concentrer davantage sur une meilleure compréhension de son contexte et de son sens ?

Un cerveau câblé

Les écoliers d’aujourd’hui grandissent dans un monde où, par leur capacité à faire plusieurs choses en même temps, ils sont totalement plongés dans l’univers numérique. Ils envoient des textos et surfent sur Internet tout en écoutant de la musique et en mettant à jour leur page Facebook. Cette « attention partielle permanente » et ses effets sur notre cerveau est un sujet qui fait actuellement largement débat dans les milieux pédagogiques. Sommes-nous en train de perdre notre capacité de concentration ou notre cerveau s’adapte-il à un afflux continu de stimuli ?

Un nouvel ouvrage traitant de ce sujet, « iBrain: Surviving the Technological Alteration of the Modern Mind, »[4] émet l’hypothèse que cette exposition au Web a des conséquences sur la façon dont le cerveau forge les chemins neuronaux. Câbler ainsi notre cerveau accroît notre capacité à trier les informations, à prendre des décisions rapides et à séparer le bon grain de l’ivraie numérique, mais en revanche, nous perdons de notre aptitude à nous concentrer de façon soutenue, à déchiffrer le langage corporel et à nous faire des amis dans le monde réel.

Si notre cerveau est réellement en train de modifier son câblage, la logique ne voudrait-elle pas que nous adaptions aussi notre façon d’enseigner aux élèves ? À vrai dire, ceux qui le pensent ne sont pas légion. La plupart des pédagogues, tel Richard Cairns, proviseur du Brighton College, un des meilleurs établissements privés d’Angleterre, estiment que posséder des bases de connaissances solides est essentiel. « Il est important que les enfants apprennent les faits. Si l’on ne peut puiser dans aucune réserve de connaissances, difficile de participer à un débat ou de prendre une décision éclairée, » affirme-t-il.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Notes

[1] On pourra lire à ce sujet les deux ouvrages de Bernard Stiegler : Prendre soin, de la jeunesse et des générations et La Télécratie contre la démocratie.

[2] Crédit photo : Jesse Gardner (Creative Commons By-Sa)

[3] La bataille d’Hastings est une date très importante dans l’histoire de l’Angleterre, puisque c’est celle du début de l’invasion de l’île par Guillaume le Conquérant. Un équivalent français pourrait être la prise de la Bastille.

[4] « iCerveau : survivre à l’altération de l’esprit moderne par la technologie. »